Accueil > Archives de la XIe législatureDélégation à l'aménagement et au développement durable du territoire > Comptes rendus des réunions (session 1999-2000)

DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Audition de M. Hubert FOURNIER, Préfet de la région Basse-Normandie.

Réunion du mercredi 15 mars 2000

Présidence de M. Félix LEYZOUR, vice-Président.

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Hubert Fournier, préfet de la région Basse-Normandie, à qui je souhaite la bienvenue.

La Délégation a choisi de commencer ses travaux par l'étude des contrats de plan État-région, actuellement en cours de signature. Elle s'intéresse, dans ce domaine, tout particulièrement au volet territorial de ces contrats et souhaite donc que cette réunion porte sur ce thème.

La loi du 25 juin 1999 prévoit dans ses articles 25 et 26 que les pays et les agglomérations pourront signer un contrat particulier avec l'État, qui s'inscrira dans l'enveloppe des contrats de plan État-région.

Lors du comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de juillet 1998, le Premier ministre a précisé que 20 % des enveloppes seraient consacrés au volet territorial ; depuis, différents chiffres ont été indiqués aux préfets et aux élus : on a pu parfois leur dire que ce volet territorial pourrait atteindre 25 %, voire le tiers des montants des contrats de plan.

Cette nouvelle disposition, destinée à promouvoir les projets de territoire, est d'une application difficile, dans la mesure où les territoires sont aujourd'hui en cours de formation et ne peuvent pas proposer à la contractualisation un projet immédiatement opérationnel.

Plusieurs questions se posent. Premièrement, les contrats de plan étant signés dès à présent, comment réserver des crédits pour des projets dont on ignore encore le contenu ?

Deuxièmement, le risque n'est-il pas que le projet territorial se réduise à une addition de lignes de crédit des actions de l'État et de la région ?

Troisièmement, quels sont les périmètres pertinents ? En effet, si les périmètres étaient trop insuffisants, on en reviendrait à une logique de guichet au lieu de la logique de projet que la loi a voulu instaurer.

Quatrièmement, comment l'État peut-il, au sein d'une région, aller au-delà des politiques sectorielles et instaurer une transversalité dans la mise en œuvre des politiques ?

Voilà quelques questions pour lancer le débat, monsieur le préfet. Je vous propose de nous présenter un exposé liminaire, puis nous passerons au jeu des questions réponses.

M. Hubert FOURNIER : Monsieur le président, messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir et de me donner l'occasion de vous présenter notre approche du volet territorial du contrat de plan. Je suis accompagné de M. Yves Duruflé, secrétaire général pour les affaires régionales, qui pourra, s'il le souhaite, intervenir.

Tout d'abord, je dois vous dire que les négociations que nous avons eues avec le président de la région Basse-Normandie se sont déroulées dans un très bon climat, et la concertation avec les forces socioprofessionnelles de la région a été très bonne. Elle s'est d'ailleurs illustrée lors de l'examen du contrat de plan au Conseil économique et social qui l'a approuvé à l'unanimité, phénomène relativement rare.

L'existence d'un volet territorial n'a jamais posé de réelles difficultés, puisque la région avait déjà une politique d'aménagement du territoire et possédait certains outils ; elle a donc tout à fait perçu l'intérêt de prévoir un volet territorial significatif dans le cadre du contrat de plan. Notre exercice a consisté à bien identifier, d'une part, les opérations à caractère structurant et dont l'impact est régional, et, d'autre part, les opérations dont la résonance est plus locale, afin de déterminer quelle part nous réserverions à une approche sectorielle et quelle part nous réserverions à une approche territoriale.

Nous avons individualisé un certain nombre de secteurs - je vous citerai des exemples tout à l'heure - car l'idée, et j'apporte là un élément de réponse à votre deuxième question, est bien d'avoir une approche globale de projets, et de réserver des crédits - et une boîte à outils - à des opérations qui s'inscriront dans ces projets territoriaux.

Nous avons, avec le président du conseil régional, dès le préambule, indiqué l'importance de ce volet territorial ; il représente, dans notre contrat de plan, 27,8 % des crédits - de l'État et de la région -, soit 2,522 milliards de francs, sur un total de 9,061 milliards de francs.

Nous avons, dans le cadre de l'article 2 du document consacré à l'explicitation du volet territorial, précisé sa philosophie : exprimer la solidarité entre les territoires de la région et favoriser un meilleur équilibre économique et social. Nous avons également fixé les principes qui régiront l'intervention de l'État et de la région : existence d'une stratégie cohérente au niveau territorial, ce qui signifie que les actions isolées ne seront pas financées ; nécessité d'une forte concertation avec les forces vives, ce qui répond à la philosophie de la loi sur l'aménagement du territoire. Les financements se répartiront en fonction des compétences de chacun et dans le cadre d'une concertation.

