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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 63

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 juin 1999
(Séance de dix-sept heures)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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– Examen du projet de loi (n° 1688) adopté par le Sénat portant approbation d’un avenant à la concession concernant la conception, le financement, la construction et l’exploitation d’une liaison fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986 - (M. Dominique Dupilet, rapporteur)

 
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La commission a examiné, sur le rapport de M. Dominique Dupilet, le projet de loi adopté par le Sénat portant approbation d’un avenant à la concession concernant la conception, le financement, la construction et l’exploitation d’une liaison fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986 (n° 1688).

M. Dominique Dupilet, rapporteur, a souligné en préambule que le débat sur le tunnel sous la Manche commencé il y a plus de deux cents ans risquait après l’adoption de ce texte de se poursuivre jusqu’à la fin du siècle prochain. En effet, le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale vise à approuver un avenant prolongeant jusqu’en 2086 la concession autorisant la construction et l’exploitation du tunnel.

Il a rappelé que le cadre juridique de la liaison transmanche était fixé par le traité de Cantorbéry signé le 12 février 1986 et ratifié le 29 juillet 1987 et par la concession quadripartite conclue le 14 mars 1986 entre la République française, le Royaume-Uni et les sociétés France-Manche et the Channel Tunnel Group.

Le traité de Cantorbéry définit les engagements réciproques de la France et du Royaume-Uni permettant la réalisation de la liaison transmanche. Conformément au principe énoncé à l’époque par Mme Margaret Thatcher – « not a public penny » – le traité indique expressément que la liaison doit être financée sans qu’il soit fait appel à des fonds gouvernementaux ou à des garanties gouvernementales financières ou commerciales. En contrepartie, il est stipulé que les concessionnaires disposent d’une entière liberté de gestion.

Dès le début des travaux il est apparu que les coûts de construction du lien transmanche avaient été très nettement sous-estimés (évalués à 28 milliards de francs en 1987, ils étaient estimés à 45 milliards de francs cinq ans plus tard puis à 105 milliards de francs en 1994). Devant cette situation, le législateur décidait par la loi n° 94-103 du 5 février 1994 d’autoriser une première prolongation de dix ans de la concession, le terme de celle-ci étant désormais fixé au 29 juillet 2052. Toutefois la situation financière d’Eurotunnel ne s’améliorant pas, la société décidait en septembre 1995 de suspendre le paiement des intérêts portant sur sa dette principale. Des discussions s’ouvrirent alors afin d’établir un plan de restructuration financière. Ce plan fut approuvé le 10 juillet 1997 par l’assemblée générale des actionnaires et le 29 janvier 1998 par le syndicat bancaire. Il comportait une diminution de 40 % des charges financières, une réduction du montant de la dette de 23 %, l’octroi d’une ligne de crédit à taux zéro pendant neuf ans afin d’éviter l’effet « boule de neige » que pourrait générer un endettement destiné à rembourser des crédits antérieurement accordés, un allongement de la durée de la dette de plus de vingt ans et la possibilité pour Eurotunnel d’accéder à des refinancements sans pénalités.

Le plan de restructuration s’efforçait également de ne pas diluer l'actionnariat afin de permettre aux actionnaires initiaux de conserver la majorité du capital d’Eurotunnel. M. Dominique Dupilet, rapporteur, a rappelé à ce stade du débat que 6,8 % des actions étaient détenus par des porteurs individuels anglais, 40,9 % par des actionnaires individuels français, 6,3 % par des investisseurs institutionnels anglais et 10 % par des investisseurs institutionnels français.

Par ailleurs, le plan de restructuration indique clairement qu’une prolongation de la durée de la concession est souhaitable. En effet, certaines immobilisations telles que le tunnel lui-même ou les infrastructures sont amorties sur la durée de la concession et de ce fait tout allongement de cette durée réduit la charge d’amortissement d’Eurotunnel et augmente les recettes fiscales en cas de profit.

Le projet de loi propose donc de prolonger de trente-quatre ans la durée de la concession et de la faire ainsi expirer le 29 juillet 2086. Cette prolongation est accordée au bénéfice exclusif des concessionnaires initiaux ce qui signifie que les créanciers ne pourront s’en prévaloir en cas de substitution.

