Par lettre confidentielle du 10 Octobre 1997, que je vous ai remise en
mains propres lors de notre entretien de lundi, jai proposé au Ministre une liste
non exhaustive mais diversifiée des objectifs sur lesquels des investigations
approfondies pourraient être opérées par les services spécialisés du Ministère des
Finances.
Après avoir à nouveau consulté les Préfets de Corse du Sud et de
Haute Corse, je suis en mesure de vous signaler les dossiers qui pourraient être
privilégiés dans cet exercice.
M. VALENTINI
auxquels il convient dajouter celui de M. LORENZONI, dont vous
trouverez une présentation ci-joint *
En outre, il paraît indiqué denvisager le contrôle des comptes
et du fonctionnement des deux principaux organismes financiers de léconomie locale,
à savoir :
- la Caisse de développement économique de la Corse (CADEC).

Annexe 10
Extrait du rapport sur la consommation des crédits publics en Corse
au cours des années 1994 et 1995
_______
Synthèse des Propositions pour une meilleure gestion
des crédits publics disponibles en Corse
La recherche dune meilleure utilisation des crédits
publics doit être une priorité pour lensemble des responsables publics.
A cet égard, le rapport formule deux séries de propositions de
portée technico-administrative et institutionnelle, regroupées en huit thèmes
principaux de réflexion.
Les propositions de portée technico-administrative consistent
à solliciter des administrations centrales un appui à la mise en uvre des
orientations suivantes :
1/ un suivi plus précis de lexécution des
dépenses de lEtat, par un outil renforcé au plan informatique et
interconnecté entre les préfectures et les services déconcentrés de lEtat. La
mise en place de la nouvelle dépense locale (NDL) constituera une première
réponse ; elle doit être complétée par létablissement dindicateurs
physiques de réalisation du contrat de plan et du document unique de programmation
(DOCUP).
2/ une gestion plus souple des délégations de crédits :
délégations plus tôt en début dexercice budgétaire, avant le 20 janvier,
pour laquelle la Corse pourrait servir de région pilote ; souplesse
dappréciation donnée aux ordonnateurs secondaires délégués, ensuite, dans la
gestion des crédits délégués ; enfin, possibilité de redistribution des crédits
de paiement non utilisés à léchelon local.
En matière de crédits européens, il conviendrait
également de parvenir à échapper à la règle des reports au niveau central et
dassouplir les procédures dappels de fonds à la Commission pour obtenir une
plus grande rapidité de disponibilité des crédits.
La Commission devrait accepter le principe dun rééchelonnement
régulier des tranches annuelles pour le FEDER, et notifier plus rapidement les programmes
applicables à la Corse. Une simplification des règles de gestion du FEOGA et une
accélération des circuits de versement du fonds social européen (FSE) devraient
également être recherchées avec les administrations centrales.
3/ une fongibilité plus grande des lignes budgétaires devrait
être mise en uvre ; ainsi pour les crédits destinés à la forêt, aux
industries agro-alimentaires ou aux aides au logement.
Pour cette dernière ligne de crédits, il conviendrait quune
totale fongibilité des crédits au logement prévale en cours dexercice
budgétaire, après répartition des enveloppes annuelles par lAssemblée de Corse.
Cette proposition prend appui sur lexistence dune ligne budgétaire unique
dans les départements dOutre-mer ; celle-ci peut servir dexemple à
étudier pour améliorer le dispositif en Corse, qui ne permet pas de consommer
annuellement tous les crédits mis à sa disposition.
4/ lassouplissement des règles
déligibilité de certaines subventions devrait, notamment, concerner les
crédits de politique industrielle et en faveur des entreprises de production artisanale,
ainsi que les crédits pour la forêt.
Les propositions de portée institutionnelle sattachent à
esquisser des éléments de réponse aux fragilités et aux spécificités structurelles
de la Corse, qui expliquent les difficultés à consommer tous les crédits mis à sa
disposition. Elles sont regroupées sous quatre rubriques :
1/ le soutien aux maîtres douvrage,
collectivités locales et entreprises
Le retard dengagement et de consommation des crédits,
notamment européens, sexplique en grande partie par les difficultés des maîtres
douvrage à entreprendre les opérations éligibles au contrat de plan et au DOCUP
et à mobiliser les financements croisés, à lexception de la Collectivité
territoriale de Corse.
En regard de la fragilité des collectivités locales, un mode de
conseil et de soutien à la maîtrise douvrage locale est à prévoir pour permettre
de concrétiser leurs projets dinfrastructures notamment.
Il pourrait être fait appel aux services de lEtat ainsi
quà un fonds régional dingénierie, un observatoire de la commande publique
devant être parallèlement mis en place dès 1996, en association étroite avec les
entreprises du BTP.
