SOMMAIRE DES COMPTES RENDUS D'AUDITIONS
DU 23 MARS 1999 AU 31 MARS 1999

__ M. Denis PRIEUR, préfet du Haut-Rhin, ancien préfet de Saône et Loire (mardi 23 mars 1999)

__ M. Christian BERNARD, commissaire divisionnaire à la direction départementale de la sécurité publique de Saône et Loire (mercredi 24 mars 1999)

__ M. Gérard LE VERT, responsable du service d'ordre du Mouvement National (mercredi 24 mars 1999)

__ M. Pascal CEAUX, journaliste au Monde (mardi 30 mars 1999)

__ M. Jean-Pierre CHABRUT, responsable du DPS (mardi 30 mars 1999)

__ M. Philippe BITAULD, président et M. Georges LE GARREC, secrétaire national chargé de l'Ile de France à la Fédération Professionnelle Indépendante de la Police (mercredi 31 mars 1999)

__ M. Guy KONOPNICKI, journaliste à L'Evènement du Jeudi (mercredi 31 mars 1999)

__ M. Eric STAELENS, responsable du DPS d'Ile-de-France (mercredi 31 mars 1999)

    Audition de M. Denis PRIEUR,

    préfét du Haut-Rhin, ancien préfet de Saône et Loire

(extrait du procès-verbal de la séance du mardi 23 mars 1999)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Denis Prieur est introduit.

    M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Denis Prieur prête serment.

M. le Président : Monsieur le préfet, nous vous avons demandé de venir devant notre commission, car les incidents survenus à Montceau-les-Mines ont été évoqués par nombre de témoins entendus par notre commission.

    Je rappelle rapidement les faits.

    M. Bruno Gollnisch a organisé le 25 octobre 1996 une réunion dans cette ville qui a suscité une contre-manifestation. Il semble que, pendant quelques heures, des membres du DPS portant des uniformes similaires à ceux des CRS soient intervenus pour protéger le meeting de M. Bruno Gollnisch, qu'ils aient chargé les manifestants et réglé la circulation sans que les forces de l'ordre n'interviennent.

    M. Bernard Courcelle que nous avons entendu la semaine dernière a affirmé : « Le préfet avait donné l'ordre au commissaire de ne pas bouger. »

    Nous aimerions donc recueillir votre version des faits et savoir si des suites ont été données à ces incidents.

M. Denis PRIEUR : Monsieur le Président, mesdames, messieurs les députés, compte tenu de l'objet de votre Commission, je pense que vous souhaitez que j'évoque devant vous la soirée du 25 octobre 1996 à Montceau-les-Mines et les faits qui se sont produits à l'occasion de la tenue d'une réunion publique du Front National dans cette ville.

    La réunion s'est, en effet, accompagnée de la présence et de l'intervention d'un groupe d'une trentaine de personnes formant le service d'ordre du Front National, dont une partie au moins appartenait au département protection et sécurité.

    Afin de lever toute ambiguïté, je dois vous indiquer que je n'étais pas physiquement présent à Montceau-les-Mines le soir du 25 octobre et que je n'ai eu sur le moment qu'un compte rendu téléphonique des faits par la directrice du cabinet de la préfecture, elle-même informée par le directeur départemental de la sécurité publique du département de Saône-et-Loire, présent sur place.

    Il m'est assez difficile dans ces conditions, s'agissant en outre de faits remontant à près de deux ans et demi, d'être précis. Je me bornerai donc à rappeler le déroulement général de la soirée.

    En 1996, le Front National comptait deux fédérations en Saône-et-Loire : l'une pour l'est du département, l'autre pour l'ouest. C'est le responsable de cette dernière qui prit l'initiative d'organiser une réunion publique de son mouvement à Montceau-les-Mines le 25 octobre 1996, avec pour invité et orateur principal M. Bruno Gollnisch. Pour ce faire, il obtint de la ville de Montceau-les-Mines la location d'une salle au centre nautique.

    La réunion fut précédée de l'envoi d'un très grand nombre d'invitations, de la distribution de tracts et de collages d'affichettes. Cependant, cet effort de propagande ne semblait, d'après les informations qui m'étaient communiquées, trouver que peu d'échos auprès de la population et les prévisions de participation à cette réunion restaient modestes. Lors des contacts que j'ai eus avec M. le député-maire de Montceau-les-Mines dans les jours précédant immédiatement la réunion publique, j'ai tenté de lui faire partager mon opinion, selon laquelle considérer le meeting du Front National comme un « non-événement », susceptible d'attirer au plus une centaine de personnes pouvait permettre que cette réunion passe relativement inaperçue et n'entraîne pas de troubles. Toutefois - et c'était tout à fait compréhensible - ce n'est pas cette position qui fut adoptée par les partis politiques de gauche, les associations et l'organisation syndicale locale opposée au Front National qui mirent sur pied, en accord avec la municipalité, une contre-manifestation de protestation. Son annonce étant faite et son principe acquis, nous nous sommes attachés, avec la municipalité de Montceau-les-Mines, à ce que son déroulement ne génère pas de risques d'incidents. D'où le choix du lieu et de l'horaire, tous deux éloignés de ceux du meeting du Front National, et des modalités retenues, à savoir une protestation digne, déterminée, sous forme d'un rassemblement dans le calme devant la mairie avec des appels à la raison de la part des personnes qui prendraient la parole au cours de cette réunion pour éviter toute provocation.

    L'adoption de ces modalités permettait d'envisager que se déroulent successivement et sans encombres, d'abord la manifestation républicaine de protestation contre la venue de M. Bruno Gollnisch, puis la réunion publique du Front National. Toutefois, à titre de précaution, j'avais demandé pour la fin de l'après-midi et la soirée du 25 octobre le concours d'une compagnie républicaine de sécurité, destinée à renforcer les effectifs limités dont disposait le commissariat de Montceau-les-Mines.

    Cette unité constituait une réserve en cas de nécessité, en particulier s'il fallait prêter main forte au corps urbain de Montceau-les-Mines, dans l'hypothèse où celui-ci aurait eu à intervenir. En revanche, il n'était pas paru souhaitable que soit mis en place d'emblée un dispositif policier devant le centre nautique, afin de ne pas donner l'impression que la police nationale avait reçu mission de protéger la réunion du Front National et par crainte qu'une présence policière soit ressentie comme une « provocation ». D'ailleurs, les représentants du Front National eurent des propos très violents à mon encontre, parce que nous n'avions pas cédé à leurs exigences en n'organisant pas une protection policière a priori de leur réunion.

    Le directeur départemental de la sécurité publique se rendit à Montceau-les-Mines en milieu d'après-midi pour assurer sur place la direction des opérations avec, comme consigne générale, d'éviter toute tension susceptible de compromettre l'objectif d'absence de contacts entre contre-manifestants et participants à la réunion du Front National.

    Au cours de la soirée, je fus informé successivement :

    - du déroulement sans aucun incident, de dix-huit heures à dix-neuf heures quinze, d'un rassemblement de 350 personnes devant l'Hôtel de ville de Montceau-les-Mines en signe de protestation contre la venue de M. Bruno Gollnisch ;

    - du début, vers vingt heures, de la réunion du Front National au centre nautique devant une assistance estimée de 80 à 100 personnes ;

    - d'un affrontement, vers vingt heures quarante-cinq, à l'extérieur du centre nautique, entre le service d'ordre du Front National et de jeunes contre-manifestants au nombre d'une cinquantaine, qui, malgré les consignes données lors du rassemblement de dix-huit heures, avaient décidé de s'y rendre pour interpeller les participants à la réunion du Front National. Cet incident très bref étant resté isolé et sans suite, la police n'avait pas eu à intervenir, le calme étant revenu aussitôt aux abords de la salle où se tenait la réunion. Je n'appris que plus tard qu'une jeune fille avait été très légèrement blessée au visage dans cet incident et qu'elle s'était présentée au commissariat dans la soirée pour y déposer plainte ;

    - de la fin de la réunion publique, un peu avant vingt-trois heures, sans autre incident ;

    - qu'à l'extérieur du centre nautique, service d'ordre du Front National et jeunes contre-manifestants s'étaient tenus mutuellement en respect à distance pendant toute la durée de la réunion, la police observant les choses de près pour s'assurer qu'il n'y avait pas de contacts physiques entre les deux groupes ;

    - enfin, d'un nouvel affrontement vers vingt-trois heures quinze, opposant jeunes et membres du service d'ordre du Front National au moment où ces derniers, la réunion terminée et les participants repartis chez eux, cherchaient à regagner leurs véhicules sur le parking du centre nautique et subissaient des jets de projectiles divers. Un membre du service d'ordre du Front National avait reçu une pierre lancée par un jeune et était blessé à la tête. La police urbaine, qui s'était avancée en direction des protagonistes pour observer de plus près et parer à une détérioration de la situation, était intervenue, sous une pluie de projectiles lancés par les jeunes, pour les faire reculer et permettre aux pompiers de faire évacuer le blessé ;

    - d'un retour au calme aux abords du centre nautique, mais de quelques dégradations commises sur des véhicules et du mobilier urbain par les jeunes contre-manifestants refluant du centre nautique ;

    - d'un retour définitif au calme sur toute la ville peu après minuit. Je n'ai pas noté l'heure exacte de cette dernière information, mais c'était après minuit ;

    Ayant demandé des nouvelles des deux seules personnes légèrement blessées au cours de cette soirée, l'une dans les rangs des jeunes vers vingt heures quarante-cinq, l'autre appartenant au service d'ordre du Front National vers vingt-trois heures quinze, j'appris que toutes deux étaient rapidement ressorties de l'hôpital après y avoir été examinées, leurs blessures étant superficielles.

    Dans les jours qui suivirent cette soirée, on assista à un début de polémique sur l'attitude de la police - et de la mienne - à laquelle il était reproché par les uns d'avoir trop laissé agir le service d'ordre du Front National et par les autres de les avoir exposés à un danger en ne dispersant pas immédiatement par la force les manifestants hostiles au Front National.

    Interrogé par l'Agence France presse, j'ai pris la défense de la police nationale qui avait su résister aux attitudes de surenchère de ceux qui auraient voulu que la soirée se solde par des violences bien plus graves, ce qui aurait été probablement le cas si elle était intervenue de façon prématurée et en faisant place nette.

    Monsieur le Président, mesdames, messieurs les députés, cet exposé est sans doute incomplet et il est possible qu'une partie de la réalité m'ait échappé. Je vous ai relaté, dans la limite de ma mémoire et en rappelant que je n'étais pas personnellement présent sur les lieux, ce que je crois s'être passé ce soir-là à Montceau-les-Mines et dont certaines images diffusées par la télévision ont pu - je le comprends parfaitement - faire s'interroger beaucoup de gens.

    Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions. J'en relève une relative à une consigne que j'aurais donnée. Dans le contexte de la soirée qui nous occupe, il était important de se donner les chances maximales pour que ce qui avait été prévu par les gens raisonnables puisse se dérouler : une manifestation devant l'Hôtel de ville, ayant pour objectif de montrer qu'une large partie de la population de Montceau-les-Mines était en désaccord avec la venue d'un responsable national du Front National, mais qui, pour autant, n'utilisait pas la violence comme moyen d'exprimer ce désaccord.

    S'il y avait eu, de part et d'autre, des gens raisonnables comptant sur les représentants mandatés des autorités et sur les forces publiques pour assurer la liberté de réunion, les chances eussent été grandes que les choses se passent normalement.

    Des indications nous laissaient à penser que cela pouvait se dérouler ainsi. Comme je l'ai indiqué, mettre en place un dispositif policier extrêmement massif compte tenu des lieux - le centre nautique est entouré d'un très large espace vide - aurait pu avoir deux conséquences : d'une part, donner de façon flagrante l'image d'une réunion placée sous la protection de la police nationale ; d'autre part, susciter un élément de tension supplémentaire, puisqu'il est apparu que des jeunes se trouvaient là, d'aucuns sans doute pour des raisons de conviction, d'autres pour des raisons habituelles dans ce type de manifestations qui donnent la possibilité de se frotter à d'autres personnes.

    Pour me résumer, ce qui a été exprimé de façon lapidaire et erronée sous la forme « Le préfet avait donné des consignes de non-intervention » est une traduction inexacte du choix du dispositif retenu. Il est clair que la police savait très bien que si les incidents se révélaient d'une certaine gravité, elle devrait évidemment intervenir. C'est du reste ce qu'elle fit après la fin de la réunion, lorsque des membres du service d'ordre du Front National - parmi lesquels certainement des membres du département protection et sécurité - ont voulu s'en aller et donc récupérer leurs véhicules. Des heurts se sont produits. Un membre du service d'ordre du Front National a reçu, comme je l'ai indiqué dans mon exposé et d'après les informations qui m'ont été fournies, une pierre sur la tête. La police est intervenue. La personne a été prise en charge par les pompiers. Il fallait que la police soit là pour leur permettre d'agir. Ce fut le dernier incident grave de la soirée. On a assisté ensuite de la part de jeunes à des atteintes au mobilier urbain et à quelques véhicules.

M. le Président : Nous entendons ce que vous nous dites, mais les journalistes qui ont filmé les événements - le reportage a suscité tous les débats que vous savez - ne nous ont pas dit exactement la même chose. Ils ont déclaré avoir été présents à vingt-et-une heures lors de l'arrivée de M. Bruno Gollnisch. Que s'est alors produite une sorte d'échauffourée, notamment avec des membres du DPS qui protégeaient M. Bruno Gollnisch. Ceux-ci portaient la tenue classique du DPS. Les journalistes sont entrés dans la salle pour voir comment la réunion publique se déroulait, puis sont ressortis - il y avait déjà eu alors quelques incidents - pour faire le point de la situation. Ils ont découvert un DPS plus musclé, plus nombreux, notamment des DPS en tenue proche de celle des CRS : casques, boucliers, matraques, tenues noires, bottes. Pendant, disent-ils, une heure à une heure et demie, il y a eu affrontement entre ce service d'ordre dans la tenue que nous venons de dire et un certain nombre de jeunes, qu'ils ont estimés à une cinquantaine. Voilà donc ce que nous rapportent les journalistes, très étonnés que pendant une heure et demie à deux heures la protection du meeting ait été assurée, non par la police nationale, mais par le service d'ordre, le DPS, au surplus dans une tenue proche de celle des forces de l'ordre.

    Vous comprendrez que nous nous interrogions sur le déroulement de cette soirée.

M. Denis PRIEUR : C'est tout à fait compréhensible.

M. le Président : Je conçois que vous n'ayez pas souhaité que la réunion du Front National paraisse protégée par la police nationale. Toutefois, des affrontements ayant lieu à l'occasion d'une réunion publique, on peut s'interroger en retour sur le fait qu'un service d'ordre, dans la tenue que je viens de décrire, occupe la place publique à la place des forces de l'ordre. Apparemment, avant que la police n'intervienne vers 23 heures, c'est le DPS qui a tenté de faire régner l'ordre. Cela pose problème.

M. Denis PRIEUR : La présence du DPS sous cette forme et en tenue n'était ni annoncée ni prévisible. Cet élément, venant en quelque sorte s'ajouter au contexte de la réunion du Front National, a posé la question de l'attitude à adopter. Ainsi que je l'ai indiqué, la préoccupation de limiter les conséquences et les heurts susceptibles de se produire aux abords du lieu où se tenait la réunion publique a fait pencher la balance en faveur de la préservation d'une situation présentant un équilibre apparent. Je ne dis pas que cela soit un bien. Mais si l'on tire le bilan en termes de dommages corporels subis par telle ou telle personne, cette manifestation n'est pas de celles ayant entraîné les violences ou les blessures les plus importantes ou les préjudices corporels les plus forts. J'ai indiqué que deux personnes avaient été blessées, conduites à l'hôpital et en étaient ressorties.

    La préoccupation principale des responsables de l'ordre public était que cette soirée s'achève sans effusion de sang, sans conséquences graves. Tel est le souci qui a les animés plutôt que la préoccupation, tout à fait légitime au demeurant, liée à l'image que pourraient retenir des personnes témoins de cette soirée, d'un service d'ordre dans une tenue prêtant incontestablement à commentaires. Je le répète, ce fut une découverte. D'ailleurs certains des jeunes manifestants jetant des projectiles pensaient les lancer contre les forces de l'ordre. S'il y avait eu intervention « à chaud » et dans des conditions mal calibrées, le risque aurait été plus grand encore que celui qui s'est réalisé.

    Voilà ce que je puis répondre à votre question. Je rappelle une nouvelle fois que, n'étant pas personnellement présent, les informations qui me parvenaient, les seules sur lesquelles je pouvais me fonder pour, le cas échéant, asseoir une décision, n'étaient pas aussi directement perceptibles que la vision directe des faits des personnes que vous citez.

M. le Rapporteur : Monsieur le préfet, j'ai bien compris que votre souci premier face à cette manifestation, qui n'était pas l'une des plus importantes du Front National en France, était de la faire considérer par les honnêtes gens comme un non-événement. Par conséquent, votre souci de ne pas dramatiser, en n'accordant pas une protection énorme, en prenant connaissance des positions de la mairie et des formations politiques de gauche d'organiser une contre-manifestation devant la mairie à une heure différente du meeting qui avait lieu au centre nautique, paraissait bien cadré au départ. Ainsi que vous l'avez souligné, ce qui s'est passé n'était ni annoncé ni prévisible.

    En matière de maintien de l'ordre, je crois savoir que l'on se trouve bien souvent confronté à des événements inattendus, la situation étant parfois éloignée de ce que l'on souhaiterait. Vous avez parlé d'équilibre. Considériez-vous qu'il s'agissait d'un équilibre entre des gauchistes impétueux qui n'auraient pas dû être là et des personnes du Front National qui y étaient et qui n'auraient pas dû y être ? Par conséquent, que l'équilibre étant réalisé, les forces de polices n'avaient pas à s'engager ?

    J'ai le sentiment, après avoir vu les reportages à la télévision et entendu des journalistes de grands hebdomadaires d'information comme L'Express ou Le Point - qui n'appartiennent donc pas à une presse extrémiste - d'une carence quelques heures durant de la police, laissant la place à une formation paramilitaire du Front National avec des équipements qui ressemblaient - effectivement les jeunes manifestants s'y sont trompés - à des équipements de policiers ou de gendarmes mobiles. Ils ont - ce fut confirmé, semble-t-il - utilisé des grenades lacrymogènes, puisque des volutes blanches furent constatées par certains fonctionnaires des renseignements généraux.

    Ce sentiment de la presse est, du reste, partagé en partie par les membres du Front National qui disent avoir appelé en vain au secours.

    Certes, il n'y a eu ni violences extrêmes ni blessés graves, mais c'est la première fois dans l'histoire du Front National que l'on voit une police privée tenir tête à des manifestants et maintenir l'ordre. C'est ce qui nous a paru choquant, de même qu'aux journalistes présents. Pourquoi la police n'est-elle pas intervenue ou à quel moment est-elle intervenue ? Vous dites que cela s'est passé très rapidement. Mais les renseignements que nous avons, qui au demeurant peuvent être faux, font état d'une assez longue durée si l'on considère le temps de l'entrée de M. Bruno Gollnisch dans les bâtiments ajoutée à celle de la tenue du meeting. Pendant ce temps, à l'extérieur, avait lieu cet affrontement « équilibré » entre les deux parties, suivi, à la sortie, par de nouveaux affrontements.

    Les témoins, à savoir les journalistes et des personnes du DPS, dont M. Bernard Courcelle, ont été choqués par la non-intervention des CRS, présents à trois cents mètres. Par conséquent, pour notre mission d'enquête, il s'agit là d'un événement, peut-être pas très important, mais emblématique de l'absence de police pour des raisons que l'on ne s'explique pas totalement et d'une police parallèle d'un mouvement politique.

    D'où ma question : pourriez-vous expliquer cette absence de réaction de la police qui ne me convainc pas totalement, sauf à dire « Laissons ces gens-là s'étriper entre eux ; ils sont à égalité, on verra après. » ? Cela m'inquiète.

M. Denis PRIEUR : Il ne s'agissait pas du tout de cela.

    La description que j'ai eue de la situation fut celle d'une échauffourée, peu après le début de la réunion, selon moi liée à l'arrivée de M. Bruno Gollnisch, puis une période de calme pendant un long temps. Une nouvelle échauffourée est survenue vers 23 h 15. Dans l'intervalle, les groupes se tenaient à distance l'un de l'autre. Je n'ai pas reçu d'informations relatives à des heurts au cours de cette période intermédiaire ni d'éléments selon lesquels l'ordre aurait été maintenu, au cours de cette soirée, par le service d'ordre du Front National. Les éléments dont je disposais faisaient état de la présence d'un groupe de jeunes et du service d'ordre du Front National, les deux se tenant à distance respective. Il y eut, par moment, des cris et des invectives, habituels dans ce type de situation.

    Les images que j'ai vues, comme tout le monde, ne sont pas continues dans le temps. Elles correspondent à des moments où survenait un incident, elles ne reflètent pas de manière formelle ce qui a choqué les gens, à savoir la présence constante de membres du DPS en tenue.

    Je ne peux administrer la preuve que si d'autres dispositions avaient été prises, la situation aurait dégénéré davantage. Je pense qu'il a été relativement censé et raisonnable de ne pas accroître les ferments de risques et de tensions débouchant sur des gestes violents. L'on sait bien que des charges policières peuvent avoir des conséquences difficiles à canaliser ou à contrôler. Cette attitude, dont je conçois qu'elle ait pu être interprétée comme une absence a, en réalité, favorisé une issue à peu près acceptable, non en termes d'image - certainement -, peut-être pas en symbole, mais en termes de bilan corporel et de préjudices au cours de cette soirée.

M. le Président : N'étant pas sur place, vous dites avoir réagi en fonction des informations dont vous disposiez.

    Juste après le début du meeting - dans cette période où d'après les informations qui vous sont parvenues il n'y avait pas d'affrontement -, les journalistes présents ont déclaré : « Nous assistons aussitôt à une confrontation qui a lieu entre des membres du DPS - habillés dans la tenue décrite précédemment - et une cinquantaine de jeunes, visiblement du quartier voisin. »

    « La stratégie du DPS est double : un groupe est chargé de contenir l'avancée des jeunes manifestants vers le centre nautique, tandis que le second protège l'accès du Centre, en détournant les voitures qui n'étaient pas identifiées comme venant assister au meeting. Cela dure une heure et demie à deux heures, pendant lesquelles on nous laisse filmer et faire des interviews. »

    Si les faits se sont déroulés comme les journalistes sur place l'ont rapporté, estimez-vous que cette situation a été normale ?

M. Denis PRIEUR : Je ne puis être formel sur le fait que les choses se soient passées ainsi. Mais si cela a été le cas, je ne peux trouver cela normal.

    Cela dit, la question est de savoir quelle est la réponse appropriée. La réponse adaptée peut être éventuellement imaginée dans la salle de rédaction d'un journal ; on ne l'imagine pas forcément de la même façon lorsque l'on est sur les lieux et que l'on a plusieurs objectifs à atteindre et à concilier. Il faut être tout à fait honnête sur la préoccupation principale de ceux qui avaient une responsabilité en matière de sécurité au cours de cette soirée : elle visait à éviter que les jeunes manifestants, effectivement venus de quartiers voisins, qui proféraient des injures, des invectives, projectiles à la main, gardent toute leur vie des traces et des séquelles de leur présence à la manifestation.

    La préoccupation principale du responsable sur place consistait en quelque sorte à ne pas intervenir tant que les limites n'étaient pas dépassées, avant de prendre une décision qui aurait pu déboucher sur des blessures. En fonction de l'objectif qui était que cette soirée se termine sans incidents gravissimes, l'action de la police a été tournée au moins autant vers les jeunes venus pour se frotter au Front National que vers les membres du département protection et sécurité. En quelque sorte, la police aurait eu, dans une intervention à chaud et de force, à prendre en compte deux cibles, ce qui, je le pense, aurait probablement débouché sur des conséquences et des troubles plus grands en termes de bilan corporel, non en termes de troubles à des conceptions républicaines auxquelles nous sommes tous attachés.

M. le Président : C'est la première fois que l'on voit, en tout cas à la télévision, des membres du DPS - les unités mobiles d'intervention - habillés d'une manière très proche de celle des CRS. Il y a, en quelque sorte, usurpation d'uniforme. Est-ce votre sentiment ?

