Accueil > Archives de la XIe législatureDélégation à l'aménagement et au développement durable du territoire > Comptes rendus des réunions (session 1999-2000)

DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Audition de M. Michel Thénault, préfet de la région Champagne-Ardenne

Réunion du 9 mars 2000

Présidence de M. Philippe Duron, président

M. le Président : Deux Délégations ont été constituées, l'une au Sénat, l'autre à l'Assemblée nationale ; elles comprennent quinze membres et ont défini leurs objectifs. Le premier est de valider les schémas de services collectifs prévus par la loi ; le deuxième est de contribuer à l'évaluation du développement du territoire. Ces commissions peuvent aussi être saisies de tous les sujets concernant l'aménagement et le développement du territoire. Elles peuvent également être saisies par le Bureau de l'Assemblée nationale, les commissions de l'Assemblée nationale ainsi que par les commissions spéciales éventuellement mises en place pour les sujets concernant l'aménagement du territoire.

Notre premier thème de travail concerne la territorialisation des contrats de plan, envisagée par le premier ministre lors du Comité Interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire (CIADT) de juillet 1998, au cours duquel il a indiqué qu'au moins 20 % des fonds du contrat de plan seraient consacrés au financement des contrats de pays et des contrats d'agglomérations. De surcroît, nous avons entendu un certain nombre d'annonces -provenant parfois du ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire, parfois de la DATAR- nous indiquant que cette territorialisation mobiliserait 20  %, 25  %, voire 30  % des fonds du contrat de plan.

Nous nous sommes interrogés sur la manière de mobiliser ces fonds : s'agirait-il de fonds "fongibles", s'agirait-il de fonds particuliers réservés ou, au contraire, de lignes dédiées, soit en totalité soit en partie, à l'aménagement du territoire ? C'est d'ailleurs la solution adoptée par le gouvernement. Nous avons bien conscience aussi que, dans la mesure où les contrats de plan sont signés depuis le début de l'année 2000 -alors que la plupart des pays et des agglomérations commencent seulement à émerger-, le processus est complexe. Même si ceux-ci peuvent se constituer jusqu'en 2003, nous pouvons nous interroger sur la façon de réserver les fonds, sur la façon de différer les engagements.

Tout cela a amené la Délégation à suivre cette problématique, à étudier avec les divers acteurs de l'aménagement du territoire comment cette territorialisation se réalise dans les régions, d'une part, avec les préfets de région et, d'autre part, avec les présidents des exécutifs régionaux.

Depuis le début de cette mission, nous avons déjà entendu les représentants des grandes associations que sont l'Association des régions de France et l'Assemblée des départements de France. Nous avons reçu la conseillère du Premier ministre, Mme Bettina Laville, qui nous a expliqué comment les principes de la territorialisation et de son financement avaient été décidés dans des réunions interministérielles. Enfin, nous avons écouté les représentants de la DATAR qui travaillent sur le sujet.

A présent, nous engageons une investigation auprès des acteurs de terrain. C'est le sens de notre visite en Champagne-Ardenne pour rencontrer le président, M. Jean-Claude Étienne, le président du Conseil économique et social régional et certains présidents de groupe de la région, afin de connaître leur appréciation sur cette mise en œuvre de la territorialisation. Nous rencontrerons ensuite, dans les semaines qui viennent, deux de vos collègues, M. Rémy Pautrat, préfet du Nord-Pas-de-Calais, et M. Hubert Fournier, préfet de Basse Normandie, ma région d'origine.

Nous terminerons ce tour d'horizon avec M. Jacques Chérèque, qui a un regard expert et distancié, ainsi qu'avec évidemment Mme Dominique Voynet, qui viendra clore ce cycle d'auditions destiné à éclairer notre rapporteur, Jean-Claude Daniel, qui a la lourde tâche de rédiger le premier rapport de cette délégation.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, monsieur le préfet, il serait intéressant que vous nous éclairiez sur le paysage territorial de votre région. Où en est l'émergence des pays en Champagne-Ardenne ? Quel est le regard que vous portez sur les périmètres et leur pertinence ? Comment la loi Chevènement du 12 juillet 1992 fait-elle émerger les agglomérations dans votre région ?

Ensuite, nous pourrons peut-être en arriver au centre de nos préoccupations : le problème du financement de ces politiques à mettre en œuvre.

M. Michel Thénault : Je ne suis que depuis six semaines dans la région et je n'ai donc pas la prétention de l'appréhender dans sa totalité. Je l'ai approchée au travers de la fin de la négociation du contrat de plan, dans son modèle territorial.

Ma perception est que le volet territorial revêt une importance évidente dans le cadre du contrat de plan pour cette région. Pour quelles raisons ? Il est banal de répéter le diagnostic réalisé : c'est une région assez diversifiée dans tous les domaines. C'est particulièrement vrai par le fait que deux départements ont un poids considérable dans la région -dont l'un, en particulier, la Marne, représente 40 % de son poids démographique, entre autres- tandis que deux autres n'ont qu'un poids relativement faible.

A mon avis, la région doit être appréhendée assez finement au regard des chiffres : la valeur ajoutée par habitant apparaît relativement forte, mais assez concentrée en raison d'activités de prestige qui génèrent des flux inégalement répartis sur la région.

Une fois établi ce point de départ entre ces divers éléments, il reste deux principes. Le premier est que, statistiquement, la région est en léger déclin démographique et que les perspectives de l'INSEE ne laissent entrevoir aucun redressement immédiat. L'INSEE prévoit même une baisse de la population de l'ordre de 2,3 %. Bien que tout ne se mesure pas en termes démographiques, il est important de garder cette notion à l'esprit, car cette situation signifie certainement que, même si le recensement a montré que les évolutions entre les zones urbaines et les zones rurales n'étaient pas celles attendues, des évolutions à plusieurs vitesses se développeront néanmoins.

Second aspect : cette région commence seulement à définir sa vocation. Elle est confinée entre l'Est, puissant, confronté à des problèmes partiellement surmontés, et l'Ile-de-France en pleine explosion. Enchâssée entre ces deux régions, elle a vocation à développer ce prochain contrat d'avenir autour d'activités traditionnelles.

Je ne songe pas qu'à l'industrie : bien sûr, 28 % des emplois salariés relèvent de l'industrie, mais certaines perspectives économiques sont aussi liées à l'agriculture, qui aura abandonné sa forme actuelle dans quelques années, sous un double point de vue : d'une part, les besoins que nous avons de certains produits vont changer, comme les dérivés de la betterave, mais nous assisterons aussi à la valorisation non alimentaire d'un certain nombre de productions de cultures, comme les céréales.

Dernier aspect enfin : vue d'avion, la région est allongée ; c'est une région carrefour. Cela apparaît de plus en plus, notamment avec le tunnel sous la Manche. Le plan traduit donc cette vocation.

Cette vocation est implicite et c'est pourquoi nous avons eu des débats sur les infrastructures, en particulier routières ou autoroutières. Le contrat de plan a été fondé et axé autour du développement des infrastructures : alors que les crédits d'État sur ce type de programme sont habituellement de l'ordre de 25 % en moyenne, ils s'élèvent à 36 ou 38 % dans cette région. L'État mettra 865 MF sur les 2,4 milliards consacrés à cet aspect du contrat de plan.

Pour moi, c'est un choix à ne pas regretter, car il est essentiel. Surtout si l'on y ajoute trois autres composantes du contrat de plan : la première est le développement économique, la seconde est qu'au carrefour du développement économique et des voies de communication, une vocation logistique reste sûrement à développer. Ce n'est pas absurde dans cette région. Une troisième composante est la prise de conscience d'une très grande insuffisance quantitative en termes de recherche et de développement universitaire.

Avec ces divers éléments, la colonne vertébrale est à peu près dessinée. Au plan logistique, la présence de carrefours de voies de communication est essentielle dont, par exemple, l'arrivée du TGV -qui irriguera surtout le nord de la région- ou les revendications fortes concernant la liaison Paris-Bâle qui en est l'axe sud, mais aura un impact moins fort. Il se dessine donc une nouvelle vocation que le département de la Marne a bien appuyée.

Personnellement, j'ai le sentiment que, dans dix ans, les plates-formes qui ne disposeront pas d'une seule habitation à moins de 10 kilomètres, ce qui est le cas dans cette région très étendue, auront un bel avenir devant elles. Le commerce électronique y deviendra permanent, avec de moindres stocks de marchandises, mais il faudra tout de même des camions, des chemins de fer et des hommes pour le faire fonctionner. Par conséquent, par concentration de ce type de logistique, la région pourra tirer son épingle de ce jeu.

Elle le pourra d'autant plus si elle fait le choix de développer la recherche appliquée et fondamentale autour de l'emballage, du conditionnement, y compris dans le cadre de la valorisation non alimentaire de certaines productions, à long terme. Voilà pour les grandes orientations.

Quand on regarde la région, on est frappé par son étendue et sa faiblesse démographique : sa densité est de 52 habitants au kilomètre carré, c'est-à-dire moins de la moitié de la densité moyenne française. Dans ce contexte, il existe de vrais problèmes de territorialisation et d'aménagement du territoire, surtout si l'on observe le nombre d'agglomérations habitées, comme Reims qui compte plus de 250 000 habitants, Châlons, dans des niveaux d'agglomération très moyens avec 60.000 habitants, Troyes où se dessine sûrement un tropisme parisien, ainsi que Charleville-Mézières, Chaumont, Saint Dizier, Vitry-le-François. Un département comme la Marne compte 560.000 habitants pour 619 communes.

M. le Président : Sans la migration de Troyes, la moitié du département de l'Aube aurait disparu.

M. Michel Thénault : Le développement risquerait d'être dual si l'on n'y prenait garde : en effet, la population y est plutôt moins bien formée que la moyenne nationale car la région a connu une tradition industrielle, activité qui aujourd'hui n'exige plus une main d'œuvre aussi abondante. Je ne dis pas que cela conduit nécessairement à la non formation, mais certains bassins -y compris dans l'Ile-de-France- connaissent, avec le retrait des industries, un problème de qualification considérable.

