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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N°20

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 15 décembre 1998
(Séance de vingt-et-une heures )

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Suite de l’examen du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (n° 1071) 

 

(M. Philippe DURON, rapporteur).

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La commission a poursuivi l’examen, sur le rapport de M. Philippe Duron, du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (n° 1071).

La commission est passée à l’examen des articles du projet de loi :

· Article Ier (article 1er de la loi n° 95-115 du 4 février 1995) : Principes de la politique d’aménagement et de développement durable du territoire : 

La commission a tout d’abord examiné un amendement de suppression de cet article présenté par M. Patrick Ollier. L’auteur de l’amendement a indiqué que le texte du projet de loi reflétait une vision restrictive de la politique d’aménagement du territoire et a mis l’accent sur l’absence d’éléments aussi essentiels que l’égalité des chances, la réduction des écarts de ressources entre les collectivités territoriales, la compensation des handicaps géographiques ou l’égal accès au service public sur le territoire. Il a également souligné qu’une phase de concertation préalable d’un an environ avait précédé l’élaboration du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT) afin de répondre aux aspirations des Français, ce qui n’était pas le cas pour le projet de loi soumis à l’examen de la commission. Après que le président André Lajoinie eut rappelé que la commission et le rapporteur avaient procédé à de nombreuses auditions, le rapporteur a souligné que la rédaction de l’article pouvait être améliorée pour réparer certains oublis ou corriger certaines maladresses. Il s’est prononcé contre l’amendement de suppression en indiquant qu’il proposait à la commission d’adopter plusieurs amendements répondant au souci exprimé par M. Patrick Ollier. Après l’intervention de M. Jean-Michel Marchand, la commission a rejeté l’amendement de suppression de l’article premier ainsi qu’un amendement de M. Patrick Ollier ayant pour objet de maintenir la définition de la politique d’aménagement et de développement du territoire de l’article premier de la loi du 4 février 1995.

Puis, elle a examiné deux amendements soumis à discussion commune, le premier présenté par le rapporteur, le second par M. Jean-Michel Marchand, visant à insérer au début de l’article premier les objectifs inscrits au troisième alinéa et à préciser la stratégie de développement durable. Après les interventions du rapporteur, de M. Jean-Jacques Filleul et de M. Jean-Michel Marchand, la commission a adopté l’amendement du rapporteur, celui de M. Jean-Michel Marchand devenant sans objet.

La commission a ensuite examiné les amendements identiques n° 24 de M. Michel Bouvard et n° 32 de M. Patrick Ollier et un amendement de M. Jean Proriol visant à préciser que l’objectif fondamental de la politique d’aménagement du territoire était la réduction des inégalités territoriales, trois amendements de M. Pierre Micaux visant à donner la priorité au développement économique et à préciser que la politique d’aménagement concerne le territoire national, un amendement de M. Jean-Michel Marchand et un amendement du rapporteur ayant pour objet de réécrire le premier alinéa de l’article en vue d’y intégrer notamment l’égal accès des citoyens au service public, la réduction des écarts de richesses entre les collectivités territoriales et la réduction des inégalités territoriales. Après les interventions de M. Patrick Ollier, du rapporteur, de M. Christian Jacob et de M. Félix Leyzour, la commission a adopté l’amendement du rapporteur, sous-amendé par M. Félix Leyzour pour préciser que la politique de l’aménagement du territoire s’inscrivait dans un cadre national, et rejeté en conséquence les amendements n° 24 de M. Michel Bouvard et n° 32 de M. Patrick Ollier ainsi que les amendements présentés par MM. Pierre Micaux, Jean Proriol et Jean-Michel Marchand.

Un amendement de M. Yves Coussain ayant le même objet que le sous-amendement de M. Félix Leyzour a été retiré de même qu’un amendement de M. Félix Leyzour tendant à préciser que le développement du territoire devait être équilibré.

