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DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Audition de M. Adrien Zeller, Président du Conseil régional d'Alsace
et de Mme Jocelyne Riou, Vice-Présidente du Conseil régional d'Île-de-France,
représentants de l'Association des Régions de France

Réunion du mercredi 19 janvier 2000

Présidence de M. Philippe DURON, Président

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Adrien Zeller, président du Conseil régional d'Alsace, et Mme  Jocelyne Riou, vice-présidente du Conseil régional d'Ile-de-France, en qualité de représentants de l'Association des Régions de France.

Notre Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan État-régions actuellement en cours de signature . Elle s'intéresse d'ailleurs, dans ce cadre, tout particulièrement au volet territorial et souhaite que cette réunion porte principalement sur ce thème. La loi Voynet du 25 juin 1999 prévoit, en effet, dans ses articles 25 et 26, que les projets de territoire bénéficieront d'un contrat particulier avec l'État qui s'inscrira dans les contrats de plan État-régions.

Lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 23 juillet 1999, le Premier ministre a indiqué que 20 % des enveloppes seraient consacrés au volet territorial.

Cette disposition nouvelle, destinée à promouvoir les projets des territoires, est d'une application difficile. En effet, peu de pays et d'agglomérations sont aujourd'hui en état de contractualiser alors même que les contrats de plan sont sur le point d'être signés. Le CIAT a prévu que cette contractualisation resterait possible jusqu'en 2003 mais nombre d'interrogations subsistent, tant pour les présidents de région que pour les préfets, sur la méthode de cette contractualisation différée et sur la façon dont il convient d'affecter les lignes budgétaires du contrat de plan.

Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est de mieux connaître l'appréciation de l'Association des Régions de France et à travers elle, de vos mandants sur ce dispositif de la loi et les conditions concrètes de sa mise en _uvre, notamment en matière budgétaire.

M. Adrien ZELLER, Président du Conseil régional d'Alsace : Chers anciens collègues, Mme Jocelyne Riou et moi représentons ici l'Association des Régions de France qui a notamment pour mission de faire le point sur l'application des concepts un peu nouveaux tels que ceux de pays et d'agglomération, malgré les interrogations qu'ils soulèvent, dans les contrats de plan en préparation.

Tout d'abord, je tiens à vous informer que le projet pratiquement définitif du contrat de plan de la région Alsace est à votre disposition. Vous y retrouverez sûrement une partie non négligeable de mes propos résumés dans son volet territorial.

Mon exposé liminaire aura pour objet de montrer l'état d'esprit dans lequel nous abordons la question de la territorialisation, d'une part, et celle des agglomérations et des pays en général, d'autre part.

Les régions se sentent très concernées par ces deux concepts et je dirai même qu'elles se sont d'ores et déjà engagées à mettre en place ou à contribuer à mettre en place les agglomérations et les pays et qu'elles intègrent pour partie - c'est notamment le cas de ma propre région - ce concept dans leur propre stratégie, indépendamment du contrat de plan. Je vous en donne un exemple : nous avons une compétence en matière d'emploi-formation et de formation professionnelle et la région Alsace a décidé d'installer dans chacun des futurs pays, c'est-à-dire pour nous globalement les bassins d'emplois, des animateurs emploi-formation chargés d'appliquer, en partenariat avec le tissu économique et éducatif local, les stratégies régionales d'emploi-formation.

Il en va de même pour ce que nous appelons « l'animation économique » : nous avons décidé de mettre en place des animateurs économiques par pays en vue d'appliquer sur le terrain, et là aussi en partenariat avec les structures existantes telles que les chambres de commerce et d'industrie ou les agences de développement par exemple, la politique économique régionale en faveur des PMI, des PME et des artisans de manière à être des partenaires de proximité du tissu économique. L'unité de base que nous avons adoptée correspond globalement à la carte des futurs pays que nous aimerions voir calqués sur les bassins d'emploi.

Il ne s'agit pas de faire des petits pays à l'échelle des cantons, voire à l'échelle de « pays historiques ». Nous considérons que la notion de pays est avant tout un concept fonctionnel. J'insiste sur ce point. Bien qu'il existe des petits chefs lieux ou des bourgs-centre entourés de territoires ruraux dénommés pays, nous n'avons pas reconnu ces qualificatifs traditionnels de pays en usage dans ma région comme ailleurs et nous nous sommes, d'emblée, intéressés au concept de pays dans le sens de bassin d'emploi, en fonction de nos compétences propres qui sont le développement économique, d'une part, et l'emploi-formation d'autre part. Il s'agit donc d'une vision volontariste de la notion de pays.

Par ailleurs, lors de la préparation du contrat de plan, nous avons installé par pays - au sens que je viens de rappeler - des ateliers territoriaux souvent présidés - dans 60 % des cas - par des députés, ce qui est tout à fait naturel puisque les pays tels que nous les concevons regroupent fréquemment les circonscriptions électorales, à savoir les anciens arrondissements. Nous avons mis des chargés de mission à la disposition de ces ateliers territoriaux afin d'identifier les problèmes, les projets, les besoins de ces différents territoires et d'arriver sur la base d'une documentation, à une prise de conscience, à un choix de priorités destinées à être utilisées lors de la phase plus institutionnelle et plus active des pays.

Pour ce qui est des agglomérations, les situations étaient extrêmement variées. Il existe des agglomérations déjà pratiquement organisées, telles que les communautés urbaines, notamment celle de Strasbourg. En revanche, depuis déjà trois ou quatre ans, nous nous efforçons d'aider, au travers des études de travaux d'urbanisme, à l'émergence, notamment autour de Mulhouse, d'une conscience d'agglomération dans un tissu urbain et intercommunal extrêmement disparate, chaotique et sans lisibilité, afin de le préparer à devenir un jour une agglomération, décision qui, bien entendu, ne relève pas de notre compétence mais à laquelle nous pouvons apporter notre concours.

Je voudrais également souligner que depuis six ans, nous avons tenté de mettre en place, par bassin d'emploi, naturellement au-dessus des coopérations intercommunales traditionnelles - districts et communautés de communes en milieu rural - des structures d'animation associatives et des structures d'études, selon les cas, sur la moitié environ du territoire, parce que nous avions senti, dès 1994, la nécessité d'une structuration de l'espace et du territoire à cette échelle.

Parallèlement à cette vision des pays, nous attribuons un rôle à ce que nous appelons les «  villes moyennes » qui ne sont pas des villes moyennes au sens national de la formule, c'est-à-dire des villes de 50 000 ou 60 000 habitants, mais les anciennes sous-préfectures qui comptent entre 8 000 et 20 000 habitants.

