Accueil > Archives de la XIe législature > Comptes rendus de la commission de la production et des échanges (1999-2000)

ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N°6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 octobre 1999
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Claude BARTOLONE, ministre délégué à la ville sur les crédits de son département pour 2000


2

- Examen pour avis des crédits pour 1999 : Ville et intégration

11

(M. André SANTINI, rapporteur)

 

- Informations relatives à la commission

12

   

La commission a entendu M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les crédits de son département pour 2000.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a tout d'abord indiqué que le budget de son département sera de nouveau celui qui progressera le plus en 2000. Après 32 % de croissance en 1999, le projet de loi de finances pour 2000 propose une augmentation des crédits de près de 10 % à structure constante, consacrant ainsi la priorité durable de la politique de la ville dans l'action gouvernementale.

En sus de cette augmentation nette, le budget de la ville regroupera à partir de 2000 plus de 300 millions de francs de crédits auparavant dispersés, notamment au sein des budgets de l'aménagement du territoire, de la jeunesse et des sports, de la justice et de l'emploi et de la solidarité. Cette simplification, qui se retrouve au niveau local puisque 90 % des crédits sont délégués aux représentants de l'Etat dans les départements et que des procédures allégées d'instruction des dossiers seront mises en place, permettra d'atténuer les difficultés rencontrées par certains acteurs. Les petites associations ont notamment souvent déploré l'excessive complexité des procédures et les difficultés à mobiliser l'ensemble des financements, dans un système qui était auparavant parfois considéré comme une « usine à gaz ».

Le ministre a ensuite précisé qu'au total, le budget du ministère s'établira donc à plus de 1,4 milliard de francs contre 1 milliard de francs en 1999.

Abordant le détail des crédits, il a indiqué que les moyens de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville (chapitre 37-60) seront stables, que les crédits d'études (chapitre 57-71) diminueront de 10 millions de francs en raison de l'achèvement de la préparation des contrats de ville à laquelle ils étaient consacrés, alors que les crédits de communication destinés à l'animation nationale ou régionale seront identifiés et dotés de 4 millions de francs. En dehors du partenariat national et des opérations Ville-Vie-Vacances (VVV), l'essentiel des moyens du ministère et des mesures nouvelles (70 millions de francs en fonctionnement et 30 millions de francs en crédits de paiement) financeront les programmes d'action inscrits dans les contrats de ville. M. Claude Bartolone a rappelé que 8 milliards de francs de crédits ont été annoncés lors du Comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire (CIADT) d'Arles pour la première enveloppe des contrats de plan Etat-régions, le Comité interministériel des villes du 2 septembre 1999 ayant même décidé de prévoir 8,6 milliards de francs pour les seuls crédits de la politique de la ville.

Revenant sur les opérations Ville-Vie-Vacances, le ministre s'est félicité que, comme il l'avait annoncé l'année dernière, les préfets aient pu être précocement informés des crédits alloués pour ces opérations, ce qui a permis de mieux répondre aux demandes des jeunes. Il a estimé qu'il s'agissait là d'une des raisons du calme relatif de la période estivale. Il a noté que cette tranquillité avait également été favorisée par le travail réalisé en coopération avec l'Association des maires de France. Cette collaboration a permis de rapprocher les points de vue des maires des villes de résidence et ceux de leurs homologues des villes d'accueil et de garantir une meilleure coopération entre les animateurs encadrant les jeunes, les responsables des forces de sécurité et les gestionnaires d'établissements comme les campings ou les boîtes de nuit.

