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DÉLÉGATION A L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Audition de MM. René BEAUMONT, Roger BESSE et François FORTASSIN, représentants de l'Assemblée des départements de France

Réunion du mercredi 26 janvier 2000

Présidence de M. Philippe DURON, Président

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui les représentants de l'Assemblée des départements de France, MM. René Beaumont, Président du conseil général de Saône-et-Loire, Roger Besse, Président du conseil général du Cantal et François Fortassin, Président du conseil général des Hautes-Pyrénées.

Notre Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan État-région en cours de signature. Elle s'intéresse tout particulièrement à leur volet territorial, et souhaite que cette réunion porte essentiellement sur ce thème.

Vous savez, en effet, que la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, dans ses articles 25 et 26, offre aux pays et aux agglomératons la possibilité de signer un contrat particulier avec qui doit s'inscrire dans l'enveloppe des contrats de plan État-région. Lors du (Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 23 juillet 1999, le Premier ministre a indiqué que 20 % du montant de cette enveloppe seraient consacrés au volet territorial.

Cette nouvelle disposition, destinée à promouvoir les projets de territoire, est d'une application difficile dans la mesure où les territoires sont aujourd'hui en formation et ne sont donc pas en mesure de proposer à la contractualisation un projet immédiatement opérationnel.

Nous souhaitons connaître votre appréciation sur ce sujet, et savoir comment vous vous inscrivez dans le soutien de ces nouvelles mailles territoriales que sont les pays et les agglomérations.

M. René Beaumont, Président du Conseil général de Saône-et-Loire : Monsieur le Président, je vous remercie tout d'abord de votre volonté d'entendre l'Assemblée des départements de France sur un sujet qui la concerne au plus haut point.

Je réfléchissais tout à l'heure à l'affirmation du délégué à l'aménagement du territoire, M. Jean-Louis Guigou, devant le conseil national de ce même aménagement du territoire auquel j'ai l'honneur de participer : "C'est une grande chance que le mois de janvier 2000 soit le début à la fois de la contractualisation nationale et de la mise en place des fonds structurels européens."

C'est effectivement une chance si l'on veut bien assurer la cohérence entre la programmation nationale et les préoccupations européennes, mais il s'agit également d'une inquiétude, car la collision des diverses procédures va certainement créer des embouteillages. Et c'est d'ailleurs ce que nous constatons aujourd'hui.

J'ai bien entendu, monsieur le Président, votre souhait de nous entendre sur la contractualisation nationale, cependant je ne pourrai m'empêcher de vous dire un mot sur les fonds structurels qui sont également d'actualité.

S'agissant de la contractualisation nationale, je rappellerai (tout d'abord) la part que les départements y ont pris, pour dire, d'entrée de jeu, qu'ils sont tout à fait d'accord pour continuer. Nous l'avons d'ailleurs exprimé très clairement et d'une façon unanime au congrès de Toulouse, où nous avons eu la chance d'être entendus par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur. Nous avons trouvé une écoute attentive de leur part quant à l'intégration des départements dans les contrats de plan, notamment en les associant à leur élaboration. Nous souhaitons donc être associés, non seulement dans les domaines de notre compétence, mais également dans ceux où nous souhaiterions intervenir.

Cette participation s'est traduite, dans le passé, par 20 milliards de francs consacrés directement aux crédits d'accompagnement des contrats de plan de la précédente génération, puis par 50 milliards de francs par an consacrés aux aides aux collectivités ; chaque département a sa propre politique, mais tous les départements aident les communes et les groupements de communes. Enfin, il convient d'ajouter à ces sommes les crédits d'accompagnement que les départements ont versé en contrepartie de l'application des fonds structurels, environ 30 à 40 milliards de francs. L'implication des départements est donc importante, et elle le demeurera dans les prochains contrats de plan.

S'agissant des contrats de plan proprement dit, les départements tendent à conforter leurs engagements au service des territoires, mais également dans la politique de la ville, certaines de nos compétences nous y conduisant naturellement. Cette implication a été souhaitée par le gouvernement et clairement exprimée par le ministre de la ville, M. Claude Bartolone, dans sa circulaire du 31 décembre 1998.

Nous souhaitons également affirmer notre attachement à l'efficacité de l'action publique. Nous entendons, dans ce domaine, rechercher une véritable complémentarité entre les actions des différents partenaires et non une superposition d'interventions qui ne ferait que compliquer les dossiers.

A ce propos, nous ne sommes pas sûrs d'avoir été bien compris. Les départements vont, sur le terrain, être forcément chargés d'assurer la cohérence entre un certain nombre de dispositifs : nationaux, régionaux, schémas de services collectifs, schémas régionaux d'aménagement du territoire, directives territoriales d'aménagement du territoire, contrats globaux, contrats particuliers, procédures contractuelles diverses, contrats de massifs, plans de développement des fleuves. Par exemple, dans la prochaine contractualisation de contrats de plan de la Saône-et-Loire, nous avons quatre contrats de plan : le contrat de plan global, le contrat route Centre Europe Atlantique (RCEA), le contrat Loire et le contrat de plan compensatoire Saône/Rhin. Et pour ces quatre contrats, l'intervention de l'État sur les routes n'est jamais la même - celle des autres collectivités non plus d'ailleurs -, ce qui n'est pas simple à gérer.

