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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 février 2000
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du projet de loi (n° 2067) relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile.

 

(M. André CAPET, rapporteur)

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La commission a examiné, sur le rapport de M. André Capet, le projet de loi (n° 2067) relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile.

M. André Capet, rapporteur, a tout d'abord rappelé la situation actuelle de la société Air France. Son chiffre d'affaires pour l'exercice 1998-1999 s'est élevé à 60 milliards de francs et son résultat net consolidé à 1,6 milliard de francs. Air France compte 55 000 salariés, dont 3 500 appartiennent à la catégorie du personnel navigant technique, 10 000 à la catégorie du personnel navigant commercial et 41 500 à la catégorie du personnel au sol. La société enregistre 37 millions de passagers par an qui effectuent en moyenne un trajet de 2 000 kilomètres ; elle détient donc le troisième rang mondial en matière de trafic de passagers et le quatrième pour le fret. Sa flotte est composée de 213 appareils dont 11 cargos, âgés de 9 ans en moyenne. Cette flotte effectue 1 300 vols par jour et le coefficient d'occupation des appareils est de 76 %. Concernant les évolutions attendues pour l'exercice 1999-2000, le trafic de passagers devrait augmenter de 13 % et celui du fret de 7 %. Enfin, il est prévu d'investir 8 milliards de francs sur cette période.

Concernant les caractéristiques de la société, le rapporteur a rappelé qu'il s'agissait d'une entreprise publique. L'Etat détenait 95 % de son capital en 1998 et cette part s'est établie à 56 % en 2000. La société est soumise à la tutelle conjointe du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des transports. L'Etat a recapitalisé l'entreprise à hauteur de 20 milliards de francs sur la période 1994-1996 en accord avec l'Union européenne, ce qui a permis d'assurer son redressement financier.

Air France est devenue une compagnie rentable. Il s'agit enfin d'une société qui a su rétablir le climat social puisqu'aujourd'hui 13 à 14 % de son capital sont détenus par les salariés dont 7 % par le personnel navigant technique. La part de l'Etat s'élève à 56 % et celle des actionnaires autres que l'Etat et les salariés à environ 30 %. En outre, la société a mis en place un véritable gouvernement d'entreprise : sur les 8 membres de son comité stratégique, 4 sont des salariés ; les 5 membres du comité d'audit comptent 2 salariés. Air France est ainsi la première entreprise française en termes d'actionnariat de salariés puisque 71 % d'entre eux détiennent une part du capital social. En outre, les projets d'épargne salariale sont très prometteurs.

Concernant le projet de loi soumis à l'examen de la commission de la production et des échanges, M. André Capet, rapporteur, a indiqué qu'il visait à réformer deux points. En premier lieu, les relations entre l'Etat et Air France sont modifiées : la tutelle est allégée du fait de la suppression du régime de l'autorisation préalable pour les participations prises par la société. En outre, le projet de loi prend en compte les obligations de service public définies par l'Union européenne. En second lieu, le conseil d'administration voit sa composition modifiée. Il est élargi de 18 à 21 membres et la répartition des sièges entre catégories de membres, qui sera fixée par voie réglementaire, est également modifiée. Le conseil devrait compter un représentant de l'Etat supplémentaire, nommé par décret sur le rapport du ministre chargé du tourisme, deux représentants des actionnaires autres que l'Etat et les salariés, qui n'étaient pour l'instant pas représentés et un administrateur supplémentaire représentant les salariés ; il perdra une personnalité qualifiée. Ainsi, la composition finale du conseil d'administration devrait compter 6 représentants de l'Etat, 6 représentants des salariés, 2 représentants des salariés actionnaires dont 1 représentant du personnel navigant technique, 2 représentants des autres actionnaires et 5 personnalités qualifiées.

Les salariés actionnaires devraient être élus au sein de deux collèges réunissant respectivement le personnel navigant technique actionnaire et les autres salariés actionnaires afin d'assurer la représentation de chacune de ces deux catégories. En outre, la subordination de la représentation des salariés actionnaires à la détention d'une part minimale du capital de la société ne devrait pas constituer une contrainte trop lourde, puisque ce seuil devrait être fixé à 2 %.

Puis, le rapporteur a souligné qu'il avait pu constater, lors d'auditions d'organisations syndicales représentatives d'Air France, une nette amélioration du climat social de l'entreprise puisque ces dernières ont accueilli favorablement le projet de loi. Il a estimé que le renforcement du rôle du conseil d'administration ne serait pas neutre et modifierait probablement la stratégie commerciale d'Air France. Si le développement d'alliances avec d'autres compagnies aériennes est évidemment nécessaire, il convient d'examiner avec vigilance les conséquences du développement de la société en termes d'infrastructures aéroportuaires, notamment à Paris-Charles-de-Gaulle qui risque de parvenir rapidement à saturation. Il a enfin souhaité que l'ensemble des salariés puissent participer activement au conseil d'administration, notamment les catégories autres que le personnel navigant technique qui y est déjà bien représenté.

M. Paul Patriarche a souligné que le projet prévoyait de supprimer une disposition du code de l'aviation civile selon laquelle aucune subvention ne peut être allouée à Air France pour les lignes exploitées en concurrence avec d'autres sociétés françaises de transport aérien, au motif que ce cas de figure est désormais régi par les règles communautaires. Il s'est inquiété des conséquences de cette suppression, notamment en termes de continuité territoriale. Ainsi un appel d'offres ayant dû être annulé pour une ligne Paris-Corse, des subventions pourront-elles néanmoins être allouées à la compagnie sélectionnée lors du prochain appel d'offres si plusieurs compagnies françaises exploitent cette même ligne ?