M. Claude Bartolone a ensuite estimé que si le rôle du ministre délégué à la ville doit être d'appuyer le discours du Premier ministre pour donner sens à la politique de la ville, cette politique était désormais la priorité du Gouvernement tout entier. Il a précisé que cette priorité du Gouvernement, qui se traduit depuis deux ans par des augmentations sans précédent du budget de son département, se retrouvait également dans les budgets des différents ministères, notamment du ministère de l'emploi et la solidarité (avec les emplois-jeunes dans les quartiers et la mise en _uvre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions), du ministère de l'intérieur (avec sa police de proximité) et du ministère de l'éducation, qui met en place des réseaux d'éducation prioritaires et avec lequel une meilleure coordination sera garantie grâce à une circulaire commune précisant les objectifs que doivent poursuivre les agents du ministère de la ville et ceux du ministère de l'éducation nationale, ainsi que du secrétariat d'Etat au logement qui mène une politique de réhabilitation des logement sociaux.

Le ministre a souligné que cette priorité se retrouvait aussi dans l'action de la Caisse des dépôts et consignations par le biais de ses prêts aux collectivités locales et aux organismes HLM pour la politique de la ville, dont les taux ont été une nouvelle fois réduits dans la foulée de la baisse de ceux du livret A. Il a indiqué que la CDC serait un acteur important de la nouvelle étape de la politique de la ville.

Le ministre a estimé que le changement d'échelle de la politique de la ville suscitera une participation financière des collectivités locales. Les régions et les départements souhaitent désormais s'investir davantage ainsi que le manifestent la convention récemment signée avec M. Jean-Pierre Raffarin, président de l'Association des présidents de conseils régionaux, les positions de nombreux intervenants dont son président M. Jean Puech lors des assises tenues à Deauville par l'Association des départements de France ainsi que les conventions récemment conclues avec plusieurs départements dont l'Essonne, les Bouches-du-Rhône et le Pas-de-Calais. De même, il a noté que les communes et notamment les plus pauvres d'entre elles, pourront désormais intervenir davantage grâce à l'abondement supplémentaire de 700 millions de francs de la Dotation de solidarité urbaine (DSU) annoncé par le Premier ministre à Strasbourg.

M. Claude Bartolone a ensuite rappelé que, compte tenu des nouveaux critères, les fonds structurels européens, malgré leur diminution globale annoncée, contribueront davantage à la politique de la ville notamment en Ile-de-France. Il a d'ailleurs estimé que les préoccupations urbaines étaient désormais mieux prises en compte au niveau européen, rompant ainsi avec une action jusque là essentiellement consacrée à la politique agricole commune, ainsi que le manifestait la récente rencontre à Tampere entre le nouveau commissaire européen M. Michel Barnier et les ministres européens responsables de la politique de la ville.

Le ministre a ensuite déclaré qu'il aurait confirmation dans les jours qui viennent que l'effort global en faveur de la politique de la ville pourrait dépasser dès 2000 les 35 milliards de francs auxquels faisait référence le rapport Sueur, contre 31 milliards de francs en 1999 et 22 milliards de francs en 1998.

Estimant que la politique de la ville devait être inscrite dans la durée, le ministre a indiqué que ses principaux instruments, les contrats de ville, bénéficieraient pour les sept prochaines années de moyens doublés avec plus de 8 milliards de crédits spécifiques du ministère de la ville au sein de la première enveloppe de 95 milliards de francs que l'Etat consacrera aux contrats de plan Etat-régions 2000-2006. Il a estimé que les moyens nouveaux accordés à la politique de la ville en changeaient profondément le sens en s'efforçant de la faire passer d'une politique d'amortisseur social, certes nécessaire en temps de crise, à un outil de développement et d'intégration des quartiers à la ville.

