S O M M A I R E
_____
I. le paradoxe corse : une
économie largement soutenue qui reste cependant fragile, des dépenses publiques
abondantes qui nont pas les effets escomptés
A. Une économie déséquilibrée à la recherche de projets
porteurs davenir *
1. Des handicaps naturels à relativiser *
a) Des handicaps naturels incontestables *
· Le poids économique et
psychologique de linsularité *
· Lexcessif cloisonnement de la
Corse *
· Labsence de matières
premières *
· Une crise démographique ancienne et
actuelle *
b) Le mécanisme de la continuité territoriale réduit les
principales conséquences de linsularité *
· La mise en place de la continuité
territoriale *
· La situation actuelle *
· La dotation de continuité
territoriale représente un effort financier important de lÉtat *
· Les flux de transport et leurs
caractéristiques *
c) Les handicaps naturels pourraient se révéler des atouts *
2. Les
fragilités actuelles dune économie à la croisée des chemins *
a) Des constats alarmants quatténuent quelques notes
despoir *
· Un PIB par habitant inférieur à la
moyenne des régions européennes comme à la moyenne nationale *
· Des signes damélioration
économique *
b) La structure atypique dune économie régionale
relativement marquée par le problème du chômage *
· Une économie déséquilibrée *
· Un secteur tertiaire prédominant
dans la répartition de lemploi *
· Des conditions de vie correctes,
mais un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale *
c) Une agriculture largement assistée *
· Malgré un poids économique
limité, une place importante dans la société insulaire *
· Les différents visages de
lagriculture corse *
· Vingt ans de mutations parfois
douloureuses *
d) Un secteur du tourisme en évolution constante *
· Un impact globalement très positif
sur léconomie et le marché de lemploi *
· Une fréquentation touristique en
hausse *
· Un secteur encore fragilisé par des
handicaps de nature diverse *
3. Des obstacles au développement à
surmonter *
a) Un contexte politique et social agité *
b) Un passé encore très présent *
· Un développement tardif *
· Une culture économique à
développer *
· La persistance de lindivis ion *
c) Des entreprises vulnérables *
· Un marché trop étroit *
· Une rentabilité insuffisante *
· Un secteur privé sous-capitalisé
et surendetté *
· Les collectivités locales :
des partenaires souvent peu fiables *
I. le paradoxe corse : une
économie largement soutenue qui reste cependant fragile, des dépenses publiques
abondantes qui nont pas les effets escomptés
Au cours des dernières années, de nombreux rapports ont
mis en évidence lampleur des concours financiers de lÉtat à la Corse,
crédits complétés par ceux, croissants, de lUnion européenne. Plus que
dautres régions, la Corse se situe donc à la convergence dun double effort
financier. Nombreux sont ceux qui, dans lîle même, se sont étonnés du contraste
entre limportance de ces fonds publics et la situation économique, volontiers
décrite comme difficile, voire catastrophique. Les handicaps naturels de lîle, les
fragilités dune économie déséquilibrée entre un étroit secteur
productif et une sphère publique hypertrophiée , les mutations douloureuses
dune agriculture en crise et le poids dun endettement préoccupant en
constituent les explications les plus évidentes. Le poids du passé et les soubresauts de
lhistoire récente jouent également un rôle non négligeable.
Selon certains observateurs, lorigine de ce paradoxe corse doit
essentiellement être recherchée dans la mauvaise utilisation des fonds publics.
Cest dans un souci de clarification quun grand nombre de députés se
prononça en faveur de la création dune commission denquête. Celle-ci a en
effet cherché à évaluer ces masses financières en ayant le souci de la plus grande
objectivité possible. Elle sest ainsi attachée à distinguer les concours qui,
parmi ces flux, témoignent de lexpression dune solidarité spécifique pour
la Corse, des dépenses qui obéissent, en fait, aux mêmes règles que celles observées
dans les autres régions françaises.
Au-delà des montants annoncés, il importe que lusage fait de
ces crédits soit conforme à leur objet et, surtout, de nature à contribuer au
développement économique de lîle. Cest pourquoi la commission a ordonné
une partie de ses investigations autour de la question cruciale de lefficacité des
dépenses publiques.
A. Une
économie déséquilibrée à la recherche de projets porteurs davenir
Les acteurs de la vie économique insulaire entretiennent
volontiers un discours alarmiste sur la situation de la Corse. Léconomie doit faire
face, il est vrai, à un certain nombre dobstacles. Les handicaps naturels au
premier rang desquels linsularité , la faiblesse du secteur productif, la
grande vulnérabilité des entreprises aggravée par un niveau dendettement
préoccupant et le poids du passé sont autant de freins au développement de lîle.
Pourtant, la Corse dispose dun potentiel incontestable. Alors que
la dotation de continuité territoriale contribue à réduire les conséquences
économiques de linsularité, lîle dispose dune population, certes peu
nombreuse, dont le niveau de vie nest pas sensiblement inférieur à celui du reste
du pays. Enfin, même sils nont pas achevé leur évolution et connaissent
encore des fragilités parfois inquiétantes, les deux secteurs essentiels que sont le
tourisme et, dans une moindre mesure, lagriculture restent porteurs davenir.
1. Des
handicaps naturels à relativiser
Les handicaps naturels et géographiques dont souffre la
Corse ont déjà été abondamment décrits. La Corse est une île montagneuse peu
peuplée, constituant un marché étroit et morcelé loin des flux économiques majeurs.
Pourtant, le mécanisme de continuité territoriale ayant contribué à réduire les
conséquences économiques principales de linsularité, ces handicaps pourraient
paradoxalement constituer autant datouts pour le développement économique de
lîle.
a) Des
handicaps naturels incontestables
Linsularité vient évidemment en tête de ces
handicaps naturels. Sy ajoutent le cloisonnement géographique liée à la structure
montagneuse de lîle, labsence de richesses naturelles et la faiblesse
démographique.
· Le poids économique et psychologique de linsularité
Il y a quelques années un slogan touristique qualifiait
la Corse de " la plus proche des îles lointaines ". En effet, la
Corse est géographiquement plus éloignée du continent français que de lItalie.
Ajaccio est à 380 kilomètres de Marseille et Bastia à 240 kilomètres de Nice.
Cest dire si les transports ont un rôle essentiel à jouer tant
pour la vie quotidienne des habitants de lîle que pour son économie.
Comme lexpliquait devant la mission dinformation sur la
Corse, M. Jean Milli, directeur régional de la Banque de France, le poids de
linsularité se fait particulièrement sentir au travers des contraintes liées aux
transports : " les délais sont accrus pour les approvisionnements ; on
note un surcoût de production dû au coût des transports et de livraison ; la
précarité des approvisionnements nécessite lentretien de stocks de sécurité
on ne sait jamais si lon sera livré à bonne date. Lensemble de
ces handicaps renchérissent le prix des produits et mettent les entreprises dans une
position désavantageuse face à la concurrence externe à lîle. "
Les effets économiques de linsularité nont jamais fait
lobjet détude précise dans la période récente. Pour être pertinente, une
telle analyse devrait être fine et examiner la situation secteur par secteur, produits
par produits. Des estimations très sommaires évaluaient pourtant le surcoût dû à
linsularité entre 3 et 5 % de la valeur des produits, sans que ce chiffre soit
totalement incontestable.
Au-delà de leffet sur les prix auquel le mécanisme de la
continuité territoriale sest attaché à répondre, il est clair que
linsularité complique les problèmes logistiques. Lensemble des acteurs
économiques, producteurs comme simples voyageurs, ne peuvent en effet utiliser leur
propres moyens de transport et recourir au mode aujourdhui le plus souple et le
moins onéreux, à savoir la route. Ils doivent sen remettre aux compagnies
maritimes ou aériennes. Cette dépendance est à lorigine dun certain nombre
dincompréhensions. Lirrégularité des transports est lune des
premières critiques avancées par les insulaires.
Si les compagnies maritimes reconnaissent que, dans le passé, les
conflits sociaux internes ont pu interrompre leur service, elles notent aujourdhui
que les interruptions ne sont plus aujourdhui de leur fait, ou très peu. En effet,
beaucoup de conflits sociaux sur lîle sont loccasion doccupation des
installations portuaires et de blocage des bateaux eux-mêmes. De plus, les compagnies ne
peuvent maîtriser les grèves qui peuvent affecter les ports ou les services de la
navigation aérienne. Les conditions météorologiques, notamment sur les navires à
grande vitesse très sensibles aux fortes houles, pèsent également.
Mais, plus profondément peut-être, linsularité a une forte
dimension psychologique que le journal Le Monde mettait en évidence en posant la
question " et si la Creuse était entourée deau ? ".
Tous les Corses, quils continuent à vivre sur lîle ou non, le disent. Comme
lécrit M. Robert Colonna dIstria, " une île demeure, même
avec les progrès des transports et des télécommunications, un monde clos, original,
particulier et reste, selon lexpression de Michel Tournier, la "rupture
dun lien" ".
· Lexcessif cloisonnement de la Corse
La Corse est également " une montagne dans la
mer ". Ainsi que le soulignait le Livre blanc préparatoire au schéma
daménagement de la Corse, seuls 10 % du territoire de lîle présentent
une pente inférieure à 12 % et, hormis la plaine orientale, les terrains plats sont
quasi-inexistants. Cest de plus une montagne particulièrement tourmentée :
pas de vallées offrant de grandes voies de pénétration, une disposition très
caractéristique des chaînes secondaires en " arêtes de
poisson " par rapport à la chaîne centrale. Orientées est-ouest,
les vallées ne communiquent guère : la Corse est donc cloisonnée, divisée en de
nombreuses micro-régions qui ont développé leurs caractères et leurs particularismes.
Dailleurs, la direction régionale de lINSEE a publié en 1994 une étude sur
la Corse et ses micro-régions opportunément intitulée " un puzzle en 19
pièces ".
Dès lors, les communications intérieures sont particulièrement
difficiles. Les distances se mesurent plus en heures de route quen kilomètres. Il
faut toujours près de trois heures pour se rendre de Bastia à Ajaccio, alors que les
deux villes principales de lîle ne sont séparées que par 150 kilomètres.
Cependant, le relief et la géographie ne sont pas les seuls
responsables de cet état de fait. Le réseau routier a été longtemps (est
toujours ?) délaissé en Corse. Elle est la seule région de lUnion
européenne à ne pas compter un seul kilomètre dautoroute et la seule haute
montagne à nêtre pas traversée par un tunnel. De plus, les grands axes,
cest-à-dire les anciennes routes nationales, ne desservent que moins de la moitié
des communes de lîle (147 sur 360) représentant seulement 41 % de la
population insulaire.
En effet, il apparaît que les choix passés ont privilégié la mer
plutôt que la route. Comme le soulignait le rapport du Sénateur Oudin, " la
multiplication des accès maritimes aux différentes micro-régions a de tout temps été
préférée au développement des infrastructures routières. Le coût moins élevé des
installations portuaires par rapport au réseau routier, ainsi que les habitudes
économiques et culturelles qui tournaient les différentes micro-régions corses vers
Marseille plus facilement quentre elles, ont joué dans ce sens ".
· Labsence de matières premières
Par ailleurs, la Corse est presque totalement dépourvue
de ressources énergétiques ou minières, à lexception de gisements de granit et
de schistes qui ont donné naissance à une filière pierre, laquelle constitue lun
des sinistres financiers majeurs de la caisse de développement de la Corse. De plus,
lagriculture noccupe quune faible partie de lespace puisquon
estime la surface agricole utile à 14 % du territoire (contre 57 % au niveau
national). Encore sagit-il de terres assez pauvres quil convient
denrichir et damender pour y pratiquer une agriculture intensive.
· Une crise démographique ancienne et actuelle
Le principal handicap de la Corse est la faiblesse et la
structure de sa population, à tel point que certains parlent à son propos de
" démographie crépusculaire "
La Corse est la seule région française et la seule grande île de la
Méditerranée à ne pas avoir retrouvé sa population du début du siècle. Stabilisée
aux environs de 260.000 habitants depuis 4 ans, la population de la Corse sélevait
en effet à 296.000 habitants en 1901. Comparée aux autres grandes îles de la
Méditerranée, la Corse est trois fois moins peuplée que les Baléares, six fois moins
que la Sardaigne et vingt fois moins que la Sicile.
La population de lîle a diminué sans interruption jusquau
milieu des années cinquante, sous le double effet des pertes de la première guerre
mondiale et de lexode massif qui a perduré jusquà la disparition de
lempire colonial français. Depuis 1954 par contre, la population a recommencé à
croître passant de 191.000 à 261.000 habitants en 1998.