La commission a également rejeté, comme devenus sans objet :

– l’amendement n° 61 de M. Léonce Deprez tendant à substituer la notion de valorisation à celle de protection de l’environnement, après les interventions du rapporteur, de MM. Christian Jacob, Patrick Ollier, Jean-Michel Marchand et Patrick Rimbert ;

– un amendement de M. Patrick Ollier visant à préciser dans le premier alinéa de l’article que la politique d’aménagement du territoire devait créer des conditions favorables à la création de richesses et donc de l’emploi ;

– un amendement de M. Félix Leyzour visant à préciser l’objectif de réduction des inégalités entre les territoires et les disparités financières entre les collectivités territoriales ;

– l’amendement rédactionnel n° 62 de M. Léonce Deprez ;

– un amendement de M. Pierre Micaux visant à supprimer la référence à la coopération entre l’Etat, les collectivités territoriales, les organismes publics et les acteurs économiques et sociaux ;

– un amendement de M. Jean Proriol tendant à mentionner les chambres consulaires dans ce dispositif.

Puis, la commission a examiné un amendement de M. Félix Leyzour tendant à insérer, après le premier alinéa de l’article un nouvel alinéa prévoyant que, dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, le gouvernement proposera les modalités de mise en place de fonds régionaux pour l’emploi et le développement.

M. Félix Leyzour ayant indiqué qu’il souhaitait que l’on puisse ainsi étudier la mise en place de fonds destinés au développement économique dans les régions, le rapporteur a déclaré partager cette idée tout en émettant des réserves sur l’insertion de cet amendement dans l’article premier du projet de loi. M. Patrick Ollier a indiqué qu’un tel dispositif avait été proposé lors de l’examen du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT) et souhaité savoir si les fonds régionaux mobiliseraient des capitaux privés aux côtés de financements publics. Après les interventions de M. Patrick Rimbert, de M. Patrick Ollier, de M. Félix Leyzour et du rapporteur, la commission a décidé de réserver l’examen de cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement de suppression du deuxième alinéa de l’article présenté par le rapporteur par coordination avec la nouvelle rédaction globale du premier alinéa adoptée par la commission. Elle a en conséquence rejeté un amendement de M. Pierre Micaux visant à mentionner le caractère national de la politique d’aménagement du territoire et un amendement de M. Patrick Ollier y intégrant la préservation de l’intérêt général.

Puis, elle a examiné un amendement du rapporteur visant à préciser au troisième alinéa de l’article premier que la politique d’aménagement du territoire est menée en cohérence avec la politique d’aménagement de l’espace communautaire. M. Philippe Duron, rapporteur, a indiqué que l’amendement avait pour objet de prendre en compte les effets des politiques européennes, notamment celle des fonds structurels. M. Christian Jacob a jugé cette précision inopportune, soulignant que les règlements et directives s’appliqueraient et qu’il lui semblait inutile de rappeler systématiquement que les politiques nationales devaient s’inscrire dans le cadre européen. M. Patrick Ollier s’est également montré réservé sur cet amendement en soulignant qu’il n’existait pas de politique européenne de l’aménagement du territoire, les fonds structurels n’étant que des instruments financiers. M. Jean-Jacques Filleul a fait observer que la rédaction proposée par le rapporteur ne devait pas obérer la capacité de définir une politique nationale d’aménagement du territoire. Le président André Lajoinie a souligné que le terme de cohérence lui semblait à la fois fort et ambigu. Souhaitant que l’on puisse trouver la même cohérence entre les régions et l’Etat qu’entre l’Etat et l’Union européenne, M. Jean-Michel Marchand s’est déclaré favorable à l’amendement. M. Félix Leyzour a suggéré que l’amendement prévoie une liaison entre politique nationale et communautaire, sans aller jusqu’à la mise en cohérence proposée par le rapporteur, M. Patrick Rimbert que l’on y substitue l’expression d’un souci de cohérence et M. Jacques Pélissard que l’amendement soit inséré au début du quatrième alinéa de l’article premier. Après les interventions de MM. François Brottes, Christian Jacob, Serge Poignant et Félix Leyzour, l’amendement a été retiré.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur visant à supprimer la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article premier et examiné un amendement du même auteur proposant une nouvelle rédaction de la première phrase du quatrième alinéa. Après les interventions du rapporteur et de M. Claude Hoarau, le rapporteur a rectifié son amendement en vue d’y intégrer la première phrase du troisième alinéa de l’article et d’améliorer la rédaction du dispositif. La commission a alors adopté cet amendement ainsi rectifié. En conséquence, elle a considéré comme étant devenus sans objet :

