Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la production et des échanges (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 janvier 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Audition de M. François ROUSSELY, Président d’EDF, sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (n° 1253) 


2

   

La commission a entendu M. François Roussely, Président d’EDF, sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (n° 1253).

M. François Roussely a indiqué qu’EDF mesurait l’importance de ce projet de loi. Celui-ci prend acte de changements qui seraient nécessairement intervenus indépendamment de toute modification du cadre législatif. Parmi ces changements, il a énuméré :

– la stagnation de la demande d’électricité depuis le début des années 1990 et son probable fléchissement dans les années à venir ;

– les nombreuses innovations technologiques intervenues ;

– la rigidité de l’organisation de l’entreprise essentiellement tournée vers les fonctions de production, de transport et de distribution de l’électricité ;

– l’apparition de besoins nouveaux émanant d’entreprises ayant des sites disséminés sur toute l’Europe et souhaitant du producteur une offre commune pour l’ensemble de ces sites.

EDF, dont l’activité était jusqu’à présent entièrement régulée, se voit désormais confronté à deux faits nouveaux : l’apparition d’un marché international, et l’apparition d’un prix de marché exogène à l’entreprise. Il faut donc revoir l’organisation de l’entreprise en se demandant quels sont les domaines dans lesquels EDF pourra se développer dans les vingt ans à venir. C’est en gardant à l’esprit ces données que le Parlement doit examiner l’actuel projet de loi.

EDF bénéficie d’un certain nombre d’avantages liés à ses missions de service public ainsi qu’à de fortes positions concurrentielles. A cet égard, M. François Roussely a rappelé le choix judicieux de ses prédécesseurs en faveur de l’énergie nucléaire qui permet à EDF d’offrir les prix les plus bas du marché, l’entreprise ayant fait profiter ses clients de ses gains de productivité.

EDF jouit également d’une situation financièrement florissante qui lui permet de mener une action de désendettement et de baisse de prix et d’affronter l’avenir dans de bonnes conditions.

Parmi les faiblesses d’EDF, il faut noter :

– la surcapacité du marché ;

– la rigidité de l’organisation de l’entreprise qui très tournée vers la production ne se préoccupe pas assez du client, ce qui nécessitera un certain nombre d’adaptations ;

– une mutation entamée plus tard que ses principaux concurrents puisque la part des investissements hors électricité est de 7 % à EDF, alors qu’elle est de 31 % à Electrabel, 46 % à ENDESA et 54 % à Scottish Power.

EDF a donc du retard, étant parti plus tardivement que ces concurrents et ayant des difficultés à progresser vers ces objectifs. Le projet de loi doit lui permettre de s’ouvrir à ces nouvelles perspectives.

Pour autant, EDF est en train d’évoluer : au cours de l’été, le projet d’entreprise a permis d’identifier une stratégie intitulée « vers le client », en novembre, deux pôles ont été créés, l’un pour l’industrie, l’autre pour la clientèle, et en février un nouveau directeur assurera pleinement la fonction commerciale.

EDF doit axer son développement dans deux directions : l’international, avec le souci de doubler ses investissements dans ce domaine, et le service public. Il doit conserver toutes les valeurs de service public dans sa mission de service public et posséder toutes les armes de la concurrence dans le secteur concurrentiel.

Les missions de service public propres à EDF impliquent un développement équilibré des productions, le développement des réseaux, le développement de la fourniture d’énergie et d’électricité, ainsi que des obligations à l’égard des populations les plus démunies. Il faut également, quinze ans après les premières lois de décentralisation, revoir les rapports d’EDF et des collectivités locales, EDF devant être plus disponible et plus ouvert aux préoccupations locales.

En ce qui concerne le domaine concurrentiel, il faut donner à EDF tous les moyens de la concurrence, car il est confronté à un élément nouveau : après avoir grandi pendant cinquante ans dans le cadre d’un monopole hexagonal, il va voir, de façon immédiate, un quart ou un tiers de son chiffre d’affaires soumis à la concurrence internationale. A cet effet, il faut élargir le principe de spécialité qui se trouve lié au principe de monopole. C’est là une demande que formulent les gros clients d’EDF comme Usinor, Renault ou Air Liquide qui, en plus de la fourniture d’électricité, désirent des services annexes. Ceux-ci souhaitent également voir diminuer le coût de l’énergie, ainsi par exemple pour Renault dans le coût total d’une voiture, et EDF doit être partenaire de leur développement.

