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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 15 décembre 1998
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

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– Examen du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (n° 1071) (M. Philippe DURON, rapporteur).

 

 

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Duron, le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (n° 1071).

M. Philippe Duron, rapporteur, a indiqué que le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire répondait à la volonté exprimée par le Premier ministre le 19 juin 1997 de réviser la loi du 4 février 1995 afin que « toutes les dimensions –écologiques, culturelles et économiques– du développement soient prises en compte dans les régions ».

Ce texte vise à fournir un cadre pour l’élaboration de la nouvelle génération des contrats de plan Etat-régions et s’inscrit dans un dispositif plus large, qui vise à simplifier l’organisation des territoires (projet de loi relatif à l’organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 1155), dit « projet de loi Chevènement ») et à codifier les interventions économiques des collectivités territoriales (projet de loi préparé par M. Emile Zuccarelli). Il s’inscrit dans une évolution des politiques d’aménagement du territoire amorcée depuis le début de la décennie.

Au cours des « Trente Glorieuses » la France a en effet connu des mutations profondes et elle a mené une politique volontariste ambitieuse fondée sur des efforts d’équipements structurants. A partir de la seconde moitié des années 1970, le choc pétrolier et la crise économique qui s’en est suivie ont conduit l’État à concentrer ses efforts sur la reconversion des régions industrielles. L’aménagement du territoire est alors devenu plus défensif.

Au cours de cette décennie, l’État a du réviser ses concepts en matière d’aménagement du territoire en raison d’une croissance incertaine, d’une tertiarisation prononcée de l’économie, de la décentralisation et de l’ouverture progressive à l’Europe.

Malgré certaines avancées incontestables, comme la création des pays, la loi du 4 février 1995 présente de fortes lacunes :

– une insuffisante prise en compte de la vie urbaine,

– une vision trop pessimiste de la réalité des territoires,

– une conception trop centralisatrice de l’aménagement du territoire.

Le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire est fondé sur une approche plus réaliste et pragmatique. Trois idées nouvelles sous-tendent le texte :

– la recherche de territoires pertinents,

– le passage d’une logique de l’offre à une logique de besoins,

– la volonté de s’inscrire dans une perspective de développement durable.

La définition de nouveaux territoires pertinents doit prendre en compte deux dimensions nouvelles, l’une macro géographique et l’autre infra régionale.

Le projet de loi vise à constituer des pôles urbains, alternatives à la région parisienne, capables de rivaliser avec d’autres métropoles européennes. Il prend en compte le fait urbain qui caractérise la seconde moitié du XXè siècle et fait de l’agglomération un objectif prioritaire de l’action publique en lui permettant de contractualiser avec l’État au sein des contrats de plan État-régions. Il essaie de clarifier la notion de pays, territoires de projets, qui s’organisent à l’échelle du bassin d’emploi pour mobiliser des moyens humains et financiers significatifs.

Cette recherche de territoires pertinents va de pair avec l’ambition gouvernementale de poursuivre la décentralisation et de trouver un nouvel équilibre entre l’action de l’État qui reste le garant de l’équité territoriale et le respect de la décentralisation.

Le projet de loi substitue une approche fondée sur la demande aux politiques de l’offre mises en œuvre jusqu’à présent ce qui permettra de mieux identifier les besoins des territoires et de leur population. Il remplace par huit schémas de services collectifs, qui fixent au plan national les objectifs de l’État, le schéma national d’aménagement du territoire (SNADT) qui avait été impossible à mettre en œuvre.

Il vise à renforcer la participation démocratique en intégrant les acteurs économiques et sociaux et les associations dans les différentes instances de l’aménagement du territoire.

Afin de mieux ménager le territoire, il introduit le concept de développement durable fondé sur une croissance qui économise les ressources, qui privilégie une stratégie de long terme, et qui considère le territoire non comme un simple support d’activités économiques mais comme un outil de développement en soi.

Modeste dans sa forme, ce projet de loi a cependant des ambitions nouvelles et s’inscrit dans une démarche de renouvellement de l’aménagement du territoire.

Après l’exposé du rapporteur, la commission a rejeté l’exception d’irrecevabilité et la question préalable.