Par ailleurs, nous demandons, dans ces contrats de plan - et nous rejoignons là les préoccupations de l'État - une évaluation permanente. L'État a souhaité également une étape d'évaluation forte au bout de trois ans. Celle-ci doit être accompagnée d'une évaluation permanente du déroulement des procédures contractuelles, en y associant l'État, les régions, les départements, les élus locaux et les socioprofessionnels qui sont les mieux à même, sur le terrain, de juger les résultats.

S'agissant des politiques contractuelles, nous souhaitons qu'elles respectent les compétences jusqu'alors dévolues à chacune des collectivités ; qu'elles évitent les chevauchements que j'évoquais tout à l'heure et qui sont préjudiciables à l'identité de l'action et générateurs de surcoûts de fonctionnement très importants. Prenons l'exemple de l'humanisation des maisons de retraites qui est de la compétence des conseils généraux. Cela semble être une préoccupation de l'État, mais nous n'avons pas la possibilité de contractualiser directement avec lui ! Dans le contrat de plan précédent, la région avait été obligée de participer à l'humanisation des maisons de retraite à hauteur de 5 % afin de prouver sa volonté de contractualiser avec l'État. Cette démarche est stupide ! Elle a mobilisé trois fonctionnaires régionaux pour gérer les dossiers et des semaines de retard pour chacun d'entre eux. La région peut très bien signer un contrat sachant que les départements sont prêts à cosigner sur un point qui est de leur compétence.

Nous souhaiterions également, pour les missions partagées, que soit mise en place la notion de chef de file. Lorsque la compétence de telle ou telle collectivité est affirmée, celle-ci devrait piloter totalement le dossier et trouver des cofinancements auprès d'autres collectivités voulant y participer. Ce serait là une simplification évidente pour les élus de terrain qui comprennent mal pourquoi il est nécessaire d'établir trois ou quatre dossiers pour une action relativement simple qui pourrait être traitée autrement que par des politiques contractuelles croisées entre les différentes collectivités.

Autre point important dans la cohérence de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l'État : nous souhaitons une déconcentration des services de l'État de façon à avoir, aussi bien au niveau des régions que des départements, un véritable interlocuteur ; il est vrai que de remonter à l'échelon national prend beaucoup plus de temps.

Par ailleurs, nous demandons une possibilité de délégation de maîtrise d'ouvrage de la part de l'État lorsque telle ou telle collectivité - ou groupement de collectivités - assure la plus grande part du financement.

J'ouvrirai une parenthèse pour dire qu'il convient de déterminer précisément à la fois les collectivités participant aux opérations et les subventions, pour plus de clarté. S'agissant de la route Centre Europe Atlantique que j'évoquais tout à l'heure, lorsqu'on fait le compte de la participation de l'État hors taxes - puisqu'il récupère la TVA sur l'ensemble du dispositif -, on s'aperçoit que son financement est bien moins important que celui des régions et des départements réunis, la différence étant de 150 millions de francs.

Dans ces conditions, on s'interroge sur l'opportunité d'une maîtrise d'ouvrage obligatoirement étatique. En septembre dernier, M. Michel Delebarre disait d'ailleurs très justement qu'il avait le sentiment, à travers les contrats de plan, que l'État faisait son marché dans le panier des départements et des régions.

Si je reprends l'exemple de la route Centre Europe Atlantique, l'État en a certes fait une priorité en la finançant largement dans tous les contrats de plan, mais pour une voie expresse à deux fois une voie - elle passera à deux fois deux voies à partir de ce contrat de plan - qui reste une route nationale.

Il nous paraît donc intéressant de réfléchir à une délégation de maîtrise d'ouvrage de l'État qui s'imposerait dans un certain nombre de cas où les collectivités prennent une plus grande part que l'État dans le financement.

Au sujet des contrats de pays, monsieur le Président, la position de l'ADF a beaucoup évolué. Au départ, cette démarche avait été reçue assez fraîchement, mais les minoritaires que je représentais ont fait école et, aujourd'hui, tout le monde a intégré cette notion en comprenant que le pays n'était pas forcément l'ennemi du département. Actuellement, la plupart des départements ont mis en place des structures permettant l'émergence des pays - ce sont en général les mêmes dispositifs que pour les agglomérations.

Les conseils généraux et les conseils régionaux peuvent, à la demande de l'un ou de l'autre, être associés à un établissement public de coopération intercommunale, conformément à l'article 33 de la loi du 12 juillet 1999, dans les domaines de leur compétence, chaque fois qu'ils en voient l'avantage et l'intérêt : nous souhaitons que cette possibilité d'association soit élargie aux pays.