M. Paul Patriarche a précisé que compte-tenu des dispositions de la loi dite « Sapin » et des directives européennes intervenant en matière de transport aérien, il convenait de se battre pour garder un service public, tant en matière de transport maritime qu'aérien. Dans le respect de ces textes, le problème particulier de la Corse est celui de la continuité territoriale. Il s'est donc inquiété de la disparition éventuelle de subventions qui étaient destinées à l'assurer.

Le rapporteur a reconnu que ce problème était important. Il a rappelé qu'une ligne non exploitée par plusieurs candidats et dont le maintien relevait de l'intérêt général pouvait donner lieu à subventions.

M. Paul Patriarche a indiqué que le problème qu'il évoquait ne pouvait pas être assimilé à celui d'une ligne déficitaire. Afin d'assurer des liaisons bord à bord ainsi qu'une liaison Paris-Corse, les compagnies Air Liberté, Air Littoral, Air Corse ainsi que la compagnie Corse-Méditerranée ont soumissionné. La région de Corse, du fait de son statut particulier, bénéficie d'une enveloppe de continuité territoriale qui lui permet de subventionner les compagnies aériennes à laquelle le marché est attribué, cette dernière devant alors réduire ses tarifs en conséquence. Le problème posé est donc celui de l'avenir de cette aide. Il a souhaité obtenir des réponses précises sur ce point et a déclaré qu'il serait amené à déposer un amendement lors de l'examen du projet de loi en séance publique.

M. Eric Doligé a estimé que la suppression de la disposition relative aux subventions allouées à Air France en cas d'exploitation de lignes en concurrence avec d'autres compagnies françaises méritait des explications supplémentaires. Il a donc demandé des précisions sur les possibilités que laisse le droit communautaire pour l'octroi de subventions à des compagnies aériennes. Il a également demandé des éléments d'information sur la réalisation éventuelle d'un troisième aéroport en région parisienne ainsi que sur les schémas de services collectifs.

M. André Capet, rapporteur, a estimé que l'évolution du conseil d'administration d'Air France ne serait pas neutre, puisqu'elle aura des conséquences sur la politique commerciale de la société ; ces conséquences se répercuteront probablement sur les flux que l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle aura à accueillir. Il a précisé qu'il étudierait plus largement cette question dans le cadre du rapport qu'il ferait sur l'évaluation de l'application du projet de loi.

M. André Lajoinie, président, a rappelé que M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, du logement et des transports s'était engagé à ce que le Gouvernement se prononce d'ici la fin de l'année, sur l'opportunité de construire un troisième aéroport international dans le grand bassin parisien.

M. Léonce Deprez ayant constaté que le projet de loi visait à adapter la législation relative à Air France, M. André Lajoinie, président, a précisé qu'il s'agissait, d'une part, d'adapter cette législation au droit communautaire et, d'autre part, de réformer la composition du conseil d'administration d'Air France. Puis M. Léonce Deprez s'est déclaré frappé par le contraste qu'il constatait entre l'enjeu crucial que constitue le développement de la compagnie Air France et la modestie du projet de loi. Il s'est demandé s'il ne convenait pas d'aller plus loin dans l'ouverture du capital de la société. Enfin, il a déploré l'emploi du verbe « pouvoir » concernant la représentation des salariés actionnaires au sein du conseil d'administration, cette formule laissant à penser que leur présence est facultative alors qu'elle doit au contraire être effective.

M. André Capet, rapporteur, a déclaré que l'importance que le Gouvernement donnait à la société Air France ne devait pas se mesurer au nombre de pages du projet de loi. L'ambition du Gouvernement est claire : la recapitalisation d'Air France à hauteur de 20 milliards de francs, ainsi que l'opération d'échange « salaires contre actions » ont permis à la compagnie de renouer avec les bénéfices et ses résultats sont aujourd'hui remarquables (60 milliards de francs pour le chiffre d'affaires, 1,6 milliard de francs pour le résultat net consolidé).

Concernant l'ouverture du capital, l'Etat détenait 95 % du capital social d'Air France en 1998, contre 56 % en 2000 et 53 % en 2003. En outre, les organisations syndicales se sont déclarées très satisfaites par le projet de loi dont elles ont estimé qu'il constituait un véritable pas en avant pour l'entreprise. L'Etat a certes « toiletté » les textes applicables à Air France mais cette opération devrait être le gage d'une plus grande souplesse de gestion de la société qui se situe parmi les premières compagnies aériennes européennes.

M. André Lajoinie, président, a noté qu'Air France était aujourd'hui rentable, grâce à la fois au redressement du secteur du transport aérien et aux efforts particuliers qu'elle a consentis. Si les problèmes de tarification ou de desserte d'aéroports sont certes importants, l'objet du projet de loi est par nature limité. Concernant la représentation des salariés, l'emploi du terme « pouvoir » n'est qu'une précaution de langage ; le rapporteur a d'ailleurs obtenu des assurances quant à la représentation effective des salariés, de telles précisions relevant du domaine réglementaire.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

· Article 1er (article L. 341-1 du code de l'aviation civile) : Allègement de la tutelle de l'Etat sur Air France et prise en compte de dispositions communautaires

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 2 (article L. 342-2 du code de l'aviation civile) : Suppression des dispositions relatives à la contrainte d'équilibre financier d'Air France et prise en compte des obligations de service public

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 3 (article L. 342-3 du code de l'aviation civile) : Élargissement du conseil d'adminis- tration de la société Air France

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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