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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 55

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 7 juillet 1998
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

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– Examen du projet de loi d’orientation agricole (n° 977)

M. François Patriat, rapporteur


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La commission a examiné, sur le rapport de M. François Patriat, le projet de loi d’orientation agricole (n° 977).

M. François Patriat, rapporteur, a fait remarquer tout d’abord que le grand nombre d’amendements déposés sur le projet de loi d’orientation agricole en révélait l’importance. Il a souligné également que la discussion au Parlement avait été précédée d’une longue concertation avec toutes les parties prenantes. Le texte d’équilibre qui en est résulté prévoit que la politique agricole doit satisfaire à huit grands objectifs et qu’elle doit assumer une triple fonction, sociale (la création d’activités et d’emplois), économique (la production de biens et de services et l’occupation du territoire) et enfin environnementale (la préservation des ressources naturelles).

M. François Patriat a fait valoir que l’espace rural présentait toujours un réservoir économique important et, qu’en toute hypothèse, l’agriculture devait marquer sa spécificité et se diversifier. Il a indiqué que la mise en place du contrat territorial d’exploitation, qui repose sur un contrat entre l’État et l’agriculteur constitue une innovation essentielle et, par ailleurs, que ce n’est pas le nombre des agriculteurs, qui, dans ce secteur, « fait » le nombre d’emplois, car le nombre des emplois induits en agriculture est quatre fois plus important que celui des emplois directs.

Le rapporteur a signalé que le projet de loi comportait un important volet relatif à la politique des structures, s’efforçant de parvenir en la matière à une plus grande transparence et à une plus grande justice. Il s’agit de lutter contre les effets néfastes d’agrandissements inconsidérés des exploitations. Un important ensemble de mesures relatives au statut des personnes est également prévu, tout particulièrement la constitution d’un statut de conjoint collaborateur ouvrant aux intéressés des avantages significatifs en matière d’assurance vieillesse. S’agissant de la politique de la qualité, les auteurs du projet de loi se sont efforcés de distinguer ce qui relève du domaine de la protection géographique de ce qui relève de la fabrication des produits alimentaires. Enfin, il est prévu un renforcement important du rôle des interprofessions ainsi que de nombreuses règles sur les appellations d’origine contrôlées.

M. François Patriat a regretté l’opinion émise par certains qui estiment que le projet de loi manquerait d’un souffle économique, alors même que le souci d’une démarche avant tout économique figure dès l’article premier et qu’un très grand nombre de mesures retenues dans le projet de loi poursuivent précisément cet objectif. La multifonctionnalité de l’agriculture fait elle aussi l’objet d’importantes critiques s’appuyant notamment sur la concurrence qui serait faite à certains métiers, tout particulièrement ceux de l’artisanat. Le rapporteur a estimé qu’en réalité seules les entreprises de travaux agricoles risquaient d’être véritablement soumises à une concurrence des agriculteurs.

Enfin, en ce qui concerne la fiscalité, M. François Patriat a indiqué que tous souhaitaient une modification profonde des règles existantes, et que l’investissement notamment puisse être favorisé, mais il a fait remarquer qu’une réforme mal conduite risquait de susciter surtout des problèmes et des insatisfactions, qu’il valait donc mieux procéder en la matière par étapes successives dans les différentes lois de finances.

Après l’exposé du rapporteur, la commission a rejeté l’exception d’irrecevabilité et la question préalable.

Intervenant dans la discussion générale, M. Félix Leyzour a noté que le projet était bien un texte d’orientation qui a pour objet de reconnaître la multifonctionnalité de l’agriculture, c’est-à-dire ses fonctions économique, sociale et environnementale et donc de modifier les tendances actuelles de la politique agricole, caractérisées par des soutiens publics proportionnels à la taille des exploitations, ce qui a favorisé la concentration des activités, la diminution des emplois agricoles et la destruction des équilibres naturels. Le projet de loi envisage un certain nombre de moyens pour parvenir à cet objectif, au premier rang desquels se situe le contrat territorial d’exploitation (CTE), contrat non obligatoire et incitatif. Il prévoit une meilleure répartition des aides européennes et nationales, une lutte contre les concentrations excessives, la mise en oeuvre d’un plan social par l’intermédiaire de la création d’un nouveau statut de conjoint collaborateur. Il pose également les problèmes des salariés et traite de celui des retraites. Il contient enfin des dispositions concernant les organisations interprofessionnelles, la recherche et l’enseignement agricole.

