Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la production et des échanges (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 28

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 janvier 1999
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Auditions dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (n° 1253)  de :

2

•  représentants de la fédération de l’énergie-CGT ...............................................................

2

•  représentants de la fédération chimie-énergie CFDT ........................................................

9

•  représentants de la fédération nationale de l’électricité et du gaz Force Ouvrière ..............

12

•  représentants de la fédération des industries électriques et gazières CFE-CGC .................

17

•  représentants de la fédération de l’énergie, des mines et activités connexes CFTC ............

19

   

La commission a poursuivi les auditions sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (n° 1253).

Elle a entendu une délégation de représentants de la fédération de l’énergie-CGT.

M. Jean-François Gomez, secrétaire de la fédération nationale de l’énergie-CGT, a tout d’abord souhaité excuser l’absence du secrétaire général de la fédération retenu par la négociation de l’accord sur les 35 heures à EDF. Puis il a indiqué que M. Claude Bonnet, membre du bureau de la fédération et également membre du Conseil économique et social, présenterait brièvement la position de la fédération sur le projet de loi.

M. Claude Bonnet, membre du bureau de la fédération nationale de l’énergie-CGT, a rappelé en préambule que la fédération nationale de l’énergie-CGT souhaitait le développement et la modernisation des services publics de l’électricité et du gaz et qu’elle militait en ce sens. Elle déplore donc que le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ne corresponde absolument pas à son intitulé mais s’analyse en fait comme un projet de loi de transposition de la directive européenne sur « le marché intérieur de l’électricité ». Celle-ci, au motif d’instaurer la concurrence, veut remettre en cause la nationalisation et les monopoles publics qui ont pourtant prouvé leur efficacité sociale et économique dans notre pays.

En effet, la directive institue pour les « gros » consommateurs le droit de choisir leurs fournisseurs, ce qu’il est convenu d’appeler l’éligibilité, et impose l’ouverture de la production à la concurrence ainsi que l’accès des tiers au réseau (ATR). Ces choix, parce qu’ils sont contraires à un service public digne de ce nom, sont condamnés par la fédération nationale de l’énergie-CGT.

Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il y quelques années cette position était unanimement partagée par les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale, les groupes de droite se limitant alors à accepter une certaine ouverture de la production à la concurrence. Plus récemment, tant au Parlement français qu’au Parlement européen, mais aussi au cours de la campagne pour les dernières élections législatives, la nocivité de la directive a été constatée et dénoncée par beaucoup d’hommes politiques.

La directive européenne faisant obstacle au service public nationalisé, alors qu’il est apprécié des Français, tout comme à son développement et à sa modernisation, la logique voudrait que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif s’accordent pour revendiquer auprès des instances européennes sa remise à plat, en vue de la rendre compatible avec la volonté et l’attachement de diverses nations à un véritable service public.

C’est en ce sens que, le 3 décembre dernier, M. Louis Viannet, au nom de la CGT, a écrit au Gouvernement pour lui demander officiellement de « retirer un projet de loi qu’elle considère dangereux ». Dans la même lettre, il rappelait que la CGT souhaite, à l’issue d’un grand débat national, l’élaboration d’un autre projet de loi ainsi que la définition des moyens à mettre en œuvre pour répondre aux besoins d’aujourd’hui et demain. M. Louis Viannet faisait également remarquer que ce texte serait « un point d’appui pour avancer des propositions de conventions et de coopérations au niveau européen :

– prenant en compte l’intérêt mutuel des populations, des salariés et des plus démunis,

– fixant les conditions du développement technologique, industriel, social,

– allant dans le sens de l’indépendance énergétique au niveau européen et dégagé de l’emprise des intérêts privés ».

M. Claude Bonnet a poursuivi son analyse en abordant une autre question : le projet de loi soumis à l’examen de l’Assemblée nationale ne tient-il ses défauts que de la directive européenne ?

Sur ce point, deux observations particulièrement importantes doivent être faites :

– le projet de loi, loin d’être une application a minima de la directive déjà inacceptable, va beaucoup plus loin que le texte européen dans le sens de la libéralisation du secteur ;

– certaines avancées pour le service public, souhaitées par la population et par les salariés des industries électriques et gazières, sont tout à fait réalisables sans contrevenir au contenu de la directive.

S’agissant de la première observation, il apparaît clairement que le projet de loi va très au-delà du minimum d’éligibilité fixé par la directive. Ainsi, le texte prévoit des seuils d’éligibilité modulés et non un seuil unique, ce qui générerait une instabilité dont le résultat serait à l’évidence une extension de l’éligibilité.

De plus, l’éligibilité est accordée aux producteurs et aux traders, alors que la directive ne l’exige pas et que ce choix est la négation même des principes comme de la réalisation du service public, d’une politique énergétique et d’une planification à long terme. En outre, aucune limitation n’est prévue dans le contenu des contrats éligibles, au détriment, là encore, de la planification et des coûts de production d’EDF.

En matière de production, les critères et dispositions de la directive qui permettent de limiter et contrôler l’ouverture de la production à la concurrence ne sont que partiellement utilisés. Le nucléaire doit rester l’affaire d’EDF et du CEA. L’hydraulique, au-delà de 8 mégawatts doit rester l’affaire d’EDF. Le charbon français peut et doit être utilisé pour produire de l’électricité.

Par ailleurs, le projet de loi propose de maintenir l’obligation d’achat par EDF des kilowattheures provenant des énergies renouvelables, des déchets, de la chaleur. La directive ne l’exige pas. Va-t-on multiplier par trois le scandale de la « convention cogénération ? ».

Enfin, le projet de loi incite vigoureusement au développement de la production décentralisée. Il fait mine d’ignorer que cette orientation conduirait à l’incohérence et ne générerait aucune économie de réseau, celui-ci devant de toute façon exister pour assurer le secours.

S’agissant de la seconde observation, la directive n’interdit pas la réalisation de certaines aspirations ou exigences des usagers et du personnel. Elles ne sont pourtant pas ou peu prises en compte dans le projet de loi.

Ainsi, rien n’interdit pour les clients non éligibles une tarification de l’électricité aux coûts de revient. Au contraire, la séparation comptable le permet. La CGT revendique cette facturation aux coûts de revient, sous le contrôle d’un observatoire des prix et des coûts accueillant une représentation des usagers et des salariés. De façon plus générale, elle revendique aussi le droit pour les usagers et les salariés de participer à tous les niveaux aux décisions qui les concernent.

Le projet de loi est extrêmement timide en la matière. Il propose même, en termes de régulation, de multiples dispositions qui vont dans le sens de la libéralisation. En revanche, il contient peu d’avancées en faveur de la démocratisation pour les clients non éligibles.

En ce qui concerne la fourniture d’électricité aux familles en situation de précarité, le projet de loi va dans le bon sens s’agissant d’un produit de première nécessité. Mais là encore, il faudrait être plus concret et plus ambitieux, d’autant que la directive n’interdit pas ce genre d’avancées.

Enfin, la directive est muette quant au statut social des salariés. Le projet de loi prévoit que l’actuel statut du personnel des industries électriques et gazières continuera à s’appliquer à l’ensemble de la branche, ce qui est positif. Ce qui l’est moins, c’est de prévoir sa modification et celle de ses textes d’application par des accords collectifs pouvant être « minoritaires », voire par des décisions autoritaires.