Nous avons donc ciblé, dans le cadre du contrat de plan, sur chacun des trois objectifs du contrat, les actions qui entreraient dans le volet territorial. Ces trois objectifs sont les suivants : favoriser le développement économique, aménager le territoire et développer la qualité du cadre de vie et la solidarité. Et nous retrouvons dans chacun de ces objectifs un certain nombre de lignes clairement individualisées comme faisant partie du volet territorial.

Je préciserai que nous n'avons pas prévu une procédure exclusivement contractuelle, du type contrat de pays, contrat d'agglomération, contrat de parc. Nous voulons, en effet, nous réserver la possibilité, en fonction de l'évolution, d'intervenir et de ne pas geler trop longtemps des crédits. Cependant, l'essentiel des actions devraient être financées dans le cadre de ces contrats.

Premier objectif : favoriser le développement économique. Voici quelques exemples que nous avons prévu de territorialiser : le développement des technologies de l'information et de la communication, pour une partie seulement ; l'encouragement de la capacité d'adaptation des entreprises et des salariés ; dans le secteur agricole, l'installation des jeunes agriculteurs et l'encouragement à l'agriculture biologique ; la formation dans le domaine maritime ; le tourisme, pour lequel nous avons prévu plusieurs lignes concernant la professionnalisation, les plans qualité, le fonds d'aide au conseil et tout ce qui concourra à une meilleure organisation de la filière tourisme ; enfin, toutes les opérations de restructuration de la défense, concentrées sur Cherbourg (80 millions de francs, partagés équitablement entre l'État et la région).

Deuxième objectif : l'aménagement du territoire. Nous retrouvons, dans cet objectif, un volet important concernant les infrastructures qui figurent, pour l'essentiel, dans le volet non pas territorial, mais régional. Elles représentent un montant très important dans le cadre du contrat de plan Basse-Normandie.

Nous avons néanmoins individualisé les actions suivantes, qui seront inscrites dans le volet territorial : la déviation Est de Cherbourg ; la liaison ferrée Lisieux-Caen-Bayeux et Saint-Lô ; et, enfin, le volet portuaire, dont les montants sont importants, puisque l'État et la région participeront chacun à hauteur de 145 millions de francs.

S'agissant du plan universitaire, nous avons mis dans le volet territorial tout ce qui concerne les IUT, les bibliothèques universitaires et la vie étudiante.

Nous y avons également prévu l'ingénierie et les projets territoriaux financés sur le FNADT pour lesquels l'État participe à hauteur de 105 millions de francs et la région pour 160 millions de francs.

Troisième objectif : le développement de la qualité du cadre de vie et de la solidarité. Nous avons, là aussi, individualisé un certain nombre de lignes qui sont les suivantes : l'environnement, avec les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole ; le volet culture, avec les centres de ressource et les réseaux culturels ; le développement des pratiques sportives et de loisir ; des actions en matière de logement ; tout ce qui concerne la politique de la ville ; enfin, toute une série d'actions en matière d'offres de formation professionnelle, sur l'égalité homme/femme, la lutte contre les exclusions, ainsi que des actions permettant d'aider l'investissement des organismes de formation.

Voilà quelques éléments de cadrage sur la façon dont nous avons élaboré ce volet territorial. Nous préparons aujourd'hui, avec le conseil régional, un document de mise en œuvre de ce volet territorial, qui va prévoir à la fois un comité régional de suivi - peut-être le mettrons-nous au niveau de la commission régionale d'aménagement durable du territoire (CRADT) - et un comité de pilotage entre l'État et la région, auquel nous associerons sans doute les conseils généraux, pour mettre au point les modalités d'examen des projets qui nous seront présentés et les décisions concernant les financements correspondants.

Il s'agit d'une démarche totalement nouvelle, puisque c'est la première fois, dans le cadre d'un contrat de plan, qu'existe un volet territorial. Pour ma part, je pense que nous aurons certainement à étudier la mise en place de ce nouveau système - ce qui prendra un peu de temps -, mais il s'agira d'un élément d'encouragement très fort à la dynamique de pays et d'agglomérations.

Quatre agglomérations sont concernées en Basse-Normandie, alors qu'il existe une inégale dynamique des pays ; il en va de même de la dynamique intercommunale. L'existence du volet territorial légitime les démarches de développement local et donne une très grande force à cette logique contractuelle ; je pense donc qu'elle va nous permettre, au lieu de faire l'addition des opérations, d'avoir, à partir d'un territoire, cette transversalité que vous évoquiez et qui me paraît aller bien au-delà de cette logique de guichet à laquelle nous sommes parfois habitués.

