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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 15

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 novembre 1998
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

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– Audition de Mme Dominique VOYNET, ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, sur le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (n° 1071)




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La commission a entendu Mme Dominique Voynet, ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, sur le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (n° 1071).

Mme Dominique Voynet, ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, a rappelé que le Gouvernement débattait depuis plusieurs mois des nouvelles modalités de la politique d’aménagement du territoire et fait valoir que le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire permettait de recadrer cette politique en fonction des évolutions constatées :

– la mondialisation de l'économie et des échanges qui a changé l'échelle à laquelle doit se penser la politique d'aménagement du territoire ;

– la nécessité de construire cette politique à l'échelle de l'Europe et non plus seulement dans le cadre hexagonal ; en effet, dans une économie ouverte, elle est devenue un instrument de la capacité de notre pays à affirmer sa place originale dans l'économie mondiale ;

– la décentralisation qui fait que l'Etat n'est plus le seul acteur de l'aménagement du territoire ; l'action publique doit aujourd'hui être négociée entre divers partenaires disposant de ressources variées et d’une légitimité ;

– enfin, le souhait des Français d’être davantage associés aux décisions qui les concernent et de participer plus concrètement à la construction de leur cadre de vie et de travail ; la politique d'aménagement du territoire doit donc concourir à restaurer le rôle du citoyen dans la cité.

La ministre a ensuite expliqué que la politique d'aménagement du territoire devait évoluer en s’appuyant sur quatre priorités :

– un développement tenant compte du fait urbain, et résolument ouvert sur l'international, construit à partir des fonctions de l'intelligence, grâce à la généralisation et l'élévation du niveau des équipements et des services. Ceux-ci constituent aujourd'hui les facteurs primordiaux de la modernisation de la société, notamment en matière d'éducation, de culture et de santé ;

– une organisation solidaire des territoires construite sur des logiques de partenariats économique et institutionnel ayant la double préoccupation de créer des espaces pertinents au regard des réalités du développement économique et de la vie collective, d'une part, et d'accroître l'initiative des citoyens et leur participation à la décision publique, d'autre part ;

– la préservation du cadre de vie dans la diversité des territoires, c'est-à-dire la sauvegarde du modèle de ville européenne auquel les Français sont fortement attachés, la qualité des campagnes et la richesse des espaces naturels ;

– l'association des Français aux buts poursuivis par la puissance publique, comme à ses choix, grâce à des procédures de délibération leur permettant d'exprimer leurs idées et de confronter leurs intentions. La ministre a fait observer, comme un président de région le lui avait confié le matin même, que ce n’est pas tant la qualité des projets qui compte que la façon dont ils sont portés par la population.

La ministre a jugé que la mise en oeuvre de ces orientations nécessitait la révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, née d’un triple constat :

– l'épuisement d'une politique nationale d'aménagement du territoire qui peinait à inspirer et imprimer les changements structurels qui relevaient de sa responsabilité ;

– la multiplication, du fait de la décentralisation et de la construction européenne, des lieux de conception et de mise en oeuvre des politiques à finalité spatiale, sans que ces nouveaux échelons d'administration soient en mesure d'agir à partir de la société et non plus en son nom ;

– l'absence de règles constitutives définissant de manière stable les objectifs et les moyens d'action de l'aménagement du territoire et garantissant des règles du jeu et des principes harmonisant les coopérations entre les acteurs de l'aménagement.

La loi du 4 février 1995 avait vocation à redonner à la politique d'aménagement du territoire des principes fondamentaux clairs et susceptibles de lui assurer légitimité et continuité, et à permettre la mise au point des outils et des règles organisant un système d'actions collectives fondé sur la coopération entre les différentes catégories d'acteurs publics et privés.

Son bilan en 1997 fait apparaître une application très partielle. Plus de deux ans après le vote de la loi, de nombreux textes d'application n'avaient pas été publiés. Des dispositions étaient restées sans effet faute de cohérence et de continuité dans l'action publique.

Mme Dominique Voynet a considéré que les mesures de discrimination présentées comme une « grande victoire » n'apportaient pas les solutions attendues pour le développement des territoires les plus fragiles. L'impasse sur la question urbaine réduit les chances d'accrochage des territoires aux grands mouvements économiques, sociaux, culturels et leur capacité à générer une géographie solidaire avec les territoires qui les entourent. Cette loi traduit une approche plus préoccupée de redistribution que de création de richesses et une conception insuffisamment attentive aux rôles des initiatives locales porteuses de développement économique, de création d'emplois, de cohésion sociale et de responsabilité vis-à-vis de l'environnement.

Elle a fait valoir que trois principes présidaient à la révision de la loi du 4 février 1995 proposée au travers du projet de loi :

– la recherche d'un nouvel « équilibre » entre l'Etat et les autres acteurs de l'aménagement du territoire. Au schéma unitaire dans lequel les autorités centrales assuraient la direction des politiques territoriales, se substitue un jeu pluraliste qui rend nécessaire la mise au point de modes de coordination des initiatives publiques et privées ;

– le souci de « ménager » le territoire, le milieu devant être considéré comme une ressource à part entière, source de service et nécessaire à la pérennité du développement. L'Etat doit retrouver sa capacité à soustraire les politiques publiques à l'hégémonie du court terme ;

– la nécessité d'une organisation des territoires, préoccupée d'efficacité économique et d'efficacité démocratique et décidée à s'appuyer sur la constitution de ces territoires pertinents au regard des réalités de la vie collective.