Depuis 1990, le gain dépasse 10.000 habitants, ce qui représente un
accroissement de 4,1 % en huit ans. Cette croissance, qui a plus profité à la
Corse-du-Sud, est avant tout le fait dun solde migratoire largement positif puisque
le solde naturel est particulièrement faible, sept fois inférieur à celui de la France
entière en 1996 (0,5 contre 3,4 ). Il est même devenu négatif
pour la première fois en 1997 pour atteindre 0,1 .
Avec environ 2.650 naissances en 1997, le taux de natalité
10,2 est lun des plus faibles jamais observé
dans lîle et largement inférieur à celui de lensemble du pays
(12,4 ). Ce faible taux de natalité joint à la petite taille des communes
explique que la moitié dentre elles nont compté aucune naissance une année
sur deux entre 1990 et 1995. Par contre, même sil a atteint un niveau
particulièrement faible en 1997 (10,3 ), le taux de mortalité reste
supérieur à la moyenne nationale (9,1 ).
Peu nombreuse, la population est aussi et surtout vieillissante.
En 1997, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans représentait
17,8 % de la population de lîle (environ 47.000 personnes), alors que les
moins de 20 ans en représentaient 23,4% (61.200 personnes environ). Si lon
appliquait à la Corse une répartition par âge identique à celle observée pour la
France entière, lîle devrait compter 6.650 jeunes de moins de 20 ans
supplémentaires (soit près de 11% de plus) et, à linverse, 6.400 personnes de
plus de 65 ans de moins (soit près de 14% de moins) ; leffectif de la tranche
dâge intermédiaire est en phase avec la moyenne nationale.
Par ailleurs, leffectif des personnes âgées de plus de
75 ans a presque doublé en trente ans pour atteindre près de 20.000 personnes, pour
lesquelles les problèmes de dépendance et de prise en charge commencent clairement à se
poser. Cet effectif pourrait atteindre 25.000 personnes en 2010.
Daprès les projections de lINSEE pour 2010, ce
vieillissement va encore se poursuivre : le nombre des plus de 60 ans dépassera
celui des moins de 20 ans (69.700 contre 62.300) et leur part dans la population totale
devrait passer de 23 % à 25,5 % (contre respectivement 19,8 % et
22,8 % pour la France entière). Ce vieillissement résulte évidemment du faible
solde naturel et de la propension des retraités à revenir dans lîle.
De surcroît, la répartition spatiale est déséquilibrée. Les
agglomérations ajaccienne et bastiaise représentent près de la moitié de la
population. Le reste se disperse le long du littoral et seuls les villages situés sur le
piémont parviennent à garder leurs habitants. Par contre, les villages de
lintérieur se dépeuplent et connaissent un vieillissement considérable de leur
population : plus de 40 % de leurs habitants y ont plus de 60 ans. Dans de
vastes espaces de lintérieur, la densité de la population est inférieure à
5 habitants au km².
b) Le
mécanisme de la continuité territoriale réduit les principales conséquences de
linsularité
La vie économique de lîle est étroitement
dépendante du système de liaisons extérieures, de sa fiabilité, de sa régularité, de
son confort et de son coût. Plus que les habitants des régions continentales, les
insulaires ont un sentiment profond de dépendance vis-à-vis des transports.
Lefficacité de ceux-ci est un facteur important tant pour le tourisme que pour
lactivité économique ou la satisfaction du simple besoin de déplacement.
· La mise en place de la continuité territoriale
Cette exigence a toujours été prise en considération
par lÉtat avec des bonheurs divers. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, un
mécanisme particulier était mis en place en 1948. Ses insuffisances conduisirent à la
mise en place du système actuel à partir de 1976.
Lélaboration du mécanisme en 1976
La desserte des lignes dintérêt national, dont
faisaient partie les lignes entre la Corse et le continent, était confiée à la
Compagnie générale transatlantique dans le cadre dune convention assortie
dun cahier des charges conclue en décembre 1948.
Pour couvrir les charges spéciales afférentes à cette exploitation,
lÉtat sengageait à verser une subvention forfaitaire à la compagnie qui
mettait en ligne des navires loués à lÉtat et devait assurer un certain nombre de
rotations entre lîle et le continent. Ce dispositif a permis, entre 1948 et 1976,
de faire face à la croissance significative du nombre de passagers transportés et à un
développement constant des flux de marchandises.
Cependant, il est peu de dire que les critiques des usagers se sont
faites progressivement de plus en plus virulentes. Lacheminement des passagers
souffrait notamment dune insuffisance chronique des capacités disponibles :
même en période dextrême pointe en été, la compagnie concessionnaire ne mettait
en ligne que des unités à peine susceptibles dabsorber le trafic moyen de
lintersaison.
Ces critiques ont conduit à la réunion dun comité
interministériel en décembre 1975 qui a mis en place un dispositif bâti sur des
principes nouveaux. Dans le cadre dun monopole de pavillon, le service assuré
devenait un véritable service public et non plus seulement un service dintérêt
général. En contrepartie de leffort financier sous la forme dune
dotation de continuité territoriale que consentait la collectivité
nationale, les compagnies concessionnaires devaient mettre en place une flotte capable
dabsorber les pointes de trafic et de mettre en uvre un large éventail de
dessertes. Enfin, les tarifs proposés devaient rester alignés sur ceux de la SNCF.
Dans ce cadre, lÉtat a passé convention en mars 1976, pour une
durée de 25 ans et 9 mois, avec la société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la
compagnie méridionale de navigation (CMN) et, en juin 1978, avec la société Pittaluga
pour le transport du ciment.
En 1979, le principe de la continuité territoriale a été étendu au
transport aérien de bord à bord assuré par Air France et Air Inter.
Limplication progressive des autorités régionales
Avant 1982, cest à lÉtat quil
appartenait dorganiser les modalités de desserte de la Corse. Puis, la loi du 30
juillet 1982 a prévu la conclusion dune convention entre lÉtat et la région
de Corse pour déterminer les liaisons de service public, les modalités de mise en
uvre du principe de continuité territoriale, notamment en matière de dessertes et
de tarifs, et arrêté les critères de détermination de la dotation que lÉtat
devait verser à loffice des transports de la région de Corse créé par cette
même loi. Sur la base de cette convention conclue en janvier 1986, loffice,
établissement public national à caractère industriel et commercial, concluait des
conventions particulières quinquennales avec les compagnies concessionnaires.
La convention entre lÉtat et la région a reconduit comme
compagnies concessionnaires et sur les mêmes dessertes, les cinq opérateurs qui
bénéficiaient dune convention avec lÉtat (SNCM, CMN, société Pittaluga,
Air France et Air Inter).
Dans le cadre de cette convention, le principe de la continuité
territoriale a été étendu à de nouvelles liaisons aériennes assurées par TAT
(liaisons de bord à bord avec Figari à partir de 1986) et par Air Corse, remplacée par
la société Kyrnair en 1990 (liaisons de bord à bord avec Toulon à partir de 1987). Par
ailleurs, la convention avait arrêté le principe de la création dune compagnie
aérienne régionale, la compagnie Corse Méditerranée (CCM), pour se substituer
progressivement aux compagnies nationales sur les liaisons de bord à bord. La compagnie a
été effectivement créée en 1989 et reçut alors une autorisation provisoire de
transport public et des droits de trafic sur les lignes de Nice. En mars 1993, les
conventions avec Air France et Air Inter ont été résiliées au profit de la CCM
La loi du 13 mai 1991 a supprimé lintervention de lÉtat
dans lorganisation des transports, tout en laissant à sa charge loctroi
dune dotation de continuité territoriale.
Cest donc aujourdhui à la Collectivité territoriale de
Corse quil revient de déterminer lorganisation des transports sur proposition
de loffice des transports de Corse. Cest elle qui octroie les concessions aux
compagnies dans le cadre dune convention qui fixe les modalités du versement de la
dotation de continuité territoriale. Loffice des transports les met en uvre
en concluant des conventions particulières quinquennales avec les compagnies
concessionnaires, qui définissent les tarifs, les conditions dexécution, la
qualité du service ainsi que les modalités de contrôle.
· La situation actuelle
Les concessions et conventions de service public ne
reconnaissent pas à leurs signataires un quelconque monopole. Linitiative privée
peut sexercer librement mais ne peut prétendre à être subventionnée par la
Collectivité territoriale.
Lorganisation de la desserte maritime
En matière maritime, les concessions de service public
conclues par lÉtat avec la SNCM et la C.M.M. restent en vigueur jusquà leur
expiration le 31 décembre 2001, la Collectivité territoriale de Corse étant simplement
substituée à lÉtat. Les conventions quinquennales particulières ont été
renouvelées en même temps, en juin 1996, pour couvrir la période 1996-2001,
cest-à-dire jusquà lexpiration des concessions.
La convention particulière avec la SNCM couvre à la fois un
service de marchandises et un service de passagers et de véhicules accompagnés. Le
service de marchandises est effectué par cargos rouliers et éventuellement
par paquebots transbordeurs et concerne les liaisons au départ de Marseille
et à destination de Bastia (3 allers-retours par semaine), dAjaccio (3
allers-retours par semaine), de Porto-Vecchio (3 allers-retours par semaine) et de la
Balagne (Calvi ou lIle-Rousse) ou de Propriano (5 allers-retours par semaine).
Le service de passagers est organisé selon trois périodes : la
période hivernale (avec 7 liaisons hebdomadaires par paquebot transbordeur entre
Marseille ou Nice et la Corse, pouvant être renforcées pendant les vacances scolaires en
fonction de la demande prévisionnelle), la période intermédiaire dautomne et de
printemps (6 liaisons hebdomadaires par paquebot transbordeur au départ de Marseille et 7
liaisons hebdomadaires par navire à grande vitesse au départ de Nice avec renforcement
pendant les vacances scolaires, les week-ends prolongés et les périodes précédant ou
suivant immédiatement lété en fonction de la demande prévisionnelle) et la
période estivale (15 liaisons hebdomadaires pouvant être portées à
18 par paquebot transbordeur au départ de Marseille et 20 liaisons
hebdomadaires pouvant être portées à 25 par navire à grande
vitesse au départ de Nice).
La convention particulière avec la CMN définit les modalités
dexécution par la compagnie dun service de transport de marchandises à
partir de Marseille par cargos rouliers, lesquels devront également offrir un service
passagers et de voitures accompagnées effectué en concertation avec la SNCM Elle couvre
lexploitation des lignes Marseille-Bastia (3 allers-retours par semaine) et
Marseille-Ajaccio (3 allers-retours par semaine) sur lesquelles les services sont
alternés avec ceux assurés par la SNCM et les lignes entre Marseille et les ports
départementaux (3 allers-retours par semaine, dont 2 pour Propriano) que la CMN assure
seule.
La desserte de la Corse en ciment en vrac est assurée par le
service commun continent-Corse, constitué par les deux société Pittaluga et Someca
Transport, dans le cadre dune convention passée avec loffice des transports
en septembre 1991. Cette convention avait été accordée à titre précaire à la suite
dun premier appel doffres international infructueux et en prévision dun
nouvel appel doffres qui na pas été engagé afin de ne pas lier les mains
des nouvelles autorités territoriales qui allaient être mises en place en application de
la loi du 13 mai 1991. Dabord prorogée pour un an, cette convention a été à
nouveau prorogée, à partir du 1er janvier 1993, par la Collectivité territoriale pour
une durée indéterminée avec faculté de dénonciation moyennant préavis de 6 mois.
Cette faculté de dénonciation a été utilisée par lAssemblée de Corse en
décembre 1997 : la convention a donc expiré le 30 juin 1998.
Lorganisation de la desserte aérienne
En matière aérienne, les conventions actuelles ont été
conclues dans les conditions prévues par le règlement communautaire du 23 juillet 1992
concernant laccès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes
intra-communautaires.
Dans ce cadre, loffice des transports a déterminé, en accord
avec lÉtat, des obligations de service public sur chacune des liaisons faisant
lobjet de la continuité territoriale, portant sur la qualité de la desserte, les
fréquences, ladaptation des capacités à limportance des flux et sur les
tarifs. Ces obligations ont été publiées au Journal officiel des Communautés
européennes. Aucune compagnie ne sétant manifestée pour exploiter ces liaisons
sans demander de subvention, une procédure dappel doffres ouverte à toutes
les compagnies européennes a été lancée en août 1995.
Cinq compagnies seulement, toutes françaises, ont déposé des offres.
Air Inter était candidate pour lensemble des lignes entre Paris et la Corse, en
concurrence avec TAT et Air Liberté pour certaines dentre elles. La CCM était
seule candidate pour les liaisons Marseille ou Nice/Ajaccio ou Bastia et était en
concurrence avec TAT et Kyrnair sur les liaisons avec Calvi et Figari, Kyrnair étant, par
ailleurs, seule candidate aux liaisons de bord à bord entre Toulon et la Corse.