M. le Président : Monsieur le préfet, je vous remercie.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Monsieur le préfet, quelles sont les structures déjà contractualisables en Basse-Normandie ? Combien comptez-vous d'agglomérations ou de pays déclarés ou en passe de l'être ?

M. Hubert Fournier : Nous comptons déjà quatre agglomérations : Caen, Cherbourg, Alençon et Flers. Caen est actuellement un district qui n'est pas encore transformé en communauté d'agglomérations. Cherbourg et Alençon sont des communautés urbaines, et Flers, qui était une communauté de villes, et qui compte 27 000 habitants, s'est transformée en communauté d'agglomérations.

En ce qui concerne les pays, la situation est très inégale selon les départements. L'Orne est très largement couvert de pays : le pays d'Alençon (qui ne compte pas les six communes de la Sarthe qui font partie de la communauté urbaine) ; le pays d'Ouche, qui réunit trois cantons, des discussions étant en cours pour une éventuelle extension à l'Eure ; le pays d'Auge, pays d'Argentan (qui pose la question de la création de deux pays d'Auge, puisqu'il y a un pays d'Auge dans le Calvados) ; enfin, le bocage Ornais et le Perche qui préparent leur charte, le Perche étant déjà constitué en syndicat mixte.

Pour ce qui est de la Manche, deux pays sont déjà constatés : le Mortainais et le pays de Coutances. Dans l'Avranchin et le pays de Saint-Lô, des pays sont en cours de constitution, tout comme dans le Cotentin.

Pour le Calvados, un pays d'Auge est constaté sur la partie calvadosienne ; le district de Falaise a été transformé en pays constaté, mais une tentative d'extension est en discussion ; le Bessin est en train de s'organiser ; enfin, deux démarches sont en cours, l'une du bocage virois, l'autre du prébocage virois, chacun s'efforçant de m'expliquer combien ils sont différents ! Pour ma part, je souhaite que l'on puisse arriver à un unique pays.

Par ailleurs, des réflexions sont en cours sur le pays de Caen, sur sa délimitation, car il s'agit d'un pays qui pourrait être extrêmement important et représenter la moitié du département. La constitution d'une association est en cours de discussion.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Il est donc clair que vous avez déjà des structures existantes ou des pays constatés et d'autres préparant leur charte, c'est-à-dire des structures intercommunales nombreuses. Vous entrez donc directement dans le cadre des contractualisations territorialisées possibles.

Le volet que vous nous avez présenté est un volet général, consistant en l'ouverture des lignes dans lesquelles les contrats territorialisés pourront puiser pour leurs projets.

On constate que les initiatives, de région à région, peuvent être finalement convergentes, mais différentes dans la stratégie. Pour votre part, vous avez choisi de définir d'abord le cadre des lignes contractuelles et ensuite de laisser les projets mûrir sur le terrain.

D'autres régions ont proposé la démarche inverse, c'est-à-dire de partir des projets contractualisables pour déterminer les lignes les plus importantes dans le volet territorial des contrats de plan. Pouvez-vous nous expliquer le choix de cette stratégie ?

Ce choix nous renvoie certainement à ce que vous nous avez dit au début, c'est-à-dire que cette région possédait déjà une politique territoriale instituée. Pouvez-vous préciser ce que la région a conservé comme initiatives territoriales propres, hors contrat de plan, et ce qu'elle a vraiment inscrit dans le contrat de plan ?

M. le Président : Comment les départements s'articulent-ils avec toute cette série de territoires qui, pour certains, sont encore à l'état de projet, car il n'y a pas encore d'interlocuteurs définis et capables de contractualiser ?

M. Hubert Fournier : Sur ce dernier point, nous avons effectivement une situation variée. Nous ne sommes pas encore au stade de la contractualisation, les pays avancés n'en étant qu'au stade de la préparation de leur charte de développement. Nous sommes donc dans une phase de maturation, sachant que, dans le cadre des études de préfiguration qui ont pu avoir lieu, les projets ne devraient pas tarder à se concrétiser pour certains pays déjà bien avancés ; je pense au bocage ornais ou au Perche, pour lesquels les progrès devraient se réaliser relativement vite.