M. Denis PRIEUR : C'est là un domaine où je suis insuffisamment assuré pour m'avancer.

    Quels sont les faits ? Si l'on se réfère aux images tournées par la télévision, il s'agit d'hommes habillés de combinaisons bleues ou noires - il faisait nuit -, en tout cas sombres, certains portant casquettes, d'autres des casques de motocyclistes. Il est assez difficile de qualifier le fait d'usurpation d'uniformes. Le port d'uniforme suppose, non seulement un équipement général, une tenue vestimentaire, mais également des écussons, des signes distinctifs, des éléments qui ne laissent aucun doute sur l'appartenance à une force organisée et dûment mandatée par la République pour la protection de ses citoyens.

M. le Président : Cela explique-t-il l'absence de poursuites ?

M. Denis PRIEUR : C'est un domaine qui ne relève pas de ma compétence.

M. le Président : Vous étiez au courant, vous étiez préfet.

M. Denis PRIEUR : Non, monsieur le Président, ainsi que je l'ai expliqué, l'information sur la tenue exacte des membres du service d'ordre du Front National m'est parvenue sous la forme d'images diffusées ensuite.

M. le Président : Le maire a porté plainte, mais aucune poursuite n'a été engagée postérieurement. Est-ce pour la raison que vous venez de dire ?

M. Denis PRIEUR : Je ne puis répondre à cette question, qui relève du domaine judiciaire.

M. le Président : Vous avez tout de même une conviction. Pensez-vous que le parquet aurait dû poursuivre ?

M. Denis PRIEUR : J'imagine qu'il doit être très difficile de qualifier de façon précise un délit ou une infraction sur ce type de problème. Certaines tenues peuvent prêter à confusion, telles les tenues de motards ou de motocyclistes. Qu'est-ce qui caractérise un délit où il y a manifestement intention de se faire passer pour ce que l'on n'est pas ? C'est difficile à déterminer de façon précise sur le plan pénal.

M. le Président : Vous avez indiqué que des jeunes lançaient des pierres en pensant qu'ils affrontaient le service d'ordre de la police.

M. Denis PRIEUR : J'ai cité cela comme un fait que l'on a entendu ; je n'ai aucune preuve que ce soit la vérité.

M. le Président : Ne pensez-vous pas qu'en portant cette tenue, les membres du DPS avaient l'intention de « paraître comme... » ?

M. Denis PRIEUR : Cela paraît vraisemblable, dans la mesure où ce serait cohérent avec les connotations qui s'attachent au Front National et plus particulièrement à son service d'ordre : idéologie sur la force, sur l'autorité. Elles laissent à penser que ce n'était pas un hasard s'ils étaient vêtus ainsi et non avec des survêtements de couleur orange ou jaune.

M. le Rapporteur : Je comprends votre position. En effet, la nuit tous les chats sont gris et un survêtement noir ou une tenue de motard peut ressembler étrangement dans le feu de l'action à une tenue de gendarme mobile ou de gardien des compagnies républicaines de sécurité. Il me semble toutefois qu'en la circonstance, il ne s'agissait pas de tenues tout à fait banales, puisque la presse parle « d'accoutrements ressemblant étrangement à celui des CRS : casques, boucliers en plexiglas, matraques, tenues noires et bottes ». C'était vraiment là des CRS déguisés !

    Les rapports de police indiquent que « les membres du DPS, se sont signalés de façon ostensible par la tenue vestimentaire - pantalons et blousons de toile bleu foncé, par le matériel utilisé - casques à visière plexiglas amovible, boucliers rectangulaires transparents, bombes lacrymogènes à la ceinture -, uniformes et équipements faisant croire à la présence de policiers, de forces officielles. »

    Les événements se sont produits en deux temps.

    Lors de l'entrée de M. Bruno Gollnisch, les membres du DPS ont chargé une première fois avec des bombes lacrymogènes, ce qui n'est pas une charge normale de manifestants. Autant les forces de police en retrait ont pu être surprises à ce moment-là, autant je ne comprends pas que, à nouveau, à la fin de la manifestation, elles n'aient pas considéré qu'elles avaient affaire à un service d'ordre peu habituel et qu'il convenait d'intervenir. Autrement, cela revient à dire que les policiers sont plus dangereux pour rétablir l'ordre que le service d'ordre d'un parti politique, ce qui paraît inquiétant.

    Certes, cela ne s'est pas trop mal passé, mais on a eu l'impression d'une carence des services de police - voilà ce qui m'inquiète dans cette manifestation. C'est vrai, il n'y a pas eu trop de dégâts, mais était-il normal que l'on dise : « Mieux vaut que ces gens-là se tapent dessus entre eux plutôt que de faire intervenir la police » ?

M. Denis PRIEUR : Je comprends bien toutes ces questions, monsieur le rapporteur.

    Nous n'avions pas pour a priori de laisser les deux camps s'affronter.

    Par ailleurs, il n'était pas nécessaire qu'intervienne une instruction de ma part pour constater un fait délictueux, s'il était constatable. Il existe une différence entre voir une personne dans la rue en milieu d'après-midi - dans des conditions tout à fait normales - déambuler dans une tenue qui peut susciter une interpellation au motif que vous indiquez, et le faire dans les circonstances comme celles de la soirée que nous évoquons. L'atmosphère était fortement chargée d'électricité. La priorité a été, à tort ou à raison
    - mais le bilan d'ensemble laisse à penser que ce n'est pas tout blanc ou tout noir - d'éviter toutes conséquences gravissimes pour les personnes plutôt que de mettre fin à un scandale, si l'on peut me permettre cette expression, un scandale tenant au fait que des personnes s'étaient pour une soirée arrogé un rôle qui n'était certes pas le leur.

    Une fois de plus, le déroulement souhaité au cours de cette soirée par toutes les personnes responsables, toutes celles qui avaient de fortes convictions et dont le souci était de ne pas faire bon marché de l'intégrité physique des gens, consistait à limiter les relations entre les personnes ayant clairement manifesté devant l'Hôtel de ville leur opposition à la manifestation du Front National et les quelques dizaines de personnes qui avaient choisi d'assister à la réunion publique dans un local mis à disposition du mouvement.

M. le Président : Maintenant que l'on sait la façon dont cela s'est passé, que vous avez vu des images, que vous avez donc d'autres informations, pensez-vous qu'il aurait été souhaitable de prendre des dispositions différentes de celles prises à l'époque ?

M. Denis PRIEUR : Chaque situation étant unique, il est difficile d'apporter une réponse générale en termes de préservation de la sécurité ou de l'ordre public.

    Une réunion était organisée par le Front National, avec une campagne d'affichage intensif ayant reçu peu d'échos. Que pour cette seule raison, on ait déployé des forces uniquement destinées à permettre à M. Bruno Gollnisch d'arriver triomphalement entre une haie de policiers n'eût pas été acceptable.

M. le Président : L'ancien ministre de l'Intérieur, M. Jean-Louis Debré, que nous avons auditionné, a déclaré que c'est à partir des événements de Montceau-les-Mines, qu'il s'est posé la question de l'interdiction du DPS.

    Si j'en crois le rapport d'un journaliste - mais peut-être la formule n'est-elle pas avérée -, celui-ci affirme qu'après ces événements, il a interrogé le directeur de la police nationale qui lui aurait dit - je souligne le conditionnel : « Ce sont des événements regrettables. Il faut que l'on soit plus vigilant pour que cela ne se reproduise pas. ».

M. Denis PRIEUR : Vous apportez vous-même la réponse en utilisant le conditionnel, monsieur le Président.

M. le Président : Nous sommes tout de même étonnés de l'absence de poursuites. Il est clair qu'une combinaison sans insignes ne tombe pas forcément sous le coup d'infraction pour port illégal d'uniformes, mais dans les circonstances où cela s'est passé, l'intention était nette. Nous avons le sentiment que la situation a été sous-estimée ; peut-être a-t-on fait une erreur d'appréciation, ce qui peut se comprendre, sur le déroulement futur des événements - il y a eu imprévu. Il n'y a pas eu que de l'imprévu. C'est pourquoi nous nous étonnons de l'absence ultérieure de poursuites alors même que les plus hautes autorités de l'Etat semblaient se préoccuper de ce qui s'était passé à Montceau-les-Mines.

M. Denis PRIEUR : Je n'ai rien enclenché de cette nature. Après coup, j'ai rendu compte du déroulement des événements. Un compte rendu a également été adressé au procureur de la République. S'il s'agissait de déclencher des poursuites, je n'étais pas celui qui, de façon la plus naturelle ou la plus directe, était à même d'y procéder. Je ne le pense pas.

M. le Rapporteur : Nous enquêtons sur le fonctionnement du DPS ainsi que sur les quelques « ratés » qu'il a pu y avoir. Je cite Montceau-les-Mines, une manifestation salle Wagram avec dépôt de gerbe impromptu à l'Arc de Triomphe, Strasbourg... Nous essayons donc de décortiquer ces affaires, car il faut bien vous avouer que dans un premier temps les responsables du ministère de l'Intérieur que nous avions entendus semblaient faire preuve d'une absence quasi totale de curiosité. Il nous a fallu aller plus au fond.

    Je vous poserai deux questions.

    Aviez-vous reçu, comme cela peut se passer, des instructions du ministre de l'Intérieur ou de son cabinet à propos de cette manifestation ?

    Une enquête de commandement a-t-elle été diligentée à son issue ?

M. Denis PRIEUR : Non, je n'avais pas reçu d'instructions particulières. Compte tenu de la façon dont les choses se présentaient, il était difficile d'imaginer un tel déroulement, en particulier que cela resterait dans les annales comme un événement aussi exceptionnel.

    Par ailleurs, je n'ai pas connaissance d'enquête conduite par la suite ; en tout cas, je n'ai pas été interrogé.

    J'ai procédé à deux rapports : l'un le lendemain, le 26 octobre, assez bref ; un autre le 28 ou le 29, un peu plus développé, dans la mesure où, entre-temps, des commentaires avaient été portés sur le déroulement de la soirée et que le premier, assez concis, appelait certainement, pour l'information du ministre, des développements. Je n'ai pas eu par la suite à faire d'autres communications sur le sujet.

M. le Président : Monsieur le préfet, nous vous remercions.

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    Audition de M. Christian BERNARD, commissaire divisionnaire à la direction départementale de la sécurité publique de Saône et Loire

(extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 24 mars 1999)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Christian Bernard est introduit.

    M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Christian Bernard prête serment.

M. le Président : Monsieur Bernard, vous étiez, et vous l'êtes toujours, responsable de la sécurité dans ce département et présent sur les lieux au moment des événements qui se sont déroulés à Montceau-les-Mines. De nombreux témoignages recueillis par la Commission conduisent, en effet, à s'interroger sur l'attitude des forces de l'ordre lors de ces événements. C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre.

M. Christian BERNARD : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ferai un bref exposé des événements vus depuis la direction départementale de la sécurité publique.

    Mes services ont été informés, dans le courant du mois d'octobre 1996, de l'organisation d'une réunion du Front National par M. Gérard Collinot - à l'époque conseiller régional et conseiller municipal de Montceau-les-Mines -, avec la venue de M. Bruno Gollnisch. Dans le même temps, un rassemblement de protestation de plusieurs organisations politiques ou syndicales nous a été signalé.

    Une réunion préparatoire au service d'ordre s'est tenue à la préfecture, quelques jours avant les faits du 25 octobre, et un dispositif a été arrêté après une large concertation avec M. le préfet, son directeur de cabinet, le directeur départemental des renseignements généraux et moi-même.

    Ce dispositif consistait à prévoir une force d'intervention pour le cas où les événements se dérouleraient d'une façon difficile. Une CRS a été demandée à la direction générale de la police nationale, une équipe de maintien de l'ordre composée de vingt fonctionnaires locaux a été constituée et une équipe de surveillance, composée de deux officiers, a été mise sur pied afin d'assurer le suivi des faits se produisant aux abords du centre nautique où se tiendrait cette réunion.

    M. le préfet m'a donné des consignes d'intervention. Il m'a demandé d'abord d'assurer personnellement la direction du service d'ordre en lieu et place du commissaire local qui m'assisterait. Il m'a ensuite demandé de ne pas prépositionner sur le site d'éléments de force de l'ordre, qu'il s'agisse de forces de sécurité publique ou de forces de CRS. En aucun cas il ne fallait que l'on puisse dire que la police nationale assurait la protection d'une réunion du Front National.

    Les consignes d'intervention étaient simples : nous ne devions intervenir qu'en cas d'échanges physiques, graves et avérés, et sur réquisition. Je devais, bien sûr, tout au long de la soirée, tenir informée l'autorité préfectorale.

    Comment s'est déroulée la soirée du 25 octobre 1996 ? Un premier rassemblement de protestation de 300, 350 personnes s'est tenu devant l'hôtel de ville, tout à fait calme, entre 18 et 20 heures. La réunion du Front National a débuté à 20 heures 30. Auparavant, dès 19 heures 30, des membres du service de sécurité du Front National se sont prépositionnés sur le parking qui jouxte le centre nautique où se tenait la réunion, qui rassemblait environ 80 personnes.

    Dès la fin du premier rassemblement, une soixantaine de personnes se sont rendues au centre nautique qui se situait à deux kilomètres de l'hôtel de ville, pour y protester à l'entrée.

    Je me trouvais alors à la salle radio du commissariat, à l'écoute de mon équipe d'officiers chargés du renseignement ; les CRS prépositionnés à la compagnie de gendarmerie et les éléments de sécurité publique étaient prêts à intervenir.

    A 20 heures 45, j'ai été informé qu'un bref contact physique entre les membres du DPS et les contre-manifestants s'était produit à l'arrivée de M. Bruno Gollnisch, avec usage de bombes de gaz lacrymogène. Les individus qui ont chargé pour dégager l'entrée du centre nautique ne portaient, à ce moment-là, ni casque ni bouclier.

    Suite à ce premier contact, une jeune fille a été légèrement blessée et conduite à l'hôpital. Mais nous avons appris, le lendemain, que deux autres personnes avaient été blessées au cours de ce premier contact. Trois plaintes ont donc été déposées, avec une incapacité de trois jours.

    A la suite de ce premier contact, des jets de projectiles et des insultes ont été échangés, les manifestants croyant avoir affaire à des policiers, puisque lors des jets de projectiles une quinzaine de membres du DPS s'étaient harnachés de boucliers et de casques.

    De 20 heures 50 - à l'issue de ce premier contact - jusqu'à 23 heures, nous avons assisté à des montées des membres du DPS vers les contre-manifestants qui reculaient, afin de gagner du terrain sur le parking - mais sans aucun contact physique. Vers 23 heures, voyant venir la fin de la réunion et pensant que des événements plus graves pouvaient se produire, j'ai demandé à M. le préfet de faire avancer les éléments de sécurité publique à côté du site et de mettre en alerte la CRS. Ce qui a été fait immédiatement.

    Au moment où nous prépositionnions nos forces, la personnalité quittait le centre nautique et un second contact physique se produisait entre le DPS et les contre-manifestants. Nous intervenions alors avec les sapeurs-pompiers et nous avons été lapidés ; deux véhicules ont été endommagés. Nous protégions les pompiers qui récupéraient un blessé du Front National qui n'a d'ailleurs déposé aucune plainte.

    Après 23 heures, des patrouilles générales ont été effectuées sur la circonscription et la fin de service a été officielle à 0 heure trente. Le bilan judiciaire a été le suivant : trois plaintes pour coups et blessures volontaires ; deux noms de responsables présumés du DPS ont été consignés sur ces procès-verbaux qui ont été transmis au procureur de la République de Chalon-sur-Saône, les auditions des responsables présumés ne pouvant être réalisées par mes services, puisqu'ils habitaient en zone de gendarmerie.

M. le Président : Par vos propos, vous confirmez ce que nous ont rapporté les journalistes présents sur les lieux, à savoir qu'un premier contact physique a eu lieu vers 20 heures 45, 21 heures, et qu'il s'est produit entre des membres du DPS « en tenue civile » et les contre-manifestants.

    Les journalistes sont ensuite entrés avec Bruno Gollnisch dans la salle pour ressortir peu après. Ils ont alors découvert des membres du DPS habillés avec des uniformes ressemblant à ceux des policiers. Ils nous ont indiqué que pendant une heure, une heure et demie, il y a eu une sorte de régulation entre un groupe de jeunes qui protestaient contre le meeting et les membres du DPS - que l'on pouvait prendre pour des CRS.

    Nous nous interrogeons sur le fait que pendant tout ce temps, ce soit le DPS en uniforme qui ait assuré l'ordre sur la voie publique. N'était-ce pas le rôle des forces de police ? Les images diffusées à la télévision révèlent, en effet, non seulement l'absence des forces de l'ordre, mais également le DPS en train de maintenir l'ordre.

M. Christian BERNARD : Nous avions arrêté, sous l'autorité préfectorale, un schéma de travail. Il était entendu que si des faits graves, avérés et généralisés ne se produisaient pas, on ne s'interposait pas. Si nous avions dû nous interposer avant la réunion, nous aurions été contraints, toute la soirée, d'affronter un groupe ou l'autre, les événements se déroulant sur un immense parking qui permet une grande mobilité. L'action de la police aurait été mal comprise.

    Si nous avions dû nous interposer à chaud, après les premiers heurts légers, le cas de figure aurait été identique. C'est, à mon avis, la sagesse qui a prévalu. J'ai tenu M. le préfet informé du déroulement des faits tout au long de la soirée ainsi que, de leur côté, les renseignements généraux. En mon âme et conscience, je pense que nous avons agi de la meilleure façon pour la protection de l'ordre public ; j'ai conscience que cela n'était pas parfait et que les images diffusées ne militent pas en notre faveur - mais il convient de resituer l'ensemble des événements de la soirée, qui a été très longue.

M. le Président : M. le préfet a insisté hier sur le fait que les UMI ont fait leur apparition pour la première fois à Montceau-les-Mines. Nous pouvons donc comprendre que vous ayez été surpris. Aujourd'hui, agiriez-vous de la même façon ?

    Estimez-vous normal que pendant les meetings du Front National, et en cas de confrontation avec des manifestants, ce soit les membres du DPS - dont les tenues prêtent à confusion - qui assurent l'ordre public ?

M. Christian BERNARD : Je ne trouve évidemment pas normal que les lois de la République soient bafouées. Mais je persiste à penser qu'il n'y avait pas d'autre solution. Si nous nous étions interposés dès le début de la réunion, on nous aurait accusés d'assurer le service d'ordre du Front National, et si nous nous étions interposés à chaud, il est certain que des incidents auraient eu lieu.

    Je voudrais tout de même vous signaler que le groupe de jeunes qui nous a bombardés lors de notre intervention finale, prenaient les membres du DPS pour des policiers - ils ressemblaient d'ailleurs plus à des gendarmes mobiles qu'à des CRS, avec leurs casques bleus et leurs blousons ! Si nous étions intervenus les choses ne se seraient donc pas bien passées non plus.

    C'est à cette occasion qu'on a découvert un DPS dont on ignorait tout. Je pense sincèrement que l'on a agi le moins mal possible. Quoi qu'il en soit, nous étions prêts à intervenir si, après le premier contact physique, d'autres contacts s'étaient produits ; nous avions, pour cela, fait avancer l'unité en fin de soirée.

M. le Rapporteur : Monsieur le commissaire, notre objectif est non de critiquer ou de mettre en cause le préfet ou les forces de police, mais de décortiquer l'un des principaux événements où le DPS est intervenu sous sa forme la plus paramilitaire ou parapolicière.

    Si je comprends la volonté du préfet de ne pas donner l'impression que la police nationale protège une manifestation autorisée d'un parti politique autorisé, nous avons le sentiment que la manifestation des honnêtes gens avait lieu à la mairie, tandis que des petits « loubards » du quartier voisin allaient se « payer » les membres du Front National. Il n'était donc pas question d'intervention, comme vous l'avez dit, pour ramasser des coups puisque ces jeunes prenaient les gens du DPS pour des policiers.

    Ce qui m'inquiète, c'est la carence des services de police dans cette affaire, même s'ils ne voulaient pas, et je le comprends, être pris entre le marteau et l'enclume. Vous nous avez confirmé que le DPS s'était prépositionné sur le parking dès 19 heures 30 ; on a donc laissé un service d'ordre d'une formation politique assurer l'ordre sur un lieu public. Cette carence des services de police a été remarquée non seulement par les journalistes indépendants, mais également par les membres du Front National qui se sont plaints de la non intervention des forces de l'ordre lorsqu'ils ont demandé de l'aide. Pourquoi cette absence, compréhensible la première fois mais beaucoup moins la deuxième ?

M. Christian BERNARD : Je voudrais vous préciser que les membres du DPS qui s'étaient prépositionnés sur le parking à 19 heures 30, ne portaient ni casque ni bouclier
- ils ont revêtu la tenue paramilitaire après les premiers heurts, c'est-à-dire après 20 heures 45. Il était donc difficile d'intervenir à ce moment-là.

    Quant aux appels à l'aide, M. Bruno Gollnisch a effectivement appelé le commissaire de Montceau-les-Mines, non pas pour lui demander de l'aide, mais pour lui demander d'assurer la protection de la salle. Cet appel a été donné de sa voiture avant son arrivée à Montceau-les-Mines. Il lui a été répondu que les forces de police n'assuraient pas le service d'ordre d'une réunion politique.

M. le Président : Entre 21 heures et 23 heures, vos officiers vous ont-ils informé que les membres du DPS avaient revêtu une tenue différente ?

M. Christian BERNARD : Oui, nous l'avons su à 21 heures. Les communications radio ont eu lieu toute la soirée et étaient immédiatement répercutées à l'autorité préfectorale.

M. Arthur PAECHT : Monsieur le commissaire, je voudrais que l'on se replace dans l'ambiance de cette soirée. Vous êtes au PC, en liaison avec l'autorité préfectorale et les forces de l'ordre sur le terrain. Le premier événement est l'arrivée d'une quarantaine de membres du DPS, en tenue n° 1, qui viennent se prépositionner sur le parking. Vous êtes aussitôt averti.

      Je suppose qu'à ce moment-là vous avez essayé de savoir s'il y a un chef, s'ils obéissent à quelqu'un, s'ils sont entourés... Quelles informations précises vous ont été transmises : qu'il s'agissait de personnes en faction ou d'un groupe très organisé ?

    Par ailleurs, vous nous dites que certains membres du DPS ont revêtu, un peu plus tard, une tenue paramilitaire. Comment cela s'est-il passé ? Ces personnes avaient-elles des sacs à côté d'elles, ou s'agissait-il de personnes différentes ?

    Enfin, avez-vous eu l'impression d'avoir affaire à des personnes entraînées, formées, qui obéissaient à des ordres ?

M. Christian BERNARD : Le centre nautique est un bâtiment construit à l'écart de la ville sur un très grand parking avec accès libre. Il y a une piscine qui était alors ouverte au public ; il y avait donc un mouvement de personnes étrangères au Front National et au groupe de contre-manifestants ; la situation n'était donc ni très claire ni très figée.

    Les membres du DPS sont arrivés en voiture - notamment dans une Espace - et ont pris position sur le parking, mais pas d'une façon militaire. Les changements de tenue se sont faits sur le parking près des voitures, les tenues étant dans les coffres.

    Lorsque les man_uvres des membres du DPS casqués nous ont été relatées, il m'a paru évident qu'il existait une véritable coordination laissant penser qu'il ne s'agissait pas d'une improvisation. Le maintien de l'ordre, ça s'apprend. Nous les avons notamment vus regagner un rond-point pour fluidifier le trafic et pouvoir extraire la personnalité, man_uvre qui n'est pas innée.

M. Arthur PAECHT : Vous nous dites, donc, que la piscine était ouverte et que, de ce fait, de nombreuses personnes étrangères à la fois au Front National et au groupe de contre-manifestants étaient présentes. Cela n'aurait-il pas dû vous inciter à reprendre possession des lieux pour protéger les personnes qui étaient là, puisque vous saviez qu'il y avait manifestation et contre-manifestation ?

M. Christian BERNARD : Nous n'étions pas sûrs que la contre-manifestation aurait lieu. A l'issue de la réunion qui s'est déroulée devant l'hôtel de ville, les partis politiques et les syndicats n'ont pas incité les manifestants à aller au-devant du Front National. Au contraire.