La ministre a estimé qu’il s’agissait de passer à un développement construit, endogène où, face aux nouvelles règles de la performance économique, de la justice sociale et d'une qualité de vie et d'environnement plus partagée, la construction de compétences spécifiques, les capacités d'organisation et de coopération, la solidarité des cadres collectifs d'action notamment, prennent le pas sur les infrastructures et les équipements, ce qui ne signifie pas pour autant que l’on ne bâtira plus d’infrastructures ou d’équipements.

Quatre modifications sont proposées en application du premier principe énoncé, le nouvel équilibre entre l’Etat, les collectivités et les acteurs divers :

– le schéma national d'aménagement du territoire est remplacé par huit schémas de services collectifs élaborés, dans une perspective à 20 ans, en harmonie avec les schémas régionaux ;

– les schémas régionaux d'aménagement du territoire acquièrent un rôle plus important, renforçant les compétences de la région dans le domaine de l'aménagement du territoire ;

– les schémas de services collectifs introduisent des modifications dans les processus d'élaboration, l'évaluation financière, économique, sociale et environnementale et le recours à la concertation. Ils définissent des choix stratégiques qui constituent les nouvelles priorités nationales de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire ;

– le conseil national d'aménagement du territoire évolue vers une indépendance apte à éclairer les choix publics en matière d'aménagement du territoire. Il se voit doter d'une commission permanente chargée d'une mission d'évaluation des politiques d'aménagement du territoire et se substitue au groupement d’intérêt public prévu initialement et qui n’a pas été créé.

La ministre a ensuite expliqué que le second principe qui énonce le caractère durable de l'aménagement et du développement en conformité avec des engagements internationaux de la France conduisait à proposer sept modifications qui concernent tout d'abord la politique des transports.

Les cinq schémas sectoriels relatifs aux modes et infrastructures de transport sont regroupés en deux schémas de services intermodaux de transport des personnes et des marchandises. Ces schémas visent à réorienter la politique des transports afin que la réalisation des infrastructures et l'organisation des services de transport soient dorénavant conçues à partir du niveau de besoin à satisfaire plutôt qu'en fonction des caractéristiques des modes de transport à offrir.

La construction du canal Rhin-Rhône est abandonnée.

Concernant la gestion de l'espace et la valorisation des ressources, la ministre a indiqué que deux schémas supplémentaires étaient introduits dans la loi : un schéma de l'énergie et un schéma des espaces naturels et ruraux. Le premier vise à satisfaire les besoins en épargnant les ressources rares, en réduisant les risques, en limitant les pollutions et en favorisant les ressources énergétiques locales. Le second vise à assurer le devenir et la valorisation des ressources naturelles et rurales.

Les autres schémas sectoriels sont transformés en schémas de services collectifs construits, à 20 ans, sur une perspective de réponse aux besoins, articulant équipements et services rendus. Ils portent sur l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, la santé ainsi que sur les services de l'information et de la communication. Ces huit schémas sont ceux qui nécessitent une approche interrégionale et une mise en perspective à l'échelle européenne.

La ministre a indiqué que des ressources financières étaient affectées à la protection et à la gestion du patrimoine naturel, dans le cadre du fonds de gestion des milieux naturels.

La ville durable, enfin, doit être définie afin de lutter contre l'étalement urbain et s'inspirer du modèle européen de la ville compacte qu’il faut mettre en valeur.

La ministre a également indiqué que les contrats d'agglomération comprendraient l'engagement des collectivités signataires à se constituer en établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, dotés de compétences élargies (développement économique, aménagement de l'espace et transports permettant de mener une politique de cohésion sociale et de développement durable à l'échelle de l'agglomération). Des établissements publics fonciers pourront être créés dans les contrats d'agglomération.

Mme Dominique Voynet a expliqué que le troisième principe conduisait à proposer deux modifications concernant l'organisation des territoires.

Elle a fait observer que le pays était conforté en tant que territoire de projet et échelle de référence des services publics à travers la mise en place d'une politique contractuelle appuyée sur des chartes de territoires, expression d'un projet commun de développement et des orientations stratégiques de son organisation spatiale.

Elle a indiqué que l'organisation des agglomérations était encouragée. L'agglomération visée par le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, qui s'attache au projet d’agglomération et vise la contractualisation, anticipe et prépare l'organisation intercommunale du projet de loi relatif à l’organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale.

La ministre a ensuite fait observer que trois sujets n'étaient pas traités dans le cadre actuel du projet de loi portant révision de la loi du 4 février 1995 :

– la question des zonages, dont chacun s'accorde à souhaiter la simplification mais qui ne pouvait être traitée qu'une fois connues les dispositions arrêtées par l'Union européenne en matière de zonage des aides à finalité régionale, d'une part, et la nouvelle politique de fonds structurels, d'autre part ;

– la question de la péréquation financière, question de solidarité de proximité et des transferts entre l'Etat et les collectivités sous la forme de dotations ou de subventions ;

– la question des services publics, enfin, qui fait l'objet d'un autre projet de loi qui traite des droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Son contenu et ses principes en termes de services publics dépendent des schémas de services collectifs et de l'organisation du territoire en cours d'élaboration.

La ministre a conclu que le projet de loi d'orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire modifiait l'orientation générale de la loi du 4 février 1995 dans le sens d'un développement durable conciliant performance économique, justice sociale et qualité de l'environnement, et d'un renforcement de la participation au travers :

- des schémas de services collectifs centrés sur les besoins de service, et non sur l'offre ou la demande exprimée ;

- du passage à une logique de projets pour les territoires (régions, agglomérations, pays) ;

- du nouvel outil financier consacré aux milieux naturels (Fonds de gestion des milieux naturels) ;

- des structures participatives aux échelons nationaux (CNADT), régionaux (CRADT) et locaux (conseils de développement).