Nous en avons identifié huit qui jouent un rôle territorial important et avec lesquelles nous avons passé des contrats de ville moyenne sur cinq ans, leur permettant de mettre en place des équipements et des politiques en direction d'un large territoire. En d'autres termes, nous avons distingué les bassins de vie des bassins d'emploi. Nous avons vu que, par exemple, pour les équipements culturels, il convenait de distinguer les équipements culturels de proximité, les salles polyvalentes et autres, des équipements culturels plus spécialisés permettant une irrigation culturelle de meilleure qualité ayant tout naturellement vocation à figurer et à être mis en place dans ces villes moyennes conformément aux besoins de nos territoires. Ces derniers sont relativement importants puisqu'ils regroupent entre 60 000 et 100 000 habitants et qu'ils correspondent, pour vous donner un ordre de grandeur, à l'échelle des anciennes sous-préfectures, relativement nombreuses dans la région Alsace.

Par conséquent, je dirai que toute la logique des pays et le débat relatif à l'aménagement du territoire n'ont pas rencontré, en Alsace, une terre vierge puisqu'au contraire, nous les avions déjà faits nôtres. Nous avons renforcé notre organisation sans même parler du volet institutionnel sur lequel je reviendrai tout à l'heure.

Selon nous, l'application d'une stratégie partenariale envers les services publics, parapublics et sociaux constitue l'un des éléments importants de la future vie des pays. Je dis bien « services publics, parapublics et sociaux » car, à nos yeux, ils doivent jouer le jeu des pays et se déployer par pays, non seulement espace de projet mais aussi espace de desserte et de proximité pour un certain nombre de services publics. Vous aurez tous compris que je ne parle pas seulement des bureaux de poste, ni des écoles élémentaires mais aussi des agences de l'emploi, des GRETA - groupements d'établissements scolaires -, des antennes de la Caisse d'allocations familiales, de la Mutualité sociale agricole, des services de transfert de technologies, bref de tous ces services qui sont généralement concentrés dans les métropoles régionales et dont nous estimons qu'ils doivent s'installer dans les pays afin de devenir des partenaires du tissu local.

C'est un point sur lequel nous insistons fortement. Nous avons mis en place, depuis trois ans maintenant, un fonds de localisation des services publics, parapublics et sociaux au travers duquel nous les encourageons à se déployer davantage, notamment au niveau des pays, mais pas exclusivement, car cela peut aussi concerner le bassin d'emploi pour des structures plus traditionnelles telles que les bureaux de poste, les tribunaux de justice, le service des eaux, pour toute une série de fonctions que nous estimons devoir être exercées de manière adéquate.

Les pays constituent des échelles pertinentes, non seulement pour des projets mais également pour l'exercice, dans des conditions renouvelées, d'une série de fonctions publiques. Il est donc indispensable que le Gouvernement et les préfets de région incitent fortement les services publics à s'installer dans les pays et à ne pas y ouvrir seulement une permanence de deux heures par mois.

J'illustrerai mon propos par un exemple afin de vous montrer les carences auxquelles nous sommes confrontés, y compris dans une région développée. Je connais des pays - des entités de 100 000 habitants, regroupant une centaine de communes - qui ne disposent pas d'un opérateur sur place, en matière de logements locatifs sociaux ! Ces opérateurs sont tous concentrés dans la métropole régionale et pas assez présents sur le terrain. Or, pour nous, le pays est une entité de desserte qui doit accueillir des acteurs nouveaux contribuant à l'évolution et au développement des collectivités territoriales de base.

En conséquence, promouvoir les pays - osons le dire ! - c'est aussi demander aux services publics, parapublics et sociaux une forme de remise en cause par le biais d'un redéploiement. Il ne s'agit pas seulement de dire aux élus locaux qu'ils doivent s'organiser par pays mais de demander aux différentes administrations, au sens large du terme, ce qu'elles font pour entrer dans la logique des pays, quels services elles sont disposées à leur rendre , comment elles comptent les étoffer compte tenu du fait que, bien souvent, ils manquent d'ingénierie, de capacités en matière grise et souffrent de déséquilibres sociaux internes, toutes difficultés qu'elles doivent les aider à surmonter.

Nous avons donc une approche assez large ne se résumant pas à une communauté de projets mais reposant aussi sur une forte présence des services publics.

Aujourd'hui, nous avons prévu une série de crédits pour les projets par pays et leur structuration.

Quelques pays tendent à se constituer, avec des prudences et des réserves d'autant plus fortes que l'intercommunalité de base en place, les communautés de communes, est encore relativement fragile et que ces structures ne souhaitent pas se voir, en quelque sorte, « chapeautées » par d'autres constituées à une échelle supérieure relativement ambitieuse telle que j'ai essayé de la décrire. Néanmoins, nous progressons. Quelques pays sont reconnus mais ce n'est pas le plus intéressant : nous essayons de créer des fédérations de communautés de communes qui, dans un premier temps, auraient le statut associatif .

Dans les territoires où les initiatives sont les plus vigoureuses, on crée des associations, par exemple, autour des missions locales que nous finançons, par ailleurs, toujours dans la même logique de pays et dans lesquelles nous impliquons les élus locaux en rencontrant parfois quelques difficultés à y faire contribuer les communautés de communes. Si nous essayons de travailler sur la réalité plus que sur le volet institutionnel, c'est pour donner corps et chair à ces territoires : bien entendu, quand nous pouvons aller au-delà de l'association, nous y sommes favorables mais nous ne faisons pas un préalable de cette stratégie institutionnelle.

Puisque les décrets d'application des pays sont en cours de préparation, je tenais à dire de manière assez forte, au nom de l'Association des Régions de France tout entière, qu'il nous apparaît contreproductif de demander à chacune des communes de base de délibérer sur les pays, dès lors qu'elle était déjà membre d'une communauté de communes ayant les compétences des pays.

Par ailleurs, nous avons deux parcs naturels régionaux dont la mise en place est de longue haleine. Aussi et afin d'éviter de trop grands décalages entre l'action par pays et la mise en place des grands projets d'infrastructure, notamment urbains, universitaires, ou de transports, nous estimons que nous ne devons pas compliquer trop la tâche.

Comment voyons-nous la suite ? Nous pensons que nous aurons, dans le contrat de plan mais tout autant en dehors de lui, des moyens financiers relativement forts, non pas en volume mais en puissance d'incitation, pour faire naître des projets à l'échelle des pays.