Intervenant dans la discussion générale, M. Jean-Michel Marchand a indiqué que le projet de loi soumis au vote du Parlement vient compléter la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat et la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Il s’inscrit dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur l’aménagement du territoire à laquelle participent également le projet de loi d’orientation agricole, le projet de loi sur l’intercommunalité et le projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales.

Son originalité repose sur une conception transversale de l’aménagement du territoire, c’est-à-dire sur une volonté de s’appuyer sur les élus locaux, les acteurs économiques et associatifs afin de mettre en place une politique de projet fondée sur une véritable participation des citoyens. Ce texte renforce également la décentralisation en reconnaissant le rôle de la région comme échelon pertinent de cet aménagement. L’Etat conserve son rôle éminent de garant de la sécurité juridique et de détermination des objectifs et orientations de la politique d’aménagement nationale du territoire. Il conviendra cependant de trouver une formule permettant l’association des parlementaires à l’élaboration des schémas de services collectifs. Enfin, ce texte prend en compte le souci de ménager le territoire.

M. Patrick Ollier a regretté qu’un nouveau texte vienne en discussion devant le Parlement sans qu’une mise en oeuvre des dispositions de la loi du 4 février 1995 ait véritablement été tentée.

Le projet de loi démantèle sans précaution la logique du texte de 1995 et ses éléments fondamentaux comme le schéma national d’aménagement du territoire et ne présente aucun moyen nouveau et convaincant pour lutter de manière efficace contre les déséquilibres territoriaux. Le rôle de l’Etat se trouve remis en cause dans ses responsabilités de lutte contre les inégalités géographiques et de garantie d’égal accès au service public. Quant au projet de loi de finances pour 1999, il réduit le rôle d’instruments financiers importants comme le fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables et le fonds de péréquation des transports aériens.

La question de la péréquation financière entre les collectivités territoriales et de la clarification de leurs compétences reste entière. Le passage d’une notion d’un pays « constaté » à la notion d’un pays « délimité » par le préfet de région et constitué en syndicat mixte ou structure intercommunale apparaît inquiétant aux élus locaux.

Alors que la loi du 4 février 1995 demandait naturellement à être prolongée et éventuellement renforcée, le texte du projet de loi s’inscrit dans une volonté de rupture qui paraît à tous égards regrettable.

M. Félix Leyzour a souligné que l’inapplication de la loi du 4 février 1995 appelait nécessairement une révision des instruments juridiques de la politique d’aménagement du territoire. Le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 15 décembre 1997 a défini les éléments principaux d’une politique durable et soucieuse du renforcement de la cohésion sociale et de la protection de l’environnement. Le projet de loi se donne pour mission de répondre à ces objectifs mais devra probablement être complété sur certains points : l’association du Parlement à l’élaboration des schémas de services collectifs, la garantie de cohérence entre les orientations nationales et les politiques régionales d’aménagement du territoire, l’introduction d’une péréquation corrigeant les inégalités de moyens entre régions et enfin la place des services publics car leur rôle structurant sur le territoire doit être réaffirmé.

M. Patrick Rimbert a observé que la loi de 1995, qui avait pour objet de permettre aux territoires ruraux de rejoindre le niveau de développement des villes, se trouve en attente d’application. Il convient aujourd’hui de mettre en place une véritable politique de lutte contre les inégalités intra-régionales, s’appuyant sur des communautés de communes et des agglomérations organisées capables de développer des projets.

L’actuel projet de loi prend en compte la dimension européenne de l’aménagement du territoire et la nécessité de renforcer les structures urbaines à vocation européenne.

Il se veut également un projet d’équilibre et non d’opposition entre les territoires urbains et les territoires ruraux.

Alors que la loi du 4 février 1995 était inspirée par une vision statique qui se bornait à décliner au plan local un schéma pensé à l’échelon national, ce projet tente au contraire de confronter les besoins dans une démarche dynamique et de mettre en place une réponse cohérente à travers les schémas de services collectifs.

Le pays, notion fondamentale, se voit précisé. Mais, a souligné M. Patrick Rimbert, celui-ci doit être compris comme une structure de projet assise sur un territoire et non comme une nouvelle institution qui viendrait s’ajouter à des échelons déjà nombreux.

S’agissant enfin du respect de l’environnement, ce projet de loi doit permettre, eu égard aux responsabilités des générations actuelles vis-à-vis des générations futures, d’assurer un développement économique durable, c’est-à-dire respectueux du milieu naturel dans lequel il s’insère.

