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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 53

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 25 juin 1998
(Séance de 10 heures 00)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

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– Suite des auditions dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation agricole (n° 977) :

 

·  M. Roger Perret, secrétaire de la Fédération nationale agro-alimentaire et forestière (FNAF-CGT)


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·  M. Gilbert Capp, secrétaire national de la Fédération générale agro-alimentaire (FGA-CFDT)


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·  Mme Marie-José NICOLI, Présidente de l’Union fédérale des consommateurs (UFC)

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La commission a poursuivi ses auditions dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation agricole (n° 977) et a entendu tout d’abord M. Roger Perret, secrétaire de la Fédération nationale agro-alimentaire et forestière (FNAF-CGT).

M. Roger Perret a tout d’abord remercié le président de la commission pour son invitation, initiative qui permet pour la première fois aux organisations syndicales de salariés de l’agriculture de s’exprimer sur un projet de loi relatif au secteur. Il n’en demeure cependant pas moins que la partie du projet relatif à l’emploi salarié devrait être largement modifiée pour permettre aux travailleurs d’obtenir des avancées sociales réelles.

Il a rappelé que, si la production agricole occupait plus de 800 000 salariés, seuls 150 000 d’entre eux bénéficiaient d’un emploi permanent, les autres, saisonniers ou travailleurs à temps partiel, travaillant sous divers régimes précaires. En outre, les qualifications professionnelles importantes qu’ils mettent en œuvre ne sont pas reconnues, ce qui est néfaste tant pour les salariés eux-mêmes que pour le développement économique du secteur.

Il a estimé que l’emploi permanent, qualifié et mieux rémunéré était une exigence de la lutte contre le chômage et pour la revalorisation des métiers des salariés agricoles. Dans cet objectif, il a proposé que le maintien et le développement de l’emploi, salarié ou non, soit pris en compte dans le cadre des aides financières au contrat territorial d’exploitation.

De même, la FNAF-CGT propose que le projet de loi fixe les contours et les aspects sociaux des groupements d’employeurs. L’organisation syndicale demande également la suppression du dispositif instituant le titre emploi simplifié agricole (TESA). En effet, sous couvert de simplification administrative, le TESA généralisé à tous les types de contrats à durée déterminée institutionnalise et aggrave encore la précarisation de l’emploi en agriculture. Il représente ainsi un recul social de plusieurs décennies et rétablit l’utilisation des journaliers agricoles.

Parallèlement aux exigences d’amélioration sociale, la FNAF-CGT estime que les salariés de l’agriculture doivent se voir reconnaître toute leur place dans les diverses instances où sont abordées les questions qui les concernent. Il en va ainsi des conditions de participation des salariés aux activités des commissions départementales d’orientation de l’agriculture. Il faut prévoir sur ce point l’attribution de moyens en temps et la prise en charge des frais de transport. Il est également proposé que les organisations syndicales de salariés soient pleinement associées aux interprofessions.

Par ailleurs, les propositions du projet de loi concernant l’élargissement du conseil supérieur d’orientation (CSO) paraissent inadmissibles et provocatrices. Si la volonté d’intégrer les associations de consommateurs et de protection de l’environnement est justifiée, elle n’en rend que plus intolérable l’absence des salariés. Ne pas donner de droit toute leur place à ces derniers au sein du CSO, au travers de leurs organisations syndicales représentatives au plan national, traduirait un ostracisme d’un autre âge, alors que le patronat, représenté par l’ANIA, est appelé à siéger.

M. Roger Perret a ensuite abordé les dimensions sociales du projet de loi, estimant que cet aspect était loin d’être suffisamment développé, notamment en ce qui concerne la formation professionnelle ou la protection sociale. Cependant, l’obligation de créer, dans les entreprises de moins de 50 salariés, des comités départementaux des activités sociales et culturelles, constitue une avancée significative. Il est normal d’apporter, même si c’est avec un retard d’un demi-siècle par rapport aux autres salariés, aux salariés agricoles dispersés cet acquis leur permettant de bénéficier d’avantages collectifs. Les conditions de l’obligation légale de constituer de tels comités devront être précisées dans la loi, afin de garantir leur mise en place effective.

S’agissant de la constitution et du fonctionnement de commissions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, celles-ci sont loin de correspondre encore aux institutions existant dans d’autres secteurs. Si cette disposition représente néanmoins un premier pas, il est proposé de l’améliorer, notamment quant aux conditions de désignation des représentants des salariés par organisation syndicale représentative au niveau national dans les branches professionnelles concernées. Il conviendra en outre de donner à ces représentants des moyens supplémentaires leur permettant d’assumer leurs missions dans de bonnes conditions.

M. François Patriat, rapporteur, a déclaré partager l’analyse relative au déficit de représentation des salariés au sein de la filière de l’agriculture et de la forêt.

Il a demandé des précisions sur la position de la FNAF-CGT à l’égard des aspects sociaux liés au régime des groupements d’employeurs.

Prenant l’exemple des emplois saisonniers liés aux vendanges, il a estimé, au contraire de l’opinion émise, que le titre emploi simplifié agricole (TESA), en facilitant les formalités d’embauche de salariés agricoles, favoriserait la réduction du recours au travail dissimulé.

