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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 39

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 7 mars 2000
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Dominique VOYNET, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le projet de loi (n° 2182) relatif à la chasse .


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La commission a entendu Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le projet de loi (n° 2182) relatif à la chasse.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a fait valoir que le projet de loi sur la chasse était opportun à plusieurs titres. Il l'est, en premier lieu, au plan du droit. En effet, la législation sur la chasse, codifiée au titre II « Protection de la nature » du livre II du code rural (nouveau) est, pour l'essentiel, issue d'une loi de 1844. Cette loi encadrait initialement le droit des propriétaires à s'approprier un gibier res nullius présent sur leurs terres. Cette législation a été ensuite complétée par la création d'institutions spécialisées, les fédérations des chasseurs et le Conseil supérieur de la chasse, en 1941, par l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées, à l'occasion de la loi du 10 juillet 1964 dite « loi Verdeille », par l'instauration du plan de chasse en 1966 et d'un dispositif administratif d'indemnisation des dégâts du grand gibier, en 1969, et, enfin, par l'obligation de satisfaire à un examen préalable au permis de chasser, en 1975.

Plus récemment, est apparu un droit international et communautaire consacré à la conservation de la faune sauvage qui est venu contredire sur certains points notre droit interne. La directive communautaire n° 79/409/CEE du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, s'est, par exemple, révélée délicate à transposer. Le Parlement est d'ailleurs intervenu à deux reprises, en 1994 puis en 1998, sans pour autant aboutir à une transposition satisfaisante, comme l'a confirmé l'arrêt du Conseil d'Etat du 3 décembre 1999. Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a récemment considéré que certaines dispositions de la loi Verdeille du 10 juillet 1964 étaient contraires aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elles contraignent les propriétaires opposés à la chasse pour des raisons éthiques à apporter les droits de chasse attachés à leurs propriétés à une association communale de chasse agréée et à y adhérer.

La ministre a ensuite estimé que le projet de loi était, par ailleurs, nécessaire parce qu'il était temps de redéfinir les conditions du partage des espaces naturels et ruraux entre les chasseurs et les autres usagers de la nature. L'évolution de l'environnement sous l'effet des pratiques agricoles et de l'urbanisation a considérablement transformé les milieux naturels et ruraux. Il faut aujourd'hui tirer les conclusions de ces changements qui touchent aussi les modes de vie. La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a, par exemple, redéfini les contours d'une agriculture nouvelle. En reconnaissant la multifonctionnalité de l'agriculture, elle en appelle maintenant à des pratiques plus respectueuses de l'environnement, qui, de surcroît, offrent aux consommateurs des produits de meilleure qualité et permettent de sauvegarder les emplois.

De la même façon, elle a jugé qu'il fallait, aujourd'hui, jeter les bases d'un nouveau contrat qui permette à chacun, chasseurs, agriculteurs et autres « usagers de la nature » (du promeneur du dimanche à l'ornithologue, en passant par le randonneur ou le ramasseur de champignons), d'adhérer à un projet commun, c'est-à-dire à une chasse conforme à un développement durable et assurée de sa pérennité.

Elle a rappelé que c'était dans cette perspective que le Premier ministre avait confié, en juillet 1999, à M. François Patriat une mission qui a débouché sur un ensemble de propositions touchant tant au cadre législatif et réglementaire de la chasse qu'à ses modalités pratiques et à ses rapports avec les autres usagers des espaces naturels et ruraux. Le projet de loi en reprend les propositions d'ordre législatif.

La ministre a indiqué que le projet de loi poursuivait trois objectifs :

- créer les conditions d'une coexistence pacifiée entre les chasseurs et les autres usagers des espaces naturels, en redéfinissant la place de la chasse dans la gestion des espaces et des espèces ;

- clarifier et moderniser les missions et le rôle des structures qui organisent le monde de la chasse ;

- moderniser notre droit interne pour mettre fin aux contentieux suscités par certaines pratiques de la chasse depuis de nombreuses années.

Constitué de 28 articles, il comporte 6 titres qui traitent successivement de la chasse et de son organisation, des associations communales de chasse agréées, du permis de chasser, du temps de chasse, de la gestion du gibier et de dispositions administratives et pénales.

En premier lieu, le projet de loi traite de la place de la chasse dans la gestion des milieux. L'article premier du projet de loi indique que « la gestion durable du patrimoine cynégétique et de ses habitats est d'intérêt général (...), (qu'elle) implique une gestion équilibrée des ressources cynégétiques (, et que) la pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, social et économique, participe à cette gestion. » La part prise par une chasse raisonnée à la gestion des espèces est ainsi précisée. Elle est cohérente avec des dispositions plus générales de la loi relative à la protection de la nature de 1976. Ces dispositions, qui figurent déjà dans le code rural, font des espèces animales, comme, d'ailleurs, des équilibres écologiques, des ressources naturelles ou des paysages, des éléments du patrimoine commun de la nation, et de leur protection ou leur gestion, des responsabilités d'intérêt général.

En second lieu, le projet de loi propose de rénover l'organisation du monde de la chasse et de la rendre plus claire. Dans son article 2, pour tenir compte du développement des missions de l'Office national de la chasse et, notamment, de l'élargissement de son champ d'intervention à de nombreuses espèces de la faune sauvage qui ne sont pas chassables, il est proposé de modifier, en l'inscrivant dans la loi, la dénomination de l'établissement qui deviendrait « l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ». Les missions de l'office sont redéfinies à cette occasion, en insistant sur ses rôles d'études et d'appui technique en faveur de la chasse et de la conservation de la faune sauvage et des habitats. Pour les mêmes raisons, son conseil d'administration sera élargi à des représentants des usagers et des gestionnaires des espaces naturels. Sont également énumérées les ressources financières dont il dispose.