– un amendement de M. Jean Proriol visant à garantir que la politique déterminée par l’Etat n’entrave pas les compétences des collectivités territoriales ;

– un amendement de M. Jean-Michel Marchand visant à introduire le principe de subsidiarité, cet amendement ayant été retiré par son auteur après les interventions du rapporteur, de M. Patrick Ollier et de M. Gabriel Montcharmont ;

– un amendement de M. Jean-Michel Marchand tendant à remplacer la consultation par la concertation des partenaires intéressés, après les interventions du rapporteur, de M. Félix Leyzour, de M. Patrick Ollier et de M. Joseph Parrenin ;

– l’amendement n° 119 de Mme Sylvia Bassot et un amendement identique de M. Eric Doligé précisant que l’Etat et les collectivités territoriales exercent en ce domaine une mission partagée ;

– un amendement de M. Jea n-Michel Marchand visant à reprendre le principe de la libre administration des collectivités territoriales ;

– un amendement de M. Eric Doligé visant à préciser les transferts de compétences issues des lois de décentralisation ;

– un amendement de M. Jean Proriol tendant à insérer dans la première phrase du quatrième alinéa le principe de péréquation.

Elle a également rejeté un amendement de M. Jean Proriol visant à prévoir la consultation des citoyens sur l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des projets d’aménagement du territoire ainsi que l’amendement n° 120 de Mme Sylvia Bassot visant à prendre en compte les transferts de compétences issus des lois de décentralisation.

Puis, elle a rejeté :

– un amendement de M. Jean Proriol visant à réduire de vingt à sept années la perspective des choix stratégiques définis par les schémas de services collectifs prévus à l’article 2 du projet de loi ;

– l’amendement n° 63 de M. Léonce Deprez visant à préciser que les schémas de services collectifs constituaient le schéma national d’aménagement et de développement du territoire ;

– un amendement de M. Pierre Micaux précisant que les crédits budgétaires devaient être déconcentrés ;

– un amendement de M. Pierre Micaux visant à réaffirmer le principe de la décentralisation ;

– un amendement de M. Jean Proriol tendant à préciser que les choix stratégiques de l’Etat sont un cadre de référence indicatif pour l’action des collectivités territoriales ;

– un amendement de M. Jean Proriol supprimant la dernière phrase du dernier alinéa de l’article premier qui prévoit la compatibilité entre les schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire avec les schémas de services collectifs ;

– l’amendement n° 64 de M. Léonce Deprez tendant à considérer les schémas de services collectifs comme schéma national d’aménagement et de développement durable du territoire.

La commission a ensuite adopté l’article premier ainsi modifié.

· Article 2 (article 2 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995) : Choix stratégiques de la politique d’aménagement et de développement durable du territoire

La commission a d’abord examiné trois amendements de suppression de cet article présentés respectivement par MM. Yves Coussain, Patrick Ollier et Jean Proriol.

M. Patrick Ollier a souligné en préambule la différence d’approche entre ce texte et la loi du 4 février 1995. En effet, ce dernier texte recherchait la cohésion nationale de notre politique d’aménagement du territoire. A cette fin, celle-ci était définie par l’Etat puis déclinée par les collectivités territoriales dans leur cadre géographique propre. La loi de 1995 prévoyait certes des schémas sectoriels mais n’omettait pas de mettre en place un fil conducteur national. Or, cette référence est indispensable car plus un Etat décentralise plus le besoin de cohérence nationale est grand. Comment, par exemple, limiter les inégalités entre régions et définir dans ce but des principes de péréquation si les documents de référence en matière d’aménagement du territoire sont sectoriels ?

Les principaux opposants à la mise en oeuvre de la loi du 4 février 1995 étaient les grands responsables des services de l’Etat qui ne pouvaient pas admettre que les élus de la nation décident, dans le cadre d’un schéma national, des grandes orientations qu’eux seuls s’estimaient à même de déterminer. Dans ce débat, M. Charles Pasqua avait donné raison aux élus contre l’administration.

Aujourd’hui, on use du prétexte de l’échec du schéma national pour le supprimer. Cela signifie que le politique n’est pas capable de définir lui-même une politique d’aménagement du territoire. On cède ainsi aux exigences de la technocratie. Mais pour M. Patrick Ollier l’administration ne doit pas avoir raison contre le pouvoir politique. Telle est, selon lui, l’histoire de l’abandon du schéma national qui marque ainsi une grande victoire de la technocratie.

