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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N°9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 27 octobre 1998
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Ducout, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

– Audition de M. Christian PIERRET, secrétaire d’Etat à l’industrie sur les crédits de son département pour 1999


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– Examen pour avis des crédits pour 1999 :

 

•  Industrie (M. Claude BILLARD, rapporteur)

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– Audition de M. Jacques GUYARD, Président de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications


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– Examen pour avis des crédits pour 1999 :

 

•  Postes et télécommunications (M. Gabriel MONTCHARMONT, rapporteur).

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– Informations relatives à la commission

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La commission a entendu M. Christian Pierret, secrétaire d’Etat à l’industrie sur les crédits de son département pour 1999.

M. Christian Pierret a indiqué que le projet de loi de finances pour 1999 se caractérise par une légère progression des crédits à l’industrie, qui doit permettre de conforter les priorités que le Gouvernement s’est fixées et de relancer la politique de maîtrise de l’énergie et de développement des énergies de substitution.

A structure constante, les moyens de paiement se montent à 15,3 milliards de francs, en progression de 1,1 % par rapport à 1998, et les autorisations de programme à 5,6 milliards de francs (+ 1,5 % par rapport à l’année dernière). La réduction apparente des crédits disponibles (16,4 milliards de francs en 1998) est liée à des variations d’imputation budgétaire : la nouvelle organisation du ministère de l’économie et des finances conduit à regrouper au sein d’une même section les crédits de personnel et de fonctionnement de son administration (ce qui représente une réduction optique des crédits de 1,6 milliard de francs) alors que la budgétisation du fonds de soutien aux hydrocarbures conduit, au contraire, à l’inscription au budget de 280 millions de francs supplémentaires. A structure constante, le budget pour 1999 atteint en réalité 16,6 milliards de francs en moyens de paiement.

Ce budget se caractérise à la fois par son dynamisme – les crédits consacrés à la recherche, à l’innovation, à la formation, à la modernisation et au développement industriel augmentent de 6,5 % – et par la volonté de préparer l’avenir, puisque les moyens alloués à l’investissement et à la formation en représentent désormais 40 %.

En matière de recherche industrielle et de soutien à l’innovation, M. Christian Pierret a souligné que les autorisations de programme seront portées en 1999 à 1,8 milliard de francs, en légère croissance par rapport aux moyens disponibles en 1998. Les actions engagées l’année dernière et contribuant au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication seront poursuivies, qu’il s’agisse du programme « société de l’information » (doté de 300 millions de francs en 1998) ou du réseau national de recherches en télécommunications. Le ministre a toutefois indiqué son souhait de voir l’effort public recentré sur les entreprises de petite taille et sur des soutiens financiers mieux identifiés.

L’agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) voit ses capacités d’intervention reconduites à hauteur de 1,4 milliard de francs environ, grâce à 800 millions de francs d’autorisations de programme nouvelles.

Les crédits affectés au CEA, en forte progression (+ 15 %), doivent lui permettre d’accroître la part du financement budgétaire dans ses programmes civils.

En matière de développement des petites et moyennes industries (PMI), l’année 1999 s’inscrit dans la continuité de l’effort consenti l’année dernière : 470 millions de francs en autorisations de programme sont disponibles pour soutenir le développement industriel des PMI, le programme ATOUT de diffusion des technologies est doté de 212 millions de francs en autorisations de programme alors que 50 millions de francs d’autorisations de programme seront alloués à la promotion des nouveaux outils de communication dans les PMI (Internet).

L’aide à la reconversion des régions affectées par le déclin des industries traditionnelles n’est pas négligée. Les moyens du Fonds pour l’industrialisation de la Lorraine (FIL) et les crédits de politique industrielle (hors comité interministériel de restructuration industrielle) sont reconduits à des niveaux satisfaisants (80 millions de francs et 85 millions de francs respectivement). Si la dotation au Fonds d’industrialisation des bassins miniers (FIBM) est effectivement ajustée, cette diminution ne devrait pas affecter la réalité de ses interventions compte tenu de la rapidité d’engagement des crédits. Une réforme des procédures de financement apparaît toutefois souhaitable pour lui donner un nouvel élan. Enfin, le programme « après mines » est modernisé par la mise en place d’un dispositif de surveillance et de prévention des affaissements miniers : 5 millions de francs sont inscrits à ce titre au chapitre 44-81 du projet de loi de finances.