Sagissant de lassistance aux dossiers de financement des
entreprises, un pilotage par le directeur régional de lindustrie, de la recherche
et de lenvironnement, pour le compte de lensemble des services de lEtat
concernés par les relations aux entreprises, devrait permettre dassurer une
réponse mieux coordonnée aux besoins des entreprises insulaires, parallèlement au rôle
de guichet unique que vise à assurer lAgence de développement économique de la
Corse (ADEC) pour le compte de la Collectivité territoriale.
Cette expérience mérite pour sa mise en uvre laccord des
administrations centrales concernées. Elle prolongerait et enrichirait lexpérience
des chefs de projets ou des pôles de compétences réalisée jusquici.
2/ renforcer le caractère pluriannuel de la
programmation constitue la seconde proposition institutionnelle.
Elle concerne tout à la fois la programmation des crédits de
lEtat, ce qui nécessiterait un assouplissement de la règle de lannualité
budgétaire, ainsi que la programmation du DOCUP, qui devrait sappuyer sur une liste
dopérations en projet, pré-instruites et susceptibles de démarrer. Au-delà du
simple rééchelonnement des tranches annuelles, un exercice de reprogrammation devra
être prévu dans les deux ans à venir, afin de réaffecter sur les actions les plus
consommatrices de crédits du DOCUP les crédits non employés sur des axes où les
opérations ne parviennent pas à démarrer.
3/ une meilleure consommation des crédits nécessite,
par ailleurs, de mieux coordonner lintervention des décideurs publics
La conférence régionale daménagement et de développement
du territoire, créée en application de la loi dorientation du 4 février
1995, a vocation à devenir le cadre institutionnel de cette coordination des
investissements, dont les choix seront à analyser au regard du futur schéma
daménagement de la Corse, en cours délaboration.
Par ailleurs, la question de la coordination des décideurs publics
soulève la question du grand nombre dintervenants institutionnels, qui résulte du
statut particulier de la Collectivité territoriale de Corse.
Elle appelle une investigation sur le rôle et les missions des offices
et agences relevant delle au regard de ceux de lEtat et des organismes
parapublics, notamment les chambres consulaires, dans le sens des quatre audits réalisés
en 1994 qui ont concerné : loffice de développement agricole et rural
(ODARC), loffice déquipement hydraulique (OEHC), loffice des transports
au titre de la gestion de la dotation de la continuité territoriale dans le cadre du
rapport OUDIN, l'agence de développement économique de la Corse (ADEC).
Les conclusions et les propositions de ces différents rapports
mériteraient dêtre à nouveau étudiées dans le cadre dun tour de table qui
devrait faire intervenir les responsables de la Collectivité territoriale de Corse, et
qui devrait être élargi aux deux autres offices non audités en1994 (loffice de
lenvironnement et lagence du tourisme).
4/ favoriser le développement dune gestion
interministérielle des moyens communs à différents services de lEtat auprès du
préfet, appelle, en premier lieu, une meilleure répartition des emplois au sein de la
fonction publique, une priorité méritant dêtre accordée au renforcement des
personnels chargés du suivi des fonds européens et de certaines directions techniques,
ainsi quà la constitution de cellules dévaluation et de contrôle au sein
des directions régionales en charge des plus grosses dotations budgétaires, à
limage de la mission créée auprès des services académiques.
Par ailleurs, en terme de moyens budgétaires interministériels, la
Corse pourrait servir dexpérience à une mise en réserve, au plan régional, des
crédits des départements ministériels en début dexercice, ainsi quà la
création dun fonds unique placé auprès des préfets qui regrouperait la
quasi-totalité des fonds existants pour permettre danimer le développement
économique des bassins demploi.
*
* *
La réflexion, les analyses et les propositions soulevées
mériteraient dêtre complétées sur certains aspects, qui nont pas été
abordés par manque de temps et déléments dinvestigation de la part de la
préfecture de Corse pour y procéder, tels que :
laffectation des dotations transférées par
lEtat aux départements et aux communes, ainsi quauprès des offices et
agences de la Collectivité territoriale ;
ou le contrôle de lemploi des fonds publics versés
aux collectivités locales et aux entreprises, dont lanalyse nécessiterait un
délai supplémentaire et des enquêtes de terrain, qui relèvent dune autre
démarche que celle adoptée ici.