Où et comment seront désormais établies la cohésion de notre politique d’aménagement du territoire et la répartition des richesses et des moyens permettant de réduire la fracture territoriale ? Les schémas sectoriels sont comme des voies de chemin de fer parallèles qui privées de références réciproques ne connaissent pas d’aiguillage.

M. Philippe Duron, rapporteur, a tenu à rappeler que les modalités d’élaboration du schéma national avaient été définies par la circulaire du 25 août 1995 qui prévoyait la création de plusieurs commissions thématiques. Un avant-projet fut validé pour le CIADT d’Auch en avril 1997, mais le gouvernement de l’époque jugea que cet avant-projet ne pouvait servir de support au schéma national.

Reconnaissant l’opposition entre la logique des deux textes, M. Philippe Duron s’est interrogé sur le point de savoir si l’élaboration d’un schéma national dans une France fortement décentralisée n’était pas un exercice trop difficile.

M. Yves Coussain a estimé que le schéma national était un incontournable instrument de cohérence politique permettant d’établir un lien entre les huit schémas de services collectifs.

M. Eric Doligé a indiqué qu’il existait dans les départements divers plans sectoriels et s’est demandé comment s’établirait la politique départementale en matière de voirie et de transport si celle-ci était laissée à la seule appréciation des communes. A l’échelle du pays, le problème est le même et l’absence d’un schéma national serait préjudiciable pour notre économie. M. Philippe Duron, rapporteur, a fait valoir que la cohérence des schémas collectifs était garantie par le fait qu’ils étaient soumis à la double signature des ministres intéressés et du ministre chargé de l’aménagement du territoire.

Pour M. Joseph Parrenin, la définition de l’aménagement du territoire contenue dans le projet de loi est plus précise que celle inscrite dans la loi Pasqua.

M. Serge Poignant a estimé pour sa part qu’un schéma national permettrait de mieux prendre en compte au niveau européen les exigences de la France en matière d’aménagement du territoire communautaire.

M. Patrick Rimbert s’est déclaré d’accord avec M. Patrick Ollier sur le fait que la politique d’aménagement du territoire doit être déterminée par les élus mais selon lui, leur pouvoir de décision sera plus grand dans le cadre de schémas régionaux. Il ne faut pas placer le débat sur un plan formel -schéma national ou schémas régionaux- mais l’inscrire dans une démarche plus réaliste fondée sur l’accès aux services publics.

Or, le vecteur de la cohérence de notre politique d’aménagement du territoire réside dans l’égalité d’accès aux services publics. Par ailleurs, la prise en compte des objectifs sectoriels sera mieux assurée s’ils font l’objet de schémas spécifiques et ne constituent pas de simples paragraphes du schéma national.

Pour M. Félix Leyzour, il est incontestable qu’il faut une cohérence entre la politique nationale et les schémas régionaux. Le maintien du schéma national proposé par M. Patrick Ollier est une idée certes séduisante, mais qui est desservie par le fait qu’il a été impossible de mettre en place un tel schéma. Il a estimé qu’on ne pouvait pas faire abstraction du contexte préélectoral qui a entouré l’élaboration de la loi du 4 février 1995, celle-ci devant servir de rampe de lancement à la candidature à l’élection présidentielle du Premier ministre de l’époque.

M. Christian Jacob a mis en exergue ce qui apparaissait à ses yeux comme la différence fondamentale entre la loi du 4 février 1995 et le projet de loi présenté devant la commission. Le texte de 1995 établissait un véritable cadre à notre politique d’aménagement du territoire en faisant des choix importants notamment en matière d’implantation des administrations ou de localisation des investissements publics. En revanche, l’actuel projet de loi en reste au stade des pétitions de principe.

Cette opinion n’a pas été partagée par M. Pierre Ducout qui a au contraire estimé que le texte du Gouvernement mettait en oeuvre les schémas dans un cadre clairement défini.

M. Jean-Michel Marchand a déploré les implications centralisatrices sous-tendues par le schéma national, l’actuel projet de loi marquant au contraire une volonté de faire vivre la décentralisation. Par ailleurs, la définition à l’article premier des objectifs et des orientations de notre politique d’aménagement du territoire permet d’écarter le risque d’incohérence entre les schémas.