Il nourrit également le contenu de la décentralisation et anticipe, par le projet et le contrat, le renforcement de l'action des collectivités territoriales par trois moyens :

- l'affirmation du rôle des régions dans la planification ;

- la possibilité de contractualiser donnée aux agglomérations engagées dans une démarche de constitution de communauté urbaine ou d'agglomération, aux pays et aux parcs naturels régionaux, les structures intercommunales que sont les communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes étant maîtresses d'ouvrage et responsables des actions ;

– l’invitation faite aux départements de s'associer à la contractualisation sans pour autant constituer, sauf exception, l'échelon élémentaire d'élaboration et de mise en oeuvre du projet.

Elle a, à ce sujet, précisé que la constatation des pays requérait l'avis conforme des conférences régionales d'aménagement du territoire, présidées conjointement par le préfet de région et le président du conseil régional et associant de manière explicite les conseils généraux. Contrairement à la loi du 4 février 1995, les pays qui sont des territoires de projet, n'ont pas vocation par eux-mêmes à devenir un niveau d'intercommunalité ou un arrondissement, et sont, à ce titre, moins déstabilisateurs pour les départements que le dispositif de l’article 24 de la loi du 4 février 1995. Par ailleurs, ces pays, qui peuvent être, selon les régions, ruraux, mixtes urbain et rural ou seulement urbains, auront à identifier, reconnaître et assurer la participation des composantes rurales de leur territoire afin d'assurer la contribution de ces dernières au projet et d'éviter une domination du rural par l'urbain.

La ministre a fait valoir que le projet de loi rééquilibrait la loi du 4 février 1995 au profit des aires urbaines, insuffisamment prises en compte à l'origine par l'affirmation de l'agglomération dans un cadre intégré en matière de compétences ou de solidarité fiscale, sans pour autant affaiblir les dispositions relatives au milieu rural.

Il prend en compte la dimension européenne, principalement dans les huit schémas de services collectifs qui appellent nécessairement cette cohérence et des approches interrégionales. Il maintient, par définition, toutes les dispositions non abrogées et non modifiées, notamment celles relatives aux coopérations interrégionales ou transfrontalières, aux politiques de la montagne et du littoral, aux zonages et aux instruments financiers. Le fonds d’investissements des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) est largement doté et le fonds national pour le développement des entreprises (FNDE) a été doté pour la première fois en 1998, à hauteur de 200 millions de francs.

La ministre a estimé que le projet de loi introduisait, dans sa conception et dans la réalité, un changement de démarche renforçant la décentralisation. A la logique apparemment rationnelle de construction successive et déductive d'un schéma national, du schéma régional et du contrat - qui dans la réalité, introduit des écarts et de réelles contradictions entre le premier et le dernier -, il substitue une approche plus intégrée et plus interactive qui engage une première phase de définition des cadres, orientations ou stratégies - schémas de services, schémas régionaux, stratégies des contrats -, puis une deuxième phase consacrée aux documents eux–mêmes qui prennent en compte les contributions concertées de la première phase, les schémas régionaux devant être compatibles avec les schémas de service.

Le projet veut poser le fondement et le cadre nécessaires à la contractualisation entre l’Etat et les régions et à la programmation européenne qui doivent être définies pour le 31 décembre 1999. Le Gouvernement a décidé, à cet égard, de proposer aux régions, aux départements, aux groupements de communes et aux différents partenaires, une stratégie unique pour ces deux exercices, portant sur une même période de 2000 à 2006 d'une durée de 7 années, et comportant une mise à jour simultanée en 2003.

Le projet modifie donc, sans la bouleverser totalement, la loi du 4 février 1995.

M. Philippe Duron, rapporteur, a estimé que le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire était un texte très attendu qui traduisait une nouvelle ambition et une démarche novatrice.

Il a indiqué que ce texte, bien que présenté comme un projet de modification de la loi Pasqua, avait en fait un aspect très novateur. Il vise en effet à mettre en cohérence les politiques d’aménagement du territoire nationale et européenne, il introduit la notion nouvelle de développement durable, et il rompt avec la théorie de l’offre d’équipements qui a présidé aux textes précédents relatifs à l’aménagement du territoire.

A terme, l’aspect le plus intéressant du projet lui semble être la restructuration des territoires qu’il propose, centrée sur la recherche de nouvelles dynamiques liées à la manière dont est vécu l’espace : les pays, déjà existants, et les agglomérations, insuffisamment prises en compte précédemment.

Le renforcement des pôles de développement à vocation européenne replace l’espace français dans sa dimension européenne. Quant au rééquilibrage entre le rural et l’urbain, il ne doit pas aboutir à leur opposition, un certain nombre de villes pouvant devenir le noyau dur de pays (Quimper par exemple).

Le texte du projet de loi a pour effet de modifier les moyens d’action de la politique d’aménagement du territoire. Il supprime ainsi le schéma national d’aménagement du territoire afin d’assurer un meilleur dialogue entre les régions et l’Etat. Il permet également une démocratisation de la vie locale en assurant la participation des acteurs locaux (économiques, sociaux, culturels) au Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire, aux conférences régionales d’aménagement et de développement du territoire et aux conseils de développement des pays.

Au delà de ces aspects nouveaux et positifs, il a cependant tenu à faire quatre observations.