Aux principales questions que se posent, sur le continent ou en Corse,
les responsables des collectivités publiques sur la consommation des crédits et leur
emploi, des réponses sont apportées par le présent rapport dans le délai,
nécessairement court, des trois mois qui était imparti, il peut être répondu
globalement de la façon suivante :
il y a beaucoup de crédits publics mis à la
disposition de la Corse par lEtat ou susceptibles de lêtre dans le cas des
procédures, particulièrement contraignantes, dappel de fonds européens ;
une partie des crédits publics annoncés, notamment
au plan communautaire et pour partie en dépenses dinvestissement de lEtat, ne
peut pas être engagée avec la rapidité que nécessiterait le besoin de
développement de lîle et de mise à niveau de ses équipements, faute dune
maîtrise douvrage assez forte techniquement et suffisamment dotée financièrement
pour concrétiser les projets qui existent dans la plupart des domaines ;
le maintien des crédits au niveau actuel, de même
quune forte implication de lEtat simposent donc, en partenariat
avec la Collectivité territoriale, pour faire aboutir les projets et concrétiser les
ambitions du plan de développement de la Corse : modèle de développement, global,
ouvert, multi-polaire, équilibré entre le littoral et lintérieur ;
une meilleure utilisation des crédits est possible
et doit être recherchée avec les grands élus de la Corse, et notamment le président de
lAssemblée de Corse et le président du Conseil exécutif de Corse, ainsi
quavec les responsables des offices et agences relevant deux, qui
mériteraient une analyse complémentaire.
La réflexion pourrait, notamment, porter sur la redéfinition du rôle
et de la mission de ces offices par rapport à lEtat, ainsi que sur les marges de
redéploiement des crédits publics pour en optimiser lemploi au bénéfice du
développement économique insulaire ;
des marges de redéploiement existent mais, pour
être mises en uvre, il convient de rechercher un consensus sur le développement de
la Corse et le meilleur emploi des crédits publics avec les parlementaires et les
responsables des diverses collectivités de lîle : Collectivité territoriale,
bien sûr, mais aussi départements, villes principales et associations des maires.
Lexigence dun meilleur appel aux fonds communautaires y conduit
nécessairement à brève échéance.
Parallèlement, lEtat en Corse doit montrer sa capacité à se
réformer et la Corse peut ainsi, dans la poursuite du rapport, devenir un laboratoire de
la réforme de lEtat.
Beaucoup de fonctionnaires exercent en Corse (14.000), de manière
éclatée entre de nombreuses administrations qui sont très inégalement dotées en
moyens humains et financiers.
La nécessité dun redéploiement des effectifs simpose
entre les services de lEtat, en fonction des impératifs de gestion publique et
notamment, des responsabilités de suivi des crédits européens, dont il a été
souligné limportance pour la Corse.
*
* *
*
* *
La Commission a examiné le présent rapport au cours de ses
séances de 10 heures et de 15 heures du mercredi 2 septembre 1998 et la
adopté à lunanimité.
Elle a ensuite décidé quil serait remis à M. le
président de lAssemblée nationale afin dêtre imprimé et distribué,
conformément aux dispositions de larticle 143 du Règlement de
lAssemblée nationale.
*
* *
EXPLICATIONS
DE VOTE
EXPLICATIONS DE VOTE des COMMISSAIREs
APPARTENANT
AU GROUPE socialiste
La Corse est une affaire dÉtat.
En décidant le 3 avril 1998 de créer une commission denquête
sur lutilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse,
lAssemblée nationale a voulu, avec détermination, poursuivre les travaux
inachevés de la mission dinformation parlementaire de la précédente législature
et répondre dans lurgence à la situation créée par le lâche et odieux
assassinat du préfet Claude Erignac.
Il est certain que, même sans cet assassinat qui porte une atteinte
intolérable aux fondements de la République, la création de cette commission eut été
indispensable.
En effet, cest lautorité de lÉtat qui est en jeu,
le seuil de tolérance est depuis longtemps franchi ; le défi doit être relevé
sans faiblesse.
La différence revendiquée ne peut pas continuer à sexprimer
sur le terrain de la fraude fiscale, du trafic des monopoles, du record des faux
pensionnés, faux invalides, faux Rmistes, sans compter les vaches fantômes inscrites à
labreuvoir de Bruxelles.
Les membres de la commission sous la conduite de leur président Jean
Glavany et de leur rapporteur Christian Paul ont travaillé avec sérieux et assiduité
pendant 6 mois, travail fait dauditions, de déplacements sur lîle pour
appréhender directement, de visu, les dysfonctionnements les plus flagrants des
divers services de lÉtat ainsi que les dérives des comportements locaux.
Enfin par de larges débats, ils ont eu la volonté daller au
fond des choses afin de proposer aux pouvoirs publics des modalités daction
rigoureuses et dans la durée.
Comme lindique le président Glavany dans son avant-propos, il
faut mettre fin à la politique de zigzags de lexécutif, et comme le proposait un
ancien Président de la République avoir une seule ligne, la plus difficile, une ligne
droite.
Le groupe socialiste exprime son parfait accord avec la politique mise
en oeuvre par le gouvernement depuis plus dun an afin de retrouver, en Corse, un
véritable État de droit.
Les membres de la commission ont eu une volonté sans faille de
décrire la vérité dans le constat qui a été établi.