A quoi pensons-nous ? Nous pensons, par exemple, au développement de l'action économique, au système des transports, à une stratégie de logement par pays, à des groupements touristiques à l'échelle des pays - c'est-à-dire fédérant sept ou huit offices de tourisme - à des transferts de technologies, à des systèmes productifs locaux puisque nous sommes dans une région relativement industrialisée, à des groupements d'artisans et à l'élaboration de stratégies artisanales par pays. Si nous ne pensons pas, en premier lieu, à des équipements, c'est parce que nous estimons que nous résoudrons ce problème, soit par les communautés de communes ou avec elles, soit par les villes moyennes à qui nous voulons donner les moyens de se doter en équipements ou culturels, ou sportifs - c'est très important et on n'en parle pas assez - qui sont nécessaires pour atteindre une qualité qu'une communauté de base de quelques communes ne pourrait pas obtenir.

A cet égard, je voudrais dire que, depuis trois ans maintenant, nous avons mis en place, toujours dans l'optique de cette vision territorialisée de nos politiques et indépendamment des pays, une politique d'équipements sportifs structurants. Par exemple, nous jugeons que tous, à travers le territoire, doivent avoir accès aux stades d'athlétisme. Comme il n'y a pas de raison que de tels équipements soient uniquement réservés aux grandes villes et qu'au contraire ils doivent également être à la disposition des campagnes, des collèges et des lycées, nous avons décidé de financer la mise en place, avec des incitations relativement fortes, notamment au niveau des villes moyennes, de stades d'athlétisme ou d'équipements sportifs structurants comme par exemple, une salle de gymnastique ou de judo spécialisée, une piscine de compétition, etc... Nous nous sommes ainsi efforcés d'intercaler, entre le niveau cantonal ou du bourg-centre et le niveau régional ou départemental, un niveau d'équipements, de services, de stratégies qui trouvent, à cette échelle, leur pertinence.

Cette vision et la démarche qui l'accompagne sont encore en devenir mais la présentation que je viens d'en faire devrait vous permettre de comprendre sur quelle voie nous sommes engagés.

Comment comptons-nous progresser ? Ma réponse sera très pragmatique : nous envisageons de financer largement de petites équipes d'ingénierie différenciées, selon les attentes des pays.

Par exemple, si un territoire souhaite améliorer son système de transports, l'État et la région, ou la seule région financeront à hauteur de 80 %, une petite équipe d'ingénierie, dont il ne dispose généralement pas et qui identifiera les problèmes de transports et aidera au lancement du projet. Il en ira de même si un territoire manque d'une organisation au niveau du tissu artisanal ou du logement social .Nous aiderons les territoires à mettre en place leurs projets et nous savons que nous devons leur prêter main forte, faute de quoi la fédération difficile des groupements de communes qui sont très importants en Alsace, échouera parce qu'ils ont aujourd'hui d'autres soucis et d'autres priorités. Il s'agit de les faire changer d'échelle et ce n'est pas une mission facile !

Je ne vous cache pas que nous n'avons pas mis la question institutionnelle au premier plan parce qu'il est bon de faire émerger et vivre les pays sur des projets, des actions et des stratégies concrètes en attendant de connaître les décrets d'application les concernant.

Au sujet de la formation professionnelle, j'ajouterai que doit être inscrite dans le contrat de plan une plate-forme de formation professionnelle par pays, afin que cette formation, qui concerne actuellement les grandes villes touche aussi le monde rural. Dans chaque pays, il faudrait une petite plate-forme ou un conseil de transfert de technologies, probablement aussi des groupements culturels, très importants à cette échelle dans notre région. En d'autres termes, nous essaierons de mettre à la disposition des territoires, pour toutes les actions qu'il est pertinent de mener à une échelle supérieure à la communauté de communes - cette dernière comptant généralement 20 000 habitants - et inférieure au département, les moyens de concrétiser leurs projets.

Il est vrai que les conseillers généraux ont parfois de la peine à nous comprendre mais il faut préciser qu'à chaque fois que nous avons le temps de nous expliquer, nous parvenons à lever les ambiguïtés, les craintes, les incertitudes en leur faisant valoir que les pays ne sont pas faits pour suppléer, ni pour créer une nouvelle administration mais pour exercer, à l'échelle pertinente, des missions qui, aujourd'hui, sont insuffisamment territorialisées, insuffisamment activées et qui correspondent aux besoins d'une région, d'une société, d'une économie en mutation. Une fois les explications fournies et détaillées sur tel ou tel aspect de leurs préoccupations, cette démarche est en général mieux comprise, mais il faut dire que cela ne s'est pas fait et ne se fera pas tout seul, en raison évidemment des craintes suscitées.

Pour conclure ce propos introductif, je souhaiterai insister sur la place qui doit être réservée aux socioprofessionnels dont la présence auprès des élus est une condition indispensable à la réussite de cette politique.

M. LE PRESIDENT : Merci M. le Président. Avant de poursuivre, je vous informe que M. Robert Savy, Président du Conseil régional du Limousin vient de me faire savoir qu'il ne pourrait nous rejoindre comme cela était prévu.

Mme Jocelyne Riou, vous êtes vice-présidente de la région Ile-de-France et je suppose qu'il est moins facile de faire vivre une politique de pays et d'agglomérations dans un tissu urbain aussi complexe que celui de cette région.

Mme Jocelyne RIOU, Vice-Présidente du Conseil régional d'Ile de France : Je pensais que cette audition devait surtout porter sur le rôle des contrats de plan en matière d'aménagement durable qui ne se résume pas aux pays et aux agglomérations.

Tel que nous l'apprécions à l'exécutif du Conseil régional d'Ile-de-France, nous pensons que la décision de faire de ces contrats de plan les axes essentiels de l'aménagement durable est un point fort, tout à fait intéressant par rapport à la démarche et aux choix à faire. C'est ce qui nous a conduits, au Conseil régional d'Ile-de-France, à soumettre un certain nombre de propositions à l'État sur les transports en commun, sur la solidarité et sur le développement économique.

Sur ce dernier aspect nous avons beaucoup travaillé depuis deux ans notamment avec les états généraux pour l'emploi au mois de décembre dernier. C'est donc sur l'ensemble de ces problèmes que nous entendons approfondir.

Pour revenir de façon plus précise sur les agglomérations et les pays, bien évidemment, chacun a conscience que l'Ile-de-France fait un peu exception tout en conservant, d'une manière générale, des traits communs avec les autres régions. Je pense effectivement que nous tirons les mêmes conclusions que l'Alsace, à savoir que nous ne ferons pas de l'association un préalable obligatoire pour pouvoir participer aux financements du contrat de plan.

La mise en cohérence d'un certain nombre de territoires viendra d'elle-même et se fera naturellement.