Il est également prévu que les concédants recevront pendant les trente-quatre années supplémentaires de concession une somme annuelle égale à 59 % des bénéfices avant impôt.

En conclusion, M. Dominique Dupilet a indiqué que l’augmentation sensible du trafic de passagers et de véhicules utilisant le tunnel laissait entrevoir des perspectives encourageantes. Il a toutefois rappelé qu’Eurotunnel allait au 1er juillet prochain être confronté au problème posé par l’interdiction des ventes hors taxes, celles-ci représentant environ le tiers de son chiffre d’affaires. A plus long terme, l’obligation de construire un deuxième lien fixe avant 2020 peut également soulever des difficultés si la société Eurotunnel n’est pas parvenue à redresser sa situation. Dans ce contexte, il a estimé que la prolongation de la durée de la concession était une condition nécessaire mais non suffisante au redressement d’Eurotunnel.

M. Léonce Deprez a fait remarquer que les petits actionnaires étaient particulièrement intéressés par le texte en discussion, et qu’ils s’étaient d’ailleurs manifestés auprès de lui par des propositions ne pouvant être traduites dans des amendements au projet de loi, car elles auraient nécessité un accord préalable entre les parties.

Il a par ailleurs regretté l’image négative du tunnel transmanche qui, à défaut d’un succès financier, constitue une réelle réussite technique. Il a ensuite estimé nécessaire que soit mis en place un groupe de travail engageant une réflexion sur la situation des petits porteurs et sur la deuxième liaison transmanche. Il a déclaré, en conclusion, approuver le projet de loi sous ces conditions.

M. André Capet, s’exprimant au nom du groupe socialiste, s’est déclaré conscient des risques supportés par les petits actionnaires. Il a rejoint M. Léonce Deprez quant à la nécessité d’associer ces derniers à des propositions ultérieures au projet de loi portant approbation de l’avenant.

Puis M. Jean-Claude Bois a posé la question de l’incidence de la mise aux normes de sécurité du tunnel sur le coût de ce dernier.

En réponse aux différents intervenants, M. Dominique Dupilet, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

– l’attention du ministre de l’équipement, des transports et du logement doit être appelée en séance publique sur la situation des petits porteurs. La réponse du ministre permettra de juger de l’opportunité de créer un groupe de travail sur ce sujet. Il est certain que l’Etat en récupérant chaque année 59 % des bénéfices avant impôt intervient à un moment où la situation d’Eurotunnel tend à s’améliorer. Toutefois, la situation aurait pu être encore plus grave car au début des années 1990 le projet aurait pu échouer définitivement comme en témoigne le nombre de jours durant lesquels le chantier fut totalement arrêté ;

– la construction du second lien fixe transmanche sera l’occasion d’autres débats qui permettront d’aborder ce problème ;

– le deuxième tunnel, construit sur deux niveaux, ne sera ouvert qu’aux voitures de tourisme. Il ne sera donc pas accessible aux camions, ce qui simplifie les problèmes de sécurité ;

– la hausse des coûts liés aux travaux a plusieurs causes : le renforcement des normes de sécurité, la sous-évaluation du montant des travaux au moment de l’appel d’offres par les quatre entreprises soumissionnaires, l’incendie du tunnel et les problèmes géologiques rencontrés lors du percement avec la présence de glaise dans un sous-sol que l’on pensait principalement crayeux. L’addition de toutes ces difficultés aboutirent à un retard de l’ouverture de la liaison transmanche. La trop faible fréquentation des premières années d’ouverture au public aggrava également la situation financière d’Eurotunnel.

· Article unique : Approbation d’un avenant à la concession concernant la conception, le financement, la construction et l’exploitation d’une liaison fixe à travers la manche, signée le 14 mars 1986

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté l’article unique du projet de loi (n° 1688), adopté par le Sénat, portant approbation d’un avenant à la concession concernant la conception, le financement, la construction et l’exploitation d’une liaison fixe à travers la manche, signée le 14 mars 1986.


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