Il a ensuite déclaré que pour l'avenir, le Premier ministre avait tracé une voie plus ambitieuse encore en décidant, dans la perspective d'une nouvelle étape de l'action gouvernementale, qu'un ambitieux programme de rénovation urbaine et de solidarité serait engagé pour les dix prochaines années. Celui-ci se traduira en particulier par le lancement d'un grand programme de renouvellement urbain qui touchera la majorité des sites en contrats de ville, la restructuration urbaine et la revitalisation économique de nos quartiers les plus en difficulté étant devenues une nécessité. Le ministre a en effet rappelé que de nombreux ensembles de logements étaient devenus largement obsolètes puisqu'alors que durant les quarante dernières années, vingt millions de logements avaient été construits, seuls 2 millions ont été réhabilités ces vingt dernières années. Il a estimé que ces ensembles ne correspondaient plus, ainsi que le prouvait le taux de vacance, aux attentes de la population et, qu'en conséquence, les maintenir conduirait à créer des ghettos concentrant ceux qui n'ont pas le choix de leur lieu d'habitation devenus de fait "assignés à résidence".

Considérant donc que le temps des réparations était terminé, le ministre a indiqué qu'il entendait multiplier les opérations de renouvellement urbain. Celles-ci seront d'importance variable suivant les sites, une cinquantaine d'entre elles, de très grande ampleur pouvant être qualifiées de "grands projets de ville", en référence aux grands projets urbains lancés en 1993 dont il a estimé que l'expérience enseignait la nécessité de ne pas se borner à investir mais qu'il fallait également impliquer les citoyens dans leur réussite. Il a précisé qu'il organiserait les 9 et 10 décembre à Vaulx-en-Velin, l'un des grands projets de ville fonctionnant le mieux, deux journées de travail sur ces questions.

Le ministre a ensuite rappelé que la présence et l'efficacité des services publics conditionnaient la qualité de vie dans les quartiers et que le Premier ministre avait demandé au ministre chargé de la fonction publique de préparer des mesures pour les renforcer. Le ministre a indiqué qu'il avait dans cette perspective proposé de :

- relancer une politique nationale et locale d'amélioration de la présence et du service rendu au bénéfice de la population des quartiers ;

- motiver les agents publics dans le cadre d'une véritable gestion des ressources humaines, avec un train de mesures de motivation des agents ;

- ouvrir le recrutement des services publics aux habitants des quartiers, à l'exemple de ce qui se prépare au ministère de l'intérieur.

Enfin, M. Claude Bartolone a évoqué les propositions du rapport Bourguignon-Rodrigo sur le volet emploi de la politique de la ville qui constitue la priorité des priorités et la première question posée sur le terrain. Il a noté que le retour de la croissance profitait d'abord à ceux qui étaient les plus proches de l'emploi créant donc un risque important que les habitants des quartiers en difficulté, moins qualifiés et écartés depuis longtemps du marché du travail, soient les derniers à bénéficier de l'embellie économique. Il a, à cet égard, cité l'exemple des Yvelines où le taux de chômage est passé de 9 % à 7 % mais où ce taux reste supérieur à 30 % dans les quartiers les plus difficiles tels que Trappes. Il a estimé que le sentiment d'injustice que pourraient éprouver les habitants en voyant repartir le train de croissance sans eux serait la pire des choses.

Aussi, le ministre a-t-il indiqué qu'un programme de lutte contre les discriminations à l'embauche dont ils sont victimes, en raison de la couleur de leur peau, de la consonance de leur nom ou de leur adresse, serait mis en _uvre à tous les niveaux et qu'en outre, à la lumière de la réussite des emplois-jeunes, qui ont profité à plus de 20.000 jeunes des quartiers, rendant l'espoir à autant de familles, le Gouvernement proposera enfin dans les mois qui viennent des mesures spécifiques aux quartiers pour y développer l'activité.

M. Claude Bartolone a ensuite conclu en indiquant que malgré l'important effort budgétaire beaucoup restait à faire, notamment pour multiplier les outils disponibles et pour améliorer la coordination entre les différents acteurs de la politique de la ville. Il a, à cet égard, estimé que les progrès étaient réels et indiqué qu'un Comité interministériel des villes devrait permettre en fin d'année de donner une impulsion nouvelle à la prochaine génération de contrats de ville.