En Ile-de-France comme ailleurs, il est apparu clairement qu'un certain nombre de problèmes ne peuvent pas se résoudre sur le seul territoire de la commune, aussi importante soit-elle, l'échelle pertinente étant effectivement, en règle générale, celle du bassin économique, du bassin d'emploi.

La désindustrialisation qui a frappé durement notre région et je pense en particulier aux boucles nord de la Seine avec Genevilliers, Colombes, Asnières, Clichy, met clairement en évidence que c'est à ce niveau que les problèmes doivent être résolus.

Pour préparer le contrat de plan, nous avons analysé la situation réelle et concrète de la région et nous avons défini un certain nombre de territoires, de secteurs où il nous semble important d'intervenir de façon prioritaire et de conduire des actions fortes.

Dans un certain nombre d'entre eux, des coopérations existent déjà, qu'il s'agisse des communautés de communes ou des agglomérations, mais des structures nouvelles commencent à émerger, sur certaines grandes questions - et je suis assez d'accord avec ce qu'a dit M. Adrien Zeller au sujet des services publics. En Ile-de-France, on pense en premier lieu aux transports pour lesquels, depuis longtemps, existe une intercommunalité de fait. Il nous semble donc tout à fait essentiel de bien étudier ces questions du point de vue du territoire.

Sur la formation professionnelle je rejoins aussi ce qui a été dit : en matière de formation professionnelle, si la région examine, bien évidemment, le schéma régional parce qu'il faut une cohérence, en particulier sur l'ensemble des filières, il n'empêche que celles-ci diffèrent selon les bassins d'emploi, ce qui impose de travailler davantage secteur par secteur.

Aujourd'hui, nous comptons un seul pays en Ile-de-France, en Seine-et-Marne, dans un secteur agricole regroupant de petites communes rurales et dont les caractéristiques et les problématiques sont les mêmes que celles qu'indiquait M. Adrien Zeller. Il s'agit, pour permettre le développement économique de tout ce bassin, de conjuguer un certain nombre d'actions, en particulier sur les grands services publics décentralisés, afin d'atteindre une meilleure efficacité.

De ce point de vue, je dois dire que l'intercommunalité, même si elle n'existait pas sous cette forme, est une pratique ancienne puisque le financement des opérations d'équipement intercommunal était assuré par le bais de ce que nous appelons, nous, les contrats régionaux ou les contrats ruraux, - plus d'ailleurs par les seconds que par les premiers qui concernaient davantage les équipements des villes - Quelques petits équipements tels que des salles polyvalentes ou des équipements culturels ont été financés de façon intercommunale par l'intermédiaire de ce type de contrats. Cela montre bien que des actions ont déjà été engagées et que nous ne partons pas de rien, même en l'absence de formalisation des structures.

Personnellement, je suis convaincue que nous avancerons, au bout du compte, plus vite par l'expérience et par la conviction de la cohérence que par l'a priori - et, de ce point de vue, nous adopterons la même attitude que l'Alsace - selon lequel on ne financerait des opérations que si des structures avaient d'ores et déjà été décidées, d'une part parce que nous voyons bien tout ce qui est en train de se mettre en marche, d'autre part parce que certaines coopérations doivent se faire de manière, non seulement intercommunale, mais aussi interdépartementale.

Par exemple, face à la problématique de Roissy, les conseils généraux de la Seine-Saint-Denis, du Val d'Oise et de Seine-et-Marne sont en train de travailler ensemble sur un contrat de territoire. Les retombées des activités de Roissy concernent les trois départements et nous avons retenu le principe de financer dans un volet territorial une coopération entre eux compte tenu du fait qu'ils sont tous concernés par le bassin d'emploi. C'est la raison pour laquelle le financement des territoires pourra prendre des formes différentes.

En outre, je trouve, et cela est très intéressant, que cette formule nous oblige à travailler en termes de coopération et non plus d'opposition entre les territoires. C'est un processus qui me semble plus cohérent pour un aménagement durable car il permet de mieux réfléchir sur ce qu'il est nécessaire de faire dans un territoire et d'analyser en même temps les conséquences, sur le territoire voisin, des actions menées.

En effet, quand nous conduisons une action très forte sur le plan économique dans un secteur, il faut, bien évidemment, avoir la pertinence d'analyser les conséquences que cela peut avoir sur les territoires voisins pour ne pas se retrouver dans des situations telles que celles que nous avons trop connues comme d'avoir entre deux pôles qui se développent des poches de très forte misère. Il me semble donc que cette conception du travail nous contraint à inverser cette culture trop répandue : je veux des mobilisations pour ma ville, que le voisin se débrouille ; je vois mon intérêt sans regarder les conséquences pour les autres... En matière d'aménagement durable, il est tout à fait essentiel de travailler à bien sentir comment mieux coopérer et mieux irriguer l'ensemble du territoire.

Je sais bien que l'Ile-de-France est toujours considérée comme une région un peu à part et il est vrai qu'avec onze millions d'habitants elle est plus importante que certains pays d'Europe et que cela suppose une organisation particulière. Mais, en même temps, je pense qu'elle présente des traits communs avec les autres régions, tout en sachant qu'il lui faut tenir compte d'une réalité qui est la suivante : une zone urbaine très dense avec une nécessité de reconstruire la ville sur la ville. C'est une réalité qui nous oblige tout particulièrement à travailler en coopération sur des territoires pertinents et pas trop étriqués. Que l'on prenne les problèmes du transport, de l'emploi, du logement, à l'évidence, ils doivent pouvoir se traiter d'une façon plus large et c'est ainsi que nous entendons travailler.

Nous avons décelé dix territoires qui nous semblent importants et sur lesquels il faut intervenir de façon forte, mais dans notre esprit la formule «  territoire prioritaire » veut bien dire ce qu'elle veut dire, à savoir que le territoire n'est pas exclusif et qu'il faut regarder tout ce qui se passe autour.

Tels sont l'état d'esprit dans lequel nous préparons le contrat de plan et la démarche que nous adoptons sur les territoires et les agglomérations. Certaines structures sont en train de se construire, des communautés de communes sont en train de se mettre en place mais nous financerons avec l'idée que nous allons pouvoir travailler de façon plus pertinente et, à cet égard, j'ouvre une petite parenthèse pour dire que la loi sur l'urbanisme en cours de préparation devrait conduire à une réflexion plus cohérente sur l'aménagement, ce qui me semble tout à fait intéressant et positif .

M. LE PRESIDENT : Je vous rejoins sur ce dernier point.

M. Adrien Zeller devant nous quitter dans un dizaine de minutes, je vous propose, mes chers collègues, de l'interroger dès maintenant si vous le souhaitez.