En conclusion, la fédération de l’énergie-CGT souhaite que l’Assemblée nationale invite le Gouvernement à retirer son projet de loi et à en bâtir un autre marquant la volonté de retenir les aspirations des usagers et des salariés en matière de service public nationalisé.

M. Christian Bataille, rapporteur, a tout d’abord posé une série de questions relatives au contenu du projet de loi. Il a notamment souhaité connaître la position de la fédération de l’énergie-CGT :

– sur la despécialisation d’EDF sur la part de marché désormais ouverte à la concurrence ;

– sur les conditions d’obligation de rachat par EDF de l’électricité produite par des installations utilisant des énergies renouvelables ou des déchets ;

– sur le statut du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (GRT), à la lumière des expériences existantes.

Puis, le rapporteur a demandé des précisions sur les opérations de trading, en particulier la capacité d’EDF à adopter comme ses concurrents un comportement de négociant.

Rappelant que la politique énergétique nationale était fondée sur une planification initiée dans les années 1970 qui s’appuie sur la production d’énergie d’origine nucléaire, il a souhaité connaître la position de la fédération sur la poursuite de cette politique. Il s’est enfin interrogé sur les coûts supplémentaires résultant des garanties accordées au personnel des industries électriques et gazières, après avoir fait observer que les évaluations variaient entre 15 % et 40 % selon les interlocuteurs.

M. Claude Bonnet a indiqué qu’aux yeux de l’organisation à laquelle il appartient, EDF devait avant tout assurer sa mission de service public, c’est-à-dire la production, le transport et la distribution d’électricité. Le principe de spécialité de l’entreprise ne doit cependant pas être interprété de façon trop restrictive ; en effet, EDF a acquis au fil des années un savoir-faire dont il ne doit pas se priver. L’entreprise ne doit pas pour autant sortir de son champ d’intervention, en particulier son action ne doit pas compromettre l’activité des petites et moyennes entreprises. S’agissant des activités désormais éligibles, EDF doit pouvoir intervenir comme ses concurrents mais cela ne signifie pas, par exemple, qu’il puisse devenir un opérateur dans le secteur de l’eau sous prétexte que Vivendi sera opérateur dans celui de l’énergie ; de même, le savoir-faire d’EDF dans le secteur des télécommunications ne doit pas être mis en œuvre au détriment de France Télécom mais en coopération avec cet opérateur public. Le recours aux filiales ou aux prises de participation prévu par le projet de loi offre des possibilités de diversification à l’entreprise ; aux yeux de la CGT, il ne doit à aucun moment s’agir d’une obligation ; en outre, cette faculté devrait plutôt être utilisée pour offrir des services associés à la fourniture d’électricité. Une attention particulière devra, au demeurant, être portée au statut des salariés des filiales ainsi créées.

Quant à l’obligation de rachat d’électricité, la CGT insiste sur la nécessité de ne pas renouveler l’erreur de la récente « convention cogénération » qui a pour effet de porter le prix du kilowattheure à 50 centimes au lieu de 21 centimes si l’énergie avait été produite par EDF. Ce type d’opération ne peut être soutenu même s’il faut, par ailleurs, prendre en compte certains problèmes, comme la valorisation énergétique des déchets. La fédération considère que l’obligation de rachat ne doit pas se traduire par des conséquences désastreuses pour EDF et qu’elle pourrait donc être limitée à certaines opérations, par exemple pour soutenir l’expérimentation et le lancement de prototypes ou de nouvelles technologies en matière de traitement des déchets ménagers.

La CGT est favorable au maintien du gestionnaire du réseau de transport (GRT) au sein de l’entreprise publique EDF. Les objectifs assignés au GRT par le projet de loi ne sont pas clairs. Ainsi, les clauses des contrats passés entre producteurs et consommateurs éligibles lui seront-elles opposables, ou pourra-t-il au contraire intégrer dans son activité l’optimisation technologique des installations ?

Sur ce point, la CGT considère qu’il convient de donner la priorité aux exigences du service public par rapport à celles liées aux contrats passés avec les clients éligibles. En outre, il faut que le GRT puisse déplacer les périodes de production des fournisseurs privés, notamment pour faire face à ses obligations de maintenance, dans l’intérêt général. A défaut, ce seraient les opérateurs privés qui détermineraient, en fonction de leurs seuls intérêts, les dates et heures d’arrêt.

Le concept de trading constitue une négation de la notion de service public. Il n’est pas possible de concilier des accords commerciaux à court terme avec une politique énergétique qui s’inscrit nécessairement dans la durée. On peut légitimement s’interroger par ailleurs sur la compatibilité entre le recours au trading et le respect de l’obligation de continuité de fourniture.

La consommation électrique s’est accrue plus rapidement, au cours des vingt dernières années, que le PNB. Cette constatation permet d’estimer qu’il n’y a pas aujourd’hui de suréquipement dans le domaine des centrales nucléaires, dès lors que la France s’engage à honorer les contrats à l’exportation qu’elle a souscrits.

S’agissant de déterminer les choix des modes de production d’électricité à développer, il faut tout d’abord relever que les techniques auxquelles EDF a aujourd’hui recours sont diversifiées, associant les éoliennes, le charbon, le fioul ou le gaz. La question posée étant alors de définir la part occupée par chacune des énergies primaires, la CGT fonde son analyse sur la réalité et quelques principes, tels que la satisfaction des besoins, l’indépendance nationale (qui dépasse le seul aspect de la sécurité des approvisionnements et englobe la préservation d’un savoir-faire), l’emploi (1 kWh produit à partir du nucléaire induit deux fois plus d’emplois en France que le même kWh tiré du gaz) et la protection de l’environnement. A cet égard, force est de constater que toutes les techniques ont leurs contraintes. Le gaz, certes dans une moindre mesure que le charbon ou le fioul, contribue au développement de l’effet de serre, ce qui constitue un danger plus immédiat que ceux induits par le nucléaire. Les déchets nucléaires sont générés en quantité modérée et rien n’interdit, sauf des choix politiques, de régler le problème de leur traitement et de leur stockage. Du point de vue environnemental également, le nucléaire l’emporte donc sur les combustibles classiques.

Par ailleurs, le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire est compétitif, sur la longue durée, par rapport au gaz, dont l’avantage sur la courte durée est en outre strictement conjoncturel, compte tenu des prix historiquement bas des matières premières.

M. Christian Bataille, rapporteur, a demandé si la CGT incluait dans son analyse l’internalisation des coûts liés à la production électrique.

En réponse, M. Claude Bonnet a précisé que si la CGT ne dispose évidemment pas de tous les éléments statistiques dans ce domaine, son calcul prend bien entendu en compte des études intégrant les coûts externes dans le calcul du prix de revient de la production d’origine nucléaire. Cette démarche responsable n’est pas toujours respectée par ceux qui préconisent un recours accru au gaz dans la production électrique. En outre, si une taxe sur les émissions de substances polluantes frappait les émissions de CO2 nées de la combustion du gaz, celle-ci accroîtrait encore l’avantage du nucléaire.