M. André Santini, rapporteur pour avis des crédits de la ville, a indiqué que le caractère prioritaire reconnu par le Gouvernement aux problèmes de la ville, est doublement attesté par la nomination d'un ministre délégué à la Ville placé auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité (en avril 1998) et par la croissance continue des crédits budgétaires en 1999 et 2000.

Si l'on s'en tient aux crédits inscrits dans le « bleu » - budget général hors efforts consentis par d'autres ministères -, le budget pour 2000 de la Ville se situe désormais sensiblement au-dessus du seuil symbolique du milliard de francs, franchi par la loi de finances initiale pour 1999 : 1,6 milliard de francs en moyens d'engagement (dépenses ordinaires + autorisations de programme) - soit une progression de + 38,5 % par rapport à 1999 - et 1,4 milliard de francs en moyens de paiement (dépenses ordinaires + crédits de paiement) - soit 39,9 % par rapport à 1999.

Une lecture plus fine permet d'analyser la contribution des différents postes à la croissance : les dépenses ordinaires (titres III et IV) augmentent de 43,2 % alors que les dépenses en capital progressent plus faiblement, mais dans la même proportion en autorisations de programme et crédits de paiement (+ 29,6 % et + 29,4 %, respectivement).

L'effort budgétaire, qui s'inscrit dans la perspective de la nouvelle génération des contrats de ville (2000-2006), s'articule en pratique autour de deux pôles principaux.

S'agissant, en premier lieu de la conception et l'animation de la politique de la ville, les crédits des structures administratives en charge de cette politique sont renforcés. Les moyens de la Délégation interministérielle à la ville (DIV) et du Conseil national des villes (CNV) passent de 19,9 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 1999 à 19,7 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2000 (- 0,9 %). Compte tenu d'une ouverture de crédits au titre du financement d'actions d'expertise et de colloques de 4 millions de francs, le chapitre 37-60 (moyens de fonctionnement des services en charge de la politique de la ville) hors remboursement des frais de soins des appelés « ville » progresse donc de 15,4 % par rapport à 1999.

En revanche, les crédits de l'article 57-71/10 consacrés au financement des diagnostics de préparation des contrats de ville 2000-2006, sont naturellement en régression : les autorisations de programme passent de 18 millions de francs (1999) à 6 millions de francs et les crédits de paiement de 16 millions de francs à 6 millions de francs.

Le programme interministériel de formation des acteurs de la politique de la ville (dépenses d'animation déconcentrées) figurant à la ligne 37-82/20, est désormais rattaché à la ligne 37-82/10 « Projets de service public de quartier et dépenses déconcentrées d'animation ». La ligne 37-82/20, dotée de 14,1 millions de francs en 1999, est ainsi close, alors que la ligne 37-82/10 progresse de 15,1 millions de francs, passant de 73,5 millions de francs en 1999 à 88,6 millions de francs en 2000.

S'agissant, en second lieu, des actions de la politique de la ville, le rapporteur pour avis a observé que le budget du ministère de la ville, et notamment son titre IV, progresse mécaniquement par le rattachement de lignes autrefois gérées par d'autres ministères. Il en va ainsi de la réintégration des crédits du Fonds pour l'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) : les 95 millions de francs inscrits en 1999 en fonctionnement (chapitre X du compte d'affectation spéciale 902-22 : « dépenses en faveur du développement social urbain »)  deviennent 100 millions de francs supplémentaires au chapitre 46-60 ; en investissement (chapitre IX), les 120 millions de francs en autorisations de programme et crédits de paiement (LFI 1999) deviennent 125 millions de francs en autorisations de programme et 37,5 millions de francs en crédits de paiement (chap. 67-10, art. 50).

De même, le budget de la ville reçoit des crédits du Fonds d'intervention pour la ville transférés en gestion à d'autres ministères jusqu'en 1999 (+ 160 millions de francs en fonctionnement : 46-60).

Ces seuls transferts internes expliquent 51,8 % des 328,7 millions de francs de croissance des dépenses ordinaires au titre IV.