Lélévation de létat desprit, du sens de
lÉtat, sans connotation partisane ou politicienne, est un élément déterminant de
la qualité du travail accompli.
Le rapport retrace fidèlement dans sa première partie le constat des
dérives auxquelles il convient de mettre fin rapidement et dune façon durable par
une action implacable des représentants de lÉtat sur le territoire et en premier
lieu par un combat quotidien contre le système pré-mafieux qui se met en place.
La réussite de cette action dépendra tout autant de la capacité des
Corses et de leurs représentants à sy associer et à être des acteurs actifs de
cette évolution démocratique indispensable.
On ne changera pas la Corse contre les Corses.
La société corse doit trouver en elle-même les capacités à se
réformer, notamment à rompre avec le clanisme.
Cest à travers la mise en uvre de cette double
responsabilité que la Corse pourra enfin sortir de limpasse dans laquelle elle se
trouve.
Il est certain que cette volonté devra saccompagner de mesures
de soutien transitoires pour permettre et favoriser, par des redéploiements financiers et
budgétaires, le développement économique dans lensemble des divers secteurs
dactivité.
Il en est ainsi, en particulier, pour lagriculture et le tourisme
qui constituent les deux principales richesses à développer.
Le groupe socialiste approuve le rapporteur dans sa volonté de ne pas
faire du problème institutionnel un préalable.
Il est reconnu par tous que les grandes réformes de 1982 et 1991
permettent, sils le veulent, aux Corses dassumer la responsabilité du destin
de lîle, même si lon peut regretter que des décisions de la compétence des
élus soient parfois illégalement déléguées à dautres représentants non élus
au suffrage universel.
Lexpérience montre que lon ne saurait admettre une
dilution des responsabilités qui doivent être assumées par les élus eux-mêmes.
Ces derniers, pour avoir une crédibilité indispensable, doivent être
des élus de scrutins sincères. Létablissement de listes électorales
incontestables est le fondement nécessaire à lexercice dune démocratie
rénovée. Cela passe, comme le préconise le rapport, par une modification de la loi qui
permette à lautorité publique dintervenir efficacement dans le processus de
révision des listes électorales.
Sur ce point, comme sur les autres préconisations du rapport, le
groupe socialiste attend du gouvernement leur mise en uvre rapide.
Au-delà de cette commission denquête, le groupe socialiste
continuera à exercer sa vigilance pour que lindispensable action publique en Corse
soit conduite avec détermination et continuité.
*
* *
EXPLICATIONS DE VOTE des COMMISSAIREs APPARTENANT
AU GROUPE du rassemblement pour la république
Le groupe RPR a approuvé la création, au printemps dernier,
dune commission denquête parlementaire sur lutilisation des fonds
publics et la gestion des services publics en Corse.
Il approuve également le rapport rendu par cette commission.
Ce rapport comporte une description de la situation en Corse et des
dérives constatées qui reprend largement les analyses recueillies dans le cadre de la
mission dinformation commune sur la Corse présidée par M. Henri Cuq et dont
les auditions ont été publiées en 1997.
Le groupe RPR souscrit à lorientation générale du rapport
denquête qui préconise le retour à lÉtat de droit en Corse,
lapplication des lois de la République, la lutte contre toutes les formes de
violence et de criminalité, la restauration de la sécurité et de la justice. De même,
il approuve la mise en uvre dune politique de développement économique et
culturel fondée sur la participation pleine et entière des Corses, auxquels il
renouvelle toute sa confiance. Il insiste enfin sur la nécessité dinscrire
laction de lÉtat et des pouvoirs publics dans la continuité et dans la
durée, tout en aménageant les transitions nécessaires, en particulier sagissant
du développement économique de lîle.
Le groupe RPR se réjouit que les propositions avancées dans le
rapport reprennent pour lessentiel les orientations définies par M. Alain
Juppé, Premier ministre, devant lAssemblée territoriale de Corse le
17 juillet 1996.
Au-delà de son approbation générale, le groupe RPR tient à
souligner que les gouvernements devront être particulièrement vigilants pour
lavenir dans plusieurs domaines. La restauration de lÉtat de droit appelle
une politique juste, mais ferme. Il faut à cet égard souligner que les lois
damnisties générales (1981 et 1988) ou particulières à la Corse (mars 1982
juillet 1989) nont pas contribué à lefficacité de la lutte contre la
violence et la criminalité.
Il faut aussi rappeler que les modifications institutionnelles, en
particulier la mise en uvre du " statut Joxe " en 1991, ont
tendu dans certains aspects à encourager les dérives aujourdhui constatées. Tel
est le cas de la multiplication des offices, qui ont démembré linstitution
territoriale de Corse et réduit les responsabilités des élus. Aussi, le groupe RPR,
tout en approuvant le souci du rapport de ne pas réengager le débat institutionnel, se
réjouit de la proposition consistant à supprimer ou à réintégrer dans la
Collectivité territoriale certains offices confortés par le " statut
Joxe " et souhaite quon aille plus loin encore dans cette direction.