Aux articles 3 et 5, les missions des fédérations départementales de la chasse sont redéfinies, tout comme leurs relations avec leur nouvelle fédération nationale. La ministre a fait observer qu'il était en effet important que la vitalité et la responsabilité du mouvement associatif que suscite la chasse fussent consolidées.

Depuis quelques décennies, et à côté d'autres acteurs du monde rural, voire en coopération avec eux, les fédérations de chasse mènent des actions en faveur du patrimoine naturel qui se sont développées et diversifiées. Elles constituent des réserves et se préoccupent de la protection et de la reproduction du gibier. La ministre a jugé qu'il fallait en prendre acte. Leurs responsabilités dans le domaine de la formation initiale et continue de leurs adhérents devaient être simultanément reconnues et confortées pour être mieux assumées. Enfin, leur rôle de coordination des associations communales de chasse agréées devait aussi être confirmé.

Elle a indiqué que le projet de loi confiait clairement la police de la chasse aux gardes de l'office et aux fonctionnaires de l'Etat habilités à l'exercer. Ainsi sera opérée une clarification nécessaire et attendue entre les rôles de l'office et des fédérations. Les fédérations départementales qui le souhaiteraient pourront concourir à la prévention du braconnage.

Enfin, une fédération nationale regroupera les fédérations départementales des chasseurs, consolidant ainsi la représentativité générale et la cohésion du mouvement. Cette fédération nationale aura, notamment, à constituer et à gérer un fonds de péréquation destiné à réduire les inégalités entre des fédérations dont les ressources, qui dépendent du nombre d'adhérents, ne sont pas toujours en rapport avec leurs charges qui sont fonction de la superficie des espaces naturels de leur département.

La ministre a estimé que ces propositions conduiront à clarifier le fonctionnement du mouvement associatif de la chasse et à en développer la cohésion et la responsabilité. D'autres viendront les compléter plus tard. Le rapport de M. François Patriat propose, par exemple, de modifier le régime électoral des fédérations en instaurant le principe « un homme/une voix » pour le processus électif. Cette question d'ordre réglementaire sera traitée ultérieurement.

Elle a admis que si les moyens sont donnés aux fédérations pour renforcer leur action et leur représentativité, cela ira de pair avec un contrôle effectif des pouvoirs publics sur leur fonctionnement et sur la façon dont elles utilisent leurs fonds. Elle a rappelé que ce qui justifie l'existence des fédérations des chasseurs et les prérogatives qui leur sont reconnues, est le rôle qu'elles doivent jouer dans la gestion des espèces sauvages et des espaces qu'elles gèrent, et uniquement cela.

Sur un autre plan, elle a fait valoir qu'il fallait mettre les règles de fonctionnement des associations communales de chasse agréées en conformité avec l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. La ministre a noté, avec satisfaction, que la Cour européenne des droits de l'homme avait admis que la loi Verdeille poursuivait, dans son ensemble, des buts légitimes et qu'elle avait été adoptée dans une perspective conforme à l'intérêt général. Il est cependant devenu nécessaire d'inscrire dans notre législation les dispositions qui permettront à ceux qui le désirent d'exercer un droit de non-chasse dans des conditions raisonnables et simples. C'est l'objet des articles 6 et 7 du projet de loi.

La ministre a jugé que le Gouvernement était parvenu à des propositions qui, alliant simplicité et responsabilité, pouvaient satisfaire les propriétaires qui, par conviction personnelle, refusent l'exercice de la chasse sur leurs biens, tout en garantissant la stabilité nécessaire à une bonne gestion des territoires de chasse. Ces dispositions, comme d'ailleurs l'instauration d'un jour sans chasse, apaiseront sans aucun doute, pour peu qu'elle soient mises en _uvre loyalement, les relations entre chasseurs et non-chasseurs.

Après avoir évoqué les améliorations apportées au permis de chasse, qu'elles soient de nature réglementaire, comme l'instauration d'une épreuve pratique, ou législative comme le permis accompagné visé à l'article 8, elle a conclu qu'elles renforceront la crédibilité de cet examen et fait valoir que ces dispositions seront essentielles pour améliorer la sécurité de la chasse, tant pour les pratiquants que pour les citoyens en général.

Elle a, en troisième et dernier lieu, expliqué que le projet de loi modernisait notre législation pour mettre fin aux contentieux qui empoisonnent le climat depuis des années. Elle a rappelé que notre droit de la chasse était un droit ancien. Il n'est donc pas étonnant qu'il se révèle inadapté aux évolutions de la société, et qu'il s'articule parfois fort mal avec la législation communautaire de création plus récente.