M. André Santini a conclu son intervention en observant que les évolutions budgétaires stricto sensu apparaissent globalement favorables. Il reste naturellement à apprécier, dans un cadre plus global, si le volume et la structure de l'effort consenti répondent aux problèmes spécifiques du développement urbain. Il a estimé devoir laisser la commission de la production et des échanges libre de son jugement sur les crédits soumis à son appréciation.

M. Christian Jacob a dénoncé l'incohérence qu'il y aurait à voter les crédits de la ville proposés pour l'année 2000, si l'on souhaite réellement engager la profonde réforme de la politique de la ville annoncée par M. Lionel Jospin lors des journées parlementaires socialistes à Strasbourg. Il a fait remarquer que M. Jean-Pierre Sueur, président de l'Association des maires de grandes villes, avait publiquement défendu une appréciation comparable.

Il a ensuite fait remarquer que les contrats locaux de sécurité lancés par M. Jean-Pierre Chevènement n'étaient toujours pas mis en _uvre sur le terrain à ce jour : ainsi, celui de l'Essonne signé en juin 1998. Enfin, rappelant que la politique de la ville regroupe les actions de multiples ministères, il s'est interrogé sur la cohérence des actions menées et des différentes lois votées ou en préparation, ainsi que sur l'autorité réelle du ministre délégué sur le volume global de 35 milliards de francs correspondant à l'engagement financier de l'Etat en faveur de la ville, ses crédits propres n'atteignant qu'une part extrêmement faible de ce total.

M. Patrick Rimbert a fait observer que le budget alloué au ministère de la ville était en nette augmentation, dans le cadre d'un effort public global lui-même en progression. Il a ensuite évoqué le devenir des contrats de ville. Rappelant l'idée de M. Claude Bartolone de définir une « ville renouvelée » à partir de l'analyse de cinquante projets de ville, il a souhaité savoir si le contrat de ville, dans sa forme actuelle, serait un outil d'intervention approprié pour répondre à une telle ambition et quels seraient, dans ce contexte, son devenir et l'implication des collectivités locales.

Insistant sur la nécessaire solidarité entre les territoires, il s'est interrogé sur la capacité de certains d'entre eux à supporter les charges financières liées à leur développement. Il a jugé que la solidarité, qui s'exerce également à travers les subventions accordées par l'Etat, devrait se traduire par une redistribution de ressources plus significative.

M. Michel Vaxès s'est réjoui de l'évolution des crédits de ce département et de l'effort financier global de l'Etat en faveur de la ville. Il a cependant souhaité que la lisibilité du contenu de l'enveloppe globale de 35 milliards de francs et de l'affectation des crédits soit améliorée.

Il a déclaré apprécier les efforts des pouvoirs publics afin de soutenir la participation des habitants aux différents projets de ville. Il a cependant estimé que cette participation devrait être accompagnée d'une garantie de versement des financements contractualisés négociés à la signature des contrats de ville, sauf à provoquer la déception des acteurs locaux. Il a ainsi évoqué le cas de contrats éducatifs locaux dont les engagements financiers n'avaient pas tous été honorés. Ces contrats ont été portés par les acteurs compétents, les bénéficiaires et le ministère de la jeunesse et des sports qui a versé des fonds, mais aucun financement n'est venu des ministères chargés de la culture et de la ville. De même, les déclarations d'intention du conseil général et du conseil régional n'ont pas été suivies d'effets. Une démobilisation des jeunes et une décrédibilisation des politiques et des structures d'intervention sont, dans ces conditions, inévitables. Il a souhaité que de tels errements ne se reproduisent pas avec les contrats de ville.

Il a ensuite approuvé l'orientation consistant à mobiliser les crédits ordinaires en direction de la ville. Si une contractualisation de leur utilisation est difficile à mettre en place, il faudrait néanmoins un contrôle du suivi de cette volonté politique.

