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DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Audition de Mme Dominique VOYNET, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Procès-verbal de la séance du mercredi 31 mai 2000

Présidence de M. Philippe DURON, Président.

M. le Président : Madame la Ministre, la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est particulièrement heureuse de vous recevoir aujourd'hui pour la première fois, afin d'évoquer avec vous une série de sujets, et principalement celui du volet territorial des contrats de plan Etat-région.

Ce thème est le premier choisi par notre Délégation. Cela est logique dans la mesure où la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire a innové en mettant l'accent sur la recomposition des territoires et sur la possibilité conférée aux pays et aux agglomérations de contractualiser dans le cadre de la nouvelle génération des contrats de plan qui viennent d'être signés.

La Délégation a procédé à plusieurs auditions sur ce thème. Elle a entendu les représentants de l'Association des régions de France et de l'Assemblée des départements de France ; elle a reçu Mme Bettina Laville, conseillère du Premier Ministre ; elle a entendu MM. Dominique Parthenay, Francis Ampe et Nicolas Portier, de la DATAR, qui est rattachée à votre ministère ; elle a ensuite auditionné plusieurs préfets, M. Hubert Fournier, préfet de Basse-Normandie, M. Rémy Pautrat, préfet du Nord-Pas-de-Calais, puis l'un de vos prédécesseurs, Madame la Ministre, M. Jacques Chérèque.

La Délégation, pour compléter son information, a effectué un déplacement en Champagne-Ardenne, où elle a rencontré le préfet, M. Michel Thénault, le président du conseil régional, M. Jean-Claude Etienne, des conseillers régionaux et le président du CES régional.

Notre rapporteur, M. Jean-Claude Daniel, nous a présenté son rapport le 17 mai dernier, mais la Délégation ne voulait pas clore ce thème sans vous entendre à ce sujet et échanger quelques réflexions avec vous. Au cours de cette réunion, la délégation a adopté dix recommandations. Vous avez pu en prendre connaissance dans le compte rendu qui a été publié à la suite de cette réunion ; je ne vous les rappellerai donc pas toutes, mais, peut-être certaines d'entre elle permettront-elles de lancer la discussion à l'issue de votre exposé liminaire.

L'ensemble d'entre elles montre que la Délégation souhaitait avoir une meilleure connaissance des réalités du terrain. C'est ainsi qu'elle a mis l'accent sur la nécessité de mettre en place un observatoire des territoires et de disposer d'une cartographie plus détaillée. Elle a également demandé au gouvernement d'expliciter la cohérence et l'articulation entre les contrats de ville et les contrats d'agglomération, et plus généralement la méthodologie d'emboîtement des différents contrats.

Enfin, elle a regretté qu'il n'ait pas été possible de mettre à la disposition des préfets des crédits non affectés, au moins pour les micro projets, et que le rôle du conseil de développement prévu par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire soit, de fait, minoré.

Je vous laisse la parole, madame la Ministre, pour que vous puissiez, dans un exposé liminaire, nous donner votre point de vue sur ces questions.

Mme Dominique Voynet : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette séance est pour moi l'occasion de faire le point sur la mise en _uvre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, votée le 25 juin dernier. Voilà donc un an que cette loi a été promulguée ; nous n'avons pas terminé la mise en _uvre des grands chantiers générés par cette loi qui a l'ambition de réorienter les choix publics en matière d'aménagement durable du territoire, mais de le faire dans une approche permettant une réelle appropriation collective de ces choix.

Je voudrais dire quelques mots des chantiers qui ont été, pour l'essentiel, menés à bien au cours de cette année, en évoquant tout d'abord les contrats de plan Etat-région et les documents de programmation européens.

La conclusion, à ce jour, de 25 des 26 contrats de plan Etat-région, la région Auvergne faisant exception, et la transmission à Bruxelles des documents de programmation européens au titre des objectifs 1 et 2 fixent en grande partie le cadre de la politique active d'aménagement du territoire des prochaines années.

La conclusion rapide de ces contrats est le fruit d'une discussion équilibrée, respectueuse des compétences et des projets des régions et des collectivités territoriales, menée depuis le deuxième semestre 1998. Elle manifeste, tout comme pour les documents de programmation européens, l'intérêt des régions et des collectivités pour cet exercice et l'importance de leur engagement : pour les contrats de plan Etat-régions, c'est à une quasi-parité que s'engagent les régions, puisque, aux 120 milliards de francs dégagés sur sept ans par l'Etat correspondent plus de 110 milliards de francs des régions, auxquels s'ajoutent environ 50 milliards de francs des départements. Il convient d'y ajouter environ 64 milliards de francs de fonds structurels européens programmés dans une stratégie élaborée région par région par les préfets. Au total, 350 milliards de francs seront consacrés à ces politiques, de 2000 à 2006, soit 50 milliards de francs par an.

Le volet territorial de ces contrats est important puisqu'il mobilise potentiellement 30 % des crédits de l'Etat et des régions, soit 70 milliards de francs sur la période. Il s'agit, soit de crédits dédiés spécifiquement à ce volet territorial, en particulier les crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et les crédits de la politique de la ville pour un tiers, soit de crédits sectoriels applicables localement dans le cadre des contrats pour les deux autres tiers ce qui représente la moitié des 40 % de crédits non dédiés et affectés régionalement dans le cadre des contrats, en matière, par exemple, de transport ou d'enseignement supérieur et de recherche.

On voit bien comment, selon les régions, on s'est emparé de cette dimension territoriale des contrats, avec le souci de concrétiser ce qui correspondait à une attente forte du terrain, et comment on s'est adapté en cherchant à mettre en valeur la cohérence territoriale. La démarche a été comprise et soutenue dans plus de la moitié des régions.

Pour être plus précise, outre les 4 milliards de francs du FNADT et les 8 milliards de francs de la politique de la ville, le gouvernement a procédé au repérage des moyens budgétaires qui serviront de manière privilégiée à financer des actions inscrites dans les contrats territoriaux.

Ces politiques, dites à vocation territoriale, ont été déterminées dans un cadre interministériel et correspondent aux différentes actions que les ministères s'engagent à mettre en _uvre dans le cadre des volets territoriaux et pour lesquels ils considèrent qu'un gain d'efficacité significatif résultera de cette procédure.

Il est demandé aux préfets, à ce titre, de veiller scrupuleusement au respect des principes de la loi en dissuadant les démarches précipitées qui ne présenteraient pas les garanties nécessaires en matière de participation des acteurs économiques, sociaux et associatifs locaux. Il leur a aussi été demandé de veiller à la cohérence des espaces proposés pour les pays et aux progrès réels de l'intercommunalité pour les agglomérations. Il s'agit de s'assurer que les contrats se fondent sur un projet de territoire prenant en compte l'ensemble de l'aire urbaine et, a minima, la totalité des communes du pôle urbain principal.

Pour ce qui concerne les pays, il convient de veiller au renforcement des solidarités entre espaces ruraux et urbains, notamment à l'échelle du bassin d'emploi, en utilisant la souplesse permise par la distinction prévue entre périmètre d'étude et périmètre définitif du pays.