M. Félix Leyzour a souligné que nombre de dispositions du projet de loi avaient été proposées depuis longtemps par le groupe communiste, ce qui explique son préjugé favorable vis à vis de ce texte, qui ne manquera pas d’être amélioré au cours du débat. Il a souhaité insister sur deux aspects du texte qui seront à préciser et à améliorer. Il a d’abord fait remarquer que le projet de loi ne pouvait pas être dissocié de son contexte européen et qu’il fallait en faire un point d’appui pour les discussions à venir sur la réorientation de la PAC. Or le système de rémunération des agriculteurs est de moins en moins fondé sur des prix garantis à la production ; se pose donc le problème du niveau des crédits à distribuer et du revenu final des agriculteurs. Il a estimé à ce sujet nécessaire un outil de régularisation qui doit être fondé sur la préférence communautaire et des organisations communes de marché rénovées.

Il a ensuite souligné l’importance du volet social de ce texte. Il a estimé que le problème des retraites des agriculteurs était particulièrement important et observé que, lorsque le départ des agriculteurs se fait dans de bonnes conditions, il y a moins de problèmes d’installation pour les jeunes. M. Félix Leyzour a ensuite relevé que deux millions de retraités agricoles (soit 16 % de l’ensemble des retraités) avaient de faibles retraites (4,9 % de l’ensemble des pensions servies aux retraités). Il a donc insisté sur le problème posé par la réduction du nombre des exploitants et le déséquilibre croissant qui existe entre actifs et retraités puis souligné l’importance d’un plan de rattrapage des retraites agricoles.

En conséquence, il a indiqué que des amendements avaient été déposés par le groupe communiste pour conforter, préciser ou améliorer le texte.

M. Christian Jacob a indiqué que l’opposition du groupe RPR à ce texte portait sur le contrat territorial d’exploitation qui vise à une « suradministration », voire à une « fonctionnarisation » de l’agriculture, ainsi que sur le volet social et fiscal du texte qui ne contient pas de propositions concrètes pour les retraites et qui ne favorise pas l’installation des jeunes en agriculture.

Il a relevé certains points d’accord de son groupe avec le projet de loi, notamment sur l’organisation économique de l’agriculture, le texte proposé reprenant de nombreuses propositions des organisations professionnelles.

Il a souligné que son groupe partageait l’objectif du texte quant à une meilleure identification des produits et à une relance de la production de qualité.

Il a estimé que la composition du conseil supérieur d’orientation (CSO) serait à débattre et qu’il faudrait renforcer certaines dispositions sur l’espace agricole et forestier. Soulignant l’importance et l’originalité de l’enseignement agricole il lui a semblé enfin que le texte présentait un risque de déviation en ce qui concerne les formations agricoles.

M. François Sauvadet a trouvé que le texte du projet de loi manquait d’ambition, alors que la France est une grande puissance en matière de production et d’exportation de produits agricoles. Il a estimé qu’on avait l’opportunité d’adresser un message fort et que cette occasion avait été manquée.

A propos des contrats territoriaux d’exploitation dont les contours sont un peu flous, il a évoqué le risque d’une agriculture « administrée ». Il a relevé l’ambiguïté qui existe entre la proposition préalable qui porte sur tous les aspects de la vie de l’exploitation et la phase d’élaboration du contrat qui en exclut les dépenses liées aux organisations communes de marché. Il lui a semblé nécessaire de clarifier les moyens pour éviter un piège semblable à celui qu’a constitué pour les agriculteurs le programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA).

Il a ensuite regretté l’absence de tout volet fiscal et a estimé que le Gouvernement aurait pu être plus imaginatif. A ce propos, il a relevé l’absence d’une politique volontariste en matière agricole, comme l’a montré le vote du dernier budget où les crédits de la SOPEXA ont été amputés de 20 %.

S’agissant de la multifonctionnalité, il a souhaité plus de clarté pour mieux préciser les contours de l’agriculture qui est un des acteurs du monde rural mais pas le seul. Il faut donc rechercher une complémentarité et non pas une opposition entre agriculteurs et artisans.