J'évoquerai maintenant les contrats de ville qui sont en cours de préparation et j'en profiterai pour donner une photographie de l'ensemble des départements quant à leur appréciation sur l'association dont ils sont l'objet avec les autres partenaires - régions et État - pendant ces contrats de plan. Les témoignages sont très différents d'un département à l'autre. Nous avons réuni la commission d'aménagement du territoire au début du mois de janvier : les appréciations étaient diverses, mais plutôt pessimistes au sujet de leur implication, car il n'y a pas eu de véritable concertation.

En Bourgogne, les concertations sur le contrat de plan se sont très bien passées - cela se passe toujours bien -, notamment pour les contrats de ville ; nous sommes en effet désormais associés à l'ensemble des contrats de ville qui couvrent nos territoires. Mais certains conseillers généraux d'autres départements nous ont fait savoir qu'ils ne participeraient pas aux contrats de ville, déplorant ainsi le manque de concertation ; il s'agit d'une minorité, mais elle existe.

Nous souhaitons participer, non seulement dans nos compétences réelles, mais également dans des compétences qui sont à la marge : l'échec scolaire, la violence, l'insertion sociale et professionnelle, la citoyenneté ou le logement, tous domaines qui sont de la compétence de l'État, mais pour lesquels nous nous engageons fortement et volontairement. En Bourgogne, nous nous sommes impliqués dans le logement social à hauteur de 4 millions de francs par an pendant sept ans.

Je dirai maintenant un mot sur les fonds structurels européens et les zonages - je m'exprimerai là sous ma double casquette de Président de conseil général et de membre du conseil national de l'aménagement du territoire - pour lesquels la concertation est inexistante. Nous avons tout vu, dans ce domaine.

S'agissant de la prime de l'aménagement du territoire (PAT) pour laquelle nous ne sommes pas trop mal informés, nous savons - par indiscrétion - que le Gouvernement français vient de retourner sa copie à Bruxelles ; or personne n'a été consulté : ni le conseil national de l'aménagement du territoire, ni les départements, ni les régions. C'est tout de même un peu gênant ! D'autant que nous sommes directement mêlés à l'utilisation des fonds structurels - 30 à 40 milliards de francs en contrepartie.

Je dois reconnaître que s'agissant de la carte des fonds structurels, la concertation a eu lieu sur le terrain. Très rapidement, certes, mais elle a eu lieu.

Je note aujourd'hui que pour la mise en place des documents uniques de programmation (DOCUP), nous avons reçu, le 16 janvier, le secrétaire général des affaires régionales qui nous a expliqué qu'une concertation allait avoir lieu du 16 au 31 janvier, puis du 1er au 15 mars. Les DOCUP serviront tout de même à gérer les crédits européens pendant sept ans pour l'ensemble du territoire ; pensez-vous qu'une concertation puisse être qualifiée de sérieuse lorsqu'elle dure deux fois quinze jours ?

Par ailleurs, la première concertation devait commencer le 16 et se terminer le 31 janvier, or nous sommes le 26 et nous n'avons toujours pas reçu de convocation ! Au mois de mars, la concertation sera du même type - c'est-à-dire nulle - et les DOCUP seront rédigés par les services du Secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) ! Ils sont certainement compétents, mais nous aurions pu leur apporter un certain nombre de connaissances précises que nous avons sur ce dossier.

Je terminerai mon propos liminaire en disant un mot sur le problème des intempéries.

Je vous laisserai deux documents, une lettre cosignée par l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, l'Association des régions de France, les chambres de commerce, les chambres d'agriculture et les chambres de métiers, et le communiqué de presse des trois institutions territoriales - communes, départements et régions.

Le Premier ministre a souhaité que les contrats de plan soient rapidement signés. Nous le souhaitons également mais nous ne voyons pas comment l'on pourrait y intégrer les mesures d'urgence prise en faveur des collectivités ayant souffert des intempéries. Nous ne pouvons pas bouleverser des contrats de plan que nous avons négociés, parfois assez durement, pour faire jouer la solidarité nationale.

Bien entendu, nous sommes tout à fait d'accord pour exercer cette solidarité conjointement avec l'État, mais dans un contrat de plan particulier.

Enfin, nous souhaiterions être entendus très rapidement par le Premier ministre afin de lui présenter nos propositions en matière de simplification administrative sur les dossiers de réparation des intempéries. En effet, si personne ne coordonne les aides sur le terrain, nous ne pourrons pas y parvenir. Dans mon département, dont les forêts sont particulièrement sinistrées, des bûcherons et des scieurs me demandent tous les jours « qui fait quoi ? », « avec qui ? » ; il n'y a aucune coordination.

Il serait donc souhaitable que l'État organise cette coordination et s'active sérieusement pour trouver des sites de stockage et mettre en place les équipements nécessaires, ce qui n'est pas simple, car il convient d'arroser ces bois pendant plusieurs mois, ce qui représente des volumes d'eau considérables. Si nous appliquons les règles des marchés dans ce domaine, les bois de France sont perdus.

M. François FORTASSIN, Président du conseil général des Hautes-Pyrénées : Monsieur le Président, mesdames, messieurs les députés, comme cela vient d'être dit par mon collègue, il y a, de la part des conseils généraux, une action volontariste sur les contrats de plan. Il est évident que dès l'instant où nous serons appelés à participer financièrement, nous devrons être consultés en amont.