M. Jean-Claude Daniel a jugé cette loi à la fois utile et nécessaire.

Elle marque d’abord une nouvelle étape dans une politique de décentralisation que la loi de 1995 avait échoué à moderniser. Elle se situe au confluent d’une logique de projet entre des hommes et des territoires, entre le développement économique et social et le respect dû à la préservation de l’environnement, d’une part, et d’une logique d’équité garantissant aux citoyens l’effectivité du pacte républicain à tout endroit du territoire, d’autre part.

Aux éléments qui structurent ce système -les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les agglomérations- viennent s’ajouter les dispositifs souples et adaptables que sont les pays et les parcs naturels régionaux.

Le renforcement de la contractualisation doit être salué, car il constitue l’élément nécessaire d’une politique d’aménagement du territoire dont l’échelon régional est le pivot. Il restera naturellement à préciser le rôle des départements qui sont un élément indispensable de la conception et du financement de cette politique.

Il convient de réaffirmer le rôle de l’Etat et ses missions de service public, dont les règles générales seront fixées dans le cadre des schémas de services collectifs.

Il faut enfin, pour éviter une réédition de l’échec de la loi de 1995, que l’articulation des différentes structures – schémas de services collectifs, schémas régionaux d’aménagement du territoire, contrats de plan Etat-régions, zonages européens – soit nettement précisée et qu’un calendrier ordonné d’application du texte soit rapidement présenté.

M. Jean Proriol a fait remarquer que la gestation du projet de loi sur l’aménagement et le développement durable du territoire avait été particulièrement délicate. Notant que certaines dispositions de ce projet de loi étaient inscrites aussi dans d’autres textes et notamment dans le projet de loi relatif à l’organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, il s’est demandé si l’intégration de ces dispositions dans un seul texte n’aurait pas été préférable. Il a observé ensuite que le présent projet de loi ne modifie certes que partiellement le dispositif de la loi du 4 février 1995, une vingtaine d’articles seulement de ce dernier texte étant concernée, mais la désarticule. Il a tenu à rendre hommage aux qualités de M. Patrick Ollier, qui fut le rapporteur de ce projet de loi.

Il a regretté que le Gouvernement ait renoncé au schéma national d’aménagement du territoire, qui constituait un indispensable instrument de cohérence de la politique d’aménagement du territoire puis il a souligné le recul dans le mouvement de décentralisation que représentaient les nouveaux pouvoirs reconnus aux préfets notamment en matière de reconnaissance des pays. Le problème de la superposition des périmètres des parcs naturels régionaux et des pays est une question importante qui mérite d’être débattue.

S’agissant du financement des mécanismes mis en place par le projet de loi, il est essentiel de noter que, dans le projet de loi de finances pour 1999, les crédits consacrés à l’aménagement du territoire sont en recul par rapport à ceux de l’année précédente. Par ailleurs, la logique de péréquation financière, au cœur de la politique d’aménagement du territoire, semble oubliée. Le projet de loi affiche ainsi peut être des ambitions, mais il n’a pas les moyens de les satisfaire.

Divers organismes qui se sont exprimés sur le texte ont fait d’ailleurs part de leurs perplexités, sinon de leurs inquiétudes, qu’il s’agisse du Conseil économique et social, des groupements écologistes, des chambres d’agriculture, des départements ou encore des parcs naturels.

M. Jean Proriol a jugé positif le contenu de l’article du projet de loi qui traite de l’agglomération et observé, s’agissant des pays, que leur capacité à contractualiser suppose qu’ils se soient constitués soit en syndicat mixte, soit en établissement public de coopération intercommunale. En toute hypothèse, il a estimé nécessaire que le pays ne devienne pas un échelon administratif supplémentaire.

Il a observé que la mise en œuvre du projet de loi risquait d’être aussi difficile que celle de la loi du 4 février 1995. On ne peut que regretter que le calendrier de la discussion ait été précipité, que le mouvement de décentralisation paraisse aujourd’hui s’essouffler, alors qu’il serait nécessaire d’aller plus loin. Il faut tout au contraire conduire une politique volontariste d’aménagement du territoire, prendre aussi mieux en compte les spécificités des zones rurales, notamment des territoires de montagne et donner un caractère plus démocratique à notre organisation territoriale ainsi qu’à la procédure d’élaboration des schémas de services collectifs.