Dans la perspective d'une meilleure contribution des services de l'Etat au dispositif, il est demandé aux préfets de mobiliser les collèges des chefs de services extérieurs de l'Etat au niveau départemental et régional. Ceux-ci seront encouragés à apporter leur concours à l'élaboration des projets d'agglomération ou de pays, dès lors que les acteurs locaux souhaiteront les associer à leurs travaux. Ils auront la charge de préparer les contrats de territoires et d'en assurer le suivi lors de la phase de mise en _uvre. Il est demandé que chaque administration, tant au niveau départemental qu'au niveau régional, nomme un correspondant, doté des prérogatives suffisantes pour mobiliser l'administration de rattachement à travers ces contrats territoriaux.

Cette mobilisation concerne particulièrement :

- l'agriculture, au travers des programmes rassemblés sous les intitulés "développement durable des activités et des emplois" et "gestion des milieux" ;

- l'industrie, pour les politiques en faveur des petites et moyennes entreprises, et, en liaison avec le FNADT, pour la mobilisation des systèmes productifs locaux ;

- les PME, le commerce et l'artisanat, pour les actions d'accompagnement, de promotion des nouvelles technologies, de mobilisation pour les investissements immatériels et les actions groupées ;

- l'économie sociale et solidaire ;

- le tourisme, pour la mobilisation et le développement du tourisme local ;

- la culture, pour l'ensemble des programmes relatifs à l'aménagement culturel du territoire ;

- l'éducation nationale, la recherche et la technologie, pour les actions relatives à la technologie, à la vie étudiante et au développement des pôles et des actions nouvelles ;

- l'emploi, la solidarité et la santé, pour les dispositifs d'insertion professionnelle et de lutte contre l'exclusion, l'adaptation des entreprises, les actions à destination des publics particuliers, notamment les personnes âgées, les personnes handicapées ;

- l'environnement, notamment pour la gestion des milieux naturels, l'intervention en faveur des sites et des paysages, les actions relatives à la réduction des pollutions de l'air et du bruit, l'éducation à l'environnement ;

- la jeunesse et les sports, pour les actions relatives à la jeunesse et à la vie associative.

La mise en place de ce cadre budgétaire et de ce programme rend d'autant plus nécessaire la publication prochaine des décrets et textes d'application relatifs à ce volet territorial.

La plupart des décrets étaient prêts dès le mois de septembre et les phases de concertation -concertations prévues et voulues à la fois par le gouvernement et les parlementaires- ont été longues.

Il est vrai qu'en raison du temps consacré à de vrais échanges avec le conseil national de l'aménagement et du développement du territoire (CNADT) et les consultations menées dans les régions, le Conseil d'Etat n'a été saisi que le 19 avril dernier de l'ensemble des projets de décrets, à l'exception de celui qui est relatif aux agglomérations et qui sera transmis cette semaine ; il devrait rendre un avis début juin.

Nous avons en effet eu d'abord une première présentation devant le CNADT ; nous avons intégré ses remarques dans les projets qui ont ensuite fait l'objet d'une consultation interministérielle, puis nous avons indiqué au CNADT celles de ses suggestions que nous avions retenues. Cette procédure est relativement lourde et peut gêner le CNADT ; il est en effet difficile de mobiliser des élus locaux, des représentants syndicaux et associatifs sur des projets de textes lourds, technocratiques. Nous avons d'ailleurs remarqué que la participation à ces réunions était aléatoire et assez faible dès lors que les sujets abordés n'étaient pas des sujets très concrets et ancrés dans la pratique des participants.

Le nouveau conseil national d'aménagement et du développement du territoire (CNADT), les conférences régionales d'aménagement et du développement du territoire (CRADT), ainsi que les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire pourront donc être mis en place ou élaborés dès cet été. En fait, il s'agit là d'une clause de style, puisque le CNADT et les CRADT fonctionnent déjà sur des bases qui tiennent compte de la volonté de renouvellement qui s'exprimait dans la loi.

La mise en place des pays et des agglomérations et la contractualisation avec ces territoires pourront également s'engager sans retard particulier par rapport aux contrats de plan, la possibilité de conclure les contrats relatifs au volet territorial étant ouverte jusqu'en 2003. Les décrets confirment, malgré les réticences des ministères de l'intérieur et des transports, de l'équipement et du logement, la nécessité d'un projet préalable et le caractère partenarial de cette entreprise.

A ce jour, plus de 200 territoires ont engagé la réflexion et les démarches préalables à la constitution des pays. Il en est de même pour une trentaine d'agglomérations, parmi lesquelles les quatorze agglomérations-tests avec lesquelles une démarche d'expérimentation est menée.

La mobilisation des acteurs locaux lors des cinquièmes rencontres du développement local qui se sont tenues à Lille les 22 et 23 mai constitue à cet égard un signe très encourageant. Elle permet d'espérer une réelle amélioration qualitative des projets. Une réunion des préfets de région à la mi-juin, accompagnée d'une circulaire à leur attention, pourra préciser les modalités pratiques de mise en place des agglomérations.

Je veillerai tout particulièrement à ce que les moyens d'ingénierie prévus dans le cadre du FNADT qui, comme vous le soulignez dans votre rapport, sont indispensables à la qualité des projets, soient mobilisés auprès des collectivités maîtres d'ouvrage pour la conduite et le pilotage du projet d'ensemble, et pour partie, auprès des conseils de développement pour assurer la participation et le partenariat avec les acteurs économiques, sociaux et associatifs.

S'agissant des actions elles-mêmes, les crédits du FNADT doivent permettre de répondre aux besoins de crédits non affectés pour les petits projets ou les éléments nécessaires à la cohérence de l'ensemble. Et je serai attentive à ce que, progressivement, les volets des contrats territoriaux d'exploitation consacrés à l'environnement puissent être mis en cohérence, voire intégrés dans les projets de territoire.

Pour ce qui concerne les contrats de ville, 250 contrats sont aujourd'hui signés ou en voie de l'être. Ces contrats, qui constituent une contribution au volet de cohésion sociale et territoriale des futurs contrats d'agglomération, seront intégrés dans la contractualisation et, le cas échéant, réexaminés et amendés pour tenir compte du document d'ensemble. Je pourrai revenir plus en détail sur les questions que vous vous poseriez sur les divers aspects précédemment évoqués.

Le deuxième grand volet concerne les schémas de services collectifs.

L'élaboration des neufs schémas de services collectifs prévus par la loi comprend trois étapes. La première, qui s'est achevée en août 1999, a conduit à produire les documents de cadrage fixant les priorités de l'Etat dans chacun des domaines concernés.

La deuxième, menée sous l'autorité des préfets de région, a permis à la fois une élaboration concertée avec les acteurs régionaux et l'identification des priorités pertinentes au regard des grandes orientations des notes de cadrage. Elle a fixé également les objectifs d'amélioration de service à satisfaire.

La troisième, enfin, qui est en cours, doit permettre aux comités stratégiques d'élaborer le contenu des schémas lui-même. Engagée activement avec chacun des ministres concernés, les projets de schéma doivent être achevés au plus tard le 31 juillet prochain, de même que la rédaction du document d'introduction d'ensemble des schémas. Celui-ci s'appuiera sur les travaux de prospective menés à la DATAR et au commissariat général du plan.

Les consultations prévues se dérouleront auprès des régions et des conférences régionales du 1er septembre au 30 novembre 2000. Les avis et contributions issus de cette consultation seront rassemblés pour être adressés aux comités stratégiques et joints aux documents de la consultation nationale. Celle-ci se déroulera du 1er janvier au 31 mars 2001 auprès de votre Délégation et de celle du Sénat, et auprès du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et des instances spécialisées.