Je parlerai de la région Midi-Pyrénées, puisque je suis à la fois Président du conseil général et conseiller régional. Même si nous n'y trouvons pas tout ce que nous souhaitions, notre contrat de plan est cependant relativement satisfaisant. La concertation a eu lieu. Cependant, nous pouvons aller plus loin et poser un certain nombre de questions.

Tout d'abord, le contrat de plan est un moment important dans la vie politique de nos institutions et doit être, pour nos collectivités, un moment fort synonyme de renforcement de la décentralisation.

Ensuite, nos collectivités sont des structures de proximité et lorsqu'on parle d'aménagement du territoire, il est tout à fait normal qu'elles occupent la place qui doit leur revenir.

J'insisterai sur un point qui nous paraît important et qui n'a pas été suffisamment pris en compte : celui d'une véritable évaluation du contrat de plan précédent. Cette évaluation doit se faire à plusieurs niveaux. Il convient tout d'abord de contrôler si l'objectif du "développement harmonieux et plus équilibré du territoire" est atteint ou si, au contraire, nous avons mené un certain nombre d'actions, certes intéressantes, mais qui n'apportent pas forcément la réponse souhaitée.

Si l'évaluation financière est réalisée - les services de l'État sont capables de dire si le contrat de plan est réalisé à 70 ou 80 % -, il n'y a pas d'évaluation en termes de pertinence et d'efficacité. C'est-à-dire que l'on ne mesure pas, lorsqu'un équipement est construit, s'il était indispensable de réaliser celui-là ou si l'on aurait dû en créer un autre.

Je reviendrai maintenant sur la délégation de la maîtrise d'ouvrage, évoquée précédemment. Grâce à la volonté de Lionel Jospin, lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, le plan Université 2000 a vu le jour. Le Premier ministre avait été, à l'époque, très clair, puisqu'il n'a obligé ni les conseils généraux, ni les conseils régionaux ni les villes à participer ; il nous a tout simplement expliqué que si nous y participions, il élaborerait un plan plus ambitieux. Or ce plan Université 2000 a été très bien accueilli et particulièrement utile - il se poursuit avec l'Université du troisième millénaire. Par ailleurs, dans mon département, le conseil général en a été le maître d'ouvrage. Il n'y a donc eu aucun problème.

En revanche, il convient de soulever le problème des routes. En effet, dans ce domaine, l'État et la région cofinancent à parts égales alors que les départements interviennent tout à fait librement. Lorsqu'il s'agit de rocades, les maîtrises d'ouvrage reviennent, soit aux communes, soit aux conseils généraux. En rase campagne, les routes étant nationales, l'État a systématiquement la maîtrise d'ouvrage.

J'admets volontiers que l'État ne veuille pas abandonner totalement la maîtrise d'ouvrage. En revanche, il serait utile qu'elle soit partagée, notamment par souci d'efficacité ; si nos services techniques étaient chargés de réaliser un certain nombre de travaux, ils iraient certainement plus vite et cela coûterait moins cher !

Accessoirement, il y a même un "petit" problème financier ! Pour la région Midi-Pyrénées, il est de plus de 6 milliards de francs. Sur ces 6 milliards de francs, l'État participe à hauteur de 2,4 milliards, mais récupère la TVA. Il y a là un problème.

Je serai très clair : nous ne demandons pas systématiquement la maîtrise d'ouvrage, mais il serait souhaitable de faire, par exemple, une répartition trois quarts, un quart, l'État conservant la maîtrise pour tous les ouvrages d'art.

Dans un département comme le mien, avec 120 kilomètres de routes nationales et 2 700 kilomètres de routes départementales, les fonctionnaires de l'État ne sont pas nécessairement plus compétents que ceux de notre collectivité dans ce domaine. Et ce problème est important en termes d'efficacité.

Au sujet des nouvelles techniques de communication, je voudrais aborder le problème du haut débit. Nous avons aujourd'hui une grande diversité de canaux traversant nos départements sans que personne n'en soit informé ; ce n'est pas normal. A l'instar de ce qui se fait pour les routes, nous aimerions être informés et consultés, au lieu d'entendre France Télécom se contenter de dire qu'elle peut satisfaire nos besoins dans ce domaine.

Quant aux pays, il est indispensable que nous y soyons associés ; une collectivité de proximité comme la nôtre ne comprendrait pas que cela ne soit pas le cas. Bien entendu, cela peut être variable d'un département à l'autre, mais je souhaite, dans un petit département comme le mien, qu'il n'y ait pas de zones d'ombre.

En effet, si nous laissons l'initiative locale à ceux qui sont les plus dynamiques, ils se fédéreront en pays et laisseront de côté des zones moins développées ; au bout de dix ans, cela deviendra catastrophique car il y aura une grande disparité dans le développement.