En dernier lieu, il a souhaité que les résultats du dernier recensement ne pénalisent pas encore plus les communes en crise, qui rencontrent déjà de grandes difficultés à suivre l'effort financier consenti par l'Etat. En la matière, une perspective de reconstruction doit se substituer au simple objectif de réparation.

Mme Annette Peulvast-Bergeal s'est félicitée de la nouvelle logique présidant au projet de budget pour 2000. Elle a souhaité qu'une véritable politique de développement économique des quartiers en difficulté soit mise en _uvre. En effet, certains quartiers ne sont pas touchés par la reprise de l'emploi et leur taux de chômage demeure à un niveau situé entre 20 et 30 %. L'impact des mesures actuelles de soutien apparaît malheureusement limité et il convient de s'interroger sur les conditions de sortie des zones franches, en dépit de l'utilité certaine de ce dispositif. Par ailleurs, les collectivités locales qui participent au financement d'investissements urbains se trouvent souvent confrontées à une insuffisance de moyens pour faire fonctionner ces équipements.

Enfin, elle a demandé quels outils financièrement incitatifs, faisant appel à la solidarité territoriale, pouvaient accompagner les programmes de renouvellement urbain.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- le rôle du ministère de la ville est, depuis sa création, d'aider les collectivités locales en difficulté et de mettre en place, pour certains quartiers, des outils tels que ceux permettant l'instauration et le financement de régies de quartiers, de plates-formes de services publics et de réseaux de santé de proximité. Il a également permis l'amélioration du cadre de vie et la création de nombreux équipements. Parmi d'autres, la mise en place des maisons de la justice et du droit, réalisées conjointement avec le ministère de la justice, constitue un exemple significatif de l'action du ministère de la ville ;

- entre 1998 et 2000, l'effort public en faveur de la politique de la ville est passé de 21 à 35 milliards de francs, soit une augmentation de 70 %. Le "jaune" budgétaire détaille les différentes composantes financières de cet effort (ministère de la ville, autres ministères, dotations de solidarité urbaine et Fonds de solidarité pour la région Ile-de-France, dépenses fiscales et sociales, fonds européens, Caisse des dépôts et consignations, collectivités territoriales). Ces divers éléments permettent de mesurer précisément l'effort global du Gouvernement en faveur de la ville ;

- ces crédits n'ont pas vocation à se substituer aux crédits de droit commun : ils doivent aider à combler les inégalités et accompagner les actions les plus innovantes ;

- le dernier recensement a souligné que l'opposition entre France urbaine et France rurale est devenue obsolète. Aujourd'hui, huit français sur dix vivent en zones urbaines, parmi lesquels un sur six habite dans des zones rurales proches des agglomérations constituant cette catégorie nouvelle qu'on appelle les « rurbains » ;

- les contrats de ville doivent constituer un moteur de la lutte contre la fracture sociale. Leur signature permettra de mesurer le niveau d'engagement des régions et des départements en faveur des zones urbaines en difficulté. A ce titre, le Gouvernement souhaite que ces contrats constituent, pour ces collectivités, l'occasion de mobiliser leurs crédits de droit commun au profit de l'amélioration de la qualité de vie dans les zones urbaines moins favorisées ;

- la réussite de la politique en faveur du renouvellement de la ville se fondera sur l'ampleur des moyens financiers mobilisés, mais également sur les nouveaux outils législatifs qui devraient être inclus dans le futur projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements. Il devrait s'agir d'une réforme juridique majeure en faveur de la politique de la ville, qui permettra de dynamiser certaines dispositions de la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville (LOV), malheureusement tombées en désuétude après l'alternance politique de 1993. Il s'agira également de disposer d'outils pour améliorer la situation des parcs de logements dégradés, administrés par des copropriétés en difficulté.