M. Jean-Claude DANIEL : J'ai quelques questions qui portent sur les deux exposés.

La première concerne la délimitation des bassins d'emploi : s'agit-il des bassins d'emploi tels qu'ils existent ou de ceux que l'on souhaiterait voir se constituer ? Comment s'induisent les actions que vous menez et les limites de territoire que vous adoptez par rapport aux mêmes bassins d'emploi, autrement dit quelle est la définition de la zone cohérente dans laquelle vous travaillez ? Cette première question s'adresse aux deux intervenants.

Ma deuxième question a, pour partie, déjà reçu une réponse, puisqu'elle était relative à votre politique pour les milieux urbains agglomérés qui ne figurent pas sur le schéma actuel des agglomérations, ce qui correspond à ce que vous avez défini comme étant la " politique des villes moyennes " dans la région Alsace. La question reste néanmoins posée en ce qui concerne l'Ile-de-France où le sentiment peut en effet être différent dans la mesure où il n'y a pas que les villes sous-préfectures qui soient villes moyennes.

La troisième question est d'une autre nature : quel type de projets et de contractualisations admettez-vous ? S'agit-il d'une définition politique à l'initiative de la région ou à partir d'initiatives partagées et, dans ce cas, selon quelles modalités ?

Les autres questions sont des questions incidentes qui me paraissent néanmoins utiles à une bonne compréhension du sujet qui nous occupe.

Quelle densité de population et quel nombre de pays envisagez-vous en Alsace? Les données variant beaucoup d'une région à l'autre, nous avons besoin de précisions.

L'appui des missions locales par rapport à ces territoires pertinents soulève un problème puisque le territoire des missions locales, les territoires administratifs et les territoires cohérents dont nous sommes en train de parler ne sont pas les mêmes : cela mériterait que vous nous disiez comment vous entendez résoudre cette complexité et quelle est la présence que vous souhaitez voir assurée ou assurer dans ces territoires : celle d'élus départementaux, régionaux ou nationaux ? Je peux vous dire que dans d'autres régions, on peut trouver la forte prégnance du département et des élus départementaux alors qu'ailleurs cela peut être celle d'élus régionaux ou parfois celle de représentants du tissu local. Admettez-vous, chez vous, que des élus locaux soient les moteurs essentiels à côté des élus régionaux ou départementaux ? Enfin, bénéficiez-vous du programme d'initiative communautaire « Leader » ?

M. Nicolas FORISSIER : J'aurai juste une question, monsieur le Président. Elle porte sur la stratégie partenariale envers les services publics, parapublics et sociaux que je trouve très intéressante.

Néanmoins, j'aimerais savoir si cette stratégie est privilégiée uniquement par la région Alsace ou si cela pourrait être celle de l'Association. En effet j'observe, aujourd'hui, une relative disparité de ce point de vue et je peux en fournir un exemple très concret : dans ma ville qui est une sous-préfecture avec un bassin de vie de 40 000 habitants, à l'échelle du Berry, la Mutualité sociale agricole et la Sécurité sociale sont installées par la ville sans aucune aide, ni de l'État, ni de la région. Nous le faisons parce que nous y sommes obligés et parce que sinon, nous n'avons plus rien ...

Je veux donc savoir si ce débat va être instauré, si vous avez effectivement la possibilité, comme cela a été évoqué tout à l'heure, de demander à l'État de faire plus et si vous allez pousser plus avant ces hypothèses sans pour autant tomber, non plus, dans la substitution des crédits que l'on connaît et qui fait que les collectivités locales et territoriales prennent peu à peu en charge les obligations de l'État et de ses administrations.

Cette question a un double aspect : j'observe, comme je pense que le font également mes collègues, que si ces volontés sont exprimées, y compris parfois par l'administration, mais plus certainement par les régions et les élus, beaucoup d'organismes publics tels que, par exemple, l'ANPE, sont en réalité dans une logique totalement inverse, celle de la concentration, non plus vers le chef-lieu de département mais vers le chef-lieu de région. Je vois là une divergence totale entre d'une part la volonté des élus et de la région et, d'autre part, cette volonté de regroupement des organes de direction, voire des guichets, dans des lieux de plus en plus éloignés des pays qui sont - j'en suis tout à fait d'accord - la réalité du bassin de vie.

M. Pierre COHEN : L'esprit de la loi est précisément d'aboutir à des coopérations de territoires entre eux, soit par des communautés de communes ou d'agglomérations, soit par des pays si cela dépasse réellement les intérêts de projets immédiats, mais aussi de faire en sorte qu'enfin les services publics puissent être négociés jusqu'au niveau inférieur. Vos propos reflètent cet esprit et je trouve tout ce que vous avez dit extrêmement intéressant parce que l'on a toujours un peu montré la loi comme l'émergence de nouvelles structures uniquement sous l'aspect territorial.

J'ai entendu, en revanche, dans les deux exposés, que vous étiez prêts à contractualiser : est-ce que cela ne va pas être gênant dans une période où les projets vont être contractualisés entre l'État, les régions et les structures émergentes, dans la mesure ou, a priori, n'interviendront dans ce cas, que les structures et la région ?

M. Patrick OLLIER : Ma question, complémentaire de la précédente s'adresse à l'Association des Régions de France. Est-ce que vous avez à l'esprit une manière qui permettrait de mieux coordonner les actions, de façon à avoir une approche identique, dans toutes les régions de France, du problème de la contractualisation par rapport aux nouvelles émergences et au nouveau phénomène des pays ?

On s'aperçoit, en effet, qu'en fonction du dynamisme ou du manque de dynamisme des élus locaux, en fonction de leur adhésion ou de leur opposition à la loi , rien n'est pareil nulle part et que la manière d'appréhender ce problème de partenariat et de coopération est extrêmement variée. On nous sert, tantôt des formules à l'emporte-pièce, tantôt des formules adaptées au territoire précis : en montagne, on me propose des formules spécialisées. C'est peut-être bien, mais cela ne donne pas l'impression qu'il y ait véritablement une vue identique de la méthode de coopération qui, pourtant devrait exister au niveau de votre Association de manière à ce que vous proposiez un service et une méthode de travail identiques pour tous. Actuellement, on s'y perd un peu et c`est le parcours du combattant, selon les régions, pour parvenir à trouver le bon format de contractualisation et de coopération.

M. Adrien ZELLER : J'ai noté que nous avions une très grande convergence de vue avec ma collègue d'Ile-de-France et je vais donc essayer de répondre aux questions qui m'ont été posées.