Ce calendrier devrait permettre une adoption définitive des schémas par le gouvernement avant le 30 avril 2001, en vue de la publication du décret. Nous pourrons revenir plus en détail sur chacun de ces schémas. Vous l'aurez noté, l'essentiel des délais sont ceux de la concertation et des échanges ; nous aurions pu nous en tenir à une collecte des contributions régionales suivie d'une synthèse nationale et de l'élaboration par l'Etat de ces propositions.

Nous avons souhaité, parce que cela correspondait à une demande forte des régions, que les propositions de l'Etat leur soient retransmises pour que l'on s'assure de l'adéquation entre les contributions régionales et la synthèse nationale, et que l'on dispose de l'avis des régions sur des schémas nationaux, avec une vue d'ensemble pour chacune d'entre elles.

On peut répertorier ces schémas en trois grandes catégories. Tout d'abord, les quatre schémas relatifs au transport de voyageurs et de marchandises, à l'enseignement supérieur et à la recherche, ainsi qu'à la santé, sont aujourd'hui largement avancés et font l'objet d'arbitrages et de choix de la part du gouvernement. C'est ainsi, par exemple, qu'en matière de transport, je m'attache à ce que les objectifs de services et d'environnement, notamment au regard des engagements relatifs à la lutte contre l'effet de serre, soient pleinement pris en compte.

Ensuite, les schémas relatifs à la culture, au sport à et l'énergie, dont le cadre national est fixé, nécessitent un travail plus fin de localisation et de territorialisation aux échelles régionales ou interrégionales.

Enfin, les technologies de l'information et de la communication, ainsi que les espaces naturels et ruraux, qui constituent des exercices nouveaux dans leur réalisation et dans leur conception, constituent le troisième ensemble.

Pour les technologies de l'information et de la communication, le cadre en est éclairé par les débats actuels sur la couverture du territoire et des populations par la téléphonie mobile et les réseaux GSM et UMTS. Le gouvernement réaffirme son engagement en faveur d'une couverture exhaustive du territoire, d'une part, et d'un assouplissement des possibilités d'équipement du territoire par les réseaux à haut débit, d'autre part.

Pour les espaces naturels et ruraux, il s'agit d'arriver à une approche active des territoires face aux phénomènes d'étalement urbain, en prenant en compte les cohérences propres à leurs fonctions économiques et sociales, notamment dans le domaine de l'agriculture, d'une part, et les objectifs de qualité de l'environnement, de préservation des ressources et de prévention des risques, d'autre part. Il s'agit d'éléments qu'il est difficile de rendre compatibles sur le terrain, et je confesse donc que pour ces deux derniers schémas, notre travail est moins avancé que nous l'avions espéré.

Le troisième élément important est la politique des services publics.

Il s'agit de mettre en _uvre de manière coordonnée les deux dispositifs juridiques qui constituent la base de l'évolution territoriale des services publics.

D'une part, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire qui, dans son article 30, concerne les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placées sous la tutelle de l'Etat ou celles dont il est actionnaire et qui sont chargées d'un service public.

D'autre part, les décrets du 20 octobre 1999 qui modifient les décrets du 10 mai 1982 relatifs au pouvoir des préfets et qui renforcent leur rôle en matière de concertation lors des modifications de l'organisation des administrations civiles de l'Etat, des unités de gendarmerie nationale et des organismes chargés d'une mission de service public non visés par la précédente loi.

Le champ couvert est donc constitué par l'ensemble des administrations, établissements, organismes publics et entreprises nationales placés sous la tutelle de l'Etat.

L'évolution du contexte au plan européen et l'évolution de l'attente de services des populations en termes de qualité et d'accessibilité imposent un renouvellement profond des méthodes de modernisation de ces services publics. Ils doivent mieux intégrer les attentes des habitants et être organisés à une échelle adaptée à la satisfaction de ces attentes.

Les réorganisations appellent une plus grande concertation avec les personnels, les usagers et les élus, et la constitution d'espaces de projet appropriés et reconnus localement. Vous vous souvenez que, lors de l'examen de la loi, nous avions avancé l'idée que les pays et les agglomérations pourraient représenter un cadre adapté pour mener cette approche et définir à cette échelle une réponse négociée avec les intéressés, permettant enfin de sortir d'une logique sectorielle.

Elle pourrait s'appuyer sur l'idée de contrats locaux de services publics. Cela présuppose que le cadre soit fixé par le gouvernement et les administrations centrales, la mise en _uvre étant déléguée aux préfets et aux administrations déconcentrées. Sur ce chantier, nous avons encore un important travail à réaliser dans les mois à venir.

Je n'ai pas évoqué deux thèmes qui constituent néanmoins des chantiers auxquels je suis attentive. Le premier concerne la mission sur les zonages qui a été confiée au président de la délégation et à Mme Geneviève Perrin-Gaillard pour nous permettre de faire aboutir le chantier promis aux parlementaires sur la simplification et la mise en cohérence de ces zonages. Le second est l'achèvement de la mise en place de l'Agence des investissements étrangers qui doit permettre de mettre en cohérence les outils du ministère de l'économie et des finances et ceux de mon ministère destinés à démarcher les industriels et les entreprises à l'étranger et à leur proposer une localisation adaptée sur le territoire. Là encore, l'essentiel du travail de préparation a été réalisé, il nous reste à finaliser ce travail en concertation avec le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le Président : Madame la Ministre, je vous remercie pour ce balayage très complet des chantiers de l'aménagement du territoire ainsi que des problèmes de la mise en _uvre des contrats de plan, et de la territorialisation avec des contrats de pays et d'agglomération.

Madame la Ministre, pouvez-vous nous dire où nous en sommes dans la validation des documents uniques de programmation ? Le commissaire à l'action régionale et le commissaire à l'environnement ont signé une lettre commune indiquant que ces documents uniques de programmation seront validés que lorsque les pays membres auront satisfait à leurs obligations en matière environnementale notamment, à savoir, pour ce qui concerne la France, la mise en _uvre de la directive "Natura 2000" et des directives "Habitat" et "Oiseaux".

Nous aimerions savoir comment nous allons pouvoir satisfaire à nos obligations européennes, et comment nous pourrons lancer ces politiques que nous attendons tous sur les territoires.

Mme Dominique Voynet : Je dois, à cette heure, vous faire part de ma perplexité. En effet, j'ai rencontré la commissaire européenne à l'environnement il y a 48 heures, je lui ai posé directement la question en essayant de lui faire préciser quelles étaient les exigences réelles de la Commission et quelle était la nature des points sur lesquels la commissaire à l'environnement et le commissaire à l'action régionale s'étaient mis d'accord.

Je suis encore plus interrogative à cette heure qu'il y a 48 heures, parce que la commissaire en charge de l'environnement exige non seulement la transmission de tous les sites qui pourraient être retenus au titre de "Natura 2000", mais également de ceux qui n'ont pas encore été transmis et pour lesquels la France n'entend pas opérer une transmission, l'idée étant donc de veiller, pour ce qui concerne le commissaire à l'action régionale, à ce que les fonds structurels ne soient pas mobilisés en faveur de projets qui mettraient en péril la conservation de ces sites. J'ai attiré son attention sur le fait qu'il y avait une réelle incohérence à exiger la transmission de documents évidemment générateurs de contentieux futurs dans la mesure où, si l'on n'a décidé de ne pas transmettre ces sites, c'est que des éléments objectifs les rendaient intransmissibles.