Cela implique qu’EDF devienne une entreprise « multi-énergies », car les prix du gaz se situant à un niveau historiquement bas, la production d’électricité à partir de gaz devient extrêmement concurrentielle.

M. François Roussely a donc estimé souhaitable un rapprochement d’EDF et de GDF ainsi que le développement d’une offre multi-services auprès des clients éligibles qui permette à EDF d’être présent dans d’autres secteurs que l’électricité. Il a cependant insisté sur la nécessité d’éviter les « subventions croisées » ce qui nécessite l’institution d’une séparation comptable des activités.

Il a souligné qu’il fallait donner à EDF les moyens d’être aussi prospère dans la concurrence que dans le monopole.

Il a observé qu’EDF avait maintenant une dimension européenne qui impliquait une absence de différence dans sa politique en France ou en Europe, que l’ère des partenariats était terminée et qu’il fallait évoluer vers une stratégie de groupe industriel.

Il a cependant souligné que deux conditions devraient accompagner cette évolution :

– la transparence dans l’accès aux réseaux et l’institution d’une commission de régulation puissante et indépendante ;

– la refondation d’une nouvelle dynamique sociale qui permette d’obtenir un consensus des travailleurs de l’entreprise sur les nouveaux objectifs, comme cela a été le cas pour le développement de l’énergie nucléaire.

M. François Roussely a ainsi observé que l’accord sur les 35 heures que vient de conclure EDF va au-delà d’un accord sur l’aménagement du temps de travail, qu’il s’inscrit dans cette nouvelle perspective et qu’il est le signe de la confiance de l’entreprise dans son avenir.

M. Christian Bataille, rapporteur, a fait part de son inquiétude vis-à-vis du dispositif prévu par l’article 42 du projet de loi, relatif à l’aménagement du principe de spécialité, craignant notamment qu’il soit à l’origine de contentieux nombreux. Il a demandé si EDF s’estimait satisfait de la rédaction de cet article et si, s’agissant des consommateurs non éligibles, il n’était pas plus restrictif que ce qu’autorisait l’avis du Conseil d’Etat de 1994.

Il a, d’autre part, interrogé le président d’EDF sur les réflexions que lui inspirait le dispositif des missions de service public, qui incombent pour l’essentiel à l’entreprise. Il lui a également demandé comment il entendait assurer la pleine indépendance du gestionnaire du réseau de transport.

Enfin, évoquant les importants écarts entre les estimations avancées à propos des surcoûts liés au statut des industries électriques et gazières, il a demandé sur quels éléments EDF fondait son analyse sur ce point.

En réponse aux questions du rapporteur, M. François Roussely a apporté les précisions suivantes :

– l’aménagement du principe de spécialité doit mettre en place une règle simple. EDF doit être à armes égales avec les concurrents qui exerceront le même métier que lui. Il doit donc pouvoir présenter des offres globales. Personne ne contestant aux compagnies de distribution d’eau le fait qu’elles puissent distribuer de l’électricité, on voit mal pourquoi EDF ne pourrait pas distribuer de l’eau aux clients finals éligibles. Mais EDF le fera sous le regard du Conseil de la concurrence, de la Commission de régulation de l’électricité et des instances européennes. On peut disserter à l’infini sur la rédaction de l’article 42 du projet de loi. Son mérite principal est de déterminer un cadre juridique. Si le Parlement parvient à rendre cette rédaction encore plus claire, EDF s’en félicitera car une telle entreprise ne pourra pas vivre sous la menace constante de contentieux fondés, en particulier, sur les interprétations que pourrait susciter la notion de « complément, technique ou commercial, à la fourniture d’électricité » ;