Pourquoi avoir choisi cette stratégie ? Il nous a semblé important de donner les règles du jeu aux acteurs locaux. Il s'agit là d'un souci qui rejoint notre préoccupation quant à la mise en œuvre des fonds européens. Un des éléments de difficulté que nous avons pu rencontrer dans le passé tient peut-être à l'insuffisante clarification des règles du jeu ; nous souhaitons donc, pour l'ensemble des outils, pouvoir donner aux acteurs locaux des règles claires et simples.

Les directives de la DATAR sur l'élaboration du contrat de plan me semblaient aller dans ce sens, en précisant les types d'actions pouvant faire l'objet du volet territorial. Cette démarche nous a semblé être une démarche de bon sens : donner la boîte à outils qui permettra à chacun, dans le cadre d'un projet d'ensemble au niveau territorial, de savoir si l'action qu'il envisage pourra être financée.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Avez-vous songé aux risques éventuels ? Le premier serait qu'il y ait des vitesses différentes dans l'exécution du contrat : une certaine vitesse jusqu'en 2003, puis une autre, qui serait fonction de la capacité qu'auront les pays et les agglomérations à se projeter dans l'avenir et à imaginer la réalisation de leurs projets.

Le deuxième risque pourrait se résumer ainsi : premier arrivé, premier servi. N'existe-t-il pas en effet un risque de droit de tirage ouvert sur les premiers projets, justement parce qu'ils sont les premiers ?

Enfin, n'y a-t-il pas le risque du gel en attendant 2003 ?

M. Hubert Fournier : Vous avez parfaitement identifié les trois risques par rapport auxquels nous devrons nous positionner.

Le premier risque - vitesse différentielle de l'exécution du contrat - rejoint votre troisième question sur le gel. A partir du moment où nous avons jusqu'à 2003 pour conclure les contrats, il est évident que nous financerons beaucoup moins d'actions de 2000 à 2003 que de 2003 à 2006. En fait, cela est inscrit dans le calendrier tel qui a été établi.

Il sera donc sans doute nécessaire d'accélérer la mise en œuvre, ce qui veut dire qu'un des messages que nous serons amenés à délivrer aux acteurs locaux sera de ne pas attendre la date butoir de 2003 pour proposer leur projet, sachant qu'il sera plus difficile ensuite de pouvoir répondre à toutes les demandes.

En ce qui concerne le deuxième risque, nous aurons, avec la région, des discussions pour établir un certain nombre de critères d'appréciation afin de mesurer l'aide que nous accorderons dans le cadre des contrats de pays et d'agglomération, et d'éviter que la cagnotte ne soit immédiatement dépensée.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : D'où l'importance du document de mise en œuvre.

M. Serge Poignant : Monsieur le préfet, vous avez parlé de la définition du volet territorial dans le volet contrat de plan. Ne pensez-vous pas qu'un certain nombre d'actions territoriales étaient déjà largement contenues dans les contrats régionaux de développement (CRD) ?

Que pensez-vous de l'apport supplémentaire ? Allons-nous finalement remettre des CRD dans les contrats de plan, mais sans automatiquement réaliser de nouvelles actions ou sans apporter un volume de financement important ?

Vous n'avez pas parlé de la contractualisation directe, possible entre l'État et le pays ou l'agglomération. Comment voyez-vous ces différents étages : le contrat de plan avec sa partie territoriale, les contrats régionaux de développement - où se situent-ils dans ce double étage - et les contractualisations directes ? Par ailleurs, quels sont les moyens financiers supplémentaires qui seront nécessaires pour les collectivités locales ?

M. Pierre Cohen : Monsieur le préfet, la méthode que vous préconisez est en effet une méthode de bon sens. Cependant, elle est tellement cadrée qu'elle peut empêcher l'extension de la contractualisation État-région aux nouveaux territoires émergents, qui feront partie de la nouvelle dynamique de l'aménagement du territoire.

Même si vous le présentez comme une boîte à outils, il existe un risque de considérer ces outils comme des guichets, c'est-à-dire de définir des projets, en fonction des moyens financiers disponibles.

Vous donnez-vous la possibilité de financer les innovations qui feront la force de ces projets, en plus de ce que vous avez présenté comme étant les éléments essentiels des aspects territoriaux ?

Il s'agirait là de privilégier la responsabilité des territoires émergents par rapport à une vision déjà régionaliste ou étatique de la mise en place des territoires.

M. Hubert Fournier : Monsieur Poignant, l'intérêt du volet territorial est d'essayer de rendre cohérentes les démarches territoriales des différents acteurs : la région, les départements, l'État. J'y vois là un apport nouveau, qui nous oblige à mettre en cohérence tous ces outils. L'autre intérêt du volet territorial étant l'appel à l'initiative.