Je me suis engagée devant les acteurs locaux à ne transmettre à Bruxelles que des sites sur lesquels la concertation avait permis de dégager un certain accord local. Et notre réglementation nous y oblige : un décret impose cette consultation préalable. Or je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la consultation préalable est simplement un passage obligé, suivi par l'oubli des éléments de réticence ou d'opposition des acteurs locaux. Je me refuse donc à cette exigence dont le caractère abusif et étroitement technocratique m'apparaît manifeste.

Cependant, je n'ai toujours pas de réponses utilisables pour nous. J'avais cru comprendre, lors d'une rencontre préalable avec M. Michel Barnier, que nous pourrions, au contraire, mobiliser des fonds européens sur des cantons difficiles, au motif de politiques de protection d'intérêts communautaires. Or ce n'est pas du tout la même démarche, au contraire ! Nous serons donc amenés à revenir sur cette question avec Michel Barnier que je n'ai pas encore sollicité sur ce problème.

Donc, côté environnement, les exigences m'apparaissent exorbitantes et impossibles à satisfaire. Je ne me vois pas justifier, site par site sur le territoire national, le bien-fondé des projets car il faut, en plus, transmettre à la Commission des argumentaires scientifiques.

M. le Président : J'ai bien senti, en rencontrant M. Michel Barnier, qu'il s'agissait d'un problème assez difficile, et que l'on aurait des difficultés à satisfaire les exigences bruxelloises.

Mme Dominique Voynet : J'aimerais que la Commission fasse son travail, qu'elle parle d'une seule voix et se mette d'accord sur l'étendue exacte des exigences. Or à cette heure, je n'ai pas l'impression que les exigences de M. Michel Barnier soient les mêmes que celles de Mme Margot Wallström.

M. le Rapporteur : Madame la Ministre, je vous remercie d'avoir brossé l'ensemble des problèmes qui sont les nôtres face à la mise en exécution sur le terrain des lois de 1999.

Parler du volet territorial du contrat de plan aurait dû relever du pléonasme, car comment imaginer que les régions puissent ignorer la diversité des territoires et la nécessité des actions à y promouvoir ? Au cours de nos auditions, nous avons bien remarqué que, pour atteindre le seuil prévu de 20 à 30 % des crédits inscrits dans le cadre du volet territorial, certaines régions ont transformé des actions de droit commun, ou presque, en actions dites territoriales, alors que pour d'autres, ce sont bien des actions nouvelles qui ont ainsi été définies dans les contrats de plan Etat-région.

Il y a donc là une différence importante d'une région à l'autre, et c'est l'une des questions sur lesquelles nous serons amenés à revenir dans un souci d'équité à l'échelle du territoire national.

La période de contractualisation nouvellement ouverte doit permettre de poursuivre la construction de ces projets de territoire inscrits dans la durée et à l'échelle du sol national. Elle doit être l'occasion de mettre en relation les bassins de proximité, les interconnecter et, en définitive, de créer une logique d'ensemble intégrant unités urbaines, périurbaines et rurales. Cela a été d'ailleurs, à travers les auditions, l'un des grands sujets de discussion à l'intérieur de notre délégation. Y a-t-il contradiction ou complémentarité entre les initiatives que l'on est amené à prendre dans les régions concernant le milieu urbain et le milieu rural ? Les réponses sont assez claires à l'échelle de tous les territoires, mais pas totalement élucidées.

Et pourtant, c'est bien là que réside l'enjeu principal : comment les textes législatifs récents sur l'intercommunalité, les agglomérations et les pays vont-ils permettre de faire vivre des projets de territoires qui intègrent la forte imbrication du rural et de l'urbain, voulue parfois, imposée la plupart du temps, par l'évolution sociale, économique ou culturelle de notre pays, en particulier les déprises démographiques dans le monde rural dit, quelquefois, profond ?

Le volet territorial, puisqu'il s'agit de cela, est une innovation majeure de la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire. Sa mise en place, nécessairement progressive vous l'avez dit, présuppose une organisation des territoires, avec une première étape qui est fixée à 2003, autour de projets de qualité, ainsi qu'une modification des pratiques administratives. Et je vais y revenir au travers de deux questions au-delà des recommandations qui ont été adoptées par la délégation à l'aménagement du territoire.

Premièrement, à l'évidence, du côté des territoires, passer d'une logique de guichet à une politique de projets impose de surmonter tous les corporatismes locaux, ce qui est une vraie difficulté. Mais en même temps, du côté des administrations et des services publics, cela nécessite de mettre en _uvre une territorialisation de ces services publics dans une démarche stratégique et cohérente de présence de proximité, moins centrée sur les procédures et leur contrôle que sur l'efficacité des mesures arrêtées dans le cadre de ces textes.

De quelle manière envisagez-vous, madame la Ministre, de proposer aux services de l'Etat déconcentrés ou départementalisés une présence de territoire, prenant en compte la réalité des agglomérations et des pays ? C'est une question qui reste non résolue et qui va prendre une grande acuité au fur et à mesure que les territoires vont réellement se constituer et commencer à agir.

La toute jeune Délégation à l'aménagement du territoire, dans son premier rapport, a pu mesurer la diversité et la richesse des approches de région à région, mais en même temps, elle a constaté lacunes, incohérences, contradictions parfois, et donc un grand risque d'iniquité.

Une certitude se fait jour - et c'est la seconde question : l'ingénierie du développement local, levier puissant, sera un élément déterminant de la réussite, et chacun doit en mesurer l'importance. Les moyens financiers sont indispensables, vous l'avez rappelé, le FNADT a fait l'objet d'une augmentation significative et d'une réorientation dans son affectation, mais ces moyens financiers ne peuvent constituer la seule réponse.

Les lieux et les moyens de la formation des techniciens, des élus, des acteurs locaux, donc des équipes d'ingénierie de terrain, les lieux et les moyens de la capitalisation des expériences, de la mutualisation des projets de territoire, de la mise en réseau des méthodologies indispensables sont pour partie à imaginer, et pour d'autres, existants mais à mobiliser. C'est un second sujet qui me paraît majeur, et qui résulte des auditions auxquelles nous avons procédées. Pour l'ingénierie et le développement local, comment passe-t-on, en quelque sorte, de l'enveloppe financière à la réalité de l'action, et comment prépare-t-on ce travail indispensable des équipes de terrain ?

Tels sont, Madame la Ministre, les deux sujets sur lesquels je souhaitais revenir. Vous avez pris connaissance des dix recommandations adoptées par la Délégation. Les cinq premières sont l'affirmation du souci de disposer d'un certain nombre d'outils pour la mise en application de la loi dans la réalité de terrain. Les cinq autres se préoccupent plutôt de préparer l'avenir et d'aménager un certain nombre de clauses.

Mme Dominique Voynet : Je ne vais pas faire semblant de répondre à certaines de vos questions qui restent pour moi aussi des questions ! Je vous proposerai des ébauches de pistes, qui ne doivent d'ailleurs pas être très loin de celles que vous avez vous-mêmes identifiées sur le terrain ou au hasard de vos rencontres.