Le soutien au système de formation constitue un axe majeur d’une politique volontaire de développement industriel. Un effort significatif sera réalisé en 1999 en faveur des écoles d’ingénieurs : progression des subventions d’équipement de 3 %, hausse des bourses d’élèves de 11,5 % et création de huit emplois dans les écoles des mines, augmentation de la dotation à SUPELEC de 8 %, reévaluation de 4,1 %.des moyens alloués aux écoles des télécommunications.

Ce budget est également marqué par le souci de conforter les missions régaliennes de l’Etat.

Les moyens consacrés au secteur des télécommunications et à la gestion des fréquences sont mis à niveau : les crédits de l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) progressent de 5,8% par rapport à 1998 alors que l’Agence nationale des fréquences (ANFR) bénéficie d’une croissance substantielle de ses ressources, tant en fonctionnement (+ 4,2 %) qu’en crédits de paiement (+ 9,6 %).

L’Etat a souscrit une série d’engagements dans le cadre du contrat d’objectifs et de progrès signé en juin 1998 avec La Poste. La stabilisation de la charge des retraites, qui n’ont augmenté que de 0,8 % en 1998 au lieu de 3,5 % en tendance, doit permettre d’alléger les charges d’exploitation pesant sur l’opérateur public. La contribution au titre du transport de la presse, maintenue à hauteur de 1,85 milliard de francs pour 1999, autorise la poursuite de la réduction du déficit de cette activité.

Le ministre a également mentionné l’effort particulier en faveur de la modernisation du système français de métrologie, qui se traduit par le renforcement des moyens du bureau national de métrologie (+ 19 %) et par la création à l’école des mines de Douai d’un cycle de formation spécialisé en métrologie.

La maîtrise de l’énergie et le développement des énergies renouvelables sont relancés. Le programme annoncé par le Premier ministre au mois de février dernier est mis en œuvre afin de rééquilibrer la politique énergétique nationale, le nucléaire ayant néanmoins vocation à conserver une place prééminente dans la production d’électricité.

Une partie des recettes issues de la nouvelle fiscalité écologique (taxe générale sur les activités polluantes : TGAP), soit environ 170 millions de francs, sera affectée à des actions relevant du ministère de l’industrie, ce qui doit permettre de tripler les moyens alloués à l’ADEME.

Le ministre a conclu en soulignant la continuation de l’effort public en faveur de l’industrie, après une année 1998 marquée par une forte progression des crédits (+ 3,8 %) en rupture avec la tendance antérieure.

Le Gouvernement se donne ainsi les moyens financiers nécessaires à une politique volontariste qui se décline aujourd’hui autour de trois axes principaux : le soutien aux secteurs à fort potentiel de croissance, l’amélioration de l’environnement des entreprises et l’accompagnement des nécessaires restructurations industrielles.

Après avoir noté que les crédits de l’industrie augmentaient légèrement en 1999 permettant ainsi de consolider le financement d’actions jugées prioritaires, M. Claude Billard, rapporteur pour avis des crédits de l’industrie, a estimé que cette progression demeurait encore modeste dans différents domaines. Ainsi les dotations affectées à la recherche industrielle et à l’innovation permettront tout juste de soutenir la réalisation des grands programmes européens et nationaux. S’agissant du soutien aux PMI, les dotations affectées au développement industriel régional augmentent de 1,5 % et permettent de poursuivre les actions engagées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, en particulier celles relevant de la procédure « ATOUT ». Les actions de restructuration des entreprises en difficulté ne connaissent pas de progression significative malgré les problèmes difficiles rencontrés par certains secteurs industriels tels que la construction navale ou la sidérurgie.

En revanche, les écoles d’ingénieurs bénéficient d’un appui renforcé avec en particulier une augmentation de 3 % des subventions d’équipement allouées aux écoles des mines.

Enfin, la politique de maîtrise de l’énergie est relancée grâce à la dotation supplémentaire de 500 millions de francs accordée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dont le tiers est imputé sur les crédits de l’industrie.

Il a ensuite posé trois questions au ministre :

– à combien s’élèveront les crédits de reconversion industrielle inscrits au budget de l’industrie après les annonces de fermeture ou de restructuration concernant les chantiers navals du Havre et Usinor ?

– après le rachat par Framatome de l’entreprise de connectique américaine Berg et la décision du gouvernement allemand de sortir progressivement du nucléaire, le constructeur français de centrales nucléaires a-t-il l’intention d’abandonner son métier de base ? Quel est dans ces conditions l’avenir du programme EPR ?

– sur quelle ligne budgétaire seront inscrits les crédits de 300 millions de francs affectés au programme « société de l’information » ?