Nous avons dit avec le président du conseil régional lorsque nous avons signé le contrat de plan, que cette signature est certes l'aboutissement d'une démarche, mais surtout le point de départ des initiatives, notamment locales. La balle est dans le camp des acteurs, et ce sont eux qui feront que ce contrat aura réellement porté tous ses fruits.

En ce qui concerne la méthode, je ne pense pas que l'initiative soit bridée dans le cadre de cette démarche, au sens où elle empêcherait des initiatives originales. Lorsque je me réfère au volet de l'intervention du FNADT, par exemple, sur l'ingénierie et les projets territoriaux, et l'intervention, en contrepartie, du conseil régional, nous avons là une masse de crédits très importante pour lancer des pistes innovantes et originales.

Nous avons également voulu, et le chiffre de 27,8 % est significatif, ouvrir très largement la palette de ce qui pourrait être pris en compte dans le cadre de ces contrats. Cela ne signifie pas pour autant que les agglomérations ou les pays vont bâtir leur projet en fonction de la liste de ce qui est finançable.

Nous leur donnons la boîte à outils, que nous avons essayé de faire la plus large possible, afin qu'ils disposent de tous les éléments nécessaires à la réalisation de leur projet. Tout le volet "ingénierie, projets territoriaux" est un élément important auquel les différents acteurs pourront avoir recours.

M. Yves Duruflé : Monsieur le président, messieurs les députés, vous avez pu constater que la méthode que l'on a suivie en Basse-Normandie prenait en compte le fait que les situations étaient très inégales selon les territoires. Par conséquent, il nous a paru important de définir à la fois une méthode et une enveloppe financière, c'est-à-dire de pouvoir, d'entrée de jeu, fournir une boîte à outils en précisant que cela se ferait sur des programmes concertés avec l'ensemble des acteurs d'un territoire, qu'il ne s'agissait pas d'un catalogue d'opérations ; cela doit donc être le fruit d'une négociation entre les porteurs du projet territorial et l'État et la région.

Je dis bien État-région. En effet, nous avons d'emblée précisé qu'il s'agissait d'une démarche État-région, et que nous n'envisagions pas une contractualisation séparée État-territoire ou région-territoire, bien que la région n'ait pas contractualisé la totalité de ses interventions dans le cadre du contrat de plan et, a fortiori, dans le cadre du volet territorial.

Nous avons voulu que le volet financier soit incitatif, significatif et attractif, afin d'inciter les acteurs porteurs d'un projet à s'inscrire dans ce volet territorial. Nous n'avons pas souhaité nous enfermer dans une forme contractuelle - bien que l'on considère qu'il s'agit d'un vecteur prioritaire de mise en œuvre du volet territorial - pour pouvoir travailler en amont, c'est-à-dire, par exemple, utiliser des crédits "ingénierie territoriale" afin d'aider et de faciliter l'émergence de ces territoires et de ces projets, voire même pour financer des projets symptomatiques ou emblématiques permettant de fédérer un projet de territoire.

Par ailleurs, il est évident que l'on utilisera la phase intermédiaire de révision en 2003 pour faire le point sur la manière dont le volet territorial a été mis en œuvre ; il y a aura, dans le cadre du contrat de plan, un dispositif de suivi État-région, d'évaluation, qui fera le point annuellement sur l'engagement des actions du contrat de plan. En outre, nous ne nous interdisons pas, en 2003 - ou peut-être avant -, de réajuster ou de réadapter le volet en fonction des priorités que nous avons inscrites aujourd'hui.

M. le Président : Certains territoires de votre région sont bien identifiés, et je souhaiterais savoir comment les départements se positionnent dans cette architecture : État, région, pays en cours de constitution, agglomérations à la recherche de territoire, et conseils généraux qui possèdent déjà des territoires bien identifiés avec des politiques définies ?

M. Gérard Hamel : Monsieur le préfet, je souhaiterais pour ma part savoir quelle est la place - et le rôle - que joue l'agglomération dans la politique de pays. Rencontrez-vous des difficultés de constitution de pays, avec ou sans agglomérations constituées ou en cours de constitution ?

Quelles sont les difficultés éventuelles de cohérence territoriale avec les communes qui ont une frontière avec d'autres départements ? Existe-t-il des vides à l'intérieur d'un pays, c'est-à-dire des communes qui ne prennent pas de décisions, qui ne parviennent pas à se situer ? Comment tout cela se passe-t-il avec les communes frontalières ?