Le groupe RPR regrette que certaines propositions du rapport, notamment
dans le domaine économique ne soient pas toujours suffisamment précises ou
opérationnelles. Il insiste sur le rôle majeur du tourisme dans la politique de
développement économique.
Surtout, nous réaffirmons notre confiance en nos compatriotes corses
dont limmense majorité nest pas concernée par les errements constatés et
les réprouve, dont limmense majorité est attachée à la République et à la
France. Notre confiance dans lavenir, grâce à la restauration de lÉtat de
droit, sappuie aussi sur les multiples réussites observées par la commission
denquête en Corse, notamment dans les secteurs économique, éducatif ou culturel,
qui ne doivent en aucun cas être occultées par des dérives hélas réelles.
En approuvant le rapport, le groupe RPR souhaite ainsi marquer son
souci de la responsabilité et de lunité nationale face à un défi porté au
cur de la République et symbolisé, hélas, par le lâche assassinat du préfet
Claude Erignac.
*
* *
EXPLICATIONS DE VOTE des
COMMISSAIREs APPARTENANT
AU GROUPE union pour la démocratie française-Alliance
Le groupe UDF avait voté en mars dernier en faveur de la création
dune commission denquête sur lutilisation des fonds publics et la
gestion des services publics en Corse, considérant que le retour à lÉtat de droit
constituait un objectif partagé par toute la représentation nationale et correspondait
aux vux de nos concitoyens, en particulier ceux habitant en Corse.
Nous avions alors souhaité quil soit tiré le meilleur parti des
travaux de la mission dinformation commune sur la Corse, créée en novembre 1996,
et qui avait recueilli une masse considérable dinformations au cours de
quatre-vingts auditions de plus de cent personnalités.
I Le diagnostic est insuffisant sur ces deux points
Si nous partageons pour lessentiel lanalyse de la
première partie du rapport qui qualifie dinacceptable et daccablante la
gestion des fonds publics et des services publics en Corse, celle-ci devrait être
complétée sur deux points.
Tout dabord, le rapport ne souligne pas assez que la gestion des
services publics en Corse est souvent inefficace alors même quils disposent
fréquemment de moyens supérieurs à la moyenne nationale et que limpact des fonds
publics, considérables au regard des autres régions françaises, dont bénéficie la
Corse ne se traduit pas par des résultats proportionnés.
En second lieu, le rapport tend à accréditer lidée que seule
une petite minorité bénéficie du système alors même que des données tant en matière
de prélèvements obligatoires que de prestations sociales ou daides économiques
montrent que la proportion de personnes concernées représente une forte minorité.
II Lanalyse des causes de cette situation est
incomplète
Si nous partageons lanalyse des causes de la situation
gravement dégradée de la Corse établie par le rapport, ces dernières sont
malheureusement incomplètes et orientées politiquement.
Tout dabord, il est à signaler que les lois de 1982 et de 1991
sur le statut particulier de la région Corse ont contribué à la dégradation de la
situation en fournissant des opportunités nouvelles de dérive.
Par ailleurs, le rapport qualifie de pré-mafieuse la situation de la
Corse alors quil serait plus exact de la qualifier de système clanique.
III Les propositions ne sont pas à la hauteur du
problème posé
Beaucoup de propositions contenues dans le rapport relèvent plus
de lincantation que de laction.
La réforme des institutions en Corse ne peut être éludée, en
particulier la réintégration des offices dans la Collectivité territoriale de Corse
ainsi que lexamen de la faisabilité de la fusion des deux départements de
Haute-Corse et de Corse-du-Sud.
Le nécessaire retour à lapplication des lois de la République
en Corse suppose tout à la fois de la fermeté et de la constance, mais aussi des mesures
daccompagnement pour assurer une transition sans heurts.
Cest pourquoi, le groupe Union pour la démocratie
françaiseAlliance vote pour ladoption de ce rapport bien quil en
souligne les insuffisances du diagnostic, de lanalyse des causes et des solutions
proposées.
*
* *
EXPLICATIONS DE VOTE des COMMISSAIREs APPARTENANT
AU GROUPE démocratie libérale et indépendants
A lissue des travaux de la commission denquête sur
lutilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse, les
députés membres du groupe Démocratie Libérale et Indépendants considèrent que
lÉtat doit, sans relâche, affirmer dans cette région comme dans les autres, la
préémimence de lordre public et la nécessité du respect de la loi.
Les investigations de la commission ont mis en évidence de nombreuses
faiblesses dans le fonctionnement des administrations en Corse, qui appellent de
sérieuses mesures de redressement ; elles ont également permis détablir que,
du fait dune défaillance généralisée des contrôles, lutilisation des
fonds publics était marquée par de trop nombreux abus et détournements.