S’inspirant de la métaphore ferroviaire utilisée par M. Patrick Ollier, M. Jean-Michel Marchand a estimé que les schémas de services collectifs partaient de la même gare et passaient tous par la station des schémas régionaux.

Revenant sur les travaux préparatoires au schéma national, M. Patrick Ollier a rappelé que ceux-ci avaient donné lieu à des débats ouverts, sincères et instructifs et que seul le changement de majorité de 1997 avait empêché de finaliser le projet de schéma national. Aujourd’hui, l’administration a repris le dessus et le texte présenté par le Gouvernement met en place un système laissant les mains libres à la technocratie pour définir une politique nationale d’aménagement du territoire. La loi du 4 février 1995 prévoyait un schéma national voté par le Parlement ; l’actuel projet de loi se borne à mettre en place des schémas de services collectifs conçus par l’administration puis pris par décrets sans aucune validation politique. Il conviendrait au minimum que ces schémas de services collectifs soient présentés au Parlement.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont a estimé que l’addition des schémas de services collectifs constituait en fait un schéma national mais qu’ils auront l’avantage de permettre de faire un choix plus proche des préoccupations des citoyens. Elle s’est également félicitée que M. Christian Jacob se soit fait le chantre des délocalisations administratives décidées en 1992.

Revenant sur ce point, M. Christian Jacob a indiqué que pour lui l’essentiel était que les délocalisations de ce type soient décidées par le Parlement ainsi que le prévoit la loi du 4 février 1995.

M. Gabriel Moncharmont a fait observer que si les schémas de services collectifs répondent aux prescriptions des alinéas 2 à 9 de l’article 2, il y aura forcément cohérence. Il s’est par ailleurs dit séduit par la proposition consistant à soumettre les schémas de services collectifs au vote du Parlement.

M. Jean-Claude Lenoir a déclaré partager l’analyse de M. Patrick Ollier selon laquelle l’Etat doit être le garant des équilibres territoriaux et de la solidarité nationale. Selon lui, l’intervention du Parlement sur l’élaboration d’un schéma national doit être affirmée dès le premier paragraphe de cet article. Il s’est montré surpris par le tour pris par les débats, estimant que si les noms des participants étaient blanchis sur le procès-verbal, un étudiant aurait quelques difficultés à déterminer les intervenants de la majorité mais pourrait constater la permanence des opinions défendues par l’opposition.

M. Joseph Parrenin a estimé curieux que l’on puisse simultanément défendre le schéma national et les droits du Parlement car le schéma national est largement le produit du pouvoir exécutif. Selon lui, les élus auront plus de prise sur les schémas régionaux. Il a également regretté la façon autoritaire dont la DATAR avait délimité les périmètres des pays dans le cadre de l’application de la loi du 4 février 1995.

M. Eric Doligé a rappelé qu’un responsable avait affirmé devant des députés qu’il ne souhaitait pas que les schémas de services collectifs soient présentés devant le Parlement car une telle procédure constituerait un échec pour la politique d’aménagement du territoire.

A l’issue de ce débat, la commission a rejeté les trois amendements de suppression de cet article.

M. Patrick Ollier a présenté l’amendement n° 23 de M. Michel Bouvard et son propre amendement proposant tous deux une nouvelle rédaction de l’article 2 afin :

– d’introduire comme nouvel objectif stratégique la structuration des territoires ruraux par le développement de la coopération intercommunale à fiscalité propre, pour éviter que le renforcement des pôles de développement urbains ne relance la concentration des populations ;

– de renforcer la cohésion des territoires destinés à constituer des pays en les faisant reposer sur de fortes solidarités intercommunales et socio-professionnelles ;

– d’introduire, dans la même logique, la notion de « politiques structurelles de soutien » aux territoires en difficulté, en harmonisation avec les politiques communautaires qui se dessinent dans la réforme des fonds structurels, et en précisant la définition des territoires en difficulté ;

– de réintroduire comme instrument privilégié de réalisation des choix stratégiques la péréquation des ressources entre collectivités territoriales.