Il conviendrait également de s'appuyer sur les modifications des bases territoriales de l'intervention publique, les structures d'agglomération ou d'intercommunalité étant les plus aptes à mettre en _uvre la politique de la ville. Le ministre a également précisé qu'il n'était pas envisagé de définir un taux national de logements sociaux, mais de s'adapter à la situation de chaque agglomération pour aboutir à une véritable mixité urbaine et sociale.

Les dispositions du projet de loi devraient également accroître la portée des opérations de démolition/reconstruction, en permettant à cette occasion de modifier en profondeur l'urbanisation des zones en difficulté.

Il s'agit en outre de prévoir la création d'un instrument favorisant l'intervention économique dans les quartiers. Ainsi, à l'exemple de Nantes qui envisage ce type d'expérience à l'occasion d'une opération de démolition/reconstruction, serait favorisée l'insertion d'activités économiques au sein des nouveaux immeubles construits. En liaison avec une politique adaptée de formation, une telle action pourrait favoriser l'offre d'emplois en faveur des populations de ces quartiers. Ainsi, au lieu de disposer, comme c'est aujourd'hui le cas avec les zones franches urbaines (ZFU), d'un outil exclusivement économique, la politique de la ville pourrait associer en un même projet des aspects économiques et sociaux ;

- il est indispensable que la politique de décentralisation s'accompagne d'une plus grande péréquation des recettes fiscales des collectivités locales. Il est en effet inadmissible qu'une commune riche dispose de ressources pour construire des squares ou des jardins publics luxueux, et qu'une commune limitrophe moins bien dotée ne puisse mobiliser les moyens nécessaires au simple entretien de ses écoles, dont la mauvaise qualité constitue le premier motif de délocalisation des habitants ;

- il est erroné de considérer qu'il existe un lien mécanique entre croissance de l'emploi et redynamisation de la ville : bien au contraire, on constate qu'avec la reprise économique, ce sont ceux qui retrouvent un emploi qui quittent les quartiers en difficulté. Ces personnes étant souvent parmi les plus actives au sein de la société, leur départ aggrave encore les difficultés des quartiers qu'elles délaissent ;

- l'annexe récapitulative de l'effort de l'Etat en faveur de la ville (« jaune ») pour 2000 sera disponible en fin de semaine prochaine ;

- tous les contrats de ville qui seront prochainement signés devront comporter un volet définissant de manière précise et circonstanciée les modalités de la participation des habitants au projet. Une part croissante des crédits ouverts au titre de ces contrats sera consacrée à cette initiative ;

- c'est à l'occasion de la signature du premier contrat de ville, lundi prochain à Poitiers, que le Gouvernement annoncera le montant total que l'Etat mobilisera au titre des contrats de ville au sein des contrats de plan ;

- il importe que l'accroissement du montant des crédits de droit commun permette de renforcer le contenu des contrats de ville. A l'inverse, une extension des zones géographiques bénéficiant de ces crédits aboutirait à ramener la politique de la ville à une simple action de saupoudrage ;

- en 1999, au titre de la solidarité entre communes riches et pauvres, 45 millions de francs ont été mobilisés pour abonder les crédits de fonctionnement des communes les plus pauvres relevant d'un grand projet urbain. Dans le cadre des cinquante grands projets de ville, ce sont 57 millions de francs qui seront employés en 2000 en faveur de cet objectif. Sans cette disposition, l'utilisation des crédits d'investissement en grand projet urbain serait en fait impossible pour nombre de communes parmi les plus pauvres, qui ne pourraient faire face, par leurs propres ressources, aux dépenses de fonctionnement ainsi générées ;

- il convient de mieux associer dans la politique en faveur de la ville les objectifs de développement économique et de développement de l'emploi. L'exemple des zones franches urbaines (ZFU) démontre en effet que les mesures incitatives en faveur de la création d'entreprises dans les zones en difficulté aboutissent trop souvent à des relocalisations, avec les mêmes salariés, plutôt qu'à l'installation de véritables nouveaux établissements. C'est pourquoi, à l'occasion du projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements, des mesures en faveur d'une moralisation du fonctionnement de ces zones devraient être proposées. Il pourrait notamment s'agir de :