Le calendrier contraignant imposé par la nécessité d’adopter au 1er janvier 2000 les prochains contrats de plan Etat-régions et les documents uniques de programmation va probablement imposer une accélération de la procédure législative. Il a ainsi estimé cohérent, comme M. Jean-Pierre Balligand, que le Gouvernement demande l’urgence sur ce texte.

L’adoption et la révision des schémas de services collectifs par décret semblent rendues nécessaires par ce calendrier contraignant, mais cela aboutirait à priver le Parlement pendant vingt ans de son droit à se prononcer sur la politique d’aménagement du territoire. Il conviendra donc de modifier le texte pour permettre d’assurer l’information et un réel pouvoir d’appréciation du Parlement.

La notion de territoire pertinent est un concept fondamental de l’aménagement du territoire. S’agissant des agglomérations, le texte fait référence au projet de loi relatif à l’organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale qui fixe le seuil de celles-ci à 50 000 habitants pour les aires urbaines comportant une commune centre de plus de 15 000 habitants. Il s’est interrogé sur la pertinence de ces seuils, craignant que les petites villes ne soient incitées à se constituer en agglomérations alors qu’elles pourraient être l’élément moteur de pays.

Enfin, il a estimé que la structuration et l’animation du territoire passait par la présence de l’Etat et de ses services publics sur l’ensemble du territoire national. Reconnaissant que celle-ci doit évoluer pour tenir compte des mutations intervenues, il a estimé toutefois nécessaire de garantir une présence adaptée de l’Etat.

M. Christian Bataille a indiqué qu’il importait, dans un contexte de construction européenne, de réaffirmer le rôle régulateur de l’Etat. En matière d’aménagement du territoire, c’est l’Etat et lui seul qui peut prendre en compte l’intérêt national et réduire les inégalités entre régions. Selon lui, l’intérêt national ne saurait être compris comme une addition d’intérêts régionaux car une telle conception ne pourrait aboutir qu’à l’aggravation des déséquilibres territoriaux ; l’Etat doit donc assurer la cohérence des politiques publiques. La solidarité n’a de sens que lorsqu’elle s’exerce au niveau de la nation.

Il a ensuite rappelé que les lois de décentralisation de 1982 avaient accru le rôle des régions et que depuis cette date ces collectivités territoriales n’avaient cessé de voir leur influence s’étendre. Il ne faudrait pas pour autant que les autres collectivités soient négligées, le département devant également jouer un rôle important et complémentaire de celui des régions dans notre politique d’aménagement du territoire.

Puis il a estimé que l’émergence de pays et d’agglomérations correspondait à une approche pertinente des géographes mais que ces concepts devaient faire l’objet d’une définition juridique précise. Il a enfin craint que la montée en puissance de ce type d’entités ne s’accompagne d’un déficit démocratique puisque le mode de désignation de leurs dirigeants n’est pas le suffrage universel direct.

M. Félix Leyzour a en préambule replacé ce texte dans une actualité marquée par plusieurs projets de loi concernant les collectivités territoriales et par la prochaine réforme des fonds structurels européens. Après avoir souligné que la « loi Pasqua » avait été très partiellement appliquée, il a rappelé son attachement à une politique d’aménagement du territoire équilibrée tenant compte de la dimension sociale du problème.

Il a ensuite exprimé ses craintes sur les défauts de cohérence pouvant survenir entre le contenu des schémas de services collectifs et les options de la politique nationale. Il a par ailleurs déploré le rôle secondaire laissé au Parlement dans l’élaboration des schémas de services collectifs puisque le contenu de ceux-ci sera défini par décret. Il a ensuite demandé quelle péréquation était envisagée pour corriger les inégalités entre régions et quelle serait la place des services publics dans la politique d’aménagement du territoire, ceux-ci ayant un rôle structurant essentiel à jouer dans ce domaine. Il a enfin indiqué que les pays allaient probablement recouvrir des réalités diverses et qu’il convenait en conséquence d’aborder cette question avec pragmatisme, le pays ne devant pas devenir une institution vouée à éclipser à terme une collectivité territoriale telle que le département.

Pour M. Jean-Claude Lenoir, le rééquilibrage territorial doit bénéficier prioritairement aux zones rurales qui n’ont pas accès à certains équipements et services publics et non aux agglomérations urbaines. Il s’est également inquiété de l’articulation de ce texte avec d’autres projets de loi en préparation et a craint que, faute de coordination nationale, ne se pose le problème de la cohérence de nos politiques sectorielles et régionales.

Il a ensuite demandé, s’appuyant sur l’exemple de l’Orne, département déjà quadrillé par différents pays créés par arrêté préfectoral, quel serait l’avenir des pays déjà existants. Il a également voulu savoir si le terme d’agglomération avait la même acception dans ce texte et celui présenté par le ministère de l’intérieur et s’il était possible que des projets de pays soient éligibles à l’aide des fonds structurels européens.

M. Patrick Ollier s’est montré surpris par la démarche consistant à réformer une loi n’ayant reçu qu’un début d’application. Pour lui, l’Etat doit être l’élément coordinateur de la politique d’aménagement du territoire ; or en supprimant le schéma national d’aménagement du territoire, on élimine l’élément garantissant la cohérence de l’action publique dans ce domaine. Les huit schémas sectoriels ne remplaceront pas l’élément structurant que constitue le schéma national. Il a par ailleurs regretté que le projet de loi ne fixe pas d’objectifs clairs d’aménagement du territoire et s’est montré gêné par le choix fait en faveur d’un rééquilibrage vers la ville de notre politique d’aménagement du territoire. Selon lui, il faut donner à toutes les parties du territoire, quelles soient rurales ou urbaines, la même chance.