En ce qui concerne la formation, il s’est félicité qu’elle reste de la compétence du monde agricole. Il s’est étonné de l’absence de débats sur l’avenir de l’agriculture, notamment sur l’utilisation ou non des produits transgéniques, car le texte aurait pu permettre de préciser la volonté française en la matière. Enfin, il a souligné que le texte ne donnait pas un signe fort au moment où l’on discute de la nouvelle PAC, regrettant que le projet soit trop « franco-français ».

M. Joseph Parrenin a estimé que la dernière loi d’orientation agricole de 1962 ne concernait qu’une partie de l’agriculture et qu’elle avait eu pour conséquence la désertification du territoire, ce que l’opposition n’a pas dénoncé. Il s’est félicité que le nouveau texte s’attaque aux causes de cette désertification et qu’il concerne l’ensemble du monde agricole. S’agissant des protestations devant le développement des chambres d’hôtes émises par le monde hôtelier, il a souligné que celui-ci n’était guère présent en milieu rural, et donc qu’il convenait d’aider les agriculteurs qui investissent dans ce secteur en s’efforçant d’éviter toute distorsion de concurrence.

Il a relevé l’absence de cohérence des reproches de l’opposition sur le caractère trop économique ou pas assez économique du texte.

Il a estimé qu’il faudrait ultérieurement faire des propositions notamment sur les retraites des agriculteurs, soulignant que des efforts ont déjà été faits l’année dernière et doivent se poursuivre cette année.

Il a indiqué que ce texte avait le caractère d’un contrat entre les pouvoirs publics et le monde agricole pour le développement de l’agriculture sur l’ensemble du territoire, à la différence du texte déposé sous la précédente législature. L’adoption d’un certain nombre d’amendements permettra d’améliorer le projet de loi et d’en faire le texte attendu par le monde paysan.

M. Jean Proriol a estimé que le projet de loi d’orientation était loin d’atteindre l’objectif affiché d’élargissement des fonctions de l’agriculture. Constatant que le contrat territorial d’exploitation était contesté par certaines organisations agricoles, il a en outre observé que ce système ne disposait pas des financements correspondants. La mise en place de contrats d’initiative et de développement aurait été préférable à l’instauration de ce régime, qui risque de conduire les agriculteurs à devenir des fonctionnaires de la nature, ce qu’ils refusent.

Il a souligné que ce projet de loi, qui ne définissait pas les notions d’agriculteur et d’exploitant, qui ne comportait pas de volet sur la fiscalité ou sur les retraites, qui négligeait les activités forestières, ne pouvait dès lors pas être un texte fondateur.

Rappelant que son groupe considérait que l’activité agricole était avant tout fondée sur le socle de la production, il a regretté que le projet de loi ne contienne pas de dispositions concrètes en faveur de l’installation des agriculteurs. En outre, le projet ne règle pas les problèmes liés aux interférences entre des domaines qui relèvent d’activités différentes, entre les professions agricoles et certaines activités artisanales ou commerciales.

Soulignant enfin que la différence de conception entre le présent projet de loi d’orientation agricole et celui déposé l’année dernière par le précédent gouvernement justifiait le dépôt d’une question préalable, il a considéré que le nombre élevé d’amendements déposés démontrait les faiblesses de ce texte.

M. Léonce Deprez a considéré qu’à l’inverse de ce qu’il annonçait, ce projet de loi conduisait à restreindre la fonction des agriculteurs. Comme dans d’autres secteurs tels que l’industrie, il ne convient pas de placer sur le même plan la fonction économique et les autres, comme les rôles sociaux ou environnementaux de l’activité agricole. L’objectif principal d’une loi d’orientation agricole aurait dû être de placer la production agricole française dans les meilleures conditions face au marché mondial.

Il s’est étonné que la fonction énergétique de la production agricole ait été négligée et a considéré que le contrat territorial d’exploitation devait constituer une étape, aussi brève que possible, pour permettre à l’agriculture française de s’adapter au marché.

Mme Marie-Hélène Aubert, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l’article 38 du Règlement, a constaté que, même si notre agriculture se portait bien, la situation du secteur se dégradait : la production se concentre sur un nombre d’exploitations en diminution et sur des territoires de plus en plus étroits, des milliers d’emplois agricoles disparaissent chaque année et les conditions environnementales, ainsi que la biodiversité, se dégradent.