Soulignant que la composition professionnelle du Conseil supérieur d’orientation donnait beaucoup d’importance à la filière de la transformation, il a déclaré ne pas avoir d’objection à la représentation en son sein des salariés de l’agriculture.

M. Joseph Parrenin, rappelant l’importance du travail saisonnier en agriculture, a demandé s’il ne serait pas préférable de contenir le dispositif du titre emploi simplifié agricole (TESA), plutôt que de vouloir le supprimer, protégeant ainsi mieux les emplois permanents.

En réponse aux intervenants, M. Roger Perret, secrétaire, a apporté les précisions suivantes :

– il est appréciable que l’analyse des organisations syndicales de salariés agricoles soit étudiée par l’Assemblée nationale ;

– le meilleur moyen de résoudre les problèmes des salariés agricoles est d’assurer le rattrapage de leurs conditions d’emploi et de travail par rapport aux autres secteurs ;

– l’objectif premier de la FNAF-CGT est d’aboutir à un régime d’emploi permanent pour les salariés de l’agriculture, à l’opposé des emplois précaires.

S’agissant des groupements d’employeurs, il est, dans cette perspective, nécessaire que leurs conditions de fonctionnement soient clairement circonscrites, notamment du point de vue de la proximité géographique entre les employeurs, afin d’éviter au salarié des déplacements aux extrémités du département. Par ailleurs, l’accroissement des qualifications requises des salariés rend difficilement concevable des cas où le salarié est partagé entre plus de trois employeurs. Dans le but de mieux définir les aspects juridiques et sociaux de l’emploi, la FNAF-CGT avait émis l’idée de mise en place de groupements de salariés ;

– s’agissant du titre emploi simplifié agricole, dont la finalité porte atteinte aux contrats de travail à durée indéterminée, il serait inconcevable que l’on en revienne au système où le salarié allait proposer ses services de ferme en ferme. Refusant le principe de la généralisation du titre emploi simplifié agricole, la FNAF-CGT demande le retrait de cet article du projet de loi ;

– la représentation des salariés au sein du CSO, nécessite une modification du texte du projet de loi.

Mme Jocelyne Hacquemand a ensuite précisé qu’alors que jusqu’ici le titre emploi s’appliquait aux seuls saisonniers, le projet de loi vise à l’étendre à l’ensemble des salariés agricoles sous contrat de travail à durée déterminée ; c’est à cette extension que s’oppose la FNAF-CGT car elle ne peut qu’aboutir à renforcer la précarisation de l’emploi. Ainsi, un agriculteur pourrait être incité à recourir sur l’année, plutôt qu’à un emploi de contrat à durée indéterminée à l’accumulation de contrats à durée déterminée successifs.

Le président André Lajoinie a remercié les différents intervenants de leurs propositions de modification du projet de loi d’orientation agricole. Il a relevé le caractère constructif de la discussion relative au Conseil supérieur d’orientation (CSO), et la nécessité d’approfondir la réflexion relative au titre emploi simplifié agricole (TESA), la suppression de l’article 27 du projet de loi proposant ce mécanisme ne lui semblant pas une solution satisfaisante car elle impliquerait le retour à l’application de la législation existante qui est notoirement insuffisante en matière de lutte contre la précarité de l’emploi.

MM. Joseph Parrenin et François Patriat, rapporteur, ont alors indiqué que le groupe socialiste réfléchirait à un amendement à l’article 27 du projet de loi sur ce point.

M. Roger Perret s’est déclaré favorable à la création de comités départementaux des activités sociales et culturelles, mais il a exprimé sa crainte que ceux-ci ne demeurent qu’un voeu pieux. Il a déclaré partager l’objectif qui sera celui de ces comités, mais il a souhaité que la représentation nationale amende le texte du projet de manière à rendre obligatoire la création de ces comités. Cette obligation permettrait d’éviter d’assujettir leur création au bon vouloir d’une seule partie.

M. François Patriat, rapporteur, s’est étonné de la proposition de la FNAF-CGT visant à ce que la représentativité des salariés au sein des commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture soit assurée par les organisations syndicales « reconnues représentatives » et non par les organisations « les plus représentatives ». Cette proposition lui aurait paru plus compréhensible si elle avait émané d’un syndicat minoritaire.

Mme Jocelyne Hacquemand a indiqué que l’avant-projet de loi, dans la version transmise au Conseil d’Etat, prévoyait pour les commissions paritaires un collège salarié où étaient représentées les cinq organisations syndicales représentées nationalement. Le texte du projet de loi ne fixant pas le nombre d’organisations syndicales qui seront représentées, le terme d’organisations « reconnues représentatives » leur a paru plus adapté car il permet d’éviter le problème qui pourrait se poser si le nombre d’organisations syndicales représentées était inférieur à cinq.

M. François Patriat, rapporteur, a apporté son soutien à la proposition de la CGT relative aux groupements d’employeurs, mais il a émis des doutes sur l’opportunité de limiter le nombre d’employeurs à trois, en revanche il lui a paru souhaitable de délimiter géographiquement l’aire de ces groupements.