Comme le préconise le rapport de M. François Patriat, il faut mettre notre droit national en accord avec le droit européen et notamment la directive n° 79/409/CEE du 2 avril 1979, dite directive « oiseaux », qui a été adoptée en 1979 à l'unanimité alors que la majorité politique dans notre pays, et le Gouvernement qui la représentait alors à Bruxelles, n'étaient pas ceux que nous connaissons aujourd'hui. C'est l'objet de l'article 10 du projet de loi. Cet article, très attendu, traite de la fixation des périodes de chasse. Il prend en compte la jurisprudence du Conseil d'Etat, notamment un arrêt rendu le 3 décembre 1999, et respecte la distinction fréquemment rappelée par ce même Conseil d'Etat entre matière législative et matière réglementaire. La rédaction proposée établit donc le principe d'une fixation des périodes de chasse par l'autorité administrative dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'article 10 soumet par ailleurs la fixation des dates au respect des principes inscrits à l'article 7-4 de la directive « oiseaux », c'est-à-dire le respect des périodes de reproduction ou de dépendance, et l'absence de chasse durant le retour vers les lieux de nidification. Enfin, il propose d'interdire la chasse à tir dans les espaces non clos le mercredi, dans un souci d'équilibre et d'harmonisation au regard de la sécurité liée à l'exercice de la chasse, et pour prendre en compte les différents usages des milieux naturels. En fonction des circonstances locales, le préfet aura évidemment la possibilité de choisir un autre jour de la semaine pour interdire la chasse durant toute la saison de chasse.

L'article 11, très attendu lui aussi, indique que le permis de chasser donne le droit de chasser à la passée le seul gibier d'eau, en des lieux et selon des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d'Etat. La chasse à la passée s'exerce à l'aube ou au crépuscule. Le projet de loi en précise désormais les limites qui sont une heure avant le lever du soleil et une heure après son coucher.

L'article 12 prévoit la suspension pendant une période de cinq ans de la disposition du code rural qui sanctionne actuellement l'exercice de la chasse de nuit. Cette suspension ne sera évidemment effective que lorsque les conditions en auront été définies par décret en Conseil d'Etat. Mais, comme pour d'autres dispositions déterminantes de ce projet de loi, un avant-projet de décret est prêt à être soumis aux discussions interministérielles et la ministre a indiqué que, si les députés le souhaitaient, elle porterait ses grandes lignes à leur connaissance avant la fin de la réunion.

Cette suspension ne porte que sur le gibier d'eau, dans les départements où cette pratique est traditionnelle, c'est-à-dire dans les 19 départements identifiés dans le rapport de M. François Patriat, et à partir d'installations spécialisées existant au 1er janvier 2000. La ministre a estimé qu'il n'est en effet pas question de confirmer des traditions trop récentes pour ne pas être factices. Dans ces départements, un nombre maximum d'animaux à prélever devra être fixé par chasseurs, par espèces, sur un territoire et une période déterminés. Soucieux de mesurer exactement l'impact de ce type de chasse - c'est d'ailleurs pour cette raison que la procédure de la suspension expérimentale a été retenue -, le Gouvernement établira un rapport d'évaluation de la mise en _uvre de cette mesure.

En conclusion, la ministre a précisé que les titres V et VI du projet de loi comportaient des dispositions concernant des outils de gestion, comme le plan de chasse, les battues administratives ou les prélèvements maxima autorisés, ou des dispositions administratives et pénales d'adaptation ou d'harmonisation.

Elle a espéré, à travers cet exposé, par certains côtés techniques, avoir conduit les commissaires à percevoir l'équilibre que le Gouvernement a tenu à maintenir entre les préoccupations des chasseurs ou de leurs organisations et celles des autres usagers des espaces ruraux et naturels. Elle a souhaité que les travaux du Parlement renforcent durablement cet équilibre qu'elle s'efforcera de garantir dans la loi comme dans les dispositions réglementaires. L'enjeu dépasse largement les contentieux, toujours évoqués, ou l'organisation immédiate de la chasse.

Les débats que le travail de M. François Patriat a initiés ont montré que la chasse doit impérativement trouver une nouvelle légitimité. Cette nouvelle légitimité ne sera durablement acquise que si, parallèlement à nos travaux, s'établissent et se poursuivent un dialogue et une réflexion collective entre les chasseurs et le reste d'une société qui a profondément changé. Elle a conclu que la loi préparée rendra ce dialogue et cette réflexion collective plus ou moins faciles suivant qu'elle maintiendra ou non un équilibre au moins aussi subtil que ceux qui régissent le devenir des écosystèmes de nos campagnes ou des équilibres climatiques de la planète.

M. François Patriat, rapporteur, a fait observer que la chasse était un sujet sensible, ne laissant personne indifférent et soulevant des passions. Il a approuvé la volonté du Gouvernement de légiférer de manière positive sur la chasse afin d'établir une véritable politique de la chasse en France.

A l'issue de la mission que lui avait confiée le Premier ministre au mois de juillet 1999, il s'est déclaré convaincu de la nécessité de modifier la législation sur la chasse pour quatre raisons principales :

- afin de mettre fin aux contentieux devant les tribunaux français et européens qui hypothèquent l'exercice de la chasse en France, ne serait-ce qu'en raison des conséquences financières des condamnations ;

- afin de mettre en conformité le droit français avec les droits communautaire et européen : la France ne peut notamment être le seul pays à ne pas respecter les objectifs de la directive du 2 avril 1979 adoptée sous la présidence française ;

- afin d'assurer une gestion des prélèvements sur les ressources renouvelables qui permettra de garantir le renouvellement des espèces raisonnablement chassées et chassables ;

- afin de prendre en compte l'évolution de la société française et des méthodes de chasse qui ne sont plus celles du début du siècle.