M. Yves Coussain a regretté que le projet de loi semble marquer une véritable rupture avec la loi du 4 février 1995. Celle-ci était ambitieuse, fixant à la fois des règles et des objectifs précis, en sorte, qu’en deux années, des évolutions positives ont pu être observées, qu’il s’agisse de la mise en place de fonds de péréquation ou de certains zonages. A l’inverse, le présent projet de loi ne contient pas d’objectifs clairs, ne donne pas de véritable contenu aux schémas de services collectifs et oublie la dimension nationale.

Il est ainsi indispensable que le projet de loi soit sérieusement amendé dans le but de permettre que des chances égales pour l’accès aux services collectifs soient reconnues à tous, qu’une véritable péréquation financière soit mise en œuvre et que soient évitées les complications dans la définition de la notion de pays.

M. Claude Hoarau s’est demandé de quel territoire traitait le projet de loi. Si l’on a à l’esprit le territoire « national », il faut alors envisager aussi l’aménagement territorial des départements d’outre-mer. L’article 2 du projet de loi indique certes que ceux-ci doivent bénéficier d’un soutien, mais il est indispensable d’aller au-delà et d’intégrer les départements d’outre-mer dans leur environnement et dans l’ensemble national. Un projet de loi devrait être prochainement présenté qui comportera des dispositions spécifiques, éventuellement dérogatoires, de nature à favoriser le développement de nos départements d’outre-mer.

M. Claude Hoarau a fait part de son intention de présenter des amendements car les mesures proposées par le projet de loi actuellement en cours d’examen ne sont pas toutes adaptées aux départements d’outre-mer. A cet égard, il a rappelé la spécificité du schéma d’aménagement des régions d’outre-mer, document prescriptif, déjà mis en application à la Réunion, par rapport au schéma régional d’aménagement du territoire.

M. Serge Poignant a remarqué que le rôle de l’État, tel qu’il était prévu dans le projet de loi, méritait discussion. Il a rappelé que la loi du 4 février 1995 prévoyait la mise en place d’un schéma national d’aménagement du territoire et le renforcement de la décentralisation, alors que le texte proposé fait exactement l’inverse. En outre, celui-ci n’organise pas d’efforts de péréquation financière entre les régions.

Ainsi, a-t-il a observé, des responsabilités nouvelles sont confiées aux préfets de région dans le cadre d’un mouvement de simple déconcentration.

Il a estimé que les départements devaient avoir toute leur place et qu’il fallait éviter un « empilement » des structures. Il a enfin souligné qu’il importait de faire évoluer le texte dans le sens d’une plus grande souplesse et d’un renforcement de la démocratie.

M. Léonce Déprez a estimé que le projet de loi présentait de multiples faiblesses qu’il fallait corriger. Il a fait remarquer que la suppression du schéma national d’aménagement du territoire prévu dans la loi du 4 février 1995 n’était pas comprise localement et que le remplacement de ce schéma unique par des schémas de services collectifs ne paraissait pas satisfaisant. Il a regretté qu’il n’y ait pas de schéma de services collectifs spécifique à la justice alors qu’il s’agit d’un secteur dont le développement est essentiel. Il a estimé ensuite que le souci de prise en considération des pays pouvait être sans effet si les agglomérations reconnues peuvent se substituer aux pays, dès lors que l’on abaisse le seuil démographique nécessaire à leur constitution.

Il a jugé que les conférences régionales de l’aménagement et du développement du territoire ne seraient pas nécessairement plus en mesure de reconnaître les « pays » que les commissions départementales de coopération intercommunales qui ont, quant à elles, apporté la preuve de leur capacité à juger de la pertinence des territoires.

Il a souligné le risque, pour les parcs naturels régionaux, de voir certaines de leurs compétences reprises par les structures de coopération intercommunale couvrant les pays, ce qui entraînerait certains conflits de pouvoir. Il a relevé que la politique d’aménagement du territoire ne peut être l’addition de huit schémas régionaux d’aménagement du territoire. Il a critiqué la multiplication des fonds déjà prévue dans la loi du 4 février 1995 mais accentuée dans le projet de loi et souhaité que soit mis en place un fonds unique comportant plusieurs sections. Enfin il a estimé que l’articulation entre les mesures de la loi du 4 février 1995 qui sont maintenues et les mesures nouvelles proposées n’était pas suffisamment expliquée dans l’exposé des motifs.