M. Hubert Fournier : En ce qui concerne la relation avec les départements, je pense que la signature du contrat de plan va nous donner l'occasion d'organiser une concertation plus poussée entre l'État, la région et le département. Cela fera partie de nos travaux dans les mois qui viennent, lorsqu'on examinera les procédures et le document de mise en œuvre ; nous verrons, à ce moment-là, comment nous pouvons impliquer les départements.

M. le Président : En fait, monsieur le préfet, les conseils généraux, qui possèdent leurs territoires, vont-ils favoriser la création de pays ?

M. Hubert Fournier : Les départements ne se comportent pas tous de la même façon. Dans l'Orne, par exemple, il y a eu à la fois un développement de l'intercommunalité et des pays - donc une structuration du département -, avec une couverture totale. Dans la Manche, la question du nord Cotentin n'est pas réglée. Dans le Calvados, enfin, des initiatives ont été prises, mais avec un manque de cohérence qui peut poser des problèmes.

Nous nous sommes posé la question, dans notre démarche, de savoir comment l'on pouvait éviter que des zones restent en dehors de cette dynamique. C'est toute la difficulté de concilier deux impératifs : d'une part, laisser l'initiative de constitution de pays aux élus locaux, et, d'autre part, l'établissement d'une certaine cohérence.

Ce volet territorial va donc être l'occasion pour l'État, la région et le département, de se retrouver pour tenter d'établir cette cohérence d'ensemble. La question des limites départementales est une vraie question. En Basse-Normandie, je vous l'ai dit, cette question se pose pour le bocage ornais, le bocage virois et le prébocage virois ; en outre, nous avons un pays d'Auge ornais et un pays d'Auge calvadosien.

Et une autre question se pose : la taille des pays. Faut-il créer des pays très vastes ou bien de taille limitée ?

M. le Président : Je suis élu d'un pays interdépartemental qui recouvre une partie du département des Côtes-d'Armor, du Finistère et du Morbihan : le pays du Centre Ouest Bretagne. Il s'agit d'une expérience qui a maintenant cours depuis quelques années et qui commence à avoir une existence de fait.

Jusqu'à présent, il s'agissait d'un pays conçu comme étant un territoire d'études et de projets. Il ne comporte pas de grandes villes, mais toute une série de chefs-lieux de cantons, contrairement à certains pays qui se rassemblent autour d'une ville centre. Les caractéristiques des pays seront différentes, par conséquent, les approches aussi.

M. Gérard Hamel : Dans ma région, la question du rôle et de la place de l'agglomération se pose dans de nombreux endroits ; est-elle réellement partie prenante, ou est-ce une identité particulière consultée par le pays ? Certaines agglomérations souhaitent garder, par rapport au pays, une certaine indépendance et ne participer qu'aux réflexions d'ordre global.

M. Hubert Fournier : Je prendrai l'exemple de Caen. Ce sont plutôt les élus de l'agglomération de Caen qui sont partisans d'un pays de Caen. Autrement dit, ils sentent bien l'importance d'articuler l'agglomération elle-même et son arrière-pays.

Nous n'en sommes qu'au début de la démarche, et comme actuellement un débat est en cours sur la transformation éventuelle du district en communauté d'agglomérations, les deux débats ont tendance à s'interpénétrer.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Je voudrais revenir sur votre vision des "emboîtements" et des cohérences. Au sujet des "emboîtements" contractuels, tout d'abord, contrat de ville, contrat d'agglomération, contrat de pays, contrat de plan État-région, avec des emboîtements partiels mais pas totaux : la réflexion est-elle achevée ou en êtes-vous au début ? La région, par exemple, a-t-elle fixé au préalable ce qu'elle entendait mettre sur les contrats de ville, d'agglomération ou de pays ?

Par ailleurs, où en est la région dans la cohérence et l'établissement d'autres planifications ? Le schéma régional d'aménagement durable du territoire (SRADT) donne une image à 20 ans et qui, théoriquement, inclut la réflexion et la politique présentées dans le contrat de plan État-région, alors que dans de nombreuses régions, on a travaillé dans l'urgence et le SRADT est en train, aujourd'hui, de s'ajuster.

En outre, où en êtes-vous dans l'établissement de la réflexion régionale sur les schémas de services collectifs ? On a, en quelque sorte, une double cohérence : celle de la politique contractualisée et celle des schémas de planification qui donnent une image sur une durée plus longue ; la seconde conditionnant partiellement la première, alors que, souvent, on a privilégié la première.

Deuxième question, vous avez parlé d'ingénierie. Des crédits sont ouverts dans le cadre contractuel ; là comme ailleurs, ne remarque-t-on pas une dichotomie entre l'ouverture de crédits et les moyens réels d'ingénierie ?