M. Arthur PAECHT : La contre-manifestation était donc spontanée ?

M. Christian BERNARD : Spontanée, je ne sais pas, mais elle n'était pas annoncée.

M. Arthur PAECHT : Vous ne saviez pas que des personnes du service d'ordre allaient venir en uniformes, avec des casques et des boucliers ? C'était vraiment l'effet de surprise !

M. Christian BERNARD : Les renseignements généraux nous avaient parlé du DPS, mais personne n'était capable de dire qui allait venir, combien, comment et dans quelle tenue.

M. le Président : Lorsque vous l'avez appris - vers 21 heures -, vous avez immédiatement prévenu le préfet ?

M. Christian BERNARD : Bien sûr.

M. le Président : Et cela ne vous a pas incité à intervenir ?

M. Christian BERNARD : Non, nous nous en sommes tenus au schéma initial, dans la mesure où il n'y a plus eu de contacts physiques après les premiers heurts ; les manifestants reculaient chaque fois que le DPS avançait - et inversement. Le second contact physique a eu lieu lorsque le service d'ordre a voulu extraire la personnalité, mais, là, nous étions sur place - ce qui a certainement permis aux événements de ne pas dégénérer.

M. Arthur PAECHT : La piscine était-elle fermée ?

M. Christian BERNARD : Oui, elle a fermé à l'heure habituelle, vers 22 heures.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Monsieur le commissaire, il n'est pas rare, lorsqu'une manifestation du Front National est annoncée, que des contre-manifestations soient prévues. Il n'est pas rare non plus que certains contre-manifestants aillent au plus près de la réunion pour manifester encore davantage leur hostilité à l'encontre du Front National. C'est visiblement ce qui s'est passé à Montceau-les-Mines.

    N'avez-vous à aucun moment imaginé que des contre-manifestants pourraient se rendre au centre nautique ? Dans l'affirmative, avez-vous tenté de discuter avec ces personnes ? Avez-vous pu identifier s'il s'agissait de jeunes loubards ? Les renseignements généraux ou les policiers ont-ils pris contact avec les personnes qui se rendaient sur les lieux de la réunion ?

M. Christian BERNARD : Bien entendu, nous avions prévu qu'il pouvait y avoir une contre-manifestation et c'est la raison pour laquelle M. le préfet avait demandé une CRS.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Les renseignements généraux vous ont-ils donné des informations ?

M. Christian BERNARD : Bien sûr, nous étions en contact radio.

    S'agissant de votre deuxième question, le groupe de personnes qui s'est rendu au centre nautique n'était certainement pas composé que de loubards - les blessés, de jeunes étudiants ou jeunes travailleurs, n'en étaient d'ailleurs pas.

    Pour le reste, j'ai rendu compte de toutes les informations que je possédais, et mon collègue des RG en a fait autant.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Parmi les contre-manifestants, avez-vous identifié une tête de file ? Ne les avez-vous pas contactés pour les dissuader de se rendre au centre nautique ? J'ai l'impression qu'on a laissé faire cette contre-manifestation tout en sachant que cela pouvait tourner mal, puisque une compagnie de CRS avait été appelée !

M. Christian BERNARD : Il n'y avait aucune tête de file. Il s'agissait d'une manifestation très inorganisée, très confuse. Ils sont arrivés chacun de leur côté, à pied ou en voiture, et nous n'avons eu aucun contact avec eux.

M. le Président : Je voudrais revenir sur les membres du DPS habillés dans des tenues comparables à celles des forces de l'ordre. Il y a là un problème d'usurpation d'uniforme ; y a-t-il eu des poursuites ?

M. Christian BERNARD : Nous avons enregistré trois plaintes pour faits de violence sur trois jeunes contre-manifestants. Nous avons identifié deux personnes pouvant être des dirigeants, au moins sur le terrain, de ce groupe. Tout cela a été consigné en procédure et transmis au procureur de la République de Châlon-sur-Saône, étant entendu que ces gens n'étaient pas domiciliés sur notre ressort géographique.

M. le Rapporteur : Certes, mais il s'agit là de plaintes pour coups et blessures et non pas pour port d'armes prohibé ou pour usurpation d'uniformes.

M. Christian BERNARD : Les plaintes pouvaient très bien déboucher sur ce chef d'accusation, en faisant apparaître que l'équipement des membres du DPS était proche de celui des forces de l'ordre. Il était tout à fait possible de poursuivre. Mais c'est au parquet de décider.

M. le Président : D'après nos renseignements, il ne l'a pas fait. On peut penser que l'état d'esprit de l'époque a justifié le fait qu'il n'y ait pas de poursuites.

M. Christian BERNARD : Avec le recul, - je connais, par la presse, les événements survenus ailleurs - on peut voir les choses autrement. Mais il convient de ne pas oublier que les faits se sont déroulés il y a trois ans et que l'on ne savait pratiquement rien de ce groupe. Nous avons essayé de gérer au mieux.

M. Arthur PAECHT : Ce n'est pas une attaque personnelle, mais nous avons l'impression que les forces de l'ordre se sont comportées davantage en forces de contemplation qu'en forces d'interposition. Cela est d'autant plus grave que les contre-manifestants ont pu penser que les forces de l'ordre étaient vraiment présentes pour s'interposer. A la lumière de cette expérience, ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu occuper ce parking et ne pas laisser les membres du DPS en prendre possession ?

M. Christian BERNARD : Les lieux ne sont vraiment pas faciles à tenir et une compagnie n'y aurait pas suffi. En outre, il ne s'agissait pas de manifestations très organisées : d'un côté, il y avait le DPS, très compact, et, de l'autre, des électrons libres qui jetaient des pierres.

    Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les jeunes qui ont soi-disant regretté notre absence étaient persuadés de nous jeter des pierres, pensant avoir affaire à des policiers ! Et le Front National qui a crié à la « non assistance à personne en danger » a employé des méthodes qui ont pu laisser croire que... le danger n'était peut-être pas là.

M. Arthur PAECHT : Vous voulez dire qu'ils se sentaient protégés ?

M. Christian BERNARD : Non, mais ils se sentaient en supériorité physique par rapport aux jeunes.

M. Arthur PAECHT : Avez-vous l'impression qu'ils se sentaient protégés par les forces de l'ordre ?

M. Christian BERNARD : Non, puisque l'organisateur du meeting a ensuite déposé une plainte contre M. le préfet pour non assistance à personne en danger.

M. le Président : Le ministre de l'intérieur de l'époque nous a dit, lors de son audition, que c'était ces événements qui l'avaient conduit à s'interroger sur la question de la dissolution du DPS. En outre, un journaliste nous a rapporté que, interpellant le directeur de la police nationale de l'époque, celui-ci lui aurait répondu que ces éléments étaient regrettables et qu'il fallait que l'on soit plus vigilant pour que cela ne se reproduise pas. Y a-t-il eu une enquête de commandement ?

M. Christian BERNARD : Non.

M. le Président : Ma question ne visait pas votre action, je voulais simplement savoir s'il y avait concordance entre ce que l'on nous a dit et la réalité.

M. Christian BERNARD : J'ai simplement rendu compte par un rapport.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Au regard de ce que vous avez appris lors de cet événement, pensez-vous que les membres du DPS ont eu une attitude provocatrice, et qu'ils profitent de ces contre-manifestations pour se faire remarquer ?

M. Christian BERNARD : Je ne saurais répondre à votre question, mais je ne suis pas sûr qu'ils tirent un grand bénéfice de ce type d'agissements dans l'opinion départementale. Quant à la provocation, elle venait des deux côtés. Les jeunes sont arrivés avec des cailloux et des canettes de bières ; il y a eu une mêlée au départ ; ça va très vite. Ce n'est jamais très tranché en maintien de l'ordre.

    Referions-nous la même chose ? Je ne sais. C'est sur le terrain qu'on sent les choses.

    On nous reproche de ne pas être intervenus, mais compte tenu de nos connaissances et de la topographie du terrain, nous ne pouvions rien faire d'autre. Sauf à s'interposer, mais à quel prix ? Et au bénéfice politique de qui ? Nous aurions dû affronter les manifestants, faire bouclier et recevoir tout ce qui volait !

M. Arthur PAECHT : Vous vous demandez « au bénéfice politique de qui ». Mais l'action du service d'ordre se fait au bénéfice de la sécurité publique. Elle n'est jamais envisagée en fonction d'un quelconque bénéfice politique.

M. Christian BERNARD : Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le député. Mais l'on finit par inhiber les forces de l'ordre, qui sont en permanence en train de peser leurs actions en se demandant quelle sera l'analyse de ce qu'elles font ou ne font pas... ! Effectivement, nous sommes uniquement au service de la loi. C'est évident.

M. le Rapporteur : Pourquoi le centre nautique a-t-il été choisi comme lieu de réunion ? Etait-ce parce qu'il est éloigné de la ville ? Etait-il susceptible d'être mieux tenu ?

    Par ailleurs, combien étaient les manifestants et quels étaient les effectifs des forces de l'ordre ? Combien de temps auraient mis ces forces de l'ordre pour se déplacer de leur position au lieu de la bagarre si celle-ci avait pris un tour plus dramatique ?

M. Christian BERNARD : Nous ne sommes pas intervenus sur le choix du centre nautique. C'est la mairie de Montceau-les-Mines qui a loué cette salle. Nous n'avons pas été consultés.

    Les manifestants étaient une soixantaine, alors que l'on comptait une quarantaine de membres du DPS, dont quinze en tenue paramilitaire. Les forces de l'ordre étaient composées de vingt fonctionnaires de sécurité publique et d'une CRS de quatre-vingts policiers environ. Enfin, s'agissant du temps d'intervention, les forces de l'ordre étaient stationnées à vue, soit à cinq minutes.

M. André VAUCHEZ : Monsieur le commissaire, vous confirmez donc que la tenue que portaient certains membres du DPS ce soir-là pouvait être confondue avec les uniformes des policiers. Ne pensez-vous pas que le fait de porter ces vêtements est provocateur ?

M. Christian BERNARD : Il s'agissait d'une tenue proche de celle portée par les gendarmes mobiles - casque bleu, blouson foncé et pantalon d'une couleur un peu différente. Est-ce provocateur ? Evidemment, ce n'est pas une tenue dans laquelle il est habituel de se promener. Je dois dire que l'effet de surprise a été total : c'est à Montceau-les-Mines qu'on les a vus dans cette tenue pour la première fois.

M. le Président : Monsieur le commissaire divisionnaire, je vous remercie.

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Audition de M. Gérard LE VERT,

    responsable du service d'ordre du Mouvement National

(extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 24 mars 1999)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Gérard Le Vert est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Gérard Le Vert prête serment.

M. Gérard LE VERT : J'ai été l'un des responsables du DPS et je suis actuellement le responsable de la structure de sécurité de M. Bruno Mégret.

M. le Président : Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter le DPS pour M. Bruno Mégret ?

M. Gérard LE VERT : J'ai été poussé dehors par M. Jean-Marie Le Pen au moment de la scission qui s'est produite à la fin de l'année dernière. Je voulais continuer à assurer la sécurité aussi bien de M. Bruno Mégret que de M. Jean-Marie Le Pen et des différentes réunions, mais on m'a dit que ce n'était pas possible et qu'il fallait que je fasse un choix. Par conséquent, j'ai fait un choix !

M. le Président : Quelles responsabilités aviez-vous au DPS ?

M. Gérard LE VERT : J'étais chargé de mission, aux côtés de M. Bernard Courcelle.

M. le Président : Comment avez-vous accédé aux responsabilités qui sont les vôtres au sein du DPA ?

M. Gérard LE VERT : Tout simplement à la demande de M. Bruno Mégret.

M. Jacky DARNE : M. Bernard Courcelle nous a indiqué qu'il était également chargé de mission et rémunéré en tant que tel. J'aimerais donc savoir quel était votre statut : étiez-vous rémunéré, salarié - si tel est le cas, pourriez-vous nous dire si vous avez été licencié ? -, quelles étaient vos fonctions exactes, quels étaient vos supérieurs hiérarchiques, de qui receviez-vous vos ordres et quel était votre champ de compétences ?

M. Gérard LE VERT : J'étais complètement bénévole : je n'ai jamais été payé. A ma connaissance, il n'y avait que deux salariés au DPS, ainsi que M. Bernard Courcelle a dû vous le dire : M. Bernard Courcelle lui-même et sa secrétaire. M. Bernard Courcelle était mon responsable et je n'avais donc affaire directement qu'à lui pour préparer les manifestations importantes. En conséquence, j'étais à Paris occasionnellement et ponctuellement, en fonction de sa demande pour lui donner un coup de main lors de la préparation des manifestations.

M. le Président : Puisque vous étiez chargé de mission quelles étaient les missions qui vous incombaient ?

M. Gérard LE VERT : La préparation de la fête des « Bleu Blanc Rouge », de la fête de Jeanne d'Arc ou des meetings nationaux. Il s'agissait d'organiser la sécurité, de rencontrer les autorités de police ou les autorités préfectorales, bref, de prendre toutes les mesures et les renseignements pour que tout se passe le mieux possible.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : J'aimerais savoir très exactement comment les choses se passaient lorsque vous aviez une mission à accomplir : de combien de personnes disposiez-vous, comment était organisé le service d'ordre ? Par ailleurs, est-ce que, dans vos nouvelles fonctions, l'organisation est similaire et, si ce n'est pas le cas, quelles sont les différences ?

M. Gérard LE VERT : Je ne m'exprimerai que sur le DPS qui, je crois, est l'objet de votre commission. Le DPA étant embryonnaire et venant juste de se monter, je ne peux pas encore en parler : c'est beaucoup trop tôt.

    Le DPS était une structure de bénévoles. On ne pouvait jamais savoir à l'avance de combien de personnes on disposerait. Si la manifestation était importante, on essayait d'avoir le maximum de garçons avec nous, mais ce n'était pas toujours évident : on ne savait jamais combien on allait se retrouver pour une manifestation comme le défilé de Jeanne d'Arc, le 1er mai, qui est une manifestation de rue, difficile. Il était impossible de savoir si nous devions compter sur 80, 100 ou 300 personnes.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Comment les trouviez-vous ? Devaient-elles faire acte de candidature ?

M. Gérard LE VERT : C'était des bénévoles que nous avions dans tous les départements et dans toutes les régions. Nous demandions aux différents responsables régionaux ou départementaux quel était l'effectif qu'ils pouvaient nous envoyer pour nous donner un coup de main lors de ces manifestations.

M. le Rapporteur : J'aimerais savoir ce qui vous a conduit - votre formation ou vos sentiments politiques - à être partie prenante dans le service d'ordre du Front National et quels sont vos sentiments à l'égard de mouvements néo-nazis, d'anciens Waffen SS, d'anciens miliciens ou de mouvements païens. M. Bernard Courcelle nous a déclaré à ce sujet qu'il avait horreur de tout ce qui était néo-nazi et racisme primaire.

M. Gérard LE VERT : Je suis entré au Front National très tôt, dès 1973, et j'ai d'abord été militant avant de m'occuper de la sécurité des manifestations. Ce faisant, j'ai abandonné tout militantisme politique pour ne plus m'occuper depuis plusieurs années que de sécurité avec M. Bernard Courcelle.

    Pour ce qui est des mouvements néo-nazis de France, nous avons toujours eu
    - je dis bien toujours - des problèmes avec eux : dans toutes les manifestations, nous les avons eus systématiquement « dans les pattes » et cela s'est toujours mal passé, que ce soit lors des défilés de Jeanne d'Arc ou lors des BBR, avec ceux qu'on appelle les skinheads et les autres. Ce n'est pas récent, cela a toujours été le cas !

M. le Président : Pourtant, vous avez organisé des rencontres de militants néo-nazis dans votre propriété de Saint-Léger-sous-Beuvrais.

M. Gérard LE VERT : Je ne crois pas, monsieur. Je ne pense pas !

M. le Président : On le dit...

M. Gérard LE VERT : On le dit, oui mais on dit beaucoup de choses ... Non, je fais tous les ans les feux de la Saint-Jean, qui sont une pratique courante dans notre région au moment du solstice d'été. On appelle cela chez nous, dans tous nos villages, les feux du solstice, les feux celtiques ou les feux de la Saint-Jean : c'est une tradition populaire ancestrale.

M. le Président : Vous n'avez aucune relation avec le parti nationaliste français ?

M. Gérard LE VERT : Non, aucune !

M. le Président : Et le cercle Charlemagne ?

M. Gérard LE VERT : Aucune non plus !

M. le Président : Vous êtes comme M. Bernard Courcelle, absolument en dehors de tout...

M. Gérard LE VERT : Je suis Front National.

M. le Président : Vous êtes devant une commission d'enquête où vous avez juré de dire toute la vérité...

M. Gérard LE VERT : Oui, monsieur.

M. le Rapporteur : On dit, mais on ne prête qu'aux riches, que vous avez eu des relations avec d'anciens mouvements Waffen SS autrichiens et que vous avez été présent à certaines réunions.

M. Gérard LE VERT : Il est exact que j'ai été présent à une manifestation. Il faut savoir que je suis fils d'officier de Légion, que j'ai donc connu plusieurs sous-officiers de la Légion qui ont fait vingt ans de Légion étrangère, la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie, qui sont décorés, qui se sont battus pour notre pays, dont en particulier un ancien adjudant-chef allemand, aujourd'hui décédé. C'était un sous-officier de mon père, je l'ai connu tout jeune et je lui ai rendu visite en Allemagne et en Autriche. A cette occasion, il m'a effectivement amené à des réunions d'anciens soldats allemands.

M. le Rapporteur : Soldats allemands... Les Waffen SS n'étaient pas tout à fait la même chose que l'armée allemande.

M. Gérard LE VERT : J'y allais avec un ancien légionnaire.

M. le Rapporteur : Là encore on ne prête qu'aux riches, mais j'aimerais savoir si vous avez assisté à des manifestations à la mémoire de miliciens ou d'anciens miliciens « tombés au combat ».

M. Gérard LE VERT : Non !

M. le Président : Quelles étaient vos relations avec M. Bernard Courcelle ?

M. Gérard LE VERT : Très bonnes, amicales.

M. le Président : Avec M. Sidos ?

M. Gérard LE VERT : Lequel ?

M. le Président : M. François-Xavier Sidos.

M. Gérard LE VERT : Je le connais aussi. J'ai travaillé avec lui.

M. le Président : Avec M. Philippe Marie ? ... Vous ne le connaissez pas ?

M. Gérard LE VERT : Non !

M. Arthur PAECHT : Sur le sujet précédent, j'aimerais que M. Le Vert m'apporte une précision : vous accompagniez, dites-vous, cet ancien légionnaire dans des réunions en Autriche et en Allemagne...

M. Gérard LE VERT : Je suis allé me promener en Bavière et en Autriche - ce sont deux pays que j'aime beaucoup, où je vais faire du tourisme - et effectivement, je pouvais être logé chez cet ancien légionnaire.

M. Arthur PAECHT : L'ancien légionnaire, c'est une chose...

M. Gérard LE VERT : Oui, mais pour moi c'est important, c'était le but de ma visite.

M. Arthur PAECHT : J'entends bien, mais il vous est tout de même arrivé de l'accompagner ?

M. Gérard LE VERT : Oui, parce que c'était un ancien de l'armée allemande, entré par la suite dans la Légion.

M. Arthur PAECHT : Mais qu'est-ce qui se passait dans ces manifestations ?

M. Gérard LE VERT : Il y avait beaucoup de discours auxquels je ne comprenais rien puisque je ne parle pas allemand et une messe - je vous parle de la manifestation en Autriche à laquelle j'ai assisté et où j'ai d'ailleurs rencontré M. Jörg Haïder qui est le leader nationaliste autrichien. Voilà. C'est aussi simple que cela !

M. Arthur PAECHT : Vous connaissez personnellement M. Jörg Haïder ?

M. Gérard LE VERT : Non, je ne l'ai rencontré qu'une fois, tout à fait par hasard, au cours de cette manifestation. Il s'agissait d'une rencontre fortuite.

M. Arthur PAECHT : Ce qui m'intéresse, c'est le contenu de ces manifestations auxquelles vous avez assisté.

M. Gérard LE VERT : Je ne vois pas très bien ce que cela a à voir avec le DPS. Il s'agit de déplacements touristiques, d'ordre privé, qui n'ont strictement rien à voir avec mon engagement au Front National : il s'agissait d'une visite touristique chez un sous-officier de mon père que j'ai connu tout jeune, qui me rendait aussi visite régulièrement en France et dont la femme m'avait gardé lorsque j'étais gamin. Je ne peux pas vous en dire plus.

M. Arthur PAECHT : Que les choses soient très claires ! Les enquêtes de personnalité dans les commissions d'enquête n'ont rien de choquant ! Je m'intéresse à votre formation et, lorsque vous vous rendez chez l'un de vos amis - ce qui est parfaitement votre droit -, je voudrais savoir ce qui s'est passé là où vous reconnaissez vous-même l'avoir accompagné. Cela a un rapport très direct avec l'objet de notre Commission.

M. Gérard LE VERT : C'est très simple : le matin, une messe, suivie de discours et d'un déjeuner. Voilà !

M. Arthur PAECHT : Ces discours avaient des thèmes ?

M. Gérard LE VERT : Il m'est difficile de répondre, puisque, je le répète, je ne parle pas allemand...

M. Arthur PAECHT : Et vous n'avez pas demandé qu'on vous les traduise ?

M. Gérard LE VERT : Non !

M. Arthur PAECHT : Vous n'êtes pas curieux...

M. Gérard LE VERT : Non pas très !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Pour ce qui me concerne, je voudrais revenir sur le recrutement du DPS. Vous nous disiez que vous vous efforciez de faire venir le maximum de bénévoles. Comment les receviez-vous, en groupe ou individuellement ? Comment organisiez-vous le service d'ordre ? Quelles étaient les missions que vous leur confiiez, les conseils que vous leur donniez ? Aviez-vous des recommandations écrites ?

M. Gérard LE VERT : Les bénévoles venaient généralement en voiture individuelle, mais si possible groupés pour limiter les frais, ou avec les bus des fédérations qui montaient sur Paris ou sur Lyon lors des manifestations. Ils avaient bien sûr des consignes. Nous nommions des responsables, des chefs de groupe, comme le font toutes les organisations, notamment syndicales. Il fallait impérativement que nous sécurisions nos manifestations qui sont régulièrement attaquées. Il s'agissait donc d'une sécurité tout à fait normale au vu de ce qui se passait et de qui se passe encore dans les manifestations.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous n'avez pas répondu à ma question qui est de savoir si vous les rencontriez avant les manifestations et si vous leur fixiez vous-même un certain nombre de règles.

M. Gérard LE VERT : Nous rencontrions les responsables régionaux - on ne peut pas voir tout le monde - et on leur donnait des consignes d'abord de tenue et de sécurité sur la manifestation.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Qu'entendez-vous par tenue ?

M. Gérard LE VERT : On exigeait une tenue vestimentaire correcte dans la mesure du possible, ce qui n'était pas toujours évident, et on donnait des consignes de tenue sur le terrain.

M. le Président : Par exemple à Montceau-les-Mines - puisque vous y étiez -, c'est vous qui avez donné la consigne d'avoir la tenue n° 2 ?

M. Gérard LE VERT : J'étais effectivement responsable à Montceau-les-Mines et les membres du DPS portaient une tenue de nuit. Nous savions à Montceau-les-Mines que nous allions avoir des problèmes parce que des mots d'ordre avaient été lancés dans les lycées et les bars de la ville pour aller contre-manifester à l'occasion de la venue de M. Bruno Gollnisch dans la ville. Nous nous attendions donc à rencontrer des difficultés.

    J'avais vu le commissaire Bollote à Montceau-les-Mines qui m'avait dit, une semaine auparavant, qu'a priori, il n'y aurait pas de problèmes, mais plus nous avancions dans le temps et plus nous savions que les choses allaient mal se passer. Nous avions vu juste puisque nous avons été agressés tout de suite, alors que les forces de police ne sont intervenues qu'en fin de soirée, quand nous avons eu des blessés.

M. le Président : A Montceau-les-Mines, ce n'est pas sans aucune préparation qu'une quinzaine ou une vingtaine de membres du DPS troquent leur tenue habituelle pour une tenue dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle ressemblait pour le moins à une tenue paramilitaire. Les choses ne se sont pas faites par hasard et je suppose que tout cela était préparé.