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis des crédits des postes et télécommunications, a indiqué que les crédits du secrétariat d’Etat à l’industrie spécifiquement destinés aux postes et télécommunications s’élèveraient à 2,66 milliards de francs en 1999, ce qui représente une croissance de 1,34 % par rapport à 1998. Cette augmentation serait plus élevée si l’on prenait en compte les crédits, figurant dans le budget des charges communes, destinés à stabiliser les charges de retraites supportées par La Poste (dont la croissance du coût est évaluée à environ 600 millions de francs par an).

Il a attiré l’attention sur l’environnement de plus en plus concurrentiel dans lequel est plongée La Poste, comme France Télécom. En effet, environ 40 % du chiffre d’affaires total de La Poste sont réalisés sur des marchés ouverts à la concurrence. Les concurrents de La Poste, y compris dans le secteur du courrier et des colis, sont particulièrement compétitifs ; ainsi, le chiffre d’affaires que réalise DHL en France est le double de celui réalisé par Chronopost.

Le rapporteur pour avis s’est félicité de la conclusion du contrat d’objectifs et de progrès qui traduit un réengagement financier de l’Etat en faveur de La Poste. Il exprime le refus d’utiliser le prix du timbre de la lettre ordinaire comme variable d’ajustements des comptes de La Poste ; il prévoit un effort sans précédent de l’Etat en matière de financement des pensions des fonctionnaires retraités de La Poste, charge qui consommait jusqu’à présent les gains de productivité dégagés annuellement par La Poste et qui croissait de 600 millions de francs chaque année en moyenne ; il stabilise la contribution de l’Etat au transport postal de la presse et prévoit, grâce à l’intervention de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, son relèvement à 1,9 milliard de francs pour 2000 et 2001 ; il améliore la gestion des fonds déposés sur les CCP en la confiant pour partie à La Poste.

En matière de présence postale sur le territoire, M. Gabriel Montcharmont a considéré que la création, prévue par le contrat d’objectifs et de progrès, de commissions départementales constituait un progrès, bien que contrairement à l’avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, aucune dotation budgétaire n’ait été prévue pour le fonctionnement de ces commissions.

En matière de gestion des personnels de La Poste, il a donné acte des efforts de réduction de la précarité de plusieurs milliers de contractuels, mais a regretté que La Poste soit exclue du bénéfice des aides à la réduction du temps de travail.

Il a ensuite interrogé le ministre sur la transposition de la directive postale du 15 décembre 1997, qu’il a jugé indispensable et urgente.

Concernant le secteur des télécommunications, il a fait observer la multiplication des procédures contentieuses qui souligne l’âpreté de la concurrence entre les opérateurs. Il a interrogé le ministre sur deux sujets relatifs au service public :

– en matière de recherche, France Télécom respecte son cahier des charges en consacrant plus de 4 % de son chiffre d’affaires aux dépenses de recherche et développement, mais la consistance de son engagement dans le réseau national de recherche en télécommunications est difficile à apprécier, de même que le contenu de la recherche d’intérêt général menée par le centre national d’études des télécommunications (CNET) ;

– les mesures de réorganisation du réseau des cabines publiques de France Télécom soulèvent de vives inquiétudes auprès des élus ruraux, notamment dans les zones à très faible densité de population.

En réponse aux rapporteurs pour avis, le ministre a apporté les précisions suivantes :

– s’agissant des entreprises industrielles en difficulté et des crédits de reconversion des régions en crise, le bassin du Havre va faire l’objet d’un programme de réindustrialisation qui sera élaboré en liaison avec les collectivités locales. Ce programme mobilisera plusieurs centaines de millions de francs qui seront soit affectés à la société de conversion Sodie, soit inscrits au chapitre 64-96 (actions de restructuration hors comité interministériel pour les restructurations industrielles –CIRI–). Pour Usinor, le groupe a ses propres outils de conversion et les engagements pris au cours des dernières années seront tenus. Il faudra cependant être vigilants car la croissance externe de l’entreprise peut placer certaines filiales dans une situation difficile ;

– 35 % du chiffre d’affaires de Framatome sont désormais réalisés dans le secteur de la connectique. Hors EPR, il n’y aura pas de nouvelles commandes de centrales avant 2005-2010. De ce point de vue, les récentes décisions prises par le nouveau gouvernement allemand ne changent rien aux perspectives de Framatome. Framatome doit donc devenir une des premières entreprises mondiales dans le secteur de la connectique afin de traverser cet « hiver nucléaire ». Quant à l’évolution de l’actionnariat de l’entreprise, un point devra être fait lorsque seront connues les intentions allemandes sur l’EPR ;

– les crédits du programme « société de l’information » sont inclus dans le chapitre 66-01 consacré au développement de la recherche industrielle et à l’innovation ;

