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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 43

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 mars 2000
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pierre Ducout, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution (n° 2179) de M. Camille Darsières sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (COM [1999] 0582 final/n° E 1353)

 

(M. Daniel MARSIN, rapporteur).

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Daniel Marsin, la proposition de résolution (n° 2179) de M. Camille Darsières sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (COM [1999] 0582 final/n° E 1353).

M. Daniel Marsin, rapporteur, a tout d'abord rappelé le contexte dans lequel la commission de la production et des échanges examinait la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne. Le règlement (CEE) n° 404/93 du 13 février 1993 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane poursuivait trois objectifs :

- assurer l'écoulement des productions communautaires sur le marché européen à des prix rémunérateurs en mettant en place un système de contingent tarifaire ;

- satisfaire les engagements souscrits dans le cadre de la convention de Lomé en réservant un contingent tarifaire spécifique aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ;

- redistribuer les licences d'importation de bananes originaires d'Amérique latine.

Ce système a été contesté, tant au sein de l'Union européenne qu'au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'organe de règlement des différends de cette institution ayant jugé que ce dispositif n'était pas compatible avec les règles de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, la Communauté a dû adopter le règlement (CE) du Conseil n° 1637/98 du 20 juillet 1998 modifiant le règlement initial portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (OCM-banane) pour le rendre compatible avec les règles du commerce multilatéral.

Le rapporteur avait d'ailleurs, à cette occasion, été l'auteur d'un rapport au nom de la commission de la production et des échanges.

Le système actuel est donc relativement récent puisqu'il n'est entré en vigueur que le 1er janvier 1999. Il est composé de deux volets. Le volet interne réserve aux producteurs communautaires un quota global de 854 000 tonnes, dans la limite duquel ils bénéficient d'une aide compensatoire à la perte de recettes. Le volet externe est constitué de trois dispositions :

- un contingent tarifaire de 857 000 tonnes par an est réservé aux « bananes traditionnelles » des pays ACP qui n'ont aucun droit à acquitter ;

- un contingent tarifaire de 2,553 millions de tonnes est ouvert aux bananes « non traditionnelles » des pays ACP et aux bananes des pays tiers. Dans le cadre de ce contingent, le droit est nul pour les pays ACP et s'élève à 75 euros par tonne pour les pays tiers ;

- au-delà de ces contingents, le droit s'élève à 737 euros par tonne pour les pays tiers et à 537 euros par tonne pour les pays ACP.

Ce système a été, une fois encore, jugé incompatible avec les règles du commerce multilatéral, par un groupe spécial de l'OMC qui a rendu ses conclusions le 12 avril 1999. Il a estimé que les trois points suivants contrevenaient aux dispositions de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce :

- le contingent tarifaire spécifique aux pays ACP, de 857 000 tonnes, contrevient à l'article XIII de cet accord ;

- les pays ACP ont accès à deux contingents et sont donc favorisés ;

- l'attribution des licences d'importation, fondée sur la période de référence 1994-1996, est discriminatoire et pénalise les pays tiers.

Le groupe spécial a donc estimé que trois options étaient ouvertes à la Communauté :

- l'adoption d'un système uniquement tarifaire, avec une préférence tarifaire pour les pays ACP ;

- un système uniquement tarifaire avec mise en place d'un contingent tarifaire pour les pays ACP, couvert par une dérogation appropriée ;

- le maintien des contingents tarifaires actuels sans allouer de parts spécifiques par pays ou en allouant ces parts avec l'accord de tous les fournisseurs justifiant d'un intérêt substantiel.

La proposition de règlement du Conseil prévoit le passage à un système uniquement tarifaire au plus tard en 2006, ce qui mettra sans aucun doute les pays ACP et les producteurs communautaires en difficulté, compte tenu des écarts de compétitivité existant avec les producteurs des pays tiers. Cette proposition de règlement prévoit également le système transitoire suivant :

- un contingent tarifaire A de 2,2 millions de tonnes ouvert à la fois aux pays tiers qui seraient soumis à un droit de 75 euros par tonne et aux pays ACP qui bénéficieraient d'un droit nul ;

- un contingent tarifaire supplémentaire B de 353 000 tonnes remplissant les mêmes critères ;

- un contingent tarifaire C de 850 000 tonnes, ouvert aux pays tiers et aux pays ACP, ces derniers bénéficiant d'un droit nul à concurrence de 275 euros par tonne. La fixation du droit de douane donnerait lieu à des enchères descendantes, selon un système extrêmement complexe qui présente un risque sérieux d'atteinte à l'OCM-banane.

