Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la production et des échanges (1998-1999)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 41

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 mars 1999
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

pages

– Examen, en deuxième lecture, du projet de loi modifié par le Sénat, (n° 1398), relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile – (M. Jean-Pierre BLAZY, rapporteur)



2

– Examen de la proposition de résolution de MM. Christian Estrosi, Michel Bouvard et Patrick Ollier (n° 1276), tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de la présence du loup en France – (M. Daniel CHEVALLIER, rapporteur) 



2

– Information relative à la commission

6

   

La commission a examiné, en deuxième lecture, le projet de loi modifié par le Sénat, (n° 1398), relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur, a rappelé que le projet de loi visait tout d’abord à transcrire en droit interne les dispositions de la directive européenne n° 94/56/CE du Conseil, établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile.

Il a souligné que les accidents et les incidents aériens faisaient déjà en France l’objet d’enquêtes techniques ; celles-ci sont conduites par le Bureau d’enquête-accident (BEA), qui jouit d’une réputation internationale.

Le rapporteur a précisé qu’il convenait de distinguer les enquêtes techniques des enquêtes judiciaires, les premières visant exclusivement à tirer les leçons des événements intervenus afin de renforcer la sécurité de l’aviation civile.

Il a indiqué que le projet de loi, conformément à l’objectif fixé par la directive, visait à renforcer l’indépendance du BEA et à améliorer la transparence du travail d’enquête qu’il effectue.

Relevant que le Sénat, lors de sa lecture du projet de loi, y avait apporté certaines modifications précisant le texte, il a proposé que la commission adopte le texte sans modification.

· Article premier : Enquêtes techniques relatives aux accidents ou incidents aériens

La commission a adopté l’article 1er sans modification.

Elle a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi modifié par le Sénat relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile.

——fpfp——

La commission a ensuite examiné la proposition de résolution de MM. Christian Estrosi, Michel Bouvard et Patrick Ollier (n° 1276), tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de la présence du loup en France.

M. Daniel Chevallier, rapporteur, a tout d’abord indiqué que les auteurs de la proposition de résolution justifiaient son dépôt par l’importance croissante des dégâts occasionnés par le loup, espèce strictement protégée par la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979.

Si la proposition de résolution est recevable au regard des dispositions conjointes de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, l’opportunité de créer une commission d’enquête n’est pas établie.

En effet, le problème du retour du loup dans notre pays ne concerne qu’une partie du territoire national : seuls cinq départements du massif alpin sont pour le moment touchés. Les auteurs de la proposition de résolution soulignent, à juste titre, que l’origine des loups présents dans les Alpes françaises fait l’objet de vives controverses : selon le ministère de l’environnement, les loups sont arrivés naturellement d’Italie ; selon d’autres sources, proches des éleveurs, il s’agirait au contraire d’un « retour organisé », autrement dit de la réintroduction volontaire d’une espèce dangereuse. Si cette question mérite une attention particulière, il ne semble pas qu’une commission d’enquête soit l’instance la plus appropriée pour y répondre.

Quelle que soit du reste la réponse à cette question, il est vrai que la présence du loup dans le massif alpin pose le problème de la cohabitation entre ce prédateur et les troupeaux d’ovins sur les alpages. Les dégâts imputables aux loups provoquent des réactions très vives, même si des mesures ont été prises tant pour indemniser les éleveurs que pour favoriser la protection des troupeaux. Ainsi, un programme « LIFE-Loup » a été mis en place le 1er janvier 1997 pour une durée de trois ans ; d’un montant de 8 millions de francs et cofinancé pour moitié par le budget européen et pour moitié par les crédits du ministère de l’environnement, ce programme devrait être étendu à l’ensemble de l’arc alpin pour les années à venir.

Enfin, la volonté du Gouvernement de rechercher la voie de l’apaisement ne fait aucun doute. Un rapport, établi par M. Pierre Bracque, inspecteur général de l’agriculture, a été remis à M. Jean Glavany, ministre de l’agriculture et de la forêt, et à Mme Dominique Voynet, ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, au mois de février et la publication de ses conclusions est annoncée comme imminente.