Il importe que les responsables, chacun à leur niveau,
sattachent à corriger les errements condamnables qui ont été relevés. Ceci
requiert résolution, rigueur et continuité dans laction.
Les députés du groupe Démocratie Libérale et Indépendants ont
également acquis la conviction que les Corses, dans leur immense majorité, appelaient de
leurs vux une telle orientation.
Ils réprouvent toute présentation de la situation en Corse visant à
mettre lensemble de la population en position daccusée. Au contraire, ils
estiment que les Corses ont constamment montré leur attachement à notre communauté
nationale et quils aspirent, comme tous les Français, à une juste application de
nos lois, dans le cadre du statut qui est celui de leur région.
Considérant quil est particulièrement utile aujourdhui de
manifester le sentiment unanime de la représentation nationale, de voir le respect des
lois et le maintien de lordre public affirmé comme une nécessité absolue, les
députés du groupe Démocratie Libérale et Indépendants ont approuvé le rapport de la
commission denquête sur lutilisation des fonds publics et la gestion des
services publics en Corse.
EXPLICATIONS DE VOTE du COMMISSAIRE APPARTENANT
AU GROUPE communiste
Le commissaire communiste se félicite de limportant travail de
la commission denquête. Il témoigne, sil en était besoin, du bien fondé de
la proposition du groupe communiste qui a demandé sa constitution à plusieurs reprises.
Quelle ait fonctionné sous le régime du secret ne la dispense
pas de rendre compte de la façon la plus exhaustive des constats et observations
quelle a pu faire. Les Corses dans leur ensemble ont besoin de cette transparence
pour prolonger le travail de la commission.
Aussi complet soit-il, le rapport de la commission ne saurait faire le
tour de tous les problèmes et en aucun cas être une fin en soi. Il doit être, au
contraire, la première étape dun long travail de redressement et de développement
qui reste à accomplir. Il peut constituer un formidable point dappui à la
communauté corse dans sa diversité dès lors que les Corses sen saisissent pour
sengager activement dans la prise en mains de leur avenir. Il faut leur en donner
les moyens.
Le commissaire communiste a voté le rapport. Tout en se félicitant de
la prise en compte de son amendement en ce sens, il insiste sur la nécessité de pousser
plus loin la recommandation dune exigence essentielle : celle dune aide
à un développement sans précédent de la consultation et de la participation des Corses
eux-mêmes.
Rien de décisif ne pourra en effet se réaliser si les Corses qui
refusent la violence et les atteintes à la légalité républicaine ne sont pas
sérieusement et toujours plus et mieux associés tout à la fois au travail de
redressement que suggèrent les orientations du rapport et à lélaboration
dun projet global de développement économique, social et culturel de lîle.
Cette exigence de lintervention des Corses dans la gestion de
leurs affaires ne soustrait pas lÉtat à ses obligations, elle les renforce. Elle
rend plus impérieuse encore laffirmation dune volonté politique forte et
claire de lÉtat de rompre définitivement et dans la durée avec ses démissions
et, trop de fois, ses compromissions passées. LÉtat a une responsabilité que
personne ne saurait contester dans lévolution de la situation en Corse. Le laxisme,
labsence de rigueur, le silence judiciaire, les compromissions
témoignent
dautant de carences qui expliquent pour une part significative dinsupportables
dérapages.
On ne saurait confondre ces défaillances avec les comportements de
délinquance lourde dune minorité dindividus ou de groupes
" daffaires " qui sont " les seuls et vrais
colonisateurs de lîle ". Cette minorité de grande délinquance est le
véritable obstacle à lassainissement de la situation dans lîle et à son
développement économique, social et culturel.
Rien ne saurait plus dangereux que dentretenir
linsupportable amalgame entre cette minorité et limmense majorité des Corses
qui aspirent à vivre sereinement dans une île débarrassée de la délinquance
économique et financière, où sappliquent les lois de la République, qui sera
associée à tous les grands projets daménagement harmonieux de son territoire et
qui pourra épanouir sa personnalité singulière.
Pour cela, lÉtat doit poursuivre laction engagée depuis
plusieurs mois aussi longtemps que la situation le nécessitera. Aller jusquau bout,
sans se disperser mais en ciblant lessentiel : le noyau dur de la délinquance
économique et financière, le grand banditisme, les dossiers les plus sensibles,
cest-à-dire ceux qui nourrissent les crimes et les délits, déstabilisent les
institutions et bloquent le développement économique.
Le rétablissement de lÉtat de droit est une condition
nécessaire mais non suffisante. Il faut faire vivre la citoyenneté et la démocratie
contre laffairisme. LÉtat doit affirmer nettement sa détermination politique
et doter les institutions insulaires des moyens nécessaires à laccomplissement de
toutes leurs missions.