Ajoutons-y un développement géographique dual entre l'est et l'ouest de la région qui se développent mieux que le nord et le sud, pour les mêmes raisons qu'indiquées auparavant. C'est une région dont on pourrait dire que le centre et l'ouest se développent assez convenablement avec le triangle Châlons, Epernay et Reims, mais que le sud Haut-Marnais, le nord Ardenais ou l'est connaissent un développement plus problématique.

M. le Président : Dès lors, les périphéries semblent beaucoup plus fragiles ?

M. Michel Thénault : Oui, parce qu'elles sont déficitaires en termes de communication, qu'elles n'ont connu que le bassin industriel traditionnel et parce que les distances sont considérables ; en termes de masse critique aussi. Il faut donc revoir certaines priorités.

Je pense à l'Université. On a tenté de dire que, dans une région aussi étendue, il faut des antennes universitaires partout. Or, pour y trouver des formations au niveau le plus élevé, il faut une masse critique bien supérieure à 20 000 étudiants avec des équipements très modernes ou complètement rénovés. Il faut donc aussi réparer pour attirer.

A partir de là, qu'est-ce que le volet territorial ? La distinction que vous faisiez entre agglomération et pays est justifiée. Seulement quatre ou cinq pôles ont émergé en agglomération ; un certain nombre de bassins, comprenant des villes, relèvent plus de la problématique de pays, soit pour des raisons réglementaires soit pour des raisons de fait.

Certains endroits -sauf à les étendre à des notions de pays complètement artificiels qui relèvent plus de l'addition que de l'affinité, du rapport direct sur la population, et sauf à étendre le périmètre de façon inconsidérée pour faire des additions plus que des projets- ne répondent pas à la notion d'agglomération. Plusieurs projets se heurtent à cette difficulté.

S'agissant de ces agglomérations, dans la région, la problématique de l'intercommunalité est variable d'un département à l'autre. Par exemple, elle a été très puissante dans le département de la Marne. Tout le département, à quelques exceptions près, est couvert par des structures intercommunales, de niveaux d'intégration très différents.

M. le Président : Est-ce dû à l'État, au conseil général ou est-ce un mouvement naturel lié à une prise de conscience ?

M. Michel Thénault : Ici, manifestement, le conseil général a favorisé ce mouvement dans la Marne ; c'est clair et déjà ancien. Le conseil général, dans les 619 communes, ne pouvait pas avoir une politique communale émiettée : il a dû s'appuyer sur des syndicats et des communautés de communes, plus ou moins intégrées, puis, des districts et, ensuite, a bénéficié des dispositions de la loi Chevènement relatives aux agglomérations. Cette loi s'est déjà traduite par l'émergence de l'agglomération de Châlons qui a de bonnes compétences, de celle de Troyes et de trois autres projets d'agglomérations. Pour le reste, je crois que nous entrons dans une période où la transformation des districts attendra probablement les échéances prochaines.

Ces agglomérations correspondent toutes à des sites de politique de la ville. Il s'agit du sujet qu'il faudra aborder le plus vite. En premier lieu, parce que la politique de la ville a connu, l'an dernier, une refonte de son approche, mais aussi parce que les contrats de ville de seconde génération ont bénéficié corrélativement d'une augmentation de crédits conséquente, puisqu'elle a atteint 37 %. Il existe une réelle attente de la part des villes.

Je crois aussi et surtout que c'est une politique qui ne peut pas subir de discontinuité. Le contrat de ville doit être conduit, quel que soit le nombre d'individus et le sort qui lui est réservé, au sein des contrats d'agglomération ou de pays. Dans une approche pragmatique, c'est la première priorité que je développerai. Cela se traduit dans le cadre du contrat de plan et le sera aussi hors contrat de plan. Aucun inconvénient n'apparaît dans cette démarche puisque des contrats de ville constitueront des contrats particuliers des futurs contrats d'agglomération.

J'en arrive à la deuxième approche sur laquelle je veux insister : je ne pense pas qu'une approche territoriale puisse ne pas être accompagnée d'un partenaire relativement structuré. De toute façon, si l'on passe à la contractualisation, il faut être deux pour signer. Du côté de l'État et de la région, les signataires sont définis tandis que le territoire peut revêtir de multiples formes.

Si la définition du pays est bien l'espace de solidarité, il reste que la mise en œuvre du pays sera quand même un établissement public, d'une certaine façon.

M. le Président : Sauf dans les pays intégralement constitués d'intercommunalités à fiscalité propre. En effet, à la demande de très nombreux parlementaires, la loi permet de ne pas créer d'établissement public supplémentaire dès lors qu'il est signé conjointement un contrat de pays entre trois, quatre intercommunalités et l'État. Les porteurs des projets seront les établissements publics.

M. Michel Thénault : Il faudra veiller en tout cas lorsqu'un établissement public spécifique sera redéfini pour un contrat au problème de délégation de compétence effective.

M. le Président : Oui, tout à fait. Ou alors la structure peut subdéléguer certaines actions en cas de création de groupement d'intérêt public ou de syndicat.

M. Michel Thénault : Oui, je voulais simplement dire qu'en cas d'intercommunalité, il n'est pas nécessaire de recréer le syndicat mixte s'il fonctionne bien. Si l'on faisait un établissement public unique, il faudrait détruire ceux qui existent pour ne pas perdre de temps.

Cet établissement public peut prendre plusieurs formes. Je préfère les établissements publics à fiscalité intégrée, mais il ne faut pas forcément les promouvoir partout. Tout dépend du projet soutenu.

Il semble certain que dans une agglomération, si l'on ne s'oriente pas vers une fiscalité intégrée, on aura un volet territorial de trop, parce que les compétences aujourd'hui obligatoires dans la communauté de communes ou dans la communauté d'agglomérations sont des compétences que l'on retrouve forcément dans le volet territorial.

En revanche, dans un milieu plus rural, on peut soutenir un projet qui émerge sans exiger de reprendre toutes les compétences. L'approche doit être suffisamment pragmatique pour considérer qu'il n'existe pas de modèle unique de l'établissement public support, mais cet établissement public est nécessaire, sous la nuance que vous avez indiquée.

Donc, s'il faut être exigeant en termes de périmètre et en termes de projet, il convient de se montrer tout aussi exigeant en termes de support de ce contrat. Sinon, le territoire vivra un an ou deux grâce à l'existence d'affinités, mais sans continuité aucune, ni budgétaire, ni de projet, ni de solidarité.

Ainsi, l'approche doit être un peu différente entre les agglomérations et les autres territoires, au plan méthodologique également. Au sujet des agglomérations, je suis persuadé que nous sommes dans une phase plutôt transitoire. En effet, même avec 51 communautés d'agglomérations aujourd'hui, il reste que certains districts ne se sont pas transformés et que certaines communes hésitent. Sauf à considérer que le périmètre est en croissant de lune, par exemple, évitant soigneusement la ville-centre, comme cela existe...

M. le Président :... mais qui n'est pas souhaitable.

M. Michel Thénault : ... ce qui est absolument inadmissible. Les contrats d'agglomérations sont destinés à faire en sorte que les services de centralité soient développés et que les charges de centralité soient partagées, lissées ; sinon, le contrat d'agglomération n'est pas nécessaire : chacun peut se débrouiller seul. Dans un premier temps, sauf si ces périmètres sont jugés aberrants, les agglomérations doivent partir des périmètres existants, à mon avis, sauf si une volonté forte se dégage au niveau de l'aire urbaine, ce qui ne m'est pas encore apparu ici.

M. le Président : Avec une limite pour l'agglomération au titre de la loi Chevènement, à savoir le gel des périmètres pendant une période de 12 ans à partir de 2003. C'est un handicap.

M. Michel Thénault : Ce handicap est réel, mais ce gel est techniquement incontournable, notamment dans le lissage du taux. En effet, s'agissant de la communauté d'agglomérations en particulier, du fait du processus d'intégration de la taxe professionnelle qui peut s'étaler sur 12 ans -maximum autorisé-, changer le périmètre conduirait à des flux croisés très compliqués à mon point de vue. En tout cas, sauf aberration, mon avis a priori sera de conserver les périmètres existants.

Cela dit, si de nouvelles agglomérations émergeaient et que les périmètres n'étaient pas pertinents, je ne signerai pas, conformément à la loi.

Concernant les pays, notre approche doit être beaucoup plus souple. De mon point de vue, sauf exception, il convient d'y conserver les périmètres qui ne sont pas portés par des établissements publics à fiscalité intégrée. Je suis d'avis de laisser les périmètres se définir et de voir ensuite s'ils sont pertinents. Voilà qui nécessitera sûrement une approche beaucoup plus décentralisée, plus locale.

En termes d'organisation du côté de l'État, de mon point de vue, l'affaire doit être menée à l'échelon départemental. Le choix de signer ou non l'arrêté est l'affaire du préfet de département.

M. le Président : C'est le préfet de région qui signe le contrat.

M. Michel Thénault : C'est le préfet de département qui sera obligé de signer la constitution de l'établissement public.

M. le Président : A ceci près que l'on peut imaginer -et il y a parfois nécessité- que le périmètre d'un pays ne recouvre pas exactement les limites départementales.

M. Michel Thénault : Ce sera le cas puisque l'on aura trois départements. Pour moi, le support juridique sera très important. Il faut que, de toute façon, l'échelon départemental soit extraordinairement impliqué pour ne pas dire initiateur, au moins partiel, même si pour les pays, il faudra nécessairement articuler département, conseil régional, CRADT et préfet de région.

Sur le contenu, en termes de contractualisation, c'est différent : il faudra que les quatre départements s'accordent sur une approche assez homogène.

En termes de moyens, trois formes d'interventions me paraissent possibles, au-delà des crédits de droit commun : premièrement le contrat de plan qui prévoit une enveloppe de crédits d'État adaptés de l'ordre de 130 millions de francs, dont 30 millions pour la reprise de friches industrielles, à laquelle la région ajoute le même montant ; deuxièmement, les crédits de politique de la ville ; troisièmement, notamment dans une vision plus axée sur les pays, les fonds européens dont je pense qu'ils doivent participer plus largement à cette politique territoriale. En particulier, sur les aspects touristiques qui ont un sens dans cette région, il y a matière à mobiliser des crédits européens importants.