La délégation pour l'Union européenne a estimé que le nouveau système ainsi proposé mettrait en danger l'équilibre des marchés et les engagements pris par la France dans le cadre de la convention de Lomé. Il constituerait même, à terme, une menace pour les producteurs communautaires. La délégation a donc accepté le principe d'un régime transitoire, mais a souhaité prolonger sa durée à dix ans et a refusé le principe d'un passage automatique à un système uniquement tarifaire.

Elle a en outre insisté sur la nécessité de prendre en compte les disparités existant en matière de législation sociale entre les pays producteurs et a affirmé le principe d'égal accès de tous les opérateurs aux sources d'approvisionnement originaires des pays tiers.

Elle a enfin estimé indispensable une réforme du mécanisme de l'aide compensatoire, selon les points suivants :

- la mise en place d'une régionalisation de l'aide ;

- la redéfinition du fait générateur qui doit être constitué de l'expédition et non de la commercialisation ;

- un paiement plus rapide ;

- l'institution d'un système d'aide spécifique en cas de catastrophe naturelle.

Le rapporteur a déclaré s'associer pleinement à l'analyse menée par la délégation pour l'Union européenne. Toutefois, il a estimé que cette dernière n'en avait pas tiré toutes les conclusions qui s'imposaient. Il a donc annoncé qu'il proposerait des amendements sur les points suivants :

- le système transitoire tel qu'il est présenté dans le proposition de règlement est inacceptable en l'état. Il est complexe et n'offre aucune garantie. En particulier, si les multinationales pratiquent un lissage de leurs coûts pour tenir compte des nouveaux droits de douane, le système sera quasiment tarifaire dès la période transitoire, ce qui constitue une réelle menace pour les pays ACP ;

- concernant les opérateurs communautaires, la préoccupation ne doit pas être celle de leur accès aux sources d'approvisionnement, problème qui ne se pose pas en pratique, mais celle du mode d'attribution des licences d'importation. Il convient donc de maintenir le système des références historiques en recherchant un accord sur la période de référence ;

- la notion d'opérateur donne aujourd'hui lieu à un véritable flou artisitique. Il est souhaitable de revenir à la définition qui en est donnée par l'article 3 du règlement de la Commission (CE) n° 2362/98 du 28 octobre 1998 ;

- enfin, il convient de préciser que la régionalisation de l'aide compensatoire concerne chaque région ultrapériphérique (Guadeloupe, Martinique, Caraïbes et Madère) pour tenir compte de l'inégalité de leurs situations respectives.

Pour M. Pierre Micaux, le fond du problème réside dans le fait que la prétendue Organisation mondiale du commerce vise en fait à « aligner vers le bas » les conditions de production. Dans ce cadre, il a estimé que les Américains se livraient à un jeu inhumain et inacceptable.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

Le rapporteur a présenté un amendement avant le quatorzième alinéa (1.) et visant à ce que le système transitoire s'appuie sur le principe d'un contingent tarifaire spécifique aux pays ACP, au besoin en envisageant une dérogation à l'article XIII du GATT ou toute autre forme de compromis ; la commission a adopté cet amendement.

Puis, elle a examiné un amendement du même auteur dans le seizième alinéa (3.) et tendant à ce que le régime d'attribution des licences d'importation soit fondé sur le système des références historiques et donne lieu à des négociations sur la période de référence retenue. M. Pierre Micaux a attiré l'attention sur le fait que lors des questions orales sans débat du mardi 21 mars 2000, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, avait annoncé que le Gouvernement souhaitait lui aussi privilégier la méthode des références historiques, en réponse à une question posée par M. Roland Blum. Puis, la commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur après le seizième alinéa (3.) insérant un 3 bis visant à ce que la notion d'opérateur soit précisée en se conformant à l'article 3 du règlement de la Commission (CE) n° 2362/98 du 28 octobre 1998 précité. Elle a également examiné un amendement du rapporteur dans le deuxième alinéa du 5. précisant que le calcul de l'aide compensatoire doit prendre en compte l'inégalité des situations entre les producteurs de chacune des régions ultrapériphériques (Guadeloupe, Martinique, Madère et Canaries). Après que M. Pierre Micaux eut souligné que cette disposition risquait d'être mal perçue par l'Espagne, la commission a adopté cet amendement.

Puis, la commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

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