Enfin, il serait indispensable que l'on puisse avoir, pour certains projets territorialisés, une forme de suivi. Les documents de mise en œuvre que vous allez produire vont être particulièrement importants. Et le suivi annuel sera également un élément très intéressant. Il serait donc très souhaitable, pour nous, de suivre un projet original.

M. Hubert Fournier : En ce qui concerne votre question sur l'emboîtement contractuel, nous ne sommes sûrement pas au bout de la réflexion ! Mais nous avons, par exemple, clairement identifié ce qui sera inscrit dans les contrats de ville.

Quant au schéma de développement de la région, cette dernière a mis au point un document d'analyse et de prospective qui a servi de base à la réflexion pour l'établissement du contrat de plan. Deux démarches ont, en fait, été entreprises : l'une du conseil régional, associant très largement le conseil économique et social régional, et l'autre de l'État - sur les stratégies de l'État en région -, qui ont permis d'échanger des points de vue sur les objectifs, les actions à mener et sur l'effet de levier des opérations que l'on pourrait retenir.

En ce qui concerne les schémas de services collectifs, il s'agit d'un exercice qui, étant un apport à un schéma national, n'est pas tout à fait un schéma régional. Cependant, même si les démarches ont été parallèles, certains éléments ont pu être utiles pour la mise au point du contrat de plan.

S'agissant de votre dernière question relative à l'ingénierie, je pense que les capacités sont suffisantes, sachant par ailleurs que nous sommes proches de l'Ile-de-France.

M. Yves Duruflé : La réponse a en fait deux volets. Un volet régional, où l'on s'appuie déjà sur des structures intercommunales qui ont une histoire et un certain nombre de moyens humains qui permettent de contribuer à l'élaboration de ces projets. Et un second volet où l'on prend en compte la proximité de la région Ile-de-France ; il est en effet assez facile de trouver des compétences extérieures qui viendraient travailler à la demande sur l'élaboration de projets bien définis.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : En fait, il convient de déterminer comment se réalise l'équité territoriale, car je ne suis pas sûr que dans le Massif-Central, on ait les mêmes possibilités !

M. Hubert Fournier : Je n'ai pas répondu à votre demande de suivi d'un projet : je pense que le contrat d'agglomération sera prêt le premier, et notamment celui de Caen. Et, bien entendu, il nous sera possible de vous donner un certain nombre d'informations, non seulement sur le contrat lui-même, mais également sur les mécanismes de suivi.

M. Serge Poignant : Vous n'avez pas parlé, en ce qui concerne "l'emboîtement" et la cohérence, des contrats de pays.

M. Hubert Fournier : Les difficultés que nous rencontrons concernent surtout les contrats de ville, d'agglomérations, ou les grands projets urbains. Les contrats de pays nous paraissent en revanche relativement simples.

Quant aux agglomérations faisant partie d'un pays, on peut prendre l'exemple de Caen, nous ferons le contrat d'agglomération bien avant le contrat de pays. Ce dernier tiendra donc compte de l'existence de l'agglomération, ce qui permettra de compléter, pour l'ensemble du pays de Caen, le dispositif prévu dans le contrat d'agglomération.

M. Henri Nayrou : Monsieur le préfet, avez-vous le sentiment que les départements de votre région prennent ombrage du fait que les pays puissent contractualiser directement avec la région ?

Deuxièmement, vous êtes préfet de la région Basse-Normandie ; or il est étonnant de voir une région de Basse-Normandie et une région de Haute-Normandie !

Troisièmement, je voudrais connaître votre sentiment en ce qui concerne l'existence des strates successives suivantes : d'une part, les communes, les communautés de communes et les cantons, et, d'autre part, les agglomérations, les pays, les départements et la région.

Enfin, combien de temps faudra-t-il aux schémas de services collectifs pour s'installer dans le paysage ?

M. Pierre Cohen : On sent bien que les schémas de services collectifs relèvent d'une logique nationale, mais maintenant, dès que l'on aborde le thème de la réforme, l'opposition à celle-ci est fondée sur le problème de l'aménagement du territoire. La réaction des élus démontre que l'on doit réellement repenser toute évolution des schémas de services collectifs en fonction de la notion d'aménagement du territoire.

Les territoires émergents, agglomérations et pays, devront s'approprier cette réflexion qui ne peut pas être uniquement un débat national.

M. le Président : Comment réagissez-vous face à ces différents niveaux de contrats au regard du problème du maintien du service public ? Comment se fait le croisement des décisions verticales des administrations par rapport aux structures plus transversales auxquelles nous faisons référence ?