M. Eric Doligé a tout d’abord estimé que le projet de loi devrait clarifier le rôle des collectivités territoriales. Il a considéré que la mise en place hâtive de procédures favorisant l’intercommunalité risquait d’aboutir à priver les communes, parfois contre leur gré, de certaines de leurs compétences. Cette orientation peut conduire à amplifier la lassitude actuellement constatée chez nombre d’élus locaux, qui déclarent ne pas souhaiter briguer un nouveau mandat lors des prochaines élections municipales.

Il a également souhaité que le Parlement et les acteurs locaux de l’aménagement du territoire soient associés à l’élaboration des schémas de services collectifs. Il a souligné la nécessité d’une cohérence entre le présent projet de loi et celui relatif à l’organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale.

Il a enfin regretté le manque de clarification dans la répartition des compétences entre le ministère chargé de l’équipement et celui de l’aménagement du territoire.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a relevé que le projet de loi ne constituait pas une remise en cause a priori des dispositions de la loi du 4 février 1995. Ainsi, une vingtaine d’articles seulement du projet modifie les dispositions de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, qui en comporte 88. Elle a cependant considéré que ce projet appréhendait de manière plus globale que la loi du 4 février 1995 la notion d’aménagement du territoire, corrigeant la vision trop rurale du texte précédent et s’attachant au problème des agglomérations et des zones urbaines sensibles.

Elle a fustigé les précédentes interventions, prenant prétexte de la faiblesse des crédits de l’aménagement du territoire dans le projet de loi de finances pour 1999 pour mettre en cause la volonté de la majorité dans ce domaine. Elle a rappelé à ce sujet, d’une part, que les crédits pour l’année en cours n’avaient pas été totalement utilisés, d’autre part, que les efforts consentis par l’Etat en faveur de l’aménagement du territoire n’étaient pas inscrits dans leur totalité au sein des seules dotations du ministère en charge de cette responsabilité.

Evoquant sa participation, en sa qualité d’élue locale, à des réunions de concertation lors de l’élaboration de la loi du 4 février 1995, elle a formé le voeu que les députés travaillent en commun à améliorer cet important projet de loi.

M. Jean-Claude Lenoir a rappelé que la ministre en charge de l’aménagement du territoire avait tenu, lors d’une récente séance de questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale, des propos inquiétants à l’égard de l’avenir des zones rurales. Il a quant à lui porté un jugement qu’il a qualifié de sévère sur le contenu d’un projet de loi, qu’il estime tout à la fois déséquilibré et confus.

Ce projet de loi, a-t-il ajouté, intervient de manière intempestive dans un domaine où les textes ont besoin de temps pour entrer pleinement en application. Observant que la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République n’avait vraiment entraîné la création de structures intercommunales à fiscalité propre qu’à partir de 1994-1995, il a rappelé que les gouvernements qui se sont succédé à compter de 1993 avaient fait preuve d’une grande prudence dans ce domaine, en refusant de remettre en cause un dispositif à peine établi.

Il a considéré qu’il aurait dû en être de même dans le cas de la loi du 4 février 1995. Celle-ci n’est d’ailleurs pas restée lettre morte, puisque de nombreux pays ont été mis en place, mais d’autres projets sont gelés du fait de l’incertitude qui résulte du dépôt de l’actuel projet de loi. Il a souhaité sur ce point obtenir des précisions quant aux possibilités de restructuration territoriale des pays déjà créés.

Il a en outre estimé qu’il aurait été peut être plus cohérent d’inscrire à l’ordre du jour de la séance publique le projet de loi relatif à l’organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale avant le présent projet.

Il a considéré que ce projet créait un déséquilibre entre les villes et les zones rurales, les agglomérations étant dotées de moyens et d’outils tandis que les pays étaient réduits à n’être qu’une structure de réflexion.

Il s’est inquiété des risques d’attraction que pourraient exercer les agglomérations vis-à-vis de leur périphérie rurale, ce qui conduirait à affaiblir les autres zones rurales. Il s’est insurgé contre l’idée selon laquelle les activités devaient se concentrer dans les zones urbaines, les zones rurales étant réduites à se cantonner dans un rôle de territoires de loisir ; les créations d’emploi sont au contraire particulièrement dynamiques à la campagne.