La courbe de la consommation électrique sur une année est stable. De ce fait, la production de longue durée (plus de 6 000 heures par an) représente 85 % de la consommation électrique française. La répartition entre les différents modes de production d’énergie est en adéquation avec cette donnée, puisque 7 % de celle-ci provient de l’hydraulique au fil de l’eau et 78 % du parc des centrales nucléaires. Les possibilités d’un accroissement du recours à l’hydraulique étant limitées, il n’y a donc pas, en tout cas depuis le début de la décennie, de part excessive du nucléaire dans la production, les exigences de la lutte contre l’effet de serre rendant ce constat encore plus pertinent.

La CGT reconnaît que les garanties sociales liées au statut des agents des industries électriques et gazières ont un coût, même s’il est difficile de l’évaluer précisément. Mais les affirmations péremptoires dans ce domaine sont difficilement crédibles. Ainsi, lorsqu’un dirigeant d’EDF se plaignait il y a quelques années d’un surcoût de 50 % lié au statut, par rapport aux autres entreprises européennes, la direction d’Electrabel affirmait dans le même temps que les coûts salariaux de son personnel en Belgique dépassaient eux aussi de 50 % ceux d’EDF en France.

Plus sérieusement, on ne peut déconnecter les garanties sociales accordées aux agents de l’efficacité reconnue de leur travail et du haut niveau de leur conscience professionnelle.

Par ailleurs, si l’on compare les richesses créées par rapport à la masse salariale, le ratio des salaires sur la valeur ajoutée est inférieur de moitié à EDF par rapport à la moyenne nationale, chaque employé de l’entreprise générant annuellement une production d’une valeur de 1 million de francs.

M. Alain Cacheux a demandé, au-delà de la pétition de principe de la FNE-CGT d’un retrait du texte, sur quel point l’organisation estimait qu’il convenait prioritairement d’améliorer le projet de loi.

M. Robert Galley a souligné l’extraordinaire réussite internationale d’EDF, qui fournit par exemple aujourd’hui 6 % de l’ensemble de l’électricité du Royaume-Uni. Il a par ailleurs rappelé que le parc nucléaire permettait d’économiser en devises, l’achat de l’équivalent de 88 millions de tonnes de pétrole par an.

Saluant les efforts d’EDF pour obtenir des prises de participation dans les réseaux électriques du Brésil et de Londres, il s’est interrogé sur la possibilité de concilier l’ambition de devenir un grand exportateur et le refus de permettre aux entreprises étrangères de pénétrer le marché français.

Il a enfin considéré que le choix du nucléaire ne pouvait se concevoir à terme qu’avec le recours à la surgénération. A cet égard, il a rappelé le combat mené par des personnes de toutes tendances en faveur du maintien de Superphénix. Plutôt que les opérations de destruction irréversibles qui risquent d’être conduites en février prochain sur le site, ne serait-il pas possible de préserver cette infrastructure qui a coûté très cher et se révèlera indispensable à moyen terme ?

M. Claude Billard a estimé que la démocratie et la transparence ne constituaient pas les points forts du projet de loi. Il s’est déclaré favorable au renforcement de la présence des agents et des usagers au sein des commissions départementales de service public.

Il a enfin interrogé les représentants de la FNE-CGT sur l’opportunité d’un rapprochement ou d’un partenariat entre EDF et GDF dans la cadre de l’ouverture à la concurrence.

En réponse à M. Alain Cacheux, M. Claude Bonnet a indiqué qu’il est difficile de faire un choix dans les aspects du projet de loi à améliorer, tant ce projet est une mauvaise chose en soi. Toutefois, dans ce cadre, c’est à l’éligibilité qu’il conviendrait de renoncer. Il conviendrait de reconnaître à chaque pays le droit de développer ses services publics. A l’inverse, la directive européenne sur l’électricité précise que l’éligibilité prime sur le droit des Etats à exiger le respect des missions de service public.

M. Alain Cacheux a rappelé que sa question portait sur le projet de loi, et non sur la directive, dont il était difficile d’envisager la modification.

M. Christian Bataille, rapporteur, a demandé si, dans l’esprit de la FNE-CGT, la distinction entre marché concurrentiel et service public devait disparaître. Il a estimé que cette position aboutissait à revenir à une conception uniforme du service public, contestant ainsi l’ouverture à la concurrence d’une part du marché.

En réponse, M. Jean-François Gomez a apporté les précisions suivantes :

– la question du retrait du projet de loi n’est pas posée aux syndicats, elle s’adresse d’abord aux parlementaires. Sans s’adonner au fétichisme, il faut rappeler qu’il porte atteinte à une loi issue du Conseil national de la Résistance. Si la situation a évolué notablement depuis la Libération, rien ne justifie de modifier les fondements du texte existant. A l’inverse, ce sont les orientations imprimées à l’entreprise par les différents gouvernements qui ont faussé le contenu du service public.

Le rôle du syndicat est aussi de rappeler que les personnels sont attentifs à ce qu’ont déclaré les élus. Ainsi, au début de 1997, la principale composante de l’actuelle majorité a dit le plus grand mal de la directive dont il est aujourd’hui proposé la transposition en droit interne. A la même période, le Premier ministre, alors candidat aux élections législatives, avait déclaré que le texte communautaire méritait d’être combattu ; la morale publique impose que les engagements soient respectés.

Les évolutions politiques récentes en Europe devraient en outre aboutir à favoriser, dans l’intérêt des peuples, le réexamen de cette directive en Europe. C’est pourquoi l’appel au retrait du projet de loi n’est pas un simple acte de bonne conscience ; il s’agit d’un appel qui s’amplifie ;

– la FNE-CGT ne s’associe pas à la fierté que pourrait susciter un comportement d’exportateur fondé sur le seul objectif de la rentabilité financière. Elle estime que les échanges internationaux doivent s’effectuer sur une base de coopération industrielle et technologique. En même temps, cette ouverture ne doit pas remettre en cause le respect dû aux missions de service public, fixées par la loi.

M. Daniel Béguet, secrétaire de la branche cadres de Superphénix a ensuite rappelé que le problème des ressources en matières premières pour les centrales nucléaires se posera à terme. C’est pourquoi, en plus d’être un acte antidémocratique, la fermeture de Superphénix constitue une erreur économique. Dès lors, cette installation devrait être préservée.

D’ici le 25 janvier, après plusieurs reports, les premières opérations irréversibles de démantèlement seront pratiquées. Il existe encore une marge de manœuvre pour empêcher la fermeture de cette installation qui, seule, permet le développement de la recherche en grandeur nature de la surgénération, ce que n’autorise pas Phénix.

Par ailleurs, les engagements à l’égard des salariés ne sont pas tenus. Les 15 millions de francs promis pour le bassin d’emploi ne sont rien par rapport aux besoins ou comparés aux sommes prévues pour compenser en Franche-Comté l’abandon du canal Rhin-Rhône. C’est pourquoi les populations s’interrogent sur l’attitude des élus. La construction d’une tranche EPR a été envisagée. Elle bénéficierait de la proximité du Rhône pour le refroidissement et de la disposition de lignes de transport de courant, déjà installées, ainsi que d’un site industriel de 25 hectares.

En conclusion, faute d’une véritable reconversion industrielle, la région du nord de l’Isère risque d’être définitivement sinistrée.

M. André Lajoinie, président, a déclaré comprendre et soutenir les efforts déployés par les travailleurs et la population autour du site de Superphénix.