Au sujet des délimitations, nous avons fait des propositions à partir des bassins d'emploi et même si nous n'avons pas toujours été suivis par tel territoire ou tel canton dont la préférence allait à une autre structure, nous avons quand même mis un peu en évidence les pôles urbains secondaires que nous appelons "  villes moyennes "  mais que nous aurions tout aussi bien pu baptiser "  villes relais ", peu importe le vocabulaire. Quoi qu'il en soit, elles ne correspondent pas aux chefs-lieux départementaux : elles se situent un niveau en dessous, ce qui pour nous est stratégique dans le cadre de notre vision des pays. Nous avons donc soumis des propositions qui n'ont pas toujours été suivies et les associations se sont faites parfois de manière légèrement différente mais notre souci a surtout été d'éviter d'arriver à des structures de trop petite taille.

Pour ce faire, nous avons aussi mis au point une formule : nous finançons l'ouverture de guichets secondaires par les missions locales dans les chefs-lieux de canton lorsque la mission locale est elle-même implantée dans une ville moyenne de manière à ce qu'il n'y ait pas de territoires qui se sentent oubliés ou soient tentés de faire scission. Nous avons donné aux missions locales un peu d'argent, au kilomètre carré de territoire desservi, pour aller dans le bourg-centre éloigné de trente-cinq kilomètres qui, autrement, risquerait d'être oublié, et faire en sorte que les jeunes de ce secteur aient aussi accès aux services de la mission locale. Nous donnons donc un peu plus de moyens aux missions locales qui couvrent un territoire plus grand qu'à celles travaillant sur des territoires restreints.

Nous avons donc veillé à la taille et, très souvent, nous aboutissons à un système à deux piliers : une ville et un bourg-centre un peu excentré dans lequel le pays va se manifester à travers la mission locale. Notre animateur économique peut, par exemple, être appelé à s'y déplacer, quitte à y avoir un bureau secondaire.

Quant à la désignation des responsables, nous avons recours à des élections : il y a des députés, des conseillers généraux, des présidents de communautés de communes qui ne sont ni l'un, ni l'autre, mais qui ont vocation, selon leur capacité de consensus, à émerger à cette occasion. Ce n'est pas toujours le député qui a animé l'atelier qui va être président de l'association ou peut-être, demain du groupement d'intérêt public ou de l'autre structure de pays ... Nous ne sommes pas trop directifs . Bien sûr, on voit à peu près quel candidat est le bon mais il n'empêche que les élections se déroulent en bonne et due forme et à bulletin secret.

Vous avez parlé d'initiative d'en haut et d'en bas : je dirai qu'il s'agit d'une interaction. Nous disons ce que nous verrions bien être organisé par pays et le type de projets qui conviennent mais le choix reste ouvert ainsi que la possibilité de proposer autre chose. C'est un système d'échange. Nous sommes dans une période d'invention et nous pouvons avoir quelques bonnes idées mais il peut aussi en venir du terrain dont certaines peuvent être transposées à un autre pays. Il s'agit bien d'un processus créatif et ouvert.

S'agissant des services publics, je me permets d'insister auprès des parlementaires que vous êtes pour dire que cette affaire est essentielle. Avec les nouvelles technologies, il y a toujours deux choix possibles : reconcentrer ou disperser les moyens . Notre MSA a fait les deux : elle s'est régionalisée en fusionnant deux départements, mais en même temps elle s'est territorialisée en définissant des entités de desserte avec trois agents qui sont des exécutifs, ce qui en fait tout autre chose que des guichets de permanence où l'on prend les dossiers pour les traiter ensuite au centre. Les personnels sont désormais sur le terrain, par territoire.

La Caisse d'allocations familiales, quant à elle, a fait exactement l'inverse : elle est engorgée de demandes dans la mesure où elle assure une multitude de services qui vont de l'allocation aux adultes handicapés, jusqu'au RMI, et a dû mettre en place des permanences téléphoniques. Je me permets de dire que j'ai désapprouvé un tel choix et que j'ai préconisé une présence au niveau du pays.

Personnellement, je représente l'Association des régies de France au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et je n'ai pas tenu d'autre discours que celui-ci : sauf à créer de nouvelles administrations, il faut que les administrations intègrent cette logique de territoire. Je me permets de vous signaler qu'il n'est pas sûr que la réforme des services des impôts, dont j'ai eu connaissance par la presse, le fasse.

Il faut donc être en état de veille permanente, y compris pour ce qui est relatif à la nouvelle carte judiciaire. Pour que cette logique de territoire soit adoptée par le plus grand nombre, il faut conserver un état de veille pour qu'à chaque réforme administrative elle soit prise en compte. Comment procèdent généralement les administrations ? On sait bien que lorsqu'elles se rationalisent, elles ont tendance à couper les extrémités : nous demandons, nous, une réorganisation qui respecte les territoires . Nous devons tenir un langage politique et si nous participons au financement, nous ne voulons pas que les communes se substituent aux administrations : nous donnons une aide à l'emploi, non pas délocalisé, ce qui introduit une connotation négative, mais territorialisé.

M. Henri NAYROU : Négative ? Cela dépend pour qui ...

M. Adrien ZELLER : C'est vrai mais, quoi qu'il en soit, je préfère la formule « emploi territorialisé ».

La Poste s'est un peu réorganisée en Alsace dans le sens que nous souhaitions, de telle sorte que nous avons donné une aide de 60 000 F par emploi, et financé 30 ou 40 % des investissements qui se sont révélés nécessaires à son installation. Cela vaut également, entre autres, pour les services aux personnes âgées.

Il faut absolument accélerer le mouvement sans quoi les zones rurales vont dépérir. Je tiens à dire ici que l'Alsace paraît prospère mais qu'il y a des cantons ruraux qui abritent 60 % de population ouvrière et qui ne bénéficient pratiquement d'aucun service. Dans de telles conditions, il n'y a pas de mixité sociale. Il faut absolument que les fonctionnaires, les agents publics, parapublics et sociaux se mélangent au reste de la population, sur le terrain. Ce que je dis vaut pour les banlieues sensibles comme pour les zones rurales un peu profondes. C'est le même langage et, à la limite, je pourrais dire que c'est la même problématique.

Sur la question des contrats, je vous avoue franchement que nous n'avons pas fait très attention parce que nous savons que le processus est difficile et que, pour les régions, cette affaire ne va pas être tellement coûteuse.

Pour les contrats de ville moyenne qui entraient dans cette logique, je peux vous dire ce que nous avons fait : nous avions mis douze millions de francs de crédits régionaux par ville ; l'État a mis deux millions de francs. Si nous pouvons agir avec l'État nous le ferons mais si de bons projets émergent sans l'État, nous les réaliserons aussi, tout simplement parce que le besoin est là et que nous avons cette responsabilité morale et politique de tenter d'y répondre.