Conformément à la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention
de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques,
lAssemblée de Corse sest prononcée sur le choix des compagnies retenues en
décembre 1995.
Comme le reconnaissait le directeur des transports aériens au
ministère de lEquipement, des transports et du logement devant la mission
dinformation sur la Corse, " ce processus concurrentiel na pas
bouleversé le paysage des entreprises qui exploitaient auparavant ces lignes. On a
quasiment retrouvé les mêmes ". Les liaisons aériennes sont donc
assurées dans le cadre de conventions couvrant la période 1996-1998 conclues en
décembre 1995 avec Air Inter à laquelle sest substituée Air France
après la fusion des deux compagnies pour les liaisons entre Paris et Ajaccio,
Bastia et Calvi, avec TAT à laquelle sest substituée Air Liberté
après que celle-ci eût repris la première en location gérance en 1997 pour
les liaisons entre Figari et Paris, Marseille et Nice, avec la CCM pour les liaisons entre
Marseille et Nice et Ajaccio, Bastia et Calvi et, enfin, avec Kyrnair pour les liaisons
entre Toulon et Ajaccio et Bastia.
· La dotation de continuité territoriale représente un
effort financier important de lÉtat
Globalement, la dotation de subvention territoriale
sest élevée en 1998 à 950 millions de francs (au lieu de 937,1 million
de francs en 1997, soit une augmentation de 1,4 %), inscrits au budget du
ministère de lIntérieur. Son montant évolue chaque année au même rythme que la
dotation globale de fonctionnement. Elle ne fait que transiter dans le budget de la
Collectivité territoriale qui la reverse intégralement à loffice des transports
de Corse, lequel est chargé de la répartir entre les compagnies concessionnaires dans
les conditions prévues par leurs conventions respectives. Outre 5 millions de francs
(0,5 % de la dotation) prélevés pour assurer le fonctionnement de loffice, la
répartition de la dotation pour 1998 est la suivante :
les dotations aux compagnies maritimes sélèvent à
688,5 millions de francs (soit 72,5 % de la dotation de continuité
territoriale), répartis entre la SNCM (532,9 millions de francs), la CMN (147,8
millions de francs) et les sociétés Pittaluga-Someca (7,8 millions de francs
pour le seul premier semestre en raison de la dénonciation de la convention) ; en
outre, le budget de loffice prévoit 12,5 millions de francs au titre de
diverses actions économiques en faveur des exportations, essentiellement de produits
agricoles, ou de lévacuation des déchets, ainsi quune enveloppe de 5
millions de francs destinée à des opérations à caractère exceptionnel décidées
en cours dannée soit pour lapplication de nouvelles mesures tarifaires, soit
pour faire face à des besoins particuliers (soit au total 1,8 % de la dotation de
continuité territoriale) ;
les dotations aux compagnies aériennes sélèvent à
239 millions de francs (soit 25,1 % de la dotation de continuité territoriale),
répartis entre la CCM (172,4 millions de francs), Air Inter (29,3 millions
de francs), TAT (31,4 millions de francs) et Kyrnair (5,9 millions
de francs).
· Les flux de transport et leurs caractéristiques
Les années récentes ont connu un recul du trafic
passagers, tandis que le transport de marchandises stagnait. 1997 et lannée en
cours pourraient marquer le début dune période de progression.
Le transport de marchandises
Plus de 95 % du tonnage net de marchandises diverses
(hors ciment et produits pétroliers) transportées par voie maritime à partir du
continent français relèvent de la technique dite roll et sont acheminés par des
camions ou ensembles accompagnés. Les trafics réalisés par voie aérienne ou depuis
lItalie par navires sont très faibles et ne représentent que 5 % du total. Le
trafic roll, du fait de lorganisation logistique à terre du transport, est
concentré à Marseille (qui représente 99 % de lensemble). Le recul de Nice
devrait se poursuivre en raison de sa spécialisation sur le créneau des navires à
grande vitesse, du moins tant que ceux-ci ne seront pas en mesure dembarquer du fret
lourd.
De 1985 à 1990, le trafic roulier à partir de Marseille a progressé,
en mètres linéaires, en moyenne de 5 % chaque année. Depuis 1991, il stagne aux
alentours de 1,1 million de mètres linéaires. Cette stagnation est la conséquence de la
situation économique générale de lîle. En ce qui concerne la répartition entre
les ports insulaires, Bastia est la principale destination (51,7 % du trafic en
1997), devant Ajaccio (33,9 %) et les quatre ports départementaux qui ne
représentent que 14,3 % du trafic. Contrairement au trafic passagers, le trafic de
marchandises est relativement stable tout au long de lannée avec une saisonnalité
inférieure à 20 %.
Sagissant des compagnies, le trafic à partir de Marseille se
répartit entre la SNCM (environ 53 %) et la CMN (environ 47 %).
Le trafic passagers
Le trafic passagers a connu une croissance presque linéaire
jusquen 1992. Après un premier recul de 6,4% entre 1992 et 1993, il a fortement
diminué entre 1992 et 1996, affichant une perte de 590.000 passagers sur cette période
(soit 12,6%). Ce recul est surtout imputable au transport maritime sur les lignes
italiennes, puisque la diminution du nombre de passagers entre 1992 et 1997 est de
219.000, alors que le trafic sur les lignes maritimes françaises a dépassé en 1997 son
niveau de 1992 (+ 26.000 passagers).
Même si le trafic global na pas encore retrouvé son niveau de
1992, loptimisme semble de retour à lobservation des chiffres de 1997, qui
ont marqué une croissance de 8,9 % par rapport à lannée précédente, et des
prévisions relatives à la période estivale de cette année. Le tableau ci-dessous
indique lévolution du trafic depuis 1990.
EVOLUTION DU TRAFIC DE PASSAGERS DEPUIS 1990
(En milliers de passagers)
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Trafic maritime |
2 411 |
2 493 |
2 668 |
2 381 |
2 414 |
2 213 |
2 172 |
2 475 |
· Corse Continent
|
1 278 |
1 237 |
1 254 |
1 231 |
1 227 |
1 091 |
1 143 |
1 280 |
· Corse Italie
|
1 133 |
1 256 |
1 414 |
1 150 |
1 187 |
1 122 |
1 029 |
1 195 |
Trafic aérien |
1 968 |
1 883 |
2 029 |
2 014 |
2 054 |
1 991 |
1 935 |
2.000 |
· Corse Continent
|
- |
- |
1 865 |
1 880 |
1 915 |
1 854 |
1 816 |
1 870 |
· Corse Etranger
|
- |
- |
164 |
134 |
139 |
137 |
119 |
130 |
Trafic total |
4 379 |
4 376 |
4 697 |
4 395 |
4 468 |
4 204 |
4 107 |
4 475 |
· Corse Continent
|
- |
- |
3 119 |
3 111 |
3 142 |
2 945 |
2 959 |
3 150 |
· Corse Etranger
|
- |
- |
1 578 |
1 284 |
1 326 |
1 259 |
1 148 |
1 325 |
Source : Direction régionale de
léquipement.
La part des touristes dans le trafic global de passagers atteint
environ 80 %, cette proportion atteignant plus de 85 % dans le trafic maritime
et 70 % dans le transport aérien. Le solde, 20 %, concerne les résidents.
Lévolution du nombre des séjours touristiques est donc
étroitement liée à celle des passagers. Dès lors, la saisonnalité très marquée du
trafic traduit surtout le faible étalement de la fréquentation touristique. Depuis 1992,
la baisse du trafic passagers sest accompagnée dune accentuation de la
concentration estivale puisque les deux tiers des passagers perdus lont été entre
mai et septembre.
A la différence du fret, le trafic passagers est très saisonnalisé.
En ce qui concerne le trafic entre la Corse et le continent en 1997, il a dépassé
350.000 passagers en août et 250.000 en juillet, alors quil ne dépasse pas 50.000
de novembre à mars.
Sur la période estivale, la part entre lignes maritimes régulières
françaises et italiennes évolue peu. Les lignes italiennes assurent plus de la moitié
du trafic passagers. Par contre, les liaisons aériennes entre la Corse et
létranger ne représentent que 10 % du trafic aérien estival. La croissance
du nombre de passagers transportés par avion est alimentée à hauteur de 60 % par
les vols charters français, dont le trafic a doublé en une dizaine dannées et
représente plus dun quart du trafic aérien.
c) Les
handicaps naturels pourraient se révéler des atouts
La géographie na pas été totalement ingrate
avec la Corse : elle na pas seulement isolé lîle du continent et
morcelé son territoire, elle la également dotée dun patrimoine naturel que
tout le monde saccorde à qualifier dexceptionnel. Celui-ci justifie
pleinement son surnom grec de Kallisté, " la plus belle ". Ce
patrimoine, la mer au pied de la montagne, représente un potentiel évident pour le
développement du tourisme qui constitue, sans aucun doute, lun des axes de
développement de lîle.
De plus, avec plus de 1.000 kilomètres de côtes, la Corse dispose
dun vaste domaine maritime et littoral propice au développement de la pêche, des
cultures marines voire du nautisme, dans le cadre dun tourisme intégré.
Dans ce contexte, la faiblesse de la population insulaire constitue un
élément de nature à réduire les craintes que les nécessités du développement ont
fait (ou font encore) naître dans certains secteurs de lopinion. En effet, comme
lexpliquait devant la mission dinformation sur la Corse le directeur général
de lINSEE, " compte tenu de la population relativement faible de
lîle, le développement de celle-ci na nullement besoin dun tourisme de
masse qui génère des excès, (...) tel que le connaissent certaines côtes de la
Méditerranée. La Corse peut asseoir son essor économique sur la base dun
tourisme relativement diffus, respectueux de lenvironnement et ouvert sur la culture
et les traditions locales. Un tourisme de ce type est capable dentraîner de
multiples activités, telles que lartisanat de qualité, lagro-alimentaire et
les services de haut de gamme, et donc de tirer toute léconomie corse vers le
haut ".
Cest aussi ce quécrivait, dès 1965, M. Olivier
Guichard, alors délégué à laménagement du territoire : " en
définitive, linsularité dont les Corses cherchent aujourdhui à corriger les
inconvénients, sera sans doute latout majeur de la région. Lautomobile
ny imposera peut-être pas des formes urbaines aujourdhui mal maîtrisées,
cependant que sa position méridionale lui garantit, à coup sûr, une rentabilité
touristique plus grande que partout ailleurs ". Il ajoutait :
" ce dessein de la Corse suppose autant de hardiesse devant linnovation
que de civisme dans la réalisation ".
Encore faut-il que ce choix stratégique soit fait et, surtout, assumé
par les responsables et la population de lîle. Comme lécrit en effet un
journaliste corse " le contraste est saisissant entre les richesses
potentielles de lîle et leur sous-exploitation ".
2.
Les fragilités actuelles dune économie à la croisée des chemins
Les signes encourageants ne manquent pas : il semble
que la Corse soit en train de combler son retard de développement relatif puisque, selon
la commission européenne, elle ne devrait bientôt plus être considérée comme une
région " en retard de développement " éligible aux programmes de
lObjectif 1. Cependant, la structure de léconomie insulaire demeure
déséquilibrée. Elle repose, il est vrai, largement sur un secteur tertiaire
aujourdhui prédominant. Au sortir de vingt ans de mutations parfois difficiles,
lagriculture insulaire offre, quant à elle, un visage contrasté entre la plaine
orientale, la montagne et lintérieur. Elle ne représente quun poids
économique réduit en dépit de limportance des aides publiques quelle
attire. Le tourisme fait, enfin, figure de secteur porteur davenir. Il est en effet
susceptible dentraîner des effets vertueux sur lensemble du tissu
économique, même sil reste fragilisé par des handicaps de différentes natures.
a) Des
constats alarmants quatténuent quelques notes despoir
Peut-on parler de retard de développement en ce qui
concerne la Corse ? Certains indicateurs objectifs peuvent être évoqués à ce
propos.
· Un PIB par habitant inférieur à la moyenne des régions
européennes comme à la moyenne nationale
Dans une enquête rendue publique en août 1998,
lINSEE a dressé un tableau des régions européennes en 1994 année de
référence et a ainsi montré que lIle-de-France, en concentrant 5 % du
produit intérieur brut de lUnion européenne, était la plus riche des
196 régions dEurope. En classant lensemble des régions européennes
en fonction de la richesse créée par habitant, la Corse narrive quau
143ème rang (le Limousin se situe au 142ème rang et le
Languedoc-Roussillon en 145ème position).Tandis que lIle-de-France
affiche un PIB par habitant de 67 % supérieur à la moyenne européenne, le
Languedoc, le Limousin et la Corse sont respectivement à 19 %, 17 % et
18 % au-dessous de cette moyenne.
