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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 25 janvier 2000
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'information de M. Daniel Marcovitch sur l'application des dispositions relatives au logement de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions .



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La commission a examiné le rapport présenté par M. Daniel Marcovitch en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'application des dispositions relatives au logement de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

M. Daniel Marcovitch, rapporteur, a indiqué que, dix-huit mois après la publication de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, un premier bilan de ses dispositions relatives au logement est devenu nécessaire. Ce rapport d'étape s'est immédiatement heurté à l'absence de publication de certains décrets, relatifs notamment aux fonds de solidarité pour le logement (FSL), quoique la majorité de ces décrets ait été publiée entre la fin de 1998 et le printemps de 1999. Se penchant sur les conditions d'application de la loi sur le terrain, il se concentre autour de quatre thèmes principaux : l'accroissement de l'offre de logements adaptés aux personnes défavorisées, la conciliation de l'accueil des plus démunis et d'une véritable mixité au sein du parc locatif social, la lutte contre les expulsions et l'éradication de la précarité et, enfin, l'octroi de nouveaux moyens aux acteurs du logement social.

S'agissant de l'offre de logements adaptés, les dispositions de la loi d'orientation relatives à la réquisition n'ont trouvé aucune application. Par ailleurs, la pénalisation fiscale de la vacance volontaire n'est entrée en vigueur qu'à la fin de l'année 1999 et les recettes qu'elle est susceptible d'induire seront, en toute hypothèse, modestes - puisque simplement représentatives de la volonté des pouvoirs publics d'inciter les propriétaires à remettre sur le marché des logements vacants.

Le problème majeur demeure celui de l'insuffisance de la construction locative sociale et de la sous-utilisation des crédits qui lui sont affectés. Il lui semble donc nécessaire que le législateur se fasse plus contraignant vis-à-vis des collectivités territoriales et sache, par exemple dans le cadre de la future loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, leur imposer un effort plus substantiel.

M. Daniel Marcovitch a donc estimé qu'une certaine déception se manifeste quant aux moyens engagés en faveur des plus démunis.

S'agissant, en second lieu, de la mixité sociale et de la réforme des conditions d'attribution des logements HLM, la mise en place d'un numéro unique avait représenté une avancée majeure. Dès lors, la déception devant les retards occasionnés par les choix technologiques effectués est à la mesure de l'espoir que cette disposition avait suscité.

Le phénomène de paupérisation au sein du secteur locatif social progresse de façon préoccupante, au détriment de la mixité que le législateur avait souhaitée. Dès lors, des mesures plus volontaristes apparaissent souhaitables vis-à-vis des collectivités territoriales les plus réticentes à se doter d'un programme de construction sociale significatif.

Les accords départementaux mentionnés à l'article 56 de la loi se mettent en place progressivement et sont au nombre d'une soixantaine aujourd'hui. Quant à la possibilité donnée aux locataires de renoncer au bénéfice d'une aire de stationnement, elle a été utilisée par environ dix mille personnes. Elle pose néanmoins aux organismes bailleurs des difficultés de relocation de ces parkings, souvent liées à un environnement social et humain peu favorable.

M. Daniel Marcovitch a ensuite rappelé que la lutte contre les expulsions et l'éradication de la précarité constituent le troisième pilier du volet « Logement » de la loi d'orientation.

En matière d'expulsions, la loi renforçait les pouvoirs reconnus au juge. En pratique, ses dispositions se trouvent souvent détournées par les propriétaires bailleurs qui demandent, à l'encontre du locataire défaillant, non un jugement au fond mais un constat d'application de la clause résolutoire. Par ailleurs, les mécanismes de prévention en amont se trouvent handicapés par la difficulté des services de l'Etat à utiliser le délai dont ils disposent, pour fournir au juge des éléments d'information avant l'audience judiciaire. Enfin, l'insuffisance de l'offre immobilière crée un goulot d'étranglement pour le relogement des personnes expulsées.

Le bilan des chartes de prévention des expulsions apparaît également contrasté.

L'Etat a consenti un effort important afin de lutter contre le saturnisme, que M. Daniel Marcovitch a salué : 75 millions de francs ont été inscrits à ce titre dans le budget pour 2000, permettant la réalisation d'environ treize mille diagnostics. Il reste que les dispositions de la loi ne permettent pas de répondre au problème posé par la dégradation de l'habitat haussmannien, ce qui suppose que des mesures nouvelles relatives aux copropriétés dégradées soient introduites dans la future loi sur le renouvellement urbain.