C’est pourquoi, tout en se réjouissant des orientations nouvelles contenues dans le projet de loi, elle a regretté que ce texte ne soit pas venu plus tôt en discussion devant le Parlement.

Rappelant que notre agriculture s’insérait dans la politique agricole commune, elle a considéré qu’il serait essentiel, dans le débat qui va s’engager sur la future PAC, de veiller à concilier les nouveaux objectifs communautaires avec ceux de la loi d’orientation. Le Parlement doit être pleinement associé à ce débat.

Elle s’est déclarée favorable à la prise en compte de la multifonctionnalité de l’agriculture qui, au-delà de la production, a des incidences sociales, ainsi que sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Elle a rappelé que le contrat territorial d’exploitation induisait une notion de projet, d’engagement mutuel, qui conditionne le versement d’aides à la réalisation d’objectifs autres que productifs. Il convient cependant d’en définir clairement le contenu, afin d’éviter des dérives et de plafonner certaines aides pour ne pas recréer des inégalités.

Elle a considéré que, dans le domaine social, il était important de définir un statut du conjoint d’exploitant, les épouses ayant droit à l’égalité de traitement par rapport à leur mari. Il est également nécessaire que les débats des commissions départementales d’orientation agricole (CDOA) soient transparents et que l’accès au registre agricole soit public, afin de garantir les meilleures conditions de transmission des terres et de donner les moyens de réussir les nouvelles installations.

M. Patrick Ollier a regretté que le projet de loi, hormis une déclaration sans portée à l’article premier, néglige la spécificité de l’agriculture de montagne. Celle-ci, qui contribue à la production globale, mérite de légitimes compensations pour les handicaps naturels qu’elle supporte. Or, le projet de loi laisse craindre qu’à l’avenir ces aides, notamment les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), soient englobées dans les contrats territoriaux d’exploitation, ce qui soumettrait leur attribution à des conditions négligeant les surcoûts observés et mettrait en cause leur existence spécifique. Il a souhaité obtenir des éclaircissements sur cette question.

Abordant la question des biens sectionnaux, il a considéré que la loi d’orientation pourrait contribuer à clarifier un régime aujourd’hui peu satisfaisant, qui ne prend pas suffisamment en compte la préférence locale lors de l’examen des preneurs.

M. François Patriat, rapporteur, a ensuite répondu aux différents intervenants.

Il s’est déclaré en plein accord avec les propos de M. Félix Leyzour et a estimé que les observations qui ont été présentées devraient rencontrer une large approbation au sein de l’Assemblée, s’agissant notamment des problèmes des retraites ou de la préférence communautaire.

Il s’est interrogé, à propos de l’intervention de M. Christian Jacob sur le sentiment général qui prévaut au sein du RPR, son opposition lui paraissant trancher avec les contacts nombreux qu’il a pu avoir avec des responsables locaux de ce mouvement, dont les positions sur le contrat territorial d’exploitation lui ont semblé plus nuancées. Il a estimé de même que parler de « fonctionnarisation » ou de « suradministration » à propos de l’agriculture paraît assez surprenant : quelle autre profession que celle des agriculteurs se trouve, en effet, plus conduite à solliciter des aides de toute nature lorsqu’elle se heurte à des difficultés économiques ou climatiques récurrentes ? Si la complexification des relations entre l’Etat et les agriculteurs n’est pas contestable, elle n’autorise néanmoins pas à parler de suradministration de ce secteur.

En réponse à M. François Sauvadet, il s’est dit surpris de l’avoir entendu qualifier le contrat territorial d’exploitation de « mauvais outil ». Il a fait remarquer que le Conseil d’Etat avait considéré que ce texte était une « vraie » loi d’orientation – terme qui n’avait pas été employé à propos du projet de loi déposé sous la précédente législature. Il existe certes des imperfections ou des compléments à apporter, mais ce projet de loi a été salué par le Conseil économique et social comme un texte majeur en faveur de l’agriculture.

S’agissant de la multifonctionnalité, les manifestations à Paris sur les Champs-Elysées ou dans les circonscriptions rappellent la volonté des agriculteurs de jouer un rôle essentiel dans la structuration de l’espace rural, qu’il s’agisse par exemple de l’entretien des chemins et des sentiers ou de la préservation de l’environnement. Dès lors, la reconnaissance et la rémunération de cette multifonctionnalité introduites par ce texte ne font que prendre en considération des attentes souvent exprimées.