M. Claude Bonnet a ensuite apporté les précisions suivantes :

– les usagers et les agents ont besoin de pouvoir exprimer leurs points de vue dans les affaires relatives à la production et à la distribution d’électricité.

Le projet de loi reste en retrait sur ce point ; il faudrait créer dans ce but des sous-commissions spécialisées au sein des commissions de service public, ainsi que des observatoires des coûts et des prix de l’électricité, aux niveaux national et local ;

– la mise en concurrence du gaz et de l’électricité ne répond pas aux besoins des usagers. Elle devrait céder la place à une complémentarité entre les deux énergies. Plus généralement, il convient de placer l’usager au centre des choix et développer le partenariat entre gaz et électricité. D’ailleurs, le législateur avait initialement en 1946 proposé l’institution d’un seul opérateur pour les deux énergies.

——fpfp——

Puis, la commission a entendu une délégation de représentants de la fédération chimie-énergie CFDT.

M. Michel Cruciani, secrétaire national de la fédération chimie-énergie CFDT, a indiqué que la CFDT avait travaillé  collectivement à formuler des propositions, aussi bien au moment de l’élaboration de la directive européenne que du projet de loi. La nécessité de modifier le système électrique français s’impose en raison de l’apparition de nouvelles technologies, du changement des attentes des clients, des contraintes gouvernementales et des nouvelles frontières de notre espace économique. Faute d’adaptation, ce système ne pourrait que se désagréger à terme. Il doit donc évoluer tout en préservant ses avantages, à savoir son caractère d’instrument d’une volonté collective nationale, son caractère d’outil de la cohésion nationale grâce au service public, ses prestations de qualité grâce au dynamisme de l’entreprise et sa référence sociale.

Le projet de loi tel qu’il se présente constitue une base de départ intéressante pour cette évolution en permettant notamment, en matière de politique énergétique nationale, une meilleure démocratisation des prises de décision. Parmi les améliorations à apporter au projet de loi, M. Michel Cruciani a relevé la nécessité de renforcer le service public, d’assurer une égalité de compétition entre les entreprises actuelles et les nouveaux opérateurs et de conforter le projet social. Sur ce dernier point, il a observé que l’importante négociation sur la réduction du temps de travail qui vient de s’achever est insatisfaisante dans la mesure où elle ne concerne qu’EDF et pas les autres opérateurs.

Il a donc souhaité que trois initiatives soient soutenues :

– stimuler la création d’une branche professionnelle des industries électriques et gazières, ce qui permettrait de négocier une convention collective instituant des garanties sociales pour le personnel des entreprises du secteur électrique qui ne bénéficie pas du statut national ;

– clarifier les responsabilités à la tête de l’entreprise, la fonction de gestion relevant du directeur général et la fonction d’orientation relevant d’un Conseil de surveillance ;

– éviter les recours abusifs à la sous-traitance ou à la création de filiales, deux voies souvent empruntées par les employeurs pour échapper aux contraintes sociales. La législation française actuelle ne permettant pas l’introduction de « clauses sociales » spécifiques, la CFDT souhaiterait une initiative parlementaire en ce sens.

La CFDT propose également de modifier le texte afin de renforcer le contrôle du système, notamment au moment de l’autorisation d’exploitation, et à donner à la Commission de régulation des moyens de contrôle de caractère social.

M. Hervé Gouyet, délégué national, a présenté les trois modifications proposées par la CFDT pour renforcer le caractère de service public de l’électricité :

– le droit à l’énergie : le dispositif actuel « pauvreté, précarité » est trop restrictif ; il conviendrait d’instituer un réel droit à l’énergie et il serait plus équitable que le dispositif en faveur de la cohésion sociale soit financé par l’ensemble des consommateurs et pas seulement par les consommateurs non éligibles ;

– l’emploi et la cohésion sociale : le service public de l’électricité doit concourir à la cohésion sociale, y compris à travers le niveau de l’emploi, les conditions de l’emploi ainsi que les conditions de travail dans le secteur électrique ; il faut éviter que la concurrence ne génère un dumping social entre les différents opérateurs et donner à la Commission de régulation une mission de surveillance de la manière dont les garanties sociales de la branche des industries électriques et gazières sont respectées ;

– la création d’observatoires régionaux de l’électricité : il manque un niveau d’évaluation et de recours dans la mise en oeuvre du service public de l’électricité ; la CFDT propose que soient créés dans chaque région des observatoires régionaux d’électricité, composés à égalité de représentants des élus locaux, des professionnels, du monde associatif et des organisations syndicales, qui seraient chargés de l’évaluation de l’exécution du service public et qui pourraient formuler des avis auprès du ministre chargé de l’énergie et de la Commission de régulation de l’électricité.

M. Jean-Marc Mauchauffée, administrateur au conseil d’administration d’Electricité de France, représentant la CFDT, a présenté les orientations à retenir pour assurer une réelle égalité dans la compétition entre EDF et les nouveaux opérateurs :

– les services proposés par EDF aux clients éligibles ne devraient pas se borner à des compléments mais prendre la forme d’offres globales qui devraient pouvoir être étendues à l’ensemble des consommateurs appelés à devenir éligibles ;

– des offres globales de prestations liées à la production, au transport, à la distribution ou à l’utilisation de l’énergie devraient pouvoir être proposées aux collectivités locales ;

– les articles 23 et 24 du projet prévoient la possibilité de garantir l’accès aux réseaux publics de transport et de distribution pour permettre l’approvisionnement par un producteur de sa société-mère et des filiales de cette dernière ; la CFDT considère que c’est un élargissement inacceptable de la notion d’accès au réseau, bien au-delà des obligations de la directive européenne, et de fait un détournement de la notion d’éligibilité ; elle souhaite donc que la possibilité d’approvisionnement entre société-mère et filiales soit supprimée ;

– le régime des retraites des industries électriques et gazières repose sur une « contribution d’équilibre » versée par les entreprises et directement imputée sur les coûts du kWh ; il serait légitime de demander aux nouveaux entrants de participer à cette contribution, au prorata de leur part de marché, pour les engagements pris avant que la suppression du monopole ne soit annoncée.

M. Christian Bataille, rapporteur, a évoqué les problèmes posés par la non distinction comptable entre fournitures aux clients éligibles et non éligibles ; la loi ne contenant pas d’éléments sur ce point, il existe un risque de subventions croisées et donc de développement des contentieux. Il a souhaité connaître le point de vue des représentants de la CFDT sur le trading, qui offre en particulier au producteur la possibilité de compléter l’offre existante et sur le surcoût qu’occasionnerait le statut professionnel des industries électriques et gazières. Ce surcoût est évalué en effet à 1,15 par M. François Roussely, président d’EDF, mais à 1,40 par les représentants de Suez- Lyonnaise des Eaux et de Vivendi.

M. Michel Cruciani a indiqué que son organisation était très attachée à la transparence entre fournitures aux éligibles et aux non éligibles, mais qu’elle n’avait pas à ce jour pu définir de système comptable garantissant une transparence totale en la matière. La CFDT, a-t-il précisé, est très consciente de cette difficulté. S’agissant du surcoût que présenterait le statut des personnels d’EDF, il a estimé qu’il s’agissait de fait d’un statut plus exigeant que celui du code du travail. Il a fait remarquer ainsi que la prise en charge par EDF du coût de certaines reconversions, telles que celle qui avait été opérée lors de la disparition des usines à gaz constituait en fait un coût évité par la collectivité. Quant aux salaires versés aux personnels d’EDF, il est de fait qu’ils sont plus élevés que la moyenne des salaires, étant donné qu’il importe d’attirer et de fidéliser des personnels qualifiés. Au titre enfin des charges spéciales, il faut mentionner particulièrement les charges de retraite, issues d’une tradition sociale de prévoyance qui existait bien avant la loi de nationalisation.