S'agissant de l'accès à l'eau, à l'énergie et au téléphone, seules les chartes « Solidarité-énergie » semblent fonctionner. Le mécanisme mis en place pour l'eau se révèle totalement défaillant. La question se trouve donc posée de la mise en place d'un mécanisme de tiers-payant, fonctionnant sur le modèle de l'aide personnalisée au logement et ayant vocation à couvrir l'ensemble des besoins de cette nature.

Les dispositions relatives aux « marchands de sommeil » et aux hôtels meublés portent leurs premiers fruits, et plusieurs actions de relogement ont pu avoir lieu dans l'est parisien.

Le quatrième volet de la loi d'orientation visait à donner des moyens supplémentaires aux acteurs du logement social.

M. Daniel Marcovitch s'est félicité de l'effort budgétaire important consenti en faveur des fonds de solidarité pour le logement (FSL). La nécessité de maintenir le paiement de l'aide personnalisée au logement (APL), y compris lorsque le locataire est en situation d'impayé de loyer, doit être réaffirmée. De même la coordination entre les FSL, les organismes payeurs de l'APL et les commissions de surendettement, doit être améliorée. La suggestion de mettre en place un « médiateur logement » au sein des commissions départementales d'accès au droit, mériterait également d'être explorée.

En définitive, la loi d'orientation a permis des avancées incontestables. Quelques points demeurent encore perfectibles : l'accès au logement des plus démunis, le financement de la construction locative sociale, l'application de la clause résolutoire dans l'hypothèse où existe un mécanisme de tiers-payant, la prise en charge de certains frais d'améliorations des installations sanitaires par le Fonds de solidarité-eau créé par la loi de finances pour 2000.

M. Alain Cacheux s'est tout d'abord félicité qu'un bilan soit dressé par la commission de la production et des échanges, de la mise en _uvre du volet « Logement » de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Il a ensuite déploré le caractère très progressif de son application, au regard de l'ampleur des problèmes à résoudre. Il a rappelé, à titre d'exemple, que le décret harmonisant les conditions de fonctionnement des fonds de solidarité pour le logement n'avait toujours pas été publié alors que l'équité imposait en la matière l'adoption de règles communes.

Après avoir constaté que la mobilisation de l'opinion sur ces sujets avait tendance à s'éroder, M. Alain Cacheux a estimé que le rapport présenté par M. Daniel Marcovitch constituait un signal adressé aux pouvoirs publics.

Il a ensuite rappelé qu'un certain nombre de problèmes demeurent en suspens.

S'agissant de l'offre de logements sociaux, il a estimé que la mise en place du prêt locatif à usage social (PLUS) au cours de l'été représentait une mesure positive, quoiqu'encore insuffisante pour équilibrer financièrement les opérations de construction locative sociale. Il a également plaidé pour un renforcement des aides à la pierre et pour une meilleure répartition des logements sociaux entre les communes.

Concernant l'accès au logement social, il a estimé que les organismes HLM logent, d'ores et déjà, beaucoup de personnes en difficulté. Ils doivent être mieux soutenus dans la dimension sociale de leur travail, en particulier dans leurs actions en direction des familles en situation difficile, cumulant handicaps financiers et sociaux : il faut éviter que ce soient les foyers modestes qui, en fin de compte, payent pour ceux qui sont démunis. La loi autorisant les organismes HLM à soumettre certains dossiers aux FSL, il s'est demandé si ceux-ci usaient, dans les faits, de cette faculté nouvelle.

Quant au problème du maintien dans les lieux, il a estimé qu'il était encore trop tôt pour dresser le bilan de la réforme du droit de l'expulsion. Il semble toutefois, en première analyse, que le nombre d'expulsions ait régressé. Après avoir fait remarquer que de nombreux organismes HLM avaient fait prévaloir une logique sociale sur une logique de sécurité, il a indiqué que de nombreux problèmes étaient nés dans le parc privé, par le fait de propriétaires ne respectant pas la loi. Il a enfin déploré que les mesures très positives prises depuis deux ans et demi n'aient pas freiné le processus de paupérisation des occupants du parc HLM, malgré la revalorisation régulière des aides au logement.

M. Jean-Marie Morisset a en revanche souligné le décalage existant entre les intentions exprimées par la loi d'orientation et les actions mises en _uvre sur le terrain.

Ainsi, il a observé que les crédits de paiement alloués au financement des PLA n'avaient été débloqués, pour l'année 1999, qu'au mois d'avril, alors que la mise en _uvre de la déconcentration aurait dû permettre d'accroître les pouvoirs dévolus aux préfets de région dans ce domaine.