· l'exclusion du bénéfice des aides des entreprises transférant leurs activités d'une ZFU dans une autre ;

· l'obligation d'une déclaration préalable à l'installation du nombre d'emplois créés. Une telle mesure aurait également pour effet de clarifier la situation de l'entreprise vis-à-vis des organismes tels que l'URSSAF et des administrations ;

· la fixation d'une durée minimale de travail pour les emplois créés, afin d'éviter que des emplois à temps très partiel soient comptabilisés dans les emplois nouveaux ;

· la modulation des taux d'exonération des charges sociales en fonction de la nature des emplois. Ainsi, il pourrait être proposé de réserver l'exonération totale aux seules créations d'emplois, les simples transferts ne bénéficiant que d'une réduction de 50 %.

Le ministre a ajouté qu'il partage le point de vue, exprimé par la « Fondation abbé Pierre » qui souhaite, en matière d'adaptation de la loi d'orientation pour la ville, passer d'une politique de dissuasion financière à une stratégie d'incitation.

M. Alain Cacheux a rapproché l'engagement de crédits supplémentaires présenté à l'occasion du CIADT d'Arles et l'annonce faite par le Premier ministre à Strasbourg du lancement de cinquante grands projets de ville (GPV). Il a souhaité savoir si le financement de ces grands projets se trouve inclus dans la première enveloppe budgétaire prévue par le CIADT ou si des moyens supplémentaires leur seront affectés.

Il a également souhaité savoir si des crédits spécifiquement affectés à la politique de la ville seront inclus dans la seconde enveloppe présentée lors de ce même CIADT.

En réponse, le ministre a indiqué que les moyens affectés au financement des cinquante grands projets de ville ne sont pas inclus dans la première enveloppe et que la seconde enveloppe inclura des crédits en faveur de la politique de la ville, pour autant que des propositions innovantes puissent être formulées par les régions.

M. Patrick Rimbert a souligné que les grands projets de ville imposent des délais de mise en place significatifs et a donc souhaité savoir si des moyens budgétaires supplémentaires seront disponibles une fois les deux premières enveloppes épuisées.

En réponse, M. Claude Bartolone a rappelé que les trois premières années d'existence des grands projets de ville seront nécessairement consacrées à leur montée en charge. Ce délai apparaît nécessaire pour éviter d'élaborer une réponse urbaine bâclée : cette période sera consacrée à l'élaboration d'un diagnostic, notamment technique, qui ne peut que s'inscrire dans une échéance de moyen terme.

Il a par ailleurs souligné la nécessité de faire évoluer des modes d'intervention de la Caisse des dépôts et consignations, qui a su prouver par le passé son efficacité à soutenir la construction d'un logement social de masse mais doit désormais apprendre de nouvelles approches, fondées sur le renouvellement de la ville et sa reconstruction sur elle-même.

Le ministre, en réponse à une question de M. Jean-Marc Nudant, a enfin précisé que les crédits européens disponibles seront répartis sur les zones prioritaires, incluant éventuellement les grands projets de ville, mais que leur ventilation territoriale n'est pas encore arrêtée.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2000.

.../

Informations relatives à la Commission

- La commission a désigné M. Yves Coussain, comme candidat au comité de gestion du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.

- La commission a ensuite décidé, sur proposition de son bureau, de créer une mission d'information de douze membres sur l'évolution de la distribution, ainsi composée :

MM.  Jean-Paul Charié, président

Jean-Yves Le Déaut, rapporteur

Claude Billard

Alain Cousin

Jean-Claude Daniel

Léonce Deprez

Eric Doligé

Pierre Ducout

Philippe Duron

Jean Proriol

Jacques Rebillard

Patrick Rimbert

M. Gérard Voisin a regretté que la mission ne comporte pas dix-huit membres.


© Assemblée nationale