Sur la manière dont les choses se mettent en place, je viens d'avoir un entretien avec M. Michel Sapin, le président de la région Centre : nous sommes convenus que les situations étaient différentes selon les régions et qu'il était bon d'échanger les points de vue. J'ignore si certains d'entre vous occupent des responsabilités au sein d'organisations qui peuvent intervenir. Je sais qu'il y a, auprès de la DATAR, une petite agence qui va s'occuper des pays ; l'Association des régions de France est prête à travailler avec elle mais nous ne pouvons rien imposer à personne, d'autant que les traditions sont multiples.

M. Michel Sapin m'a parlé des pays en des termes qui laissent à penser que les siens sont à la fois similaires aux nôtres et un peu différents parce que le territoire n'est pas le même. Certains territoires sont peuplés, d'autres sont ruraux et sans industrie, les échelles diffèrent et vous ne pouvez plus tenir exactement les mêmes raisonnements dans tous les cas . En revanche, la bourse d'échange d'idées me paraît souhaitable et je pense que l'une de vos propositions pourrait être de créer un lieu où échanger les idées et les expériences parce que l'on apprend et l'on se situe soi-même à la lumière de celles des autres.

Mme Jocelyne RIOU : Je voudrais revenir sur la préparation de ce contrat de plan pour dire que pour les territoires, même si les structures ne sont pas formalisées, on peut affirmer qu'au niveau régional, en Ile-de-France, les initiatives sont partagées, le contrat de plan État-région ayant été élaboré avec les conseils généraux. Cela signifie que, depuis un an, nous avons rencontré à trois reprises tous les départements pour discuter avec eux.

Nous avons fait une analyse avec l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France sur la situation réelle de la région pour cerner les actions les plus importantes à mener et déterminer les territoires, lesquels se sont presque imposés d'eux-mêmes, un accord ayant été facilement trouvé, y compris avec les départements.

Pour vous en donner un exemple, dans le département de la Seine-Saint-Denis dont je suis élue, se trouve un territoire, " Plaine de France active ", qui concerne six communes ayant décidé de travailler ensemble et qui, pour le moment, coopèrent sans constituer une communauté de communes. Sur le même territoire, dans le prolongement, sur la Plaine de France, autour de Saint-Denis et Aubervilliers, il y a dix communes qui, elles, ont formé une communauté de communes. Nous avons donc un territoire sur lequel nous allons intervenir au plan régional comprenant près de vingt communes mais qui ne sont pas ensemble compte tenu du fait, par exemple, que leurs problèmes sont différents : tout le secteur Le Bourget, Blanc-Mesnil, Dugny n'a pas tout a fait les mêmes préoccupations que Saint-Denis, Aubervilliers, l'Ile Saint-Denis ou Villetaneuse. La nouveauté, c'est qu'elles travaillent ensemble, et que cela correspond au territoire que nous avions déterminé, ce qui nous semble assez positif.

Je suis tout à fait intéressée parce qui a été dit sur les services publics car cela nous renvoie à la question fondamentale de la définition de ces services. Ce sont des services qui doivent être au plus près de la population pour répondre à ses préoccupations. C'est une fonction qui me semble tout à fait essentielle ! Le problème est ancien et nous avons déjà financé, depuis plusieurs années, dans le cadre des contrats ruraux, l'achat de locaux dans de petits villages pour y maintenir la présence de La Poste. On le faisait déjà, il y a quelques années parce que nous savions très bien toutes les conséquences qu'entraînerait la disparition de ce service.

Les techniques modernes nous permettent de rationaliser un certain nombre de tâches, ce qui est tout à fait intéressant, parce que cela rend le travail moins fastidieux mais il faut aussi que cette rationalisation conduise à un meilleur redéploiement pour améliorer le service rendu au public. Cela me semble une dimension importante sans laquelle nous aurons du mal à faire de l'aménagement durable.

M. LE PRESIDENT : Mes chers collègues, avez-vous d'autres questions à poser à Mme Jocelyne Riou ?

M. Jean-Michel MARCHAND : J'ai quelques questions propres à la région parisienne. Qu'en est-il de la taxe professionnelle ? Comment envisagez-vous la question du logement social qui pose un problème assez spécifique dans votre région ? Ne craignez-vous pas qu'en définissant dix territoires prioritaires vous n'ayez, à nouveau, une segmentation de territoires ?

Mme Jocelyne RIOU : Je répète que la formule « territoire prioritaire » dit bien ce qu'elle veut dire et que nous avons vraiment l'intention de travailler sur ces territoires en cherchant à irriguer les autres en même temps.

Cela étant, sur ces dix territoires prioritaires, nous n'interviendrons pas exactement de la même façon et je vais vous en donner un exemple concret évoqué actuellement par la presse, celui des terrains Renault de Boulogne Billancourt. Il y a soixante-dix hectares à aménager et la région Ile-de-France ne peut pas être indifférente à la façon dont ils vont l'être car ce ne sera pas sans conséquence sur le reste de la région. Il est clair que nous n'interviendrons pas exactement de la même façon dans la mesure où le problème posé sur ce territoire n'est pas tout à fait le même qu'en Seine amont et si ce lieu nous semble devoir faire partie des sites prioritaires, c'est en termes de qualité d'aménagement.

Pour ce qui est de la taxe professionnelle, je dirai que c'est une vaste question qui n'est pas tranchée et sur laquelle je vais vous donner une opinion personnelle.

Je pense que le problème de la réforme de la fiscalité se pose à l'Ile-de-France en règle générale et que l'instauration d'une taxe professionnelle régionale serait la réponse la plus pertinente. Clichy et Monfermeil ont constitué une communauté de communes avec une taxe professionnelle unique mais, même si je trouve cela positif, il n'en reste pas moins que lorsque l'on compare la taxe professionnelle des entreprises de Clichy-Montfermeil avec celles des entreprises de Boulogne Billancourt, on reste songeur : la taxe professionnelle unique dans le Val de Seine est une initiative intéressante mais elle ne résorbe pas les inégalités de l'Ile-de-France ...

Il s'agit d'une vraie question car le fait que l'on institue une taxe professionnelle unique par agglomération de dix ou douze villes peut constituer une des solutions mais ne suffit pas à résoudre les déséquilibres régionaux. Saint-Denis et Aubervilliers qui viennent de former une communauté de communes ont également choisi d'appliquer une taxe professionnelle unique, ce qui va probablement les aider mais l'une des communes se voit contrainte d'augmenter son taux pour y parvenir. Il faut donc avoir bien conscience que la taxe professionnelle unique d'agglomération ne peut pas résoudre les inégalités de territoire à l'intérieur d'une région : je ne connais pas assez bien les régions pour pouvoir affirmer que cela se confirme partout mais, en tout cas, c'est très vrai pour l'Ile-de-France.