M. François Patriat a remarqué que M. Jean Proriol avait évoqué un « pari qui serait loin d’être gagné »: il a jugé que, dans le domaine agricole, les évolutions ne peuvent être que très progressives et que les éléments qui structurent le projet de loi (contrat territorial d’exploitation, aides de l’Etat, statut des conjoints, syndicats de producteurs, etc.) constituent une première avancée. Il faut saluer également la contribution du texte à la mise en place d’un système d’aides mieux défini, celles-ci représentant jusqu’à 115 % du revenu d’un exploitant laitier et 210 % de celui d’un éleveur.

En réponse à Mme Marie-Hélène Aubert, M. François Patriat a signalé qu’il ne fallait pas craindre de voir le contrat territorial d’exploitation transformer les exploitations en « fermes-auberges espagnoles », il a fait observer que Mme Christiane Lambert, rapporteur devant le Conseil économique et social, s’était au contraire félicitée de la flexibilité du cadre tracé pour le contrat territorial d’exploitation. Les négociations en cours entre l’Etat et les organisations professionnelles et au sein du CSO devraient aboutir, sur ce point à un équilibre satisfaisant. Enfin, il s’est déclaré d’accord avec M. Patrick Ollier sur les biens de section et a souligné les apports du projet de loi en ce qui concerne l’appellation montagne.

Le président André Lajoinie a conclu la discussion générale en rappelant que les mutations traversées par le monde agricole sont sources de progrès mais aussi d’effets pervers comme la concentration économique, la pollution ou la désertification rurale et que l’effort de cette loi pour maîtriser ces mutations doit être salué.

Alors que le jeu des forces économiques et financières et le contexte européen et international représentent une force de pression considérable sur les Etats, c’est moins le défaut d’interventionnisme qu’une présence plus marquée des pouvoirs publics qu’il faut appeler de ses voeux : il s’est donc dit en accord avec l’orientation d’un texte qui, au-delà des déclarations d’intentions, sait au contraire exprimer un volontarisme réel.

La commission est ensuite passée à l’examen des articles du projet de loi.

· Article premier : Objectifs de la politique agricole

Après un débat dans lequel sont intervenus MM. Jean Proriol, François Patriat, rapporteur, François Sauvadet et François Brottes qui a rappelé sa fonction de président du groupe d’études sur la forêt, la commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol faisant référence à la politique forestière.

Elle a ensuite adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand soulignant le rôle de l’agriculture en matière d’aménagement du territoire et affirmant l’objectif d’un développement durable.

Puis la commission a examiné un amendement de M. François Sauvadet précisant que les objectifs de notre politique agricole s’inscrivaient dans le cadre de la politique agricole commune. M. Félix Leyzour faisant valoir que la politique agricole commune avait aujourd’hui besoin d’être réformée s’est inquiété de la rédaction de l’amendement. A l’issue d’un large débat dans lequel sont intervenus MM. Germain Gengenwin, François Patriat, rapporteur, André Lajoinie, président et François Sauvadet, la commission a adopté l’amendement de M. François Sauvadet, sous-amendé par M. François Dosé, substituant la formule « en liaison avec la politique agricole commune » à l’expression « dans le cadre de celle-ci ».

La commission a ensuite rejeté un amendement de suppression du deuxième alinéa de cet article présenté par M. Christian Jacob. Elle a en revanche adopté un amendement de M. Jean Proriol, précisant que la politique agricole a, entre autres, pour objectif l’installation des jeunes en agriculture. Après avoir rejeté un amendement du même auteur évoquant les problèmes de la forêt, la commission a adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand indiquant que le développement de l’emploi en agriculture devait être recherché à partir des spécificités des régions.

La commission a rejeté un amendement de suppression du troisième alinéa de cet article présenté par M. Christian Jacob. Puis, elle a adopté un amendement rédactionnel, présenté par M. François Patriat, rapporteur et un amendement de M. François Sauvadet faisant valoir que la politique agricole doit améliorer non seulement les revenus, mais aussi les niveaux de vie. Après avoir rejeté un amendement de M. Jean Proriol relatif à la forêt, la commission a adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand, faisant de la mise en place d’une protection sociale renforcée des agriculteurs un objectif de la politique agricole et en conséquence rejeté un amendement de M. François Sauvadet.