Il a fait valoir que le projet de loi proposait une nouvelle politique de la chasse qui doit passer d'une organisation reposant sur une chasse de cueillette à celle reposant sur une chasse de gestion. Il est de l'intérêt général de pouvoir disposer d'une faune diverse en France. Il est donc indispensable de mettre en place une méthode d'évaluation des espèces et une politique de préservation des habitats de la faune sauvage. La méthode d'évaluation doit éviter toute polémique, c'est pourquoi une instance d'évaluation scientifique doit être créée pour fournir des éléments indiscutables permettant d'orienter les prélèvements des chasseurs.

M. François Patriat a ensuite défendu la nécessité de réformer les différentes structures d'encadrement de la chasse. Il a rappelé que la Cour des comptes avait mis en relief des dysfonctionnements imputables à l'Etat, aux fédérations des chasseurs et au conseil national de la chasse et la faune sauvage. De ce point de vue, il est indispensable que le législateur établisse plus clairement quelles sont les attributions et les missions des différentes structures, leurs moyens financiers et les affectations des différentes taxes et redevances acquittées par les chasseurs. Les chasseurs versent en effet chaque année plus de 1,4 milliard de francs dont 700 millions vont aux fédérations, 500 millions à l'Office national de la chasse et 215 millions aux collectivités territoriales et aux sociétés ou personnes privées.

Il a estimé que l'exemple de la gestion du grand gibier avait démontré que les chasseurs savaient faire preuve de discipline et qu'ils pouvaient devenir des gestionnaires responsables. La préservation des habitats est en outre au moins aussi importante que la maîtrise du prélèvement cynégétique.

M. François Patriat a souhaité que ce projet de loi puisse être l'occasion de définir une nouvelle éthique de la chasse, prenant davantage en compte les préoccupations de sécurité et organisant le partage du temps et des espaces, réclamé par la société, entre les chasseurs et les autres utilisateurs de la nature. L'objectif est donc de parvenir à un texte équilibré pour garantir un apaisement durable. Si l'on convient de la nécessité de cet équilibre global, on ne peut remettre en question les différentes mesures qui y concourent.

Il a ensuite estimé que l'apaisement exigeait des concessions de part et d'autre. Ainsi, les chasseurs doivent accepter de prendre en compte les évolutions des connaissances scientifiques et des attentes de la société. En contrepartie, la reconnaissance de la légitimité de la chasse pourra être garantie, ce qui n'était pas assuré il y a seulement deux ans, époque à laquelle des craintes réelles existaient quant à la pérennité de la chasse en France. Aujourd'hui, grâce à ce projet, ces inquiétudes seront dissipées. Il constitue donc une avancée très importante bien que, comme tout texte, il soit perfectible.

M. Pierre Ducout a déclaré partager la conclusion de la ministre selon laquelle il convenait de trouver un équilibre. Il a également salué le travail de M. François Patriat lors de la mission qui lui avait été confiée par le Premier ministre.

Il a ensuite indiqué que dans le Sud-Ouest, ce qui importait aux gens était la pérennité de pratiques de chasse populaires, la chasse à la palombe et la chasse de nuit, qui constituent une véritable culture locale. Il a rappelé que les chasseurs les pratiquant étaient des personnes raisonnables attachées à la protection de l'environnement et, en particulier, à la conservation des zones humides.

M. Pierre Ducout a donc jugé important de reprendre les différentes propositions du rapport de M. François Patriat et de légaliser ces pratiques dans les départements où elles sont traditionnelles. Il a ensuite rappelé la nécessité d'être très attentifs aux préoccupations de sécurité notamment dans les zones fréquentées par les promeneurs. Il a, en particulier, estimé souhaitable d'améliorer la sécurité pour ce qui concerne les battues et a recommandé que les responsables des battues reçoivent une habilitation spécifique.

M. Pierre Ducout a conclu en demandant à Mme Dominique Voynet, qui a également la responsabilité de l'aménagement du territoire, d'accepter de prendre en compte les spécificités de chaque région.

M. Charles de Courson a posé plusieurs questions à la ministre. Concernant l'exercice du droit d'opposition à l'incorporation d'un terrain dans le territoire d'une association communale de chasse agréée, il s'est interrogé sur la compatibilité du droit de non-chasse institué par le projet de loi avec le droit de chasse qui est un droit réel attaché à la propriété. Il s'est inquiété du déséquilibre entre ces deux droits dans la mesure où le droit de non-chasse peut conduire à morceler un massif et empêcher la pénétration sur de vastes territoires. Il a demandé si un propriétaire opposant de conscience à la chasse pouvait bénéficier du fonds d'indemnisation des dégâts de gibier notamment s'il ne mettait pas en place une gestion cynégétique du gibier vivant sur ses terrains. Il a également souhaité savoir si l'interdiction de chasser qui s'imposera au fermier lorsque le propriétaire s'opposera à l'incorporation de ses terres dans l'association communale de chasse agréée sera appliquée sans modification du statut du fermage et sans indemnisation du fermier.

Il a ensuite demandé les raisons pour lesquelles la ministre s'opposait à la reconnaissance pure et simple de la légalité de la chasse de nuit. Une étude sur l'étendue de la pratique de cette chasse a été conduite par M. Schricke pour le ministère de l'environnement et a conclu qu'elle était pratiquée dans 33 départements, mais 25 départements, dont notamment la Charente-Maritime où la chasse de nuit est pratiquée, n'ont pas répondu à l'enquête. Compte tenu des incertitudes qui peuvent exister quant au caractère traditionnel de la pratique, il est nécessaire pour éviter des contentieux interminables que la liste des départements figure dans la loi. En matière de chasse au gibier d'eau, il a souhaité savoir quelles dates seraient proposées par le Gouvernement à la Commission européenne si la directive 79/409 du 2 avril 1979 était révisée.