M. LE PRESIDENT : On ne peut sans doute supprimer les inégalités à l'intérieur d'une région, mais il existe souvent à l'intérieur d'une agglomération des disparités très fortes de taxe professionnelle et on peut déjà les gommer en partie...

Mme Jocelyne RIOU : J'ai pris exprès cet exemple parce que c'était le plus caricatural. Clichy et Montfermeil étaient deux villes dortoirs en très grosse difficulté mais, quelle que soit leur taxe professionnelle, il n'y aura jamais de comparaison avec celle de Boulogne ...

M. LE PRESIDENT : Sans vouloir trop s'éloigner de notre sujet, cela peut leur permettre d'avoir une politique unique de développement.

Mme Jocelyne RIOU : C'est une mesure qui peut être utile à l'intérieur d'une agglomération mais qui n'est pas de nature à effacer les disparités à l'intérieur d'une région.

M. Jean-Claude DANIEL : Le bilan que vous dressez pour les vingt villes dont vous parliez précédemment est-il particulièrement conforté par la présence d'un équipement industriel fort, disons d'un instrument aéroportuaire, et toute la zone économique environnante ?

Mme Jocelyne RIOU : Non, l'instrument aéroportuaire ne concerne pas Saint-Denis mais Tremblay. Saint-Denis est en train de se développer notamment grâce au Stade de France mais la problématique de Roissy se pose à Tremblay, Villepinte et pas à Saint-Denis ou Aubervilliers.

Pour voir comment jouent les infrastructures, il faut savoir que la coopération Saint-Denis- Aubervilliers est très ancienne. Il n'empêche que les transports en commun sont allés jusqu'à Saint-Denis mais ne sont pas arrivés jusqu'à Aubervilliers, ce qui explique le développement de Saint-Denis et la stagnation d'Aubervilliers, faute de transports en commun. On voit bien qu'il faudra intervenir fortement sur toutes ces questions qui concourent à faire vivre le territoire.

J'en arrive au problème du logement social, très important pour l'Ile-de-France qui traverse une crise du logement particulièrement aiguë. Il faut commencer par redonner ses lettres de noblesse au logement social parce qu'au fil des années, on a réussi, notamment en raison de la crise et de tous les événements qui s'en sont suivis, à instiller dans l'esprit des gens l'idée que le logement social signifiait mauvais logement et logement de pauvres.

Or quelle était l'origine du logement social ? C'était de faire en sorte que les salariés qui ne pouvaient pas, ou ne souhaitaient pas, devenir propriétaires puissent accéder à un logement décent. Au départ, la mixité existait dans les logements sociaux : on trouvait le technicien, l'assistante sociale, l'infirmière, l'ouvrier ou l'institutrice, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

Si nous voulons repeupler les quartiers de façon différente, il faut modifier cette perception négative du logement social.

Il y a des mesures fortes à prendre, et je pense particulièrement en région parisienne, qui sont liées aux plafonds de ressources. Il y a également nécessité de mener une politique foncière vigoureuse, les loyers étant beaucoup trop élevés pour certaines familles et en inadéquation avec l'aide personnalisée au logement. Pour bénéficier de cette aide, il faut être vraiment très pauvre et quand on ne loge dans les immeubles que des locataires qui ont le droit à l'aide personnalisée au logement, la situation devient très difficile et très compliquée. Or, un couple avec un enfant gagnant deux Smic n'a pas le droit à l'aide personnalisée au logement et cela pose un problème étant donné les prix des loyers en Ile-de-France.

J'estime que la question du foncier en Ile-de-France est fondamentale, primordiale pour pouvoir abaisser les coûts et pour que toutes les villes puissent accueillir du logement social, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Moi qui appartiens à une génération et à une ville où l'on sait tout ce que le logement social a apporté aux populations en donnant aux gens la possibilité d'avoir un logement dans lequel vivre dignement, je pense que nous avons intérêt à bien le resituer d'autant qu'aujourd'hui on construit des logements sociaux de qualité auxquels nombre de personnes qui occupent un logement privé souhaiteraient avoir accès.

Il me semble important, d'une part, de ne pas confondre le logement social avec les barres et les tours, et les questions d'urbanisme, d'architecture avec celles de logement et, d'autre part, d'éviter, en ce qui concerne les phénomènes de crise, de faire porter au logement social une responsabilité qu'il n'a pas. S'il y a des difficultés de vie dans les cités, personnellement, je les attribue surtout à la façon dont on a conçu l'urbanisme dans les années soixante en cloisonnant les lieux de vie, de travail et de loisir. Quand les gens travaillent, le système tient à peu près, mais il devient épouvantablement destructeur pour tous ceux qui se trouvent totalement coupés du monde du travail. La « mal-vie » dans les cités, est avant tout liée au chômage.

M. Jean-Claude DANIEL : J'aimerais aussi également savoir si vous aviez envisagé une politique de répartition du logement social entre des communes qui n'auraient pas adopté la même stratégie.

Mme Jocelyne RIOU : Au niveau régional, nous n'avons pas le pouvoir de le faire ! Le logement relève d'une compétence nationale. Nous nous sommes engagés, depuis deux ans, au niveau de l'exécutif régional, à financer les réhabilitations et nous nous disposons à travailler, pour le prochain contrat de plan, sur un sujet qui est tout à fait important en Ile-de-France et sans doute aussi ailleurs, notamment dans un certain nombre de métropoles, à savoir la copropriété dégradée. C'est une vraie question et je dis toujours que si l'on parle beaucoup des HLM de Montfermeil, on oublie trop souvent qu'à l'origine il ne s'agissait pas de HLM mais de copropriétés.

Pour éviter des difficultés, puisque nous sommes confrontés à ce problème, nous allons intervenir pour la réhabilitation. La future loi sur l'urbanisme devrait nous permettre d'être plus incitatifs et c'est pourquoi je considère qu'il conviendra, lorsqu'elle viendra en discussion, de remettre en valeur le logement social pour en finir avec cette idée qu'il est source des problèmes au sein d'une communauté.

M. LE PRESIDENT : Mme Jocelyne Riou, M. Adrien Zeller, je vous remercie pour cette première prise de contact de notre Délégation avec l'Association des Régions de France avec laquelle, sans nul doute, nous aurons encore à travailler sur ce sujet.


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