En conséquence, le rapporteur s’est déclaré défavorable à la création d’une commission d’enquête. Pour autant, les problèmes posés par la présence du loup dans les Alpes françaises sont réels, comme en témoigne la sensibilité exacerbée qui se manifeste dans les régions concernées. Jusqu’à présent, seuls des techniciens et des scientifiques se sont penchés sur cette question ; il serait donc utile que des élus s’attachent à proposer des solutions permettant de prendre en compte tous les problèmes posés, en particulier ceux du pastoralisme, activité économique de première importance en termes d’aménagement du territoire et de développement durable. Aussi le rapporteur a-t-il suggéré que la commission crée en son sein une mission d’information sur ce sujet.

M. André Lajoinie, président, a indiqué que le bureau de la commission, réuni récemment, avait décidé, sur sa proposition, de mettre en place une mission d’information, instrument plus souple et plus adapté qu’une commission d’enquête pour examiner les conséquences de la présence du loup en France.

M. Patrick Ollier, cosignataire de la proposition de résolution, a exprimé son désaccord avec les conclusions du rapporteur. Soulignant qu’il ne s’agissait pas de produire un rapport supplémentaire, celui de M. Pierre Bracque ayant été établi très récemment, il a mis l’accent sur les pouvoirs d’investigation dont disposent les commissions d’enquête.

Puis, il a estimé que le loup avait été réintroduit volontairement en France. S’appuyant sur une étude menée par la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes, il a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve de présence du loup dans les provinces italiennes limitrophes, mais que l’existence d’élevages privés conduisait à soupçonner des « évasions organisées ». Il a également fait valoir que si les loups provenaient des Abruzzes ou des Appenins, il eut fallu qu’ils traversent des zones urbaines importantes, comme la ville de Turin. Il a fait observer que cette réintroduction illégale constituait un délit.

Abordant ensuite les conséquences de la présence du loup dans le massif alpin, M. Patrick Ollier a souligné qu’elles étaient catastrophiques pour le pastoralisme alors que les régions concernées étaient menacées de désertification et indiqué que la colère des éleveurs pouvait provoquer des situations dramatiques. Précisant qu’il n’était pas favorable à l’éradication de cette espèce, il a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre l’article 9 de la convention de Berne afin de pratiquer une régulation, assortie de possibilités d’abattage, à l’instar des mesures en vigueur en Suisse.

Intervenant dans la discussion générale en tant qu’auteur de la proposition de résolution, M. Christian Estrosi a souligné que la présence du loup conduisait à s’interroger sur la transparence du ministère de l’environnement et à trancher la question suivante : faut-il privilégier la présence de l’homme ou d’une espèce dangereuse dans les zones de montagne ?

Après avoir indiqué qu’il menait son combat depuis plusieurs années, quel que soit le ministre chargé de l’environnement, il a rappelé les dégâts causés par le loup dans les Alpes-Maritimes : plus de 2 000 ovins ont été tués sans qu’il soit possible de contester l’origine des dégâts, le constat établi par la direction départementale de l’agriculture et de la forêt servant de base à l’indemnisation des éleveurs ; de plus, la plupart des proies ne sont pas consommées.

M. Christian Estrosi a également mis l’accent sur les ravages causés à la faune sauvage, en particulier la destruction d’espèces réintroduites et protégées dans le Parc national du Mercantour. Il a indiqué notamment que la population des mouflons était passée de 1 200 à environ 200 individus en quelques années.

Après avoir reconnu que des mesures avaient été prises tant pour l’indemnisation des éleveurs que pour la mise en place de méthodes de dissuasion, il a jugé que ces dernières, d’un coût élevé, étaient peu efficaces. Il a plaidé à son tour en faveur de la création d’une commission d’enquête, seul moyen d’assurer la transparence sur ce sujet.

M. André Lajoinie, président, après avoir souligné l’absence de certitude sur l’origine des loups présents en France, a fait observer que la proposition de résolution n’était déposée que par trois députés et que la création d’une mission d’information devrait les satisfaire.