Il a ensuite rappelé que la « loi Pasqua » n’avait pas apporté de solution au problème posé par la clarification des compétences des acteurs de l’aménagement du territoire. Il a déploré de ne pas trouver plus de réponses à cette question dans le présent texte pas plus qu’à celle de la péréquation.

Quant aux instruments servant la politique d’aménagement du territoire, ils doivent pouvoir recourir aux « discriminations positives ». En effet, pour M. Patrick Ollier, l’égalité des chances passe par l’inégalité des traitements. Il s’est ainsi montré choqué par l’attitude du secrétariat d’Etat au budget consistant à promouvoir des normes fiscales uniformes ne tenant pas compte des disparités géographiques et économiques.

Rappelant que dans l’esprit de la « loi Pasqua » le pays « se constate », il a estimé que la création administrative autoritaire de pays par les préfets de région allait poser des problèmes. Il en est de même pour l’obligation faite aux pays de se constituer en syndicats mixtes. Il a indiqué que cette obligation risquait d’être interprétée comme un pas en avant vers la création d’une nouvelle collectivité territoriale. Il a donc appelé à une plus grande prudence en ce qui concerne les pays, tout en soulignant son approbation de leur non remise en cause.

Il a pour conclure insisté sur le rôle de l’Etat et la nécessité d’un « fil conducteur national » et exprimé la crainte que le manque de cohérence entre les schémas ne conduise à une augmentation des disparités entre régions.

M. Jean-Michel Marchand a indiqué que le projet de loi avait pour objet de modifier la loi du 4 février 1995 qui avait un caractère ruraliste trop marqué.

Le projet de loi a un objectif de développement durable, il affirme le rôle majeur de la région et il s’inscrit dans une dimension européenne.

Il a souligné le rôle de la conférence régionale d’aménagement et de développement du territoire composée de représentants des collectivités territoriales, des pays, des parcs naturels régionaux et des activités économiques, sociales, culturelles et environnementales.

Il s’est demandé quelles seront l’articulation et la place respective des parcs naturels régionaux, des pays et des agglomérations dans le cas où il y aurait superposition des zonages.

Il a souhaité en outre avoir des précisions sur le cahier des charges qui présideront à la mise en place des schémas de services collectifs.

Enfin, il s’est interrogé sur le rôle du Parlement en matière d’évaluation des politiques d’aménagement du territoire face aux nécessaires réorientations imposées par une prospective à vingt ans.

M. Yves Coussain a observé que le projet de loi était un projet de rupture par rapport à la loi du 4 février 1995.

Il a regretté que le principe de complémentarité entre ville et campagne soit abandonné au profit d’une opposition plus marquée entre ces deux territoires, l’un étant considéré comme étant créateur de richesse et l’autre comme zone de loisirs.

Il s’est demandé quelle réponse apporter au problème de l’appauvrissement des services publics dans les zones rurales.

En matière d’équipement, il a indiqué que le texte rompait avec le principe de la loi du 4 février 1995 selon lequel il ne devait pas y avoir de bassin de vie à plus de 45 minutes d’une route à quatre voies.

S’agissant des pays, il a regretté les complications apportées par le texte. L’obligation de constituer un syndicat mixte ou un établissement public de coopération intercommunale pour permettre aux pays de contractualiser lui semble susceptible de décourager les initiatives. Certaines communes ou communautés de communes ont déjà abandonné l’idée de se constituer en pays car elles ne souhaitent pas voir apparaître une structure nouvelle ayant vocation à percevoir l’impôt.

Il s’est enfin interrogé sur la cohésion entre schémas de services collectifs et schémas régionaux d’aménagement du territoire.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont s’est réjouie de la nouvelle approche du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire notamment du rééquilibrage proposé entre le monde rural et urbain.

Elle a relevé le fait qu’avec les schémas de services collectifs l’Etat se livre pour la première fois à une réflexion stratégique prospective à vingt ans. Elle a toutefois estimé nécessaire de prévoir des conditions d’ajustement des orientations afin de ne pas introduire de rigidités dans la mobilisation des concours de l’Etat sur des projets structurants ou des mesures nouvelles.

Elle a souligné l’importance de l’intégration des services publics au sein des schémas, en milieu rural mais aussi en zone urbaine fragile.

Elle s’est ensuite inquiétée de la place faite aux régions. Rappelant que les conseils généraux sont des collectivités de plein exercice élues au suffrage universel direct qui prélèvent l’impôt et participent fortement à l’aménagement du territoire, il lui a semblé important de préciser et affirmer leur rôle.

Elle s’est demandée si la réforme de la taxe professionnelle, aussi positive soit-elle, ne masquait pas la nécessité de réaffirmer le principe de péréquation entre les collectivités.

Elle a conclu en soulignant l’importance de l’aménagement du territoire pour une recomposition de notre pays et la lutte contre les inégalités. Elle a insisté sur la nécessité de préciser de façon explicite les engagements de l’Etat.

M. Alain Cacheux a félicité la ministre du rééquilibrage proposé entre ville et campagne, soutenant l’émergence des agglomérations et de pôles de développement forts. Il a également approuvé le renforcement du rôle des régions.

Il a cependant émis des réserves sur l’insuffisante prise en compte des services publics et s’est interrogé sur la cohérence du projet de loi par rapport aux autres textes sur la coopération intercommunale et sur les interventions économiques des collectivités territoriales.