Cela serait encore insuffisant si cette volonté clairement affichée
et ces moyens réunis, la communauté corse dans son ensemble nexprimait pas,
elle-aussi, sa propre volonté daccompagner laction de rétablissement de
lÉtat de droit et du développement de lîle.
Lui en donner les moyens, cest dabord jouer à fond la
carte de la démocratie, de la transparence et de linformation la plus exhaustive de
tous les Corses, pour leur permettre de devenir les véritables acteurs du développement
économique, social et culturel de lîle.
Leur en donner les moyens, cest les associer de bout en bout à
lélaboration des projets et des décisions qui engagent leur avenir. Cest
conjuguer en permanence démocratie directe et démocratie représentative, cest
travailler avec les Corses à ladoption dun projet collectif global et
cohérent daménagement et de développement de lîle.
Lélaboration de ce projet de croissance durable et
dépanouissement de lidentité culturelle doit être le vecteur essentiel
dun élargissement audacieux de la démocratie participative.
Au plan économique, la Corse est riche de potentialités peu ou mal
exploitées. Le respect dun environnement exceptionnel quil convient de
protéger nest aucunement incompatible avec, pour ne prendre que quelques exemples,
laccueil et le développement dactivités de nouvelles technologies, la
constitution de pôles nationaux et internationaux de recherche, le développement
dune agriculture spécifique aux conditions de linsularité, un essor
touristique respectueux du paysage favorisant la promotion dune image positive de la
Corse et des Corses et promouvant des activités commerciales, culturelles, de loisirs, de
services, maîtrisées dans le cadre dun schéma daménagement collectivement
élaboré.
Lépanouissement de la culture et de la langue est une chance,
autant pour la Corse que pour le patrimoine culturel national dans son ensemble, car
cest bien dans sa diversité quil puise sa richesse.
Sur la base de projets clairement identifiés, les moyens doivent être
donnés à cette région insulaire pour lui permettre de conduire à leur terme la
continuité territoriale par des équipements publics à vocation sociale, la réalisation
dinfrastructures de transport interne, durbanisme et de logement répondant à
lattente de lensemble de la population résidente, dun service public de
santé et déducation, de recherche, indispensables à lessor dune des
plus belles régions françaises. Telle est la volonté de limmense majorité des
hommes et des femmes qui y vivent, voir respecter leur identité et leur culture, voir
satisfaire leurs aspirations à une vie meilleure, riche demplois, voir confirmer
leur appartenance pleine et entière à la République française avec tout ce que cela
signifie de droits et de responsabilités.
*
* *
Explication
de vote du commissaire Radical de Gauche
appartenant au groupe RCV
A quelques mois près, cela fait maintenant dix ans que les
élus radicaux de gauche de Corse réclamaient la création dune commission
denquête sur lutilisation des fonds publics en Corse. M. Emile
Zuccarelli, ministre de la Fonction publique, de la réforme de lÉtat et de la
décentralisation na eu de cesse de déposer, dès 1989, des propositions de
résolution en ce sens sur le bureau de notre assemblée lorsquil était député.
Et je souhaite, au nom des radicaux, lui manifester notre sympathie pour le courage dont
il fait preuve dans ses prises de position politiques face aux dérives terroristes et
mafieuses, sous toutes les formes, telles quelles se sont manifestées en Corse.
Ce nest donc pas en réaction au terrible assassinat du préfet
Claude Erignac que M. Roger Franzoni, devenu député en remplacement de
M. Emile Zuccarelli, nommé membre du gouvernement, a déposé la proposition de
résolution n° 219 le 12 septembre 1997. Si les radicaux de gauche ont demandé
cette création cest parce quils souhaitaient lever lhypothèque.
En effet, nous considérions que les difficultés réelles à déclencher le
développement de lîle ne pouvaient sexpliquer par la seule survenance de
cinq cents attentats par an et que le soupçon existait " que les structures
locales ou certains comportements individuels ne soient un facteur
dinefficacité " aux efforts consentis par la collectivité nationale et
lUnion européenne.
Parce que nous avons toujours résolument combattu les dérives locales
et institutionnelles, nous souhaitions que la représentation nationale se saisisse de la
question pour effectivement montrer aux Corses que les institutions de la République
jouent pleinement sur cette île.
Pendant six mois notre commission a donc auditionné les forces vives
de la Corse, les autorités de lÉtat qui exercent ou ont exercé leurs fonctions
sur place et tous ceux qui, de près ou de loin, ont eu à traiter de la Corse dans leurs
attributions ou leurs fonctions.