    Les responsables de la police, notamment le commissaire que nous avons reçu tout à l'heure, nous ont indiqué que la manière dont ce service d'ordre a fonctionné
    - puisqu'il est resté sans forces de police face à des contre-manifestants pendant une heure et demie, deux heures -, prouvait qu'il s'agissait d'un ensemble qui, manifestement, maîtrisait les problèmes de maintien de l'ordre. Il y a donc bien eu une préparation, une formation, cette capacité n'est pas venue du Saint-Esprit ?

M. Gérard LE VERT : Il n'y a pas du tout d'entraînement. Il n'y a jamais eu d'entraînement sur le terrain.

    Concernant la tenue, c'est très simple : sur les quinze membres du DPS présents, il y en avait une partie qui se trouvait à l'intérieur revêtus de la tenue traditionnelle - blazer, chemise et cravate - et l'autre partie se trouvait à l'extérieur en jeans et blouson.

M. Jacky DARNE : Et casques...

M. Gérard LE VERT : Le casque est une arme défensive et non pas offensive. D'ailleurs, heureusement que nous en avions, car ceux de nos camarades qui n'en portaient pas ont tous été blessés.

M. le Président : Et les boucliers ?

M. Gérard LE VERT : On sait très bien ce qui se passe, nous commençons à avoir l'habitude de ce genre de manifestations : nous sommes régulièrement « caillassés ». J'ai moi-même été blessé à plusieurs reprises et, à Montceau-les-Mines, j'ai été blessé au ventre et à la main avec une arme de poing. On essaie de se protéger comme on peut - ce n'est pas facile quand on attend la police et qu'elle ne vient pas. On savait dès le matin qu'il y aurait des problèmes le soir, on le savait...

    J'ignore ce qui s'est passé entre M. Denis Prieur, préfet de Saône-et-Loire, et M. Collinot qui était le responsable politique du Front National. J'ignore d'où vient leur animosité et cela ne me regarde pas, mais nous savions que nous allions avoir des problèmes.

M. le Président : Ce n'était pas la nature de ma question. C'est la première fois qu'est apparu un ensemble de personnes d'un service d'ordre portant casque et bouclier, donc dans une tenue comparable à celle des forces de l'ordre, et qui ont fonctionné sur le site, d'après les responsables de la police....

M. Gérard LE VERT : Je ne les ai pas vus sur le site !

M. le Président :  ... avec une certaine maîtrise des problèmes de maintien de l'ordre. Donc la question que je vous pose très précisément est la suivante : est-ce le fait du hasard ou, comme on peut inévitablement le penser, le fruit d'une organisation préalable ?

M. Gérard LE VERT : Je crois que cela s'explique par la confiance des gardes dans leurs responsables. Ils savent écouter. Cela s'est bien passé, mais quand même avec plusieurs blessés et de nombreuses voitures fracassées à l'extérieur. Cela n'a pas été évident, Montceau-les-Mines, c'était un beau guet-apens ! Heureusement que nous avions un minimum de matériel défensif, sans quoi il ne restait plus une seule voiture sur le parking, plus une seule baie vitrée de la piscine, plus rien. Tout ce qui n'a pas été protégé par ces quelques DPS à l'extérieur du dispositif a été saccagé.

M. Arthur PAECHT : Vous venez de nous dire : « nous savions que les choses allaient mal se passer ». Je ne vous cache pas que d'autres personnes auditionnées nous ont dit que la réaction a été relativement spontanée et qu'il n'y avait pas eu d'alerte en termes de contre-manifestation. Puisque vous saviez que les choses pouvaient mal tourner, est-ce que vous avez pris préalablement contact avec les renseignements généraux ou les forces de l'ordre pour leur communiquer vos informations ? Avez-vous passé vos informations à la police ?

    Je voudrais en outre que vous nous apportiez une précision sur l'effectif. Il nous a été indiqué qu'il y avait quarante personnes appartenant au DPS sur le parking, et une quinzaine qui, dans un second temps, s'est habillée.

    J'aimerais aussi que vous nous indiquiez si, au moment où vos militants se sont rendus sur le parking, vous avez demandé à la police, de venir protéger le site, dans la mesure où vous aviez déployé vos forces, où vous aviez des informations et où vous étiez inquiet. Dans ces conditions, il me semble qu'il eût été normal de faire appel à la police, d'autant qu'il y avait une piscine ouverte avec des gens qui n'avaient rien à voir là-dedans...

M. Gérard LE VERT : Oui, le Club de plongée de Montceau-les-Mines. Nous savions depuis deux ou trois jours que nous aurions des problèmes parce que l'information remontait par les jeunes que nous avons dans les lycées de Montceau-les-Mines. Les contre-manifestants allaient venir munis d'_ufs, de tomates et de pierres. Nous savions donc qu'une manifestation se préparait, non pas pour « brailler » mais pour faire du mal puisque du matériel était prévu. Nous avons prévenu le commissariat. Nous avons téléphoné une dernière fois au commissariat, avec M. Bruno Gollnisch, aux alentours de dix-neuf heures trente ou vingt heures - je ne sais plus exactement. Les manifestants étaient déjà là puisque je les avais vus en sortant chercher M. Bruno Gollnisch à Montceau-les-Mines. J'ai oublié quel responsable de la police M. Bruno Gollnisch a eu au bout du fil, mais à ce moment-là nous avons su que, de toute façon, la police ne bougerait pas.

M. Arthur PAECHT : Mais, auparavant, vous aviez passé vos informations à la police ?

M. Gérard LE VERT : Oui, bien sûr, mais les renseignements généraux sont bien mieux informés que nous...

M. Arthur PAECHT : En l'occurrence, apparemment non !

M. Gérard LE VERT : Je connais bien M. Bernaudet : il fait très bien son travail !

M. Arthur PAECHT : C'est pourquoi je tiens à ce que vous nous confirmiez que vous aviez retransmis vos informations aux services de police.

M. Gérard LE VERT : Absolument ! Il y a eu un dernier coup de téléphone aux alentours de dix-neuf heures trente, vingt heures.

M. Arthur PAECHT : Et pour ce qui est du nombre de membres du DPS présents ?

M. Gérard LE VERT : Il y avait une quinzaine de garçons sur le site. Après, comme dans toute manifestation, des curieux sont venus se greffer là-dessus, y compris des gens de la piscine, des adhérents du club de plongée qui ne parvenaient pas à sortir...

M. Arthur PAECHT : Je parle du prépositionnement du DPS.

M. Gérard LE VERT : Il n'y avait certainement pas quarante personnes car il s'agissait pour nous d'une petite manifestation. D'ailleurs, il n'est pas toujours évident de réunir tous ces garçons qui sont des bénévoles, qui travaillent et ne peuvent donc pas toujours se libérer facilement. Il n'y a pas eu quarante personnes, absolument pas !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous avez parlé d'une « tenue de nuit », mais je n'ai pas l'impression qu'à Montceau-les-Mines, il s'agissait véritablement d'une tenue de nuit au sens où on l'entend généralement, dans la mesure où elle comprenait des casques et des boucliers. Alors, si j'ai bien compris, il y a des tenues de jour, des tenues de nuit, des tenues n° 1, n° 2, y en a-t-il encore d'autres parce que c'est un peu surprenant ?

    Par ailleurs, vous nous avez dit qu'à Montceau-les-Mines, vous saviez depuis deux jours que, selon votre propre expression, ce serait un « guet-apens ». Dans ces conditions, je trouve tout de même étonnant que personne n'ait eu, à un moment donné, l'idée de reporter ou d'annuler la manifestation. Pour toute personne normalement constituée, me semble-t-il, quand on sait qu'il va y avoir des affrontements ou des risques de cette nature, la raison l'emporte et impose de faire remonter les informations aux responsables politiques - en l'occurrence M. Bruno Gollnisch - pour les prévenir que leur présence ne s'avère pas forcément nécessaire. L'avez-vous fait ? Si oui, quelle a été la réponse obtenue et pourquoi avez-vous maintenu cette manifestation sachant que vous risquiez d'avoir des problèmes sur le terrain avec les conséquences que l'on sait ?

M. Gérard LE VERT : Mais, madame, nous ne ferions plus une seule manifestation s'il n'y avait pas de service de sécurité ! Nous savons que nos manifestations sont systématiquement attaquées et le cas de Montceau-les-Mines n'échappait pas à la règle. En revanche, ce qui nous a étonnés à Montceau-les-Mines c'est l'absence des forces de police, mais cela, il faut le voir avec M. Denis Prieur. On sait pertinemment, et les membres du commissariat ou de la gendarmerie qui étaient présents nous l'ont confirmé, que c'est M. Denis Prieur qui a donné la consigne : c'est le préfet qui donne les ordres !

    Il y avait des forces de police suffisantes mais les renforts sur place ne sont pas intervenus parce qu'ils n'avaient pas reçu les ordres. Après, que pouvions-nous faire ? Nous savions effectivement que ce serait difficile, mais nous ignorions que la police n'interviendrait pas. Nous ne l'avons appris qu'au dernier moment.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Je voudrais revenir sur la question de la tenue. Avez-vous des fournisseurs particuliers et comment vous les procurez-vous ? En outre, j'aimerais savoir si la sécurité nécessite chez vous un entraînement particulier et lequel. Enfin, s'agissant des frais, pouvez-vous nous dire s'ils font l'objet d'un remboursement ou si les bénévoles doivent les supporter en totalité ?

M. Gérard LE VERT : Concernant la tenue, il y a une tenue d'honneur, que vous connaissez probablement pour l'avoir vue sur de nombreuses photos, qui est une tenue correcte composée d'une chemise, d'une cravate et si possible, d'un blazer, et d'un pantalon foncé. Pour le reste, il n'existe aucune « tenue de nuit ». Reprenez les photos et les films et vous verrez des garçons en jeans et blouson : il n'y a pas de tenue spéciale. Quand je parle d'une « tenue de nuit », je veux simplement dire qu'en raison du froid, - c'était à la fin de l'automne et il ne faisait pas bien chaud -, nous étions couverts. C'est une tenue qui n'a rien de choquant, d'autant que lorsqu'ils commencent à prendre des _ufs et des pierres, les garçons enfilent leur blouson...

    Pour ce qui est du matériel, nous n'avons pas de fournisseurs. Les casques
    - nous en avions très peu du reste : quatre ou cinq, je crois - avaient été achetés dans ce qu'on appelle les stocks américains qui vendent, il me semble, les surplus de la gendarmerie belge qui sont en vente libre. Quant aux boucliers, nous les fabriquons nous-mêmes ou ce sont des couvercles de poubelle arrangés. Pourquoi prenons-nous des casques et des boucliers ? Parce qu'on est très souvent la cible de « caillassages » - l'état de nos voitures le prouve - et que, quand on a été blessé à plusieurs reprises, on est amené à faire attention et à se montrer plus prudent.

    Sur l'entraînement, je suis formel, nous avons suivi des stages de formation pour les établissements recevant du public (ERP) et des stages juridiques concernant la garde à vue simplement, afin qu'en cas d'arrestation les membres du DPS connaissent leurs droits et puissent prévenir un avocat. C'est aussi simple que cela. Il n'y a jamais eu d'entraînement militaire sur le terrain, jamais !

    Quant aux frais, ils étaient remboursés moyennant fiches de frais. Mais nous ne remboursions que les frais de péage et d'essence, sur justificatif, et cela n'a pas toujours été les cas.

M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES : Indépendamment de l'aspect sécurité et maintien de l'ordre dans l'activité du DPS, puisque vous avez laissé entendre que, pour préparer un dispositif de sécurité, vous étiez tenu informé d'un certain nombre de choses, je voudrais savoir quel était le rôle d'information joué par le DPS ? Est-ce que le président du Front National vous confiait, en liaison avec une manifestation ou pour des raisons qui lui appartenaient, des missions d'investigation ou d'information, pour savoir si telle fédération était dans tel état d'esprit sur tel ou tel sujet ou pour « prendre le pouls et le baromètre » de la situation ? Est-ce que cette mission relevait du DPS et si non, à qui incombait-elle ?

M. Gérard LE VERT : Je n'ai jamais fait du renseignement pour le Président, je ne faisais que de la sécurité. Cela étant, je ne prétends pas que cela ne se faisait pas et il est vrai que, dans les fédérations, quand se posait un problème, on pouvait faire remonter les éventuelles difficultés. Mais c'était un domaine qui ne me concernait pas : après avoir abandonné la politique militante, je me limitais à la sécurité.

M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES : Cela dépendait donc de M. Bernard Courcelle ou d'un membre du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Gérard LE VERT : Je n'ai jamais connu un responsable pour le renseignement. Je crois que cela se faisait ponctuellement, peut-être avec certains responsables qui connaissaient certainement mieux Jean-Marie Le Pen que moi. En tout cas, il ne me m'a jamais demandé de faire du renseignement et je n'en ai jamais fait pour lui. Je n'ai jamais eu de rapports particuliers avec M. Jean-Marie Le Pen : la preuve en est que j'ai été « dégagé »... rapidement.

M. Jacky DARNE : Il nous a été expliqué que, dans certaines circonstances, les membres du DPS étaient munis de matraques électriques. Pouvez-vous m'en préciser les caractéristiques et me dire dans quelles circonstances vous les conseilliez et où elles étaient achetées ?

M. Gérard LE VERT : Nous avons toujours demandé de ne pas amener ce type de matériel qui est en vente libre dans tous les stocks américains. Il s'agit de poignées électriques dont je peux vous dire, puisque je suis de la campagne, qu'elles sont fréquemment employées pour mener les bêtes. On les trouve partout ! Comme tout le matériel de défense et même d'attaque, on peut se les procurer dans n'importe quelle armurerie ou stock américain.

    Pour ce qui nous concerne, nous avons toujours demandé d'éviter ce genre de matériel parce qu'il est dangereux. Le matériel de défense ne pose pas de problèmes et nous a d'ailleurs sauvés plusieurs fois, mais nous n'avons jamais de matériel d'attaque. Maintenant, que quelques éléments incontrôlés ou isolés aient pris sur eux d'en avoir, c'est possible. Vous comprenez bien que nous n'allons pas fouiller individuellement chacun de nos bénévoles : c'est un risque que nous courons évidemment !

M. Jacky DARNE : Lorsque vous trouviez un militant avec une arme ou un outil pouvant en tenir lieu, que vous déconseilliez, quelle était la procédure interne de sanction ?

M. Gérard LE VERT : Ils étaient dégagés.

M. Jacky DARNE : Cela se traduisait comment ?

M. Gérard LE VERT : On ne faisait plus appel à eux. Ils étaient rayés de l'effectif du DPS et il y avait même une note de service pour les responsables politiques qui étaient susceptibles d'avoir recours à eux en ignorant ce qui s'était passé. L'information parvenait donc également au niveau des responsables politiques.

M. Jacky DARNE : Vous-même, lorsque vous demandiez aux responsables départementaux de fournir certains contingents pour telle ou telle manifestation, est-ce que vous analysiez le rassemblement de façon anticipée de manière à demander la présence de militants plus ou moins expérimentés ? On nous a laissé entendre en effet qu'il y avait plusieurs niveaux de compétences au sein du DPS. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Gérard LE VERT : Je crois que cela passait surtout par la camaraderie. J'avais des garçons avec qui je m'entendais bien, avec qui je me retrouvais souvent sur le terrain et il est évident que je les privilégiais par rapport à d'autres en fonction, non pas de leur poids ou leur activité dans le civil mais du fait qu'ils étaient originaires de ma région et que nous étions camarades.

M. Jacky DARNE : Vous aviez donc un réseau de personnes que vous considériez plus fiables que d'autres ?

M. Gérard LE VERT : C'est un peu normal : on s'entoure d'abord de gens en qui l'on a confiance et que l'on connaît. Je suis bourguignon et j'aimais bien travailler avec mes camarades bourguignons : les bretons, je les connaissais beaucoup moins !

M. Jacky DARNE : Vous nous avez dit que vous aviez abandonné l'action politique pour la sécurité, mais il y a de l'action politique dans l'organisation d'un service d'ordre ?

M. Gérard LE VERT : C'est vrai, mais disons que je ne faisais plus de tractage, de boitage ou d'affichage. J'étais totalement en dehors de ces activités.

M. Jacky DARNE : Pouvez-vous m'expliquer comment de simple militant politique, vous êtes devenu un des responsables du service d'ordre. Quels ont été les critères qui ont été décisifs, par quels processus avez-vous accédé aux responsabilités qui ont été les vôtres, quelles étaient vos activités, quelles sont-elles aujourd'hui, de quoi vivez-vous ?

M. Gérard LE VERT : J'ai connu le DPS depuis son origine. Au départ, j'étais responsable politique du Front National de Saône-et-Loire, très exactement secrétaire départemental et membre du comité central...

M. le Président : Rémunéré ?

M. Gérard LE VERT : Absolument pas, monsieur ! Jamais : ni en tant que responsable politique, ni au DPS.

    En 1986, en désaccord avec certains responsables, j'ai abandonné toutes mes fonctions politiques pour glisser tout doucement vers le DPS parce que j'y avais des amis. C'est là que j'ai abandonné l'action politique sur le terrain. Effectivement, j'en faisais encore dans la mesure où je protégeais les manifestations, ce qui peut également s'appeler de l'action politique.

M. Jacky DARNE : Vous avez dit que vous comptiez des amis au sein du DPS, mais vous avez été recruté comment ? Par M. Bernard Courcelle que vous connaissiez antérieurement, par d'autres personnes ?

M. Gérard LE VERT : Non, j'étais au DPS avant M. Bernard Courcelle. J'ai connu Bernard Courcelle quand il est arrivé au DPS à la demande de Jean-Marie Le Pen. Je ne le connaissais pas auparavant.

M. le Président : Quelle est votre activité professionnelle aujourd'hui ?

M. Gérard LE VERT : Je suis au chômage.

M. le Président : Mais vous n'êtes pas au chômage depuis 1986 ?

M. Gérard LE VERT : Non, j'ai travaillé : j'ai été chef d'entreprise puis salarié et je suis maintenant au chômage.

M. le Président : Chef d'entreprise ?

M. Gérard LE VERT : J'ai eu un restaurant.

M. le Président : Puisqu'on parlait des armes, on a trouvé hier dans la voiture du garde du corps de M. Jean-Marie Le Pen toute une série de matériels qui ne sont pas forcément défensifs : était-ce l'habitude de M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Gérard LE VERT : Je préfère ne pas parler de M. Jean-Marie Le Pen. Je suis en désaccord avec lui : ce n'est pas nouveau puisque j'ai été mis dehors. Je ne peux pas parler de ses méthodes. Je les ai effectivement connues mais, n'étant plus avec lui, il ne serait pas très élégant d'en parler même si, lui, ne l'est pas toujours.

M. le Président : Mais était-ce une pratique que vous avez pu constater ?

M. Gérard LE VERT : Je ne sais pas. Je n'ai jamais fouillé dans son coffre !

M. le Président : Et par rapport à d'autres dirigeants du Front National ?

M. Gérard LE VERT : Non, nous demandions à nos garçons de venir sans matériel.

M. Jacky DARNE : Vous-même, étiez-vous présent sur les manifestations ?

M. Gérard LE VERT : Oui.

M. Jacky DARNE : Avec quel équipement ? Vous aviez des moyens de transmission ?

M. Gérard LE VERT : Les transmissions étaient difficiles parce qu'en ville et dans les grosses manifestations le contact passe très mal. Comme tout le monde, nous avons des portables mais les communications sont très chères. Comme nous n'avons jamais eu les moyens d'acheter des équipements, nous les louions, notamment des talkies-walkie.

M. Jacky DARNE : On arrive ainsi à être sur les mêmes lignes que la police ?

M. Gérard LE VERT : Non. Je sais qu'il existe des scanners, mais je n'en ai jamais eu.

M. le Président : Vous n'avez jamais eu de scanner ?

M. Gérard LE VERT : Moi, je n'en ai pas, monsieur. Je n'ai jamais eu les moyens de m'en payer.

M. le Président : Et le DPS ?

M. Gérard LE VERT : On trouve des scanners partout, mais ce n'était pas du matériel officiel DPS : il n'y avait pas de scanners au DPS ! Il pouvait y en avoir à titre individuel, mais comment voulez-vous fouiller chaque voiture ? Imaginez un peu une manifestation comme le défilé de Jeanne d'Arc, pour lequel 250 ou 300 membres du DPS arrivent à bord d'une soixantaine de véhicules : nous ne pouvons pas nous permettre de tout fouiller et nous ne l'avons jamais fait.

M. André VAUCHEZ : Vous nous avez expliqué que la sécurité du Front National était quand même assez musclée par rapport à d'autres organisations politiques, ou syndicales. Je crois que l'on ne peut pas faire de comparaisons ... 

M. Gérard LE VERT : La CGT ne se défend pas mal !

M. André VAUCHEZ : On ne peut pas faire de comparaisons ! Est-ce parce que vous n'avez pas confiance dans la police républicaine que vous faites tout pour qu'elle ne puisse pas véritablement exercer ses missions ? En effet, on peut se poser des questions sur la tenue de nuit dont nous venons d'apprendre l'existence...

M. Gérard LE VERT : Non, je n'ai jamais dit cela, monsieur !

M. André VAUCHEZ : Enfin, c'était la nuit et il y a un habit de combat en fait...

M. Gérard LE VERT : Non, non, pas du tout, je n'ai jamais dit cela et je ne peux pas le laisser dire !

M. André VAUCHEZ : Vous ne l'avez pas dit mais je prétends, moi, que c'est un habit qui y ressemble et on nous l'a dit...

M. Gérard LE VERT : Je veux voir des photos ! Je ne peux pas accepter qu'on dise qu'il y a une tenue de combat.

M. André VAUCHEZ : Laissez-moi poser ma question, vous y répondrez ensuite, si vous le voulez bien...

M. Gérard LE VERT : Oui, mais il y a des choses qui sont difficiles à accepter.

M. André VAUCHEZ : Je dis que cette tenue peut s'apparenter à une tenue de combat dès lors qu'on nous a expliqué qu'entre cette tenue et celle des policiers, il y avait confusion possible. Je vous pose donc cette question : pourquoi avoir gardé cette tenue depuis des années alors qu'elle crée une confusion avec les forces de police, pourquoi ne pas en adopter une différente, par exemple un habit type fluo ?

M. Gérard LE VERT : Pour mieux servir de cible ? ... 

M. André VAUCHEZ :  ... qui montre effectivement qu'on n'a pas cette volonté d'apparaître, qu'on le veuille ou non, un peu provocateur ?

    Vous dites qu'il n'y a pas d'entraînements, mais tout ce qui a été vu ou filmé prouve que vos troupes man_uvrent très bien. Est-ce que les entraînements se font ailleurs, par exemple, dans des sociétés de gardiennage voire éventuellement dans la police puisque ses membres ont le droit d'adhérer au parti de leur choix - ou cela tient-il au fait que ces troupes sont composées d'anciens militaires ou gendarmes qui possèdent parfaitement bien la maîtrise de leurs actions ?

    Enfin, il est un mot qui est souvent prononcé dans l'entourage du DPS : le mot « barbouze ». Vous ne le connaissez pas et jamais il ne circule au sein du DPS ?

M. Gérard LE VERT : Non !

    Sur la tenue, il faut que vous me disiez quelle est notre tenue de nuit ou de combat. Je voudrais la connaître ! Nous n'avons pas de tenues de nuit. Je m'inscris là complètement en faux ! Regardez des photos et vous verrez des garçons en jeans, en baskets et en blousons foncés. Vous me parlez de fluo mais, comme je le disais tout à l'heure, lorsque vous avez en face de vous des adversaires qui vous bombardent de cailloux, une tenue fluo n'est peut-être pas idéale... C'est évident ! Du reste, nos adversaires politiques sur le terrain sont très rarement en fluo. Je les vois quotidiennement, donc je sais ce qui se passe...

    Par ailleurs, vous parlez de notre ressemblance avec les forces de police et je vois à quoi vous faites allusion : des photos sont parues dans un journal, suite au congrès de Strasbourg il y a deux ans.

    Effectivement, on voit un maître-chien et, en parallèle, un policier. Or, il se trouve que ce maître-chien était de la police : c'est moi qui l'avait reçu et lui avais fait faire la visite du site. C'était un policier envoyé par la préfecture pour le déminage de la salle.