M. Joseph Parrenin a évoqué à ce sujet les régions d’élevage et la pratique fréquente pour les salariés agricoles de travailler chez plus de trois employeurs, voire même bien plus pendant une année. Il a estimé qu’il serait plus intéressant d’introduire une limitation géographique.

M. Roger Perret a indiqué que le salarié agricole qui travaillait chez une quinzaine d’employeurs n’effectuait pas le même genre de travail et qu’il y avait là un manque de cohérence. Il ne s’est pas déclaré opposé à une limitation géographique, l’essentiel étant de permettre au salarié agricole d’avoir un emploi permanent et donc une rémunération tout au long de l’année.

M. Roger Lestas s’est demandé si le travail des salariés agricoles dans le cadre des groupements d’employeurs ne permettait pas une sorte de rattrapage de leur formation, dans les régions d’élevage notamment.

Le président André Lajoinie a souligné l’intérêt d’offrir aux salariés agricoles ayant plusieurs emplois une structure solide, de manière à leur permettre d’acquérir un véritable métier.

M. Jean-Michel Marchand, au vu des différences entre les conventions collectives des viticulteurs et celles des arboriculteurs, s’est interrogé sur la convention applicable en cas de groupements d’employeurs.

M. Roger Perret a rappelé qu’il existait environ 230 conventions collectives, généralement départementales et distinctes suivant les professions. Il convient de prendre en compte cette situation historique qui n’est pas forcément idéale, l’essentiel étant bien entendu les contenus de ces conventions qui posent certains problèmes et peuvent aboutir à de graves distorsions en termes de garanties sociales.

Il a insisté sur l’obligation de créer des comités départementaux des activités sociales et culturelles, de manière à éviter que des situations différenciées n’apparaissent selon les départements.

M. Jean-Luc Bindel a observé qu’il existait des dérives fortes dans la pratique des groupements d’employeurs, certaines coopératives pouvant utiliser jusqu’à 50 ou 70 salariés de ce type, notamment dans les Landes et le Gers. Il lui paraît donc nécessaire de limiter et de mieux préciser quels employeurs peuvent être adhérents à ce type de groupement.

——fpfp——

La commission a ensuite entendu M. Gilbert Capp, secrétaire national de la Fédération générale agro-alimentaire (FGA-CFDT).

M. Gilbert Capp, après avoir rappelé qu’il avait participé aux travaux du Conseil économique et social sur l’avant-projet de loi d’orientation agricole, a regretté que le texte se cantonne au secteur agricole sans traiter des autres aspects de l’activité en milieu rural. Indiquant ensuite que les grandes orientations proposées étaient positives, notamment la multifonctionnalité de l’agriculture, il a fait observer que le contrat territorial d’exploitation marquait un changement important : depuis 1992, l’évolution du soutien accordé aux prix à un soutien aux facteurs de production a entraîné une concentration des exploitations ; le projet de loi s’inscrit au contraire dans une logique de contractualisation. Cependant, il reste modeste et flou quant au financement du système ; de plus, l’emploi n’est pas affiché comme objectif prioritaire du contrat territorial d’exploitation. La Fédération générale agro-alimentaire-CFDT avait proposé que la plupart des soutiens aux agriculteurs soient contractualisés, mais cette proposition n’a pas été retenue dans l’avis du Conseil économique et social présenté par Mme Christiane Lambert.

Puis, M. Gilbert Capp a indiqué que le renforcement du rôle des commissions départementales d’orientation de l’agriculture, prévu par le projet de loi, risquait d’aggraver le problème de la participation des représentants des salariés agricoles qui peuvent difficilement quitter leurs exploitations pour assister aux réunions.

Abordant ensuite le volet du projet de loi concernant l’emploi salarié, il a estimé que la création du titre emploi simplifié agricole constituait un progrès pour les travailleurs saisonniers, mais que les expérimentations réalisées montraient également les défauts du dispositif. Si son efficacité est avérée pour lutter contre le travail clandestin, certains exemples attestent qu’une application quelque peu laxiste peut se retourner contre les salariés ; ainsi, la transformation d’un contrat à durée déterminée en titre emploi simplifié agricole entraîne la suppression de la prime de précarité de sortie du contrat. Il est donc souhaitable d’encadrer le recours à cette formule en limitant sa durée à un (ou deux) mois maximum et en organisant un contrôle paritaire par les commissions mixtes chargées de négocier les conventions collectives dans les départements. La notion de travail saisonnier devrait, en outre, être définie de façon plus stricte, comme le prévoit d’ailleurs un accord tripartite signé en 1993 par la FNSEA, le ministre de l’agriculture et les organisations de salariés agricoles. En outre, il serait utile de supprimer l’exonération des cotisations sociales pour les contrats de moins de 100 jours.

M. Gilbert Capp a également souligné que, si la pluriactivité était prise en compte dans le projet de loi, elle ne l’était que pour les exploitants et non pour les salariés agricoles. Or de nombreux salariés travaillent à la fois sur une exploitation et dans une autre entreprise, de même que certains exploitants agricoles exercent par ailleurs une activité salariée. Ces situations posent des problèmes, notamment en matière de protection sociale ; la Mutualité sociale agricole devrait être la caisse-pivot de règlement de ces difficultés.