– certaines missions de service public incombant à EDF doivent être financées par tous et non par les seuls distributeurs. Les mesures de financement des obligations de service public, ainsi que celles liées à des engagements pris antérieurement à l’ouverture du marché (Superphénix) ou celles liées à l’obligation d’achat d’électricité incombant à EDF, ne doivent pas peser sur le coût du kilowattheure produit par EDF ;

– le gestionnaire du réseau de transport (GRT) doit fonctionner en toute indépendance. EDF se prépare à cette situation en séparant strictement les fonctions de transport et de production. Dans le même esprit, les conditions de nomination du directeur du GRT doivent garantir son indépendance à l’égard de la hiérarchie d’EDF. Le problème du périmètre du GRT est délicat, comme en atteste le fait que chaque pays européen a retenu des solutions différentes dans sa définition des missions du gestionnaire du réseau de transport ;

– les surcoûts liés au statut du personnel des industries électriques et gazières peuvent être estimés entre 8 et 14 % ; si l’on tient compte de l’ensemble des charges de retraite (hors compléments), l’écart de coût peut alors être estimé à 40 %.

M. Robert Galley a considéré que le débat sur le projet de loi portait pour l’essentiel sur la question des conditions d’exercice de la concurrence. Il a estimé que, dès lors qu’EDF entrait à l’étranger sur des marchés concurrentiels en rachetant par exemple des entreprises électriques au Brésil ou à Londres, il était difficile de refuser une ouverture réciproque du marché français.

Il a par ailleurs déploré l’action de ceux qui empêchent la réalisation d’une nouvelle ligne électrique à haute tension en Basse-Provence pour desservir la région de Nice et évoqué le projet proposé par une entreprise privée consistant à construire dans cette région une installation de production énergétique par cogénération ayant une capacité suffisante pour fournir tant les clients éligibles que les particuliers. Il a considéré que le problème majeur posé par cette éventuelle implantation porterait sur la question du prix de rachat par EDF de l’électricité produite et non vendue dans le secteur concurrentiel ; cette question n’est pas réglée dans le projet de loi.

M. Alain Cacheux, évoquant les récentes auditions effectuées dans le cadre des travaux préparatoires à l’examen du projet de loi, a admis qu’il fallait développer la cogénération, domaine dans lequel la France est en retard par rapport à ses principaux partenaires européens. Il a rejoint la position de M. Robert Galley sur les problèmes que posent les modalités d’application de l’obligation d’achat s’imposant à EDF.

Il a estimé qu’il convenait de renforcer les domaines d’intervention de la Commission de régulation. Il a enfin demandé des précisions sur la position d’EDF vis-à-vis des activités de trading.

M. François Brottes, évoquant la nouvelle stratégie internationale d’EDF, a demandé quelles étaient les relations de l’entreprise avec ses partenaires dans ce domaine et quelles conséquences entraînait cette stratégie vis-à-vis des collectivités locales.

Abordant la question de la despécialisation des activités d’EDF, il a également souhaité connaître quelle serait l’attitude de l’entreprise dans le domaine des télécommunications.

Evoquant le dynamisme de la gestion sociale d’EDF, il a demandé des précisions sur les difficultés rencontrées dans le domaine de l’informatisation des centres gérant le régime social d’EDF.

Il a indiqué que le problème des microcentrales dans les zones de montagne suscitait une réelle inquiétude et souhaité que le projet de loi ne remette pas en cause le dispositif actuel.

Il a enfin demandé l’opinion de la direction d’EDF sur la mise en œuvre de l’ouverture du marché des télécommunications, où l’opérateur de réseau est à la fois juge et partie.

M. Franck Borotra, évoquant la question de l’organisme chargé de la gestion du réseau de transport, a fait observer que la solution retenue par le projet de loi prouvait que l’Etat n’avait pas confiance en ses propres services. Prenant l’exemple du chemin de fer, où la gestion des infrastructures a été confiée à Réseau ferré de France, il a demandé quelles raisons justifiaient dans le secteur de l’électricité, le maintien de la gestion du réseau au sein d’une entreprise intégrée.