M. François Brottes s’est prononcé pour la création d’une mission d’information au sein de la commission, compte tenu de la gravité du problème posé par la présence du loup en zones de montagne. En effet, le pastoralisme s’y est à nouveau développé, ce qui maintient une activité économique dans des régions quelque peu délaissées. Outre son aspect positif en termes d’aménagement du territoire, le pastoralisme permet d’entretenir les alpages et contribue ainsi à réduire les risques, d’avalanches notamment ; en effet, si les bergers et leurs troupeaux abandonnaient les alpages, l’entretien de ces terrains aurait des conséquences financières très importantes pour les collectivités publiques. De plus, la mise en place de mesures de protection peut être efficace mais elle entraîne des coûts difficiles à supporter par les éleveurs. La mission d’information devrait évaluer tous les aspects de la question, y compris ses implications financières.

M. Michel Grégoire a estimé que la présence du loup sur certaines parties du territoire national posait la question plus générale de l’avenir du monde rural et conduisait à s’interroger sur l’importance qu’il faut accorder à la protection de la nature par rapport au maintien des activités économiques. A cet égard, la réapparition du loup rompt un certain équilibre, les mesures d’accompagnement n’étant pas adaptées. Il convient, par le développement de la concertation, de retrouver cet équilibre dans la gestion des espaces naturels.

M. Patrick Ollier a estimé qu’il ne s’agissait pas d’un problème politique mais de l’expression de la volonté commune des élus concernés de sauver le pastoralisme. Après avoir fait état de documents italiens attestant que la réimplantation du loup en France avait précédé son retour dans les régions italiennes avoisinantes, il a souligné que seule une commission d’enquête permettrait de disposer des moyens d’investigation nécessaires pour déterminer les responsabilités et mettre en jeu les dérogations prévues par la convention de Berne.

M. André Lajoinie, président, a déclaré ne pas partager cette analyse et estimé que les travaux de la mission d’information pourront utilement contribuer au débat.

M. Christian Estrosi a souligné que l’origine italienne des loups retrouvés morts dans le Mercantour renforçait la thèse d’une réintroduction volontaire et que des prédateurs de la même souche étaient présents en Roumanie et en Espagne. Il a également mis en garde contre les dangers d’expansion de ce prédateur, affirmant que les loups attaquaient les troupeaux en été, les mouflons et bouquetins en automne, mais risquaient de descendre en plaine, l’hiver venu.

Le rapporteur a tout d’abord tenu à rappeler qu’il était lui aussi élu d’une zone de montagne directement concernée par la présence du loup et qu’il appréhendait le sujet avec le même intérêt que les orateurs précédents. C’est pourquoi la création d’une mission d’information lui paraissait nécessaire à la fois pour rétablir quelques vérités et pour faire œuvre utile dans la sérénité.

S’agissant de l’origine des loups présents sur notre territoire, deux thèses s’affrontent. Si les documents publiés par la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes défendent celle d’une réintroduction volontaire, des analyses génétiques menées au sein de l’Université de Grenoble en 1996 prouvent que les loups trouvés morts dans le Mercantour proviennent bien de la population des prédateurs italienne.

Au demeurant, ce débat justifie à lui seul que l’on étudie la question. Savoir ensuite quel chemin les loups ont emprunté devient secondaire. Sans nier son importance, il faut par ailleurs relativiser le problème des dégâts sur les troupeaux, imputables aux loups. A titre d’exemple, le nombre d’animaux tués ou blessés a tendance à se stabiliser, voire à diminuer dans les Alpes-Maritimes, passant de 796 en 1996 à 763 en 1997 et à 691 en 1998. Il est donc inexact de prétendre que le problème ne peut que s’amplifier et que les mesures de prévention sont absolument inefficaces.

La commission étant compétente à la fois en matière d’agriculture, d’aménagement du territoire et d’environnement, il apparaît logique qu’elle crée en son sein une mission d’information pour engager une réflexion approfondie sur l’ensemble des sujets évoqués.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution et décidé de créer une mission d’information sur la présence du loup en France.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La commission a nommé Mme Marie-Line Reynaud, rapporteur pour la proposition de loi, adoptée avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, (n° 923), tendant à protéger les acquéreurs et propriétaires d’immeubles contre les termites et autres insectes xylophages.


© Assemblée nationale