Il a enfin interrogé la ministre sur la nature des fonds perçus par les fédérations des chasseurs, qui selon lui ont une nature privée, et des fonds collectés au bénéfice de l'Office national de la chasse, qui selon lui sont des fonds publics et constituent des impositions de toute nature.

M. Léonce Deprez a estimé qu'un accord était possible entre les députés des différentes régions et des différents bords politiques sur le droit de la chasse. La conciliation entre le droit français de la chasse, qui est ancien, et le droit communautaire de protection de l'environnement donne lieu à de vifs débats depuis vingt ans mais, à titre personnel, il a déclaré ne pas être convaincu qu'il y ait opposition entre ces deux droits. La directive 79/409 du 2 avril 1979 ne contient aucune date pour le temps de chasse ni d'interdiction de la chasse de nuit, ce qui montre la sagesse des décisions européennes. Il a souhaité que la ministre confirme l'absence de projet de fixation des dates de chasse à l'échelon européen.

M. Jean-Claude Lemoine a commenté les quatre raisons invoquées par le rapporteur pour légiférer sur le droit de chasse. En premier lieu, il a indiqué que l'objectif de mettre fin aux contentieux était partagé par tous les députés. Cependant il a estimé qu'il n'appartenait pas à la loi d'interdire la chasse le mercredi mais qu'en revanche la fixation par la loi des dates d'ouverture et de fermeture générales de la chasse au gibier d'eau permettra de clarifier et stabiliser la situation.

Il a ensuite jugé que ni la chasse à la passée ni la chasse de nuit ne mettaient en danger les espèces sauvages migratrices ; de plus, plus les installations de chasse au gibier d'eau sont nombreuses, moins il y a d'oiseaux tués. Il a demandé pourquoi les mesures d'application de la loi du 3 juillet 1998 n'avaient pas été prises alors qu'elles auraient permis de mettre le droit français en conformité avec le droit communautaire.

Il a conclu que les chasseurs avaient fait la preuve de leur bonne gestion des espèces et que pour préserver les habitats naturels la responsabilité de la gestion devait être partagée avec les agriculteurs et les sylviculteurs.

M. Patrice Martin-Lalande, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, a tout d'abord rappelé que compte tenu du recul du nombre d'agriculteurs, dans de nombreux départements et notamment dans le sien, les chasseurs tendaient à devenir les principaux gestionnaires de l'espace rural. Il a ensuite souhaité que la ministre lui apporte des précisions sur les points suivants :

- l'idée d'un partage de la nature entre ses différents utilisateurs ne risque-t-elle pas de conduire à un droit de propriété à géométrie variable ? Cette évolution ne semblant pas être celle souhaitée par le Gouvernement qui défend le « droit de non-chasse », ne convient-il pas d'essayer d'avancer contractuellement sur cette question ?

- en ce qui concerne le jour de non-chasse, quelle sera l'autorité administrative susceptible de fixer un autre jour de la semaine que le mercredi ? S'agira-t-il du préfet ? Après quelle concertation ? En outre, le choix d'une date fixe n'est-il pas contraire aux réalités de la nature, les oiseaux migrateurs, par exemple, pouvant passer n'importe quel jour ?

- en ce qui concerne la question des dates d'ouverture et de clôture de la chasse, ce qui importe étant la maîtrise du prélèvement, quelles initiatives seront envisagées pour améliorer le suivi de ce prélèvement au niveau européen et international ? Pourquoi, alors que l'article 10 du projet de loi reprend les termes de la directive n° 79/409, ne mentionne-t-il pas également les possibilités de dérogation que celle-ci prévoit ?

- un des contentieux qui empoisonne le monde de la chasse résultant de l'interprétation par la Cour de justice des communautés européennes des principes de la directive n° 79/409 et un fonctionnaire représentant la Commission européenne ayant estimé lors du colloque récemment organisé par le groupe d'études sur la chasse de l'Assemblée nationale que cette interprétation n'était pas conforme à l'esprit de la directive, n'est-il pas souhaitable d'obtenir de la Commission une interprétation officielle de cette directive ?

M. Patrice Martin-Lalande a conclu en regrettant que l'adéquation du droit français avec le droit communautaire ne soit pas défendue devant les instances européennes et a souhaité que la ministre précise l'attitude qui serait la sienne à cet égard si ce projet de loi était adopté.

M. François Liberti, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, a estimé qu'il était nécessaire de légiférer sur la chasse pour deux raisons. La première est qu'il est indispensable de prendre en compte les évolutions intervenues dans ce domaine et de sortir de la spirale infernale du contentieux qui trouve son origine dans le fait que les gouvernements successifs n'ont pas assumé leurs responsabilités. La seconde raison est la nécessité d'affirmer de manière claire le rôle de gestion des espaces que joue la chasse. M. François Liberti a rappelé que le climat conflictuel actuel résultait des inquiétudes des chasseurs qui ont pu douter de la volonté des pouvoirs publics de voir perdurer l'exercice même de la chasse dans notre pays. Il a déclaré qu'il fallait maintenant sortir par le haut du conflit. Les objectifs généraux poursuivis par le projet de loi, sous réserve qu'il soit amendé, permettrait de le faire et de déboucher sur une bonne loi garantissant l'équilibre nécessaire à la pérennité de l'exercice de la chasse.