Ainsi que le soulignait récemment une étude réalisée par
lINSEE (in Economie Corse juin 1998), le produit intérieur brut de la
Corse sest élevé à 24,5 milliards de francs courants en 1994 (dernière
année disponible). Cette valeur ajoutée résulte de lagriculture à hauteur de
534 millions de francs, de lindustrie à hauteur de 2,212 milliards
de francs, de la construction pour 1,831 milliard, des services marchands pour
13,493 milliards et des services non marchands pour 6,433 milliards. Ceci est le
résultat dune économie insulaire essentiellement tertiaire. En effet, le secteur
des services fournit environ 80 % de la valeur ajoutée. Le tertiaire public produit
à lui seul un quart de la richesse totale.
La Corse a produit, au sens des comptes de la Nation,
98.500 francs par habitant cette année, soit 23 % de moins que le produit
intérieur brut national par habitant. A titre dexemple, le PIB par habitant en
Ile-de-France (198.000 francs) était le double de celui de la Corse, qui se trouve
proche du Languedoc-Roussillon (97.200 francs) et du Limousin (99.300 francs).
Seules trois régions françaises enregistrent un produit intérieur brut par habitant
supérieur de 15 % à celui de lîle.
Les élus comme les socio-professionnels ont souvent tendance à
présenter la situation économique de la Corse comme étant très déprimée, voire
catastrophique. La commission denquête, qui a eu loccasion de se rendre sur
place à plusieurs reprises, a pu se forger la conviction que les difficultés
dadaptation de léconomie insulaire, bien que réelles, nétaient
nullement insurmontables.
Le tissu économique reste cependant fragile et vulnérable aux
aléas de la conjoncture. Comme le soulignait devant la mission dinformation sur
la Corse le directeur régional de la Banque de France, un bref aperçu des trente
dernières années permet de constater que léconomie insulaire a connu une période
favorable, avec le développement du tourisme dans les années 60, 70 et 80, qui a
entraîné celui du bâtiment et du commerce. En revanche, le début des années 90 a
été marqué par une rupture due au changement dans les habitudes de consommation et à
limpact psychologique des manifestations de violence. De plus, les grèves
répétées dans le secteur des transports ont dissuadé de nombreux touristes, notamment
parmi la clientèle la plus aisée, de se rendre en Corse. La phase de repli connut deux
pics, en 1991 et en 1995, années particulièrement difficiles au cours desquelles des
baisses significatives du chiffre daffaires ont été enregistrées dans le secteur
de lhôtellerie, dans le commerce de détail et les transports. Lannée 1996
se solda également par des résultats décevants dans le tourisme :
lhôtellerie ne parvint pas à réaliser des taux de remplissage satisfaisants.
Quant au secteur du BTP, il est aujourdhui encore très déprimé. En 1996,
léconomie insulaire semblait figée. Linvestissement était au point mort,
tandis que le taux de chômage atteignait des niveaux toujours élevés.
· Des signes damélioration économique
Ce nest quen 1997 quune timide reprise du
tourisme sest manifestée, apportant lespoir dun retournement de la
conjoncture. De fait, les réservations pour 1998 se sont révélées en forte
augmentation et les résultats enregistrés en mai et juin 1998 sont conformes aux
espérances des professionnels avec des progressions de 15 à 25 % dune année
sur lautre. Le regain de fréquentation touristique devrait permettre aux
entreprises hôtelières de renflouer leur trésorerie et de reprendre le paiement normal
et régulier de leurs échéances. Notons que le commerce de détail bénéficie
également des retombées du tourisme.
Le secteur du BTP enregistre quant à lui quelques signes
encourageants, mais le secteur du logement neuf reste atone tandis que celui du logement
social traverse une crise préoccupante. La demande pourrait être importante, mais
les deux offices dHLM susceptibles de mettre en route de nouveaux chantiers se
débattent dans des difficultés financières (qui font lobjet de développements
dans la deuxième partie du rapport). En matière de travaux publics, si lon relève
quelques marchés notables, les adjudications profitent principalement aux entreprises les
plus performantes et non à la masse des petites entreprises rencontrant souvent des
difficultés. Lagro-alimentaire, tirée par les besoins du tourisme, connaît
également une embellie.
Toutefois, les projets dinvestissement se caractérisent
toujours par leur rareté au premier semestre 1998, tandis que lemploi ne
progresse pour lessentiel que par des contrats temporaires, ce qui constitue un
signe que la majeure partie des entreprises nest pas encore convaincue du retour à
de meilleurs résultats durables. Ce comportement dattentisme rend particulièrement
vulnérables les sociétés familiales et de taille réduite. Le nombre de dépôts de
bilan sest ainsi accéléré depuis le début de 1998.
Une étude réalisée par la Banque de France à partir dun
échantillon de 1.000 entreprises, indiquait, à la fin du mois de juin 1998, que
45 % des entreprises présentaient un bilan acceptable selon les critères de
structure, dendettement et de rentabilité communément admis par les banques.
Toutefois, en appliquant des critères très stricts, il apparaîssait que seules
27 % de ces sociétés figuraient dans la catégorie des entreprises très saines.
Pour les 55 % restantes, 17 % connaissaient une évolution défavorable :
elles étaient considérées comme viables mais devant être surveillées par les
organismes bancaires. Restaient 38 % des entreprises sur lesquelles des réserves
pouvaient être émises quant à leur structure, leur endettement, leur rentabilité et
donc leur viabilité. Parmi celles-ci, 16 % accusaient une situation très
dégradée.
Les mois à venir marqueront peut-être lamorce dun
assainissement financier qui devrait progressivement porter ses fruits, même si la
période de transition risque dêtre difficile. A une phase de laxisme économique,
caractérisée par la pratique généralisée du non-paiement des dettes et des factures
tant par les particuliers et les entreprises que par les collectivités locales,
sest substituée une période de reprise en main. Le courage politique impose de
dire dores et déjà quun certain nombre dentreprises et
dexploitations agricoles ne sont probablement pas viables à terme. Le courage exige
aussi de préconiser quun examen au cas par cas de ces situations soit mené, afin
de maintenir en activité celles qui peuvent lêtre. Une remise en ordre des comptes
des collectivités locales est également indispensable : elle prendra du temps, mais
elle constitue, elle aussi, un préalable à la consolidation de léconomie
insulaire sur des bases saines.
b) La
structure atypique dune économie régionale relativement marquée par le problème
du chômage
Cet atypisme se traduit par un déséquilibre au profit
du secteur tertiaire. La deuxième grande caractéristique de léconomie insulaire
consiste dans un marché de lemploi plus dégradé que la moyenne nationale, ce qui
nempêche pas cette région denregistrer par ailleurs des niveaux de
conditions de vie tout à fait corrects.
· Une économie déséquilibrée
Alors que le secteur tertiaire est très développé, le
secteur primaire reste dans la moyenne nationale et le secteur secondaire demeure très
limité. Seules quelques filières industrielles sont en effet représentées.
répartition des établissements par secteur dactivité
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Primaire |
1.387 |
1.480 |
1.537 |
2.734 |
Secondaire |
4.347 |
3.980 |
3.950 |
3.901 |
Tertiaire |
14.850 |
15.088 |
15 .161 |
15.890 |
TOTAL |
20.584 |
20.548 |
20.648 |
22.525 |
Source : INSEE Corse, juillet 1998
Léconomie régionale est donc marquée par la faible
présence de lindustrie, la Corse étant la région la moins industrialisée de
France métropolitaine. Avec environ 10 % de la valeur ajoutée, dont la moitié
provient de la production dénergie, lindustrie crée moitié moins de
richesse que dans le Limousin. Le secteur de la construction est plus présent en Corse,
mais son poids est plus important en termes demploi que de valeur ajoutée car les
salaires y sont restés relativement bas.
Le secteur tertiaire est omniprésent. Il représente plus de
80 % de la valeur ajoutée régionale, contre 70 % au niveau national. Alors
que la part de lindustrie dans la valeur ajoutée est la plus faible des régions
françaises, les parts du BTP (11,4 %) et des services non marchands (21,7 %)
atteignent les plus fortes proportions des régions françaises. Lagriculture
contribue à hauteur de 2 % seulement à la création de la valeur ajoutée en Corse.
Valeur ajoutée des secteurs dactivité
dans le PIB en 1994
Agriculture
Industrie
Construction
Tertiaire |
Valeur
ajoutée
(en millions de francs) |
Part
dans le total de la valeur ajoutée |
534
2.212
1.831
19.926 |
2,2 %
9,0 %
7,5 %
81,3 % |
TOTAL |
24.503 |
100 % |
Source : INSEE Corse
Les services marchands, dont la santé, la Poste et France
Télécom, ont une importance équivalente à celle observée sur lensemble du pays,
mais leur contribution au PIB régional est minorée par le fait que ces services sont
pour lessentiel destinés aux ménages et se développent de façon moindre en
direction des entreprises. Au sein du secteur tertiaire, il faut relever la part
essentielle du tourisme qui fait lobjet de développements plus loin. Les
potentialités de ce secteur laissent des marges importantes de développement à
lavenir. A condition de trouver un modèle adapté aux besoins de lîle, le
tourisme est en effet susceptible denclencher un processus vertueux pour la
consolidation dune économie insulaire encore fragile.
Un quart de la richesse produite provient des services non
marchands, composés des administrations de lÉtat et des collectivités locales. Le
poids de ce secteur demeure très supérieur à celui quil a sur lensemble du
pays. Lécart reste sensible même avec des régions comme le Languedoc-Roussillon
et le Limousin. La part des entreprises publiques et de ladministration dans la
structure de léconomie insulaire explique partiellement une certaine inertie de
léconomie régionale face aux variations de la conjoncture nationale.
On compte environ 22.000 entreprises en Corse, dont plus de 90 %
emploient moins de 10 salariés.
Dune manière générale, dans tous les secteurs
dactivité, les établissements de 50 salariés et plus se caractérisent par leur
faible nombre.
répartition des établissements de 50 salariés et plus
par activité en 1998
|
Nombre
dentreprises ayant entre
50 et 99 salariés |
Nombre
dentreprises ayant entre
100 et 199 salariés |
Nombre
dentreprises ayant plus de 200 salariés |
TOTAL |
Agriculture Industrie
Construction
Commerce
Hôtels et restaurants
Transports et Communication
Santé et action sociale
Autres services marchands |
1
4
6
12
5
7
11
12 |
2
1
0
3
0
6
7
0 |
0
1
1
3
0
4
4
1 |
3
6
7
18
5
17
22
13 |
TOTAL |
58 |
19 |
14 |
91 |
Source : INSEE Corse, juillet 1998
· Un secteur tertiaire prédominant dans la répartition de
lemploi
La répartition de lemploi est aussi atypique que
celle de la valeur ajoutée, avec 7 % dactifs dans le domaine de
lindustrie, 7 % des emplois dans le secteur agricole, 9,7 % dans le
bâtiment et les travaux publics et 77 % environ dans le secteur tertiaire. La part
de lemploi public y est considérable : près de 20 % des emplois sont des
emplois dagents de lÉtat, de la Poste et de France Télécom. Les
collectivités locales emploient pour leur part environ 7.000 personnes. En additionnant
les emplois de lÉtat, des collectivités territoriales et du secteur public
hospitalier, il apparaît que lemploi public représente un tiers de
lemploi salarié de lîle, soit environ 27 % du total.
Estimations demplois (juillet 1998)
|
31 décembre 1993 |
31 décembre 1994 |
31 décembre 1995 |
31 décembre 1996 |
Agriculture |
6.036 |
5.725 |
5.336 |
5.321 |
Industrie |
5.964 |
6.035 |
6.034 |
6.048 |
Construction |
8.392 |
8.463 |
8.269 |
8.205 |
Tertiaire |
64.387 |
65.799 |
67.238 |
67.784 |
Ensemble |
84.779 |
86.022 |
86.877 |
87.358 |
Source : INSEE Corse.

CAMEMBERTS INSEE ð Fichier
Excel CAMEMB.XLS
· Des
conditions de vie correctes, mais un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale
Un bon niveau déquipement chez les ménages
Le niveau de vie se situe dans une moyenne acceptable.