– la loi de transposition de la directive électricité devrait être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en février ou mars prochain. Elle vise à promouvoir un service public rénové et propose une approche globale de la politique énergétique du pays ;

– il faut réaffirmer la nécessité de conforter la présence de La Poste dans les zones rurales en déshérence et dans les quartiers en difficulté. L’existence de points de contacts postaux est un élément fondamental de la présence de l’Etat et du sentiment de l’appartenance à la communauté nationale ;

– les commissions départementales prévues par le contrat d’objectifs et de progrès devraient être mises en place à partir du mois de novembre 1998 par les préfets, qui ont reçu des instructions en ce sens. Ces commissions seront composées d’élus et de représentants de La Poste. Toute modification du réseau des points de contact postaux devra être précédée d’une consultation de la commission départementale, qui disposera d’un délai de six mois pour effectuer ses travaux, en particulier l’audition des élus locaux directement concernés, pendant lequel La Poste ne pourra fermer aucun point de contact. Les commissions seront donc saisies de propositions de réorganisation présentées par La Poste ; le secrétaire d’Etat à l’industrie considèrera comme inacceptable toute mesure de réorganisation qui n’aura pas été précédée d’une concertation avec les élus dans le cadre de ces commissions. Ce mécanisme devrait mettre fin aux décisions unilatérales de réaménagement du réseau postal notifiées par La Poste aux communes sans véritable dialogue ;

– la conduite d’un dialogue social doit constituer un mode normal de fonctionnement interne de La Poste. Il doit parvenir à réduire la durée du temps de travail dans les services opérationnels et fonctionnels. Cette réduction doit s’accompagner d’embauches car la solution de l’accroissement des heures supplémentaires effectuées par les agents de La Poste est inacceptable. Il faut donc que la direction de l’exploitant public négocie la réduction–aménagement du temps de travail, qui s’applique à La Poste. Cette réduction-aménagement du temps de travail doit cependant avoir des déclinaisons locales permettant d’adapter cet objectif au terrain ;

– les textes en matière d’implantation des cabines publiques de téléphone doivent être respectés. Le cahier des charges de France Télécom impose la présence d’une cabine téléphonique dans chaque commune, et dans les communes dont la population est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants, il doit y avoir un publiphone par tranche de 1 500 habitants au-dessus du premier millier. Le nombre total de cabines téléphoniques implantées en France a progressé mais ces règles quantitatives doivent être toujours respectées ;

– le réseau national de recherche en télécommunications vise à mettre en relation et assurer une coordination entre le CNET, l’institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA), des laboratoires privés, des laboratoires d’entreprises, etc. Le rapport annuel de France Télécom a évalué à 5,4 milliards de francs le total des dépenses de recherche et développement du groupe. En matière de recherche d’intérêt général, il faut indiquer que France Télécom accepte dans certains cas de conduire des travaux importants. Mais ceux-ci auront tendance à diminuer dans l’avenir. Il faut cependant éviter d’affaiblir la puissance de recherche du CNET ;

– le projet de loi de transposition de la directive postale du 15 décembre 1997 est en préparation. Il sera bref et sera examiné après la discussion du projet de loi de transposition de la directive européenne concernant le secteur de l’électricité, qui devrait être débattu en séance publique à l’Assemblée nationale en février ou en mars prochain. Ce dernier projet de loi proposera une approche globale de la politique énergétique de la France.

M. Christian Bataille a observé avec intérêt que les crédits de l’industrie enregistrent pour 1999 une progression, certes modérée, mais qui intervient dans un contexte de faible inflation. Il a par ailleurs noté que le Gouvernement manifeste dans ce projet de budget sa volonté de préserver les choix technologiques faits depuis plusieurs décennies en faveur de la croissance et de l’emploi, le fondement de cette politique étant très probablement « l’alliance de la République et de la science ».

M. Christian Bataille a rappelé que le Premier ministre, le ministre de l’économie et des finances et le secrétaire d’Etat à l’industrie lui-même ont évoqué à plusieurs reprises l’organisation d’un débat au Parlement sur la politique de l’énergie. Il a souhaité savoir quelles étaient les intentions du Gouvernement en la matière.

M. Christian Bataille s’est ensuite félicité de l’accroissement de 15 % des crédits prévus pour le CEA. Il a souhaité savoir, en ce qui concerne EDF, si le Gouvernement envisageait le recours au combustible Mox pour huit réacteurs supplémentaires, notant qu’EDF envisageait à terme de « moxer » vingt-huit réacteurs.