Ma seconde question recoupe la remarque de M. Henri Nayrou concernant la Basse et la Haute-Normandie, même si, je le reconnais, je ne suis pas compétent pour décider s'il vaut mieux une grande Normandie que deux plus petites. Mais existe-t-il une coopération dans le cadre du contrat de plan ? Y a-t-il une partie interrégionale entre la Basse et la Haute-Normandie ? Par ailleurs, existe-t-il un volet territorialisé à la limite des deux régions ?

M. Hubert Fournier : Monsieur le président, messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir me pardonner si je ne réponds pas de façon complète à toutes vos questions, certaines relevant du domaine politique.

Premièrement, les départements s'opposent-ils à la territorialisation ? J'ai le sentiment que la dynamique est lancée en Basse-Normandie, certains départements, tel que l'Orne, étant même en pointe. Non, je ne crois pas qu'il y ait de résistance ; en revanche, il peut y avoir des débats sur les limites des pays, ce qui, d'ailleurs, fait partie de mes soucis. Il sera nécessaire, à un certain moment, de réunir tous les partenaires afin d'instaurer une vraie cohérence, rendue d'autant plus nécessaire par l'existence du volet territorial.

S'agissant de l'existence de deux régions en Normandie, j'ai trouvé cette situation en arrivant ! Ce qui est important, c'est que l'on puisse, avec mon collègue de Haute-Normandie, identifier les domaines dans lesquels nous pouvons travailler ensemble ; et la préparation de la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Seine est une bonne occasion d'engager un travail en commun, à la fois entre nous et entre les élus des deux régions. Je constate pour ma part, qu'en quelques mois, le fait d'être appelés à une réflexion de ce type, nous a permis de nouer des contacts beaucoup plus intéressants.

M. Le Président : Quelle est la partie qui pousse le plus au rapprochement : la partie maritime ou la partie intérieure ?

M. Hubert Fournier : C'est, pour l'essentiel, l'estuaire.

Mais nous avons d'autres actions en commun, telles que le pôle universitaire normand qui a pour but de conjuguer les actions des universités des deux régions. De même, l'institut régional de la qualité alimentaire - que nous avons décidé d'aider dans le cadre du contrat - est une initiative de la chambre d'agriculture interrégionale, elle réunit donc les deux Normandie. En outre, les actions menées par Normandie Développement, société de développement régionale mise en place par la DATAR, permettent de nous rejoindre sur des actions communes.

Enfin, l'opération Normandie-Val de Seine, concernant une éventuelle liaison entre la Normandie et la région parisienne, conduit les deux conseils régionaux de Normandie à travailler en commun. Si ce projet était mené à terme, nous aurions à la fois une amélioration du temps de parcours vers Paris, et une connexion, à Paris, vers le réseau TGV. Nous sommes optimistes, car le ministre de l'équipement a récemment indiqué que ce projet était pertinent ; des études lourdes vont donc s'engager. La seule approche qui puisse être la mienne - et celle de mon équipe - dans ce débat, est non pas de prendre parti, mais d'identifier les actions sur lesquelles nous pouvons travailler ensemble.

M. Henri Nayrou : Pour en revenir à la territorialisation, le problème, demain, sera le niveau de cohérence. En effet, nous avons une cohérence pour les communautés de communes, nous allons en avoir une dans les contrats d'agglomération et les contrats de pays. Ensuite, la cohérence va de facto s'imposer à la fois aux départements et aux régions.

Je prendrai l'exemple de l'Aude, département tiraillé entre les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon : il est clair que si l'on pousse la cohérence jusqu'au bout, on sera obligé de le partager en deux. Tel est le débat auquel nous allons être confrontés ; débat que la loi Chevènement du 12 juillet 1999 n'a pas voulu ou n'a pas pu prendre en compte, mais dès lors qu'on a mis le doigt sur les bassins de vie cohérents, on sera conduit à faire sauter les limites des départements, vieilles de 200 ans.

M. Hubert Fournier : Il me semble nécessaire, pour que les pays fonctionnent bien, qu'il y ait une intercommunalité permettant de les structurer intelligemment ; il s'agit là à la fois de la cohérence et d'une plus grande facilité de travail. Si un pays regroupe 200 communes, il sera difficile de réunir 200 maires tous les mois pour travailler ; s'il existe des intercommunalités qui le structurent, il sera bien plus facile de travailler.

Il est évident que nous allons vivre, dans les années qui viennent, des logiques de territoire qui seront différentes les unes des autres ; et c'est l'avenir qui nous dira s'il convient de procéder à de nouveaux découpages.

M. le Président : Monsieur le préfet, je vous remercie.


© Assemblée nationale