Il a toutefois noté que sur deux points le projet de loi devait être profondément modifié. Il a tout d'abord jugé indispensable de légaliser la pratique de la chasse de nuit dans les départements où elle constitue une culture et où elle dessine la place des hommes dans l'aménagement du territoire. Ainsi, dans les étangs du Languedoc, les chasseurs rassemblés dans des associations de chasse de nuit sont les premiers défenseurs des zones humides. Ce sont en outre des gens modestes qui veulent pratiquer une chasse qui fait partie de leur mode de vie, qui ne sont pas des « viandards » et dont il est possible et nécessaire de faire des alliés d'une bonne loi sur la chasse. M. François Liberti a estimé nécessaire en conséquence une légalisation sans ambiguïtés notamment sur les départements dans lesquels elle serait applicable.

En second lieu, en ce qui concerne les dates de chasse aux oiseaux migrateurs, il a jugé qu'il convenait de conserver des possibilités de dérogations pour tenir compte des situations locales tout en étant très clair quant au cadre général.

Il a conclu en déclarant qu'il serait possible d'adopter une loi répondant aux attentes de tous sous réserve que ces deux questions soient réglées d'une manière équilibrée.

M. René André, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, a fait valoir que les fermiers étaient très attachés au droit de chasser qu'ils détenaient en vertu de leur bail et qui constitue un acquis important de la Libération. Il s'est interrogé sur la personne responsable des dégâts de gibier sur les terres qu'ils exploitent mais qui sont déclarées comme terres de non-chasse par leur propriétaire ainsi que sur la procédure de prise en charge des réparations.

Après avoir contesté la notion de gestion durable des espèces chassables, il a regretté l'absence de dispositions dans le projet de loi sur la réintroduction de vrais gibiers sauvages élevés sur place dans les territoires de chasse.

Il a ensuite indiqué que les chasseurs étaient prêts à accepter l'existence d'un jour sans chasse par semaine mais refusaient que ce jour soit fixé par la loi, les arguments en faveur du mercredi paraissant à M. René André trop « théoriques ».

Concernant la composition du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, il a souhaité connaître les dispositions qui figureront dans le décret d'application et s'est inquiété d'un éventuel déséquilibre de cette composition.

Il a enfin souligné que tous les députés étaient d'accord pour autoriser la chasse à la passée jusqu'à deux heures avant le lever du soleil et deux heures après son coucher alors que le projet de loi limite la durée à une heure, et qu'en matière de chasse de nuit il était prêt à accepter les amendements tendant à sa légalisation dont le rapporteur avait annoncé le dépôt le mois dernier lors de la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.

M. Jean-Pierre Dufau a salué le courage du Gouvernement pour avoir déposé un projet de loi portant sur un sujet très complexe et donnant lieu à de lourds contentieux. Il a jugé nécessaire de rendre l'exercice de la chasse complètement légal sans omettre les points d'ombre de certaines pratiques fréquentes dans les régions françaises. Un exercice de clarification est indispensable.

Il a demandé également que la loi légitime la chasse. Il a estimé que l'établissement d'un prélèvement maximal autorisé par chasseur et d'une gestion par espèces constituent de bonnes voies pour responsabiliser les chasseurs. Pendant de nombreuses années la logique d'affrontement a prévalu ; il convient désormais d'y opposer une logique de projet sur des zones locales.

Il a conclu que si la France était le dernier Etat membre à transposer la directive 79/409 du 2 avril 1979, cela n'était pas à son honneur, mais qu'une réflexion sur le droit de la chasse à l'échelon européen est indispensable.

M. André Lajoinie, président, a fait observer que les commissaires avaient abordé le sujet de la chasse de manière sereine et responsable.

En réponse aux intervenants, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a donné les éléments d'information suivants :

- la ministre de l'environnement a le souci de régler le dossier de la chasse qui empoisonne la vie des différents ministres chargés de l'environnement depuis vingt ans. Les contentieux communautaires et nationaux se sont accumulés et il faut en revenir à des choses simples reposant sur un accord des principaux utilisateurs des milieux naturels. La ministre a l'intention de régler ce dossier dans les meilleures conditions avec la Commission européenne. Il faut en effet éviter de créer de futurs contentieux dans quelques mois, comme en matière de chasse de nuit ;

- en ce qui concerne la chasse de nuit, la ministre a entendu la demande sociale forte du monde de la chasse tendant à légaliser cette pratique. Mais cette légalisation n'existe dans aucun des Etats membres de la Communauté européenne sous la forme défendue par les auteurs de la proposition de loi discutée le mois dernier par l'Assemblée nationale. Cette forme de légalisation risquerait d'être perçue par la Commission européenne comme une provocation. C'est pourquoi, le Gouvernement propose de suspendre l'interdiction de la chasse de nuit pendant une période de cinq ans qui sera mise à profit pour élaborer un dossier démontrant que cette chasse ne met pas en péril les espèces et visant à rendre la mesure pérenne. Il faut se rappeler qu'en 1974 Mme Simone Veil avait défendu la suspension des dispositions du code pénal sanctionnant l'interruption volontaire de grossesse mais que cette mesure avait été comprise comme une légalisation de l'avortement, la mesure de suspension ayant pris un caractère pérenne dans les années qui ont suivi. Cette démarche éviterait de générer un conflit devant la Cour de justice des Communautés européennes ;