M. Hervé Gouyet a estimé que la question du trading devait être analysée au regard de l’exigence d’optimisation des systèmes électriques. L’Europe présente de fait une situation de surcapacité de ses moyens de production, ce qui impose un effort d’ajustement entre l’offre et la demande dans le temps. La fonction de trading, qui concerne 10 à 20 % des échanges ne doit pas être appréhendée sur le seul territoire national, puisque nous sommes « interconnectés » au plan européen. Mais il est vrai, en toute hypothèse, que notre pays qui est le premier exportateur d’électricité au monde, pour un montant de 15 milliards de francs, doit savoir raisonner aussi en termes d’ajustement.

M. Franck Borotra s’est étonné que la CFDT traite de la prise en compte des retraites dans les coûts échoués. Les entreprises du secteur concurrentiel qui disposent en effet de leur propre système de retraite, se verraient ainsi contraintes de financer simultanément deux régimes de retraite.

M. Alain Cacheux a interrogé les représentants de la CFDT sur la raison d’être des observatoires régionaux de l’électricité dont ils suggèrent la création.

M. Claude Billard a évoqué la question de l’élargissement de la spécialité d’EDF et demandé aux représentants de la CFDT leur point de vue sur ce point.

M. Michel Cruciani a indiqué que la fonction de trading permettait un ajustement permanent entre l’offre et la demande. Cette activité, qui a ainsi sa justification économique est rendue possible par l’interconnexion européenne. S’agissant de la prise en compte des charges de retraite dans les coûts échoués, M. Michel Cruciani a estimé que l’on pouvait considérer qu’EDF avait engagé un effort d’investissement en matière de retraite, à une époque où cette entreprise était en situation de monopole et que les investissements ainsi réalisés pouvaient être considérés comme « coûts échoués ».

M. Franck Borotra a estimé que la création du régime de retraite relevait de la responsabilité de l’Etat et que ledit régime ne pouvait être assimilé à un investissement.

M. Jean-Marc Mauchauffée a indiqué que les observatoires régionaux de l’électricité préconisés par la CFDT pouvaient constituer un indispensable outil d’évaluation et de recours, puisque les choix énergétiques seront opérés désormais au niveau régional.

M. Michel Cruciani a précisé que l’assouplissement du principe de spécialité de l’entreprise ne devait s’opérer en tout état de cause que progressivement. Il a estimé qu’il pourrait utilement concerner l’activité de conseil sur l’usage et la maîtrise de l’énergie. S’agissant enfin de l’élargissement des activités au secteur des télécommunications, il a fait part des réserves de son organisation.

——fpfp——

La commission a ensuite entendu une délégation de représentants de la fédération nationale de l’électricité et du gaz Force Ouvrière.

M. Robert Pantaloni, administrateur au conseil d’administration d’Electricité de France, représentant la fédération nationale de l’électricité et du gaz Force Ouvrière a indiqué que FO avait toujours fait part de vives inquiétudes sur le dossier de la libéralisation du marché de l’électricité dont s’était saisie la Commission des Communautés européennes dès 1987. Cette position s’explique d’abord pour des raisons idéologiques : la régulation par le marché n’est ni saine, ni adaptée à la distribution d’un produit de première nécessité qui a besoin d’être traité de façon égalitaire et humanitaire pour participer au respect de la dignité et de la citoyenneté des individus. Elle tient également plus fondamentalement au fait que l’organisation du marché intérieur de l’électricité ne pouvait, en aucun cas, précéder la définition d’une politique énergétique communautaire, dont elle ne pouvait être que le vecteur, au risque de déstabiliser les politiques nationales et leurs dénominateurs communs que sont l’indépendance énergétique et la sécurité d’approvisionnement de chaque Etat membre, sans que ces objectifs impérieux ne soient assurés au plan communautaire.

Il a ensuite fait valoir que les dispositions de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, contraignantes à l’excès, n’avaient pas clos le débat, particulièrement dans notre pays qui, privé de ressources énergétiques naturelles, a, en quelque sorte, trouvé dans les « ressources technologiques et industrielles », notamment le nucléaire, les moyens de son indépendance énergétique et de sa sécurité d’approvisionnement, sous réserve de contraintes soutenues dans le temps, qu’un effort de mémoire permet de relativiser.

Il a estimé que les événements qui ont présidé à la mise en place du programme électronucléaire français peuvent, sans prévenir, se reproduire ; ne pas en tenir compte placerait la France en état de vulnérabilité coupable. Certes l’éventail des énergies primaires aujourd’hui disponibles est large, il permet la diversification souhaitable des moyens de production. Rien n’autorise cependant d’affirmer très sérieusement que le choix nucléaire pour une part importante des besoins d’électricité ne reste pas indispensable, ne serait ce que pour répondre aux contraintes environnementales en matière de rejets atmosphériques gazeux, que l’on peut prévoir de plus en plus rigoureuses.

Au sujet de la politique énergétique que la France entend mettre en oeuvre dans l’avenir, il a indiqué que FO regrettait qu’à l’occasion du débat sur le projet de loi réalisant la transposition de la directive, qui est loin d’être neutre en termes de politique énergétique, l’opportunité n’ait pas été saisie d’organiser un large débat parlementaire sur les orientations en la matière. Selon FO, la procédure de consultation de l’Assemblée nationale prévue est totalement insuffisante et les gouvernements ne pourront pas éternellement faire l’économie d’un véritable débat sur la politique énergétique au Parlement.

Dans tous les cas et quels que soient les choix futurs, rien ne permet de s’affranchir des décisions passées concernant l’industrie électronucléaire. En effet, le nucléaire s’assume sur le long terme en matière financière : les trois postes construction, démantèlement et cycle du combustible ont mobilisé, mobilisent et mobiliseront des capitaux considérables et génèrent des dettes incompressibles qu’il convient de ne pas transformer en investissements échoués à la charge de la Nation par l’introduction de moyens de production non utiles qui entraîneraient une surcapacité de production. Il en est de même en matière de sûreté, compte tenu des efforts de radioprotection à mettre en oeuvre dans le futur sur les sites qui ne seront plus en exploitation, et en matière industrielle, pour sauvegarder, par la mise en veille, la technologie française, ce qui nécessitera des efforts de commande importants. M. Robert Pantaloni a évoqué plus particulièrement l’EPR dont on ne pourra pas, sans risque d’abandon de compétence, différer l’engagement.

C’est au regard de ces contraintes, ainsi que de la volonté de disposer d’un service public de l’électricité citoyen et social, caractérisé par les missions confiées jusqu’à présent notamment à Electricité de France, qu’il convient, selon FO, d’examiner chaque attendu du projet de loi soumis à l’Assemblée nationale. C’est ainsi que FO a examiné le texte du projet de loi.