Il a par ailleurs estimé que les principes de tarification devaient au delà du critère du prix du kilowattheure intégrer les temps de coupures ou les micro-coupures, faute de quoi la tarification risquerait de constituer un élément de distorsion de concurrence.

Il a indiqué qu’une grande partie de l’électricité des producteurs décentralisés, utilisant notamment la cogénération, ira vers le secteur non concurrentiel. S’il faudra préciser les conditions de l’obligation d’achat de ces productions par d’EDF, il ne faut pas pour autant fausser les conditions de la concurrence. Il a rappelé que la Cour de justice des Communautés européennes avait estimé qu’un opérateur ne peut obtenir de ses concurrents des mesures de compensation financière au titre de missions bénéficiant des droits exclusifs et spéciaux.

Il a également considéré que la séparation des comptes entre les activités monopolistiques et concurrentielles constituerait l’un des moyens les plus sûrs pour empêcher les risques d’accusation d’abus de position dominante. Il s’est ainsi prononcé en faveur de la généralisation de la filialisation des activités nouvelles tournées vers les clients éligibles.

M. Pierre Ducout s’est demandé si la transposition de la directive communautaire ne risquait pas, puisque l’on s’inscrit dans le cadre d’un marché intérieur européen, de susciter d’éventuelles mesures de rétorsion de la part de nos partenaires, qui argueraient par exemple d’abus de position dominante. Il s’est demandé également si, dans ce même cadre, le statut d’établissement public restait adapté.

Il a interrogé ensuite M. François Roussely sur l’état exact des capacités de production d’EDF, certains les jugeant excédentaires, les syndicats craignant en revanche qu’elles ne soient insuffisantes. M. Pierre Ducout a souhaité connaître la position précise du président d’EDF sur les problèmes de rachat d’électricité posés par les unités de cogénération.

M. Daniel Marcovitch a regretté qu’il ne semble plus être fait référence à la notion de « maîtrise de l’énergie ». Il a demandé également si EDF envisageait de recourir à la cogénération et au delà de quelles limites, l’entreprise risquerait de voir révisé son statut d’établissement public.

Mme Michèle Rivasi a estimé que la transposition de la directive européenne amenait à se poser la question de la diversification des activités. Elle a souhaité savoir ainsi si EDF avait par exemple la compétence nécessaire à la mise au point de turbines à gaz puis a demandé pourquoi EDF n’avait pas développé la cogénération et, d’une manière générale, si l’entreprise envisageait de se rallier à une culture de diversification. Elle a ensuite demandé à M. François Roussely s’il allait encourager le chauffage électrique pour les 600 000 logements a réhabiliter d’urgence, déjà équipés de ce type de chauffage et enfin si EDF avait intérêt à utiliser le Mox.

M. Claude Billard a souhaité avoir des précisions sur le contenu de la notion de trading. S’agissant de l’aménagement du principe de spécialité, il a demandé si EDF allait, dans le secteur des télécommunications, s’inspirer du précédent de sa filiale de Strasbourg.

M. Claude Gaillard a estimé que le retard présenté en matière de cogénération est difficilement explicable, celle-ci constituant une réponse aux problèmes d’aménagement du territoire et offrant des rendements élevés. S’agissant de l’ouverture du marché, il a craint que seuls les clients éligibles bénéficient des effets positifs de la concurrence. Il a estimé ensuite que, du fait de l’avance technique et commerciale d’EDF, l’on aurait pu ouvrir davantage la concurrence, ce qui aurait rendu le système plus lisible. S’agissant des relations entre EDF et GDF, M. Claude Gaillard a estimé que le rapprochement prévu était culturellement explicable, mais s’est demandé s’il n’était pas plus intéressant de laisser chacune de ces entreprises très performantes, développer sa logique industrielle.

M. Jean-Claude Lenoir a interrogé à M. François Roussely sur les enseignements apportés par les expériences étrangères en matière de dérégulation et le devenir prévisible de la coopération franco-allemande dans le domaine nucléaire, notamment pour l’EPR. En matière environnementale, il a souhaité savoir quel était l’état des relations avec les collectivités locales pour l’« effacement » des réseaux. M. Jean-Claude Lenoir a demandé quelles seraient les implications pour l’emploi à EDF du récent accord sur les 35 heures. Il s’est demandé enfin si, en matière de chauffage électrique, EDF n’avait pas adopté une position exagérément défensive, l’électricité pouvant être utilisée à la fois pour chauffer et climatiser les immeubles.