Quant à la concertation, je dirai qu'elle peut toujours être meilleure. Cela dit, il convient aussi quelquefois de la susciter. Certaines personnes détenant un soupçon de pouvoir ont tendance à considérer que celui-ci s'exerce encore mieux si elles font de la rétention d'information ; à nous de leur faire savoir que nous n'acceptons pas ce genre de comportement.

M. Roger BESSE, Président du conseil général du Cantal : Monsieur le Président, le contrat de plan de ma région a été élaboré avec un minimum de concertation. Le Président du conseil régional a multiplié les réunions, et si les départements ont été amenés à apporter une contribution écrite, il n'y a eu ni véritable concertation, ni véritable dialogue. Cependant, j'espère que cette situation va s'améliorer, quatre réunions étant prévues en l'espace de dix jours.

S'agissant des fonds structurels et du zonage PAT, il n'y a eu aucune concertation. Nous avons été convoqués par le préfet de région qui nous a montré une carte, nous a à peine écoutés, puis a clos le dialogue après une demi heure de discussion.

Cette carte nous a été imposée : tout le département est éligible à la PAT, à l'exception de la zone la plus dynamique, celle de la préfecture. Cela est complètement incohérent, car au cours des dix dernières années, toutes les PAT qui ont été attribuées l'ont précisément été sur la ville préfecture, la ville plus dynamique !

Par ailleurs, s'agissant des fonds structurels européens, tout le département est classé en objectif 2, à l'exception des 17 communes les plus dynamiques. Nous avons essayé de faire valoir un certain nombre d'arguments, mais nous avons échoué. Quant aux DOCUP, nous ne disposons d'aucune information à leur sujet.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par M. René Beaumont, mais sachez que je suis d'accord avec tous les sujets qu'il a développés, sans aucune exception.

Dans ma région, les stations thermales sont importantes et en difficulté ; je regrette que rien ne soit prévu dans le contrat de plan en leur faveur, si ce n'est quelques mesures ponctuelles qui ne peuvent répondre à leurs besoins. Tous les établissements de la région Auvergne devraient faire l'objet d'une remise à niveau indispensable, voire, au vu des nouvelles normes, d'une reconstruction pure et simple. Nous aurions donc souhaité un plan thermal plus fort et plus structuré.

Je souhaiterais aussi aborder le problème des zones d'ombre dans le domaine des réseaux de télécommunications. M. Michel Bon, PDG de France Télécom, me disait ce matin qu'il y aurait, à la fin de l'année, plus d'abonnements sur les téléphones mobiles que sur les postes fixes - ce qui était totalement imprévisible voilà cinq ans. Compte tenu de cette évolution, je regrette vivement que 20 % de la population vivant dans les zones de montagne ne soient pas couverts. M. Michel Bon me disait que leur couverture pourrait se faire par satellite, mais à coût beaucoup plus élevé. La seule solution est d'installer des relais, mais un relais coûte au minimum 300 000 francs alors qu'il ne concerne qu'une très faible partie de la population. Les communes n'ont pas les moyens et ces populations, déjà très isolées, vont être encore plus marginalisées.

S'agissant des pays, la position de l'ADF a évolué ; nous sommes maintenant pratiquement tous favorables à leur émergence. M. François Fortassin a raison d'insister sur le fait que les départements ne devront pas être démembrés et qu'il ne faudrait pas que des zones entières soient privées de cette dynamique qui devrait permettre de mettre en place les pays.

Par ailleurs, je voudrais vous rapporter les propos de M. Jean-Louis Guigou, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, qui nous a affirmé que, pour la création des pays, il était prêt à apporter une aide importante pour permettre une mobilisation de la matière grise, notamment dans les zones qui en ont le plus besoin.

En ce qui concerne les intempéries, se pose le problème de la mise en place et de la concrétisation des mesures annoncées par le Premier ministre. Plusieurs réunions ont eu lieu sur le terrain avec les responsables de la filière bois : le temps presse, une course contre la montre est engagée car les résineux, par exemple, doivent impérativement être traités dans les quatre mois qui viennent.

Le stockage, la valorisation et l'évacuation des bois sont des mesures qui doivent intervenir très vite. La SNCF semble prête à apporter son aide en cette matière - cela ne peut qu'augmenter son chiffre d'affaires. Elle est donc invitée par le Premier ministre à favoriser l'enlèvement du bois pour l'acheminer vers des fabriques de pâtes à papier ou des scieries. Cependant, certains départements sont dépourvus de lignes SNCF ; dans mon département, par exemple, 292 kilomètres de ligne ont été fermés en dix ans. Il conviendrait donc de les rouvrir pour le fret.

La SNCF est d'accord sur le principe, mais attend des ordres de sa direction. Contacté, son Président, Louis Gallois, a proposé de tenir une réunion à la fin de cette semaine, son attention ayant été attiré sur l'urgence des mesures à prendre.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie. Vous avez abordé un vaste champ de préoccupations qui dépasse un peu l'objet de cette audition et dont il a été question dans le débat sur la loi d'orientation et l'aménagement du territoire. Nous avons veillé, dans cette loi, à ce que les départements soient associés à la préparation des contrats de plan , aussi bien en amont qu'en aval.