Il a également déploré que, du fait de l'apparition du PLUS, les procédures ont d'abord été modifiées au mois de juillet, avant qu'on constate au mois de novembre la non fongibilité de cette ligne budgétaire avec celle du PLA. De ce fait, les crédits destinés au PLUS n'ont pu être débloqués, de nombreuses opérations ont été retardées et donc reportées à l'année 2000. Il a en outre estimé, à l'instar de M. Alain Cacheux, qu'une adaptation du PLUS était nécessaire, du fait notamment des difficultés rencontrées pour finaliser les plans de financement.

Par ailleurs, il a évoqué le rôle des collectivités territoriales en matière de mixité sociale et a jugé, pour l'instant, inadaptés les moyens dont elles bénéficient en la matière.

De même, il a constaté le manque de partenaires et de personnel pour mettre en place le numéro unique d'enregistrement et déploré qu'un an et demi après la promulgation de la loi d'orientation, les résultats soient aussi décevants.

Il a donc estimé nécessaire de concrétiser les dispositions relatives au PLUS et au numéro unique et d'en dresser le bilan lors d'un prochain rapport d'étape de la commission de la production et des échanges.

M. Jean-Michel Marchand a déploré que la mise en _uvre de la loi soit si lente et a constaté que, malgré le délai écoulé depuis sa promulgation, il n'était pas possible d'en dresser un bilan complet. Il a regretté que cette situation ne permette pas de disposer de données objectives lors de l'examen du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, qui doit être prochainement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Puis il s'est félicité de l'abondement des crédits destinés à l'élimination de l'insalubrité. Pour autant, il a souligné que celle-ci n'était pas uniquement liée au saturnisme, mais aussi à d'autres facteurs - notamment, la défaillance des systèmes électriques.

Il a déclaré avoir beaucoup attendu de la mise en _uvre d'un numéro unique d'enregistrement et a demandé des explications quant au manque de personnel et à l'insuffisante diligence de l'administration.

Concernant la mixité sociale, il a regretté que les mesures adoptées n'aient permis qu'un maintien dans les lieux des populations visées, sans pour autant développer véritablement cette mixité. S'interrogeant sur les moyens de progresser en la matière, il a souligné que cet objectif risquait, en l'état actuel, de n'être qu'un v_u pieux.

Abordant le sujet des expulsions, il a reconnu que des améliorations étaient perceptibles mais a estimé que des difficultés demeuraient, comme l'ont montré les expulsions décidées, peu après le vote de la loi d'orientation et avant sa promulgation, par des propriétaires désireux d'échapper à ses dispositions. Il a donc souhaité obtenir des assurances quant à la réalité des améliorations. Il a enfin souligné que certains propriétaires cherchaient encore à s'affranchir des dispositions de la loi, ce qui n'était pas le cas des offices HLM.

Répondant aux différents intervenants, M. Daniel Marcovitch, rapporteur, a déclaré partager les analyses de M. Alain Cacheux, estimant comme lui que la situation des plus démunis constitue, à l'heure actuelle, le problème majeur.

Le décalage entre la promulgation de la loi et ses premiers résultats sur le terrain rend nécessaire une nouvelle évaluation dans dix-huit mois.

La mise en place du PLUS ou la lenteur dans le déblocage des crédits ne lui semblent pas justifier la sous-consommation des crédits PLA, qui révèle clairement les réticences de certaines collectivités territoriales ou de certains bailleurs à s'engager dans des opérations de construction locative.

M. Daniel Marcovitch a souligné que les difficultés dans la mise en place du numéro unique s'expliquent par le choix de développer une application informatique centrale, utilisable par tous les départements, et par les contraintes techniques rencontrées par le prestataire de services. Ces difficultés devraient disparaître dans le courant de l'année.

Par ailleurs, le choix de mobiliser des moyens pour la lutte contre le saturnisme laisse pendant le problème de l'insalubrité liée à d'autres causes : maladies de peau et infections respiratoires du fait de l'humidité ambiante, risques d'intoxication au monoxyde de carbone en raison d'un chauffage d'appoint défectueux etc.

Il reviendra donc au futur projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains de prendre en charge ces questions et de satisfaire ainsi les demandes de nombreux acteurs de terrain, qui souhaitent que les choses avancent plus nettement.

La commission a ensuite autorisé, à l'unanimité, en application de l'article 145 du règlement et dans les conditions prévues à l'article premier de l'instruction générale du Bureau, la publication du rapport d'information.

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