Il faut atteindre la combinaison de ces trois éléments. De surcroît, il me semble assez pertinent de les lier, car une approche territoriale au travers des fonds européens nécessitera une contrepartie nationale. Il me semble donc logique d'avoir cette combinaison.

M. le Président : Quelle proportion de la région est-elle éligible à l'objectif 2 ?

M. Michel Thénault : Dans la phase finale, 600 000 habitants seront concernés après une réduction de 15 %. Dans la phase transitoire, plus de 800 000 le seront. L'enveloppe, y compris la réserve de performance ou d'efficacité de 4 % -c'est-à-dire le montant du financement qui n'est pas accordé immédiatement mais qui est subordonné à la bonne utilisation de l'aide- est de 1,3 milliard de francs. Cela me conduit aussi à dire qu'en termes de calendrier, il faut commencer tout de suite, parce qu'il y a dégressivité de taux dans les interventions.

M. le Président : Vous nous avez fait un panorama assez complet de la région et de ses priorités.

M. Michel Thénault : Peut-être aurai-je changé d'avis dans un an.

M. le Président : Vous nous avez décrit la façon dont émergeaient les agglomérations et les pays, et leur financement. Il serait intéressant de revenir sur un certain nombre d'aspects de financement du contrat de plan.

Par exemple, vous avez cité la mobilisation des crédits de la ville. On peut imaginer que d'autres crédits que les crédits de la ville puissent être également territorialisés ; je pense à des crédits du ministère du tourisme, du ministre de l'agriculture pour certaines politiques, à des crédits sur l'économie sociale. De telles enveloppes ont-elles été mises en œuvre dans le contrat de plan ?

M. Michel Thénault : Pas d'une manière territorialisée, sauf peut être dans les DOCUP. En revanche, en ce qui concerne la politique de la ville, de mauvaises habitudes ont peut-être été prises : lors de la création des contrats de ville, très souvent, les moyens de la politique de la ville ont été injectés parce qu'il s'agissait d'éléments qui sortaient du commun. Peu à peu, les crédits d'intervention de droit commun se sont effilochés : en réalité, les crédits de droit commun ont financé d'autres actions.

Pour simplifier, à la limite, les crédits "politique de la ville" se sont substitués en partie aux crédits de droit commun sur la politique de la ville. Que ce soit hors contrat de plan ou dans le contrat de plan, cela dépendra des actions, il est certain que les crédits de droit commun -hors crédits spécifiques- doivent être dirigés vers ce secteur.

Mais il faudra être vigilants : nous aurons quatre ou cinq agglomérations et une quinzaine de pays qui ne couvriront donc pas la totalité de la région. Pour autant, des crédits devront être consacrés au développement de secteurs performants, voire très performants. En effet, si l'on ne pratiquait qu'une politique territoriale pour avoir une économie duale et laisser se débrouiller les secteurs en bonne santé, cela conduirait à laisser décliner toute la région. Les crédits de droit commun devront être consacrés aux postes habituels mais en veillant, à travers l'évaluation, à ce que la territorialisation ne "chasse" pas le crédit de droit commun.

M. le Président : Nous en sommes encore à une phase très embryonnaire de l'émergence des pays, dans votre région, comme dans de nombreuses autres. Quelle est la part que vous réserverez à l'ingénierie de projet ? En effet, c'est un élément essentiel si l'on veut que ces pays ne soient pas que des velléités d'organisation.

M. Michel Thénault : Je n'ai pas encore une vision précise de la part que nous lui réserverons. Les crédits d'ingénierie sont d'ores et déjà mis en place parmi les crédits d'étude. Dans nombre de situations, il faudra des chefs de projet, des maîtrises d'œuvre de contrat de pays. Sans eux, deux situations peuvent se présenter : ou la ville leader a les moyens de faire le projet et elle est contestée par les autres ; ou, à l'inverse, il n'existe pas de ville leader et le pays ne peut pas émerger.

En revanche, les points de vue doivent être bien clairs entre la structure territoriale et l'État : le rôle du directeur de projet, de maîtrise d'œuvre urbaine n'est uniquement de fédérer les projets du territoire, mais aussi les faire émerger et d'apprécier si cela correspond au diagnostic.

Des cabinets d'ingénierie ont déjà été mis en place sur le sujet. J'attacherai une grande importance au diagnostic en termes de contenu et de temps, pour deux raisons : il montre bien les insuffisances, contribue à dessiner les actions et c'est un formidable moyen d'apprendre à travailler ensemble. On en disposait déjà sur la politique de la ville. Il serait absurde de démarrer avant d'avoir réalisé un diagnostic très précis des territoires. Deux cabinets d'études ont déjà été mis à disposition à cette fin.

M. le Président : Vous avez parlé de quinze pays. Quel est leur poids sur le plan démographique ? Quel est le nombre de communes concernées ? Sont-ils tous animés par une ville, même petite, ou par un centre animateur ? Éventuellement, certains pays s'organisent-ils autour d'une agglomération ou en incluent-ils une ?

M. Michel Thénault : Il existe des endroits à logique d'agglomération sans disposer de la taille pour le faire.

Ces territoires fonctionneront d'une manière sûrement proche de l'agglomération. Je pense à Chaumont : elle constituera un pays parce qu'on ne peut pas faire autrement mais avec une logique d'agglomération, car le pays aura sans doute une taille de peut-être 22 à 23 000 habitants. Saint-Dizier est dans le même cas.

M. le Rapporteur : A l'échelle du pays, nous dépasserons probablement les 50 000 habitants. Nous aurions pu constituer une agglomération, mais le territoire est trop diffus pour cela et la consistance est loin de celle d'une agglomération.

M. Michel Thénault : Les pays devront se situer entre 15 et 30 000 habitants.

M. le Président : Compte tenu de la densité moyenne d'une région comme la vôtre, les territoires seront relativement peu peuplés.

M. Michel Thénault : Le périmètre ne doit pas forcément être apprécié au regard de la population. Des périmètres peuvent être larges pour un projet très fort, où les investissements sont importants et qui concerne une population non négligeable. En revanche, à certains endroits, il faudra accepter des projets locaux de moindre envergure. Je n'ai pas d'a priori sur les périmètres en matière de pays, alors que j'en ai sur les agglomérations.

M. le Rapporteur : Je reviendrai sur certains points afin d'obtenir quelques éléments complémentaires, en particulier sur la politique de pays. Dans la contractualisation, comment envisagez-vous la part de l'État d'ici à 2003 ? Quelles lignes immobilise-t-on et pour quelles actions ? Avant 2003, peu de pays seront réellement opérationnels, alors qu'un certain nombre des quinze indiqués tout à l'heure en seront à la partie préparatoire.

M. Michel Thénault : Entre 2000 et 2003, une chose à ne pas négliger dans la politique de la ville, c'est l'émergence des agglomérations. Il faut la poursuivre dans une optique de fonctionnement autant que d'investissement.

La seconde priorité concerne tous les territoires qui seront inclus dans les actions de pointe auxquels il faut s'intéresser dès maintenant car, d'une part, cela peut accompagner, voire faciliter une émergence de vrais pays et, d'autre part, il ne faut pas se trouver surpris en 2003, au moment de l'examen de notre performance par la Commission européenne qui décidera de la mise en place de la réserve de performance, fixée à 4 % de la dotation des fonds structurels.

D'autre part, il faut progresser dès maintenant car la consommation des crédits européens souffre toujours d'un décalage : dans les six derniers mois, on consomme peu. Ce sont mes deux priorités.

En revanche, si les autres crédits n'ont pas pu être utilisés pour l'ensemble des pays en 2003, nous effectuerons un bilan du contrat de plan, qui nous permettra peut-être de redéployer une nouvelle vague d'actions sur des pays qui n'étaient pas prêts auparavant.

M. le Rapporteur : Le sens de ma question allait un peu au-delà : elle se référait à des pays pré-identifiés. Prenons l'exemple de n'importe lequel des quinze pays : de quelle manière des crédits territorialisés, individualisés, pourraient-ils donner nettement conscience sur le terrain que le financement ne provient que de la création du pays ?

L'État, la région sont amenés à contractualiser avec un maître d'ouvrage qui peut être une commune, un EPCI. Quand il se situe dans un territoire présupposé à devenir pays, entre 2000 et 2003, sera-t-il mentionné que certains des financements viennent en préfiguration de la création du pays ?

M. Michel Thénault : Oui, mais il ne faut pas se leurrer. Notre choix sera net : c'est la qualité du projet qui devra nous déterminer. Nous pouvons y ajouter une incitation forte avec des moyens supplémentaires si le projet est fonctionnel. Mais cela ne sera ni contraignant ni important.

L'incitation existe de toute façon car, de manière générale, les collectivités présentent souvent une bonification dans leurs interventions en fonction de l'intercommunalité.

M. le Rapporteur : Ma deuxième question, concrète et partielle, concerne l'ingénierie : vous nous avez indiqué qu'en ingénierie de projet, vous avez déjà eu recours à des cabinets spécialisés pour les projets. Envisagez-vous de développer l'ingénierie d'action qui accompagne généralement la réalisation de projets et qui manque quelquefois beaucoup ?

M. Michel Thénault : Là aussi, j'aurai une attention assez différente selon les projets. Je resterai très vigilant sur l'utilisation des fonds européens.

Nous disposons de 1,3 milliard de francs, ce qui est un montant important. L'ensemble de ces crédits ne sera pas consacré aux pays, mais les pays seront largement concernés. C'est donc un levier puissant, mais un levier à manier avec rigueur. Sans une rigueur de gestion en termes de contrepartie, d'éligibilité et de suivi des programmes, nous nous retrouverons avec des contentieux de recouvrement en fin de parcours. Là, nous risquons de remettre en cause la politique de territorialisation et le territoire.

Sur ce point, j'aurai une vision très fine des choses. Je reste très partagé sur la responsabilité générale de la gestion des crédits européens. Quel que soit le système mis en place, elle doit être au niveau régional. A l'inverse, il faut être conscient que la gestion quotidienne de ces crédits, programme par programme, est quasiment impossible au niveau régional. Nous manquons d'outils informatiques ; le logiciel "Présage" a été annoncé mais pas encore mis en œuvre ; j'espère qu'il le sera prochainement.