M. Robert Pantaloni a noté avec regret que la plupart des orientations sensibles contenues dans ce projet renvoient à des décrets d’application ou à des décisions ministérielles, ce qui rend peu lisible, voire quelquefois obscur, le texte et ne permet en aucun cas d’avoir une vision globale des objectifs visés, vision qui est largement faussée par l’intitulé même du projet de loi « de modernisation et de développement du service public de l’électricité ». En effet, FO souligne, d’une part, que le service public de l’électricité, notamment par l’application du principe d’adaptabilité, s’est modernisé en continu depuis 1946 et, d’autre part, que l’objectif principal de ce projet de loi est la transposition dans le droit français de la directive d’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité.

Il a estimé que cette présentation biaisée renforçait le sentiment que ce projet de loi s’inscrivait dans une conception très libérale de la transposition, dans tous les cas en rupture avec les conceptions actuelles et efficaces du service public français de l’électricité.

Il a conclu en indiquant que FO n’était pas favorable à la concurrence et réagirait avec fermeté si ce texte devait être amendé dans un sens encore plus libéral comme certains lobbies puissants le réclament.

M. Robert Pantaloni a ensuite exposé l’analyse de son organisation syndicale sur quelques dispositions importantes du projet de loi.

Concernant l’article 2 et les dispositions de son paragraphe III relatives aux fournitures de secours des producteurs et des clients éligibles, il a fait valoir que l’obligation pour Electricité de France d’assurer l’alimentation de secours des producteurs et des clients éligibles rendra nécessaires des capacités de production excédentaires. Qui supportera cette charge importante en investissements « non productifs » ? La loi devra être claire à ce sujet pour ne pas en laisser la charge au service public de l’électricité et aux clients non éligibles.

Concernant l’article 13 relatif au gestionnaire du réseau public de transport, il a fait part du souhait de FO de préserver l’intégrité de l’entreprise EDF en laissant subsister ce gestionnaire au sein d’EDF comme le permet la directive. Dès lors, la question des rapports entre le gestionnaire du réseau public de transport et l’organisation des infrastructures de transport, tous deux services d’EDF, ainsi que leurs périmètres respectifs, relève de l’organisation interne de l’entreprise qui n’entre pas dans le domaine de la loi.

Concernant l’article 22 qui traite de l’activité de négoce en gros de l’électricité, il a fait valoir qu’aux termes des articles 17, 18 et 21 de la directive, il revient à chaque Etat d’accepter ou de refuser la présence de ces grossistes qui sont des entreprises de fourniture achetant ou vendant de l’électricité sans être pour autant des entreprises de transport, de production ou de distribution d’électricité. Ce sont des intermédiaires qui n’apportent aucune valeur ajoutée. Ils sont au surplus parfaitement inutiles, le choix étant fait de n’admettre l’éligibilité que des plus gros clients appréciés par site de consommation, comme le prévoit d’ailleurs la directive ; dans ce cas il est évident que ces très gros clients auront les moyens de négocier avec tous les producteurs sans devoir passer par des intermédiaires.

Il a estimé que c’était sans doute la raison pour laquelle, jusqu’ici, les pouvoirs publics s’étaient refusés à autoriser l’activité de ces grossistes dans la législation sur l’électricité. Or, contre toute attente, le projet de loi rompt avec une telle position et a au contraire choisi de prévoir l’existence de ces grossistes au paragraphe IV de l’article 22. Outre que cette disposition s’inscrit dans une demande libérale à l’excès, M. Robert Pantaloni a craint de voir créer des surcapacités artificielles qui mettraient au compte de la Nation le coût d’investissements échoués.

S’agissant de l’organisation de la régulation, il a noté que l’article 32 du projet de loi permettait aux commissions du Parlement et au Conseil économique et social d’entendre les membres de la Commission de régulation de l’électricité. Il a demandé que le Conseil supérieur de l’électricité et du gaz, dans lequel siège l’ensemble des composantes du secteur (consommateurs, organisations professionnelles, etc.) intègre le dispositif et qu’en particulier, il puisse donner un avis sur le rapport public annuel de la Commission de régulation de l’électricité. Il s’agit là d’une question essentielle de transparence. Par ailleurs, il a cité les propos du Président du Haut conseil du secteur public selon lequel « D’un strict point de vue du pacte républicain et du contrat social, voire simplement de l’équité, il est difficile d’admettre, sans garde-fous, que l’ouverture, par exemple, des services publics de l’électricité et du gaz réalisée au nom de la concurrence, de la lutte contre la rente et le monopole s’opère au profit d’intervenants, qui tiennent leurs moyens d’investir des ressources qui s’apparentent économiquement à une rente.

« A situation comparable, traitement comparable. L’Europe, et la France en particulier, auraient tout à gagner, et les opérateurs d’eau devraient aussi pouvoir partager cette analyse, à la mise en place d’une vraie régulation du secteur de l’eau ».

Comme lui, FO souhaite que le principe d’équité soit respecté.

Concernant la définition du principe de spécialité par l’article 42, il a déclaré que FO était largement favorable à l’élargissement de ce principe, dès lors qu’il était encadré et participait de l’égalité de traitement entre opérateurs soumis à la concurrence pour l’ensemble des clients éligibles, ou d’une amélioration du service public pour l’ensemble des usagers, en particulier dans les activités liées à l’utilisation rationnelle de l’énergie.

FO n’est, en revanche, pas favorable à la suppression de ce principe qui conduirait, selon d’éminents juristes, à l’abandon du statut d’établissement public industriel et commercial au profit d’un statut de société nationale comportant un risque d’ouverture du capital, peu adaptée aux missions d’Electricité de France, pour qui l’obligation de desserte, donc d’approvisionnement, ne peut conduire à l’obligation de rentabilité dans un statut commercial de droit commun.

Concernant l’article 43, il a déclaré que FO restait indéfectiblement attaché à l’existence du statut national du personnel des industries électriques et gazières et à ses garanties. Le statut s’applique d’ailleurs déjà à l’ensemble des entreprises du secteur et FO souhaite le maintien strict de cette disposition dans le nouveau cadre concurrentiel.

Concernant l’article 45 mettant en place diverses dispositions transitoires, M. Robert Pantaloni a noté le mutisme des pouvoirs publics. Que va-t-il se passer le 20 février 1999, date à laquelle la directive devrait être transposée, si des futurs clients éligibles demandent à bénéficier immédiatement de l’ouverture des marchés ? Quelles règles va-t-on leur appliquer ? Electricité de France ne court-il pas le risque de voir se multiplier à son encontre des contentieux, alors que l’Etat a pris la responsabilité d’adopter la directive en 1996 et de ne pas respecter les délais de transposition qu’il avait lui-même acceptés ?

Concernant l’article 51 relatif aux relations entre EDF et la Compagnie nationale du Rhône et les autres producteurs nationaux, il a rappelé que toute l’énergie électrique produite par les équipements du Rhône, issus des investissements des consommateurs français d’électricité et plus généralement des contribuables, devait continuer à être produite à leur bénéfice exclusif, sans qu’ils soient lésés, et pour cette raison devait rester exclusivement à disposition du service public de l’électricité assuré notamment par Electricité de France.