En réponse aux différents intervenants, M. François Roussely a apporté les précisions suivantes :

– le moindre développement de la France en matière de cogénération est principalement dû au développement du programme électronucléaire et à la compétitivité du prix du kilowattheure d’origine nucléaire. Notre pays a fait le choix d’une organisation centralisée de sa production énergétique ; celle-ci a donné des résultats sans égal en matière de coût et de lutte contre l’effet de serre. Toutefois, EDF sait faire de la cogénération et dispose d’ailleurs d’une filiale spécialisée dans cette technique ;

– ce sont les grandes unités de cogénération qui sont aujourd’hui rentables. Or, celles-ci n’ont pas besoin de l’obligation d’achat à un tarif « de complaisance » pour être compétitives. Cette niche tarifaire coûte aujourd’hui 3,7 milliards de francs par an à EDF. L’obligation d’achat devra, au contraire, porter sur des énergies ou des procédés de production émergents qui n’ont pas encore trouvé leur marché ;

– la diversification des énergies primaires utilisées par EDF ne doit pas remettre en cause la place centrale de l’énergie nucléaire. L’histoire d’EDF a été rythmée par le développement successif de l’hydroélectricité, du parc de centrales thermiques, puis par le programme électronucléaire. Aujourd’hui, il importe de prendre en compte de nouvelles formes de production d’électricité, mais celles-ci ne pourront jamais répondre à l’ensemble des besoins du pays. EDF ne doit donc ni les exclure de ses projets, ni les considérer comme une panacée. Il ne doit pas raisonner en termes de diversification des sources d’énergie, mais en termes de présence sur les marchés ;

– la ligne Boutre-Carros répond à un besoin réel (d’ailleurs reconnu lors du débat public) car il est impossible de trouver un site dans la région niçoise permettant de construire une unité de production de 1 000 Mégawatts correspondant aux besoins de cette zone géographique. Dans ces conditions, il faudra probablement combiner plusieurs facteurs : la construction d’une ligne d’une puissance sans doute moindre et l’implantation de petites unités de production dans la région niçoise permettant de fournir des compléments d’électricité ;

– il existe dans le monde plusieurs modèles d’organisation de la régulation. L’indépendance du régulateur dépendra plus de la façon dont fonctionnera la Commission de régulation que de son statut. Dans certains pays étrangers, telle l’Argentine, dans lesquels EDF est présent, les opérateurs entretiennent des relations fréquentes avec le régulateur. Il est trop tôt pour savoir si ce modèle sera reproduit en France, pays habitué au régime de la tutelle ministérielle ;

– EDF pourra recourir au trading pour boucler son offre. Pour acquérir cette compétence, EDF devra s’entourer de spécialistes du négoce d’électricité. Cette activité ne deviendra toutefois pas un des métiers principaux d’EDF, mais il ne se privera pas de l’exercer car sa qualité de producteur limite les risques inhérents au trading ;

– le développement international d’EDF privilégiera dans un premier temps l’Europe, comme l’a montré la récente acquisition de London Electricity. L’absorption de SAUR international dans SAUR a dilué la participation d’EDF (EDF détient aujourd’hui 14 % du capital de cette filiale de Bouygues). EDF continue à collaborer avec cette entreprise et a expérimenté d’éventuelles synergies entre distribution d’eau et distribution d’électricité ;

– France Télécom et EDF ont un actionnaire commun : l’Etat. Celui-ci répète qu’il n’entend pas voir les deux entreprises entrer en concurrence. Tant que l’Etat maintiendra cette position, EDF n’entrera pas sur le marché des télécommunications. EDF a, en tout état de cause, d’autres possibilités de développement ;