La commission a ensuite adopté un amendement de M. Germinal Peiro, ajoutant à la liste des objectifs de la politique agricole, la revalorisation progressive et la garantie d’une retraite minimum aux agriculteurs. Un amendement de M. Jean-Michel Marchand, faisant référence à la qualité des produits, a été retiré au bénéfice d’un amendement ultérieur.

La commission a rejeté un amendement de suppression du quatrième alinéa de cet article présenté par M. Christian Jacob et un amendement de M. Jean Proriol faisant référence aux biens forestiers. Elle a ensuite adopté un amendement de M. Jean-Michel Marchand relatif à l’amélioration de la qualité des produits agricoles. Plusieurs amendements indiquant que le secteur agricole devait répondre aux besoins de toutes les activités agro-alimentaires et non à ceux des seules industries, ont ensuite été mis en discussion commune, à l’issue de laquelle un amendement de M. Michel Vergnier a été adopté rendant sans objet l’amendement n° 1 de M. Robert Lamy, l’amendement n° 37 de M. Christian Jacob et un amendement de M. François Sauvadet.

Un amendement de M. Jean-Michel Marchand traitant des exigences qualitatives des consommateurs a été retiré. Puis la commission a adopté un amendement de M. Félix Leyzour prévoyant que la production de biens agricoles doit contribuer à la sécurité alimentaire mondiale, après un débat, auquel ont participé MM. François Sauvadet, André Lajoinie, président, François Dosé, Joseph Parrenin et Jean-Michel Marchand, sur la confusion qu’il pourrait y avoir entre les notions de sécurité et de suffisance alimentaires.

La commission a ensuite adopté deux amendements identiques présentés par le rapporteur et M. Jean Proriol, ajoutant un alinéa relatif au renforcement de l’organisation économique des marchés, des producteurs et des filières, rendant sans objet des amendements similaires de MM. François Sauvadet, Christian Jacob et l’amendement n° 13 de M. Jacques Rebillard.

La commission a alors examiné deux amendements :

– un amendement de M. François Patriat, rapporteur, insérant un alinéa relatif au développement de l’aide alimentaire et à la lutte contre la faim dans le monde ;

– un amendement de M. François Sauvadet, insérant également un nouvel alinéa portant sur le renforcement de la vocation exportatrice agricole et agro-alimentaire de la France.

Ces deux amendements ont donné lieu à un vaste débat dans lequel sont intervenus MM. Jean-Michel Marchand, André Godin, Joseph Parrenin, Félix Leyzour, Serge Poignant, Mme Marie-Hélène Aubert, François Dosé, Stéphane Alaize et François Sauvadet.

M. Joseph Parrenin s’est interrogé sur l’opportunité de lier ces deux amendements, M. Stéphane Alaize préférant pour sa part traiter distinctement ces deux fonctions différentes de la politique agricole. MM. François Sauvadet et Serge Poignant ont insisté sur la nécessité de souligner la vocation exportatrice de notre pays. M. Félix Leyzour a rappelé les dangers des exportations à bas prix et le grave problème de la suffisance alimentaire mondiale.

A l’issue de cette discussion, la commission a adopté l’amendement du rapporteur sous-amendé par M. Jean-Michel Marchand indiquant que l’aide alimentaire devait se faire dans le respect des économies des pays aidés et l’amendement de M. François Sauvadet, relatif au renforcement de la capacité exportatrice de la France en matière agricole.

La commission a ensuite rejeté les amendement de suppression des 5ème et 6ème alinéas de M. Christian Jacob. Un amendement de M. Jean-Michel Marchand a été retiré après que le rapporteur eut exprimé un avis défavorable en faisant valoir que les pratiques extensives ne devraient pas être développées sur tout le territoire, mais seulement dans certaines zones, que le président André Lajoinie eut estimé que la formulation de l’amendement pouvait être défavorable à l’agriculture biologique et que M. Joseph Parrenin eut souligné que la notion d’extensivité n’était pas nécessairement synonyme de la notion de qualité. La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean Proriol mentionnant la forêt.

Un amendement de suppression du septième alinéa de M. Christian Jacob a été rejeté.