Le revenu disponible brut par an et par habitant représente 90 % du revenu
métropolitain moyen. Les ménages disposent en moyenne dun bon niveau
déquipement. Dans une note en date de juin 1997, M. François Cailleteau,
inspecteur général des finances alors en charge de la Corse, notait : " des
taux déquipement proches des maximums régionaux sont enregistrés pour les
lave-vaisselle ou les camescopes, qui sont plutôt des signes de haut niveau de vie. Mais
cest dans lautomobile que lon trouve les records : 725 automobiles
pour 1.000 habitants pour une moyenne nationale de 478, la seconde région la mieux
équipée étant la région PACA (Provence Alpes Côte dAzur), avec 515 soit un
tiers de moins que la Corse. (
) Au demeurant, la qualité du parc frappe
lobservateur mais, faute de disposer de données chiffrées, on nen tirera pas
dautres conclusions. "
Un
marché de lemploi plus dégradé que la moyenne nationale
Des faiblesses subsistent cependant. Le taux de chômage ne
saméliore guère. La proportion de la population exerçant en Corse une
activité professionnelle est nettement inférieure à la moyenne nationale, alors que la
part de la population en âge de travailler est du même ordre quen métropole.
Le taux dactivité reste faible, notamment celui des femmes. Les salaires sont
inférieurs à la moyenne nationale, mais les écarts sont plus importants dans le secteur
de la construction que dans celui de lindustrie, et surtout que dans le tertiaire.
taux de chômage en 1997 (au sens du bit)
|
1er trimestre |
2 ème trimestre |
3 ème trimestre |
4 ème trimestre |
CORSE |
13,5 |
13,9 |
13,7 |
13,2 |
- Corse-du-Sud |
13,6 |
13,9 |
13,7 |
13,3 |
- Haute-Corse |
13,3 |
13,9 |
13,7 |
13,2 |
France |
12,5 |
12,6 |
12,5 |
12,2 |
Source : INSEE Corse
En 1996 et 1997, la situation de lemploi sest
détériorée en Corse de manière plus importante que sur lensemble du pays.
Touchant autant les femmes que les hommes, le chômage concerne principalement les
employés et semble atteindre relativement moins les jeunes que leurs aînés. En
décembre 1997, le taux de chômage en Corse sélevait à 13,2 % contre
12,2 % dans la France entière. Ce taux est supérieur à la moyenne nationale depuis
1995. Notons quen 1993 et 1994, il se rapproche de la moyenne nationale. Même si
les deux taux ont connu une baisse en 1997, lécart, qui avait commencé à se
creuser entre les résultats corses et nationaux en 1996, et surtout à la fin de 1997, ne
sest pas réduit depuis.
Entre 1993 et 1997, le nombre de demandeurs demploi durable à
temps plein a augmenté de 18 % sur lîle. Au début de 1993, on comptait
12.400 demandeurs, et 14.500 demandes à la fin 1997. Durant ces cinq dernières années,
ce nombre sest élevé régulièrement. Cette progression saccéléra entre la
fin de 1995 et le début de 1996, période pendant laquelle le taux de chômage en Corse
sest éloigné de la moyenne nationale. Au 31 décembre 1997, sept demandeurs
sur dix avaient entre 25 et 49 ans. Un peu moins de deux demandes sur dix émanaient
dun jeune de moins de 25 ans. Les demandeurs inscrits à lANPE sont
surtout des employés en recherche demploi : de 1993 à la fin de 1997,
laugmentation de leurs demandes a été constante ; au quatrième trimestre
1997, sept demandes sur dix étaient déposées par des employés. Ce sont ensuite les
ouvriers et les manuvres qui sinscrivent à lANPE. Quant aux demandes
émanant de cadres, de techniciens ou dagents de maîtrise, elles sont peu élevées
mais en légère augmentation. Il est vrai que les grandes entreprises qui emploient
généralement beaucoup de cadres sont peu nombreuses dans lîle.
Sur la période 1993-1997, ce marché a connu beaucoup de mouvements,
les demandeurs demploi sinscrivant et ceux sortant des fichiers de lANPE
étant toujours plus nombreux. Les soldes trimestriels (qui mesurent la différence au
cours des trois mois de ces entrées et de ces sorties) se caractérisent par une forte
périodicité, ce qui sexplique notamment par la saisonnalité du marché de
lemploi. En effet, lactivité estivale nécessite une main duvre
supplémentaire recrutée au cours du printemps. LINSEE Corse explique ainsi le
phénomène : " Le premier trimestre de chaque année est toujours un
trimestre " neutre " pour lemploi. Dun même ordre de
grandeur, le nombre des entrées et celui des sorties sont aussi les plus faibles des
quatre trimestres. Lors du deuxième trimestre, les sorties, en hausse, sont bien plus
nombreuses que les entrées, en baisse à ce moment-là. Cest le seul trimestre où
les personnes qui sortent des fichiers de lANPE sont plus nombreuses que celles qui
sinscrivent. Cest linverse aux troisième et quatrième trimestres, avec
des demandes enregistrées en forte augmentation, plus nombreuses que les demandes
sorties. Ainsi, les demandes demploi entrées augmentent et atteignent, lors des
deux derniers trimestres, un niveau beaucoup plus élevé que celui des sorties. Les
soldes trimestriels redeviennent positifs.
Sur lannée, il y a toujours plus dentrées que de sorties.
Durant lannée " charnière " 1996, il y a eu 22 776
entrées et 21 725 sorties. Ce solde de 1 051 demandes est redescendu à 479
demandes en 1997. "
En juillet 1998, le taux de chômage enregistré en Corse était
dun point supérieur à la moyenne nationale (13,2 % en Haute-Corse et
13,3 % en Corse-du-Sud) pour la France métropolitaine. Ce taux apparaît plus
élevé que celui observé dans les départements ruraux peu peuplés (Hautes-Alpes,
9 % ; Ardèche, 10,7 % ; Alpes de Haute-Provence, 11,6 %), tout
en demeurant inférieur à ceux enregistrés dans les départements littoraux de la
région Provence-Alpes-Côte dAzur (Alpes-Maritimes, 13,9 % ; Var,
16,3 %, Bouches-du-Rhône, 17,2 %). Le pourcentage des chômeurs de longue et de
très longue durée (31,9 %), de six points inférieur à la moyenne nationale, ne
distingue pas la Corse des départements de structure comparable.
c) Une
agriculture largement assistée
Si elle ne participe quà hauteur de 2 %
environ au produit intérieur brut de lîle, lagriculture joue cependant un
rôle non négligeable à la fois dans la société insulaire, dans le débat politique et
en matière daménagement du territoire. Largement dépendante daides
publiques, elle connaît aujourdhui des difficultés dadaptation
réelles ; ce constat général doit être toutefois nuancé par la diversité des
activités agricoles pratiquées sur la plaine orientale ou en zones montagneuses. En
effet, lagriculture corse ne se présente pas de façon uniforme sur lensemble
de lîle.
· Malgré un poids économique limité, une place importante
dans la société insulaire
Le résultat brut dexploitation du secteur
agricole a atteint environ 445 millions de francs en 1997. Lagriculture corse
tient une place modeste dans lensemble français. Elle apparaît cependant comme un
secteur de la vie économique important assurant un revenu à près de 10 % de la
population insulaire. Au sens de la statistique agricole, le nombre dexploitations
en Corse, qui était estimé à 3.800 en 1996, est descendu à 3.600 en 1997. Ce nombre
est en diminution rapide : 4,4 % en moyenne par an sur 9 ans. Quant
aux installations avec DJA (dotation jeunes agriculteurs), elles sont de 45 par an en
moyenne, soit la moitié du nombre nécessaire au maintien de lensemble actuel des
exploitations agricoles.
En dépit de résultats économiques où se cotoient le meilleur et le
pire, le monde agricole corse se situe au centre de préoccupations politiques depuis de
nombreuses années. La multitude de plans coûteux mis en place en faveur de cette
agriculture depuis les années 1970 témoigne de lattention que les pouvoirs publics
lui ont consacrée.
Par ailleurs, la commission denquête a entendu quau sein
de lunivers agricole, existaient des relais pour les idées des groupes
nationalistes. Certains nhésitent pas à parler de monde
" agricolo-nationaliste ". Selon ces observateurs, cette profession au
sens large du terme représenterait une force de protestation que les divers gouvernements
ont tenté de prendre en compte et de canaliser.
La commission denquête a surtout pu constater combien les
principales institutions de lagriculture corse pêchaient à la fois par leur
mauvaise gestion et leur impuissance à définir une politique claire. caisse de Crédit
agricole, caisse de Mutualité sociale agricole (MSA) et ODARC (office du développement
agricole et rural de la Corse) illustrent lincapacité des dirigeants professionnels
de ce secteur à assumer leurs responsabilités avec rigueur et sens de lintérêt
général. La commission ne saurait néanmoins reprendre à son compte des affirmations
trop générales englobant dans une indistincte réprobation toute une profession, alors
même quune majorité des agriculteurs subit précisément les conséquences
négatives des agissements dun petit nombre.
De même, pour expliquer les difficultés rencontrées par ce
secteur, les acteurs locaux privilégient trop souvent trois types dexplications qui
nont pas convaincu la commission :
les agriculteurs corses ne seraient pas assez soutenus par
lÉtat,
la situation sinistrée de certaines filières serait due
en grande partie à linsularité et aux handicaps naturels qui rendraient difficile
le développement dune agriculture performante et exportatrice,
lagriculture ne serait pas en mesure de lutter face
à la concurrence de certains pays comme lEspagne en matière dagrumes
notamment.
Au cours de ses travaux, la commission denquête a entendu les
arguments plaidant en faveur dune aide toujours plus forte en direction de
lagriculture, présentée comme un enjeu fort pour la société corse, encore très
rurale. Elle sinterroge cependant sur un point essentiel : fallait-il
multiplier durant ces dernières années les sollicitudes et les tolérances envers ce
secteur fragilisé par le phénomène cumulatif de lendettement lié à la pratique
fort répandue du non-paiement et par une souplesse extrême
pour ne pas parler de fraude dans lattribution de nombreuses
aides nationales ou communautaires ? La situation actuelle nest-elle pas le
résultat de nombreuses années de laxisme auquel il est grand temps de remédier ?
· Les différents visages de lagriculture corse
Il est dusage de distinguer en termes de production la
plaine orientale, lintérieur et la montagne. Lagriculture présente deux
visages différents, tous deux typiquement méditerranéens, axés sur la montagne et sur
la plaine côtière. Pour schématiser, une agriculture traditionnelle, de type extensif
centrée sur lélevage (bovin, porcin, ovin, caprin) est principalement localisée
dans lintérieur et le sud, tandis quune agriculture spécialisée plus
intensive installée en plaine orientale et dans les basses vallées soriente vers
les cultures fruitières (agrumes, kiwis, amandes) et viticoles.
Dans la plaine, et notamment sur la côte orientale, une agriculture
moderne, organisée, mécanisée et intensive sest progressivement développée et a
fait preuve dune certaine capacité dadaptation. A la monoculture de la vigne
sest substituée une gamme diversifiée de spéculations : les céréales (le
maïs), les vergers (les kiwis et les clémentines corses par exemple), les vignes
dappellation et le maraîchage de plein champ. Cependant, les investissements
nécessaires aux réorientations qui simposent et les déboires de la
commercialisation de certaines productions fruitières et légumières ont entraîné des
difficultés financières parfois inextricables pour de nombreuses exploitations. La
question de la viabilité de certaines dentre elles se trouve aujourdhui
posée.
Rappelons que la mise en valeur de la plaine orientale avait justifié
la création de la SOMIVAC en 1957. Larrivée des rapatriés en 1962 y permit un
développement rapide de la viticulture. Mais la nécessité de contrôler la production
communautaire entraîna des politiques darrachage, puis de restructuration.
Nombre de choix de développement agricole doivent désormais être
révisés. La restructuration réussie du vignoble a laissé des terres en friche.
Lagrumiculture est en crise et les professionnels paraissent divisés entre eux
comme dans le secteur légumier. Pourtant, la plaine orientale est une région fertile et
prometteuse. Son développement pourrait être accéléré grâce à laugmentation
des productions fourragères et de lalimentation du bétail ainsi que des
productions fruitières et légumières tournées vers le marché local.
Sur les coteaux et dans les montagnes de lintérieur de
lîle, soit dans la majeure partie du territoire, lagriculture est de type
traditionnel et extensif, centré autour des activités pastorales et de transformations
laitières et charcutières. Il apparaît que ce secteur souffre du sous-équipement
structurel des petites communes de lintérieur. Les filières de production ny
sont organisées que de manière embryonnaire. A côté dexploitations
traditionnelles associant quelques productions fruitières (châtaigniers, oliviers,
amandiers, pommiers, noisetiers, quelquefois pêchers et clémentines) à des élevages
généralement extensifs (porcs, vaches, chèvres, etc) transformant et commercialisant
leurs produits (charcuterie, fromage), se sont développées des exploitations modernes.
Relativement spécialisées, elles portent sur lhorticulture florale, le
maraîchage, la viticulture et la production de lait de brebis.