M. André VAUCHEZ : Et le recrutement ?

M. Gérard LE VERT : Je vous répète qu'il se faisait par amitié dans les fédérations.

M. André VAUCHEZ : Où, principalement ?

M. Gérard LE VERT : C'est très variable.

M. André VAUCHEZ : Ce ne sont pas des bergers de la montagne ?

M. Gérard LE VERT : Non, c'est très variable ! On avait aussi bien des garçons de vingt ans que des hommes de soixante. Il y avait de tout ! Quand vous parlez de retraités militaires, il est vrai qu'il y en a un certain nombre au DPS, mais il n'y pas que cela, loin s'en faut ! Le recrutement est très varié.

M. André VAUCHEZ : Il n'y a pas de policiers qui travaillent pour vous pendant leurs congés annuels ?

M. Gérard LE VERT : Non !

M. le Président : Lors de la récente visite de M. Bruno Mégret au salon de l'agriculture, les membres du DPA qui l'accompagnaient, maintenant sous votre responsabilité, ont, selon la presse, procédé au contrôle d'identité d'un homme qui avait insulté M. Bruno Mégret. A Carpentras, en 1995, le DPS a interpellé une personne avant de la remettre à la police ; à Strasbourg, tout le monde a parlé des interpellations et des contrôles d'identité effectués par des membres du DPS avec usurpation de fonctions. Cela fait quand même beaucoup d'événements successifs : est-ce qu'ils s'inscrivent dans vos méthodes ?

M. Gérard LE VERT : Je ne vais pas mélanger DPA et DPS, mais je vais vous répondre. Pour ce qui est du salon de l'agriculture, j'y étais et nous n'avons strictement interpellé personne : c'est la sécurité interne de la manifestation agricole qui est intervenue ! Cette sécurité interne est très importante et se compose de salariés présents pour toute la durée du salon. Nous n'avons rien à y voir et ce n'est pas nous qui avons procédé à des interpellations, c'est clair !

    Ensuite, pour ce qui est de Carpentras, je ne me souviens pas du tout, pourtant j'y étais. Quant à Strasbourg, les faits se sont produits de nuit sur un parking d'hôtel et sont imputables à des garçons qui n'étaient pas formés. S'ils l'avaient été, les choses ne se seraient pas passées de la sorte : ils auraient attendu l'arrivée des membres de la gendarmerie, leur auraient remis les personnes en question et il n'y aurait pas eu de problèmes.

M. le Président : Vous nous déclarez n'avoir jamais fait de renseignement tout en reconnaissant qu'il s'en est certainement fait au DPS. Tout le monde nous dit que le DPS
- je ne sais pas comment procède le DPA - photographie beaucoup. Il existe donc bien un fichier de photographies : qui l'a récupéré, le DPA ou le DPS ?

M. Gérard LE VERT : J'ai chez moi, depuis des années, un très bel appareil photo qui n'a jamais servi. Cela étant, le Front National avait un photographe officiel, salarié par M. Jean-Marie Le Pen je crois, et qui, lui prenait souvent des photos dans les manifestations, en particulier de M. Jean-Marie Le Pen qui aime bien être photographié. Mais il n'y a jamais eu de fichier photographique au DPS. Je vous l'affirme, jamais !

M. le Président : M. Arthur Paecht a expliqué à M. Bernard Courcelle, qu'à Toulon, à l'occasion de la fête du livre qu'il comptait visiter, alors qu'il se trouvait dans la file d'attente, deux membres du DPS brandissant une photo lui en ont interdit l'entrée. Cela prouve que des membres du DPS disposaient de photos...

M. Gérard LE VERT : Rien ne dit que ce n'est pas la mairie de Toulon. Moi, je n'étais pas responsable de ce qui se passait à Toulon et je n'ai jamais accrédité le DPS dans le Midi. Ce qui s'y passait ne me concernait pas, je ne voulais pas y aller. Je n'ai eu aucune responsabilité dans les actions menées dans le Midi car je n'aimais ni les responsables, ni les garçons de cette région où je n'ai jamais travaillé.

M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES : Le conflit de 1986 dans votre département, et ceux que vous avez eus avec les responsables politiques du Front National ou du DPS du sud de la France étaient de quelle nature ?

M. Gérard LE VERT : Vous savez, je suis bénévole, donc je pouvais dire oui ou non, et quand cela me déplaisait, je disais non ! Pour ce qui est de la Saône-et-Loire, je n'avais pas plus à l'époque, d'atomes crochus avec M. Collinot, que je n'en ai aujourd'hui avec M. Jaboulet-Verchère. Comme je suis toujours bénévole, je peux me permettre de dire non.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous nous avez dit qu'il n'y avait pas, selon vous, d'activité de renseignement au DPS, mais qu'il se pouvait que le Front National en ait. Nous avons recueilli des témoignages de personnes qui, sans pouvoir être sûres de l'identité des responsables, ont été « embêtées » en particulier à la suite de leur participation à des reportages sur le DPS. Vous ignorez complètement tout cela ?

M. Gérard LE VERT : Les menaces n'ont jamais été mon truc...

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Par ailleurs - cette question appelle peut-être une réponse plus personnelle de votre part -, vous nous avez indiqué que vous n'étiez pas d'accord avec M. Jean-Marie Le Pen, que vous ne cautionniez pas ce qui se passe dans le Midi et que vous n'aviez donc plus d'activité militante eu sein du Front National en dehors de la sécurité. Comment, si vous étiez véritablement en désaccord avec un certain nombre de points, pouviez-vous assumer la sécurité de l'organisation politique à laquelle vous apparteniez mais dont les responsables et les actions vous déplaisaient ?

M. Gérard LE VERT : Madame, premièrement, je me bats pour des idées et non pour des hommes et deuxièmement, je n'assurais pas la protection de M. Jean-Marie Le Pen mais celle des personnes présentes dans les manifestations, qui sont souvent nombreuses en salle et dans la rue. C'est surtout à elles que je pensais, car ce sont toujours elles qui prennent des coups sur le terrain - et pas M. Jean-Marie Le Pen, qui a ce qu'il faut !

M. le Président : Mais le DPS dépendait directement du Président ?

M. Gérard LE VERT : Oui, tout à fait ! Du reste on disait « disponible pour le président seul » ou quelque chose d'approchant, mais c'est Le Pen qui disait cela...

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : En plus, le Président donnait lui-même des coups...

M. Gérard LE VERT : ... Oui, j'étais présent à Mantes-la-Jolie...

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Et cela ne vous a jamais interrogé ?

M. Gérard LE VERT : Je n'ai pas à commenter la personnalité de M. Jean-Marie Le Pen : ce serait trop long et il y a peut-être trop de choses à dire. Si j'ai été conduit plusieurs fois à exprimer mon désaccord ou à partir, c'est qu'il y a des raisons, mais ce sont des raisons personnelles qui tiennent à l'homme et non pas aux idées.

M. Jacky DARNE : Vous nous avez dit ne pas avoir voulu « accréditer le DPS dans le Midi » et vous nous avez expliqué par ailleurs que, lorsque vous avez animé le DPS, vous n'avez plus exercé d'activité politique au sein du parti Front National. Le DPS est-il donc, selon vous, une organisation relativement autonome, à laquelle on peut participer sans être forcément adhérent au Front National ?

M. Gérard LE VERT : Nous demandions en général aux garçons qui faisaient parti du DPS d'être adhérents du mouvement, pour savoir un peu qui ils étaient car on peut aussi avoir affaire à des provocateurs ou à des gens dangereux. Nous nous montrions donc assez prudents sur le recrutement - ce qui ne nous a d'ailleurs pas empêchés d'avoir des problèmes. Mais le militantisme politique, c'est autre chose...

M. Jacky DARNE : Vous leur demandiez donc d'atténuer leur militantisme politique ?

M. Gérard LE VERT : Non parce que, dans les fédérations, il s'agissait bien souvent de militants.

M. Jacky DARNE : Mais pas forcément ?

M. Gérard LE VERT : Ce n'était pas une obligation.

M. Jacky DARNE : Donc, on peut être au DPS sans être au Front National ?

M. Gérard LE VERT : Ce sont des gens qui votent mais qui ne militent pas forcément au sein d'une fédération et ne participent pas au bureau départemental, au collage, au tractage, ...

M. Jacky DARNE : On peut donc dire que le DPS est au sein du Front National mais qu'il en est distinct ?

M. Gérard LE VERT : Il en fait partie entièrement, c'est-à-dire que les responsables départementaux du DPS pouvaient, et devaient même en général, assister aux réunions départementales à titre consultatif.

M. Jacky DARNE : En cas d'exclusion du DPS par exemple, est-ce que cela nécessitait l'accord de l'appareil politique ?

M. Gérard LE VERT : Non, nous décidions seuls.

M. Jacky DARNE : Les procédures de recrutement comme d'exclusion ressortaient de la seule hiérarchie du DPS ?

M. Gérard LE VERT : Pour le recrutement, c'était très souvent les cadres politiques qui nous envoyaient des militants. Ce sont eux qui gèrent le fichier des sympathisants.

M. le Président : MM. Fabre et Courcelle ont, à une époque, décidé d'ouvrir le recrutement du DPS à des personnes extérieures au DPS...

M. Gérard LE VERT : Tout à fait ! Je recommandais, moi, l'adhésion au mouvement, mais ce n'était pas systématique.

M. Jacky DARNE : Je sais que nous travaillons sur le DPS, mais je voudrais savoir quels enseignements positifs ou négatifs vous en avez tirés pour le DPA.

M. Gérard LE VERT : La personnalité de M. Bruno Mégret est déjà totalement différente, donc ce sera différent, mais il est trop tôt pour en parler.

M. Jacky DARNE : Quels aspects négatifs du DPS souhaitez-vous éviter de reproduire au DPA ?

M. Gérard LE VERT : Il y a beaucoup de choses. Pendant des années, j'en ai vu sur les manifestations, au niveau de l'organisation, du remboursement des frais, ... J'ai vu des garçons abandonnés dans un commissariat, sans soutien : ce n'était pas toujours facile !

M. Jacky DARNE : Comment étaient remboursés vos propres frais de déplacement ?

M. Gérard LE VERT : Sur justificatifs...

M. Jacky DARNE : Visés par qui ?

M. Gérard LE VERT : Par M. Bernard Courcelle.

M. Jacky DARNE : Payés par qui ?

M. Gérard LE VERT : C'était le trésorier national qui me payait les frais, et uniquement ceux d'essence et de péage.

M. Jacky DARNE : Et les déplacements des autres ?

M. Gérard LE VERT : Egalement sur justificatifs.

M. Jacky DARNE : Visés par qui ?

M. Gérard LE VERT : Toujours M. Bernard Courcelle.

M. Jacky DARNE : Avez-vous constaté, au cours de certaines manifestations, une insuffisance des militants DPS susceptible de justifier le recours à des société privées de surveillance ?

M. Gérard LE VERT : Jamais, nous n'en avons pas les moyens ! Si cela est arrivé, en tout cas, je ne suis pas au courant. Moi, je ne l'ai jamais demandé : nous n'avions pas les moyens de payer des sociétés privées qui sont affreusement chères !

M. le Président : Des membres de telles sociétés pouvaient-ils intervenir à titre individuel ?

M. Gérard LE VERT : A titre individuel, c'est très possible. Bien sûr !

M. le Président : C'est très possible ou cela s'est fait ?

M. Gérard LE VERT : Cela ne s'est pas fait officiellement. Quand des maîtres-chiens viennent garder un site comme les BBR, la nuit, ils le font à titre individuel et ne sont jamais payés...

M. le Président : Cela se fait donc ?

M. Gérard LE VERT : Oui, oui, bien sûr !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Contrairement à ce qui se passe dans les autres partis politiques, vous donnez l'impression, tout comme M. Bernard Courcelle d'ailleurs, de n'être au DPS que pour assumer la sécurité et que vous dissociez votre militantisme de vos responsabilités au sein du service d'ordre. Vous avez même l'air de vous étonner des agressions dont vous pouvez être l'objet durant les manifestations...

M. Gérard LE VERT : M. Bernard Courcelle était lui un technicien de la sécurité, alors que j'ai commencé par être un militant.

    Cela étant, madame, si vous étudiez le cadre de nos manifestations, vous constaterez qu'il diffère de celui de tous les autres mouvements politiques : nous sommes systématiquement attaqués, il faut bien le reconnaître. Que l'on ne soit pas d'accord avec mes idées ne me gêne pas, mais que l'on vienne régulièrement au cours de chacune de nos manifestations nous bombarder de pierres, d'_ufs, de crachats et d'insultes ... Que voulez-vous que nous fassions ? Que nous ne manifestions plus, que nous n'existions plus ? C'est pour cela que le DPS existe.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Puisque vous êtes adhérent au mouvement, il faut que vous ayez conscience que, pour ceux qui vous attaquent, vous appartenez à un parti qui prône l'inégalité des races, notamment par les jeux de mots de M. Jean-Marie Le Pen qui, quelles que soient les relations que vous entretenez avec lui, reste quand même votre référence. Vous ne pouvez donc pas vous étonner que des militants hostiles à vos idées, notamment les jeunes, manifestent contre vous...

M. Gérard LE VERT : Les jeunes, madame, sont l'objet de manipulations : je l'ai vu à Montceau-les-Mines.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Je ne parviens pas à comprendre comment vous pouvez ainsi dissocier vos idées et votre appartenance au service d'ordre du Front National, qui diffère de celui des autres partis politiques...

M. Gérard LE VERT : Ce sont vos idées contre les miennes, et je comprends parfaitement que mes idées ne vous plaisent pas. Mais il se trouve que nous faisons partie de mouvements différents ! Il n'en reste pas moins que je vois les choses de l'intérieur et je regrette ce qui se passe lors des manifestations. Je trouve cela très dommage parce que, que vous le vouliez ou non, les violences ne sont pas de notre fait : moi, je me bats en permanence contre cela et le racisme, il s'exerce contre moi, je le vis au quotidien. Ce que je reçois et entends, dans la rue, à l'occasion d'appels anonymes ou de manifestation, ce sont des attaques permanentes. Vous ne le comprenez pas mais moi je les vis. De tous les côtés, il se trouve des gens intéressants et pas intéressants ... Il ne faut pas être manichéen, tout n'est jamais tout bon ou tout mauvais.

M. le Président : Vous avez reçu une formation militaire, naturellement ?

M. Gérard LE VERT : Oh, très courte. J'ai fait mon service militaire comme deuxième classe.

M. le Président : Pas de carrière militaire ?

M. Gérard LE VERT : Absolument pas !

M. le Président : Vous êtes très lié à M. Bernard Courcelle ?

M. Gérard LE VERT : Oui, tout à fait.

M. le Président : On a parlé de sociétés de gardiennage. Et les rapports avec ceux qui sont dans les réseaux mercenaires... ?

M. Gérard LE VERT : Cela ne nous concerne absolument pas !

M. le Président : L'affaire tchétchène... ?

M. Gérard LE VERT : Désolé : je n'ai pas vu un dollar ! Je le regrette...

M. le Président : Je ne vous parle pas de dollars...

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Etiez-vous présent lors des événements de Mantes-la-Jolie ?

M. Gérard LE VERT : Oui !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Comment avez-vous ressenti la situation ? Comment en est-on arrivé là ?

M. Gérard LE VERT : A titre personnel, j'estime que M. Jean-Marie Le Pen a fait une erreur. Lorsqu'il est sorti de son véhicule, voyant ce qui se passait, il aurait dû y remonter et partir un peu plus loin. Il serait allé trois cents mètres plus loin, il aurait poursuivi sa visite tranquillement. Il n'aurait pas dû accepter l'affrontement. Je pense que cela a été une erreur parce que nous avons été agressés immédiatement et, puisque j'étais sur place bien avant, je peux vous dire que les choses avaient commencé avant même que la voiture n'arrive. Après, il y a eu enchaînement et débordement. Cela a été difficile !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Par rapport à M. Jean-Marie Le Pen, vous semblez mieux maîtriser vos impulsions...

M. Gérard LE VERT : J'essaie, madame.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Finalement, vous avez mis de l'ordre dans le DPS ! Les autres témoignages que nous avons recueillis laissent entendre qu'il était temps que des personnes susceptibles de maîtriser leurs pulsions arrivent pour organiser ce service d'ordre qui tirait un peu à hue et à dia...

M. Gérard LE VERT : Je vous rappelle que nous avons affaire à des bénévoles, que c'est très difficile, que nous essayons de faire pour le mieux, que, parfois, nous avons aussi des coups d'énervement. Si je suis là et si je continue, c'est précisément pour éviter ces débordements, pour avoir si possible des relations normales avec la presse et avec nos adversaires, mais cela n'est jamais évident.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous nous avez indiqué que les membres du DPS étaient des bénévoles, en général adhérents au Front National, et que cela relevait du militantisme personnel - ce que je comprends parfaitement. Est-ce que, lorsque des policiers ou des gendarmes vous demandent de participer au DPS, vous leur déconseillez de le faire ? Est-ce que ces personnes ont, de temps en temps, l'occasion de vous faire remonter des informations qui peuvent vous intéresser ?

    Par ailleurs, lors de l'organisation des manifestations, quelles étaient les relations que vous entreteniez avec les forces de sécurité publique ?

M. Gérard LE VERT : Pour ce qui est du recrutement, il n'y a pas de gendarmes et je n'ai jamais souhaité voir des policiers dans les effectifs du DPS : ce n'est pas leur rôle et ils n'ont pas à en faire partie.

    Nos rapports avec les forces de police sont généralement bons. Une semaine avant la manifestation, nous rencontrons la police urbaine et les responsables pour savoir comment sécuriser la voie publique.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : La question est de savoir si les policiers qui sont militants du Front National sont, à votre connaissance, en mesure d'apporter des informations au Front National ou au DPS. Je formule à nouveau ma question, à laquelle vous n'avez pas répondu...

M. Gérard LE VERT : Vous voulez savoir si certains agents du ministère de l'Intérieur seraient sympathisants ou militants du Front National ?

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Peuvent-ils vous envoyer des informations et le Front National est-il amené, dans certains cas, à s'appuyer sur eux pour en obtenir ?

M. Gérard LE VERT : Bien sûr, cela doit se produire à titre personnel, à titre amical, mais cela se fait beaucoup plus simplement par le biais des renseignements généraux avec qui nous sommes en contact régulier lorsqu'il y a une manifestation. Ils sont demandeurs de renseignements comme nous le sommes nous-mêmes. Lorsque nous faisons venir une personnalité ou que nous organisons une manifestation dans la rue ou en salle, on veut savoir ce qui va se passer en face. Nous avons donc souvent affaire aux renseignements généraux, avec qui nous traitons les informations sur les manifestations.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Dans le cadre de ces contacts, êtes-vous parfois conduits à poser des questions plus personnelles sur un certain nombre d'individus et si oui, est-ce que les renseignements généraux peuvent être amenés à vous répondre de façon assez précise ?

M. Gérard LE VERT : Ce sont d'excellents professionnels, bien meilleurs que moi, et, si je pense qu'eux peuvent me manipuler, l'inverse n'est certainement pas vrai ... Nous avons des contacts officiels, mais les informations qu'ils nous fournissent sont fonction de ce dont ils ont eux-mêmes besoin. Ils savent très bien ce qu'ils nous donnent et jamais à titre amical, jamais ! Ce sont des professionnels du renseignement.

M. le Président : Et toujours à l'occasion d'organisations de manifestations ?

M. Gérard LE VERT : Oui, absolument ! A ces occasions, on leur téléphone et on les rencontre officiellement, d'ailleurs dans les bâtiments publics.

M. le Président : Comment se sont réparties les choses entre DPS et DPA ? Puisque vous occupiez un poste important au DPS et que vous êtes maintenant l'animateur du DPA, même si vous n'avez pas reconnu ce qui se passait dans le Midi, vous connaissez bien cet ensemble...

M. Gérard LE VERT : Je n'ai conservé aucun élément du DPS du Midi. Il y a, je crois, une bonne partie des cadres du DPS qui a suivi au DPA. Le pourcentage est très difficile à déterminer mais il représente une bonne partie, majoritaire, de l'encadrement.

M. Le Président : Le DPS a toujours tutoyé des formations plus extrémistes, le GUD, les skinheads...

M. Gérard LE VERT : Oui ; nous nous battons régulièrement contre eux...

M. le Président :  ... les mouvements néo-nazis dont vous nous avez juré qu'ils n'avaient pas votre sympathie...

M. Gérard LE VERT : Non, pas du tout ! Vous savez, je suis fils de légionnaire, mon père a été grièvement blessé en libérant la France, mes oncles aussi. C'est vous qui me dites d'extrême-droite, moi, je ne me sens pas d'extrême-droite...

M. le Président : ... Permettez-moi de terminer... Par exemple, dans l'Est de la France, il y a eu des liens très nets entre le DPS et les mouvements néo-nazis...

M. Gérard LE VERT : ... Cela se faisait à titre individuel...

M. le Président : Oui, toujours à titre individuel... Donc ces mouvements ont gravité autour du Front National et du DPS. D'après nos informations, ils se tourneraient plutôt vers le DPA que vers le DPS, mais vous allez naturellement me dire le contraire...

M. Gérard LE VERT : Oui, tout à fait !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Je voudrais savoir qui étaient les cadres du DPS auxquels vous avez fait allusion ?

M. Gérard LE VERT : C'est très simple : ce sont les cadres régionaux et départementaux.

M. le Président : Vous nous avez dit que vos désaccords avec M. Jean-Marie Le Pen n'étaient pas récents. Manifestement, vous avez exprimé des opinions particulières tout en étant un dirigeant du DPS.

M. Gérard LE VERT : C'est vrai, oui.

M. le Président : Ces différends touchaient-ils à la politique du Front National et de son chef ou concernaient-ils aussi la conception même de la sécurité et le DPS ?

M. Gérard LE VERT : Non, car c'est nous qui organisions la sécurité au sein du DPS...

M. le Président : J'entends bien. Je vous ai écouté tout au long de votre audition et votre discours est parallèle à celui de M. Bernard Courcelle : le DPS était parfait ! ...

M. Gérard LE VERT : ... Ce serait formidable ! ...

M. le Président : ... A vous écouter, ce n'est pas mon appréciation ! ...

M. Gérard LE VERT : ... Je m'en doute bien ! ...

M. le Président : Je vous écoute et j'ai bien compris l'image que vous entendez nous donner du DPS.

    Y avait-il, dans les différends qui vous opposaient à M. Jean-Marie Le Pen et à son entourage, et qui, dans la période récente et au-delà, touchaient sans doute à des questions politiques, également des divergences relatives à la conception que M. Jean-Marie Le Pen pouvait avoir des problèmes de sécurité ?

M. Gérard LE VERT : Oui, absolument !

M. le Président : Pouvez-vous nous les préciser ?

M. Gérard LE VERT : Je ne préfère pas. Pour moi, c'est terminé. Je n'en parlerai pas parce que c'est trop personnel. Il y a des choses que je ne voulais pas faire et avec lesquelles je n'étais pas d'accord.

M. le Président : Peut-être, mais, monsieur Le Vert, il faut nous en dire plus.

M. Gérard LE VERT : Non, il s'agissait de consignes personnelles.

M. le Président : Sans entrer dans le détail, précisez-nous la nature de ces divergences.

M. Gérard LE VERT : Vous savez, je m'occupais de la sécurité des manifestations nationales et depuis l'affaire de Mantes-la-Jolie, j'avais pris un peu de recul : je ne m'occupais plus de la sécurité de M. Jean-Marie Le Pen. Je ne voulais plus être dans son entourage sécuritaire.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Est-ce que cela signifie, par exemple, que M. Jean-Marie Le Pen aurait souhaité que tout le monde soit armé ? Voulait-il aller plus loin dans l'organisation ou le recrutement du DPS ?

M. Gérard LE VERT : S'il avait souhaité que nous fussions armés, il est clair que nous aurions dit non : c'est inacceptable !

M. le Président : Entendons-nous bien. Les désaccords qui vous ont opposé à M. Jean-Marie Le Pen, durant toute cette période et tout récemment sur les problèmes touchant à la sécurité, concernaient-ils la sécurité de M. Jean-Marie Le Pen ou sa conception de la sécurité du Front National ?