En ce qui concerne le volet territorial des contrats, on constate d'énormes différences d'une région à l'autre, tant sur le pourcentage quantitatif du volet territorial que sur la qualité des projets ; effectivement, on a parfois reconstruit a posteriori une présentation du volet territorial permettant de laisser penser qu'on avait engagé cette démarche, alors que, manifestement, les acteurs locaux, du côté de l'Etat comme du côté des élus, avaient éprouvé beaucoup de difficultés à l'aborder.

On voit bien que des politiques sont, et étaient déjà, par nature, territorialisées. Il n'y a pas de raison de réinventer le contrat de ville, par exemple ; on l'enrichit, on le fait monter en puissance au fur et à mesure que les différents partenaires apprennent à travailler ensemble, c'est normal. On voit aussi que des régions ont, et avaient, l'expérience soit de l'intercommunalité, soit de la construction de projets à des échelles territoriales variées, soit de montage de projets de parcs naturels régionaux. Des départements ont déjà eu le souci de couvrir leur territoire de projets de pays. En Poitou-Charentes ou en Rhône-Alpes, cette expérience existe, alors que ce n'est pas le cas en Auvergne ou dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Notre pari est de faire en sorte que ces régions, qui ne possèdent pas cette expérience et se rendent compte aujourd'hui qu'elles n'ont peut-être pas utilisé tous les outils qui étaient à leur disposition, enrichissent leur démarche d'ici à 2003. Cela ne pourra se faire que si l'on met en place des lieux d'échange des expériences.

Vous avez insisté sur une dimension qui me paraît effectivement mal prise en compte dans de nombreux contrats, qui est la question de l'imbrication rural-urbain. Je voudrais dire quelques mots d'une expérience qui a été menée dans ma région à propos du montage du projet de territoire Saône-Rhin, et qui a conduit préfet, secrétaire général pour les affaires régionales et acteurs locaux à identifier des pôles le long de la vallée du Doubs, le cahier des charges comportant l'obligation de réfléchir à cette synergie rural-urbain. Or même dans ce cas, on peut faire mieux, et il faudra que l'on tire partie des appels à projets qui avaient été lancés.

J'ai peut-être déjà eu l'occasion de citer le travail qui avait été mené autour de la dynamique ville de Chambéry et du massif des Bauges, en réponse à un appel à projets "Agenda 21". On se rend compte que, d'une bonne idée au projet concret, un important travail reste à accomplir. Je vous fournirai les quelques exemples dont nous disposons, mais je crois que les réalisations sont encore insuffisantes.

S'agissant de la territorialisation des services publics, on constate à la fois une attente forte de la population et une réelle volonté de la part des préfectures et des secrétaires généraux pour les affaires régionales d'y réfléchir. Mais je relève deux types de difficultés. La première tient aux réticences des administrations et des entreprises publiques qui ne sont pas habituées à cette pratique ; je pourrais évoquer, par exemple, les difficultés réelles que l'on a à faire évoluer sur le terrain les services de La Poste. Nous avons vraiment l'impression d'une vision très verticale de la part des entreprises. La seconde, c'est le désarroi des personnels dont la formation, l'absence de passerelles entre les métiers, la diversité des statuts et des conditions de travail ne facilitent pas non plus l'appropriation de projets de ce type. Il s'agit donc d'un des chantiers sur lesquels il faudra aller au-delà du dispositif mis en place par la loi.

Là encore, comme le disait le rapporteur, de nombreuses expérimentations ont été menées ; ce qui nous manque, peut-être, c'est un lieu permettant de capitaliser ces expériences et de les mettre en commun en vue de les généraliser. Je ne sais pas si cette délégation peut y contribuer, mais je ressens ce besoin, tant au niveau national que régional.

J'évoquerai enfin l'Institut des hautes études d'aménagement du territoire (IHEDAT), auquel le président participe activement, dont l'objectif est non pas d'apporter des connaissances à des étudiants non expérimentés, mais d'échanger. La diversité des participants - préfets, élus, syndicalistes, chefs d'entreprise, parlementaires - doit nous permettre d'avancer.

M. le Président : Madame la Ministre, je voudrais revenir quelques instants sur le problème des services publics, car nous avons conscience qu'il s'agit d'un des problèmes essentiels pour le dynamisme des territoires, ou même la survie de certains territoires fragiles. On ne pourra pas en rester au moratoire, et le gouvernement l'a bien compris. Il faut imaginer autre chose.

Notre Délégation s'est donc fixé comme deuxième thème d'étude les services publics. Elle aura deux rapporteurs, l'un pour examiner les problèmes d'ensemble, l'autre pour s'intéresser aux problèmes ruraux. Mais vous avez évoqué un sujet qui avait été soulevé par le préfet du Nord-Pas-de-Calais, M. Rémy Pautrat ; il nous avait fait part de la difficulté qu'il rencontrait pour faire comprendre la loi d'orientation et d'aménagement du territoire à ses fonctionnaires, qui se sentent souvent dessaisis ou perturbés par des logiques nouvelles qu'ils doivent adopter.

Vous avez enfin mentionné l'IHEDAT, qui peut être un moyen pour favoriser une acculturation nouvelle des cadres les plus importants de la fonction publique, des assemblées, des élus, mais également d'un certain nombre d'autres acteurs tels que des chefs d'entreprise ou des syndicalistes. Il conviendrait peut-être d'envisager une déclinaison régionale de cette initiative afin que ce travail d'acculturation des acteurs locaux puisse se faire d'une façon plus généralisée et plus rapide. Il s'agit d'un enjeu essentiel si l'on veut mobiliser tous les acteurs dans une logique de projet.

M. Félix Leyzour : Madame la Ministre, ma première préoccupation concerne la publication des décrets d'application ; j'ai bien compris vos propos à ce sujet et noté qu'elle est moins rapide que ce que l'on espérait.

Le deuxième point que je souhaitais soulever est relatif à la constitution des territoires, communautés d'agglomérations et pays. S'agissant des communautés d'agglomérations, on remarque des progrès, le cadre est plus net et plus précis que pour les pays. En effet, pour ces derniers, le cadre est plus flou : les pays sont différents et variés, les uns ont une certaine caractéristique géographique, d'autres une caractéristique historique.

Les décrets d'application comporteront-ils des éléments plus précis sur les pays ?

Ma troisième question porte sur les pays et les services publics. Je crois qu'il faut une certaine présence des services publics dans ces territoires pertinents de développement, de concertation, d'élaboration de projets. Mais je constate que les zones ne se recoupent pas forcément ; nos arrondissements de sous-préfecture, par exemple, ne correspondent pas forcément à des pays. Une zone d'attraction d'un lycée ou d'un hôpital ne coïncidera pas nécessairement avec tel ou tel pays.

Bien entendu, nous devons faire en sorte d'aller vers une plus grande coïncidence, mais il ne faut pas s'épuiser dans la recherche d'une coïncidence systématique sur laquelle l'on risque de buter et décourager totalement les acteurs locaux. Il convient donc d'être pragmatique et faire en sorte que les services publics soient présents partout. Et ils ne se présentent pas de la même façon ; vous avez parlé de La Poste, mais il faut prendre en compte aussi les écoles primaires, les collèges, les lycées qui peuvent avoir des zones plus larges, les hôpitaux...