La montagne reste essentiellement tournée vers lélevage ; les
agriculteurs cherchent la meilleure valorisation possible de leur travail à travers des
productions typiques. Certains dentre eux y parviennent grâce à des productions
traditionnelles de qualité dont plusieurs sont déjà en AOC (miel, fromage par exemple).
Un effort dorganisation et de rigueur devrait à lavenir permettre de
développer ces productions, qui pourraient être davantage exportées. Elles présentent
notamment lavantage dêtre moins sensibles aux aléas des transports que les
légumes ou les agrumes par exemple.
· Vingt ans de mutations parfois douloureuses
Dune manière générale, les agriculteurs corses
ont pris conscience avec retard par rapport à ceux du continent de la nécessité de se
moderniser. Un des préalables essentiels de la réussite en ce domaine, comme dans
dautres, consiste dans la qualité de la formation et de lingénierie. On peut
noter à cet égard que le niveau de qualification des agriculteurs saméliore,
même si le nombre de titulaires de BTA ou plus reste faible.
Lagriculture corse se caractérise par une grande diversité
des structures dexploitation entre celles délevage extensif, relativement
importantes, notamment en Corse-du-Sud, et les petites exploitations fruitières de la
plaine orientale. Aujourdhui, cette dispersion des structures reflète des systèmes
de production très divers et souvent combinés. A la disparition de nombreuses petites
exploitations sest ajoutée au fil du temps la non culture de domaines importants
sur la côte orientale. Depuis vingt ans, la chute impressionnante du nombre
dexploitations ( 41 % en Corse pour 35 % en moyenne
pour la France toute entière) sest accompagnée dune baisse relativement
réduite de la surface utilisée ( 9 %), ce qui signifie quil y a
moins dexploitations mais quelles utilisent plus despace. Les
exploitations les plus réduites tendent, elles, à disparaître.
Le secteur de lélevage na pas fondamentalement évolué
depuis ces années, même si le nombre des bovins a fortement crû. Une explication à
ce phénomène tient dans la mise en place des primes animales. Ceci na pas été
sans créer de réelles difficultés car la hausse spectaculaire des cheptels ne
sest nullement accompagnée dune mise en valeur des espaces utilisés et a
entraîné un déficit fourrager préoccupant. Il convient aujourdhui
dorganiser cette filière grâce à un programme maîtrisé de constructions
dabattoirs répartis sur lensemble du territoire et en incitant les
producteurs à se regrouper afin daméliorer la qualité de la viande et la
promotion des produits. Entre 1970 et aujourdhui, les troupeaux ovins et caprins ont
augmenté régulièrement, mais la part dans leffectif français se situe
respectivement autour de 7 % pour les ovins et de 4 % pour les caprins.
Lélevage occupe une partie non négligeable du territoire. Extensif, il est conduit
en montagne où de vastes espaces sont disponibles. En plaine, dans le sud de lîle
et dans lest, de nombreux troupeaux ovins et caprins fournissent la matière
première à des produits de qualité bien valorisés. Le secteur porcin se développe
également.
Le secteur végétal a, quant à lui, connu de profondes
transformations. Le verger dagrumes a été presque entièrement rénové. La
surface de la vigne a été divisée par quatre en laissant place dans bien des cas à des
terres non cultivées. Un regain dintérêt sest manifesté depuis peu pour
les cultures de la châtaigne, de lolive, de la noisette, de lamande ainsi
quen témoigne par exemple le contrat de plan en cours dexécution. Ces
productions végétales se sont surtout développées en Haute-Corse. La châtaigne, la
noisette et lamande constituent donc les principales cultures récemment
réhabilitées en Corse, qui figure parmi les premières régions françaises en ce qui
concerne les productions de la châtaigne et de lamande. Les amandiers
sétendent sur une surface de 800 hectares (après un rythme de plantation de près
de 150 hectares par an). La surface en agrumes a peu varié au cours des vingt-cinq
dernières années. En revanche, la réorientation variétale, impulsée par les
" plans agrumes " successifs, a été spectaculaire.
Les éléments positifs ne manquent pas et permettent despérer
à terme le décollage dun secteur agricole modernisé, qui sera possible lorsque
diverses conditions seront réunies. Des propositions en ce sens figurent dans la
dernière partie du rapport.
d) Un
secteur du tourisme en évolution constante
Vécu comme une agression ou comme un atout pour
léconomie régionale, le tourisme est un sujet qui ne laisse pas indifférents les
insulaires. Sans le développement touristique important qua connu la Corse au cours
des vingt dernières années, nombre dinfrastructures nauraient pas été
construites ou rénovées. Laugmentation des flux touristiques a sans nul doute
joué un rôle essentiel dans le choix des grandes orientations du secteur des transports.
La commission denquête doit, ici, sinscrire dans la lignée des nombreux
rapports et détudes ayant démontré limpact économique positif du tourisme
et surtout ses potentialités à venir. Sans nier le caractère spéculatif ou
désordonné de certains projets immobiliers, le credo des observateurs honnêtes de la
situation de la Corse depuis plus de vingt ans consiste à dire que le tourisme constitue
la principale voie de relance de léconomie insulaire, le moteur de son
développement du fait des retombées très larges quil induit sur lensemble
de léconomie : lhôtellerie en premier lieu, mais également le
commerce, les transports, lagro-alimentaire, lagriculture et le bâtiment. Il
est clair que le secteur touristique est celui qui possède le plus fort potentiel de
développement. Sil nest sans doute pas le seul facteur déclencheur du
redressement économique, il en est assurément une pièce majeure qui mériterait
dêtre encore davantage exploitée.
· Un impact globalement très positif sur léconomie et
le marché de lemploi
En 1996, la valeur ajoutée du tourisme a atteint 2
milliards de francs et représenté 9,5 % de la valeur ajoutée totale de la
Corse. La valeur ajoutée directe est estimée à 1,5 milliard de francs, dont la
moitié est apportée par les hébergements professionnels. Si lon se limite à la
valeur ajoutée directe, celle générée par le tourisme représente 6,8 % de la
valeur ajoutée de la Corse, contre 3,8 % en Languedoc-Roussillon, soit une part
presque deux fois plus importante.
Limpact économique du tourisme dans lîle constitue un
débat récurrent ; son importance diffère selon les sources citées, mais il semble
relativement stable au cours des années.
En moyenne sur lannée, lemploi salarié lié au
tourisme représente, au minimum, environ 6 % de lemploi salarié total de
lîle hors État et secteur de lagriculture, soit 3.400 équivalents temps
complet. Ces emplois ne constituent pas la totalité des emplois
" touristiques " salariés mais lestimation basse qui
comptabilise les emplois engendrés de façon certaine par le tourisme. Le tourisme
hivernal étant quasiment inexistant sur lîle, lété constitue lunique
période réellement touristique. Alors que sur lannée, un emploi salarié sur
seize est touristique, cette proportion passe en été à un emploi sur dix. Hors saison,
seulement un emploi sur vingt-deux est touristique. Le niveau de lemploi touristique
connaît un pic aux alentours du 15 août : à cette date, un salarié sur neuf
travaille alors dans ce secteur.
Dans des zones précises et pour certaines activités, des emplois,
saisonniers ou permanents, peuvent également être induits par le tourisme. Tout en
reconnaissant que " la plupart du temps, aucune méthode fiable ne permet
den déterminer le nombre exact ", lINSEE Corse indiquait, dans le
numéro " Economie Corse " de mars 1998, que lemploi salarié
lié au tourisme a pu atteindre, en estimation haute, 12,5 % de lemploi
salarié total de lîle (hors État et secteur de lagriculture) en 1995. Un
emploi sur neuf hors saison serait donc touristique contre un emploi sur vingt-deux en
estimation basse.
· Une fréquentation touristique en hausse
En vingt ans, la Corse a connu une hausse globale de sa
fréquentation de plus de 60 % malgré deux baisses importantes, lune de 1983
à 1985 et lautre de 1992 à 1997. Les Français, les Allemands et les Italiens
constituent la principale clientèle de lîle. En 1996, 1,6 million de touristes se
sont rendus dans lîle. Ce tourisme, essentiellement balnéaire et familial,
engendre une forte fréquentation estivale.
De plus en plus nombreuse, cette clientèle sest modifiée en
vingt ans. En 1977, les Français et les Allemands étaient déjà très présents, mais
pas encore les Italiens qui nétaient pas plus nombreux que les visiteurs suisses ou
belges. Aujourdhui, les continentaux restent les principaux clients du tourisme
corse et représentent en période estivale les deux tiers des touristes. Parmi la
clientèle touristique française, les deux régions les plus représentées sont la
région Provence-Alpes-Côte dAzur et lIle-de-France. Un touriste sur trois
est dorigine étrangère. Mais les dépréciations successives de la peseta, de la
livre sterling et surtout de la lire, ainsi quune concurrence accrue des
destinations ont provoqué une baisse de la fréquentation touristique dans les années
1994 et 1995 notamment.
Au total, la capacité daccueil de lîle est de 390.000
lits. La Corse pourrait donc offrir chaque année jusquà 140 millions de nuitées.
Avec environ 20 millions de nuitées par an sur la période
1990 1996, dont plus de la moitié en juillet et en août, le taux
doccupation moyen de lhébergement touristique corse sétablit à
40 % sur ces deux mois, et à peine à 14 % sur lannée. Certes, nul ne
saurait préconiser pour la Corse lutilisation maximaliste, toute lannée, de
toutes les infrastructures insulaires pour accueillir sans discontinuer des visiteurs en
nombre. Il nen demeure pas moins que ces infrastructures pourraient être mieux
mises en valeur et exploitées.
Avec 1,4 million de visiteurs durant la saison 1997 (de mai à
septembre), le tourisme est remonté à un niveau prometteur. Durant cette saison, un
touriste sur trois a pris lavion, deux sur trois le bateau.
Pas moins de deux millions de touristes étaient attendus en 1998.
Daprès les informations disponibles au moment de la rédaction du présent rapport,
la saison a en effet été particulièrement bonne, grâce au retour massif des
continentaux, et sest caractérisée par une progression de 15 à 20 % de la
fréquentation par rapport à 1997 au cours des mois de juillet et daoût. Selon
lObservatoire du tourisme, une majorité détablissements ont enregistré
dexcellents taux doccupation lors de ces deux mois. Daprès la
coordination des industries touristiques, le chiffre daffaires du tourisme devrait
atteindre cette année 4,5 milliards de francs. Les actions de promotion engagées
depuis deux ans et les efforts réalisés sur les tarifs des transports ont porté leurs
fruits.
· Un secteur encore fragilisé par des handicaps de nature
diverse
Une dure concurrence
La destination corse reste soumise à la concurrence directe
de destinations étrangères performantes. La Corse et le monde méditerranéen se situent
en effet au coeur du premier foyer touristique mondial. La Méditerranée nord-occidentale
est le premier espace touristique mondial, bien avant les Caraïbes. La Corse se place
ainsi dans le registre des destinations étrangères méditerranéennes fortement
concurrentielles qui comprennent entre autres les Baléares, la Tunisie et Malte. Ces
autres destinations offrent des hôtels à grosse capacité, avec un recours dominant au
transport aérien, des produits diversifiés à bon rapport qualité / prix,
notamment hors saison. Elles ont une fréquentation et des taux doccupation très
largement supérieurs à ceux de la Corse et beaucoup mieux répartis dans le temps. Il
est clair que la Corse a du mal à se positionner par rapport à ces destinations de
soleil très professionnalisées.
Une image dégradée :
une " île à problèmes "
Un des handicaps majeurs du tourisme dans lîle
résulte de limage détériorée de la Corse. Plus quune image de violence, la
Corse souffre dune image d" île à problèmes ". Un
professionnel en charge du secteur du tourisme en Corse a estimé devant la commission
denquête : " On pense quil est difficile daller en
Corse, quil y a des grèves et des attentats. Lorsquelle ne provoque pas
lirritation, cette perception suscite au moins la réserve. "
Une trop grande concentration
dans le temps et dans lespace de la fréquentation
Balnéaire, le tourisme corse souffre dune
concentration de la fréquentation de visiteurs à la fois dans lespace (la
fréquentation du littoral est très disproportionnée par rapport à celle de
lintérieur de lîle) et dans le temps (avec une saison touristique limitée
à la période juin-septembre, voire juillet-août). Cette situation ne favorise pas la
rentabilisation des structures touristiques mises à disposition des visiteurs. Celles-ci
ne sont parfois même pas complètes au coeur de lété. En 1996, qui a été une
année relativement mauvaise de ce point de vue, les taux doccupation au mois
daoût étaient de 53 % dans les campings, de 62 % dans les hôtels et de
81 % dans les villages de vacances. En revanche, il faut noter que la durée moyenne
de séjour des visiteurs est la plus longue des régions françaises
métropolitaines : les touristes restent dans lîle en moyenne 14 jours.