M. Gérard LE VERT : C'est un ensemble. Je vous parlais tout à l'heure de Mantes-la-Jolie : il est vrai que je n'étais pas d'accord avec ce qui s'y est passé. Ce n'est pas le rôle d'un responsable politique de mener la charge ! S'il était reparti dans sa voiture comme nous le lui avions demandé, il n'y aurait pas eu de Mantes-la-Jolie...

M. Le Président : Vos désaccords portaient donc sur les comportements de M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Gérard LE VERT : Absolument, car il engageait la sécurité et il nous engageait nous, avec les risques que cela comporte pour des bénévoles qui travaillent, qui ont des familles et qui voient les affaires ensuite étalées dans la presse. Combien de nos amis ont ainsi perdu leur job au motif que leur photo, prise au sortir d'un meeting ou d'une réunion, assortie de leur nom, a été publiée dans les journaux...

M. le Président : M. Jean-Marie Le Pen avait-il des conceptions... ?

M. Gérard LE VERT : M. Jean-Marie Le Pen ne s'intéresse qu'à lui... pour sa sécurité. Le reste, les gars qu'il laisse en route, il s'en fiche !

M. le Président : Oui, cela je l'ai bien compris, mais au niveau de la conception du mouvement et, en son sein, de ce que devait être un organisme un peu autonome de sécurité, avait-il une conception différente de la vôtre ?

M. Gérard LE VERT : Je n'en ai jamais parlé longuement avec lui. Je ne le vivais que sur le terrain parce que je n'ai jamais été un courtisan et que je n'ai jamais fait partie de la cour de Saint-Cloud. Je n'ai donc jamais eu l'occasion de disserter avec lui sur les problèmes de sécurité. Je les vivais physiquement sur le terrain.

M. le Président : Monsieur, nous vous remercions.

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    Audition de M. Pascal CEAUX, journaliste au Monde

(extrait du procès-verbal de la séance du mardi 30 mars 1999)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Pascal Ceaux est introduit.

    M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Pascal Ceaux prête serment.

M. Pascal CEAUX : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord préciser les circonstances dans lesquelles j'ai été amené à m'intéresser au DPS. En effet, je ne m'occupe pas, pour le Monde, du Front National ; c'est la tâche de ma collègue, Christiane Chombeau. J'ai été amené à m'intéresser au dossier du DPS parce que je m'occupe du secteur de la police ; or un certain nombre de syndicats de police, et notamment le syndicat général de la police, se sont intéressés de très près, au cours des derniers mois, aux agissements de ce « département protection sécurité ».

    En réalité, je m'y suis intéressé à deux occasions. D'abord, au mois de février 1998, pour brosser un tableau de ce service de sécurité : ce qu'il est, quels sont ses membres, quel est son rôle au sein et autour du Front National. Ensuite, en décembre 1998, pour évaluer et examiner les conséquences de la scission du Front National entre les partisans de M. Bruno Mégret et ceux de M. Jean-Marie Le Pen, sur le DPS.

M. le Président : Ma première question est simple : par quel moyen avez-vous obtenu vos informations sur le DPS ?

M. Pascal CEAUX : Un certain nombre de syndicats de police ont rassemblé des informations à partir, notamment, de leurs adhérents qui sont parfois au contact des membres du DPS dans le cadre de l'organisation de manifestations ou de réunions du Front National auxquelles participent le DPS.

    Ces informations ont donc fait l'objet d'un document assez épais, document qui a également été alimenté par le réseau Voltaire, spécialisé dans la collecte d'informations concernant le Front National, en général, et le DPS, en particulier.

M. le Président : Avez-vous eu en mains d'autres documents ne provenant pas du réseau Voltaire ?

M. Pascal CEAUX : Non, mes autres sources sont des témoignages de personnes que j'ai rencontrées dans le cadre de la préparation de cet article.

M. le Président : Des policiers ?

M. Pascal CEAUX : Oui, mais pas seulement. J'ai aussi rencontré des membres du DPS, notamment M. Bernard Courcelle, qui était le responsable de ce service d'ordre, et M. Gérard Hirel, l'un des responsables régionaux et lieutenant colonel de gendarmerie en retraite.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Pouvez-vous, à travers des faits précis dont vous avez eu connaissance, nous donner votre définition du « département protection et sécurité » ?

M. Pascal CEAUX : Le DPS est un mouvement à deux faces : une face officielle et l'autre officieuse.

    La face officielle est celle sur laquelle insiste M. Bernard Courcelle ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on avait fait appel à lui. Il a toujours revendiqué le fait qu'il avait écarté du DPS tous les éléments perturbateurs, à savoir les membres des groupuscules d'extrême-droite les plus violents, les skinheads et les néo-nazis. Cette face officielle est représentée, me semble-t-il, par les personnes travaillant ou ayant travaillé dans le domaine de la sécurité ; il me semble que l'été dernier le DPS comptait dans ses rangs 18 anciens officiers de gendarmerie et policiers à la retraite.

    M. Bernard Courcelle rappelle volontiers que c'est grâce à l'enquête rapide menée par les membres du DPS, après l'assassinat du jeune Marocain Brahim Bouarram, que les coupables ont pu être livrés à la police. Pour lui, le DPS est un service d'ordre identique à ceux que l'on peut trouver dans les autres partis politiques ; un service d'ordre qui se justifie, selon lui, par le fait que le Front National est souvent agressé lors de ses manifestations.

    La face plus officieuse regroupait, me semble-t-il, des personnes proches de M. Bruno Mégret du point de vue idéologique. Il s'agissait donc de membres plus « extrémistes » que ces anciens officiers en retraite : ils affirment clairement leur racisme, se retrouvent autour de l'approche raciste de « Terre et peuple » de M. Vial. Ils se sont regroupés, au moment de la scission du Front National, autour de M. Bruno Mégret. Ces personnes ont toujours été plus proches de M. Bruno Mégret, puisque certaines sont allées à Vitrolles au moment de l'élection de Mme Catherine Mégret à la mairie - je pense notamment à M. Patrick Bunel qui a joué un rôle important dans cette ville.

M. le Rapporteur : Monsieur Ceaux, je vous poserai deux questions.

    Pensez-vous que le DPS, sous ses deux formes, est un moyen de contenir des débordements extrémistes, ou, au contraire, qu'il est un moyen de se détourner de ces débordements après avoir donné une sorte d'onction, comme vous l'avez dit, avec blazer et pantalon gris ?

    Par ailleurs, il semblerait que les cadres du DPS se tournent plutôt vers la nébuleuse Mégret que vers l'ancienne constellation Le Pen. Est-ce pour des raisons d'argent ou de conviction - Mégret véhiculant davantage des idées d'extrême-droite, Le Pen ayant tendance à être un poujadiste attardé et représentant la tendance populiste de l'extrême-droite française ?

M. Pascal CEAUX : Je vous rejoins tout à fait sur ce second point. Parmi les personnes qui gravitent autour de M. Bruno Mégret, et qui s'occupent notamment de son service d'ordre, on repère aisément une espèce de noyau extrêmement vivace, qui se régénère depuis un certain nombre d'années, composé d'anciens ou d'actuels militants du GUD de la faculté de droit d'Assas.

    Ces militants ont, depuis la scission du Front National, pris fait et cause pour M. Bruno Mégret et sont, de ce fait, amenés à jouer un rôle de plus en plus actif pour tout ce qui concerne sa sécurité et celle de son entourage.

    Le fait que la plupart des membres du DPS ont préféré rejoindre M. Bruno Mégret peut paraître paradoxal lorsqu'on sait que l'un des surnoms du DPS était « dépend du président seulement ». Ils se définissaient donc, avant tout, comme des hommes de Jean-Marie Le Pen.

    En fait, nous nous sommes rendus compte qu'il s'agissait « d'hommes d'appareil », toujours présents aux réunions, très actifs au sein du Front National et qui, à ce titre, ont été particulièrement sensibles aux thèses de M. Bruno Mégret. Ce dernier, me semble-t-il, a fait un effort dans leur direction. Il a compris qu'ils étaient les meilleurs de tous les militants du Front National.

    Il s'agit de bénévoles, de personnes ayant de grandes certitudes idéologiques qui ne doutent pas de leur nationalisme. A ce titre, elles sont beaucoup plus sensibles au discours idéologique et structuré de M. Bruno Mégret, qu'à celui de ras-le-bol poujadiste, de polarisation de tous les mécontentements très à droite de Jean-Marie Le Pen.

M. Jacky DARNE : Monsieur Ceaux, vous avez décrit un DPS à deux faces : l'une officielle et l'autre qui l'est moins. Comment connaissez-vous la seconde face ? L'avez-vous vu fonctionner ? Avez-vous interrogé des personnes qui vous l'ont décrite ? Quels sont les éléments qui vous permettent de décrire cet aspect du DPS ? Lorsque nous posons ce type de questions aux responsables du DPS, nous n'avons pas, bien entendu, les mêmes réponses ! Il nous est donc utile de connaître des faits précis.

M. Pascal CEAUX : Je peux vous citer un exemple précis. M. Bernard Courcelle a toujours officiellement interdit - il existe même une circulaire en ce sens - les entraînements paramilitaires. Or il se trouve que j'ai interrogé un membre du DPS qui m'a affirmé qu'il organisait, dans sa propriété en Bretagne, des stages de tirs pour tous les membres volontaires du DPS de l'Ouest.

M. Jacky DARNE : Pouvez-vous nous communiquer son nom ?

M. Pascal CEAUX : Non, je ne peux pas. Cette personne n'a jamais été poursuivie judiciairement.

M. le Président : Le fait de nous communiquer son nom n'a pas forcément de conséquences.

M. Pascal CEAUX : Certes, mais je préfère m'abriter derrière le secret professionnel.

M. Yves NICOLIN : Si vous étiez interrogé par la justice, seriez-vous à même de prouver vos dires ?

M. Pascal CEAUX : C'est du passé ! Je dirai que j'ai recueilli des témoignages concordants.

M. le Président : Indépendamment du nom, s'agit-il uniquement d'un témoignage ou avez-vous assisté à un entraînement ?

M. Pascal CEAUX : Il s'agit d'une série de témoignages de personnes qui ont participé à ce type d'entraînement dans le département d'Ille-et-Vilaine.

M. Yves NICOLIN : Vous êtes-vous rendu sur place pour constater les faits ?

M. Pascal CEAUX : Non.

M. Jacky DARNE : Disposez-vous d'autres informations qui vont dans ce sens ?

M. Pascal CEAUX : Le fonctionnement du DPS est en fait ambigu : c'est à la fois un système extrêmement centralisé - dont M. Bernard Courcelle était le responsable - et pourtant décentralisé, puisqu'il y a des responsables régionaux - six - et départementaux.

    Lorsque j'ai cité cet exemple à M. Bernard Courcelle, il a eu beau jeu de me répondre qu'il donnait des consignes, mais qu'il n'était pas derrière chaque membre du DPS pour vérifier qu'elles étaient respectées.

    On peut d'ailleurs remarquer que le DPS se déclare volontiers responsable de tous les actes accomplis dans le cadre de la légalité, alors qu'il se décharge de tous les actes douteux, entachés d'illégalité, en affirmant qu'ils sont commis par des éléments perturbateurs, incontrôlables ou qu'il s'agit de provocations policières.

M. Jacky DARNE : Votre collègue, Mme Chombeau, nous a fait part des mesures d'intimidation dont elle a été victime à différentes reprises, tant dans sa vie professionnelle que privée. Etiez-vous au courant de ses problèmes ? Par ailleurs, à l'occasion de vos deux enquêtes de février et de décembre 1998, avez-vous été victime de mesures d'intimidation ?

M. Pascal CEAUX : S'agissant de Mme Chombeau, j'étais en effet au courant des problèmes qu'elle avait eus avec le Front National, mais elle ne m'en a jamais parlé directement.

    Pour ma part, je n'ai jamais fait l'objet de menaces.

M. Yves NICOLIN : Monsieur Ceaux, connaissez-vous d'autres partis en France qui ont un service d'ordre ?

M. Pascal CEAUX : Un service d'ordre permanent, non. Les partis politiques recourent de façon ponctuelle à des services d'ordre, dans le cadre notamment des campagnes électorales ; certains partis font d'ailleurs appel à des sociétés de sécurité privées, à des professionnels. En revanche, certains syndicats en ont.

M. Yves NICOLIN : Selon vous, le Front National est donc le seul parti à disposer d'un service d'ordre permanent ?

M. Pascal CEAUX : Oui.

M. André VAUCHEZ : On ne peut tout de même pas comparer le service d'ordre d'un syndicat à celui du Front National !

    Ma question est simple : pensez-vous que le DPS peut être dangereux pour la démocratie ?

M. Pascal CEAUX : Je ferai une réponse de Normand : non, je ne pense pas que le DPS est dangereux pour la démocratie, mais dans des circonstances de crise particulièrement grave, oui, je pense qu'il peut l'être. Certains membres du DPS sont tout à fait prêts à recourir à la violence comme mode d'action politique.

M. Jacky DARNE : Vous nous avez dit que, en tant que journaliste, vous suiviez les questions concernant la police. La Commission enquête également sur les relations qui ont pu exister entre la police et le DPS. Or vous avez fait allusion à d'anciens officiers, responsables locaux du DPS.

M. Pascal CEAUX : Il y a beaucoup plus d'anciens gendarmes que d'anciens policiers.

M. Jacky DARNE : Disposez-vous d'informations démontrant des relations discutables entre des forces de police et le DPS ?

M. Pascal CEAUX : Je ne possède pas d'éléments détaillés à ce sujet. Je peux simplement vous citer, par exemple, l'interpellation de l'ancien secrétaire général du FN Police, M. Frédéric Jamet - aujourd'hui incarcéré - et d'un autre dirigeant de ce mouvement, dans une affaire de trafic de stupéfiants et dans une série de cambriolages.

    Par ailleurs, au printemps 1998, se sont déroulées des élections professionnelles dans la police auxquelles le Front National de la Police n'a pas pu se présenter ; il avait, en effet, été déclaré illégal, comme syndicat, par le tribunal correctionnel d'Evry l'année précédente.

    Il convient de savoir qu'il existe par ailleurs, au sein de la police nationale, des syndicats qui, sans se réclamer ouvertement de l'extrême-droite, se situent à la droite extrême. Je pense en particulier à la FPIP, la fédération professionnelle indépendante de la police, qui s'est présentée aux dernières élections et qui a obtenu environ 8 % des voix parmi les gardiens de la paix, chiffre important, même si, comme le soulignent les policiers, il est inférieur au chiffre réalisé au niveau national par le Front National.

    Tout cela accroît les risques de « relations incestueuses » entre certains policiers et les mouvements d'extrême-droite - et en particulier avec le DPS. Mais il s'agit là d'une remarque que je ne peux pas encore étayer par des faits.

    Enfin, je dirai qu'il existe une dimension régionale à ce phénomène. Dans les régions où le Front National est très implanté - je pense notamment au Midi de la France - et où la population est très sensibilisée au problème de sécurité, la question prend un tour plus aigu. Les policiers y sont plus sensibles aux discours extrémistes qu'en région parisienne ou en Bretagne, par exemple.

M. le Président : Vous nous avez dit avoir interrogé des policiers. S'agissait-il de policiers ayant des responsabilités syndicales ou de policiers de terrain ?

M. Pascal CEAUX : Les deux. Jean-Louis Arajol, le secrétaire général du syndicat général de la police - syndicat majoritaire en région parisienne chez les gardiens de la paix - est membre actif du réseau Voltaire. C'est son syndicat qui a constitué ce dossier concernant le DPS qui s'appuie essentiellement sur une série d'articles recueillis à la fois dans la presse nationale et régionale, mais également dans la presse d'extrême-droite.

M. le Président : Les policiers que vous avez rencontrés sur le terrain vous ont-ils confirmé toutes les informations que vous détenez sur le DPS ?

M. Pascal CEAUX : Oui, tout à fait.

M. le Président : Les principaux responsables des syndicats de police que nous avons auditionnés nous ont dit, d'une manière générale, qu'aucune information concernant le DPS ne leur remontait de leurs sections locales.

M. Pascal CEAUX : Les informations qui remontent concernent davantage les liens police/extrême-droite que spécifiquement le DPS, sauf lorsqu'un problème se pose dans un cas précis. Le DPS est un sous-ensemble du rapport de la police avec l'extrême-droite sur lequel se penchent davantage les syndicats de police. Ils s'intéressent également à la FPIP
- et au Front National de la Police lorsqu'il existait. Un filtrage naturel se fait dans le sens du bas vers le haut.

M. le Président : Nous n'avons pas obtenu davantage d'informations sur le Front National. Pouvez-vous expliquer cette rétention d'informations de la part des sections locales et des syndicats ?

M. Pascal CEAUX : Même si les principaux syndicats de police ont une couleur politique - un peu fluctuante, d'ailleurs -, ils ont pour principe de ne pas demander l'opinion politique de leurs adhérents.

    On sait que dans les syndicats républicains de police - c'est-à-dire hors la FPIP et deux autres groupuscules -, certains policiers votent sans doute pour le Front National. Il est donc difficile, pour leurs responsables syndicaux, de les pousser sur ce terrain.

M. Yves NICOLIN : Monsieur Ceaux, pensez-vous qu'aujourd'hui la justice aurait matière à condamner le DPS pour des faits contraires à la loi ou menaçant l'ordre public ?

M. Pascal CEAUX : Il est difficile de répondre à cette question, car nous sommes, aujourd'hui, dans une période de flottement : la scission du Front National a également eu des effets au niveau du service d'ordre. On ne sait pas encore qui est avec qui, de nombreuses personnes hésitent encore.

M. Yves NICOLIN : Je pense aussi à une condamnation pour des faits antérieurs.

M. Pascal CEAUX : Pour des faits antérieurs, oui, certainement. Certains faits sont connus, tels que l'intervention du DPS à Montceau-les-Mines en tenue de maintien de l'ordre ressemblant à celle des CRS. A cette occasion, un nombre important de délits ont été commis.

M. Yves NICOLIN : Pourquoi, selon vous, aucune poursuite n'a été ordonnée ?

M. Pascal CEAUX : Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas eu de poursuite.

M. le Président : Des plaintes ont été déposées.

M. Pascal CEAUX : La tâche de la police, à l'égard du Front National et par conséquent du DPS, est difficile, car il s'agit d'un parti légal. Par ailleurs, les renseignements généraux, suite à l'affaire dont avait été victime le parti socialiste, ne sont plus autorisés à se renseigner sur les partis politiques. Le Front National est un parti clos ; si elle ne dispose pas de renseignements, la police judiciaire peut difficilement constater des délits. Elle ne peut pas interpeller des personnes sans charges précises et concordantes.

M. Yves NICOLIN : Il y a des mises en examen pour bien moins que ça !

M. Pascal CEAUX : Ces personnes pourraient être mises en examen pour deux types de délit : d'une part, pour des raisons matérielles telles qu'un détournement de fonds, et, d'autre part, pour des faits de violence, ce qui est difficile à établir lorsque vous ne disposez pas de renseignements et que vous ne les prenez pas en flagrant délit. C'est une difficulté réelle pour la police qui, par ailleurs, ne fait peut-être pas porter l'essentiel de ses efforts sur cette question.

M. Robert GAIA : Avez-vous enquêté sur l'affaire Jamet ?

M. Pascal CEAUX : Oui, tout à fait.

M. Robert GAIA : Je voudrais connaître votre sentiment sur le braquage de Pétrossian.

M. Pascal CEAUX : Je ne dispose pas d'éléments sur cette affaire.

M. Robert GAIA : Vous nous avez cité un exemple de camp d'entraînement. Avez-vous d'autres exemples prouvant qu'il existe une organisation paramilitaire ?

M. Pascal CEAUX : Je peux vous citer un exemple connu du public : la grande grève des routiers à Vitrolles durant laquelle M. Patrick Bunel a dirigé et mené une action. Mais il y a eu des poursuites judiciaires et un certain nombre de personnes ont été condamnées.

M. Robert GAIA : Au-delà des actions, connaissez-vous d'autres exemples de camps d'entraînement qui prouveraient qu'il existe une organisation paramilitaire ?

M. Pascal CEAUX : Non, je n'ai rien d'autre de précis. J'ai bien entendu des rumeurs concernant notamment le Lot-et-Garonne, mais je n'ai pas d'éléments pour les confirmer.

M. le Président : Disposez-vous d'éléments tendant à prouver que les membres du DPS se livrent à une activité de renseignement, interne et externe ?

M. Pascal CEAUX : Non, je n'ai rien de particulier. Mais il est vrai que des fichiers de journalistes et de personnes considérées comme opposées au Front National ont été établis.

    S'agissant de l'activité de renseignement interne, je pense que M. Bruno Mégret, dans la période précédant la scission, a eu le sentiment que lui et ses partisans faisaient l'objet d'une surveillance particulière de la part des membres du DPS. Je pense que ce n'était pas faux...

M. le Président : Vous avez écrit un article sur la permanence du Front National du 12ème arrondissement de Marseille. Avez-vous des éléments supplémentaires à ce sujet
- notamment en ce qui concerne les recherches de fichiers ?

M. Pascal CEAUX : Il s'agissait, au moment de la scission, d'une tentative de récupération par la police du fichier des adhérents menée par des partisans du responsable fédéral des Bouches-du-Rhône désigné par M. Jean-Marie Le Pen, M. Susini, je crois.

M. le Président : Vous connaissez d'autres exemples d'affrontement entre le DPS et le DPA ?

M. Pascal CEAUX : Récemment, non. Mais il est vrai que depuis le mois de décembre je ne me suis pas intéressé au sujet.

M. le Président : Monsieur Ceaux, je vous remercie.

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    Audition de M. Jean-Pierre CHABRUT, responsable du DPS

(extrait du procès-verbal de la séance du mardi 30 mars)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M.  Jean-Pierre Chabrut est introduit.

    M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Jean-Pierre Chabrut prête serment.

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. Jean-Pierre Chabrut qui a succédé à la tête du DPS à M. Marc Bellier qui, lui-même, remplaçait M. Bernard Courcelle. Vous êtes donc aujourd'hui le responsable du DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : C'est exact !

M. le Président : Dans quelles conditions avez-vous été désigné ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : En tant que militant, je devais répondre au profil souhaité.

M. le Président : Quelles ont été auparavant vos responsabilités au sein du DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : J'ai fait partie du DPS à sa création.

M. le Président : C'est-à-dire ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : En 1986.

M. le Président : Et quelles responsabilités y avez-vous occupées depuis ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je suis resté deux ans comme chef d'équipe. C'était une petite mission après laquelle j'ai été conduit à occuper une fonction plus politique puisque j'étais secrétaire adjoint du XVIème arrondissement de Paris.

M. le Président : Ce n'est pas votre activité professionnelle ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Pas du tout ! Je parlais là de militantisme puisque vous m'interrogiez sur ma carrière politique.

M. le Président : Pouvez-vous nous éclairer sur vos activités professionnelles ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Tout à fait, j'ai été pendant cinq ans chargé d'investigation sur les marchés parallèles pour le compte d'une société de luxe ; ensuite je me suis orienté vers la sécurité et je me suis retrouvé à travailler pour une société de sécurité à l'étranger.

M. le Président : De quelle société s'agissait-il ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : De la SIA.

M. le Président : Vous travailliez à l'étranger mais où ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : En Afrique.

M. le Président : Dans quel pays ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : L'Angola.

M. le Président : Vous y avez eu quelle mission ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : J'étais directeur des opérations, notamment pour protéger les gens de l'ONU, les membres de la société Elf, les ressortissants étrangers en fait.

M. le Président : Vous avez eu des relations avec le Groupe Onze ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui, tout à fait !

M. le Président : Lesquelles ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Amicales.

M. le Président : Mais encore ? Vous n'y avez pas exercé de responsabilités ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : En fait, je n'ai pas eu de relations avec le Groupe Onze mais avec des membres du Groupe Onze ce qui n'est pas tout à fait pareil.

M. le Président : Vous n'avez pas eu de responsabilités au sein de ce groupe ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Nullement !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Comment, aujourd'hui, fonctionne le DPS. Pouvez-vous entrer un peu dans les détails de son organisation ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Volontiers ! Comme son nom l'indique, il s'agit d'un département au même titre qu'un département juridique ou financier. Il est constitué de bénévoles qui m'aident à organiser des meetings ou des manifestations publiques.