Relevant des avancées intéressantes dans l’évolution des compétences des parcs naturels régionaux, il a estimé que ceux-ci ne devaient pas néanmoins être un frein à la création de pays et qu’il faudrait amender le texte du projet en conséquence.

Il a enfin estimé que la réussite d’une politique d’aménagement du territoire impliquait la pleine association des régions et des départements. Il a regretté que, dans le projet de loi, le rôle des premières ne soient pas suffisamment défini, tandis que les seconds en sont absents.

M. François Dosé a souhaité que le projet de loi conduise à réussir l’aménagement du territoire, en renforçant l’efficacité de ses dispositifs et en assurant une véritable solidarité territoriale. Il a souhaité que le texte soit amélioré sur plusieurs points. Il conviendrait notamment de renforcer les instruments tendant à réduire la fracture territoriale et d’améliorer la démocratie territoriale.

M. Anicet Turinay a regretté que les éléments contenus dans le projet de loi soient insuffisants pour fonder juridiquement des mesures spécifiques répondant aux exigences de développement des départements d’outre-mer. En effet, ce projet mentionne les DOM comme zones prioritaires ultrapériphériques (ZPU), sans pour autant fournir le contenu de cette reconnaissance. C’est pourquoi le projet constitue un recul important pour l’outre-mer, par rapport au cadre existant, même s’il est vrai que les dispositions pertinentes de la loi du 4 février 1995 n’ont jamais été mises en application.

Il a évoqué deux approches possibles pour améliorer le texte sur ce point. La première consisterait à y introduire à l’article 25 une référence qui renvoie à une loi spécifique à l’outre-mer le contenu détaillé de mesures concernant les ZPU. La seconde conduirait à introduire directement dans ce projet des mesures en faveur des DOM, telles que l’adaptation de la prime d’aménagement du territoire, l’extension du bénéfice des zones de revitalisation rurale (ZRR) ou des mesures en faveur du désenclavement. Compte tenu des difficultés que risque de rencontrer une telle approche, il s’est prononcé en faveur de la première option.

M. Paul Patriarche a rappelé qu’en France continentale 20 % de la population se concentraient sur 80 % du territoire, et qu’en Corse 6 % d’habitants occupaient 90 % de l’espace. Il a estimé que l’on ne pouvait pas dès lors traiter de la même façon les zones défavorisées et les autres, si l’on voulait aboutir à une égalité des chances en matière d’aménagement du territoire.

L’idée d’un accès aux services publics, dans les zones peu peuplées, par le moyen des nouvelles technologies de télécommunication lui paraît inadaptée à des territoires habités par une population âgée.

Il a considéré que, s’agissant de la Poste en zone rurale, l’Etat envisageait de se décharger de ses obligations sur les petites communes, qui devraient financer les équipements et supporter une partie des coûts d’exploitation. Evoquant la désertification des campagnes, souvent liée aux fermetures d’écoles, il a estimé que les mesures dites de « reconquête écologique » étaient parfaitement inadaptées à l’objectif de maintien des populations.

En conclusion, M. Paul Patriarche a déploré la suppression du schéma national d’aménagement et de développement du territoire qui aura pour conséquence un manque de cohérence de l’action publique et a vivement souhaité un effort supplémentaire en faveur du monde rural.

M. François Brottes s’est réjoui du caractère ouvert du projet de loi. Celui-ci constitue une bonne base de travail et respecte le Parlement et ses capacités d’initiative. Il tisse une trame comportant quatre aspects principaux : une dimension verticale, avec les schémas de services collectifs, une vision horizontale avec les parcs naturels, les pays et les agglomérations, un volet européen marqué, et enfin un contenu humain, avec la définition de territoires de projets.

Il a considéré que le travail parlementaire devrait permettre d’étoffer ce projet de loi. Il devrait également garantir que l’aménagement du territoire sera mené sur l’ensemble de celui-ci.

M. Pierre Ducout, tout en admettant que l’application des lois, telles que les lois du 6 février 1992 ou du 4 février 1995, demandait du temps, a estimé que ce projet arrivait à un moment propice. Il est en effet indéniable que la loi du 4 février 1995 a une tonalité trop rurale.