M. Philippe Duron, rapporteur, a estimé que l’orientation proposée par M. Patrick Ollier était intéressante mais que l’amendement que lui-même proposait aux quatrième et cinquième alinéas du deuxième paragraphe de cet article prenait en compte ces observations. Il a, en outre, fait valoir qu’il ne fallait pas alourdir le début du texte de cet article par des considérations qui ne sont pas liées à l’organisation de l’espace. La commission a alors rejeté ces deux amendements.

La commission a ensuite rejeté deux amendements de rédaction globale de M. François Sauvadet et de M. Patrick Ollier faisant référence à un schéma national.

Puis, la commission a rejeté un amendement de M. Eric Doligé proposant de renforcer la complémentarité des différentes politiques publiques locales, ainsi qu’un amendement de M. Jean Proriol proposant de renforcer les pôles régionaux et interrégionaux de développement, après que le rapporteur eut fait valoir que cette dernière proposition était contraire à l’esprit du projet de loi qui visait à permettre aux métropoles françaises de concurrencer les autres métropoles européennes.

M. Christian Jacob a attiré l’attention de la commission sur la référence à la région parisienne figurant au troisième alinéa du deuxième paragraphe de cet article. Il a jugé que cette notion ne permettait pas de prendre en compte les spécificités des cantons ruraux de l’Ile-de-France, qui se trouvaient ainsi pénalisés dans le projet de loi. Il a donc proposé de substituer à la notion de région parisienne une référence à l’agglomération parisienne.

M. Gabriel Montcharmont a fait observer que cet alinéa était la traduction d’un constat fait par tout le monde depuis la parution en 1947 de l’ouvrage « Paris et le désert français ». M. Philippe Duron, rapporteur, a indiqué que le projet de loi visait à prendre en compte par ces termes la très grande région parisienne. Paris est en effet la seule ville française de taille mondiale ; il ne faut pas réduire son importance mais donner la capacité aux autres villes françaises de devenir des pôles européens en attirant les sièges sociaux des entreprises, les personnels qualifiés, les chercheurs, etc. Alors que la politique des métropoles d’équilibre qui a tenté de réduire le déséquilibre entre Paris et les villes de province n’a eu que des résultats incomplets, le projet de loi vise non pas à pénaliser Paris mais à donner aux métropoles régionales la capacité de devenir des métropoles européennes. Une référence à l’agglomération parisienne ne correspond donc pas au niveau pertinent d’aménagement du territoire voulu par le Gouvernement.

M. Jean-Michel Marchand a craint que l’expression d’agglomération parisienne ne conduise à un renforcement des pôles urbains autour de Paris tandis que M. Félix Leyzour a considéré que le troisième alinéa du deuxième paragraphe ne conduisait pas, contrairement à l’interprétation de M. Christian Jacob, à pénaliser le cantons ruraux de l’Ile-de-France ; le rééquilibrage qui est, en effet, visé est un rééquilibrage entre pôles urbains.

La commission a alors rejeté l’amendement de M. Patrick Ollier proposant la suppression de l’alinéa sur les pôles de développement à vocation européenne.

La commission a ensuite rejeté l’amendement n° 118 de Mme Sylvia Bassot et l’amendement de M. Patrick Ollier, proposant la mise en cohérence des politiques d’aménagement du territoire et celle de l’aménagement du territoire européen.

Le rapporteur a ensuite présenté un amendement proposant une nouvelle rédaction des quatrième et cinquième alinéas du deuxième paragraphe afin de redéfinir les choix stratégiques relatifs au développement local et à l’organisation d’agglomérations.

M. Jean-Claude Lenoir a fait valoir les différences existant entre les notions de bassins d’emploi et de pays visées dans l’amendement du rapporteur et a proposé de supprimer la référence aux bassins d’emploi. Le rapporteur a objecté qu’il fallait éviter de constituer des pays de taille trop réduite et leur donner un poids suffisant en matière d’aménagement du territoire.

La commission a adopté un sous-amendement rédactionnel de M. Gabriel Montcharmont puis l’amendement du rapporteur ainsi modifié. Les amendements de M. Pierre Micaux relatif à la mise en valeur des potentialités des territoires ruraux, de M. Gérard Voisin proposant de supprimer la référence aux territoires ruraux et de M. Patrick Ollier proposant de compléter le cinquième alinéa sont devenus sans objet.