Notre collègue, Marie-Françoise Pérol-Dumont, a été une avocate attentive et efficace de la cause des départements et des conseils généraux. Je crois que nous avançons, même si les résultats, sur le terrain, sont encore inégaux et que certaines régions sont plus ouvertes à la concertation que d'autres.

J'aimerais revenir sur ce qui préoccupe la Délégation, à savoir le volet lié à la contractualisation, avec les pays et les agglomérations. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur la délimitation des territoires pertinents, sur la taille de cette maille d'aménagement du territoire : doit-elle se rapprocher du bassin d'emplois comme nous l'avons souhaité dans la loi - nous avons l'impression que certains pays émergents sont d'une taille un peu faible pour être capables de porter un projet ambitieux ? Que pensez-vous des pays trans-départementaux qui peuvent recouper des mailles anciennes telles que le canton ou l'arrondissement ?

Par ailleurs, êtes-vous tentés de jouer le jeu des pays et des agglomérations pour mieux territorialiser vos politiques départementales ? M. Adrien Zeller nous disait la semaine dernière que l'Alsace allait lancer cette politique en s'appuyant sur la maille "pays" pour les politiques de formation professionnelle ou d'appui aux PMI-PME.

Enfin, quelles sont les thématiques des projets de pays qui vous semblent les plus nécessaires ?

M. Jean-Michel Marchand : Messieurs, je souhaiterais avoir votre réaction et votre sentiment sur ce qui est prévu dans la loi, c'est-à-dire la possibilité pour l'agglomération et le pays d'exister sur le même territoire, l'agglomération étant incluse au sein d'un pays.

Dans certains départements - et le mien en particulier -, la gestion de ce problème est très diversifiée, avec parfois une volonté d'exclure les agglomérations des pays. Je voudrais donc connaître votre sentiment et savoir si vous avez une vision plus large que la mienne.

M. Pierre Cohen : Il me semble que l'on parle beaucoup des pays - et je comprends la relation département/pays -, mais la nouveauté réside tout de même avec les lois Voynet et Chevènement dans la reconnaissance et l'émergence des agglomérations.

Vous nous avez affirmé que les dispositifs pour les agglomérations et les pays sont les mêmes ; il y a tout de même un certain nombre de compétences obligatoires dans les pays qui peuvent vous amener à vous positionner de façon plus précise : les problèmes des transports en commun, les contrats de ville et les problèmes d'aménagement du territoire avec les schémas directeurs ou autres.

Par ailleurs, vous avez insisté sur le fait qu'il convenait de bien cibler les compétences sur lesquelles vous devez avoir une responsabilité, voire une contractualisation directe avec l'État. La loi parle des schémas de services collectifs : les technologies de communication en font partie. Sur les autres, y a-t-il des points précis sur lesquels vous souhaitez être partenaires à part entière au nom de tous les départements, afin d'avoir une politique cohérente et pour que sur ces contrats de plan État-région et sur la notion de schémas de services collectifs les départements puissent se positionner ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont : Monsieur le Président, le fait que nous ayons invité les représentants de l'Assemblée départementale de France pour l'une de nos premières auditions est significatif de l'importance que nous accordons à l'échelon départemental.

Nous sommes ici un certain nombre à être membres d'exécutifs départementaux, il est donc normal que nous soyons en phase, au-delà de nos philosophies personnelles, sur les sujets abordés ce matin.

Ma remarque concerne notamment le sujet très important de la délégation de la maîtrise d'ouvrage. Le rôle de notre Délégation est d'évaluer, mais également de proposer. Et il est important, monsieur le Président, que nous reprenions cette idée : pour des raisons financières, pour des raisons d'efficacité, mais aussi parce que je suis convaincue qu'il s'agit d'une deuxième étape de la décentralisation et que nous en sommes à un stade où il convient d'affirmer ces principes.

M. Serge Poignant : Monsieur le Président, étant membre d'un exécutif départemental, je pense que le département doit avoir toute sa place à la fois dans la réflexion et la concertation, ainsi qu'auprès des pays.

J'aimerais connaître la position de l'Assemblée départementale de France sur la partie territoriale de la contractualisation. Mme Dominique Voynet nous a dit que l'on allait réserver un tiers des crédits pour la partie territoriale sur les contrats de plan - en 2003 peut-être. Quel est l'avis de l'ADF à ce sujet ?

M. Nicolas Forissier : Un mot simplement pour poursuivre les réflexions qui ont été faites sur les pays. Je pense qu'il faut aller plus loin. Pour ma part, je suis non pas conseiller général, mais président d'un pays. Or j'ai le sentiment que l'évolution, dans la nouvelle répartition des territoires, n'est pas favorable aux départements. Un pays est composé - en tout cas chez moi - de plusieurs cantons qui forment un bassin de vie, avec une logique économique, une logique de flux de populations et une logique d'aménagement du territoire.