Non seulement le tourisme corse reste fortement concentré dans le
temps et dans lespace, mais il noffre quune gamme de produits limitée
au regard du potentiel de lîle et de la demande. Un professionnel du tourisme
auditionné par la commission denquête a déclaré : " On
pourrait développer toutes les activités, tous les produits de la mer, de la montagne et
du tourisme rural, mais on a le sentiment quils ne sont pas montés et que lon
a perdu la notice ! "
En outre, un déséquilibre en matière de structures de liaison
perdure, avec un maritime dominant et une faiblesse des liaisons aériennes, notamment
avec létranger. Cette situation, qui favorise un tourisme individuel, en voiture
particulière, et estival, accentue la saisonnalité du tourisme.
La vulnérabilité et
lémiettement des opérateurs privés
Les opérateurs touristiques, souvent peu
professionnalisés, disposent dune faible capacité dautofinancement.
Lhôtellerie est majoritairement constituée de petits établissements
financièrement fragiles et très sensibles aux aléas conjoncturels. Une saison
touristique quelque peu décevante peut ainsi remettre en cause la viabilité dun
nombre important de structures de petites tailles. Le tourisme corse repose pour
lessentiel sur un nombre élevé dentreprises familiales qui sont de plus en
plus affectées par la prudence grandissante de la place bancaire corse. Cette situation
défavorable aggrave leur difficulté à mobiliser des capitaux extérieurs. Malgré un
noyau relativement solide détablissements dhébergement performants et de bon
niveau, une grande majorité des opérateurs est constituée par des petites entreprises
souvent endettées et à faible capacité financière. Celles-ci doivent sefforcer
aujourdhui daméliorer leur chiffre daffaires tout en apurant leurs
échéances bancaires, fiscales et sociales. Environ 10 % dentre elles se sont
engagées dans un processus de cessation ou de transformation dactivité.
Un témoin ayant une longue expérience en ce domaine a expliqué
devant la commission denquête que nombre dentreprises hôtelières avaient
connu au milieu des années 90 une situation très difficile : " Le
danger était de voir cette hôtellerie entrer dans la spirale de type agricole. Même
sil ny a pas eu de demande de suppression de la dette, il y a eu une demande
daménagement de la dette, voire de moratoire ou de remboursements différés. On a
assisté, au milieu des années 90, à une revendication très forte et à des actions
dures qui présentaient des analogies avec le secteur agricole "
Notons que ces sociétés ont bénéficié dun dispositif de
restructuration de la dette hôtelière corse sur fonds CODEVI et de prêts participatifs
de restructuration de cette dette.
Enfin, ces entreprises se caractérisent toujours par un important
besoin de professionnalisation et de soutien technique en matière de gestion, de
création de produits et de commercialisation
Une offre et une mise en
marché insuffisamment structurées
Un professionnel du tourisme en Corse soulignait devant la
commission denquête : " Chacun a ses filières, mais quiconque
veut passer des vacances en Corse a indiscutablement besoin dun contact et
dune rencontre avec une offre structurée et une bonne mise en marché. "
Par exemple, si certains professionnels ont misé sur des
opérations mer-montagne, force est de constater que ces actions pourtant très
attractives pour la clientèle sont demeurées peu développées.
La faiblesse de
lappareil institutionnel du tourisme
Lappareil institutionnel du tourisme en Corse demeure
insuffisamment développé au regard de limportance prise par ce secteur économique
dans lîle. Léchelon départemental (le comité départemental du tourisme et
des loisirs) existe en Haute-Corse, mais pas en Corse-du-Sud. Le réseau dexpertise
et de conseil des Chambres dindustrie et de commerce mériterait dêtre
renforcé sur le plan technique, grâce à la formation de véritables assistants
techniques hôteliers. La faiblesse des moyens dingénierie technique de la
plupart des communes touristiques sajoutant au niveau limité de leur capacité
financière et leur fort endettement, font que les projets touristiques ont les plus
grandes difficultés à être élaborés, à être menés à terme et à être
pérennisés.
Selon le professionnel du tourisme déjà cité, " le
maillage institutionnel, la direction des stations et surtout les moyens
dingénierie technique et financière sont insuffisants, aussi bien dans les
communes que chez les opérateurs privés. Nous avons un énorme déficit de conseil et de
soutien technique. Plus que de moyens financiers, nous avons besoin de conseil et de
soutien. "
La commission denquête, qui sest déplacée sur le
littoral et à lintérieur de lîle, a pu vérifier que le territoire corse
connaît un phénomène de découpage communal en lanières. Les bourgs anciens, sièges
de la commune, sont souvent situés en montagne et ont une fenêtre sur le littoral. Pour
être efficace et rationnel, laménagement du territoire supposerait une
intercommunalité forte. Les territoires communaux sont marqués par leur verticalité,
alors que laménagement devrait seffectuer de manière linéaire, parallèle
au littoral.
Enfin, le maillage au niveau des collectivités locales et des
offices de tourisme et syndicats dinitiatives (OTSI) paraît encore trop léger.
Des directions de station existent dans les quatre plus grandes villes. En mai 1998, deux
autres stations étaient en cours de création sur un total de seize souhaitables
daprès les estimations de certains professionnels du secteur.
Le manque
déquipements danimation et de loisirs
Dune manière générale, le potentiel touristique
exceptionnel de lîle ne bénéficie pas encore dun aménagement et dune
gestion des espaces touristiques à la mesure des enjeux. Ainsi, les équipements
danimation et de loisirs paraissent encore notoirement insuffisants. Il sagit
là dun des handicaps du tourisme en Corse. Cette carence explique dailleurs
la tentation dun tourisme sauvage. Toujours selon le professionnel du tourisme
précédemment cité, " le camping sauvage a constitué et constitue encore
un peu un problème du tourisme corse. Il est dû au fait quil nexiste pas de
produit alternatif. "
Pour être plus performant, le secteur touristique doit donc se
rénover. Ce point fait lobjet de développements dans la dernière partie du
présent rapport.
3. Des
obstacles au développement à surmonter
Léconomie corse tourne au ralenti. Certes, la
conjoncture au cours de ces dernières années ne lui a pas été propice. Mais
dautres facteurs entravent le développement de lîle. Sil est difficile
dévaluer leur impact respectif, il est clair quil faut compter au nombre des
principaux handicaps le climat de violence, le poids du passé, et fruit amer
de la modernité ? lendettement massif.
a) Un
contexte politique et social agité
Nombreux sont ceux qui ont évoqué devant la commission
denquête les effets répulsifs pour les acteurs économiques de limage de
violence trop souvent associée à celle de la Corse.
On se bornera à citer le directeur régional de la Banque de France
qui, devant la mission dinformation sur la Corse, déclarait en février 1997 :
" Il ne faut pas sous-estimer limpact du contexte social défavorable
de ces dernières années : grèves répétées des transports, grèves prolongées
du secteur public, climat dagitation politique et de violence. "
Sagissant de la violence elle-même, la question de la
conditionnalité ou de la simultanéité des politiques répressives et de soutien à
léconomie a été souvent posée.
Le rétablissement de lÉtat de droit constitue-t-il la condition
préalable du décollage économique de lîle ou bien est-ce le redressement de
léconomie insulaire qui est susceptible de créer un climat propice au retour à la
paix ? Ou encore le gouvernement doit-il peut-il dans le
même temps uvrer pour le respect de lÉtat de droit et le décollage
économique de la Corse ?
Trois anciens ministres de lIntérieur ont livré leurs
conceptions sur ce point à la commission denquête.
Pour lun deux " il est bien évident que le
problème de la Corse, le rétablissement de lordre public, nest pas
séparable du problème du développement. "
Pour un autre, "la violence est un peu inhérente à la Corse.
Elle se manifeste avec plus ou moins dintensité selon les périodes. ".
Il a ajouté : " Je crois avant tout que la Corse est en état de
sous-développement. Cela, chacun peut le constater et chacun, dans chaque gouvernement,
pense que lun des moyens de résoudre la crise politique, la crise issue de la
violence, consiste à résoudre les problèmes économiques (...). "
Pour un troisième, " un des problèmes de la République
française est davoir prétendu traiter de façon homogène des problèmes
totalement différents. (...) Cette difficulté à considérer que des situations
socio-économiques, sociologiques, historiques, culturelles différentes appellent des
traitements différents explique que vis-à-vis de la Corse une grande part de
lopinion française soit partagée entre des sentiments de lassitude ou de
crispation. Entre les deux, où est la vérité ? " (
). Le problème
de la Corse est évidemment un problème pénal, un problème de justice, de criminalité,
etc., mais il est avant tout un problème politique et psycho-sociologique. (...) Il est
vrai quil y a un problème mécanique : comment amorcer la pompe pour entrer
dans le développement et sortir du clanisme, de la délinquance, de la crainte de la
délinquance ? (...) Il ajoutait : " Pour sortir dune
mécanique infernale, il faut monter une autre mécanique, qui est celle du développement
et de la restauration de la démocratie. (...) Le problème de fond est de savoir quelles
sont les perspectives de développement économique de la Corse. Sil ny en
avait pas, je ne dirais pas que je suis optimiste. Mais il y en a une et demie : le
tourisme et linformatique, qui permet la localisation dactivités
intellectuelles à peu près nimporte où, en particulier dans les endroits
agréables. Or, la Corse est un territoire vierge. (...) On peut penser que la Corse a
aussi un avenir : le jour où la population et les élus corses prendront conscience
que la Corse peut, avec les chances que lui offre son retard historique, choisir un
nouveau type de développement (...). "
b) Un
passé encore très présent
Le mode dorganisation de la société, qui a
longtemps prévalu en Corse et dont lîle reste encore largement imprégnée, se
heurte aux exigences dune économie moderne.
· Un développement tardif
Jusquà la fin du XIXème siècle, la
Corse était avant tout une société paysanne, dont lessentiel des ressources
provenaient de lagriculture. Comme dans les autres régions rurales françaises, la
crise agricole du tournant du siècle marquera profondément lîle.
Lémigration va dabord contribuer à en diminuer les effets. Mais, de 1920
jusquà la fin des années 1950, la Corse va donner limage dune région
en déclin, que quittent ses éléments les plus jeunes et les plus actifs. La situation
changera sous la IVème République : une commission de modernisation et
déquipement a été créée en 1953 pour établir un diagnostic précis et formuler
des propositions concrètes ; un programme daction régional est adopté en
1957 ; deux sociétés déconomie mixte sont créées dont lune, la
société de mise en valeur de la Corse (SOMIVAC) sera très active en matière
daménagement agricole, notamment dans la plaine orientale.
Ce nest donc quau cours des quarante dernières années que
la Corse est entrée dans la modernité économique. Outre les tensions politiques que
cela a pu entraîner, il apparaît que les mutations psychologiques et sociales ne sont
pas totalement achevées et que les règles élémentaires de léconomie restent
encore trop souvent oubliées.
· Une culture économique à développer
Certains témoins ont regretté devant la commission
denquête que lesprit entrepreneurial et dinitiative fasse parfois
défaut en Corse et entrave lémergence de nouveaux projets. Des projets
dentreprise voient pourtant le jour dont certains sont de réels succès. Leur
rythme de création est relativement constant (autour de 500 par trimestre), comme
lindique le tableau ci-dessous.
Les créations dentreprises en Corse
4ème
trimestre 1996 |
1er
trimestre 1997 |
2ème
trimestre 1997 |
3èmetrimestre
1997 |
4ème
trimestre 1997 |
502 |
479 |
488 |
479 |
574 |
Source : INSEE Corse
Dans son rapport dactivités pour 1997, lagence de
développement économique de la Corse (ADEC) notait : " la motivation
première des créateurs est plus sociale (créer son propre emploi) quéconomique
et véritablement fondée sur un esprit et une culture dentreprise. Les aspects
économiques sont souvent négligés ou sous-estimés (la prime est la panacée :
pour une majorité elle est considérée comme vitale et sans elle, le projet
naboutira pas). "
Au cours de ses travaux, la commission a entendu à plusieurs
reprises des critiques sur " le manque de professionnalisme "
observé dans divers secteurs dactivités de lîle.
Le peu de rigueur dans la gestion a été souligné par un magistrat
dAjaccio : " la tenue de la comptabilité est très médiocre ".
Dans le ressort du tribunal de commerce de cette ville, 1.200 sociétés ne satisfaisaient
pas à leurs obligations de dépôt de leurs comptes, certaines depuis de très nombreuses
années.