Le quatrième point concerne la mise en _uvre des contrats de plan et des programmes européens. Quels sont les crédits prévus pour cette première année, aussi bien en autorisations de programme qu'en crédits de paiement ? Il ne faudrait pas que le retard soit trop important, sinon on ne le rattrapera jamais.

Mme Dominique Voynet : En ce qui concerne la publication des décrets, vous savez bien que ce n'est pas sur les détails de la composition des conférences régionales d'aménagement et du développement du territoire (CRADT) que la concertation a été la plus nourrie, même si l'on a détaillé, au CNADT, le nombre de syndicalistes, d'associatifs et d'élus, ces derniers étant extrêmement jaloux des équilibres. Les décrets qui ont fait l'objet de nombreux échanges sont les projets de décrets sur les pays, les agglomérations et les services publics.

Pour l'essentiel, le travail du Conseil d'Etat relatif au projet de décret sur les pays, qui vous avait déjà été présenté, a soulevé trois difficultés qui avaient été soulignées à la fois par mon cabinet et par vous-mêmes. Je vous rappelle que l'article de la loi relatif aux pays n'est pas simple  ; si l'on précisait chaque point dans le décret, on aboutirait à des édifices pouvant décourager les acteurs qui ne sont déjà pas toujours enthousiastes à l'idée de coopérer.

A l'issue de l'examen préalable du Conseil d'Etat, le rapporteur a suggéré quelques points nécessitant des simplifications, notamment en ce qui concerne le processus de révision du périmètre. Nous souhaitons évidemment éviter de reprendre la procédure depuis le début - périmètre d'étude, délibérations, constatations, etc. Il s'agit aussi de surmonter les difficultés liées au nécessaire respect des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) par le pays, puisque l'on avait noté la nécessité de modifier le périmètre en cas de création d'un EPCI qui débordait du périmètre arrêté. Nous souhaitons aussi traiter les problèmes liés aux situations où le périmètre définitif aurait été plus restreint que le périmètre d'étude pour ne pas nous exposer à des pays discontinus ou à des pays miniatures qui ne respecteraient plus les ambitions affichées dans la phase d'étude.

Je vous propose donc de diffuser le projet, qui est le projet du Conseil d'Etat non définitif, puisqu'il devrait rendre son avis début juin.

M. le Président : Si nous diffusons le projet, cela ne ralentira pas nos réflexions personnelles et les travaux que nous engageons sur le terrain.

Mme Dominique Voynet : S'agissant des modalités de validation des pays constitués dans le cadre de la loi du 4 février 1995 dite "loi Pasqua", sachez que, sous réserve de la mise en place d'un conseil de développement, ces pays seront validés dans l'écrasante majorité des cas.

En fait, ceux qui n'ont pas adopté la charte seront considérés comme périmètres d'étude, et ceux qui ont une charte et mettent en place le conseil de développement seront considérés comme des pays.

En ce qui concerne l'analyse de M. Félix Leyzour, je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il est plus facile de mettre en place un projet d'agglomération qu'un projet de pays. Rétrospectivement, nous avons été bien ambitieux et bien idéalistes de proposer un outil d'aménagement moins identifié que les agglomérations, avec des moyens incitatifs moins marqués, voire même carrément faibles.

Il est vrai que nous avons insisté, tout au long de l'examen du projet, sur le fait que c'était le projet qui primait, la cohérence des périmètres, et que les moyens seraient mobilisés dans le cadre des contrats de plan. Je continue à y croire, mais je constate que cela rend les choses difficiles et que certains projets d'agglomération semblent avoir sérieusement été stimulés par les perspectives matérielles qui y sont liées.

J'espère que dans dix-huit mois, l'on n'aura pas à regretter l'attitude ambitieuse et idéaliste que nous avons adoptée ; les 200 projets de pays en cours se mettent en place lentement, mais avec une réelle volonté de réussir.

S'agissant de l'articulation entre pays et services publics, je pense en effet qu'il convient d'être pragmatique. Les élus locaux en sont d'ailleurs convaincus. On ne va pas mettre en place un panier qui serait le panier des services que tout pays est en droit d'exiger ! En revanche, nous sommes, chaque jour, handicapés par la tradition administrative française qui ignore parfois les suggestions des acteurs locaux.

On a beaucoup parlé des difficultés d'évolution de l'offre de service de la gendarmerie sur le terrain ; or j'ai présent à l'esprit un exemple dans mon département où trois cantons bénéficiant de trois gendarmeries ont proposé, par le biais de leurs maires, la suppression d'une des trois gendarmeries moyennant la possibilité de disposer d'un service le week-end. Eh bien, cette proposition a été refusée, la gendarmerie s'y est opposée et aucune évolution n'est possible.

Il conviendrait certainement d'échanger nos expériences et de faire le point sur les difficultés afin d'interpeller les administrations concernées, les amener à changer et à suggérer des évolutions à leurs agents.

S'agissant des moyens des contrats de plan, nous sommes en phase de préparation du projet de loi de finances 2001 ; nous avions anticipé sur la conclusion des contrats de plan pour l'année 2000, avec une connaissance du fait que, pour cette année de préparation des projets, il convenait de prévoir, pour l'essentiel, des moyens pour le montage et pour l'animation plutôt que pour la réalisation de grandes infrastructures. Nous serons peut-être amenés à prévoir des modifications en loi de finances rectificative, mais pour l'essentiel les moyens ont été prévus.

La question de M. Félix Leyzour est très précise ; elle concerne la capacité de ministères particuliers à faire face aux engagements qui ont été pris : il s'agit principalement du ministère des transports, de l'équipement et du logement, d'une part, et du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, d'autre part. En ce qui concerne le premier, les engagements dans ce domaine, pris dans le cadre des contrats, excèdent de façon manifeste ses moyens budgétaires. Il nous faudra donc, au cours des années, prévoir la montée en puissance de ce budget pour pouvoir faire face notamment au volet ferroviaire des contrats de plan.

L'autre ministère très concerné par ces difficultés est celui de l'aménagement du territoire. Et cela d'autant plus que, d'un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) à l'autre, l'habitude semble prise de faire financer par le FNADT nombre de mesures que d'autres ministères ne veulent pas financer. Il est vrai que l'on aura besoin d'une importante augmentation de crédits en 2001 pour faire face aux engagements des contrats et aux mesures arrêtées lors des CIADT. Je pense notamment à celles qui l'ont été pour Belfort ou la Lorraine et qui mobilisent très lourdement le FNADT. D'autres ministères ont des problèmes plus faciles à surmonter compte tenu des montants en cause - il s'agit des ministères de la ville, du tourisme, de l'environnement.

M. Félix Leyzour : Nous arrivons au mois de juin, des rencontres vont avoir lieu dans les régions, et nous souhaiterions connaître l'enveloppe de la première année.

Mme Dominique Voynet : Pour 2000, les crédits sont inscrits en loi de finances initiale. Dans le cadre des discussions budgétaires pour 2001, nous ne sommes pas encore au stade des rencontres entre ministres ; nous en sommes encore aux échanges entre services. Nous ne pouvons donc donner notre accord aux propositions budgétaires faites pour notre ministère. Et nous demanderons l'arbitrage du Premier ministre si cela est nécessaire. En revanche, je n'ai pas de nouvelle du budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement.