– Estel est une filiale d’Electricité de Strasbourg (donc une filiale de filiale d’EDF non soumise de ce fait au droit commun du principe de spécialité), récemment autorisée à être opérateur de réseau de télécommunications ouvert au public ; elle s’acquitte parfaitement de cette nouvelle tâche ;

– une décision a été prise avec le secrétaire d’Etat à l’industrie d’informatiser, dans un premier temps, deux centres de gestion du régime de sécurité sociale ; deux autres centres le seront ultérieurement, le projet de loi ne remettant d’ailleurs pas en cause ce régime ;

– conférer au gestionnaire du réseau de transport (GRT) le statut d’établissement public industriel et commercial séparé d’EDF ne garantit pas un meilleur fonctionnement du réseau. Sur ce point, la directive n’est pas contraignante et laisse les Etats libres de choisir le statut du GRT. L’Allemagne a d’ailleurs mis en place plusieurs GRT intégrés régionaux ;

– le projet de loi ne change rien à la situation des petits producteurs d’hydroélectricité ;

– la généralisation de la filialisation des activités d’EDF présente le risque d’isoler celles liées au service public. Or, la qualité des hommes d’EDF s’est forgée dans le service public et il n’y a aujourd’hui pas de différences entre ce que le citoyen attend d’EDF dans le cadre du service public et ce que le client éligible en attend dans le cadre d’un marché ouvert à la concurrence. Il faut donc maintenir l’unicité de l’entreprise ;

– les entreprises étrangères allant être autorisées à venir concurrencer EDF sur le marché français, le risque de mesures de rétorsion à l’égard d’EDF dans ses projets internationaux devient nécessairement plus limité ;

– le développement d’EDF impliquera à terme une augmentation de son capital ;

– EDF est évidemment sensibilisé au problème de la maîtrise de l’énergie mais il ne lui appartient pas de conduire la politique dans ce domaine ;

– le chauffage électrique (non compris la fourniture d’eau chaude sanitaire) génère pour EDF le même chiffre d’affaires que celui que dégagera la totalité des clients éligibles. Dans ce domaine, le gaz est un concurrent redoutable et EDF doit faire porter son effort vers l’habitat ancien ;

– le changement de statut d’EDF n’est pas un problème d’actualité. Le problème qui se pose aujourd’hui à l’entreprise publique est de définir son activité sur le marché régulé et de voir son principe de spécialité adapté au marché concurrentiel ;

– l’usage du Mox présente de nombreux avantages en matière de gestion des combustibles nucléaires ; quant au coût, le rapport en cours de MM. Christian Bataille et Robert Galley devrait nous apporter des précisions utiles ;

– s’agissant d’ouverture de marché, la mise en place d’une éligibilité progressive, comme l’autorise la directive, lui semble être une décision sage ;

– aujourd’hui, toutes les compagnies électriques du monde sont également compétentes dans le domaine du gaz. EDF doit donc suivre cette évolution par le biais de partenariats avec GDF et par la présentation d’offres conjointes ;

– l’objectif d’EDF dans un marché dérégulé est de continuer à livrer de l’énergie dans les meilleures conditions économiques et en offrant les meilleures garanties de sûreté. Son rôle est donc décisif dans l’accompagnement du développement économique ;

– la coopération avec l’Allemagne dans le domaine de l’énergie nucléaire est encore plus nécessaire aujourd’hui qu’hier. EDF ne se détournera pas de sa coopération avec Siemens et les électriciens allemands. On ne sait aujourd’hui si l’Allemagne se dirige vers « l’option zéro » en matière nucléaire ; EDF veut, pour sa part, maintenir l’option nucléaire ouverte. En effet, le problème du renouvellement du parc de centrales se posera bientôt. Il donnera, certes, lieu à un débat mais celui-ci ne débouchera pas sur un revirement complet de nos choix dans ce domaine ;

– l’accord sur le passage aux 35 heures générera 17 000 à 20 000 créations d’emplois, dont 3 000 à 5 000 créations nettes. L’essentiel de ces nouveaux emplois sera destiné aux services à la clientèle, mais certains concerneront aussi les activités « amont » d’EDF.

——fpfp——


© Assemblée nationale