Les amendements de M. Robert Lamy (n° 2), de M. Christian Jacob (n° 38) et de M. Jean Proriol, visant à supprimer les mots « l’entretien des paysages » du septième alinéa de cet article, ont été soumis à discussion commune. M. Jean Proriol défendant ces amendements a souligné que les agriculteurs n’étaient pas les jardiniers des espaces naturels et qu’il fallait éviter tout risque de concurrence avec l’activité des paysagistes.

M. Gabriel Montcharmont a observé que les agriculteurs avaient pour vocation, au-delà de leur activité de production, à entretenir les paysages et que ceux-ci avaient été façonnés depuis des millénaires par leur travail. M. Joseph Parrenin a réaffirmé les trois fonctions assignées à notre agriculture et M. René Leroux a cité l’exemple des marais salants, sites naturels qui n’existeraient plus s’ils n’avaient pas été entretenus.

M. Félix Leyzour a relevé que, dans certains espaces où il n’y a plus de production agricole, les agriculteurs pouvaient être amenés à faire du travail d’entretien.

M. Jacques Le Nay a proposé l’expression entretien des espaces naturels agricoles.

M. François Sauvadet, soutenu par M. Jean-Michel Marchand et M. François Brottes, a proposé un sous-amendement visant à supprimer la notion d’entretien du paysage pour garder celle de préservation du paysage, tandis que M. Joseph Parrenin a souligné que cette notion était plus exigeante.

M. François Patriat, rapporteur, a estimé qu’il n’y avait pas de risque de voir les agriculteurs devenir des paysagistes mais que ceux-ci ont participé depuis des millénaires à l’entretien de l’espace rural (haies, chemins, mares, ...) et qu’ils pourraient, si les amendements étaient adoptés, ne plus faire tous ces travaux d’entretien qu’ils réalisent aujourd’hui.

M. François Sauvadet, ayant estimé que l’on pouvait donner au terme de préservation du paysage un sens visant à empêcher toute évolution, a retiré son sous-amendement.

M. Jean-Michel Marchand a souligné que la préservation des paysages n’interdisait pas toute évolution mais qu’il s’agissait d’une préservation des ressources naturelles, des espaces et des paysages.

Après que le rapporteur eut exprimé un avis défavorable, la commission a rejeté les trois amendements.

La commission a ensuite examiné six amendements au huitième alinéa du I de l’article, quatre de suppression de cet alinéa (l’amendement n° 3 de M. Robert Lamy, l’amendement n° 39 de M. Christian Jacob, un amendement de M. Jean Proriol et un amendement de M. François Sauvadet) ainsi qu’un amendement du rapporteur et un amendement de M. Jean-Michel Marchand.

M. Serge Poignant a estimé inacceptable d’affirmer que l’un des objectifs de l’agriculture est de produire des services collectifs. On ne peut ainsi que créer une concurrence inadmissible à l’encontre des entreprises susceptibles de fournir des services équivalents au profit de l’ensemble du monde rural, ainsi que des associations intermédiaires.

M. François Patriat, rapporteur, a déclaré préférer, à l’expression de services collectifs, celle d’actions d’intérêt général, telles que celles qu’accomplissent les agriculteurs lorsqu’ils assurent la préservation des paysages. Il a en conséquence émis un avis défavorable aux quatre amendements de suppression et à celui de M. Jean-Michel Marchand.

M. André Lajoinie, président, a estimé que les termes de services collectifs avaient pu paraître agressifs à l’encontre des artisans et s’est prononcé en faveur de l’amendement du rapporteur.

M. François Sauvadet a considéré que la réalisation d’actions d’intérêt général par les agriculteurs ne pouvait pas constituer un objectif de la loi sans représenter un risque de déstabilisation pour les entreprises ; en revanche, ces actions constituent une résultante de leur activité.

M. Félix Leyzour a considéré que le risque était plutôt de voir délaisser l’entretien des sites là où personne n’assure cette fonction.

M. François Brottes a indiqué que la reconnaissance des actions d’intérêt général des agriculteurs s’articulait avec la mise en place des contrats territoriaux d’exploitation, là où aucune autre entreprise n’offre ses services.

M. Jean-Michel Marchand a davantage craint un risque de concurrence pour les associations intermédiaires que pour les entreprises et a souhaité qu’on ne fragilise pas l’une des dernières activités d’insertion des personnes en grande difficulté.