Il a estimé que l’EPR, véritable outil industriel du futur, constitue une chance pour la France, qui doit lui permettre d’être présente sur les marchés mondiaux. M. Christian Bataille a demandé à M. Christian Pierret quel site d’implantation le Gouvernement envisageait pour le réacteur tête de série ; il a estimé que ce dernier doit impérativement être construit en France. Il a demandé également des précisions sur les laboratoires souterrains de recherche et fait part de ses inquiétudes en matière de fabrication du combustible ; les sites français de COMUREX (Pierrelatte, les sites de l’Aude) doivent être protégés à cet égard contre la concurrence due à l’arrivée de combustibles militaires russes, car le maintien d’emplois est en jeu.

M. Robert Galley a manifesté sa satisfaction de voir le Gouvernement, et notamment le ministre de l’économie et des finances, défendre la politique nucléaire française. S’agissant des laboratoires souterrains de recherche, il a souhaité que les déclarations faites en février dernier par le Premier ministre soient suivies d’effet.

Il a estimé ensuite que, pour procéder au renouvellement de notre parc de centrales et poursuivre ainsi notre politique nucléaire, il faudra disposer non seulement de l’EPR mais aussi d’un retour de l’expérience acquise par l’EPR sur plusieurs années ; il a interrogé le secrétaire d’Etat sur les modalités prévues de financement de l’EPR et demandé qu’EDF soit placé dans des conditions de véritable compétitivité sur les marchés extérieurs.

M. Claude Gaillard a estimé que le budget de l’industrie pour 1999 ne présentait pas de problèmes majeurs mais a émis des doutes sur la stratégie industrielle du secrétaire d’Etat, indiquant que les réorganisations administratives prévues dans ce secteur n’étaient pas de nature à le rassurer. Il a souhaité savoir quelles seraient les conséquences pour EDF et GDF de l’ouverture à la concurrence, quelles étaient les complémentarités de ces deux entreprises, si le CNET disposerait à l’avenir d’un carnet de commandes comparable à celui qui était le sien naguère en matière de recherche et il a souligné, précisément sur ce thème de la recherche, qu’il serait difficile de définir une stratégie industrielle d’ensemble. Il a jugé enfin que l’instauration de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pouvait avoir des effets pervers, au moins pour notre politique de l’eau, car elle pourrait entraîner la disparition des agences de bassin.

M. Roger Meï s’est félicité des réponses claires apportées par le ministre. Il a demandé quand serait organisé au Parlement le débat promis par le Gouvernement et souhaité qu’il porte à la fois sur l’environnement et l’énergie.

Il a demandé ensuite des précisions sur la ventilation entre les différents bassins miniers des 120 millions prévus pour le fonds d’industrialisation des bassins miniers (FIBM). Estimant que les Charbonnages de France n’avaient pas une véritable politique d’entreprise et notant que des zones d’entreprises près de Gardanne avaient obtenu des fonds, il a estimé que les aides à la reconversion devaient être réservées aux entreprises qui recrutent des personnes dans les bassins miniers eux-mêmes . Il a demandé enfin que la création d’emplois dans les bassins miniers fasse l’objet d’une politique spécifique et que les fonds du FIBM ou de la SOFIREM ne soient pas octroyés seulement aux entreprises industrielles.

M. Franck Borotra a estimé que les débats en séance publique lors de la discussion du projet de budget de l’industrie pour 1999 permettront de mener une analyse précise de l’évolution des dotations de ce budget. Il a ensuite fait part de son désaccord profond avec la stratégie du secrétaire d’Etat, observant que son point de vue était souvent partagé dans l’administration de l’industrie. M. Franck Borotra a estimé que le Gouvernement n’avait pas en réalité de stratégie industrielle claire. Prenant l’exemple du secteur des chantiers navals et de la politique de commandes aux Ateliers chantiers du Havre, il a fait remarquer qu’aucune véritable stratégie n’avait été définie pour aider un secteur industriel en grande difficulté, alors que la France a en la matière les atouts d’une puissance industrielle. Le Gouvernement semble avoir eu au contraire une approche ultra-libérale des problèmes, un peu comparable à celle prônée par l’Union européenne, qui, pour l’essentiel, vise à aider les armateurs et non les chantiers.

En ce qui concerne les problèmes posés aux chantiers du Havre, M. Franck Borotra a noté, qu’alors que M. Rufenacht avait dès le 27 août 1997 saisi le Gouvernement des problèmes posés, celui-ci n’avait réagi que le 16 juin 1998. Cet exemple révèle lui aussi le désintérêt gouvernemental à la conduite d’une vraie stratégie industrielle.