M. François Patriat, rapporteur, a tout d’abord indiqué que le projet de loi d’orientation agricole était à l’évidence centré sur ce secteur d’activité dans la mesure où un autre projet de loi, sur lequel le Conseil économique et social travaille actuellement, traitera de l’aménagement et du développement du territoire dans sa globalité. Il a également fait observer que la contractualisation ne pouvait être élargie aux droits à produire, car il s’agit d’aides compensatoires, non pérennes, relevant de la réglementation communautaire. Après qu’il eût souligné que le travail saisonnier devait être mieux encadré et regretté le développement de la précarité pour les salariés, il a estimé que le titre emploi simplifié agricole était un bon instrument pour lutter contre le travail clandestin et faciliter la création d’emplois. Puis, il a demandé des précisions sur la contradiction relevée par M. Gilbert Capp entre la pluriactivité des exploitants et celle des salariés.

M. Léonce Deprez a estimé que les salariés agricoles étaient, à certains égards, les « parents pauvres » des salariés français et il a indiqué qu’il était très souvent heurté par le peu de considération qui est témoignée aux ouvriers agricoles. Il a demandé également à M. Gilbert Capp de quels moyens humains et matériels disposait son organisation et fait part de sa réticence à l’égard du vocable « saisonnier ». Il a rappelé qu’il était l’initiateur de l’« économie plurisaisonnière » et jugé que la plurifonctionnalité de l’agriculture, objectif du projet de loi, pourrait sans doute contribuer à approfondir ce projet, le but ultime étant en définitive la permanence des emplois. M. Léonce Deprez a demandé enfin à M. Gilbert Capp si les nouvelles générations d’agriculteurs ne lui semblaient pas témoigner de mentalités plus modernes et plus désireuses que les précédentes de créer des emplois permanents indispensables au bon fonctionnement de leurs entreprises.

M. Joseph Parrenin a demandé si les caisses de mutualité sociale agricole ne pourraient pas jouer un rôle utile de « caisses pivots », de manière à aider au développement de la pluriactivité.

En réponse aux intervenants, M. Gilbert Capp, secrétaire national, a apporté les précisions suivantes :

– le Conseil économique et social est, en effet, saisi de l’avant-projet de loi d’orientation pour l’aménagement durable du territoire, mais celui-ci n’est pas examiné par la section de l’agriculture et de l’alimentation et l’on peut craindre que le monde rural ne soit véritablement pris en considération ni dans la loi d’orientation agricole, ni dans ce texte ;

– l’élargissement des contrats territoriaux d’exploitation aux droits à produire n’est pas possible aujourd’hui, mais le Gouvernement pourrait proposer à nos partenaires européens d’engager une démarche de contractualisation des soutiens dans le cadre de la réforme de la PAC ;

– le titre emploi simplifié agricole n’est qu’un outil de lutte contre le travail clandestin et non un moyen de créer des emplois ; selon la Fédération générale agro-alimentaire-CFDT, il faut absolument assurer le respect par les employeurs des obligations nées du contrat de travail et éviter les dérives ;

– le projet de loi définit les activités de diversification de l’exploitant, reconnaissant ainsi la multifonctionnalité de l’agriculture ; à cet égard, il faut veiller à ce que ces activités ne créent pas de distorsions de concurrence, avec le secteur artisanal notamment. Il est également nécessaire de rechercher des solutions aux problèmes posés par la pluriactivité des salariés ; l’on pourrait, par exemple, s’inspirer de la situation des ouvriers sous statut privé de l’Office national des forêts travaillant comme perchistes dans les stations de sport d’hiver qui bénéficient, dans certains cas, de la continuité de leur contrat de travail ;

– l’image traditionnelle du salarié agricole ne correspond plus à la réalité agricole d’aujourd’hui ; les salariés agricoles sont aujourd’hui souvent très qualifiés, notamment parce que la formation professionnelle initiée par les syndicats de salariés aussi bien que patronaux s’est beaucoup développée ; les salariés agricoles sont aujourd’hui sortis de leur ghetto, même si l’emploi agricole s’est beaucoup précarisé au cours des dernières années ;

– les groupements d’employeurs ont créé une dynamique importante, comme le montre notamment l’exemple de la région Poitou-Charentes ; il est positif à cet égard que la loi d’orientation améliore les conditions de leur création ;

– la Fédération générale agro-alimentaire-CFDT n’a pas demandé que la loi d’orientation agricole traite en particulier du salariat et aurait sans doute préféré que les dispositions en cause figurent dans un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre social ;

– les caisses de mutualité sociale agricole pourraient effectivement jouer un rôle utile de « caisses pivots » en milieu rural ; il s’agit là d’une revendication souvent exprimée, s’appuyant notamment sur le fait que ces caisses constituent un « guichet unique » en matière de risques maladie, vieillesse et famille ; de plus, elles jouissent d’une implantation sur l’ensemble du milieu rural ;

– le concept de plurisaisonnalité semble très positif ; quant à l’attitude des jeunes générations d’exploitants, elle est effectivement sensiblement différente de celle de leurs prédécesseurs, les jeunes agriculteurs étant souvent plus favorables à des emplois permanents et considérant les salariés comme des assistants de production ; en toute hypothèse, la situation des salariés agricoles diffère selon les secteurs ainsi que leur degré de qualification, plus élevé dans le secteur des grandes cultures ou animales que dans celui des fruits par exemple.