Ne pensez-vous pas, en tant que représentants des départements, qu'il y a dans cette émergence des pays, soit parce qu'ils ont été favorisés par l'État - après les lois Pasqua et Voynet -, soit parce qu'il y a des contractualisations directes entre ces pays émergents et les conseils régionaux, une remise en cause du découpage départemental, voire des départements ? Et je lie cela à ce que j'entends régulièrement concernant l'échelon administratif de trop en France.

M. René Beaumont : Au risque d'être irrévérencieux, je répondrai tout d'abord à M. Nicolas Forissier ! Sur la question de la disparition des départements, l'Assemblée départementale de France a été unanime - moins une voix - au congrès de Toulouse, devant le Premier ministre et le ministre de l'intérieur : les départements ont la volonté de continuer à exister. Bien entendu, cela ne veut pas dire que dans 20 ou 30 ans il ne faudra pas repenser la carte d'administration territoriale de la République ! Mais l'histoire nous a appris que l'on supprimait rarement un échelon dans l'administration territoriale française !

Par ailleurs, j'ai noté ici, tout comme au congrès de Toulouse, l'attachement des parlementaires aux départements,. Et le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont confirmé notre sentiment. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les départements participent très activement à l'émergence des pays.

A la question « comment envisagerons-nous de fonctionner dans ces conditions ? », je répondrai tout simplement : d'abord dans nos domaines de compétence, aussi bien pour les pays que pour les agglomérations. Je vous ai dit tout à l'heure ce qu'il en était pour les contrats de ville, et je vous pose une question à mon tour : quid des contrats d'agglomération sur la ville ? Que va-t-on en faire ? Personne n'en sait rien.

Nous nous impliquerons donc dans nos compétences et même en dehors, si on le juge nécessaire. Dans quels domaines privilégiés ? Les départements, en matière d'aménagement du territoire, sont des terres d'équilibre : ils ont tous une ville et des campagnes. Un des thèmes dominants sera celui de l'égalité géographique des chances : que l'habitant du canton le plus reculé du Cantal et celui des Hauts-de-Seine aient les mêmes chances. Cela n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, j'ai des chiffres assez précis sur l'aide de l'État : elle est sept fois supérieure - par habitant - dans les Hauts-de-Seine qu'en Lozère !

Tout cela pour vous dire que le trait dominant est d'essayer d'établir, dans tous les domaines, l'égalité des chances. Bien entendu, il s'agit d'un objectif utopique dans de nombreux secteurs, mais il ne faut pas laisser le fossé se creuser ; nous avons besoin de mieux répartir les hommes sur l'ensemble du territoire.

J'en viens maintenant à la délimitation des territoires structurels. A propos des pays trop petits, j'observe qu'ils n'ont pour vocation que de combler une absence d'intercommunalité. Partout où l'on trouve des zones d'intercommunalité, il n'y a pas d'émergence de pays de petite taille. Or il me paraît dangereux de sauter l'étape de l'intercommunalité, car les compétences des uns ne sont pas celles des autres.

Si on laissait ces petits pays, de 5 000 ou 10 000 habitants, d'un canton ou un canton et demi contractualiser directement avec l'État, on commettrait une lourde erreur.

S'agissant de la contractualisation directe, vous avez cité l'exemple de l'Alsace, monsieur le Président. Mais il s'agit d'un mauvais exemple ! En effet, les élus d'Alsace ont la volonté de réunir leurs deux départements pour n'en faire qu'un. Dans un tel cas, la région et le département pourront tous deux contractualiser avec les pays. Mais il s'agit d'un cas isolé.

En ce qui concerne la question sur les thématiques des projets de pays, je pensais y avoir répondu. Il y aura bien entendu, en priorité, celles qui sont de nos compétences plus toutes celles qui peuvent concourir à cette égalité géographique des chances ; je pense, par exemple, au transport, fret et passagers.

Reprenons l'exemple du transport scolaire pour lequel nous pourrions, par les contrats de plan, obtenir des aides importantes de l'État. Lorsque l'État ferme une école dans une commune rurale, l'État et la commune font des économies alors que le département finance le transport scolaire. Il serait normal, dans un tel cas, que l'État donne une somme forfaitaire au département pour organiser les transports.

Aujourd'hui, nous devons aller plus loin en matière de transport scolaire et des jeunes en particulier. Il convient de faire en sorte que ceux qui habitent à 50 ou 60 kilomètres d'une ville importante où se déroulent des événements sportifs et culturels, puissent s'y rendre. Je suis en train de mettre en place, dans mon département, en association avec les transporteurs, une possibilité de transports à demi tarif pendant les vacances pour toutes les personnes qui prennent le car scolaire durant l'année, pour se rendre à la ville la plus proche quand ils le désirent.

En ce qui concerne les agglomérations au sein des pays, j'y suis très favorable. J'ai de bons exemples dans mon département, notamment à Chalon-sur-Saône. Si l'on peut contractualiser avec l'agglomération d'un côté et le pays de l'autre - l'agglomération étant une partie du pays -, pourquoi pas !