M. Félix Leyzour : Le budget de l'an 2000 a été voté, il convient donc de commencer à le mettre en place, sinon nous allons perdre un an.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : Nous sommes en phase avec ce que vous avez dit, Madame la Ministre, sur l'attente forte de la population en matière de services publics, sur la réticence des administrations qui ne sont pas habituées à ces pratiques et qui sont désarçonnées. Cela s'explique dans la mesure où il s'agit d'une véritable révolution culturelle qui leur est proposée. Si parallèlement à cette réflexion, on avait fait suspendre les restructurations en cours, on aurait plus de crédibilité sur le terrain, plus d'adhésions des personnels et moins d'inquiétudes des élus et des acteurs locaux.

Que demandent ces acteurs locaux ? Non pas un panier minimum de services qui serait offert à chaque pays, mais des services qui soient en cohérence avec leurs besoins. Or on continue, et souvent avec beaucoup de brutalité pour La Poste, à restructurer. On manque, là, de crédibilité. Et nous qui avons voté cette loi, qui la défendons, nous sommes souvent interpellés à ce sujet. Je sais bien que vous ne pouvez pas directement tout régler, mais il s'agit d'un message qu'il convient de faire passer au gouvernement.

En ce qui concerne les pays - vous avez parlé de pays miniatures -, il faut faire attention, notamment dans les territoires où il n'existe pas un grand enthousiasme pour la constitution de pays. Il ne faudrait pas que l'on ait le sentiment qu'il existe des seuils minimums. Il vaudrait mieux, dans une petite région, un petit pays avec de vrais projets, qu'un pays de taille importante et imposé. Et je suis un peu inquiète lorsque je vois, dans les études de préfiguration actuelles, que les cabinets d'études ont une vision qui vient "d'en haut" et qui ne tient pas compte nécessairement de la réalité locale. Il s'agit là d'un vrai problème, sur lequel nous devons réfléchir ensemble.

Mme Dominique Voynet : Les créations d'emplois annoncées pour 2001 devraient nous permettre de desserrer la contrainte sur les administrations publiques. En revanche, les entreprises publiques posent un vrai problème : il serait intéressant que l'on collecte quelques exemples et que les parlementaires et moi-même rencontrions ces entreprises pour leur demander d'être cohérentes.

M. Henri Nayrou : Mes interrogations portent sur la territorialisation du service public. Je suis tout à fait d'accord pour que l'on parte désormais du pays, c'est-à-dire du nouveau bassin pertinent, mais je crois nécessaire également qu'il y ait un niveau départemental, avec un chef de projet qui pourrait être le préfet, et des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics qui auraient de véritables pouvoirs.

Ne croyez-vous pas qu'au lieu de faire partir les initiatives des administrations d'Etat, qui ont prouvé, par leur cloisonnement, leur incapacité à mettre en place de véritables services publics depuis 1995, il vaudrait mieux les faire partir des territoires ?

Ma deuxième observation porte sur l'implantation des emplois publics sur les territoires grâce aux nouvelles techniques de l'information et de la communication. Au CIADT du 18 mai dernier, le Premier ministre a annoncé que l'expérience portant sur le transfert de 30 000 emplois fixé en 1991 était arrivée à terme, et qu'il serait peut-être temps de lancer une autre opération. Ce serait là le meilleur moyen de ne pas décourager les habitants des zones rurales.

Ma dernière question porte sur la mini PAT.

Mme Martine Lignières-Cassou : Madame la Ministre, ma crainte, en ce qui concerne la constitution des pays, est non pas la logique de guichet, mais la logique de pouvoir.

Ma seconde crainte concerne l'articulation entre les agglomérations et les pays. J'ai parfois le sentiment que des pays essaient de se constituer parce qu'ils ont peur des agglomérations. Or le moyen de faire disparaître cette crainte, c'est justement de pouvoir nouer des collaborations entre les agglomérations et les pays. Sera-t-il possible de passer des conventions entre agglomérations et pays ou entre deux pays - je pense là au contrat d'agglomération qu'Orléans a signé avec la région -, afin qu'un pays puisse se sentir porteur d'un projet présenté par un autre pays ?

En fait, il convient de ne pas recréer de frontières entre des potentats locaux et de pouvoir introduire une logique de projet avec ce type de conventions.

M. Pierre Cohen : Madame la Ministre, il me semble qu'il existe une ambiguïté assez forte entre la dynamique qui existe pour les agglomérations, qui correspondaient à un besoin, et les pays. En effet, il me semble qu'un pays ne peut pas être comparé à une agglomération, puisque le pays est défini comme un projet et non comme une série de compétences. J'ai l'impression que, pour certains, le pays est la structure qui correspond un peu à l'agglomération et consiste à réunir l'ensemble des collectivités. Or normalement, on aurait dû traiter les pays différemment, en précisant qu'il s'agit d'un outil qui peut aussi fédérer les agglomérations et les communautés de communes rurales.

Par ailleurs, il est important de noter que des couches successives se créent, ce qui entraîne un manque de cohérence. Même si la politique de la ville existe depuis de nombreuses années, il est difficile de délimiter des périmètres cohérents : un contrat de ville concerne un certain nombre de communes qui ne sont pas obligatoirement celles qui correspondent aux communautés d'agglomérations, qui prendront de facto la compétence "politique de la ville". J'espère donc que la dynamique des projets d'agglomération permettra une meilleure articulation de ces différentes strates.

Enfin, il me semble qu'il faut opérer une révolution culturelle à propos des schémas de services collectifs. Je suis effrayé par la vision qu'ont les élus et les responsables de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Si tous les partenaires concernés comprennent bien le processus des agglomérations et des pays, il n'en va pas de même pour les schémas de services collectifs. Il y a là une double révolution culturelle à conduire : celle des fonctionnaires et celle des élus.

M. le Rapporteur : C'est le premier rapport de la Délégation à l'aménagement du territoire, il s'agit donc d'un "point zéro" qui était difficile à réaliser, car l'on ne pouvait pas faire référence au décret, dont on avait quelques connaissances. Mais nous comptons bien nous interroger régulièrement sur l'avancement de la mise en application des projets.

Au travers des auditions, la nécessité du passage du principe à l'acte a été rappelée de façon constante et il a été souligné que la simplicité devait être la règle. Je fais allusion, d'une part, aux décrets, d'autre part, à la déclinaison annuelle des contrats de plan Etat-région. Si les décrets sont eux-mêmes d'une complexité telle qu'ils deviennent difficilement lisibles pour ceux qui ont la charge de les appliquer sur le terrain, le remède risque de comporter plus d'inconvénients que le mal.

S'agissant de la déclinaison annuelle des contrats de plan Etat-régions, ces dernières nous interrogent et posent un grand nombre de questions pratiques sur lesquelles il faudra certainement revenir.

Nous avons été très sensibles à l'apport de la DATAR dans la qualité de la présentation et des documents ; dans ses recommandations, la Délégation a demandé des documents synthétiques communicables à l'échelle de tous les territoires. Il existe un manque de matériels substantiels qui permettraient d'agir.

Enfin, il semble bien qu'une pédagogie de terrain, une pédagogie départementale, soit nécessaire pour mettre la loi à la portée de tous ceux qui en seront les acteurs.