Enfin, il a constaté une imprécision dans la définition des concepts nouveaux introduits par le texte, par exemple les schémas de services collectifs, et leur valeur juridique. Il a observé que la philosophie d’équipement et d’infrastructures fait place à une philosophie de services, mais il a souligné leur interférence mutuelle. En outre, il reste des besoins en matière d’infrastructures de transport afin de désenclaver un certain nombre de territoires.

Pour conclure, il a précisé que le contenu de certains schémas lui semblait vague et que certains aspects plus précis pouvaient être discutés.

Mme Sylvia Bassot s’est interrogée sur le devenir des pays qui ont déjà été constatés par arrêté préfectoral.

Elle s’est inquiétée du problème de superposition des territoires notamment celle d’une partie de pays et d’un parc naturel régional ainsi que de l’intégration des pays dans les futurs contrats de plan Etat-régions alors que peu d’entre eux seront effectivement créés au 1er janvier 2000.

Elle a souhaité plus de souplesse dans l’organisation juridique des pays se demandant s’il serait possible de les constituer par association d’EPCI ou par association loi de 1901.

Après avoir mis l’accent sur la nécessité de donner un caractère plus lisible et plus volontariste aux objectifs de la politique d’aménagement du territoire, M. Léonce Deprez a demandé à la ministre si elle pouvait partager la « logique d’une chronologie » consistant d’abord à connaître les orientations européennes dans le cadre de la réforme des fonds structurels, puis à adopter successivement les schémas de services collectifs qui remplacent le schéma national d’aménagement du territoire, les schémas régionaux qui doivent structurer la région pour les vingt prochaines années et enfin les contrats de plan Etat-régions (2000-2006) qui seront la première phase d’application des schémas de service et des schémas régionaux.

Abordant ensuite la question de la pertinence des territoires, il a souligné que la loi du 4 février 1995 avait constitué un grand progrès que le projet de loi confirme en considérant que la politique d’aménagement du territoire ne devait pas s’élaborer à partir des communes, ni des départements mais se placer à l’échelon régional et reconnaître le rôle des pays et des agglomérations dans le développement de projets.

Evoquant le double volet, régional et territorial, que comporteront les prochains contrats de plan Etat-régions, il s’est demandé si les contrats de pays et d’agglomération pourraient être insérés dans ces futurs contrats ou s’ils seraient conclus postérieurement à l’adoption de ceux-ci.

M. Michel Vaxès, marquant son accord avec les observations déjà émises en ce qui concerne la cohérence et l’articulation des différents schémas, s’est demandé si la « logique de chronologie » mentionnée par M. Léonce Deprez ne relevait pas plutôt d’une « logique de hiérarchie ».

Puis, il a demandé des précisions sur l’articulation entre les schémas multimodaux de services collectifs de transport et les schémas régionaux de transport ainsi que sur la valeur juridique de ces documents. Il s’est également interrogé sur la possibilité de privilégier une politique de services collectifs de transport sans que soient simultanément affirmés des objectifs en matière d’infrastructures, soulignant que l’optimisation des équipements existants ne saurait suffire à répondre aux besoins.

M. Eric Doligé a fait part des contradictions qu’il a relevées dans le projet de loi et a posé à la ministre les questions suivantes :

– s’agit-il d’une loi d’orientation ou d’une loi d’organisation territoriale ayant des effets institutionnels ?

– l’objectif est-il de créer une intercommunalité de territoires, s’appuyant sur les agglomérations et les pays, ou une intercommunalité de projets par les schémas de services collectifs ?

– les pays et les agglomérations ne préfigurent-ils pas un échelon supplémentaire de décision ?

– quelle sera l’articulation entre les pays et les parcs naturels régionaux ?

M. Jean-Paul Nunzi a demandé des précisions sur les choix stratégiques de la politique d’aménagement et de développement durable du territoire prévus à l’article 2 du projet de loi et souligné que le nombre d’habitants ne lui paraissait pas le critère pertinent pour définir ni les bassins de vie ou d’emploi, ni les agglomérations.

M. Serge Poignant a estimé que les pays devaient être des structures souples pouvant comprendre des parcs naturels régionaux, des « petites » agglomérations ou des parties de « grandes » agglomérations. Il a estimé que l’affirmation de l’article 19 du projet selon lequel les pays doivent respecter le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale allait à l’encontre de la souplesse qu’il fallait rechercher.

M. Jacques Rebillard a souhaité savoir si la volonté de mettre en place une fiscalité plus écologique trouvait une traduction en termes d’utilisation des espaces et de développement territorial.

M. Jean Proriol a considéré que si l’article 20 du projet de loi relatif aux agglomérations procédait à une clarification, tel n’était pas le cas de l’article 19 concernant les pays. S’interrogeant sur la logique du dispositif proposé et sur le sort réservé aux pays existants, il a fait part des réactions de méfiance suscitées par cet article alors que les nouvelles structures de coopération intercommunale n’avaient pas encore atteint le stade de la maturité. Il a également soulevé le problème des parcs naturels régionaux dont le périmètre est interdépartemental.

M. André Lajoinie, président, a souhaité formuler quelques observations reflétant la manière dont la commission percevait le projet de loi.

Il a tout d’abord souligné la nécessité d’une cohérence nationale de la politique d’aménagement du territoire. Après avoir relevé que la politique européenne d’aménagement du territoire était encore balbutiante et que ses moyens tendaient plutôt à diminuer pour des motifs budgétaires mais aussi en raison de l’élargissement futur de l’Union européenne, il a souligné avec force que les mécanismes de péréquation et le maintien des services publics étaient indispensables pour éviter l’aggravation des inégalités et assurer le rééquilibrage entre les régions.