De la même façon, dans le secteur automobile, le Gouvernement a commis l’erreur de décrier le diesel et d’augmenter la TIPP sur le gazole, alors que dans le même temps la plupart des pays encouragent son développement.

Pour l’énergie nucléaire, M. Franck Borotra a jugé que le Gouvernement français avait porté atteinte à sa crédibilité en prenant la décision de fermer Superphénix faisant ainsi le jeu de ceux qui cherchent à déstabiliser notre filière nucléaire. Il a demandé enfin des précisions sur la politique suivie à l’égard de Thomson et dans le secteur aéronautique.

M. François Brottes a salué le volontarisme de la politique du secrétaire d’Etat. Il a fait remarquer qu’aussi bien La Poste que France Télécom devaient concilier les exigences du service public « à la française » et celles du service universel et que ces deux entreprises devaient concilier également les besoins du développement industriel et commercial avec ceux de l’aménagement du territoire. S’agissant de la mise en place de cabines téléphoniques, il a donné acte des mesures figurant dans le cahier des charges de France Télécom, mais a relevé que l’élément important dans les zones de montagne était la distance séparant la cabine téléphonique des habitations. M. François Brottes a jugé positive l’existence de commissions départementales pour la présence postale, mais a demandé au ministre comment pouvait s’opérer la conciliation des fonds structurels européens réaménagés avec le service universel à l’échelle européenne.

M. Léonce Deprez a demandé au secrétaire d’Etat s’il envisageait de poursuivre la stratégie précédemment menée dans l’industrie textile en la généralisant, de manière à sauver ce secteur d’activité, notamment par un allégement des charges. Il a demandé ensuite quelle serait la politique du FIBM à l’égard de la région Nord-Pas-de-Calais, puis s’il n’existait pas, notamment avec la mise en oeuvre des 35 heures, un risque de voir se développer les délocalisations dans le secteur de l’industrie papetière et s’est inquiété de la place prise par l’entreprise d’imprimerie Quebecor . Il a demandé également au secrétaire d’Etat si les banques françaises ne devaient pas être présentes comme leurs consoeurs allemandes en Russie pour favoriser les investissements industriels. Estimant enfin que notre pays souffre toujours d’une « sous industrialisation », il a réclamé la conduite d’une politique volontariste, reposant en particulier sur le développement de sociétés de « capital-risque ».

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

– le Gouvernement ne craint pas la tenue d’un débat parlementaire sur l’énergie car ses choix dans ce domaine convergent avec ceux de la plupart des députés et s’inscrivent dans la continuité des politiques menées par les précédents gouvernements ; il est de l’intérêt du pays d’assurer la sécurité de nos approvisionnements et de rester le leader mondial dans le domaine de la production d’électricité d’origine nucléaire. Mais l’inscription du débat à l’ordre du jour dépend de la Conférence des présidents. Or le calendrier parlementaire est particulièrement chargé ; il incombe donc aux présidents de groupe de réitérer leur demande de débat ;

– le Gouvernement qui a déjà décidé de « moxer » quatre tranches nucléaires supplémentaires s’est fixé pour objectif de procéder à la même opération sur huit autres réacteurs ;

– l’EPR fait déjà l’objet d’un avant-projet détaillé. Si on veut être prêt vers 2010 à renouveler notre parc de centrales en choisissant un réacteur plus sûr et moins consommateur de combustible, il faudra prendre au cours des prochains mois une décision favorable à la construction d’un prototype. Cette décision devrait sans doute être prise en 1999 et fixera le lieu d’implantation du réacteur ;

– comme d’autres, les problèmes rencontrés par la COMUREX incitent à privilégier l’industrie nationale ;

– à partir de 1999, EDF va évoluer dans un univers économique plus ouvert ; la filière nucléaire fera à cette occasion la preuve de sa compétitivité dans d’irréprochables conditions de transparence ; le but est de parvenir à produire de l’électricité à 17 centimes le Kwh grâce à l’EPR alors que le coût communément admis de l’électricité produite à partir du gaz s’établit entre 20 et 27 centimes le Kwh ;

– conformément à la décision prise lors du conseil interministériel du 4 février, des laboratoires de recherche pour le stockage des déchets radioactifs en couches géologiques profondes seront construits. Une décision imminente sera prise sur ce point et déterminera les sites choisis. Il s’agit d’unités de recherche et non de stockage ou de pré-stockage qui permettront au Parlement de déterminer en 2006 notre politique de l’aval du cycle du nucléaire. Le ministre a fait observer que dans l’accord de gouvernement les liant, le SPD et les Verts allemands ont d’ores et déjà prévu de construire un véritable centre de stockage de déchets en couches géologiques profondes. Par ailleurs, le secrétariat d’Etat à l’industrie affectera des crédits à la recherche sur le stockage en surface, cette voie ayant été quelque peu négligée auparavant ;