- en ce qui concerne le risque, évoqué par M. Charles de Courson, de morcellement des territoires de chasse par suite de l'application du nouveau « droit de non-chasse », la ministre a précisé que le projet de loi visait à préserver la stabilité du territoire des associations communales de chasse agréées en ne permettant le retrait de terrains que tous les trois ans. En outre, là n'est pas l'essentiel ; il est dans la reconnaissance d'un nouveau droit et l'obligation de dialogue qui résultera de la réforme. Or la plupart des problèmes peuvent être réglés par le dialogue. Ainsi, dans beaucoup de départements, la volonté d'un propriétaire d'interdire l'exercice de la chasse sur ses terrains est acceptée par les gestionnaires des territoires de chasse qui font de ces terrains des réserves. Il serait souhaitable que davantage de litiges puissent être réglés ainsi, à l'amiable, et il serait également nécessaire que l'accord des propriétaires concernés permette le regroupement des terrains sur lesquels la chasse est interdite pour obtenir des zones d'une taille compatible avec les nécessités biologiques notamment pour ce qui concerne le gîte. En outre, il ne faut pas surestimer l'importance de la question du « droit de non-chasse », la loi Verdeille ne s'appliquant obligatoirement que dans vingt-neuf départements ;

- en ce qui concerne l'articulation du « droit de non chasse » et du statut du fermage, le projet de loi prévoit que le droit de chasser du preneur est maintenu jusqu'à l'échéance du bail. Il s'agit en outre d'un dispositif arrêté en concertation étroite avec le ministère de l'agriculture ;

- pour ce qui concerne les dates de chasse du gibier d'eau, la ministre a estimé que M. Patrice Martin-Lalande avait précisé à juste titre qu'il était absurde de légiférer sur cette question, les dates retenues devant varier sur le territoire national en fonction des circonstances locales. Elle a indiqué que la sagesse était donc de s'en remettre aux représentants de l'Etat mais que tel n'avait pas été le choix du Parlement en 1994 et en 1998. Elle a précisé que le souci de respecter la directive et les interprétations qui en ont été faites la conduisaient à proposer de définir par décret une période de chasse comprise entre le 1er septembre et le 31 janvier, la chasse de certaines espèces d'oiseaux de passage et de gibier d'eau pouvant pour sa part être autorisée entre le 10 août et le 10 février sur certains sites tels les zones de chasse maritime et les canaux et en précisant que la chasse de ces espèces ne doit pas avoir lieu pendant les différents stades de reproduction et de dépendance et que ces oiseaux ne doivent pas non plus être chassés pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification. Il appartiendra au préfet de fixer, à l'intérieur des périodes prévues par le décret, des dates conformes à ces principes ;

- la ministre a déclaré que la liste des départements où la pratique de la chasse de nuit est traditionnelle ne doit pas être fixée dans la loi et qu'elle concevait que des discussions longues puissent être menées sur cette liste. Elle a ajouté que la liste de 42 départements qui a été proposée résultait d'une enquête qui ne prend pas en compte l'ancienneté dans le département de la pratique de la chasse de nuit et qui est en outre erronée puisqu'elle inclut des départements tels que le Maine-et-Loire ou la Haute-Saône où la chasse de nuit n'est pas pratiquée. Il faut donc partir de la liste proposée par le rapport de M. François Patriat. Mme Dominique Voynet a précisé que son attention avait déjà été attirée sur le cas d'un département, les Bouches-du-Rhône où la chasse de nuit se pratique, semble-t-il, plus que ne le disait dans son rapport M. François Patriat et qu'elle n'était pas du tout hostile à ce que l'on discute de l'ajout de ce département à la liste ;

- l'articulation entre le droit français de la chasse, qui est ancien, et le droit communautaire pose des difficultés. Elle auraient pu être résolues si un dialogue avait été engagé il y a vingt ans. Les autres Etats membres de la Communauté européenne ont transposé de manière beaucoup plus sévère à l'égard de la chasse la directive 79/409. Ainsi, aucun pays n'a légalisé la chasse de nuit ni étendu à plus d'une heure avant le lever du soleil ou après son coucher la chasse à la passée. Il faut avoir conscience que la révision de cette directive doit suivre la procédure de codécision qui impose l'accord du Parlement européen, or les députés européens ont adopté une position beaucoup plus dure que celle résultant des dispositions de la directive puisque suite au rapport de M. Van Puden ils ont demandé que la chasse au gibier d'eau soit fermée le 31 janvier. Cette proposition a d'ailleurs été votée par certains députés européens français ;

- il faut aller au-delà du contenu du projet de loi pour prendre en compte les décrets et mesures réglementaires d'application de la loi pour évaluer l'ampleur de la réforme. Les règlements d'application devront préciser le rôle de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et celui des structures de protection de la nature et de la chasse. Il convient également de conforter le rôle de l'Etat en matière de police de la chasse et de donner un contenu dense aux fédérations départementales des chasseurs, dont le rôle en matière de gestion des milieux doit être renforcé. La ministre a la conviction que remplacer une logique d'affrontement par une logique de projet permettra de faire avancer les dossiers, comme par exemple celui des lâchers de gibier ou de réintroduction d'espèces sauvages ;

- concernant le jour sans chasse, le projet de loi donne le pouvoir au préfet de choisir un autre jour que le mercredi. Cependant, le mercredi, les jeunes peuvent avoir envie de fréquenter la nature sans porter de fusil. Le Gouvernement a eu le souci de donner un message lisible à tous les Français sur le jour sans chasse. Si le dispositif s'appuyait sur le choix de demi-journées, le message ne serait pas perçu. En outre, le mercredi est le jour où les enfants ne vont pas à l'école.