Puis il a indiqué que les problèmes de calendrier - l’ensemble des schémas devant être prêts avant le 31 décembre 1999 - ne pouvait justifier que le Parlement soit exclu du processus de décision sur des schémas prospectifs élaborés dans une perspective à vingt ans.

Il a enfin mis l’accent sur la nécessité d’une organisation territoriale caractérisée par la souplesse, tenant compte de la montée en puissance de l’intercommunalité, du rôle des départements ou encore de la coopération entre les agglomérations et les zones rurales.

En réponse aux intervenants, la ministre a apporté les précisions suivantes :

– la procédure d’examen du projet de loi par le Parlement ne fait que débuter. Elle devrait permettre d’en améliorer en d’en clarifier les dispositions. Lors de l’élaboration du projet de loi d’orientation, il ne s’agissait pas de recréer à partir du néant, mais de conserver les mécanismes fonctionnant bien, d’améliorer les imperfections et d’oser changer ce qui devait l’être. Le projet de loi résulte d’une démarche fondée sur un projet fonctionnel, qui rompt avec un discours déconnecté de la réalité. Il doit réaffirmer le rôle de l’Etat, clarifier les missions des collectivités territoriales et définir les synergies entre les structures ;

– la position de défense de la ruralité est « datée ». Elle ne tient notamment pas compte des évolutions, favorisées par les mécanismes européens, en faveur de la pluriactivité et du tourisme ;

– il convient d’adopter une démarche pragmatique et modeste. L’action publique en faveur de l’aménagement du territoire est dérisoire, par rapport aux moyens d’investissement mis en oeuvre par les grands groupes privés ;

– l’état balbutiant de l’aménagement du territoire au niveau européen ne permet pas de décliner les projets nationaux à partir des orientations communautaires ;

- la disparition du schéma national ne correspond pas à une réduction du rôle de l’Etat, garant de l’équité et de la cohérence des choix. Il aurait été possible d’une manière cynique, d’appeler schéma national la somme des huit schémas de services collectifs ; cela n’aurait pas modifié le fond des choses ;

– les schémas régionaux doivent être cohérents avec les schémas de service collectifs ;

– la priorité affirmée en faveur d’une meilleure utilisation des infrastructures existantes ne signifie pas qu’il n’y aura plus d’équipements nouveaux réalisés. Il s’agit de chercher à répondre aux besoins des populations en tenant compte de l’impact des choix sur les finances publiques, et non plus de partir des demandes des entreprises de travaux publics ;

– l’objectif affiché par l’article 17 de la loi du 4 février 1995 qui prévoyait une desserte équilibrée du territoire par des infrastructures de transport terrestre, constituait surtout l’affichage d’une volonté. Personne ne croyait possible sa réalisation en raison d’un manque de moyens financiers ;

– le projet de loi ne vise pas à bouleverser la répartition des compétences entre les collectivités territoriales, mais à préciser laquelle assure la coordination et l’animation de chaque projet. Si le département remplit cette mission dans le domaine de l’action sociale, ce rôle revient à la région pour l’aménagement du territoire. Mais il ne s’agit pas pour cette collectivité de décider en lieu et place des autres. Rien de ce qui relève des compétences du département ne lui est retiré. Il doit également être consulté sur le schéma régional d’aménagement du territoire et sur les projets de création de pays ;

– certaines dispositions de la loi du 4 février 1995 étaient inapplicables ou sont devenues caduques. Au contraire le projet de loi a cherché à proposer des mesures immédiatement applicables ;

– les dispositions de la loi relative à la montagne, n’étant pas modifiées, sont toujours en vigueur. Dans ce domaine comme dans d’autres, tels les efforts consentis en faveur des zones rurales, les moyens financiers consacrés à la politique de revitalisation de ces espaces fragiles ont été accrus depuis le changement de majorité parlementaire ;

– les craintes d’un dessaisissement pour vingt ans des compétences du Parlement, en matière d’aménagement du territoire, ne sont pas fondées. Si la perspective dans laquelle seront élaborés les schémas de services collectifs s’inscrit dans cette durée, ils devraient cependant être révisés un an avant le renouvellement des contrats de plan Etat-régions, avec la même vision à long terme ;

– les dispositifs actuels, permettant une péréquation des aides en fonction du niveau du développement des régions, sont particulièrement indigents, puisque le fonds existant est seulement doté de quelque 500 millions de francs par an. Un moyen d’améliorer la différenciation des interventions pourrait être trouvé dans une modulation des enveloppes versées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. Une telle approche doit faire encore l’objet de discussions entre les ministères concernés ;

– la logique d’entreprise de certains services publics ne permet pas de prendre correctement en compte les besoins de leur diffusion sur le territoire, du point de vue des populations. L’idée d’un observatoire des services publics a été acceptée par le Premier ministre. Des propositions sur ce point pourraient être examinées lors du prochain conseil interministériel d’aménagement et de développement du territoire ; il serait ensuite possible de traduire certaines des décisions du CIADT dans le texte du projet de loi ;

– le concept d’agglomération retenu par le projet de loi est identique à celui du projet de loi que soutiendra le ministre de l’intérieur ;

– il n’est pas exact de considérer les agglomérations comme une structure pour les zones riches, les pays correspondant aux zones pauvres. L’importance de projets d’agglomération, qui porteront sur des montants de plusieurs milliards de francs consacrés à la réhabilitation urbaine, le démontre. En outre, la mise en place des outils financiers correspond à une unification fiscale forte, par le biais de la taxe professionnelle unique ;