Il a relevé que le projet de loi instituait plusieurs niveaux de développement de la politique d’aménagement du territoire : celui des métropoles de dimension européenne, qui permettrait de rétablir un certain fédéralisme qui avait existé autrefois dans notre Etat, et qui existe actuellement en Allemagne ou au Royaume-Uni, celui des agglomérations et celui des pays en veillant à éviter la dissolution de ceux-ci dans les agglomérations.

Il a estimé qu’il conviendra d’apporter un soutien spécifique aux territoires en grande difficulté, tels que certains quartiers des villes, ou les zones isolées de montagne.

Il a considéré qu’en coordination avec le projet de loi relatif à l’organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, qui renforcera la décentralisation, il convient d’agir en faveur d’un développement équilibré du territoire. Dans ce cadre, l’Etat devra apporter des moyens compensant la réduction prévisible des contributions européennes.

M. Philippe Duron, rapporteur, a indiqué, en réponse aux intervenants, qu’à son avis le projet de loi ne constituait pas une rupture avec la loi du 4 février 1995 car une évolution de la politique d’aménagement du territoire était déjà perceptible dès les années 1990 : avec la mise en place des contrats de plan Etat-régions, l’Etat n’était plus le seul acteur de cette politique et avec la loi du 4 février 1995 a été recherchée la définition de nouveaux territoires pertinents, même si celle-ci s’est un peu trop axée sur les territoires ruraux. Il a rappelé que le gouvernement d’Alain Juppé n’avait pas mis en œuvre ce texte, que le gouvernement de M. Lionel Jospin avait indiqué dès le 19 juin 1997 sa volonté de réouvrir le dossier, et que le projet de loi actuel s’inscrivait dans la continuité de cette évolution.

Il a indiqué que le schéma national d’aménagement et de développement du territoire s’étant révélé impossible à construire et que les données économiques ayant changé, son remplacement par huit schémas de services collectifs s’inscrivait dans une autre logique. Il a reconnu cependant qu’il conviendrait de mieux la préciser. Il a ajouté que la politique volontariste d’aménagement du territoire n’avait pas empêché le dépeuplement de certains territoires et estimé que le texte actuel inspiré par une logique de projets s’appuyant sur les besoins des populations serait mieux à même de répondre à leurs problèmes.

Il a observé qu’il avait déposé plusieurs amendements visant à réintroduire l’idée d’égalité des chances et d’égal accès aux services publics ainsi que de la nécessité d’une péréquation. Il a indiqué qu’il avait également procédé à la réécriture de l’article 2 qui semblait induire une hiérarchisation des différents territoires, de manière à mieux prendre en compte le devenir des zones rurales.

S’agissant des pays, il a souligné que, désormais, si la délimitation de leur périmètre appartient aux préfets de régions, c’est parce que la région est la maille territoriale adaptée à une politique d’aménagement du territoire mais il a relevé que la décision du préfet n’intervenait qu’après avis conforme des conférences régionales d’aménagement du territoire où siègent des élus régionaux et départementaux. Il a insisté sur la nécessité de réaffirmer la prééminence des élus dans la constatation des pays.

Il a rappelé que le pays subissait deux types de critiques, celle de risquer de devenir une strate administrative ou politique supplémentaire, et en sens inverse celle de ne pas être assez structuré pour bénéficier de dotations intéressantes comme les agglomérations. Il a insisté sur le fait que le pays ne doit se structurer que dans l’optique d’une contractualisation et que sa constitution en syndicat mixte ou EPCI ne vise qu’à assurer une transparence financière qui est de nature à protéger les élus. Il s’est inquiété du problème posé par la fixation d’un seuil pour les agglomérations, estimant que celui-ci devrait être assez élevé pour éviter le risque d’une dévitalisation des pays entourant l’agglomération. Il a souligné l’importance d’une cohérence entre le texte sur l’aménagement du territoire et celui sur l’intercommunalité.

Il a souligné la nécessité d’une clarification du problème de la superposition des périmètres entre parcs naturels régionaux et pays dans le souci de concilier à la fois la pérennité de ces parcs et les intérêts des collectivités situées à leur frange.

Il a estimé qu’il faudrait également s’attaquer au problème de la démocratie locale qui ne s’exerce parfois qu’au deuxième ou troisième degré mais il a considéré qu’il serait préférable de traiter de cette matière lors de l’examen du projet de loi sur l’intercommunalité.

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