M. Yvon Montané a fait remarquer que Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, a annoncé son intention d'envoyer les enfants à l'école le mercredi et de les laisser libres le samedi.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a donné les derniers éléments d'information suivants :

- il faut conserver un équilibre. Si les chasseurs obtiennent la reconnaissance de la chasse de nuit et celle de la chasse à la passée et que les non-chasseurs obtiennent la reconnaissance du « droit de non-chasse » et l'institution du mercredi comme jour de non-chasse, alors le texte sera équilibré et les risques de contentieux au niveau communautaire seront limités. Elle a observé qu'il n'y avait pas de députés Verts dont la réélection soit attachée à l'équilibre de la loi sur la chasse mais que, par contre, beaucoup des autres députés auront des comptes à rendre aux chasseurs et aux non-chasseurs.

Si l'équilibre est rompu, il y aura des contentieux. Il faut rechercher une réconciliation entre chasseurs et non-chasseurs ;

- la ministre a déclaré ne pas être fermée à la discussion et a souhaité que celle-ci se poursuive notamment sur certaines propositions de M. François Patriat, telles que l'institution d'une instance d'évaluation de la faune sauvage ou la clarification des flux financiers. A cet égard, s'il est clair que le produit des redevances cynégétiques est de l'argent public qui doit servir à faire fonctionner l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et que, d'autre part, le produit des cotisations est l'argent des chasseurs et doit être géré par les fédérations, il reste de nombreux points à préciser.

M. François Patriat, rapporteur, a estimé que cette audition avait permis d'avancer en particulier sur des points qui inquiétaient certains de ses collègues et a remercié la ministre pour son ouverture d'esprit et son esprit de dialogue.

Il a déclaré partager l'analyse selon laquelle il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de modifier la directive. En revanche, il serait souhaitable que son interprétation soit précisée.

Il a ensuite souhaité savoir si le fait que les périodes de chasse soient déterminées par les préfets ne risquait pas d'entraîner des disparités entre départements.

Enfin, il a indiqué que la conciliation du « droit de non-chasse » et du statut de fermage, auquel les syndicats agricoles qui le considèrent comme un acquis de la Libération sont très attachés, serait difficile à trouver. Il s'est interrogé sur la possibilité de ne faire prévaloir l'éventuelle opposition du propriétaire à la pratique de la chasse qu'à l'occasion de l'établissement de nouveaux baux.

M. André Lajoinie, président, a souligné la complexité du dossier de l'indemnisation des dégâts de gibier atteignant un terrain affermé par un propriétaire opposant à la chasse. En ce cas, l'indemnisation ne peut être financée par la fédération départementale des chasseurs et le propriétaire refusera également de verser une somme d'argent. Le fermier pourrait être ruiné s'il ne bénéficie d'aucun mécanisme d'indemnisation.

En réponse au rapporteur et au président, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a donné les éléments d'information suivants :

- si aucune demande d'interprétation de la directive 79/409 n'a été demandée à la Commission européenne, c'est que le Gouvernement français connaissait l'interprétation de la précédente commissaire chargée de l'environnement par plusieurs décisions qu'elle avait prises. Néanmoins, un nouveau contexte peut rendre utile une interprétation officielle de la Commission européenne ;

- les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau sont déjà hétérogènes d'un département à un autre. Une harmonisation à l'échelon national est délicate en raison des considérations objectives qui justifient les différenciations. La solution doit plutôt être recherchée dans la mise en place d'outils de suivi de la conservation des espèces, qui ne dépend pas uniquement des prélèvements opérés par la chasse mais également de la gestion des habitats ;

- la Commission européenne n'a pas avancé dans le dossier de l'élaboration de plans de gestion des espèces à l'échelon européen. Il conviendrait de l'interpeller sur cette question ;

- en matière de droit des fermiers à être indemnisés pour les dégâts de gibiers sur les terres déclarées interdites de chasse par leur propriétaire, la question n'est pas tranchée et sera étudiée d'ici la séance publique.

M. Patrice Martin-Lalande, usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, a souhaité que la ministre lui précise quelles étaient les initiatives envisagées à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne pour mettre en place, sous l'égide de l'Union européenne, un dispositif international de suivi des populations des espèces migratrices qui permettrait de substituer à la régulation approximative par des jeux de calendrier une vraie régulation des prélèvements appuyée sur des bases scientifiques claires.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a tout d'abord estimé qu'il était rare que des bases scientifiques soient claires, la science visant seulement à réduire les incertitudes. Elle a indiqué que la mise en place de l'instance d'évaluation de la faune sauvage souhaitée par M. François Patriat se heurtait justement à la difficulté qui résulte de l'absence de certitudes claires. En effet, les conclusions du Conseil national de la protection de la nature sont contestées par les chasseurs et celles de l'Office national de la chasse le sont par les protecteurs de l'environnement. Il serait donc nécessaire qu'une instance impartiale permette à des scientifiques de différentes cultures de confronter leurs points de vue.

En réponse à M. Patrice Martin-Lalande, elle a indiqué qu'existaient à l'heure actuelle des réseaux informels de scientifiques européens et qu'elle n'était pas hostile à ce que l'on profite de la présidence française de l'Union européenne pour mettre en place un dispositif international auquel il faudrait en particulier associer les pays candidats à l'adhésion à l'Union.

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