——fpfp——

La commission a enfin entendu Mme Marie-José Nicoli, Présidente de l’Union fédérale des consommateurs (UFC).

Mme Marie-José Nicoli a fait observer que le but des précédentes lois d’orientation agricole était de produire pour nourrir tous les Français, mais cette démarche a généré de multiples points noirs : champs en jachère et élevages en batterie ; concentration de la production, d’où une désertification de certains espaces ; hyperdéveloppement des filières céréalières et recherche agricole consacrée uniquement à l’industrie agro-alimentaire ; diminution dramatique du nombre des petites et moyennes exploitations au profit des grandes entreprises seules capables de tenir des rendements élevés et des prix compétitifs ; aides à la production préférées aux aides à la personne, ce qui a créé des excédents coûteux à résorber ; emploi de produits fertilisants et de procédés de culture et d’élevage désastreux pour la santé du consommateur et l’environnement ; technocratie agricole de plus en plus envahissante qui nous éloigne de la culture et de l’animal ; manque important d’information sur les produits pour le consommateur. La prochaine loi doit favoriser le développement d’une agriculture diversifiée, qui tout en consolidant sa place sur les marchés internationaux, puisse convenir, en termes de sécurité, de qualité et de diversité, à l’ensemble des Français.

Elle a ensuite fait valoir que le projet de loi d’orientation agricole devait prendre en compte explicitement les fonctions économiques mais aussi territoriales et consuméristes de l’agriculture moderne. Les exploitations agricoles ne produiront durablement que si elles prennent en compte les exigences de protection et de renouvellement des ressources naturelles ainsi que les préoccupations des consommateurs. Si elles ne le font pas, c’est leur capacité à produire et à commercialiser qui sera remise en cause. En clair, le respect de l’environnement et l’écoute des préoccupations des consommateurs constituent deux conditions à la pérennité des exploitations agricoles.

Les principes auxquels l’UFC-Que Choisir est attachée en matière d’agriculture peuvent se décliner ainsi : durabilité, sécurité sanitaire, diversité et qualité. Ils doivent faire partie des objectifs majeurs de la politique agricole.

La durabilité signifie que l’agriculture doit être respectueuse de l’environnement et de la préservation des ressources. Elle maintiendra ainsi son potentiel de production pour les générations futures en ne détruisant pas la biodiversité.

La sécurité sanitaire est un droit pour tous et le préalable nécessaire pour préserver la confiance des consommateurs ; elle doit être garantie pour toutes les catégories de population et pour tous les produits alimentaires. En particulier, l’interdiction des hormones doit être maintenue, l’utilisation des antibiotiques doit devenir l’exception et l’usage des pesticides doit être fortement limité. La sécurité sanitaire ne doit pas relever d’une démarche de qualité.

La diversité, dans le domaine des espèces rustiques, tant animales que végétales, est nécessaire aux goûts, aux modes d’alimentation et aux besoins différents des consommateurs, afin qu’ils puissent trouver tous les types de produits agricoles (standards, biologiques, issus de l’agriculture raisonnée, organismes génétiquement modifiés – pourquoi pas – sous réserve qu’ils apportent une amélioration aux consommateurs, etc.).

La qualité doit être multiple car les consommateurs ont des besoins, des goûts, des budgets différents et parce que le mode de consommation d’un produit conditionne la qualité du produit qu’on achète.

Mme Marie-José Nicoli a ensuite indiqué que les titres I, IV et VI du projet de loi intéressaient plus particulièrement l’UFC-Que Choisir.

Concernant le contrat territorial d’exploitation, elle a constaté que les politiques agricoles avaient jusque là tenu compte de critères économiques sans se soucier des critères sociaux et environnementaux et encore moins des attentes des consommateurs. En particulier, elle a rappelé que le monde agricole devait demeurer autant le garant de la qualité des matières alimentaires que le gestionnaire de notre environnement rural.

A la lecture du projet de loi, elle s’est demandée si ces futurs contrats territoriaux d’exploitation n’omettaient pas trop les questions de sécurité et de qualité des productions. En particulier, les assurances en matière de sécurité sanitaire devraient être un des éléments de la contractualisation. Or les termes de conditions de production utilisés par le projet de loi sont vagues.

Par ailleurs, les contrats territoriaux d’exploitation devraient permettre la viabilité des entreprises agricoles (quelles que soient leur taille, leurs spécificités, leur localisation), la transmissibilité et la reprise de ces entreprises, l’installation de jeunes agriculteurs, etc. De même, une réflexion sur les aides devrait être engagée afin de les réévaluer et remettre à plat les mécanismes. En effet, les choix faits en France et en Europe en matière de soutien des prix ont des défauts majeurs : ils encouragent trop la production et donc favorisent les surplus ; ils sont profondément inégaux puisque les primes sont captées en majorité par les grandes exploitations (80 % des aides vont vers 20 % des exploitations) ; d’une façon générale, elles sont distribuées quasiment proportionnellement à la taille des exploitations.