    J'ajouterai simplement que lorsque l'on nous demande de mettre en place un service de sécurité, le DPS - donc moi-même - prend en compte les forces de l'ordre. Cela signifie d'abord que j'entre en contact avec la préfecture qui me délivre l'autorisation d'organiser la réunion, ce qui revient à dire qu'il n'y a aucune manifestation sauvage, ensuite qu'on veille à ce que tout se passe bien en matière de sécurité incendie, de secourisme - j'essaie d'avoir des garçons qui sont formés dans ce domaine - et que nous contrôlons l'accès de façon à surveiller les entrées, les invitations etc. : nous observons donc un schéma classique.

    Lorsqu'il s'agit de manifestations extérieures telles que le défilé du 1er mai, nous nous assurons du suivi du trajet, de la bonne tenue du défilé et du respect des horaires. Notre service consiste donc à assurer la protection des personnes mais aussi des biens lorsque les réunions se tiennent dans des locaux fermés.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Comment s'effectue le recrutement ? Puisque vous parliez de formation au secourisme ou à la sécurité incendie, j'aimerais savoir si vous organisez des stages, et si oui, comment et avec qui ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je suis encore un peu trop jeune dans ma fonction pour avoir organisé des stages mais je sais que cela s'est fait. Il faut bien voir que les membres du DPS sont tous des militants bénévoles et - je vous dis ce qui se fait car je n'ai pas encore eu moi-même à mettre le système en pratique - qu'on recherche donc tous ceux dont le cursus comprend des diplômes incendie, qu'ils soient pompiers ou autres et qui ont l'habilitation à instruire des gens. A partir de là, on leur demande de se déplacer et d'assurer la formation des membres du DPS.

M. le Président : Il n'y a pas que des pompiers, il y a aussi d'anciens gendarmes et d'anciens policiers ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui, anciens toujours ! Mais ce sont surtout les pompiers qui nous intéressent. C'est-à-dire que les gendarmes et les policiers peuvent nous intéresser quant à la discipline - on a aussi beaucoup d'anciens militaires - mais il s'agit d'un autre aspect qui ne concerne plus tellement la formation.

    Vous savez, comme nous faisons de la sécurité, nous avons besoin de gens disciplinés. Lorsque je demande à quelqu'un de rester à une porte pour que personne ne passe, j'aime bien avoir des gens qui ont un cursus militaire pour être certain de ne pas les retrouver à dix mètres de là...

    En l'occurrence, je parlais donc de sécurité et de secourisme car nous avons également beaucoup de secouristes qui initient nos gars mais je répète que je n'ai pas encore eu l'occasion d'organiser de stages même si c'est là un aspect des choses qui m'intéresse beaucoup et que je considère comme très important.

    De toute façon, nous avons eu l'occasion, lors de notre convention au Bourget, de constater qu'on nous demandait de pouvoir disposer d'un certain nombre de gens ayant le RP1 qui est un diplôme de sécurité incendie. Je recherche donc dans mon fichier tous ceux qui ont ce profil avant de les mettre en contact avec l'organisation du Bourget, par exemple.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous avez globalement répondu à ma question mais je souhaiterais l'étayer : donc, en fait et en clair, vous avez un fichier des militants du Front National que vous consultez en fonction...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, non, pas du Front National mais des militants du Front National qui sont au DPS : ce sont des gens à qui je fais remplir un questionnaire sur leurs compétences.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Et qui ont, à un moment donné, demandé à faire partie du DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Absolument !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Il nous a été dit que vous aviez aussi, au sein du DPS, des personnes qui ne sont pas obligatoirement des militants, qui adhèrent aux thèses du Front National, mais sont, en quelque sorte le « tout venant ». Avez-vous également un fichier les concernant, s'ils font acte de candidature pour venir au DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Alors là, je ne vois pas du tout où vous voulez en venir : à partir du moment où ils sont au Front National, pour nous, cela suffit !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : On nous a dit que certains n'y étaient pas.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Pas à ma connaissance et, en tout cas, j'ai donné des directives pour que ce soit des militants de chez nous !

M. le Président : Ce ne sont pas les directives qu'avaient données M. Fabre et M. Courcelle.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je ne sais pas, mais moi je viens de publier une note indiquant que les candidats devaient impérativement être militants, sans quoi nous n'avons plus de contrôle possible.

M. le Président : M. Courcelle nous a confirmé qu'il y avait effectivement dans le DPS des personnes qui pouvaient ne pas être membres du Front National...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je vous remercie de cette information dont je vais m'inquiéter.

M. le Président : Eh bien, vous voyez que vous aurez appris quelque chose en venant devant cette Commission !

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui !

M. le Rapporteur : Quelle était cette société SIA ? Que recouvre ce sigle, par qui était-elle dirigée et comment vous a-t-elle recruté ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Elle dépendait d'une société HRM, société d'hôtellerie qui travaillait pour la société Elf et qui avait monté un département sécurité, baptisé SIA
- Société internationale d'assistance -, qui s'occupait de la sécurité des ressortissants étrangers.

M. le Rapporteur : C'était donc une filiale d'Elf ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Nullement, d'HRM !

M. le Rapporteur : Qui était elle-même totalement indépendante d'Elf ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Totalement !

M. le Rapporteur : Et de quelle origine ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Française.

M. le Rapporteur : Et que signifie HRM ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Hôtellerie, restauration... quelque chose comme cela !

M. le Rapporteur : Vous avez dit que vous étiez en charge de la protection et de la sécurité des personnalités françaises d'Elf...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Du personnel, de tous les ressortissants étrangers.

M. le Rapporteur : ... et de l'ONU. Comment aviez-vous été recruté ? Par l'ONU ? Etiez-vous armé ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, personne n'était armé ; nous n'étions pas recrutés par l'ONU. C'est l'ONU qui a demandé à la société qui existait déjà douze ans avant mon arrivée, d'assurer la protection de son personnel sur place. L'Angola n'était plus en guerre lorsque j'y étais, mais il règne encore une grande instabilité dans ce pays.

M. le Rapporteur : Etiez-vous en relation avec le gouvernement angolais, avec les services de police ou l'armée angolaise ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Avec les services de police, oui, bien sûr !

M. le Rapporteur : Et le cas échéant, avec d'éventuels mouvements mercenaires qui existaient en Angola ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je n'en ai jamais vu. Ils étaient là-bas bien avant moi... Je suis arrivé à une période relativement calme.

M. le Rapporteur : En quelle année ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je suis resté peu de temps, environ six mois, et je suis rentré en mai 1997.

M. le Rapporteur : Vous semblez être effectivement un spécialiste de sécurité et de protection, mais j'aimerais savoir quel a été votre parcours précédent. Votre spécialisation est-elle due à un passé militaire, policier ou simplement à l'expérience ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je suis officier de réserve bien sûr et je vous ai dit que j'étais entré dans la parfumerie - quand je parlais du luxe, il s'agissait de la parfumerie - pour m'occuper de tous les marchés parallèles. Je suis resté quelques années dans ce secteur d'activité.

M. le Rapporteur : Quelle était cette société de parfumerie ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Givenchy.

M. le Président : C'est quoi les marchés parallèles ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : C'est un peu compliqué à expliquer mais si vous avez le temps, je veux bien le faire !

    La contrefaçon est une simple copie de produits sur laquelle je ne m'étendrai pas. Les marchés parallèles, sont le fait de détaillants qui, de par le monde, revendent à des pays qui n'ont pas de distributeurs. Les sociétés de produits de luxe, n'ont plus alors que deux solutions : soit dans le pays qu'elles visent trouver un distributeur à qui vendre avec des droits de douane conséquents, soit fabriquer sur place. En effet, par le biais des marchés parallèles, un produit vendu à un prix x en France, quand il transite dans d'autres pays sans que soit acquitté le moindre droit de douane, peut, quand il atteint sa destination finale, y être vendu à un prix parfois cent fois, voire deux cents fois moins élevé.

    Il s'agissait donc, pour moi, de retrouver les filiales et de remonter les filières.

M. le Rapporteur : Je reviens à votre parcours militaire : vous étiez officier de réserve. Quel était votre grade ? Avez-vous été officier de réserve seulement durant votre service militaire ou avez-vous eu des périodes « d'active » ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, j'ai fait mon service militaire et je suis actuellement commandant.

M. le Rapporteur : Dans quelle arme ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Troupes de marine.

M. le Rapporteur : Mais vous n'avez jamais été activé ? Vous n'avez jamais fait de périodes autres ?...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Jamais !

M. le Rapporteur : Dans quelle unité serviez-vous ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Premier régiment d'infanterie de marine.

M. le Rapporteur : Au premier IMA ? Pas au premier RPIMA ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, j'aurais bien aimé...C'est un régiment illustre s'il en est !

M. le Rapporteur : Par conséquent, à part le fait d'être réserviste dans l'infanterie de marine, comme je l'ai moi-même été jadis, rien dans vos études ou votre formation, ne vous prédisposait à rencontrer le monde de la sécurité ou du renseignement ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Mon passage dans l'infanterie de marine n'a rien à voir, lui, non plus avec la sécurité. C'est uniquement le hasard et mon séjour en Angola qui m'ont amené à connaître le métier.

M. Jacky DARNE : Vous avez indiqué avoir maintenant la responsabilité du DPS et j'aimerais en savoir un peu plus sur l'organisation et les moyens dont vous disposez.

    D'abord, concernant votre statut, êtes-vous salarié ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Absolument !

M. Jacky DARNE : Vous n'avez plus d'activité professionnelle autre que celle-là ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non !

M. Jacky DARNE : Vous avez un contrat de travail ? Selon quel type de délégation ? Du président du Front National, j'imagine ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Exactement !

M. Jacky DARNE : Quel est votre niveau actuel de rémunération ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je suis à 18 000 francs nets.

M. Jacky DARNE : Vous avez aussi des frais ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui, absolument. Je suis amené à me déplacer et j'ai des frais d'hôtellerie et de restauration.

M. Jacky DARNE : Et quelles relations hiérarchiques entretenez-vous avec la direction politique du Front National ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je dépends directement du Président, M. Jean-Marie Le Pen : « point-barre » comme on dit à l'armée.

M. Jacky DARNE : Et quels sont vos collaborateurs salariés ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : J'ai une assistante et un nouveau - même arrivé avant moi, en février, il n'en demeure pas moins nouveau dans son poste - responsable de la sécurité sur les locaux.

M. Jacky DARNE : Il est salarié également ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Exactement !

M. Jacky DARNE : Et vous êtes les seuls salariés DPS, les autres étant tous des bénévoles ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Tout à fait !

M. Jacky DARNE : Les autres bénéficient cependant de remboursements de frais lors des manifestations ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Pas nécessairement ! Comme je vous l'ai dit ce sont des militants et, comme tout militant, ils viennent aux meetings. Maintenant, il y a les secrétaires départementaux qui peuvent les aider puisque vous savez que chez nous, il existe ce qu'on appelle « le drapeau » : à la fin des meetings on met un drapeau et s'il y a eu des frais de déplacement, les secrétaires départementaux les remboursent, sinon ce sont les militants qui supportent les frais et qui achètent leur cravate : libre à eux de venir ou de ne pas venir...

M. Jacky DARNE : Il peut vous arriver de mettre des cars à leur disposition, par exemple ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui, si les secrétaires départementaux veulent bien les financer sans quoi, on ne fait bouger personne.

M. Jacky DARNE : Disposez-vous d'une ligne budgétaire pour le fonctionnement ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Pas du tout ! Je n'ai rien !

M. Jacky DARNE : Vous ne pouvez signer aujourd'hui aucune note au trésorier du Front National ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non ! Je fais ma demande pour obtenir un stylo ou un crayon au responsable du bureau. Je n'ai aucun budget.

M. Jacky DARNE : On vous posait tout à l'heure des questions sur le ficher. Vous avez indiqué que vous en aviez mais j'aimerais savoir si vous passez par l'intermédiaire des responsables régionaux ou départementaux ou si vous contactez directement les chefs d'équipe pour un service d'ordre ? Comment procédez-vous ? L'organisation géographique antérieure est-elle maintenue ou modifiée ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Complètement maintenue.

M. Jacky DARNE : Il existe donc toujours des régions ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Tout à fait !

M. Jacky DARNE : Qui sont au nombre de combien ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : C'est une bonne question. Je ne sais pas encore : autant de régions qu'il y en a en France.

M. le Rapporteur : Vingt-deux régions administratives ou six régions DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Alors, il y a six zones DPS, vingt-deux régions plus les départements : voilà !

M. Jacky DARNE : Et les personnes responsables de ces régions ou de ces départements sont étiquetées DPS par définition ; avez-vous, notamment en cette période de mouvements entre DPA et DPS, une délégation pour autoriser, agréer, valider la présence de telle ou telle personne ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Bien sûr ! C'est-à-dire qu'on me propose des candidatures et qu'elles remontent par la voie hiérarchique - si je puis me permettre cette expression et si elle ne vous choque pas - avant d'arriver sur mon bureau signées par tous les responsables départementaux, régionaux et de zones.

M. Jacky DARNE : Quels sont les types de documents que vous exigez pour les valider ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Il faut déjà fournir un casier judiciaire vierge et remplir un questionnaire selon un schéma très classique.

M. Jacky DARNE : Vous estimez disposer de quel potentiel de personnes ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Mauvaise question !

M. Jacky DARNE : Pourquoi ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je ne parviens pas à savoir exactement : je sais qu'il y en a 300 qui ont répondu et signé leur lettre de fidélité et je m'en tiendrai à ce chiffre car je ne dispose pas d'assez d'éléments pour en avancer un autre. J'ai donc 300 personnes sûres.

M. Jacky DARNE : On vient de décrire votre activité actuelle et de faire allusion à vos nouvelles responsabilités. Vous nous avez indiqué que vous apparteniez au DPS depuis 1986. Quelles sont les manifestations importantes auxquelles vous avez participé en tant que membre du DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Les défilés du 1er mai.

M. Jacky DARNE : Quand on est militant du DPS - puisque vous avez commencé en 1986, cela fait donc onze ans...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je ne compte pas onze ans d'activité DPS...

M. Jacky DARNE : Disons donc un bon nombre d'années...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Tout à fait !

M. Jacky DARNE : ... quelle est la fréquence de participation à des manifestations sur une année civile, par exemple ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Disons que, sur une année, on retrouve toujours les mêmes manifestations dont les principales sont la fête des « Bleu Blanc Rouge » et le 1er mai. En dehors de cela, le rythme est extrêmement fluctuant et varie selon que l'on se situe ou non en période électorale. Je ne pourrais même pas établir une moyenne. Il faut se baser sur les deux principales manifestations qui sont les plus intéressantes.

M. le Président : Vous étiez à Montceau-les-Mines ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, nullement.

M. le Président : A Strasbourg ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non plus !

M. le Président : Vous n'étiez pas au congrès de Strasbourg ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, non ! J'avais un peu « levé le pied » depuis quelques années.

M. le Président : Vous êtes responsable du DPS depuis quelle date exactement ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Depuis le 1er mars.

M. le Président : C'était M. Marc Bellier qui l'était auparavant. Pour quelles raisons ne l'est-il plus ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : En fait, le Président, ainsi qu'il l'a dit, souhaitait le mettre comme intérim mais il ne pouvait pas l'énoncer ainsi sans lui faire perdre du pouvoir, bien qu'il soit extrêmement respecté et respectable ! Cela ne se faisait pas de dire qu'il était là par intérim même s'il était clair, pour lui comme pour le président, que c'était le cas.

M. le Président : A vous entendre, vous avez encore beaucoup à apprendre sur le DPS...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Ah oui ! Je suis un petit poussin...

M. le Président : Or, comme nos premières auditions ne donnent pas l'impression que tout ce qui tourne autour de M. Jean-Marie Le Pen se fait dans l'improvisation, il y a bien quelqu'un au DPS qui en a une meilleure connaissance que vous ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Assurément. Tout à fait, ils sont même légion, mais il n'y en a pas beaucoup qui ont voulu prendre la place : je crois que c'est cela !

M. le Président : Une convention du Front National s'est tenue tout récemment : je suppose que l'organisation de son service d'ordre et de sa protection ne s'est pas faite comme cela ! Vous veniez d'arriver et il y a donc quelqu'un qui s'en est occupé et qui vous a secondé dans cette affaire ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui, je vous ai dit que j'avais plein de bénévoles...

M. le Président : Oui mais je ne parle pas des bénévoles en général, je parle de ceux qui peuvent assumer des responsabilités, qui peuvent connaître l'organisation.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Même ceux qui ont des responsabilités sont bénévoles...

M. le Président : Oui d'accord !

M. Jean-Pierre CHABRUT : Vous allez d'ailleurs en recevoir certains demain...

M. le Président : C'est-à-dire M. Eric Staelens ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui.

M. le Président : Quel rôle joue-t-il ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Il est responsable de zone, c'est-à-dire qu'il occupe la fonction de chargé de mission comme je vais l'appeler maintenant, qui consiste, lorsqu'il y a une manifestation sur une zone, à la prendre en charge avec les responsables régionaux et départementaux. Il connaît parfaitement la mécanique et, pour la convention, nous avons organisé les choses, rencontré les forces de l'ordre comme c'est l'habitude.

M. le Président : Vous vous appuyez donc sur M. Eric Staelens ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Entre autres !

M. le Président : Qui d'autre ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Comme je vous le disais M. Jean-Marie Lebraud qui est au « paquebot » et qui était aussi responsable de zone, mais qui ne l'est plus maintenant puisqu'il travaille au bureau, et tous les autres responsables de zones...

    Il doit y avoir un élément qui vous échappe ! Il y a une structure qui existe déjà : je n'y ai rien changé. Excepté le remplacement d'un ou deux cadres et les quelques départs qui ont pu survenir, la structure demeure identique et fonctionne toujours. Je reprends les choses, j'essaie de rencontrer les gens, mais tout cela fonctionne.

M. le Rapporteur : Vous étiez dans les troupes de marine par choix, par classement ou par hasard ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Pour les deux premières raisons. A la sortie de Coëtquidan, l'affectation se fait en fonction du rang de sortie : je visais les troupes d'élite et j'ai eu la chance de pouvoir entrer dans les troupes de marine.

M. le Rapporteur : Vous avez des diplômes de parachutiste ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non !

M. le Rapporteur : Avant Coëtquidan, vous étiez étudiant. Dans quel domaine ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Le commerce.

M. le Rapporteur : Votre attitude à l'égard des skinheads qui gravitaient jadis autour du Front est-elle la même que celle de M. Bernard Courcelle ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : J'ignore quelle était son attitude. Je connais très peu M. Bernard Courcelle ; si vous m'expliquez comment il réagissait, je pourrai vous répondre.

M. le Rapporteur : Quelle sera alors votre attitude à l'égard des skinheads ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Ce ne sont pas mes amis.

M. le Rapporteur : Et à l'égard de la mouvance néo-nazie ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Ce ne sont pas mes amis, non plus ! Ecoutez, le Front National est un mouvement démocrate donc tous ceux qui ne le sont pas ne nous suivent pas...

M. le Rapporteur : Que pensez-vous de M. Gérard Le Vert qui est Front National, même s'il appartient aujourd'hui à un courant différent ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je ne le connais pas. Je ne porte donc aucun jugement.

M. le Rapporteur : Par conséquent, vous ne pouvez pas indiquer comment il s'est trouvé entraîné dans des manifestations qui se sont révélées être des réunions d'anciens Waffen SS autrichiens ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : J'ai bien fait de venir : j'apprends des tas de choses ici !

M. le Rapporteur : M. François-Xavier Sidos, cela ne vous dit rien non plus ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Si, je le connais. Je l'ai rencontré plusieurs fois !

M. le Rapporteur : Dans quelles circonstances ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Nous étions voisins.

M. le Rapporteur : Voisins de palier ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, voisins de quartier, de rue.

M. le Rapporteur : Pourquoi employez-vous le terme de « garde »?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Parce que lorsqu'il y une porte, il faut la garder.

M. le Rapporteur : Cela n'a rien à voir avec la connotation ancienne du terme qui renvoie à d'autres mouvements ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Vous pensez à quoi ?

M. le Rapporteur : A la milice.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Parce qu'ils parlaient de « gardes » à la milice ?

M. le Rapporteur : Oui !

M. Jean-Pierre CHABRUT : D'accord ! Je ne sais pas, mais lorsque l'on fait une garde à l'armée, ce sont des gardes. J'aurais pu employer un autre terme mais celui-là est français et ne me déplaît pas. Je crois qu'il a été utilisé avant moi et il ne me choque pas outre mesure....

M. le Président : Vous n'avez jamais eu de responsabilités à la direction du Groupe Onze ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, jamais ! Je vous l'ai dit.

M. le Président : Vous témoignez sous serment !

M. Jean-Pierre CHABRUT : Des responsabilités, jamais ! Je connais deux dirigeants de la société, c'est tout !

M. le Président : Non seulement vous témoignez sous le régime du secret mais vous avez aussi juré de dire toute la vérité !

M. Jean-Pierre CHABRUT : Tout à fait !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous avez, tout à l'heure, laissé entendre que vous étiez « un petit poussin » en matière de DPS et qu'il y avait beaucoup de gens qui le connaissaient mieux que vous mais qu'aucun n'avait voulu prendre la place que vous occupez. Pourquoi, vous, l'avez-vous acceptée ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Vous n'ignorez pas la crise qu'a traversé le Front National. Je m'étais un peu retiré pendant trois ans, mais j'ai beaucoup souffert de cette crise et c'était l'occasion pour moi de justifier ce que j'avais fait pendant plusieurs années. Une période de crise - je vais prendre une métaphore - c'est un peu comme lorsque quelqu'un tombe avec un drapeau : on a tout de suite envie de le ramasser et de repartir...C'est un réflexe très simple et humain ! Il s'est avéré que j'avais la possibilité de le faire et que je connais pas mal de gens au Front National qui m'y ont incité. Disons que c'est un ensemble de facteurs qui ont joué. Voilà !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous dépendez, si j'ai bien compris, directement de M. Jean-Marie Le Pen. Quelles sont les grandes lignes qu'il vous a tracées pour mener votre activité ?

    Par ailleurs, j'imagine que vous avez rencontré ou que vous allez rencontrer l'équipe - et je fais référence aux militants - du DPS. Qu'allez-vous lui dire et avez-vous des ordres précis à lui communiquer concernant notamment les tenues ou les armes ?

    Enfin, je crois que M. Bernard Courcelle a été licencié il y a peu de temps, que vous lui avez succédé : l'avez-vous rencontré ? Si oui, dans quelles conditions, si non, pourquoi ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : La principale consigne qui m'a été transmise a été de recruter au niveau national, parce que nous avons besoin de gens et de faire en sorte que tout se passe bien. Les directives sont que nos meetings soient sécurisés, que nos rencontres se passent dans la bonne humeur et sans incident.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous avez donc carte blanche pour recruter et organiser les choses, ou vous avez des comptes à rendre à M. Jean-Marie Le Pen et des rapports à lui adresser ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui, je me dois de lui adresser des rapports. Je le fais déjà et je continuerai. C'est normal et j'y tiens : c'est mon chef et dans toute entreprise, on doit rendre compte...

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Avez-vous, par rapport au fichier que vous avez, rencontré des membres du DPS ? Avez-vous des directives à leur communiquer ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Votre question est très intéressante !

    J'ai en effet déjà été amené à me déplacer un peu en province. J'ai rencontré les membres du DPS à la convention et je vais m'efforcer de tous les rencontrer très rapidement. J'ai rédigé à leur intention, avec la collaboration de notre conseiller juridique, une sorte de bréviaire où figure tout ce qui peut relever de la législation sur les armes. J'y ai également fixé tous les cadres dans lesquels nous devons travailler et les limites à ne pas dépasser : c'est un point auquel je tiens énormément !

    Concernant les tenues, je considère que nous sommes représentatifs et que nous sommes « la vitrine » du Front National. En conséquence, pour un meeting comme celui qui s'est tenu le week-end dernier, je demande à tout le monde d'être habillé d'une certaine façon, de porter la tenue que vous connaissez, qui est celle du DPS, et qui se compose d'un blazer, d'une cravate, de pantalons et de chaussures cirées...