M. Jean Proriol a proposé une nouvelle rédaction du sixième alinéa du deuxième paragraphe afin de préciser la politique de soutien aux territoires en difficulté. Il s’est étonné que l’amendement du rapporteur venant d’être adopté ne prenne pas en compte ces territoires. Le rapporteur a objecté que son amendement portant sur le sixième alinéa du deuxième paragraphe visait à les prendre en compte. La commission a donc rejeté l’amendement de M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol a ensuite défendu son amendement proposant de viser, précisément au sixième alinéa, les zones de revitalisation rurale. Le rapporteur a estimé que les territoires ruraux en difficulté incluaient ces zones. L’amendement a donc été rejeté.

Puis M. Philippe Duron, rapporteur, a proposé de compléter la liste des territoires en difficulté en incluant « certains territoires de montagne, les territoires urbains déstructurés ou très dégradés cumulant des handicaps économiques et sociaux ». M. Christian Jacob a proposé de substituer à la notion de territoires de montagne celle de territoires à handicap géographique afin d’englober les hauts piémonts. Le rapporteur a fait observer que cette notion était contingente et variable selon les époques ; la moyenne montagne était au siècle dernier une zone du territoire prospère et très recherchée et la haute montagne était délaissée ; aujourd’hui la haute montagne présente des atouts économiques qu’a perdus la moyenne montagne. C’est pourquoi, il a proposé de viser « certains territoires de montagne ». M. Patrick Ollier a craint que cette expression n’ait qu’un caractère faiblement normatif. La commission a ensuite adopté l’amendement du rapporteur.

M. Patrick Ollier a ensuite proposé d’inclure dans les territoires en difficulté toutes les zones en reconversion et non pas les seules zones en reconversion industrielle. M. Philippe Duron, rapporteur, a exprimé son accord avec l’objectif poursuivi par M. Patrick Ollier. M. Gabriel Montcharmont a estimé que les zones en reconversion étaient largement visées par l’amendement du rapporteur précédemment adopté. M. Pierre Ducout a fait observer que le projet de loi ne citait les zones en reconversion industrielle qu’à titre d’exemple de territoires en difficulté mais que tous ces territoires étaient en fait concernés. M. Patrick Rimbert a suggéré de viser les territoires en reconversion économique, mais le rapporteur s’est interrogé sur la définition légale et réglementaire de cette notion. M. Jean-Michel Marchand a soutenu l’amendement de M. Patrick Ollier car le projet de loi ne vise pas spécifiquement les zones de reconversion industrielle. A l’issue de ce débat, la commission a adopté l’amendement de M. Patrick Ollier.

Puis, M. Claude Hoarau a présenté un amendement tendant à viser parmi les territoires en difficulté les « départements d’outre-mer – régions ultrapériphériques françaises ». Il s’est cependant interrogé sur le fait que le projet de loi cite les départements d’outre-mer au titre des territoires en difficulté et a observé qu’ils ne le sont pas par principe car ce sont des entités distinctes qui ont leur identité propre. Il a indiqué que les DOM sont visés dans le projet de loi seulement aux articles 2 et 25, ce qui n’est pas satisfaisant. Bien que le Gouvernement ait annoncé le dépôt à l’automne 1999 d’un projet de loi d’orientation sur l’outre-mer, M. Claude Hoarau a estimé indispensable de permettre aux DOM de s’adosser aux dispositions du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire.

Il a ensuite fait valoir que l’intégration des DOM dans la Communauté européenne nécessitait une démarche volontariste. L’amendement proposé s’appuie sur le nouvel article 299-2 du Traité d’Amsterdam qui définit le processus d’intégration des régions dites ultrapériphériques.

Après ces explications, la commission a adopté l’amendement de M. Claude Hoarau.

M. Félix Leyzour a présenté un amendement visant à ce que l’Etat assure la correction des inégalités spatiales et la solidarité envers les populations en intervenant de façon différenciée. Le rapporteur a fait remarquer que la proposition de M. Félix Leyzour serait en partie reprise dans les dispositions du projet de loi relatives aux interventions économiques des collectivités locales mais qu’il n’avait pas d’objection de fond à l’adoption de l’amendement. La commission a donc adopté l’amendement.