Elle a conclu que le contrat territorial devra intégrer l’ensemble des critères économiques et sociaux, environnementaux et sanitaires et avoir comme objectifs le maintien de la profession et une rédéfinition des soutiens à l’agriculture, la suffisance alimentaire, la sécurité et la qualité des productions, la préservation de l’environnement et le respect des ressources.

En matière de qualité et d’identification (titre IV du projet de loi), elle a fait observer que les consommateurs avaient des besoins, des vies et des budgets différents et qu’il était donc naturel qu’ils puissent trouver plusieurs niveaux de qualité pour un même produit. A cet égard, elle a souligné que quel que soit le niveau de qualité, et a fortiori pour les produits bas de gamme, la sécurité sanitaire était indispensable. La sécurité sanitaire ne doit pas rentrer dans les critères de qualité car elle est due aux consommateurs.

Aujourd’hui en France il existe cinq signes officiels dits de qualité : le label, la certification, les appellations d’origine contrôlées (AOC), l’agriculture biologique et l’appellation « montagne », sans prendre en compte les signes européens (indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées).

Or, au-delà des signes officiels de qualité, elle a noté que les producteurs et les distributeurs eux-mêmes mettent en place leurs propres signes de qualité qui, forcément, viennent brouiller la perception qu’ont les consommateurs de ces signes. Quel que soit l’intérêt réel pour le consommateur de ces démarches (certaines sont d’ailleurs tout à fait positives), cette pléthore de signes entraîne la confusion. De fait, nous assistons à une telle banalisation des signes de qualité que les consommateurs en viennent à demander : « Quel est le meilleur label ? ».

L’UFC-Que Choisir considère donc que les signes de qualité actuels (qu’ils soient officiels ou d’initiative individuelle) sont trop nombreux et qu’ils relèvent plus de la publicité ou du marketing que de la véritable information (les tests comparatifs publiés par Que Choisir sur les signes qui ont cours en France le prouvent). Elle a donc demandé la réduction de leur nombre.

Pour l’UFC-Que Choisir, il n’y a en réalité que deux signes de qualité : le label et le signe « agriculture biologique ». Les autres signes étant des signes d’identification.

Certes, la méthode de production n’est pas toujours garante de la qualité des produits. C’est le cas des productions biologiques. La démarche biologique est cependant une démarche intéressante. Pour autant, si l’agriculture biologique doit être encouragée parce que respectueuse de l’environnement, les produits qui en sont issus, souvent, ne répondent pas aux espérances. En effet, dans les tests comparatifs de Que Choisir, nous avons montré que les différences de prix (liées normalement à des différences de qualité) entre les produits biologiques et les autres étaient loin d’être toujours justifiées.

C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir fait la différence entre l’agriculture biologique, qui respecte et ménage l’environnement et qui à ce titre doit être encouragée et les produits biologiques eux-mêmes qui ne sont pas toujours aussi différents des produits issus des productions traditionnelles (Que Choisir a analysé des salades et montré qu’elles contenaient autant de nitrates, les salades issues de l’agriculture biologique se distinguant seulement par leur différence en teneur en pesticides). Il est par conséquent important de définir les caractéristiques d’un signe de qualité tel que celui d’« agriculture biologique », d’autant plus qu’un nombre croissant d’agriculteurs se lancent dans l’agriculture biologique et que la France a des critères d’agriculture biologique plus stricts que les autres pays européens. Dès lors, si le signe « agriculture biologique » passe d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, il a tout a fait sa place dans les signes de qualité. Cela rassurerait les consommateurs.

Mme Marie-José Nicoli s’est ensuite déclarée étonnée par la lecture de la partie du projet de loi sur la politique de la qualité car elle est loin de souscrire à l’ensemble du mécanisme mis en place et car le projet de loi ne résout pas toutes les difficultés indiquées précédemment.

La crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine a suscité un immense besoin d’informations sur l’origine et les caractéristiques des produits alimentaires. En particulier, elle a ravivé l’intérêt des consommateurs pour les repères qui aident à faire leur choix. Cependant, cette information n’a de sens que si elle est fiable, loyale et contrôlable. Or, on constate que les solutions préconisées par le projet de loi ne tendent pas à clarifier les choses. En premier lieu, le projet de loi ne propose pas de cadre pour organiser les démarches de qualité individuelles des producteurs et distributeurs. Ces démarches se multiplient et viennent entretenir la confusion avec les signes officiels. La volonté de la grande distribution de vouloir communiquer à tout prix sur l’origine et la composition des produits, au titre de la qualité, n’est pas bonne. Cette communication doit seulement accompagner une communication sur une véritable qualité.

En second lieu, le système proposé tend à faire l’amalgame entre l’information sur la provenance, qui est une précision utile pour faire son choix et que l’ensemble des consommateurs demande, et le signe de qualité, qui est un élément de différenciation du produit et qui met en exergue une certaine « valeur ajoutée ». Il ne devrait y avoir que deux signes de qualité, le reste étant des signes d’identification. Les pouvoirs publics devraient réorganiser ces signes de qualité. En effet, pour que la qualité soit parfaitement identifiable, il faut que les signes mettent réellement en valeur le travail des professionnels et les caractéristiques des produits finis. Or, ce n’est pas le cas. Le projet de loi aurait donc dû distinguer les signes d’identification des véritables signes de qualité.