M. le Président : L'envisagez-vous sur un autre plan, départemental ou plus large ?

M. Michel Thénault : Sur un plan départemental.

M. le Président : Les départements de votre région ont-ils les moyens qualitatifs pour le faire ?

M. Michel Thénault : Je l'envisage sur un plan départemental, mais il n'est pas sûr que les préfets de département de Champagne Ardenne aient les moyens de le faire et c'est ce que nous étudierons ensemble. Ce n'est pas certain au regard de deux critères et c'est pourquoi j'ai dit que nous n'avions pas choisi. D'abord, je ne suis pas sûr que les préfets de département aient les moyens de suivre quotidiennement la gestion des crédits, même en organisant des missions de contrôle décentralisées. Ensuite, nous sommes toujours partagés entre deux tendances, soit nous montrer très rigoureux, soit encourager les projets, puisque nous voulons une démarche positive. En revanche, le préfet de région peut rester plus distant vis-à-vis de ces questions et cela lui coûte moins de dire non.

Mais, pour des raisons d'efficacité, je ne pense pas que, sur des projets de territoire, nous puissions conserver un pilotage exclusivement régional alors que, dans des départements comme les Ardennes, la Haute Marne et même l'Aube, même si c'est moins vrai pour des questions de configuration du département, l'implication des préfets est très forte. Retirer cet aspect signifie un peu tuer l'approche territoriale.

A propos des contrats de ville, la rédaction de l'étude s'est effectuée de manière à laisser les options toujours ouvertes.

M. le Rapporteur : En parlant d'ingénierie d'action, je voulais souligner le risque déjà encouru avec "Leader 1" et "Leader 2" : l'ingénierie de projet a fonctionné et a additionné tous les désirs, mais l'on a pu difficilement en extraire les projets réalisables, ceux qui pourraient être réellement choisis. Je le constate pour notre département où la plupart des crédits n'ont pas été mobilisés : nous avions des projets mais nous n'avons pas pu les réaliser. Il faut donc pouvoir encourager l'action.

Par ailleurs, les contractualisations se multiplient. Par certains côtés, elles s'emboîtent, car l'une est dans l'autre et ainsi de suite ; par certains autres côtés, elles se recouvrent et par certains côtés encore, elles laissent absents un certain nombre de parties ou d'aspects du territoire. Cela pose un vrai problème. Le contrat de ville entre-t-il au contrat de plan pour tout ou partie ? La préparation se fait-elle en commun ou pas ?

C'est vrai aussi pour les contrats d'agglomérations ou de pays. De quelle manière s'insèrent-ils dans le contrat de plan ? En particulier, les deux puissances réellement contractantes, l'État et la région, ne perdent-elles pas l'une ou l'autre une partie de leurs responsabilités ?

Quand l'État est partie prenante à la signature, cela lui donne des droits et des devoirs ; il doit faire respecter ses droits. Avez-vous rencontré la nécessité de signaler à la région qu'une proposition ne rentrait pas dans le champ que vous acceptiez de contractualiser par signature ?

M. Michel Thénault : Sur le fond des actions, en matière territoriale, nous nous situons dans une approche où la région et l'État semblent assez d'accord sur les partenaires et la méthode ; mais nous n'avons pas encore abordé le contenu.

Dans le contrat de plan, se dessinent déjà deux approches différentes sur la politique de la ville : la contractualisation est pratiquement axée sur le financement de l'investissement, alors que les crédits de fonctionnement relèvent de l'État.

Par ailleurs, on aura de vrais sujets de débat en matière de périmètre. L'État ne pourra pas transiger sur certains points. Que les périmètres soient déterminés en fonction d'affinités, c'est une réalité incontournable. En revanche, des périmètres inacceptables sont ceux qui consisteraient à laisser à l'écart du projet les villes ou les bourgs centres. Ce n'est pas possible pour une première raison, que le projet n'aura pas de force d'entraînement, et pour une deuxième, qu'à terme, les bourgs centres n'auront pas les moyens de supporter les charges.

Nous aurons peut être des difficultés sur l'approche des projets et des actions, par exemple, sur la superposition de certaines procédures, tel un contrat de pays et un parc naturel régional. Dans cette région, nous aurons des pays à périmètre qui chevaucheront des intercommunalités ou absorberont partiellement des intercommunalités. Une commune peut être syndiquée sept fois ! Le pays n'a pas de compétence mais il faudra bien signer avec quelqu'un. Ou bien on signe avec tous les acteurs qui forment le pays ou bien on signe avec quelqu'un qui détient la compétence pour signer.

M. le Rapporteur : Oui, ou bien la signature se fait à la réalisation du projet.

M. Michel Thénault : Je souhaite que les pays s'organiseront autour d'intercommunalités existantes. Dans ce cas, ce sera relativement facile. Mais si l'on signe, par exemple, un contrat de développement du tourisme, nous ferons ainsi émerger des projets dont nous financerons une partie mais dont d'autres financeront le reste. Il nous faut donc des structures compétentes, ne serait-ce que pour souscrire des emprunts.

C'est pourquoi je disais tout à l'heure qu'au-delà de la notion de pays, je resterai attentif à la notion de support. On ne peut pas laisser les collectivités s'engager en leur disant que le projet est bon, que nous passons à l'acte, mais sans savoir qui réalisera l'emprunt. Je serai assez vigilant sur cette question, car il ne faut pas décevoir, il ne faut pas monter un pays qui soit un miroir aux alouettes parce qu'au moment du passage à l'acte, on ne saura pas à qui verser les subventions, on détruira toute l'approche territoriale.

M. le Rapporteur : Certains pays garderont relativement longtemps, quelquefois très longtemps, une structure non formelle d'établissement public.

M. Michel Thénault : Il faut un réceptacle. Aucun payeur n'acceptera de financer sur la seule base d'un projet.

M. le Rapporteur : Il existe une difficulté dans la mesure où dans l'émergence des pays, il apparaît une phase de préparation, de concept qui nécessite beaucoup de souplesse et qui durera au moins trois ans. En 2003, nous reverrons la situation. Pendant cette période, il serait dommage de nous contenter seulement d'une discussion sur ce que pourraient être les projets, sans rien mettre en œuvre, comme cela s'est fait avec "Leader I" et "Leader II".

M. Michel Thénault : On ne peut pas monter un superbe projet dont l'ingénierie juridique et financière reste à installer ensuite : c'est alors que les problèmes de tous ordres commenceront, qui peuvent engendrer un retard de deux ans. Je sais que ce que je dis ne correspond pas totalement à l'esprit de la loi, mais je veux insister sur cette contrainte très importante.

M. le Rapporteur :  La loi n'a pas voulu limiter la réflexion des espaces de projet sur la mise en place de leur intercommunalité. Mais cette phase ne doit pas durer trop longtemps.

M. le Président :  Il subsiste la crainte, chez une majorité de députés de tous les bords politiques, de créer une strate supplémentaire dans l'administration. Cela s'est vraiment ressenti lors de nos débats préparatoires à la loi : la solution avancée par le gouvernement était un syndicat mixte. Nous avons proposé une autre possibilité : le GIP qui est une forme souple mais légèrement plus complexe.

Ce qui est vraiment intéressant dans le GIP pour de nombreux parlementaires, c'est la capacité à recruter des personnels contractuels, des personnels ayant vocation à élaborer le projet ; le syndicat mixte, lui, nous contraignait à recruter des fonctionnaires territoriaux dont la formation et l'implication dans la notion de projet ne constituent pas des évidences.

Enfin, j'ai proposé une deuxième idée par analogie avec le réseau de ville Rhône-Alpes. Depuis 1995, ce réseau est en plein redémarrage. Les huit villes ont décidé de mettre en place huit politiques, alors qu'un pays correspond à trois ou quatre politiques. Ces huit politiques ont fait l'objet d'une contractualisation avec l'État au CIADT de décembre 1997, avec Bruxelles ainsi qu'avec la région, mais aucune structure n'a été créée pour mener ces politiques ; elles ont toutes été subdéléguées à une des villes du réseau.

Ces villes les gèrent avec leurs moyens administratifs constants. Les seuls emplois créés sont des emplois d'ingéniérie, des emplois de développement de projet. Un exemple : Grenoble verra la mise en place d'une agence de développement du numérique, tandis que Lyon connaîtra une agence de développement des bio-industries. Mais tous les moyens sont plutôt liés à l'ingéniérie de projet. Ce réseau de villes signe donc des contrats avec l'État, des contrats collectifs, qu'il subdélègue ensuite à un maître d'ouvrage.

C'est ainsi que fut conçue la gestion du pays dans le cadre de pays constitués entièrement en intercommunalités : éviter l'ajout d'une fonction publique supplémentaire. Le GIP permettait de mettre à disposition des personnels des collectivités territoriales qui composent le pays, mais sans créer une fonction publique du pays supplémentaire. Si le pays redevient demain entièrement en intercommunalité, le GIP peut disparaître.

M. Michel Thénault : Cette situation n'est pas incompatible avec mes propos. C'est plutôt un problème de taille : on peut se partager les rôles quand chacun dispose de la surface financière nécessaire et qu'il y trouve son intérêt. C'est le cas dans les petites villes. A la limite, si, par un hasard miraculeux, elles avaient décidé séparément de le faire, on serait exactement dans la même structure. Sur des intercommunalités fortes qui se regrouperaient en pays et qui s'attelleraient chacune à une partie des problèmes, c'est réalisable. La taille ne nous permet pas d'agir de la même façon ici : les moyens financiers ne pourraient pas être partagés.

M. le Rapporteur :  La question suivante concerne les documents préparatoires du contrat de plan. Cela ne vous concerne pas trop, monsieur le préfet, puisque c'était votre prédécesseur qui les avait reçus. Que pensez-vous de la façon dont ces documents préparatoires vous sont parvenus et leur évolution ?

J'aborderai ensuite les multicontrats. Un certain nombre de lieux, villes ou autres, avaient participé à des contrats partiels, comme le contrat éducatif local. Sur notre commune, onze contrats partiels avaient été dénombrés. Finalement, nous les replaçons dans le contrat de plan. Quelle est la part de chacun, la part de l'État, la part des collectivités régionales ou départementales et la part des collectivités locales ?