M. Pierre Cohen a évoqué, dans les schémas de services collectifs, les nouvelles techniques de l'information et de la communication, point très important. M. François Fortassin a traité de la question des hauts débits, mais un autre problème se pose dans les contrats de plan : l'État et les régions ont mis en place des contrats de plan pour le développement des nouvelles techniques de l'infirmation et de la communication (NTIC) dans les lycées, nous laissant la responsabilité  d'en faire de même dans les collèges. Résultat : si l'on veut les développer dans les collèges, les départements devront en assurer l'intégralité du financement.

La délégation de la maîtrise d'ouvrage est, quant à elle, un vrai problème. Il ne s'agit pas simplement d'un souci financier mais aussi d'efficacité et M. François Fortassin l'a très bien expliqué. Dans les contrats de plan routiers, par exemple, certains travaux ne commenceront que dans de nombreuses années, l'État devant procéder à des acquisitions foncières. Or si la région ou les départements pouvaient acquérir le foncier, on gagnerait au moins deux ans ! D'où l'utilité de la délégation de la maîtrise d'ouvrage. Par ailleurs, nous avons l'habitude des acquisitions foncières, ce qui n'est pas le cas des services de l'État.

Enfin, je ne suis pas farouchement opposé aux pays trans-départementaux, même si pour l'instant je n'en connais pas beaucoup. Je suis actuellement sollicité par quelques communes d'un département voisin - le Jura - pour nous rejoindre - nous scolarisons déjà certains de leurs enfants. Simplement je pense que cela va nous apporter plus d'ennuis que d'avantages ; c'est la raison pour laquelle je leur propose d'en rester à la situation actuelle.

Mais lorsqu'il s'agit de véritables pays trans-départementaux, avec un vrai pays, un vrai bassin d'emplois, pourquoi pas !

M. le Président : Le cas peut se présenter pour des villes qui sont à la limite de plusieurs départements et qui ont une aire d'attraction sur deux, voire trois d'entre eux.

M. René Beaumont : Nous avons le cas dans mon département - mais je ne pense pas que l'on va le traiter de cette façon. Mâcon est proche des départements de Rhône-Alpes et de l'Ain ; or l'agglomération est formée de tout cet ensemble. Faut-il pour autant faire un pays trans-départemental ? Il faut être courageux, car j'y vois des difficultés importantes.

M. René Mangin : Monsieur René Beaumont, vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, les compétences des différentes collectivités et notamment celles du conseil général.

Je suis de Lorraine, région qui a connu de grosses difficultés et qui s'est emparée d'une compétence économique que la décentralisation ne lui accordait pas. En ce sens, il y a de grandes disparités, notamment entre les capacités fiscales, selon les départements. L'usine de la Smart s'est installée en Moselle parce que le département avait la capacité de l'accueillir.

Ne conviendrait-il pas d'interdire un certain nombre d'interventions économiques qui déséquilibrent le paysage, l'ensemble de l'activité et aspirent la richesse ?

M. François Fortassin : Monsieur le Président, je répondrai tout d'abord aux questions qui ont été posées précédemment.

Tout d'abord, il convient de faire attention lorsqu'on parle de collectivités « de trop », car l'on nous dit souvent que le département est un territoire pertinent. S'il ne doit être pertinent que pour le préfet, les élus que nous sommes allons cisailler la décentralisation ! C'est un peu comme les communautés de communes ; elles existent. Si elles se sont créées pour avoir quatre sous de plus, elles ne servent à rien. En revanche, si elles se sont créées autour d'un projet et en même temps pour que certaines communes puissent continuer à vivre, c'est une bonne chose.

Il convient également d'être très clair quant aux compétences des conseils généraux. Si nous nous contentions d'assumer nos obligations légales, nous remplirions notre mission, mais nous serions en retrait. En effet, les compétences légales ont été mises en place selon les lois de 1982 ; or la société évolue et nous devons, maintenant, obligatoirement intervenir dans un certain nombre d'autres domaines. C'est une nécessité. Et parfois, ces nouvelles interventions sont plus intéressantes.

Par ailleurs, les hommes politiques - quelle que soit leur tendance - doivent avoir, non seulement une vision économique, mais également - et avant tout - une vision humaniste. La notion de solidarité est très importante, à condition qu'elle n'aille pas du plus pauvre vers le plus riche !

De la même façon, il convient également de dénoncer les visions trop technocratiques ! Ce n'est pas parce qu'un canton a une petite taille qu'il faut le faire disparaître ; dans mon département, le canton le plus dynamique ne compte que 1 000 habitants ! Nous devons donc, quelquefois, aller à contre-courant des idées reçues.

Je vais peut-être aller un peu loin, mais au fond, l'on pourrait se passer des élus. Notre raison d'être est de représenter tout le monde, jusqu'aux plus démunis, sinon ils passent à la trappe et sont laminés. Et ce qui est vrai pour les hommes, l'est également pour les territoires.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie. Non seulement, vous avez répondu aux questions que nous nous posions, mais vous avez aussi pointé un certain nombre de sujets qui mériteront d'être repris par notre Délégation. Nous aurons certainement l'occasion de vous solliciter de nouveau dans les semaines ou les mois qui viennent.


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