– la réorganisation du ministère de l’économie et des finances n’affecte pas « l’identité industrielle » de certains personnels ; elle ne remet pas en cause l’existence d’une stratégie industrielle globale ;

– de larges convergences existent entre EDF et GDF tant dans le domaine de la qualité que dans celui de la recherche de la fourniture d’énergie au meilleur prix. L’existence d’EDF-GDF Services est là pour témoigner de la complémentarité des deux entreprises. Il est normal qu’EDF envisage de formuler à l’avenir des offres « multi-énergies » ;

– un effort est porté sur les énergies renouvelables comme l’illustre le programme Eole 2005 devant permettre de disposer à terme d’une capacité de production de 400 MW d’électricité d’origine éolienne ; s’agissant de l’électricité d’origine photovoltaïque, notre capacité de production devrait s’élever à 40-45 MW au cours des prochaines années ;

– le pacte charbonnier sera appliqué et il n’entre pas dans l’intention du Gouvernement de réduire les périodes d’exploitation des mines. L’Etat respectera donc sa parole en particulier dans les sites du bassin du Centre-Midi tel Gardanne, site qui devra faire l’objet d’une action massive de modernisation ;

– les aides consenties par le Fonds d’industrialisation des bassins miniers (FIBM) devront être réformées afin d’en faire de véritables instruments d’aménagement du territoire. Leurs conditions d’attribution doivent pouvoir être élargies ; une mission d’experts sera nommée pour réfléchir à une réforme des modes d’intervention du FIBM ;

– les difficultés rencontrées par les ateliers-chantiers du Havre (ACH) proviennent d’une prise de commandes faite en 1995 qui s’est révélée être une véritable erreur industrielle faite de bonne foi. En effet, le fournisseur belge d’acier inoxydable a été défaillant et les chantiers ont rencontré divers problèmes techniques portant tant sur les cloisons que sur les opérations de soudure et de peinture. En conséquence, un retard de plus de deux ans a été accumulé pour la livraison du premier navire. Celle-ci devrait normalement intervenir à la fin mars 1999 mais les difficultés récurrentes rencontrées par les ACH font qu’il n’est pas certain que ce délai puisse être tenu. Aujourd’hui le premier navire n’est pas encore livré alors que, selon le plan de commande initial, les ACH aurait dû commencer la construction du troisième bâtiment ; le nombre d’heures de travail a été doublé nécessitant l’embauche de 436 intérimaires ; au total, l’Etat aura dépensé pour soutenir les ACH une somme de 1,87 milliard de francs alors que 1,106 milliard de francs a été facturé à l’armateur. Cette aide représente 168 % du montant de la commande alors que les aides autorisées par les règlements communautaires ne doivent normalement pas dépasser 9 % ; le coût de cette aide par ouvrier et par mois s’élève à 125 000 F. Un tel montant de subventions pourrait permettre de développer une véritable politique de diversification, de réindustrialisation et de création d’emplois dans la région du Havre. Plusieurs entreprises ont d’ores et déjà été incitées à s’installer dans la zone portuaire ;

– s’agissant des aides à l’industrie textile qui n’étaient pas conformes aux règles communautaires, elles seront remboursées selon des modalités à définir ;

– l’industrie du papier fait l’objet d’une importante réorganisation. Si l’entreprise canadienne Quebecor s’installe dans le nord de la France, il faudra veiller avec les industriels de l’imprimerie à ce que des petites entreprises françaises ne soient pas absorbées ;

– les banques ont provisionné leurs risques sur la Russie ;

– s’agissant de la réforme de la fiscalité du gazole, il a pu obtenir que le rattrapage du décalage fiscal par rapport à l’écart moyen européen soit étalé sur sept ans et que celui-ci soit fixé à 7 centimes en 1999, les constructeurs français ayant exprimé leur accord sur ce dernier point ; il a fait remarquer que les moteurs diesel avait fait de sensibles progrès en matière d’émissions d’oxyde d’azote, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone et que la mise au point de la technologie dite du « common rail » permettait de réduire les émissions de particules ;

– les dépenses de recherche-développement de France Télécom peuvent être évaluées à 6,1 milliards de francs en 1997 et non 5,4 milliards de francs, ce qui représente 4,5 % du chiffre d’affaires de la maison mère. France Télécom s’orientera de plus en plus vers une recherche sur les produits, les services et les métiers directement liés à l’objet social de l’entreprise ;