M. Jean Proriol a indiqué que, s’il rejoignait la proposition du rapporteur visant à substituer la notion d’intérêt général à celle de services collectifs, il ne convenait pas de confier à l’agriculture l’objectif de « produire » de telles actions et a proposé de modifier l’amendement sur ce point.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a précisé que ces actions d’intérêt général portaient, par exemple, sur l’entretien des abords des sentiers de randonnée, au profit de l’ensemble des usagers de l’espace rural. En outre, il ne s’agit pas de menacer la pérennité des entreprises de travaux ruraux, mais de permettre aux agriculteurs de fournir ces services là où de telles entreprises ne sont pas présentes.

Conformément à l’avis du rapporteur, la commission a alors rejeté les amendements n° 3 de M. Robert Lamy, n° 39 de M. Christian Jacob, ainsi que les amendements de MM. Jean Proriol, François Sauvadet et Jean-Michel Marchand, et adopté l’amendement du rapporteur, compte tenu de la modification rédactionnelle proposée par M. Jean Proriol.

La commission a examiné trois amendements présentés respectivement par MM. Jean Proriol, Jean-Michel Marchand et Christian Jacob, tendant à inscrire la modernisation de la fiscalité comme objectif de la politique agricole. Après un large débat au cours duquel sont intervenus les auteurs des amendements, MM. François Sauvadet, François Patriat, rapporteur et Félix Leyzour, la commission a rejeté ces amendements.

Au 9ème alinéa, la commission a examiné cinq amendements, deux présentés par M. Jean Proriol, deux par M. Jean-Michel Marchand et un par le rapporteur.

Après un large débat auquel ont participé leurs auteurs ainsi que MM. Christian Jacob, Joseph Parrenin, Gabriel Montcharmont et François Sauvadet, la commission a adopté l’amendement du rapporteur modifié par un sous-amendement de M. Jean-Michel Marchand ayant pour but la promotion des produits agricoles et alimentaires, particulièrement ceux à haute valeur ajoutée, sur le marché national et les marchés internationaux.

M. Jean Proriol a ensuite retiré quatre amendements, l’un relatif à l’exportation et trois autres à la forêt et M. Jean-Michel Marchand un amendement portant sur l’encouragement des producteurs, devenu sans objet.

La commission a ensuite adopté un amendement de M. François Patriat, rapporteur sous-amendé par M. Yvon Montané, inscrivant le développement de la formation et de la recherche dans la liste des objectifs de la politique agricole.

Elle a adopté un amendement présenté par M. Joseph Parrenin, tendant à reconnaître la nécessité d’une politique spécifique au sein des zones humides territorialement bien identifiées.

Un amendement de M. Jean-Michel Marchand sur les parcours de moyenne montagne a été retiré par son auteur.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand, visant à faire participer les collectivités territoriales, les associations de protection de l’environnement et les groupements de consommateurs à la mise en œuvre de la politique agricole.

MM. Christian Jacob et Félix Leyzour ont ensuite retiré deux amendements, tendant à préciser la qualité des organisations professionnelles représentatives associées à la mise en œuvre de la politique agricole.

La commission a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand, demandant l’organisation d’un débat annuel au Parlement sur la politique agricole de la France et la politique agricole commune.

Un amendement de M. Pierre Micaux relatif à la politique forestière a ensuite été rejeté.

La commission a, ensuite, adopté un amendement de M. François Patriat, rapporteur, prévoyant le dépôt d’un rapport sur les modalités de la revalorisation des retraites agricoles alors qu’un amendement de M. Félix Leyzour, d’objet comparable, était retiré après un débat auquel ont pris part outre leurs auteurs, MM. Joseph Parrenin, Jean-Claude Chazal, François Sauvadet et le président André Lajoinie qui a souligné l’intérêt d’une revalorisation du plafond de l’actif successoral au-delà duquel sont récupérées les sommes versées au titre de l’allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité.

La commission a adopté un amendement du rapporteur au II de l’article, abrogeant l’article 1er de la loi n° 60-808 du 5 août 1960.

Puis, elle a adopté l’article 1er ainsi modifié.

· Après l’article 1er

La commission a rejeté un amendement de M. Félix Leyzour relatif au maintien de la préférence communautaire.

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