Mme Dominique Voynet : M.  Henri Nayrou, nous connaissons les problèmes, en revanche, nous ne faisons que pressentir les moyens de les surmonter. Nous savons que pour surmonter le cloisonnement des administrations, la réticence des personnels, les doutes de certains préfets, il convient d'expérimenter, d'échanger et à partir d'une satisfaction manifeste des usagers, d'étendre le champ de l'expérimentation. Je suis convaincue que cela prendra du temps et que c'est sous la pression des faits que l'on pourra innover et dépasser des blocages que je ne m'explique pas, mais qui sont manifestes, importants et qui ne seront surmontés que dans des circonstances douloureuses et difficiles. On voit bien que dans le Gard ou la Lozère, on a su trouver des solutions parce que les faits nous y poussaient.

En ce qui concerne la politique de délocalisation des emplois publics, je dois dire, malheureusement, que, quand on regarde où les emplois ont été délocalisés, il n'est pas raisonnable, pour une zone rurale en difficulté, d'espérer cette solution. Les emplois ont été délocalisés, en général, dans des capitales régionales ou dans des villes de taille importante, et nous devons être capables, par étapes successives, de faire en sorte que des activités soient délocalisées des capitales régionales vers des villes plus petites. Ce qui n'est pas toujours le cas, puisque dans mon département, 4 emplois ont été délocalisés sur 30 000 !

En ce qui concerne les pays, mon problème aujourd'hui n'est pas tant lié au caractère peu attractif ou à la complexité des procédures de pays, qu'à la difficulté de conduire les élus à choisir une démarche de pays plutôt qu'une démarche d'agglomération quand ils ont le choix. Quand une ville de 30 000 habitants se pose la question de savoir si ses élus vont consentir les efforts nécessaires pour convaincre les communes rurales de leur périphérie à s'engager dans une démarche de pays, la tentation existe aussi de franchir le seuil fatidique des 50 000 habitants pour pouvoir bénéficier d'une procédure d'agglomération, ce qui constitue, à certains égards, un détournement de ce qu'a souhaité le législateur ; car une entité de 50 000 habitants n'est pas une agglomération.

Je ne suis pas hostile à l'idée de clarifier les relations entre une agglomération et un pays, ou entre deux pays, ou même entre deux agglomérations par le biais de conventions, mais je dois dire, qu'actuellement, le problème ne s'est pas posé en ces termes.

Mme Martine Lignières-Cassou : Il s'agit pour moi d'une question fondamentale. Prenons l'exemple que je connais le mieux, celui de Pau : nous sommes au-delà des 50 000 habitants, et l'on perçoit bien à la fois la peur de l'agglomération et la nécessité d'une collaboration. Je ne sais pas comment cela se terminera en termes de restructuration, mais si l'on n'a pas, sur un certain nombre de sujets, des accords entre l'agglomération et le pays qui l'entourera, on passera à côté du développement local.

Il me semble que le contrat qu'a signé Orléans avec la région allait un peu dans ce sens.

Mme Dominique Voynet : Je ne suis pas sûre que la solution soit de recréer des sous-ensembles.

Mme Martine Lignières-Cassou : Je parle de la possibilité de pouvoir passer une convention par projet, notamment quand un projet, visiblement, va dépasser l'agglomération ou concerner deux pays. Car il faut faire avancer les projets et susciter des collaborations.

M. le Président : Il ne s'agit pas là de l'esprit de la loi. L'esprit de la loi est d'essayer de constituer des territoires forts. On voit ici et là que la possibilité, que l'on a réintroduite dans les débats parlementaires, d'intégrer une agglomération dans un pays pour la faire dialoguer et coopérer avec son environnement donne des résultats ; cela est le cas à Rennes, à Quimper, et nous essayons de le développer à Caen.

Il convient de travailler dans ce sens pour avoir de véritables territoires de projets et cette transversalité qui manque pour les services publics. Sinon, on aura un peu manqué notre objectif.

Mme Martine Lignières-Cassou : Je suis entièrement d'accord avec vous, mais le risque existe.

Mme Dominique Voynet : En même temps, il faut bien préciser que ce n'est pas parce que l'on est dans une agglomération que toutes les communes participent à toutes les actions. Au sein de la dynamique d'agglomération, certains projets sont destinés à mettre en valeur telle ou telle préoccupation au profit de tel ou tel type de commune.

Je continue à penser que le point fondamental dans la dynamique d'agglomération est, plus encore que la liste des compétences, la taxe professionnelle unique ; or beaucoup de structures de coopération intercommunales ont choisi la taxe professionnelle unique sans être pour autant des agglomérations. Environ une cinquantaine d'agglomérations et 230 communautés de communes ont une taxe professionnelle unique. Les outils de l'intégration et le caractère rural ou urbain, ou rurbain ou mixte, ne sont pas inéluctablement liés.

Par ailleurs, pour moi, une des frustrations de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire est de n'avoir pas pu intégrer à ce projet un volet sur les initiatives économiques des collectivités. Mais pour ce qui concerne la mini-PAT, la prime régionale à l'emploi devrait permettre de répondre à votre préoccupation. Les textes sont prêts et cette prime sera réservée aux entreprises créant moins de 30 emplois dans le secteur de l'industrie et des services pour des investissements inférieurs à un million de francs, avec un plafond de 70 000 F de prime par emploi.

En ce qui concerne la complexité, je vous répondrai, chers amis parlementaires, que vous l'avez un peu cherchée ! Vous avez souhaité que l'on puisse créer des pays à cheval sur plusieurs départements, sur plusieurs régions, avec plusieurs modèles. Tout cela demande des modalités d'application qui ne peuvent pas être simples. Mais je constate qu'à l'issue de l'examen avec le rapporteur du Conseil d'Etat, elles pourraient être un peu moins compliquées qu'auparavant. J'espère donc de tout c_ur que la toute dernière ligne droite ne va pas en rajouter !

La demande de matériels de communication et la pédagogie de terrain sont liées. Le ministère ne possède pas de services départementaux ; les secrétaires généraux pour les affaires régionales relaient honorablement nos préoccupations, mais nous ne possédons aucun autre service, sinon des réseaux de développement local qui sont les relais traditionnels de la DATAR et du ministère sur le terrain ou des outils très proches du ministère comme ETD (Entreprise, Territoire, Développement) ou les réseaux de développement local que nous encourageons financièrement depuis longtemps, moyennant une ouverture sur nos préoccupations et une remontée des initiatives de terrain . Mais il est vrai que cela manque.

Je ne sais pas si la mise en place des CRADT permettra des débats plus concrets, une approche plus pragmatique des problèmes par les conseils économiques et sociaux régionaux, par les conseils régionaux et par les acteurs de terrain ; je le souhaite, mais il est vrai que l'on a besoin de trouver des relais.

Et j'ai bien noté votre demande de matériels de communication, car nous devons absolument dire ce que l'on veut faire.

M. le Président : Madame la Ministre, nous vous remercions d'être venue pour la première fois devant cette Délégation. Nous avons retrouvé avec bonheur votre générosité et votre sincérité. Votre témoignage et le débat ont montré le caractère novateur de la loi, mais aussi la nécessité de définir, d'explorer et d'évaluer plus avant les concepts nouveaux qui sont déclinés dans ce texte de loi. Je suis convaincu que la Délégation trouvera là les chantiers qui justifient pleinement son existence.

Je vous remercie.


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