M. Christian Bataille, rapporteur, a souhaité connaître l’avis de FO sur la distinction entre les clients éligibles et les clients non éligibles. FO demande-t-il que les activités d’EDF dans ces deux secteurs fassent l’objet d’une séparation comptable ? L’organisation syndicale a-t-elle des propositions pour empêcher que des subventions croisées soient réalisées entre les deux secteurs et que des contentieux inextricables surviennent ? Faut-il aller au-delà des mesures prévues par le projet de loi ?

Il a ensuite souhaité savoir si FO était satisfait des dispositions du projet de loi relatives au gestionnaire du réseau public de transport ou s’il estimait nécessaire de préciser davantage les conditions de son indépendance. Concernant le négoce de l’électricité, qu’autorise le projet de loi, il a demandé si FO était partisan de la suppression de cette faculté ou s’il jugeait que la France devait occuper sa place en Europe sur ce créneau économique.

En dernier lieu, il a indiqué que M. François Roussely, président d’EDF, estimait à 15 % le surcoût entraîné par l’application du statut des industries électriques et gazières, tandis que des interlocuteurs privés, dont notamment les responsables de Suez-Lyonnaise des Eaux, le chiffraient à 40 %. FO dispose-t-il d’estimations et comment explique-t-il cette différence d’évaluation ?

M. Robert Galley s’est étonné que les représentants de FO n’abordassent pas le problème des retraites. Il a souhaité savoir si l’arrivée d’opérateurs étrangers en France n’était pas susceptible de conduire à une remise en cause à terme du régime des retraites du secteur des industries électriques et gazières. Il a ensuite souhaité connaître l’opinion de l’organisation syndicale sur la pérennité du service public en fonction des dispositions contenues dans le projet de loi et sur la maîtrise par EDF de la distribution de l’électricité dans les endroits où il a investi dans la création de nouvelles infrastructures de transport, face aux demandes de petits producteurs privés locaux, et a cité le cas de la ligne Boutre-Carros.

Il a enfin souhaité connaître la position du syndicat sur l’élargissement du champ des activités d’EDF en application de l’article 42 du projet de loi.

En réponse aux différents intervenants, M. Robert Pantaloni a donné les éléments d’information suivants :

– il n’existe pas de droit pour EDF mais un devoir fixé par la loi du 8 avril 1946 et maintenu par le projet de loi, d’alimenter en électricité toutes les personnes qui le demandent. L’alimentation en électricité de la ville de Nice ne peut être garantie de manière absolue ; il paraît indispensable de doubler la ligne de transport à haute tension, mais l’utilité publique de sa construction relève d’une décision de l’Etat. La commission ad hoc mise en place par la Commission nationale du débat public a rendu un avis qui n’est pas hostile à cette construction mais qui déclare qu’elle peut être différée en mettant en place des petites unités de production à proximité de la ville de Nice ;

– les Etats-Unis se sont lancés dans une politique de création de petits moyens autonomes de production d’électricité, choix que n’a pas fait la France. La France a préféré construire un parc national interconnecté de centrales électriques. La construction de nouveaux moyens de production accroîtrait la surcapacité de ce parc et créerait des investissements échoués. FO estime donc cette possibilité de créer des moyens autonomes de production inopportune, mais la décision relève de l’Etat ;

– en matière de retraite, la France doit assumer ses choix et ne pas rejeter les agents qui ont mis en place le système électrique le plus compétitif de la Communauté européenne ;

– concernant le surcoût entraîné par l’application du statut des industries électriques et gazières, il faut remarquer que les distributeurs d’eau appliquent à leurs agents travaillant dans le secteur de l’électricité ce même statut, qui n’est pas le statut réservé aux agents d’EDF. FO considère qu’au regard des résultats d’EDF, le coût social du statut est justifié, mais l’organisation syndicale ne peut pas le chiffrer. Cependant, un agent d’EDF n’est pas plus riche qu’un agent relevant du droit privé ;

– concernant le négoce de l’électricité, il faut relever que le parc de centrales électriques suffit aux besoins actuels. Cependant, FO doute de la surcapacité de ce parc. En effet le parc nucléaire est utilisé entre 80 et 85 % de sa capacité, mais 70 TWh sont exportés, ce qui correspond à la puissance de huit à neuf tranches de centrales nucléaires. Il n’y a pas de justification à ce que les traders s’aventurent sur le territoire français du fait des variations du prix de l’électricité et de la création de coûts échoués qu’entraînerait la vente d’électricité à prix très bas par le négoce ;

– la directive européenne est mauvaise et FO est hostile à l’existence de la catégorie des clients éligibles. FO dénoncera toute pratique consistant à appliquer des tarifs élevés aux clients captifs afin d’utiliser les bénéfices ainsi dégagés pour mener des actions commerciales au profit des clients éligibles ;

– la gestion du transport de l’électricité doit rester en totalité un service organisé par EDF ;

– dès lors qu’un opérateur privé peut proposer certaines prestations à des clients éligibles, EDF doit pouvoir, par souci d’équité, également les proposer. Vis-à-vis des clients non éligibles, le principe de spécialité doit seulement être assoupli pour les usages domestiques de l’électricité et les économies d’énergie, tant pour le conseil que pour l’ingénierie. Cependant, FO est hostile à la suppression du principe de spécialité.

——fpfp——

Puis, la commission a entendu une délégation de représentants de la fédération des industries électriques et gazières CFE-CGC.

M. Pascal Perès, secrétaire général adjoint de la fédération des industries électriques et gazières CFE-CGC, a souligné en préambule que l’organisation syndicale à laquelle il appartient attachait une importance primordiale à l’avenir industriel du groupe EDF. Or cet avenir est menacé de trois façons :

– par les obligations d’achat arbitraires qui peuvent, à l’exemple de ce qu’a fait la loi PURPA aux Etats-Unis, conduire à la création d’investissements échoués ;

– par l’obligation de secours aux clients éligibles en cas de défaillance du producteur, auquel il est lié par contrat ;

– par les restrictions apportées aux activités d’EDF à l’étranger ; à cet égard, la CFE-CGC se demande pourquoi une loi limiterait le domaine d’action de l’entreprise alors que cette décision devrait relever de la responsabilité pleine et entière de son conseil d’administration.

Fort heureusement par contre, une formulation équilibrée a finalement été trouvée pour définir le champ d’action d’EDF dans le domaine désormais concurrentiel des clients éligibles. Celui-ci s’étend aux « prestations qui constituent un complément, technique ou commercial, à la fourniture d’électricité », sous réserve que ces prestations soient fournies par des filiales. Toutes garanties sont ainsi données que ces prestations ne bénéficient pas de subventions provenant du secteur des clients non éligibles.

En ce qui concerne l’organisation du marché concurrentiel de l’électricité, un premier pas essentiel a été fait dans la bonne direction, en donnant un rôle central aux contrats passés directement entre producteurs et consommateurs. Il reste cependant beaucoup à faire pour définir le cadre réglementaire de l’action du gestionnaire de réseaux, la forme des comptages, le contenu et la transparence des contrats, pour mettre sur pied un marché à court et moyen termes des producteurs, pour définir le statut des courtiers. Sur tous ces points, la loi devrait a minima prévoir des décrets d’application.

De plus, partant de l’idée généralement admise selon laquelle la concurrence n’est pas un phénomène naturel et qu’elle pose, dans le domaine électrique, des difficultés tout à fait particulières, il faudrait donner à la Commission de régulation de l’électricité des missions de promotion et d’observation de la concurrence. La création d’un observatoire de la concurrence et des prix, qui lui serait rattaché, est à cet égard hautement souhaitable.