En troisième lieu, il est nécessaire d’organiser les signes officiels de qualité en liaison avec la réglementation européenne en la matière. En effet, il serait dommageable qu’il n’y ait pas harmonisation car le manque de transparence est toujours un élément préjudiciable au consommateur.

Elle a déclaré ne pas souhaiter que l’indication de la provenance soit un élément de communication exclusivement réservé aux produits bénéficiant d’une AOC, d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée. Limiter la communication sur les produits aux seules indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées revient à soutenir le développement des marques individuelles (communale, régionale, etc.). Or, le développement de ces marques ne peut que venir perturber la perception des consommateurs à l’égard des marques et des signes. D’autre part, réserver la communication sur les produits aux seules indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées protège des dénominations et fait l’amalgame entre provenance et qualité. Or, les consommateurs savent que l’indication de provenance n’est pas synonyme de qualité. Enfin, limiter la communication sur la provenance aux seules indications géographiques protégées et appellations d’origine protégées traduit un engagement vers une segmentation du marché en défaveur des consommateurs modestes.

Elle a fait part de la faible confiance que lui inspiraient les procédures de protection communautaire en raison des multiples dévoiements, à l’extérieur de la Communauté européenne, du marquage CE. Les efforts en faveur de la qualité réalisés par la France ne doivent donc pas être dilués dans un système communautaire mal contrôlé.

D’une façon générale, elle a fait part de son interrogation sur les signes de qualité, parce que si leur absence est souvent synonyme d’un produit « bas de gamme », leur présence est loin de constituer une garantie et leur multiplication va à l’encontre des objectifs poursuivis. Elle a cité l’exemple de la multiplication des vins de table devenus des vins de pays et des vins de pays devenus des AOC.

Abordant les questions liées à la formation des agriculteurs (titre VI du projet de loi), Mme Marie-José Nicoli a estimé que les agriculteurs devaient être formés pour apprécier les apports des innovations technologiques et biologiques à leurs productions. Cela rend donc nécessaire la mise en place de processus de formation continue car les innovations d’aujourd’hui ne sont pas celles de demain. Leur formation devrait également les conduire à adopter une démarche soucieuse de l’environnement et les sensibiliser aux critères de qualité et à la nécessité de valoriser les produits agricoles et alimentaires.

Il est également important que dans le cadre des formations dispensées aux agriculteurs, il y ait une mise en évidence des possibles conséquences de l’utilisation des techniques médicales, phytosanitaires et de sécurité alimentaire d’une manière générale. Il faut rappeler aux producteurs que si des techniques d’aides à la production sont autorisées à un instant donné, elle le sont au vu des connaissances scientifiques du moment, et donc susceptibles d’être interdites si des conséquences néfastes apparaissent. D’une façon générale, l’agriculteur étant le maillon de la filière le plus visible pour le consommateur, tout problème de sécurité appréhendé par le consommateur est porté au débit du producteur.

Elle a jugé nécessaire que les agriculteurs réfléchissent à des types de production plus respectueux de l’environnement et surtout qu’ils prennent conscience que le devenir de l’équilibre écologique de nos espaces conditionne largement le devenir de leur profession. Il ne s’agit pas forcément de recommander pour tous les créneaux agricoles le recours aux pratiques aujourd’hui appelées biologiques, mais les efforts faits par certains (l’agriculture « raisonnée » par exemple) doivent pouvoir être connus de tous.

Elle a conclu sur l’importance d’une formation en matière de lecture et de décryptage des informations fournies aux agriculteurs, notamment par les industriels. La sophistication des techniques industrielles de production et de transformation des aliments rend souvent incompréhensibles les documents d’information fournis aux exploitants, y compris les étiquettes des sacs d’aliments pour animaux de ferme. Or ceux-ci contiennent aujourd’hui, le plus souvent, des sojas transgéniques, après avoir été le véhicule de l’encéphalopathie spongiforme bovine.

M. François Patriat, rapporteur, a exprimé son accord sur un grand nombre des points développés, notamment la prise en compte du mode de production durable et la définition claire des signes de qualité des produits.

Mme Marie-José Nicoli a souhaité, qu’à côté des critères environnementaux qui sont prévus pour les contrats territoriaux d’exploitation, soient également pris en compte des critères plus précis relatifs à la production et plus précisément à la qualité des produits. Ce souci d’une production de qualité peut être complémentaire à une production agricole intensive ; si les cultures de céréales continueront à être produites de manière intensive, il convient de protéger et de permettre un développement de qualité pour certaines productions (élevage, produits à forte valeur ajoutée) pour répondre à la demande forte des consommateurs. Il serait souhaitable que le projet de loi d’orientation agricole soit plus précis sur ce point et que soit prochainement voté un projet de loi sur la qualité des produits.