En ce qui concerne le contrat éducatif local, par exemple, la part de la collectivité territoriale est massive par rapport aux autres.

Voilà qui pose la question de la part de la région et de la part de l'État. Puisque maintenant, la région et l'État entrent au contrat de ville par le bais des contrats de plan, et réciproquement, que deviennent les financements espérés dans la préparation budgétaire ?

Par ailleurs, comment entendez-vous assurer la cohérence entre le contrat de plan État-région, le schéma régional d'aménagement du territoire et le schéma de service collectif, dans un avenir proche ?

Dernière question : existe-t-il, parmi les projets territorialisés tels que vous avez pu en prendre la mesure, agglomération ou pays, un projet qui aurait à vos yeux une valeur exemplaire, sur lequel nous pourrions établir un "point zéro" et des comparaisons à terme d'un, deux ou trois ans ? Nous aurions besoin de quelques projets à suivre.

M. Michel Thénault : Sur le contrat de plan, je peux dire qu'il y a peu d'évolution entre la version initiale et celle qui se trouve actuellement dans le contrat de plan, sauf pour quelques infrastructures dont "l'Y" ardennais et l'université de technologie de Troyes (UTT), où ces évolutions ont plutôt été positives. Toutefois, la forte bonification de l'enveloppe (+ 468 MF sur 2 409 MF) a permis de prendre en compte des demandes restées en suspens. Cela a été déterminant.

S'agissant des contrats partiels, leurs financement, leur visibilité budgétaire, tous n'apparaissent pas dans la contractualisation État-région. Par exemple, vous avez cité les contrats éducatifs locaux sur lesquels l'engagement de l'État n'est pas considérable. Ce n'est pas en effet son rôle : il est d'abord de demander aux collectivités locales de réfléchir à d'autres organisations de temps de travail, à d'autres activités, l'État apportant sa contribution sur des actions particulièrement innovantes mais plutôt dans une enveloppe avec un rapport de 1 à 25 par rapport à la totalité des crédits. Il ne faut donc pas en attendre beaucoup.

Le contrat de plan n'est pas encore signé. Nous ne pouvons pas individualiser les lignes et encore moins évaluer les délais d'application avant que les conventions d'application ne soient signées. Il s'agit de signer le contrat de plan avant de commencer les négociations des conventions d'application.

S'agissant de la cohérence entre le schéma régional d'aménagement du territoire et le schéma collectif, je ferai deux remarques : la première est que le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire et le schéma collectif ont sûrement été une bonne entrée en matière pour éclairer le contrat de plan.

En revanche, il faudra sûrement réaliser un bilan de temps en temps, dans le cadre du volet territorial. Y retrouve-t-on les orientations prévues, n'est-on pas en contradiction avec les schémas collectifs ou le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire ? Il faudrait en juger sur le moyen terme.

Puis-je aujourd'hui indiquer un pays ou une agglomération dont la préfiguration du contrat pourrait être exemplaire ? La réponse est non. Il existe des communautés d'agglomérations ; elles ont des compétences classiques bien définies, elles ont développé des projets en dehors de cette logique. Le tout est à construire. Sur les contrats de pays, on est encore très en amont. Je n'ai donc pas d'exemple à vous produire aujourd'hui. C'est le travail de l'année.

M. le Président : Monsieur le préfet, nous vous remercions pour ce long entretien qui vous a mobilisé une partie importante de la matinée.

Audition de M. Jean-Claude Étienne, président

de la région Champagne-Ardenne,

de Mme Bérengère Poletti, vice-présidente

de M. Paul Lempereur, directeur général

Réunion du 9 mars 2000

Présidence de M. Philippe Duron, président

M. le Président : Deux Délégations à l'aménagement et au développement durable du territoire ont été constituées : l'une, à l'Assemblée nationale, l'autre au Sénat, de quinze membres chacune.

Notre Délégation a plusieurs objectifs. Sa première mission consiste à donner un avis sur les schémas de service collectif. Elle a ensuite une mission d'évaluation de la politique d'aménagement du territoire à côté d'autres organismes, comme le Conseil national d'aménagement du territoire. Elle a la capacité de se saisir de tous les sujets qui concernent l'aménagement du territoire ou d'être saisie par le Bureau de l'Assemblée, par les commissions permanentes ou par des commissions non permanentes, notamment des commissions spéciales.

Cette Délégation, mise en place à la fin de l'an dernier, a choisi comme premier thème d'étude la territorialisation des contrats de plan. Lors du CIAT de juillet 1998, le Premier ministre avait indiqué que 20 % des enveloppes de contrats de plan seraient consacrés au financement des contrats de pays et de régions. A la suite de ces déclarations, d'autres discours de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mais également du délégué à l'aménagement du territoire affirmaient que cela pouvait atteindre 25, voire 30 %.

Nous mesurons tous la difficulté de réserver certains fonds à la contractualisation, et d'autres à des territoires infra-régionaux, pour des raisons qui tiennent d'abord à la faiblesse du nombre de pays arrêtés actuellement, et des contrats prêts à être signés et, enfin, à la difficulté de distraire une partie des enveloppes de contrats de plan pour des territoires particuliers.

Des questions multiples se posent donc sur la nature des fonds à mobiliser, sur la nature des politiques à financer, sur l'appréciation des acteurs de cette contractualisation que sont les préfets de région et les présidents de région. Nous avons donc lancé une série d'auditions avec notre rapporteur, Jean-Claude Daniel. Elles nous ont permis d'entendre des représentants de l'association des régions de France, de l'assemblée des départements de France, la collaboratrice du Premier ministre, Mme Bettina Laville et les collaborateurs de la DATAR

Nous avons décidé de venir en Champagne-Ardenne, la région de notre rapporteur, afin de voir sur place comment le préfet, le président et les services de la région s'étaient saisis de ce problème et quelles solutions ils proposaient. Nous avons rencontré le président du Conseil économique et social régional et les présidents de groupe pour recueillir leurs appréciations. Il ne s'agissait pas d'une démarche contradictoire, car notre problème n'est pas d'apprécier le fond des contrats de plan, mais de nous intéresser aux méthodologies engagées et, pour reprendre une formule chère à Jean-Claude Daniel, d'identifier des "points zéro" en matière d'aménagement du territoire, de manière à les suivre dans le temps et à réaliser une évaluation dans trois ou quatre ans, ce qui correspond au milieu des contrats de plan, à l'horizon 2003.

Pour lancer la discussion, je vous soumettrai quelques questions. Comment percevez-vous l'apparition de ces territoires infra-régionaux : comme un relais de la politique régionale, comme des concurrents à la politique régionale ou comme des complémentarités ? Comment voyez-vous l'articulation entre le contrat de plan et ces contrats territoriaux ? Quelle est votre appréciation sur les territoires qui émergent dans la région Champagne-Ardenne ? Ensuite, nous pourrons revenir avec Jean-Claude Daniel sur des questions plus fines, liées aux financements propres dans le contrat de plan de ces futurs contrats de pays et d'agglomérations.

M. Paul Lempereur : La région s'est plutôt montrée précurseur dans le domaine des politiques territoriales. Effectivement, nous avons mis en place une politique de pays et de contractualisation, que ce soit avec les pays dans le domaine rural ou avec les agglomérations urbaines dans les principales villes de cette région. Nous avons donc commencé à dégager des crédits d'étude, à aider à la mise en place d'animateurs pour faire émerger ces territoires. Ainsi, nous disposons aujourd'hui d'une politique contractuelle avec une vingtaine de territoires en milieu rural, avec lesquels nous avons signé des contrats pluriannuels qui permettent d'apporter des aides à la réalisation d'équipements, comme -exemple classique- l'aménagement d'un parc.

M. Jean-Claude Étienne : Habituellement, il s'agit d'une durée minimale de trois ans, mais qui peut être portée à cinq, voire six ans.

M. Paul Lempereur : Nous avons signé également des contrats d'agglomération avec les neuf principales agglomérations de cette région. D'autres sont encore en cours d'élaboration.

M. Jean-Claude Étienne : En réalité, nous disposons déjà de huit contrats de ville et de neuf contrats d'agglomérations. Avec la neuvième agglomération, Chaumont, le contrat est en gestation déjà avancée . La région a décidé un investissement de près de 49 millions de francs uniquement pour le contrat de ville et l'État de 140 millions de francs. La différence est que nos 49 millions de francs sont composés d'investissement alors que les 140 millions de francs de l'État sont composés de 49 millions de francs de crédits d'investissement et le reste de subventions classiques de fonctionnement, adressées par exemple aux associations sociales dans les quartiers.

Pour les contrats de ville, le montant global est de 700 millions de francs.

M. Paul Lempereur : Pour compléter, j'ajouterai que nous disposons également d'un volet territorial qui couvre les politiques de pays et d'agglomérations, dans lequel l'État et la région ont inscrit chacun 130 millions de francs, montant auquel il faut ajouter ce que les territoires pourront apporter. C'est encore difficile à chiffrer, mais cela doit représenter au moins autant que les contributions de l'État et de la région réunies.

Le Président de la région a proposé à l'État d'aller au-delà des 130 millions de francs dans le cadre de la deuxième enveloppe. Cela n'a pas été possible. A ce point de la discussion, les difficultés que l'on peut rencontrer sont diverses avec, d'abord, une difficulté relative aux crédits : l'État affirme vouloir soutenir les pays et les agglomérations, mais ne paraît pas souhaiter contractualiser sur l'investissement mais uniquement sur le fonctionnement (animation et études).

M. Jean-Claude Étienne : Nous étions en effet d'accord pour apporter 130 millions de francs supplémentaires. Mais nous n'avons pas été suivis.

M. Paul Lempereur : Pour le milieu rural, indépendamment du fonds de solidarité, la région apporte 90 à 100 millions de francs par an pour les pays et 80 millions de francs pour les agglomérations, c'est-à-dire 170 à 180 millions de francs par an, là où l'État se montre prêt à injecter 130 millions de francs sur sept ans. La différence d'échelle est importante. Lors de nos discussions avec le SGAR, il était envisagé de contractualiser, mais il était hors de question pour la région d'apporter 160 millions de francs annuels alors que l'État piloterait l'ensemble avec une contribution de 130 millions de francs sur sept ans. Sur le fond, on ne relève pas de discordance de politique puisqu'il s'agit de réaliser l'émergence des territoires pour qu'ils se revivifient et se requalifient.