Le faible dynamisme commercial était encore déploré récemment par
le président de la Chambre de commerce et dindustrie dAjaccio, qui se se
plaignait que les commerçants rechignent à ouvrir leurs magasins un dimanche alors
quun paquebot de croisière venait relâcher dans le port.
La disparition dentreprises non viables reste mal acceptée.
M. Noël Pantalacci, président de la CADEC (caisse de développement de la Corse),
déclarait, en mars 1997, devant la mission dinformation sur la Corse " Il
faut savoir que le dépôt de bilan, qui est une solution technique de management,
nest pas reconnue comme telle en Corse. Quand je conseille à des entreprises de
déposer le bilan, parce quelles bénéficieront, de ce fait, du taux zéro et
quelles obtiendront un plan de redressement sur 10 ans, voire 12 ou 13 ans,
elles refusent ; en Corse, on ne dépose pas le bilan. Elles vont tenter de trouver
des solutions, qui ne sont pas forcément adaptées à la situation, plutôt que
daller déposer le bilan au tribunal de commerce. "
Le rapporteur de la commission denquête a pu mesurer la
véracité de cette affirmation lorsquil sest rendu au tribunal de commerce
dAjaccio. " Les dépôts de bilan sont tardifs. Parfois, il se passe 18
mois entre la cessation des paiements et le dépôt de bilan. Les périodes
dobservation durent. Les plans de redressement avec continuation sont monnaie
courante " disait un des témoins entendus.
Un professeur associé à luniversité de Corte expliquait
récemment dans les colonnes dun journal local les échecs des politiques de
développement menées en Corse : " on ne sest pas préoccupé de
savoir si les bénéficiaires seraient à même dutiliser efficacement (les
infrastructures, les services, largent) pour être suffisamment compétitifs. Or,
dans lensemble ils ne létaient pas. Cela aurait exigé une culture de
léconomie et de lentreprise quils ne possédaient pas, car elle est le
fruit de révolutions économiques qui ne se sont jamais produites en Corse. Ils le sont
moins que jamais aujourdhui.(
)Oubliant, ou plutôt ignorant quune
entreprise performante, cest avant tout des hommes possédant cette culture, on
na rien fait ou pas grand-chose pour la leur faire acquérir, et on a persisté à
ne raisonner quen termes de moyens.(
) ". Il regrettait
" la mise en place non dune économie de production, de développement
et denrichissement, mais une économie de consommation, de survie et
dassistanat qui, derrière les apparences dune prospérité relative, a de
plus en plus de mal à compenser un appauvrissement collectif impressionnant et une
fracture sociale alarmante dont lamplitude est le double de la moyenne
nationale ".
En fait, le rapport établi en 1996 par le préfet Claude Erignac sur
la consommation des crédits publics en Corse montrait déjà clairement la nécessité,
pour une meilleure utilisation des sommes disponibles, de renforcer les structures de
soutien et de conseil aux maîtres douvrages, quil sagisse de
collectivités locales ou dentreprises.
· La persistance de lindivis ion
Le maintien du phénomène de lindivision à un
niveau vraisemblablement inégalé en France a été spontanément évoqué par plusieurs
des témoins entendus tant par la mission dinformation sur la Corse que par la
commission denquête. Les inconvénients dune telle situation sont abondamment
décrits. Devant la mission dinformation sur la Corse, le directeur général des
impôts expliquait que " ces indivisions ont un impact négatif sur
lactivité agricole, dune part parce quil est très délicat de donner
un bail pour des parcelles dont on ne connaît pas les propriétaires puisquil faut
laccord de tous les propriétaires ou co-indivisaires pour passer un acte,
dautre part parce quelles nuisent à la restructuration qui souvent ne peut
pas être effectuée, faute davoir pu identifier tous les propriétaires ".
Dautres conséquences dommageables, en matière de travaux publics ou de
réhabilitation du patrimoine immobilier notamment, sont aussi évoquées.
La cause principale du grand nombre dindivisions anciennes est
imputée à la culture locale, qui repose sur un grand attachement à la terre des
ancêtres et à la famille et conduit à une conception de la propriété plus collective
quindividuelle. Dès lors, le maintien des indivisions est longtemps apparu, et
continue de lêtre, comme une situation normale : une demande de partage
risquant dêtre considérée comme une marque de défiance vis-à-vis de la famille.
Cela explique le faible nombre dactes de propriété existants, les répartitions
réalisées découlant plus communément darrangements amiables et oraux. Par
contre, il apparaît que, lorsquil existe un enjeu patrimonial et financier réel,
ce qui est le cas notamment sur le littoral, les sorties de lindivision ont été
beaucoup plus fréquentes.
c) Des
entreprises vulnérables
· Un marché trop étroit
M. Jean Milli, directeur régional de la Banque de
France, expliquait devant la mission dinformation sur la Corse : " léconomie
corse est soumise à des contraintes spécifiques qui ont façonné une spécificité
corse, à la manière dun creuset.
Constitué de plusieurs micro-régions isolées les unes des autres par
un relief montagneux et des liaisons routières difficiles, le territoire corse ne
présente pas dunité économique, cest un ensemble de micro-régions. (...)
De plus, le marché est étroit : avec 255.000 habitants, il noffre que peu de
possibilités dexpansion à un tissu dentreprises assez dense, même sil
sagit de très petites entreprises. Pour la plupart dentre elles, le marché
corse constitue le seul débouché à leurs activités.
Dans ce contexte particulier, les entreprises ont conservé pour
lessentiel une structure familiale et une taille très modeste. Manquant le plus
souvent denvergure et de moyens financiers, elles sont très vulnérables à la
concurrence dentreprises continentales ou étrangères qui viennent en Corse,
poussées par la crise, prendre des parts de marché pour compenser les effets de ce
quelles ont perdu ailleurs. "
· Une rentabilité insuffisante
Selon une étude réalisée par la Banque de France en
Corse, la comparaison entre les entreprises corses et les entreprises du continent montre
que la rentabilité des premières est plus faible que la moyenne nationale, ce qui
apparaît à travers deux indicateurs : le taux de valeur ajoutée et le taux
de marge brute. Le rapport de la valeur ajoutée sur le chiffre daffaires
sétablissait à 23 % en Corse au début de 1997 contre 29 % pour
lensemble des entreprises en France de taille comparable et à 27 % en Corse en
juin 1998 contre 33 % pour la moyenne française. La différence de six points en
1997 et en 1998 sexplique, dune part, par la petite taille des entreprises
(qui ne leur permet pas de bénéficier deffets déchelle et de gains de
productivité) et, dautre part, par linsularité (coût dachat des
produits plus élevé, stockage nécessairement plus important quailleurs pour se
prémunir des risques de rupture voire, malgré la continuité territoriale, éventuel
surcoût résiduel des transports). Le taux de marge brute (la rentabilité brute
dégagée par lentreprise rapprochée du chiffre daffaires) sélève à
4 % en Corse contre 4,8 % pour lensemble du territoire. Lécart
moyen était en juin 1998 de 0,8 point, cest-à-dire que la rentabilité brute des
entreprises corses est inférieure de 16 à 17 % à celle constatée pour
lensemble des entreprises de taille comparable.
Les difficultés de trésorerie, notamment en période de
conjoncture basse, se trouvent en Corse amplifiées. Le pourcentage dentreprises
affectées dune cotation de paiement défavorable par la Banque de France y était,
en 1996, trois fois plus élevé que sur lensemble du territoire.
La faiblesse et la fragmentation du tissu industriel expliquent que les
entreprises restent le plus souvent dans des zones géographiques bien délimitées. A
titre dexemple, il apparaît très rare quune entreprise de construction de
Haute-Corse soit candidate, ou si elle lest, quelle soit sélectionnée, pour
lobtention dun marché public en Corse-du-Sud, et vice-et-versa. Un
observateur de léconomie insulaire a noté devant la commission denquête que
les marchés demeurent très cloisonnés, ce qui explique que la plupart des sociétés
fonctionnent en circuit fermé et nenvisagent pas même dexporter leurs
productions sur le continent. Ne souvrant pas ou insuffisamment aux marchés
extérieurs, les entreprises corses ne peuvent se développer en dehors de lîle.
· Un secteur privé sous-capitalisé et surendetté
Les entreprises corses manquent de capitaux propres.
Elles supportent un endettement lourd qui génère à la fois des échéances difficiles
à assumer et des frais financiers venant obérer une rentabilité brute déjà trop
faible. Les fonds propres comparés au total du bilan atteignaient, au début 1997,
24 % en Corse contre 34 % sur lensemble de la France, et en juin 1998,
20 % pour la Corse et 44 % pour lensemble du territoire.
Par ailleurs, si pour lensemble de la France, lendettement
ne représente en moyenne que 75 % des fonds propres, en Corse, le taux (crédit-bail
inclus) sélève à 200 %. Cela signifie quen moyenne, les entreprises
sont deux fois plus endettées quil nest souhaitable. En effet,
lorthodoxie financière plaide pour un rapport équilibré entre le niveau de
lendettement et les fonds propres : autant de fonds propres que de recours à
lendettement. Cet endettement, difficile à résorber en période de basse
conjoncture, entraîne des frais financiers importants qui pèsent sur la rentabilité de
lentreprise et handicapent donc ses possibilités futures dautofinancement.
Ayant atteint la limite de son endettement, lentreprise ne pourra plus, même en cas
de besoin, trouver les crédits nécessaires au financement déventuels projets.
Lors de son audition devant la mission dinformation sur la Corse,
le 5 février 1997, le directeur régional de la Banque de France, observait :
" (...) dans la compétition actuelle et louverture des marchés,
certaines entreprises ne sont plus en mesure de lutter, car elles nont ni la taille,
ni la structure financière, ni parfois les compétences nécessaires, pour réagir face
à la concurrence. Dès lors, ces entreprises que lon aide parfois abusivement, au
regard des critères économiques, pèsent sur lensemble, alourdissent le tissu
économique et exercent à légard des entreprises saines et viables une concurrence
discutable, dans la mesure où les règles du jeu sont faussées. "
Aujourdhui, des observateurs avertis de la vie économique de
lîle considèrent que la survie de certaines entreprises nest pas seulement
une aberration économique mais crée surtout une situation pernicieuse dans la mesure où
leur présence sur le marché constitue une concurrence particulièrement indue vis-à-vis
des sociétés qui respectent leurs obligations.
Leffet de contagion des entreprises ne sacquittant plus
de leurs dettes, et incitant ainsi progressivement lensemble de leurs concurrentes
à adopter le même comportement, est un phénomène à craindre. Cette situation
décourage toute idée dinvestissement provenant de lextérieur ou de crédit.
Inversement, un assainissement de la situation passant par la
disparition de nombreuses entreprises ne serait pas sans répercussion sur le tissu
économique et social de lîle et risquerait lui aussi de lentraîner dans une
spirale dépressive. Il y a donc là un point déquilibre difficile, mais
nécessaire à trouver.
On trouvera cependant quelques motifs dencouragement dans les
propos tenus, lors de son audition devant la mission dinformation sur la Corse, le 5
février 1997, par M. Jean Milli, déjà cité : " le bilan
densemble nest pas aussi détérioré quon le pense. Les banques
confirment que près dune entreprises sur deux ne leur pose pas de problème. Il
sagit là dun élément de satisfaction, alors que lon entend souvent
parler de la " faillite de la Corse ", ce qui nest absolument
pas le cas. Cinquante pour cent des entreprises, voire un peu plus, évoluent normalement.
De plus, dans tous les compartiments dactivité, nous trouvons des affaires bien
gérées, qui réussissent. "
· Les collectivités locales : des partenaires souvent
peu fiables
Nombre de collectivités locales se trouvent, elles
aussi, dans une situation financière tellement dégradée quelles ne paraîssent
guère en mesure dentraîner un quelconque enchaînement vertueux du développement
économique. Elles contribuent, au contraire, par leur comportement, à accroître la
fragilité des entreprises corses.
Trop souvent, ayant contracté des charges dont elles ne peuvent
sacquitter, " les factures impayées demeurent dans leurs
tiroirs ", comme la indiqué un témoin à la commission
denquête. Ces factures impayées et non comptabilisées, qui se sont accumulées
dans de nombreuses communes, représentent, lorsquelles sont mises à jour, des
sommes non négligeables. Or, les dépenses des collectivités locales étant un des
principaux éléments de léconomie de lîle, lexistence de ces
" impayés publics " ne peut quhandicaper son
développement.
- Cliquer ici pour consulter la suite du rapport
Partie I-B , annoncée ci-dessous.
B. La Corse : point de convergence des
sollicitudes de lÉtat et de lUnion européenne
- Cliquer ici pour retourner au sommaire général
© Assemblée nationale
|