Les conclusions de notre rapporteur sont riches et il est évident que
je my rallie avec force et conviction. Oui, il faut un État ferme, prêt à
sanctionner les infractions aux lois républicaines et il est évident que la
personnalité même de lactuel ministre de lIntérieur, M. Jean-Pierre
Chevènement, est le meilleur des gages que les Corses pouvaient souhaiter pour que
lÉtat de droit soit effectivement restauré en Corse. Il a su, sous
lautorité de M. Lionel Jospin et avec le soutien de tout le gouvernement,
affirmer pleinement ses convictions et donner aux Corses le message quils
attendaient depuis trop longtemps.
Depuis le 6 février 1998, il existe une véritable prise de conscience
collective, au plan national, de la crise qui touche la Corse et ses habitants. En
assassinant le préfet de région, des terroristes ont tué le plus haut représentant de
lÉtat sur lîle.
Ils ont clairement déclaré la guerre à la République et
lémotion suscitée na sans doute pas été sans effet sur la
quasi-unanimité, au sein de notre assemblée, à soutenir la démarche de notre collègue
M. Roger Franzoni.
Pour ce qui la concerne, notre commission prend toute sa place dans
cette démarche. De nos travaux il est maintenant nécessaire que les propositions
formulées soient étudiées avec pour unique volonté daider la Corse et ses
habitants qui ne doivent pas être montrés du doigt. Les Corses naspirent
quà la sécurité et à la paix civile et nous leur devons lapplication de la
loi, avec les moyens ordinaires de la République.
Si des voix sélèvent pour dénoncer une politique
dexception qui serait menée par le gouvernement, ce nest, de la part des
auteurs de ces commentaires, que lexpression dune extraordinaire fébrilité,
voire dune inquiétude sur laquelle on peut sinterroger. Sinon, pourquoi
dénoncer la seule et juste application de la loi républicaine en Corse, partie
intégrante du territoire national ?
Nul ne peut nier que des manquements graves se sont fait jour en Corse
depuis des années. Plusieurs instructions judiciaires en cours ont clairement démontré
que des habitudes avaient été prises par certaines personnes qui ont commis des forfaits
dont ils devront répondre devant la justice.
" La commission na pas souhaité approfondir ses
investigations sur un sujet qui ne relevait pas directement de sa mission mais, au vu des
quelques éléments partiels mis à sa disposition, le rapporteur ne peut quexprimer
à son tour ses plus vives préoccupations à légard dune certaine
dégradation de lautorité de lÉtat qui pourrait rapprocher effectivement la
Corse de la Sicile. " Ces lignes sont extraites du rapport parlementaire de 1992
qui fut publié à lissue des travaux de la commission denquête parlementaire
sur les tentatives de pénétration de la mafia en France. A lépoque on connaissait
donc les problèmes et cest effectivement un véritable
" système " qui émerge. Alors comment y remédier ?
Il est clair que les offices, prévus par le " statut
Joxe ", ne donnent pas aujourdhui toute la satisfaction que lon
pouvait en attendre. Ce sont les socio-professionnels qui en dirigent certains et le
processus de décision nappartient pas aux élus qui seuls pourtant disposent de la
légitimité et de la responsabilité démocratiques.
Quoi quil en soit, une politique forte et volontariste est
engagée et les radicaux de gauche en sont pleinement solidaires. Toutefois, ils
escomptent que la justice et les procédures aillent à terme et regrettent que la
délocalisation de certaines affaires en cours soit parfois remise en cause. Comme pour le
terrorisme étranger qui touche notre pays, il faut en effet que certaines instructions
concernant des affaires ayant lieu en Corse soient centralisées à Paris.
On ne restaurera lÉtat de droit en Corse que si lon refuse
tout compromis avec les terroristes et que si lon expose clairement les dérives
constatées. Les Corses doivent savoir si certains dentre eux ont failli. Ils
doivent pouvoir identifier ceux qui les ont trompés, manipulés et offensés. Leur
dignité est grande. Ils ont à chaque fois que la République les sollicitait, répondu
présents. Aujourdhui, cest à la République de répondre à leur appel
lancé en février dernier.
Les radicaux de gauche voteront bien évidemment les conclusions de ce
rapport quils attendaient depuis longtemps, tant ils sont attachés à la
restauration de lÉtat de droit en Corse quils considèrent comme une
nécessité première mais aussi comme une étape. Les pouvoirs publics devront veiller au
développement social, culturel et surtout économique de la Corse qui, bien que dotée de
formidables atouts, ne peut les utiliser dans le contexte actuel.
Dans ce contexte, les radicaux se félicitent que les conclusions de ce
rapport ne débouchent pas, une nouvelle fois, sur des propositions de modifications
institutionnelles qui ne répondraient en rien à la situation observée.
Enfin, le commissaire représentant le parti radical de gauche remercie
les président et rapporteur, Jean Glavany et Christian Paul, pour lobjectivité et
la franchise des débats quils ont menés et la qualité du travail accompli.