M. Jean-Claude Étienne : Nous avons choisi cette politique bien avant la lettre. Nous travaillons avec le PER, avec des plans de développement global qui s'emboîtent en fonction des tailles, avec des missions qui embrassent tel aspect plutôt que tel autre au fur et à mesure que nous choisissons un type de contrat. Nous construisons des territoires de plus en plus larges, fondés sur des thématiques et des volumes démographiques plus importants.

M. Paul Lempereur : La première question concerne les enveloppes. On aboutit à un compromis par lequel on contractualise franc pour franc. Par ailleurs, la région maintiendra son propre contrat.

M. le Rapporteur : Il faut bien préciser cette question que nous cherchons à élucider auprès de nos différents interlocuteurs. Il existe une politique régionale, contractuelle, dans le cadre du CPER. Nous avons donc une idée précise des apports de la région et de l'État. Le reste concerne les politiques territoriales régionales, hors contrat avec l'État, sur lesquelles soit la région s'était déjà engagée précédemment, soit elle souhaite s'engager maintenant de façon à souligner la politique régionale dans le cadre des territorialisations.

Nous nous rendons compte à travers nos investigations que la situation est très différente d'une région à l'autre. Il est intéressant d'observer comment certaines politiques sont privilégiées ou ne le sont pas selon les régions.

M. Jean-Claude Étienne : Nous pouvons vous fournir des exemples concrets de nos réalisations. L'Argonne présente l'avantage d'être un pays aux confins, avec une problématique que la Délégation peut être amenée à rencontrer.

M. le Rapporteur :  La territorialisation est maintenant dans tous les esprits. Cette idée de pays, d'agglomérations, de développement local à travers un regroupement intercommunal, tout cela est clairement admis. Comme est admise l'idée que, malgré tout, cela nécessite études et contrôles, et que l'évaluation est importante.

M. Jean-Claude Étienne : C'est une vraie préoccupation d'évaluer ce qui se fera sur le terrain à partir de nouvelles entités constituées.

M. le Rapporteur :  Six ou sept ans sont des périodes moyennement longues. Il nous faudra donc considérer plusieurs fois l'évolution des territoires. C'est pourquoi la contractualisation me semble très importante. Cela permet à la région de s'intéresser à la façon dont l'État mène son action annuelle ; cela permet à l'État de se poser des questions sur la façon dont la région intervient. Cela permet aux membres d'un conseil régional, d'analyser si les projets ont abouti, et si on peut les reprendre sous une autre forme l'année suivante.

M. Jean-Claude Étienne : Il pourrait survenir une difficulté eu égard aux domaines de compétence ressortissant au préfet de région par rapport aux préfets de département. Ces derniers sont des éléments assez actifs en ce qui concerne la constitution des territoires et peuvent ne pas être automatiquement en concordance ou avec la région ou avec leur préfet de région. Le préfet de région a un rôle pilote à assumer en phase -au moins théorique- avec la région. Cependant, dans la déclinaison entre le niveau régional -État, institutions régionales- et la déclinaison sur le terrain par l'entremise du préfet de département, il peut apparaître des manques de syncrétismes qui font que la démarche peut perdre non sa pertinence, mais de son action directe.

M. Paul Lempereur : Nous évoquions les questions d'enveloppes. A l'heure actuelle, l'État n'est pas exactement au diapason de nos souhaits. Nous avons tenu, pour éviter toute concurrence, à bien marquer que nous poursuivions notre politique contractuelle propre, mais de façon complémentaire à ce qui se fera avec l'État. Cela marque bien qu'il n'y aura pas de divergence de fond.

S'agissant de la taille des territoires et des exigences de l'État à ce sujet, notre politique est plus souple : nous considérons qu'un pays ne doit pas être constitué forcément de 30 000 habitants exactement. Nous sommes parfaitement d'accord avec l'État pour dire que des objectifs sont nécessaires ; cependant, ils peuvent dépendre de beaucoup de critères. Avec 20 000 habitants sur un territoire dynamique, nous constituons un pays.

M. le Président : Surtout dans une région à faible densité.

M. Jean-Claude Étienne : Il nous faut parvenir aux plus grands pays possibles avec le tissu qui nous est proposé. Or, une dominante malheureuse de cette région est la faiblesse démographique.

M. le Président : Est-ce vraiment une dominante malheureuse ou une particularité ? Avoir un espace disponible assez considérable peut aussi constituer une richesse par comparaison avec les autres pays européens.

M. Jean-Claude Étienne : Il est vrai que le "far-west" a commencé de cette façon mais c'est malgré tout un handicap. Il m'a été dit, à la lecture des chiffres, qu'il n'y avait pas de chômeurs en Haute-Marne. En réalité, il n'y a même plus de chômeurs parmi les 200 000 habitants du département.

M. le Rapporteur : Un tiers de la Haute-Marne a moins de 50 habitants au kilomètre carré.

M. Paul Lempereur : Ensuite, nous attendons avec quelque crainte l'encadrement que l'État envisage pour ces politiques. Nous souhaitons une certaine souplesse tout en évitant la création de territoires trop petits. Le problème est identique en milieu urbain. Nous comptons neuf agglomérations urbaines dans la région. Je ne suis pas sûr que Chaumont arrive à 50 000 habitants pour son agglomération ; il en est de même pour Saint-Dizier. Or, pour nous, dans une logique d'aménagement du territoire régional, ce sont des agglomérations urbaines, et nous souhaitons les considérer en tant que telles. Comment l'État jugera-t-il cette situation ?

M. le Président : Lorsque nous avons fixé les seuils des agglomérations dans la loi, nous nous interrogions sur le fait de savoir si le nombre de 50 000 n'était pas un seuil trop faible et si le curseur ne devait pas être monté à 80 ou 100 000.

M. Jean-Claude Étienne : Le curseur à un tel niveau ne nous aurait permis que deux agglomérations : Troyes et Reims. Pour parvenir à nos 9 agglomérations, sur la base d'un schéma régional d'aménagement du territoire, nous sommes conduits à réaliser quelque chose avec pas grand-chose.

M. le Rapporteur : Dans le schéma régional d'aménagement du territoire, l'idée du maillage de ces territoires urbanisés à la dimension rurale de Champagne-Ardenne me paraît une idée complètement originale sur laquelle nous pouvons produire un travail très intéressant. Nous battons en brèche l'idée de la métropolisation régionale excessive.

M. Jean-Claude Étienne : Face cette notion ex abrupto de "métropolisation", nous avons voulu employer l'expression "métropolisation multipolaire".

M. le Président : Elle correspond au terme de "polycentrisme" de la DATAR.

Vous consacrez 130 millions et l'État 130 millions également au volet territorial. Quels sont les critères d'éligibilité des projets qu'il vous semble nécessaire de mettre en place ? Pour la territorialisation, pour la validation des contrats de pays et des contrats d'agglomérations, sur quelles politiques voulez-vous mettre l'accent pour faire émerger certains pôles économiques, pour obtenir une plus grande cohésion du territoire ? Avez-vous des axes prioritaires ? Avez-vous discuté de certains points avec l'État ?

M. Jean-Claude Étienne : L'emploi nous apparaît au c_ur du problème. La région doit être une zone d'appel à projet. Ces projets tournent autour d'une préoccupation fondamentale qui est l'emploi. Mais on n'obtenons pas toujours les résultats espérés. Il est facile de réclamer de notre part des projets de nature à susciter l'emploi ; ce n'est pas pour autant que nous avons la solution.

On parle aussi de bassins d'emplois. Nous avons des bassins de vie, mais les emplois ne sont pas évidents. De sorte qu'apparaît une originalité de cette région : nous nous sommes associés avec la DATAR pour former une officine commune entre la Picardie, la Champagne-Ardenne et la DATAR dans laquelle nous avons injecté chacun 2,2 millions de francs par an. En moins de deux ans, 1310 des emplois créés dans notre région dus à ce dispositif.

Cette structure est assez particulière et nous en avons recueilli quelques succès. Nous avons dû suivre des délocalisations et notre rôle a été d'intervenir pour que les emplois concernés restent au moins dans la région. Quand Alcatel a quitté Reims, nous avons récupéré une nouvelle implantation du groupe à Fumay dans les Ardennes avec ses 15 % de chômeurs. Le site de Fumay a été consolidé.

Donc, eu égard à la faiblesse en teneur d'emplois du territoire, il est apparu nécessaire de gérer le turn over qui accompagne les mutations technologiques, les exigences de reconstruction ou de restructuration : nous offrons notre intervention. Le but est que la Champagne-Ardenne soit considérée comme la région où il est le plus facile de créer. Nous avons hérité de l'ère précédente dans le domaine du textile -dont ont parle peu mais qui a été catastrophique-, dans le domaine de la métallurgie -où l'on a réussi à mener une politique de proximité, en cherchant à travailler sur des créneaux particuliers- et maintenant nous allons subir de plein fouet la grande mutation agricole.

A ce sujet, je prends comme exemple le problème de la déshydratation de la luzerne. Notre région est productrice de 85 % de la luzerne déshydratée française. Ce sont 2 500 emplois en milieu rural, c'est-à-dire la vraie pierre angulaire de l'aménagement du territoire, puisque c'est en milieu rural qu'il est le plus difficile de créer des emplois.

La disparition de l'aide spécifique à la luzerne, dans le cadre de la réforme de la PAC, nous cause un grave préjudice. Si cette mesure avait été appliquée, en un an, en milieu rural, nous aurions perdu 2.000 emplois directs. J'ai obtenu que la luzerne ne fasse pas partie du "paquet Santer" pour une durée déterminée. Mais le problème va se poser de nouveau, dans deux ans et demi.