M. Félix Leyzour a ensuite présenté un amendement tendant à ce que l’Etat assure la mobilisation et le développement des services publics dans le respect de l’égal accès de tous les citoyens, en vue de favoriser, par la péréquation tarifaire, l’emploi, l’activité économique et la solidarité et de répondre à l’évolution des besoins des usagers. Il a défendu la nécessité de réaffirmer la place et le rôle des services publics dès l’article 2 du projet de loi.

M. Christian Jacob s’est interrogé sur la référence à la péréquation tarifaire et son éventuelle application en matière de protection sociale. M. Félix Leyzour lui a répondu en citant l’exemple de la protection sociale des personnes démunies variant selon les départements et selon les ressources de ces derniers. M. Jean-Claude Lenoir a néanmoins fait remarquer que l’amendement ne reliait pas l’exigence de péréquation tarifaire au domaine de la protection sociale et aux autres domaines cités et a invité M. Félix Leyzour à rédiger différemment son amendement pour atteindre le but qu’il poursuit.

M. François Brottes a estimé que la rédaction retenue pouvait desservir l’objectif poursuivi dans la mesure où un égal accès peut être un accès à un coût élevé, donc inabordable. Il conviendrait donc de se référer au caractère abordable de l’accès aux services publics. En outre, la péréquation tarifaire est une condition insuffisante ; il est nécessaire aujourd’hui, avec les mesures d’ouverture à la concurrence décidées par la Communauté européenne de mettre en place des compensations financières. Le rapporteur a en conséquence invité M. Félix Leyzour à retirer son amendement pour le corriger et le redéposer ultérieurement. M. Félix Leyzour a alors retiré son amendement.

M. Jean Proriol a présenté un amendement afin que l’Etat assure non seulement la mobilisation des services publics, mais également celle des entreprises publiques.

M. Patrick Ollier a défendu cette proposition qui permet d’affirmer la volonté du Parlement d’empêcher la fermeture abusive des établissements des entreprises publiques. M. Jean-Claude Lenoir a proposé de viser non pas les entreprises publiques mais les entreprises poursuivant une mission de service public, car des entreprises privées exercent de telles missions. M. Gabriel Montcharmont a fait valoir que désormais ces entreprises étaient en situation de concurrence et qu’il était difficile d’exiger d’elles à la fois de présenter des comptes équilibrés et de contribuer à l’aménagement du territoire, sans prévoir un dédommagement financier pour le coût que représente l’accomplissement de cette mission. M. François Brottes a estimé que le service public n’avait pas d’existence en tant qu’entité et que seules des entreprises ou des personnes accomplissaient des missions de service public. En outre, il est indispensable d’inclure les entreprises privées accomplissant des missions de service public.

M. Jean Proriol a, en conséquence, rectifié son amendement afin de viser les entreprises qui accomplissent des missions de service public.

M. Patrick Rimbert s’est inquiété des conséquences de cet amendement et a jugé préférable de garder la rédaction du projet de loi. Il est indispensable de distinguer la collectivité publique qui définit les missions de service public et les entreprises qui sont, tels des maîtres-d’oeuvres , chargées de les exécuter. M. Jean Proriol a fait valoir qu’il était indispensable d’impliquer davantage les entreprises, comme EDF ou France Télécom dans des missions d’aménagement du territoire. Il a cité l’exemple de la desserte des populations habitant dans des zones très reculées. M. Jean-Claude Lenoir s’est déclaré favorable à la nouvelle rédaction proposée par M. Jean Proriol qui vise à la fois les services publics et les entreprises. M. François Brottes a exprimé son accord pour ne plus viser les entreprises publiques mais a suggéré de viser les organismes qui accomplissent des missions de service public afin d’englober les acteurs qui n’ont pas le statut d’entreprise. M. Joseph Parrenin a proposé de préciser que ces organismes peuvent être publics ou privés.

En conclusion, M. André Lajoinie, président, a proposé que la commission s’en tienne au texte initial du Gouvernement du fait que les députés n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une rédaction commune. M. Philippe Duron, rapporteur, a invité les députés à soumettre à la commission, d’ici le passage en séance publique, une meilleure rédaction de la disposition. A l’issue de ce débat, la commission a rejeté l’amendement.

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