M. François Patriat, rapporteur, a déclaré partager ce souci. S’agissant du problème de l’identification de la provenance d’un produit, il a relevé l’ambiguïté entre le désir d’information du consommateur et l’assimilation de cette indication de provenance à un signe de qualité. Or il est exact que les AOC ne sont pas toujours synonymes de qualité. Le rôle de l’Institut national des appellations d’origine (INAO) étant d’empêcher que soit dévoyée l’indication géographique de provenance d’un produit, il ne lui apparaît pas que ce serait faire des indications géographiques protégées au rabais que de les mettre sous contrôle de l’INAO. Celui-ci a établi une procédure d’agrément pour les appellations d’origine contrôlées et il est en train de mettre en place un suivi de la qualité sur l’aval de la filière.

Mme Marie-José Nicoli a rappelé que la Commission européenne était défavorable à l’indication de l’origine des produits et elle a indiqué qu’elle ne souhaitait pas que ne figure cette origine que dans le cas où un dossier est déposé (pour les indications géographiques protégées).

M. François Patriat, rapporteur, a regretté que l’indication « viande de France » n’ait pas été retenue, et que ne figurent pas, au stade de la grande distribution, d’indications sur le prix d’achat, le prix de vente, et la ristourne dont bénéficie le distributeur.

Mme Marie-José Nicoli a indiqué que cette indication intéressait plutôt les agriculteurs, mais que le souhait de l’Union fédérale des consommateurs portait sur la transparence d’une filière au niveau des marges.

Le président André Lajoinie a évoqué à cet égard, à titre d’exemple, le problème des pêches dont le prix de vente peut être 5 à 6 fois plus élevé que le prix payé à l’agriculteur.

M. François Patriat, rapporteur, a estimé que si l’on payait plus cher le producteur, le produit serait alors meilleur ; il a cité à cet égard l’exemple des vins de table transformés avec le temps en vins de pays, puis en vins de qualité. Il a souhaité cependant qu’il n’y ait pas un trop grand nombre d’AOC, sinon le marché se trouverait « ligoté ».

Mme Marie-José Nicoli a observé que les problèmes posés à l’INAO portaient sur le contrôle a posteriori et elle a insisté pour qu’un contrôle de qualité s’effectue à tous les stades de la filière. S’agissant des AOC, elle a relevé que souvent le but poursuivi lors de leur création était de venir en aide à une filière en difficulté et de l’aider à se restructurer, mais que ce n’est qu’ultérieurement, qu’a été pris en compte un souci de qualité.

M. François Patriat, rapporteur, a relevé que le mot de qualité devenait le mot clé des organisations professionnelles et qu’ils faisaient de grands efforts en ce sens.

Mme Marie-José Nicoli a observé que dans certains secteurs existaient des produits de qualité dont le consommateur ne pouvait pas avoir connaissance, et qu’en conséquence l’obligation d’étiquetage le conduirait à pouvoir faire la différence entre les produits.

M. François Patriat, rapporteur, a fait part d’une différence qui le sépare de Mme Marie-José Nicoli : il ne considère pas que le producteur doit s’adapter au goût du consommateur ; c’est au producteur qu’il revient d’éduquer celui-ci.

Mme Marie-José Nicoli a estimé que cela a pour conséquence de détourner le consommateur de certains produits. Elle a rappelé qu’il y a 20 ans, les fruits et légumes s’étaient adaptés aux contraintes de la filière (stockage et transport) et, qu’en conséquence, ils avaient été sélectionnés à cette fin puis calibrés et ramassés encore verts et fermes. Jamais les consommateurs n’avaient demandé des fruits de tel qualibre et de telle dureté. C’est la filière dans son ensemble qui l’a imposé aux consommateurs et c’est peut-être aussi la raison pour laquelle les consommateurs se détournent aujourd’hui de ces produits frais.

M. François Patriat, rapporteur, a observé que la grande distribution avait une part de responsabilité sur ce point.

M. Jean-Michel Marchand a abordé le problème de l’agriculture biologique dont le développement est demandé par les consommateurs et s’est déclaré en accord avec Mme Marie-José Nicoli sur sa préoccupation concernant la réorientation de cette agriculture. Il a insisté sur la nécessité d’une obligation de résultat, la réglementation existante ne prévoyant qu’une obligation de moyens. Il s’est déclaré inquiet sur les organismes génétiquement modifiés, car, sans les condamner a priori, il faut être très prudent et contrôler l’évolution. Il a indiqué qu’il soutenait personnellement une expérience sur les conséquences du maïs transgénique sur le lait et la viande menée en Maine-et-Loire. Il a souhaité qu’un temps d’arrêt soit observé de manière à ne pas découvrir ultérieurement des aspects préoccupants que l’on ne connaît pas actuellement.

Mme Marie-José Nicoli a rappelé l’importance de la formation des agriculteurs pour la connaissance concrète de produits qui, inéluctablement, apparaîtront sur le marché français, car nous ne sommes pas à l’écart du marché mondial. Elle a fait remarquer que le moratoire récemment préconisé par certaines organisations en matière d’organismes génétiquement modifiés ne réglerait pas les problèmes des consommateurs, du fait que le soja transgénique par exemple arrive déjà sur le marché français en grande quantité.

Le président André Lajoinie a insisté sur l’importance du principe de précaution et souligné également les risques que présenterait l’ouverture du marché européen aux exportation de viandes hormonées.


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