L'aménagement du territoire représente pour nous des territoires. Certaines unités sont plantées au milieu du désert champardennais, pareilles à des cathédrales, dans des zones rurales inhabitées ; ce sont des usines à déshydratation avec les silos attenants. Chacune d'elles emploie 200 personnes. Les villages aux alentours vivent de cette présence. Voilà notre territoire.

Notre bataille s'intègre dans la problématique générale de savoir ce que fera l'Europe qui a créé ces cathédrales à luzerne déshydratée. Dans les années 60, il n'était question que de s'affranchir du soja par les protéines blanches ; on a dit qu'en Europe une région pouvait le faire, la nôtre. Nous avons donc fait porter notre effort sur ces productions : nous disposions d'espace pour cultiver de la luzerne à foison ; elle correspondait bien à la nature crayeuse du sol. Le problème reste posé.

Il est un deuxième aspect, beaucoup plus vaste, que l'on peut retrouver dans d'autres régions françaises, mais qui est caricatural pour la région Champagne-Ardenne. Il y a 60 ans, la région était appelée la Champagne pouilleuse. S'il n'y avait pas d'habitants, ce n'est pas sans raisons ; c'est qu'il n'y avait rien à faire et rien à manger. Brutalement, nous sommes passés d'une terre qui ne donnait rien à une terre qui supportait tout, facile à travailler. Il y a 70 ans, les propriétaires terriens de 110 hectares étaient pauvres ; aujourd'hui, ceux qui possèdent 110 hectares sont riches. Ils vivent grâce à la betterave à sucre.

Or on ne sucre plus avec le saccharose, si bien que nos sucreries, deuxième pilier de l'aménagement du territoire en milieu rural, ferment leurs portes, les unes après les autres. Il nous reste quelques grandes unités sucrières comme celle de Beghin-Say à Sillery. Bientôt elles disparaîtront, car on sucrera avec du glucose.

Avec une goutte de glucose, on sucre cinquante kilos de confiture industrielle ; auparavant, pour la même quantité, il fallait dix kilos de sucre. La différence est là. Ainsi, plus personne n'achètera nos betteraves sucrières.

C'est cette mutation que la région doit assumer, comme d'autres régions d'ailleurs. L'organisation des territoires consiste d'une certaine façon à savoir qu'il existe là une sucrerie et à projeter son avenir. La vie s'organise autour de la sucrerie, autour de l'usine à déshydratation. Quelques fermes existent aussi, mais il faut seulement une personne pour 110 hectares de terre qu'il suffit de gratter un peu pour faire pousser ce que l'on veut. Cette problématique d'aménagement du territoire en milieu rural doit faire naître des territoires à centrer autour de la préoccupation de l'emploi, dans une mutation qui ne dit pas du tout son nom : personne n'en parle, comme si c'était la grande peur.

Il reste le champagne.

M. le Président : Le champagne n'est pas menacé : l'année a été bonne.

M. Jean-Claude Étienne : On nous regarde avec envie comme des nantis. Notre région n'est justement pas historiquement riche ; elle est historiquement pauvre. En effet, dans les années 30, les propriétaires ne champagnisaient pas leur vin, parce que cela n'était pas intéressant ; on l'a oublié.

Dans les pays tout autour de la montagne de Reims, aujourd'hui, on peut vivre à l'aise avec un ou deux hectares de champagne. Aujourd'hui, au lieu de se déplacer comme autrefois, tout le monde vit dans les pays.

Notre région est au c_ur du problème des protéines. Alors, que fait-on de la politique d'indépendance européenne des protéines ?

J'ai constitué un groupe de travail sur ce sujet et de la même façon, j'ai créé un autre groupe sur la création d'entreprises ou sur la création d'emplois.

Mon deuxième cheval de bataille est un projet de valorisation patrimoniale et touristique pour l'ensemble de la région. Il s'agit d'une politique dont les différents tentacules devront irriguer toute la région, par un dispositif épicentrique. Nous diffusons un message en soulignant que ce Sedan de l'Histoire, par où sont passés les chars de Guderian et, bien auparavant, sûrement Attila avant de s'arrêter dans les Champs catalauniques, se situe à côté de chez nous ; tous sont toujours passés au même endroit. Ici les touristes sont à la porte de France, c'est l'intérêt de la région.

C'est pourquoi dans les territoires, suivant leur situation, il demeure aussi un aspect patrimonial que nous devons forcément prendre en compte et qui, dans cette région, peut constituer une valeur ajoutée non négligeable. L'A 26 est appelée l'autoroute des Anglais. Pourquoi viennent-ils ? Un peu pour le champagne, un peu pour la cathédrale, beaucoup pour le nom du grand-père enterré dans la région.

M. le Président : Nous avons en Normandie le même phénomène avec les Anglais, les Américains et les Canadiens.

M. le Rapporteur : Vous pensez qu'une vraie politique régionale ne se confond donc pas avec la somme des politiques locales territorialisées.

M. Jean-Claude Étienne : Non, il faut une politique d'ensemble et de responsabilisation sur telle ou telle thématique de chaque territoire qui nous fait part de son projet et que nous accompagnerons, en synergie avec l'État.

M. le Président : Cela nous amène à parler de l'ingénierie territoriale. Moins un territoire est peuplé, plus il a du mal à faire émerger les idées, à les mettre en forme, à construire son projet. Nous pensons que l'ingénierie est essentielle.

A l'intérieur du contrat de plan, avez-vous mobilisé des fonds pour cette ingénierie ? La concevez-vous uniquement sous forme d'un agent de développement ? Pensez-vous qu'il convienne de mettre en place des outils à la disposition des territoires, avec des équipes pluridisciplinaires, pour tenter de faire émerger à la fois le diagnostic, l'identité du territoire mais aussi les problématiques à quinze ans, à vingt ans pour favoriser le développement ?

M. Paul Lempereur : Là aussi, la région a initié une politique d'aide aux territoires en y installant des agents de développement. On a d'ailleurs contractualisé cette politique avec l'État et notre désir est de le faire de manière permanente. Le problème avec l'État, c'est que les crédits de fonctionnement manquent dès la deuxième année. Pourtant, nous voulons que, sur la durée du contrat de plan au moins, nous puissions assurer une pérennité. Nous l'avions fait avant le contrat de plan et, en accord avec l'État, nous l'avons poursuivi dans le contrat de plan qui sera signé.

Par ailleurs, nous avons essayé de structurer cette ingéniérie. Nous réunissons à la région régulièrement chaque mois ces agents de tous les territoires pour échanger, pour organiser une sorte de formation permanente. Nous avons aussi passé un contrat d'assistance avec la Caisse des Dépôts et des Consignations pour aider à la structuration des échanges. Vous voyez que nous agissons de manière qualitative.

M. Jean-Claude Étienne : Nous disposons de nos "voltigeurs de pointe", chargés d'aller stimuler in situ le dispositif afin de créer les fermentations destinées à générer les projets.

M. Paul Lempereur : Par ailleurs, vous le verrez dans nos politiques contractuelles. Nous essayons au contraire d'aider les politiques économiques qualitatives sur le plan de l'aménagement. Dans le volet territorial, nous avons inscrit le principe de zones d'activités d'excellence, appelées maintenant zones d'activités de référence. L'idée est de sélectionner sur des critères objectifs un certain nombre de zones d'activités et de faire un effort qualitatif important en termes d'aménagement des espaces et d'introduction de nouvelles technologies (deux par département en moyenne).

Nous avons quand même inscrit 30 millions de francs de la part de l'État et 70 millions de francs de notre part, c'est-à-dire 100 millions de francs au total pour aider à la constitution de ces zones. Ensuite, nous avons introduit l'idée de crédits européens.

M. le Président : Combien avez-vous de zones de références ?

M. Jean-Claude Étienne : Nous comptons ne pas en faire plus de deux par département dans un premier temps, car nous privilégions les critères qualitatifs.

Ce qui est particulier, c'est qu'au début de nos discussions sur le contrat de plan, l'État ne voulait pas tenir compte de nos zones de référence. Nous l'y avons contraint, car il n'y adhérait pas. C'est un vrai contrat de plan que nous avons élaboré : nous avons fini par réaliser des actions dont nous ne voulions pas et des actions dont l'État ne voulait pas.

M. le Président : C'est l'intelligence de la discussion.

M. Paul Lempereur : La deuxième idée est celle de la création d'un fonds d'anticipation pour les mutations industrielles qui permettra de faire des études. J'évoquais le projet de Rethel où se trouve une sucrerie fermée aujourd'hui.

M. Jean-Claude Étienne : Comme à Tigny et à Saint Germain au Mont.

M. Paul Lempereur : Nous finançons une étude pour permettre aux territoires de réfléchir sur la façon de reconvertir les terrains et d'inviter des entreprises à s'implanter.

M. le Président : Ces politiques sont-elles mises en œuvre par les collectivités locales, les intercommunalités ?

M. Paul Lempereur : Oui, on donne toujours une prime à l'intercommunalité.

M. Jean-Claude Étienne : Nous leur demandons ce qu'elles veulent, nous sommes prêts à les accompagner. Habituellement, elles nous répondent toutes de la même façon, ce qui est bien normal. Nous avons nos propres idées générales sur l'ensemble de la région et il nous appartient de trouver l'adéquation, le point d'ancrage entre l'attente territoriale et les idées de développement régional.

M. le Rapporteur : Quelques questions, d'abord, concernant la politique territorialisée de la région. Les différents documents disponibles peuvent-ils fournir une lecture claire de ce qui a été territorialisé et de ce qui ne l'est pas ? Je précise la question : théoriquement, l'État annonce la nécessité dans la contractualisation territoriale de réserver 20 à 30 % des crédits ; la demande avait été faite de préciser sur chacune des lignes, en particulier sur celles qui correspondent à certains des ministères, la partie traditionnelle et la partie territoriale.

M. Jean-Claude Étienne : En Champagne-Ardenne, le volet territorialisé est de 723 millions de francs, dont 304 millions de francs pour la région, et 419 millions de francs pour l'État.