– la proposition de M. François Brottes d’inscrire dans le cahier des charges de France Télécom une règle de densité ou d’espacement des cabines téléphoniques dans les zones à faible densité de population mérite d’être étudiée. Le secrétariat d’Etat va y réfléchir en concertation avec la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications ;

– coordonner les règles de fonctionnement des fonds structurels européens avec les règles du service universel, c’est-à-dire établir une liaison organique entre ces fonds et les règles du maintien et du développement du service public, est particulièrement difficile car les zones éligibles aux fonds structurels vont être réduites de même que l’intensité des interventions du FEDER. La négociation en cours est très délicate, notamment avec les Allemands qui ont des positions très différentes de celles des Français.

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Conformément aux conclusions de M. Claude Billard, rapporteur pour avis, la commission a ensuite émis un avis favorable à l’adoption des crédits de l’industrie pour 1999.

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Puis, la commission a entendu M. Jacques Guyard, président de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

M. Jacques Guyard a indiqué en préambule que la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (CSSPPT) existait depuis huit ans mais que c’était la première fois que le rapport annuel qu’elle est chargée d’établir donnait lieu à débat devant la commission de la production et des échanges. Il a souligné que ce débat lui paraissait d’autant plus justifié que la CSSPPT, par sa composition et ses missions, s’inscrit dans la perspective du renforcement du contrôle parlementaire sur le respect du service public et de l’intérêt national par des entreprises ou opérateurs publics exerçant leur activité dans le secteur concurrentiel. C’est déjà le cas pour La Poste et France Télécom, ce le sera demain pour EDF, GDF ou d’autres établissements publics.

La CSSPPT participe, au nom du Parlement, au contrôle de la qualité du service public des postes et télécommunications ; elle est consultée sur toutes les décisions relatives à ces domaines. Ainsi, le contrat de plan signé entre l’Etat et La Poste en juin 1998 n’est pas soumis à l’approbation du Parlement mais la CSSPPT a été consultée sur son contenu au cours de sa négociation et a émis des réserves sur certains points. Elle considère par ailleurs que le Gouvernement doit préserver une capacité d’intervention dans le secteur des télécommunications par rapport à l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), notamment dans le cadre des négociations européennes et internationales où le secrétaire d’Etat ne dispose pas de moyens d’expertise suffisants face aux autres gouvernements.

Ses domaines d’intervention se caractérisent par une évolution très rapide des technologies que la réglementation n’a pas prise en compte, qu’il s’agisse d’Internet ou de la convergence des téléphonies fixe et mobile. Le rôle de la CSSPPT est de proposer les adaptations nécessaires mais aussi de veiller au respect des missions d’intérêt général que sont la recherche et la formation.

En outre, la Commission est guidée par le souci de ne pas pénaliser l’opérateur placé en situation de concurrence. Ainsi, elle s’est prononcée contre le projet de décret prévoyant une procédure d’aide sociale pour l’accès au téléphone des personnes les plus démunies, estimant que le coût de gestion de cette procédure serait supérieur à la prestation offerte.

Les priorités de la CSSPPT pour 1998-1999 dans le secteur des télécommunications seront l’examen des questions posées par l’accès de nouveaux opérateurs à la « boucle locale », la portabilité des numéros prévue par la loi mais dont l’impact sur les coûts de fidélisation de la clientèle est très élevé, ainsi que la convergence fixe-mobile. En outre, il faudrait régler le problème récurrent du régime dérogatoire de la taxe professionnelle acquittée par France Télécom.

Quant au secteur postal, la CSSPPT s’est attachée à défendre la qualité du service public lors des discussions portant sur le contrat de plan, en particulier le maintien le plus large possible du secteur réservé afin de préserver la capacité d’acheminement du courrier sur l’ensemble du territoire dans le délai de J + 1. Le deuxième grand chantier est la transposition de la directive postale adoptée le 15 décembre 1997. La CSSPPT a attiré l’attention du Gouvernement sur les risques d’une non-transposition de ce texte à la date prévue, c’est-à-dire le 10 février prochain, en ce qui concerne le maintien d’un secteur réservé.

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Puis, conformément aux conclusions de M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits des postes et télécommunications pour 1999.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

– Saisie des candidatures de MM. Philippe Duron et Patrick Ollier, la commission a nommé M. Philippe Duron rapporteur pour le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (n° 1071).

– La commission a décidé de reporter à sa prochaine séance la désignation de ses candidats à la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.


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