– les pays sont tout d’abord des espaces de projet ; ils n’ont pas une simple cohérence géographique ou culturelle ; ils sont porteurs de projets d’économie et de développement. Le pays existe plus par sa charte de développement que par son périmètre. Il ne doit pas être créé pour favoriser une personnalité locale ou s’opposer à d’autres initiatives d’organisation ;

– les pays qui ont été créés et mis en place sur la base des dispositions de la loi du 4 février 1995 seront reconnus par les conférences régionales après la promulgation de la nouvelle loi d’orientation. Il en ira de même pour les autres espaces de projets créés à l’initiative des élus locaux ;

– la forme d’organisation des pays retenue par le projet de loi est le syndicat mixte, car cette structure est suffisamment souple pour associer d’autres partenaires que les collectivités territoriales, en même temps qu’elle offre plus de garanties que la forme associative, tant du point de vue du contrôle démocratique que du respect des règles des finances publiques. Ce minimum de formalisme s’impose car les pays seront appelés à contracter avec l’Etat. En revanche, si la structure syndicale paraît s’imposer, le recours systématique au syndicat mixte peut être l’objet d’un débat, car la participation des tiers au pays n’est pas toujours requise ;

– la majorité des cahiers des charges des schémas de services collectifs ont été d’ores et déjà élaborés et transmis, pour la plupart, aux préfets pour organiser localement les débats. D’ici la fin du mois de novembre, seuls resteront à définir le cahier des charges des services collectifs sanitaires et celui relatif aux services de l’information et de la communication ;

– le projet de loi ne considère pas que les villes sont les seuls lieux de création de richesses. Mais, à l’inverse de la loi du 4 février 1995 qui ne traitait pas des espaces urbanisés, où habitent aujourd’hui plus de 80 % de la population, le projet de loi croit à une synergie possible entre les villes et les zones rurales. D’ailleurs, sauf rares exceptions, celles-ci ont besoin des villes pour favoriser leur développement. Les pays ne sont donc pas réservés aux espaces ruraux et les agglomérations aux espaces urbains. La logique du pays est celle d’une ville moyenne et de sa périphérie ; elle peut également être un outil strictement urbain ;

– le ministère n’a pas connaissance à ce jour de cas où les élus souhaitent renoncer à la constitution d’un pays, au motif que le dispositif prévu dans le projet de loi transformerait cet instrument en nouvel échelon administratif doté de compétences en matière fiscale. Il est d’ailleurs clair que rien, dans le projet de loi, ne permet d’alimenter une telle inquiétude ;

– même si la culture personnelle du ministre l’incite à souhaiter une diminution du rôle du département, le projet de loi ne comporte aucun élément de la sorte, car une telle position ne dispose pas d’un soutien assez ample pour être proposée ;

– le niveau auquel l’Etat envisage de contracter avec les structures décentralisées sera de nature à rassurer sur la capacité à poursuivre des actions d’investissement en faveur d’infrastructures nouvelles et de grands équipements. En revanche, le ministère chargé de l’aménagement du territoire s’opposera aux projets fondés sur des formules creuses, se contentant par exemple d’affirmer l’impact de l’infrastructure sur l’emploi ou le désenclavement. En effet, l’infrastructure n’est qu’un élément du développement. A un certain niveau, il est plus efficace d’optimiser les infrastructures existantes, de renforcer leur entretien, d’améliorer les formations, plutôt que d’engager des travaux de constructions nouvelles ;

– les contrats de plan Etat-régions comporteront un volet territorial et un volet régional. Les contrats avec les pays et les agglomérations s’inséreront dans ces contrats de plan. Il a été décidé que le volet territorial pourrait être utilisé jusqu’en 2003, soit jusqu’à la révision à mi-parcours de ces contrats de plan ;

– le recours à la procédure d’urgence pour l’examen du projet de loi par le Parlement est souhaitable, mais il ne s’agit nullement de priver la représentation nationale d’un débat sur l’aménagement du territoire ;

– la logique chronologique dans l’élaboration des schémas de services collectifs, partant de l’échelon européen, avant d’aborder les phases nationale, puis régionales, pour séduisante qu’elle paraisse, n’est pas praticable, compte tenu de la modestie de l’intervention communautaire dans l’aménagement du territoire. C’est pourquoi l’élaboration pertinente des schémas doit s’organiser autour d’une démarche simultanée, aux différents niveaux ;

– s’agissant de la pertinence du territoire, la qualité des critiques de ceux qui s’opposent aux pays ne doit pas duper quant à leurs motivations réelles. Les pays ne sont pas un outil de déstabilisation des autres structures. L’Etat ne devra pas ménager son soutien aux projets de pays pertinents et en continuité territoriale ; à l’inverse il ne devra pas valider les initiatives qui en usurperaient l’appellation ;

– c’est parce que le Gouvernement n’entend pas fragiliser l’intercommunalité qu’il ne s’agit pas de permettre qu’un pays ne respecte pas le périmètre d’un EPCI. De même ne sera pas admise, sauf exceptions, la pluralité d’affiliations ;

– l’application d’une fiscalité écologique différenciée suivant les parties du territoire ne trouve pas sa place dans ce projet, même si l’idée est intéressante ;

– la demande d’un renforcement du rôle du Parlement dans l’élaboration de la politique d’aménagement du territoire, ainsi que celle d’un accroissement du rôle des services publics dans cet aménagement ont été entendues.

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