Par ailleurs, la CFE-CGC approuve le maintien du statut du personnel des industries électriques et gazières, dont le principe avait été affirmé par le livre blanc intitulé « vers la future organisation électrique française ». Effectivement, le projet de loi n’abroge pas la loi du 8 avril 1946 et le statut continuera de s’appliquer à l’ensemble de la profession, y compris aux nouveaux entrants. Cependant le Gouvernement désire également faire entrer les industries électriques et gazières dans le champ de la négociation collective pour définir les mesures qui seront prises en application du statut. A cet égard, le projet de loi n’apporte pas de précisions suffisantes, se contentant de renvoyer la solution du problème à un futur arrêté, dont nul ne connaît le contenu. Pour la CFE-CGC des industries électriques et gazières, il n’y a pas de sujets tabous ; le statut, comme tout être vivant, doit s’adapter aux conditions économiques et sociales du moment.

M. Christian Bataille, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFE-CGC sur le rythme de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, après avoir fait observer que le projet de loi prévoyait une ouverture à 33 % à l’horizon 2003, mais que certains pays européens préconisaient une libéralisation totale, à un rythme accéléré. Il a également posé des questions sur :

– le degré d’indépendance du futur gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (GRT),

– les pouvoirs de la Commission de régulation de l’électricité,

– l’arrivée des activités de trading en France.

M. Jean Stengel, secrétaire fédéral, a rappelé que l’ouverture de 33 % du marché résultait d’un compromis trouvé en 1995 entre le respect d’un service public adapté à l’industrie et l’introduction de la concurrence dans un domaine qui s’y prête plutôt bien, celui de la production d’électricité. La période qui court jusqu’en 2003 permettra d’expérimenter l’ouverture partielle du marché et d’en tirer les conséquences. Du reste, les pays qui ont opté pour la libéralisation totale, comme le Royaume-Uni, n’ont pas mis en place un système véritablement concurrentiel ; celui-ci s’est traduit par une forte montée du chômage et des profits pour certains opérateurs, sans que les tarifs aient évolué de manière significative.

La qualité des organismes de régulation existants de par le monde dépend davantage de la compétence des personnes qui les composent que de la réglementation en vigueur. Selon la CFE-CGC, le problème essentiel réside dans le manque de transparence des prix et des contrats. Il lui paraît donc indispensable de l’organiser au bénéfice tant des producteurs que de leurs clients, sur le court terme mais aussi à long terme pour y intégrer les investissements nécessaires. A cet égard, il serait utile qu’un organisme puisse avoir communication de tous les contrats conclus, tout en respectant bien entendu la confidentialité des informations recueillies ; il pourrait s’agir par exemple du Conseil de la concurrence.

En outre, le développement du trading dans les pays anglo-saxons est lié à l’absence de transparence. Si les informations étaient disponibles, on n’aurait pas besoin de ce type d’activités. En tout état de cause, si les traders apparaissent en France, il faudra encadrer strictement l’exercice de leur activité.

——fpfp——

La commission a enfin entendu une délégation de représentants de la fédération de l’énergie, des mines et des activités connexes CFTC.

M. Jean-Marie Parent, président de la fédération de l’énergie, des mines et activités connexes CFTC, a présenté les observations de la CFTC sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

L’article premier, qui définit le service public de l’électricité, revêt une importance essentielle. Il lui paraît devoir appeler trois modifications principales :

– au premier alinéa, il conviendrait de rappeler que l’électricité constitue un produit de première nécessité dans la vie quotidienne des citoyens ;

– au troisième alinéa, la préservation de la santé publique devrait être inscrite au rang des objectifs poursuivis par le service public ;

– après le quatrième alinéa, il faudrait indiquer explicitement que le service public de l’électricité constitue un service d’intérêt général au sens des dispositions du Traité de Rome.

Au paragraphe II de l’article 2, il serait opportun de préciser que la mission de développement et d’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité inclut la garantie de la sûreté de fonctionnement de ces réseaux.

Au paragraphe III de l’article 4, la concertation du gestionnaire de réseau et de la Commission de régulation de l’électricité avant fixation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, serait de nature à améliorer les conditions de la prise de décision.

Au deuxième alinéa du paragraphe II de l’article 6, la CFTC estime nécessaire d’indiquer que sont considérées comme « nouvelles installations de production » au sens de cet article, non seulement les installations qui remplacent une installation existante mais aussi les installations d’un nouveau site de production. La référence à une augmentation « significative » de la puissance disponible lui semble par ailleurs entachée d’imprécision et il serait préférable de s’en remettre à un plafond défini par décret.

Au paragraphe III de ce même article, la menace pesant sur l’environnement pourrait être introduite comme facteur de déclenchement des mesures de sauvegarde temporaires prises par le ministre chargé de l’énergie.

Au deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 15, M. Jean-Marie Parent a souhaité que les programmes d’appel établis par le service gestionnaire du réseau tiennent compte de l’obligation d’achat prévue à l’article 10 du projet de loi.

Aux articles 23 (quatrième alinéa) et 24, la possibilité reconnue à un producteur d’alimenter, outre ses propres établissements et filiales, sa société mère et les filiales de celle-ci, va nettement au-delà des exigences de la directive et du droit en vigueur. L’élargissement tel qu’il est proposé aurait pour conséquence de vider de tout contenu les dispositions relatives à l’éligibilité. La CFTC estime que cette extension doit être supprimée et qu’il faut s’en tenir à la règle actuelle dite « des trois points ».

M. Jean-Marie Parent a enfin relevé que le texte du projet de loi reste silencieux sur la question du statut du personnel des industries électriques et gazières. Les nouveaux opérateurs sur le marché profiteront des exceptions déjà existantes et risquent ainsi d’exercer une concurrence déloyale vis-à-vis d’EDF, à moins qu’on n’assiste à la multiplication des externalisations d’activités au sein des entreprises appliquant le statut afin d’y échapper.

M. Christian Bataille, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFTC sur le problème de l’indépendance qui doit être reconnue au gestionnaire du réseau et sur les pouvoirs de la Commission de régulation de l’électricité.

En réponse au rapporteur, M. Jean-Marie Parent a indiqué que l’intégration du gestionnaire de réseau au sein d’EDF représente une menace indéniable pour son indépendance. L’activité de gestion du réseau, à la différence de l’activité de production, est par nature une activité monopolistique. Il est donc impératif d’obtenir une dissociation claire entre, d’une part, les activités de production, de commercialisation et de négoce au sein d’EDF, et, d’autre part, des activités de gestion du réseau (transport, maintenance des infrastructures, distribution) qui doivent relever à titre exclusif du gestionnaire de réseau. A défaut d’une telle dissociation, on peut craindre la multiplication des soupçons, éventuellement infondés, sur la réalité de cette indépendance, la progression des risques contentieux et même une discrimination préventive à l’égard d’EDF pour se garder de tout reproche de favoritisme.

S’agissant de la Commission de régulation de l’électricité, la CFTC estime que les dispositifs du projet de loi sont suffisants pour garantir un fonctionnement équilibré.

——fpfp——


© Assemblée nationale