M. le Rapporteur : Je ne suis pas trop d'accord. Avec cette présentation des choses, nous n'en sommes pas au quart mais au huitième. C'est une de nos difficultés de lecture sur l'ensemble des contrats : d'une part, il y a le volet territorial de la politique régionale, car la région va bien au-delà de la partie contractualisée ; d'autre part, il y a la partie entrant réellement au contrat, contrat d'agglomération, contrat de ville, contrat de pays... Et il faut avoir une lecture par rapport à ces deux parties. Dans la politique régionale, nous voudrions avoir la part consacrée à la territorialisation.

M. Paul Lempereur : Le volet territorial correspond plus au sens des territoires et de leur organisation disons institutionnelle ; le volet territorialisé correspond par exemple à des aides à l'hébergement d'un pôle universitaire à Troyes ou Charleville. On peut dire que c'est territorialisé, mais c'est en même temps le volet territorial dans le sens où cela aide à l'aménagement du territoire. Beaucoup de lignes ne participent pas au volet territorial en tant que telles, comme celles consacrées à l'enseignement supérieur ou à la recherche, mais peuvent être placées dans un volet territorialisé, en réalité. Il y a cette dialectique à faire.

M. le Rapporteur : Nous souhaitons parvenir à une observation au point "zéro". Nous essayons de comparer, ce qui n'est pas facile.

M. Paul Lempereur : Les services de l'État ont fait un exercice qui démontre que cela représente un tiers, avec la logique que j'indique.

M. le Rapporteur : La deuxième question concerne la préparation du contrat de plan. Que pensez-vous des documents de cadrage que vous avez reçus ? Sont-ils cohérents avec ceux que vous avez reçus par la suite de la part de l'État ? Des éléments sont-ils à revoir ?

Ma troisième question porte sur la cohérence entre les contenus des différents documents, SRADT, contrat de plan État-région et divers contrats comme les contrats de ville, les contrats d'agglomération, les contrats de pays. La mise en conformité est-elle encore en cours ?

M. Paul Lempereur : Elle est encore en cours. Le problème a dû exister un peu partout : une forme de précipitation a fait que tout s'est un peu télescopé. On avait commencé à élaborer le SRADT dans notre région et le contrat de plan est arrivé tout de suite.

M. le Rapporteur : Parmi les projets de territorialisation -pays ou agglomérations-, y en a-t-il certains qui sont, à vos yeux, suffisamment avancés pour permettre actuellement une observation ? Peut-on leur attribuer éventuellement une valeur d'exemple et un intérêt à être suivis ? Nous recherchons quelques projets ici et là, non pour dire qu'ils sont bons et les poser en modèles ailleurs, mais pour signaler que, par rapport à ce que l'on attend d'un contrat de pays, d'un contrat d'agglomération ou d'un contrat de ville, ils sont exemplaires de ce que l'on entend faire. Ce serait intéressant d'avoir un ou deux projets dont vous puissiez nous dire que vous nous donnerez des renseignements.

Mme Bérengère Poletti : Je pense à un cas rural dans les Ardennes. Les Trois Cantons ont entrepris depuis une démarche de projet global, qui est satisfaisante, afin de créer un pays.

M. le Rapporteur : Il serait intéressant que vous puissiez nous fournir un document de base.

Mme Bérengère Poletti : Oui, parce que les Trois Cantons progressent bien dans tous les domaines.

M. le Rapporteur : De quelle manière percevez-vous l'organisation des pays ? En particulier, de quelle manière la région serait-elle prête à contractualiser avec les pays au travers des structures qu'elle aura mises en place ? Pour vous, cela nécessite-t-il que ce soit une organisation à vocation d'exécutif ou bien cela pourrait-il se réaliser de façon souple ?

Mme Bérengère Poletti : Plutôt de façon souple. Pour les pays, il est surtout question d'avoir un projet de territoire.

M. le Président : La contractualisation doit passer par une personne morale de droit public ; cette clause a été imposée par le Conseil d'État pour éviter des problèmes de gestion de fait et pour permettre la vérification de l'utilisation des fonds par les chambres régionales des comptes. Cela peut donc être un syndicat mixte, un GIP, une contractualisation subdéléguée ensuite à un établissement public. Ainsi, tous les territoires d'un pays sont maillés en intercommunalités. Mais on ne peut pas contractualiser avec une association, par exemple.

M. le Rapporteur : Pour être clair, celui qui porte la maîtrise d'ouvrage devra être partie prenante à la contractualisation. Par conséquent, si quatre EPCI ou communes entrent dans le projet commun et sont maîtres d'ouvrage pour leur propre territoire, ils peuvent être partie prenante à un contrat de plan. C'est la loi.

Mme Bérengère Poletti : De toute façon, jusqu'à présent, tout a été très souple. Il s'agissait d'avoir un projet global. Dans les zones rurales, nous avons le programme de développement global qui fonctionne très bien : il demande aux territoires d'avoir un projet dans tous les domaines, des projets d'équipement, de développement touristique, de développement économique, d'environnement et des projets plus spécifiques à chaque territoire suivi.

En effet, l'effort a surtout porté sur la réalisation de ce projet sur plusieurs années de façon globale. Jusqu'à présent, aucune directive en matière de structure administrative n'a été formulée. Il était simplement demandé d'engager cette démarche. A présent, ils vont s'inscrire davantage en démarche de pays.

M. le Rapporteur : S'agissant du suivi du contrat de plan, il faudra élaborer la convention d'application qui mettra en chantier des programmes annuels. C'est la partie délicate sur laquelle apparaîtront le moins de facilités dans le consensus avec les collectivités territoriales, avec les EPCI. Avez-vous déjà une idée de la façon dont vous souhaitez instaurer le suivi de la mise en application du contrat ? Ou est-ce encore trop tôt ?

M. Paul Lempereur : J'ai des idées précises sur un certain nombre d'éléments que je connais bien, notamment sur le volet routier : nous avons fait une erreur lorsque nous avons inscrit dans un contrat au moins 120 millions de francs sans apporter suffisamment de précisions quant à l'objet et aux acteurs concernés. Six ans après, on constate que cela a coûté 240 millions de francs. Il me semble important que, dans la convention, soit déjà prévue une sous-convention indiquant clairement son objet et que l'on débatte des propositions des services de l'Équipement formulées de façon précise.

Dans le suivi du contrat, nous sommes très exigeants. Le ministère de l'Équipement utilise sa propre procédure d'approbation des projets ; je demanderai au co-financeur de les approuver aussi. C'est le meilleur moyen de savoir ce qui sera mis en œuvre et d'assurer le suivi. Ce sont des choses assez précises qui obligent les services techniques à sortir du non-dit dans beaucoup de domaines.

M. le Rapporteur : Sur le plan politique, allez-vous mettre en place un groupe d'élus pour effectuer le suivi ?

Mme Bérengère Poletti : Sans doute, nous en avons déjà parlé. Il y en aura effectivement.

M. Paul Lempereur : Le conseil régional préparera un rapport de suivi qui sera présenté en assemblée.

M. le Rapporteur : Si cela peut se réaliser, la Délégation sera très intéressée pour vous interroger à nouveau sur cet élément de suivi. C'est ce qui intéresse aussi la majorité des parlementaires. La politique de formation et de missions locales a-t-elle fait l'objet de contractualisation ?

M. Paul Lempereur : En effet, nous avons contractualisé.

Mme Bérengère Poletti : S'agissant de la politique des contrats de ville, nous avons souhaité que les délégués territoriaux participent au comité de pilotage afin d'assurer une meilleure lisibilité des formations régionales en la matière.

M. le Rapporteur : Nous nous trouvons devant un vrai problème à cet égard, problème que l'État n'a pas su résoudre, que la région ne sait pas résoudre non plus. En fait, les missions locales sont territorialisées, ce sont des missions locales d'arrondissement. Les communes ne sont pas toujours impliquées dans l'action de ces missions locales qui travaillent pourtant sur leur territoire. Personne ne sait actuellement comment faire pour imposer que ce soit un outil territorial. Nous sommes face à un vrai problème. Sortir de ce problème concerne tous les acteurs, car cela fait partie des contrats de plan État-région.

Avez-vous mis en place des critères de modulation pour engager les subsides de la région dans la territorialisation en fonction de l'existence effective d'intercommunalités ?

Je m'explique : soit un territoire inorganisé, -bassin de vie, bassin d'emplois...- mais encore sans aucune identité en tant que pays ou intercommunalité, l'action de la région sera-t-elle modulée de la même manière que pour un pays déclaré, pour une agglomération déclarée ?

Mme Bérengère Poletti : Nous leur avons demandé de préparer un projet global au sujet de la structure de l'intercommunalité ; à partir du moment où les acteurs d'un territoire ont travaillé ensemble, la région détermine des enveloppes pour chaque territoire en fonction du potentiel fiscal et de la population.

M. le Rapporteur : Tenez-vous compte de la richesse fiscale ou du coefficient d'intégration fiscale ?

M. Paul Lempereur : De la richesse fiscale.

M. Jean-Claude Étienne : Nous savons que ce n'est pas la seule manière. Nous avons déjà discuté de ces différences de paramètres.

Mme Bérengère Poletti ; Nous en avions discuté en particulier quand il a été question du fonds de solidarité. Il me semble que les critères sont difficiles à établir pour être précis dans ce domaine. Certaines richesses échapperaient au calcul du potentiel fiscal. Ce n'est pas évident à faire.

M. Paul Lempereur : Une précision sur laquelle nous allons dans le sens soulevé par votre question : une prime est accordée aux équipements intercommunaux. Une série de communes se mettent d'accord pour réaliser en commun un équipement, voire une maison commune, une piscine. Il existe des tarifs différenciés entre la commune isolée et la commune regroupée, etc.

Mme Bérengère Poletti : Dans le cadre du PER, pour certaines communes isolées, l'intervention est de 10 % ; quand les petites communes sont en communauté de communes, la région accorde 25 %.

M. le Président : C'est une sorte de modulation vertueuse.

M. Jean-Claude Étienne : - Il s'agit d'un encouragement à se regrouper qui va de 10 à 25 %. Les dents de la fourchette sont assez écartées ; ce n'est pas uniquement moral.

M. le Président : Monsieur le président, il nous reste à vous remercier pour votre accueil sympathique et chaleureux, ainsi que pour les renseignements que vous nous avez fournis avec Mme Bérengère Poletti et M. Paul Lempereur.


© Assemblée nationale