M. le Président : ... et le bouclier et le casque ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : ... oui et le mortier de 120 aussi !

M. le Président : Ah non excusez-moi, à Montceau-les-Mines...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non !

M. le Président : Permettez...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je vous en prie !

M. le Président : ... sur les images que nous avons vues de Montceau-les-Mines, certains membres du DPS portaient casque, bouclier, matraque et bottes et ont fait pendant une heure ou deux le service d'ordre du meeting de M. Bruno Gollnisch. Par conséquent, la question est une question sérieuse !

    On appelle cette tenue nous a-t-on dit, la tenue n° 2, mais peut-être n'en êtes-vous pas encore arrivé là dans votre connaissance du DPS ?...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Si, si j'ai entendu parler de Montceau-les Mines. Cela étant, je n'en veux pas aux membres du DPS d'avoir utilisé des moyens de défense. La matraque était absente mais ils avaient effectivement casque et bouclier : on en a longuement parlé.

    Le problème, c'est que nous sommes attaqués. Pour ce qui me concerne, depuis que je connais le DPS, j'ai eu de la chance puisque je me suis toujours retrouvé dans des meetings ou des manifestations où les forces de l'ordre faisaient tout à fait bien leur métier et étaient d'une efficacité redoutable en empêchant les manifestants d'approcher. A la dernière manifestation d'Amiens j'ai reçu des _ufs, mais je m'en sors encore bien puisque cela ne coûte que des frais de teinturerie et pas d'hospitalisation.

    Les casques et les boucliers sont donc encore la meilleure façon de se protéger même si, effectivement, cela fait un peu diabolique et ressemble à la tenue des forces de l'ordre qui, elles-mêmes, n'ont pas trouvé de meilleure façon de se protéger. C'est pourquoi je n'en veux pas à nos militants. En revanche, pour ce qui me concerne, je considère que la matraque est prohibée : si on en arrive là, c'est que les forces de l'ordre n'ont pas fait leur travail et comme je vais essayer d'entretenir les meilleures relations avec la force publique, j'espère ne jamais me trouver dans cette situation. Comme, de toute façon, je vais interdire l'usage de la matraque, au pire, c'est encore nous qui prendrons des coups sur la tête...

M. le Président : Donc cela n'existe pas au DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Quoi donc ?

M. le Président : La tenue n° 2.

M. Jean-Pierre CHABRUT : La tenue n° 2 est une tenue décontractée : jeans, blouson. Elle est utilisée en extérieur lorsqu'on ne peut pas être en blazer comme, par exemple, dans les meetings de nuit.

M. le Président : A Montceau-les-Mines, il est assez évident que quinze à vingt personnes, selon les témoignages, étaient vêtues de la tenue n° 2 avec casque et bouclier et qu'elles organisaient pour une part le service d'ordre. Cela ne s'est pas produit de manière improvisée. Manifestement, le déroulement des événements a montré qu'elles avaient quelque connaissance ou quelque maîtrise des problèmes de maintien de l'ordre ; nous sommes donc soucieux de savoir s'il existe, au sein du DPS, des forces qui ont cette mission plus particulière.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, cela a été le seul cas et je crois que c'était à l'initiative du département qui devait savoir que ses membres allaient recevoir des objets contondants et durs sur la tête...

    Maintenant, je ne peux pas vous en dire plus mais si vous voulez le savoir, cela ne s'inscrit pas du tout dans mon cadre d'ordres. Pour moi, la tenue n° 2 se limite au port de vêtements chauds, de blousons et de jeans pour être plus à l'aise.

M. le Rapporteur : Vous êtes donc chargé de la sécurité personnelle de M. Jean-Marie le Pen ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Du tout ! Il a une sécurité personnelle.

M. le Rapporteur : Par conséquent, son chauffeur ne dépend pas de vous ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, non !

M. le Rapporteur : Donc vous ne pouvez rien dire sur les armes trouvées dans sa voiture à Bruxelles ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non ! Vous dites « les armes » mais je crois qu'il n'y en avait qu'une...

M. le Rapporteur : Un fusil à pompe et une grenade lacrymogène.

M. Jacky DARNE : Il vaudrait mieux que la garde de M. Le Pen soit sous la responsabilité du DPS puisque vous interdisez les armes...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Attention, son garde du corps avait une autorisation de détention et de port d'arme jusqu'au premier janvier. Il y a donc peut-être eu un problème de régularisation. En outre, je vous rappelle qu'il s'agissait de balles en caoutchouc.

M. Jacky DARNE : Vous n'avez pas répondu à ma collègue sur le fait de savoir si vous avez rencontré, à l'occasion de votre entrée en fonction ou avant, M. Bernard Courcelle.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je le connaissais. Je l'avais rencontré à deux reprises par l'intermédiaire de son frère qui est un ami, mais dans le cadre de mes fonctions, je ne l'ai jamais rencontré !

M. Jacky DARNE : Vous avez dit que vous aviez donné des directives écrites et que vous aviez rédigé un document juridique...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, pas juridique : enfin, j'ai deux pièces dans mon dossier qui sont effectivement juridiques.

M. Jacky DARNE : Quand vous-même étiez bénévole au DPS, avez-vous reçu des documents équivalents ? Saviez-vous ce que vous deviez faire dans un certain nombre de situations et conservez-vous, depuis 1986, des conseils écrits.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Pour resituer les choses, je précise que j'ai été au DPS de 1986 à 1988. A l'époque, c'est-à-dire à la création du DPS, nous ne recevions pas de consignes écrites mais verbales que nous transmettaient les chefs d'équipe qui fixaient le cadre d'ordres et le cadre juridique. Cela tient sans doute au fait que je n'étais pas à un grade assez élevé. Au-dessus, les directives sont retransmises aux personnes concernées pour qu'elles les retranscrivent ou apportent la bonne parole.

M. Jacky DARNE : Conservez-vous l'ensemble des directives données aux responsables régionaux ou départementaux sur la façon de s'organiser ou de fonctionner ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je l'ignore. Je n'ai rien vu et je n'ai pas cherché à le faire parce que les lois changent. Comme la législation sur les armes a complètement changé, je suis allé voir le conseiller juridique et nous avons élaboré une directive portant sur différents points.

M. le Président : Il n'y a pas de fichier, dites-vous ? C'est M. Bruno Mégret qui est parti avec, peut-être...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je n'ai pas dit cela ! J'ai dit que je n'avais pas cherché mais je pense qu'il y en a.

M. Jacky DARNE : Puisque vous arrivez dans votre nouvelle fonction, si vous trouviez des notes ou directives, il serait intéressant que vous les portiez à la connaissance de la Commission.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Il y avait des consignes. Dire qu'il y en avait d'ordre juridique, je ne sais pas, je n'y ai pas fait attention mais il y avait bien des consignes de tenue et de comportement, nombreuses...

M. Jacky DARNE : Avoir des consignes générales peut être intéressant !

M. Jean-Pierre CHABRUT : J'en ai retrouvé une sur la législation relative aux armes mais elle est complètement obsolète. Cette dernière mise à part, je n'ai pas cherché, mais il y en a sûrement.

M. Jacky DARNE : Lorsque vous avez adhéré et que vous avez été recruté pour le DPS, avez-vous participé à des actions de formation, à des actions vous permettant de connaître ces consignes, d'apprendre le travail collectif ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non !

M. Jacky DARNE : A quel type de stages de formation avez-vous participé ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : A aucun !

    Comme je vous l'ai dit, j'ai adhéré au DPS à ses débuts. De telles formations ont dû exister par la suite. Ce que je retrouve chez nous, ce sont des papiers et des certificats, principalement de stages incendie et de secourisme.

M. le Rapporteur : Vous êtes très attentif, et je vous en félicite, à ce que les gens du DPS n'aient pas d'armes. Dans ces conditions, comment se fait-il, que la protection rapprochée de M. Jean-Marie Le Pen ait utilisé un fusil à pompe ? Par ailleurs, le garde du corps de M. Jean-Marie Le Pen a-t-il, d'après vous, un permis de détention ou de port d'arme ? Enfin de qui détenez-vous l'information selon laquelle il s'agirait de balles en caoutchouc ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : De la presse.

M. le Rapporteur : De quel journal ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Des revues de presse. Tous les journaux faisaient état de l'existence de grenades avant de préciser qu'il s'agissait de grenages lacrymogènes. Mais je vous invite à rencontrer les responsables de la sécurité du Président. Cette dernière n'étant pas de mon ressort, je ne répondrai pas à leur place.

Mme PERRIN-GAILLARD : Vous avez souligné tout à l'heure qu'étant fréquemment attaqués, le meilleur moyen de vous protéger était celui adopté par la police, à savoir le port du casque et du bouclier.

    Il en existe un autre qui consiste à apprendre à se défendre, notamment par la pratique des arts martiaux et des sports de combat. Est-ce que, lorsque vous choisissez des personnes pour assurer la sécurité des manifestations, vous privilégiez celles qui ont une formation de cette nature ? Est-ce que vous incitez, dans les directives que vous pouvez leur donner, les membres du DPS à s'initier aux rudiments de ces techniques de défense ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je ne me suis pas encore penché sur la question. Je suis très content d'avoir des bénévoles avec moi qui sont prêts à prendre des coups. Nous n'avons pas de cours d'arts martiaux mais si l'un des membres du DPS me dit qu'il fait de l'aïkido, je réponds « tant mieux parce que si un jour nous sommes légèrement bousculés, cela peut toujours servir ! », mais je ne donne aucune directive dans ce sens.

    Pour ce qui est de l'usage du bouclier, je répète qu'il n'y a eu qu'un seul cas et que je n'en veux pas à ceux qui y ont eu recours, à force de prendre des pavés, de l'avoir fait. Cela étant, cet usage ne fait pas, non plus, partie de mes directives.

    Je sais que cela a choqué alors que, ainsi que je vous le disais nous sommes « la vitrine » du Front National. Cela nous a servi de leçon ! Nous avons vu que l'on nous avait pris pour des CRS ou pour une milice et donc le recours à ce genre d'attirail ne se renouvellera pas sous mon commandement même si, je le répète, je le comprends puisqu'il s'agit de matériel de défense. L'image n'est pas excellente et on évitera donc qu'elle se reproduise.

Mme PERRIN-GAILLARD : Je ne suis pas tellement satisfaite de cette réponse et je reformule donc ma question : est-ce que, si vous avez, dans le fichier, à sélectionner des gens pour venir à une manifestation, vous privilégiez, oui ou non, ceux qui ont une formation...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non !

Mme PERRIN-GAILLARD : ... est-ce que vous conseillez, oui ou non, de suivre à travers des clubs, ou un certain nombre d'autres formules, une initiation...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non ! Comme je vous le disais, je suis content d'avoir des bénévoles. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues et c'est le nombre qui fait la force : pour garder une porte, il n'y a pas forcément besoin d'être quatrième dan... Il faut comprendre qu'il s'agit de militants qui essaient de servir, qui ne peuvent pas prétendre à des fonctions politiques, et qui sont très contents de pouvoir servir d'une façon ou d'une autre et d'avoir trouvé ce biais pour militer. Voilà !

M. le Président : Connaissez-vous M. Frédéric Jamet ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : M. Frédéric Jamet ? Non !

M. le Président : C'est le responsable d'un syndicat de police...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, je ne le connais pas.

M. le Président : Dans quelles conditions avez-vous rencontré les responsables du Groupe Onze puisque vous dites que vous y aviez des amitiés ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Quand j'ai travaillé dans la sécurité : en travaillant dans la sécurité, on connaît beaucoup de gens de la sécurité.

M. le Président : Vous travailliez dans la sécurité pour la parfumerie de luxe ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, non, je parlais de mon séjour en Angola.

M. le Président : Oui, mais vous n'avez pas connu le Groupe Onze avant ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je l'ai connu avant, c'est vrai ! Oui, je l'ai connu avant.

M. le Président : C'est pourquoi je vous pose cette question.

M. Jean-Pierre CHABRUT : Oui c'est vrai ! La sécurité pour moi c'est l'Angola, mais il est vrai que le milieu de l'investigation est un milieu très fermé.

M. le Président : Dans quelles conditions avez-vous été amené à faire la connaissance de ces personnes ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : C'est une bonne question ! Je crois que cela remonte au moment où j'étais instructeur de tir pour le centre d'entraînement et de préparation des réserves à Satory : j'avais des amis qui connaissaient les gens de la société. Vous savez comment les choses se passent : on prend un verre et on se rencontre !

M. le Président : Instructeur de tir ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Vous savez avec une arme.... ?

M. le Président : Oui, oui, dans une société de tir ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, au centre d'entraînement et de préparation des réserves, à l'armée.

M. le Président : C'est donc depuis cette date que vous connaissez les responsables du Groupe Onze ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Attendez ! Ils n'étaient pas au tir....

M. le Président : Alors, précisez !

M. Jean-Pierre CHABRUT : Il s'agissait d'amis d'amis : je crois que c'est comme cela que nous nous sommes rencontrés.

    Je ne sais pas très bien où vous voulez en venir mais je répondrai à toutes vos questions ! Il n'y a pas de problème !

M. le Président : C'est juste pour savoir : on nous a dit que vous aviez occupé des responsabilités au sein du Groupe Onze...

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je vous affirme que non, ou alors ce sont des responsabilités amicales.

M. le Président : Nous prenons note de votre réponse !

    Dans le DPS - mais vous allez dire que vous y arrivez et que vous ne le savez pas naturellement - y a-t-il de personnes qui travaillent dans des sociétés de gardiennage ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : C'est possible ! Certainement ! Vous savez, toutes les couches sociales y sont représentées : des électriciens, des maçons et nous devons certainement avoir des gardiens de supermarchés !

M. le Président : Vous dites que vous avez reçu 300 lettres de fidélité ; par rapport au chiffre qui nous a été avancé selon lequel, avant la division du Front National, l'effectif du DPS se situait vraisemblablement autour d'un millier de personnes, cela fait une grosse décrue ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Tout à fait !

M. le Président : Les 700 autres personnes sont parties chez M. Bruno Mégret ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Non, je ne pense pas. Je crois qu'une bonne partie d'entre elles restent dans l'expectative, mais ignorant les chiffres qu'ils ont en face, il m'est difficile de vous répondre.

M. le Rapporteur : Vous êtes commandant depuis quelle date ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Le 1er octobre 1997.

M. le Président : Vous avez une affectation de réserve ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Tout à fait !

M. le Président : Dans quelle unité ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Je suis officier de réserve d'état-major.

M. le Président : ORSEM ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Exactement, voilà : Officier de réserve spécialiste d'état-major.

M. Jacky DARNE : Quelles relations pensez-vous entretenir avec votre concurrent le DPA et estimez-vous que ceux qui ont quitté le DPS pour le DPA, ont des attentes différentes, non pas au sens idéologique ou politique du terme mais dans leur conception de la sécurité ? J'imagine que c'est une question qui se discute au sein du Front National ?

    Quelle est votre analyse à ce sujet ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : J'imagine qu'ils veulent refaire la même structure qu'au DPS : ils auraient tort de faire autrement !

M. Jacky DARNE : Vous avez des systèmes d'observation et vous envisagez, par exemple, d'aller espionner leurs meetings ou leur réunions ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : Nullement. Ce sera peut-être le cas au niveau politique mais pas au niveau du DPS qui à « d'autres chats à fouetter » même si cela peut être intéressant. Je n'ai encore rien décidé mais je n'en ai pas envie. Je ne souhaite pas du tout chercher la provocation, parce qu'effectivement tout le monde se connaît et sait dans quel camp l'autre se situe. Si les membres du DPA veulent venir nous espionner, cela les regarde. Ils s'exposent peut-être à quelques petits problèmes puisque nous sommes là pour éviter tous les conflits - à moins qu'ils ne restent calmes - mais je n'ai aucune envie d'aller chercher des noises : ce n'est pas dans notre intérêt et nous n'avons rien à gagner à ce jeu-là !

M. le Rapporteur : C'est une activité à temps plein que vous exercez actuellement. Continuez-vous à avoir une activité en dehors du DPS ?

M. Jean-Pierre CHABRUT : A part les ORCEM, non, je n'ai pas le temps.

M. le Président : Nous vous remercions !

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    Audition de MM. Philippe BITAULD, président et Georges LE GARREC secrétaire national chargé de l'Ile-de-France
    à la Fédération Professionnelle Indépendante de la Police (FPIP),

(extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 31 mars 1999)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

MM. Philippe Bitauld et Georges Le Garrec sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. A l'invitation du Président, MM. Philippe Bitauld et Georges Le Garrec prêtent serment.

M. le Président : Vous êtes donc président de la FPIP, fédération professionnelle de la police. Nous vous avons demandé de venir pour connaître le point de vue de votre syndicat sur le DPS, pour savoir si des relations existent entre les membres de votre syndicat et ce service d'ordre et si l'action de la police nationale à son égard vous semble satisfaisante.

M. Philippe BITAULD : Je me rends à votre convocation. Je pense qu'elle doit avoir un intérêt et, en tant que professionnel de la police, j'aurais certainement des réponses à formuler aux questions que vous serez amenés à poser.

    Sur un plan général, il y avait dans votre introduction plusieurs idées générales.

    La première concernait des liens potentiels ou hypothétiques entre la FPIP et ce service. Je vous dirais, pour ma part, que la FPIP n'entretient strictement aucune relation avec le DPS, pas plus du reste que, de façon formelle, avec une organisation politique quelle qu'elle soit, puisque le libellé de la FPIP contient le mot « indépendante », le mot indépendante étant, pour nous, absolument visible et certain.

    Vous avez posé ensuite la question de savoir si la « répression » ou l'attitude de la police vis-à-vis de la DPS était satisfaisante. Je ne sais pas. Etant syndicalistes, nous n'avons à nous retrouver confrontés, moi ou mes collègues, à des situations de service d'ordre. Tant et si bien que je n'ai pas d'idée particulière sur la question.

    Quant à la troisième question qui est de savoir, de façon générale, les observations que pourrait formuler la police, du moins celle que je représente, vis-à-vis de structures de ce type, il est clair que nous restons persuadés que la police doit être faite par des policiers et que le développement des sociétés de gardiennage, hormis le fait qu'elles mettent en évidence les difficultés de la police nationale à remplir entièrement son rôle, ne me paraissent pas être une bonne voie. Néanmoins, vous savez tous comme moi que les effectifs de police nationale ne sont plus suffisants, qu'ils sont remplacés par des ADS qui ne sont pas des professionnels. Partant de là, il n'est point étonnant, que ce soit politiquement ou au niveau d'une entreprise, que des gens aient envie d'assurer leur protection, puisque celle assurée par la police nationale qui, pourtant, a la charge de cette mission, ne semble pas parfaite.

M. le Président : Plusieurs personnes que nous avons auditionnées parlent de liens qui existeraient entre votre syndicat et le Front National. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet ?

    S'est posé pendant un temps le problème de la constitution du Front National de la Police. Quelle était votre attitude sur cette question ?

M. Philippe BITAULD : Je serai très clair. Vous me dites que plusieurs personnes vous ont déclaré qu'il y avait des liens. C'est le point de vue de plusieurs personnes que je ne connais pas. Je n'ai donc pas à supposer qu'il s'agisse de tel ou tel.

    Sur le principe général, la FPIP est tellement éloignée du Front National de la Police que j'ai été obligé pour légitimer ma présidence de la FPIP - qui avait été remise en cause dans les années 1992, par des menées de personnes ayant manifestement fait une confusion entre syndicalisme et politique - à entamer une procédure devant le tribunal correctionnel de Paris, où j'ai eu gain de cause.

    Evidemment, les gens que j'avais été amené à poursuivre pour faire valoir ma légitimité avaient profité de la situation. J'ai été révoqué à l'époque puisque j'ai eu quelques démêlés en participant à un dépôt de gerbe, à la suite de la mort d'une femme policier écrasée à Mantes-la-Jolie. J'ai souhaité symboliser à la fois le soutien de notre syndicat et toute l'horreur que m'inspirait cet événement par un dépôt de gerbes. On a chipoté, on a transformé cela en manifestation interdite. J'ai été révoqué de la police nationale. C'est le moment qui a été choisi par des gens qui étaient à l'intérieur de la structure pour essayer de déstabiliser cette organisation, certainement avec des complicités au niveau du Front National et, donc, évidemment sans mon soutien, puisque j'ai été amené à les attaquer. C'est bien la meilleure preuve, d'une part, que nous étions très éloignés de ce qu'ils voulaient faire et, d'autre part, de notre volonté d'éviter toute confusion en la matière.

M. le Président : C'était en 1992 ?

M. Philippe BITAULD : Tout à fait.

M. le Président : Vous avez été révoqué à la même époque ?

M. Philippe BITAULD : Oui.

M. le Président : Et réintégré depuis ?

M. Philippe BITAULD : En 1995.

Le président. Quelle a été votre opinion sur la constitution du Front National de la Police ?

M. Philippe BITAULD : J'estime, mais cela ne concerne pas uniquement le Front National de la Police, qu'un syndicat qui serait l'émanation d'un parti est une stupidité. Mais c'est vrai pour tout ; le politique a une mission à remplir. Le syndicalisme est à côté du politique, parce qu'il y a forcément un lien de façon générale entre la politique et le syndicalisme. Il est difficile de les mettre dans deux blocs séparés ; l'un est parfois la continuation de l'autre, ou l'autre provoque la réaction de l'un, c'est vrai. Mais le principe qui consiste à organiser un syndicat qui serait l'émanation d'un parti politique, est pour moi stupide. C'est vrai de tous les partis politiques qui emprunteraient cette voie.

M. le Président : Il reste que dans les années 1992, il y a eu des manifestations d'entrisme de militants du Front National dans votre syndicat.

M. Philippe BITAULD : Si l'on estime que les gens qui ont fait ce « coup d'état » l'ont fait en l'ayant préparé de longue date, il est probable qu'ils n'agissaient pas seuls. Mais je n'ai pas vocation, en tant que président d'un syndicat de police, à m'inquiéter des appartenances politiques des uns et des autres. A la FPIP, nous avons à peu près toutes les sensibilités. Ce n'est pas mon propos. Moi, je me bats pour une idée que je me fais de la police, pour une idée que je me fais de la sécurité ; je n'ai pas à me préoccuper de savoir si tel ou tel... En plus je n'en ai pas le droit... Il n'appartient pas à un président de syndicat de police d'exiger que ses membres ou son bureau aient pris un engagement politique pour pouvoir jouer un rôle dans ce syndicat.

M. le Président : En 1992, vous avez engagé une procédure pour ce que vous appelez un coup de force à l'intérieur de votre syndicat.

M. Philippe BITAULD : Je crois que c'est le mot.

M. le Président : Ceux qui menaient ce coup de force, d'après ce que vous avez dit, mais vous me corrigez si ce n'est pas le cas, appartenaient d'une certaine façon ou étaient en lien avec le Front National ?

M. Philippe BITAULD : Je suis enclin à le penser.

M. le Président : Par conséquent, si vous partez de l'idée que le syndicalisme à un lien indirect avec des mouvances politiques, votre syndicalisme serait plutôt de cette mouvance-là, puisque c'est chez vous que le Front National a cherché à entrer.

M. Philippe BITAULD : Il a cherché à entrer de la même manière à la CFTC, la presse l'a noté, ainsi qu'au SGP. Dans l'éducation nationale, vous avez eu le même phénomène. Je ne crois pas que la FPIP ait été particulièrement ciblée comme étant le produit d'une idéologie. Je disais tout à l'heure qu'il y avait un lien, mais c'est un lien général ; il ne s'agissait pas d'un lien entre un syndicat et un parti politique en particulier. Je parlais du rapport entre syndicats et politique, en général. J'ai été moi-même conseiller municipal à Gonesse, sur une liste indépendante. J'ai d'ailleurs remarqué que M. Blazy qui est maire de Gonesse fait partie de cette Commission. Je suis toujours un enfant de Gonesse. Ce n'est pas pour autant, il est très bien placé pour le savoir, que mes actions sont inscrites dans une idée politique en particulier. Il s'agissait pour moi de démontrer simplement que le fonctionnaire était aussi un citoyen. S'agissant de Gonesse, qui est un peu le dortoir de la préfecture de police de Paris, où il y a une concentration extraordinaire de policiers et de familles de policiers, j'ai voulu démontrer qu'un policier pouvait aussi avoir une action utile dans la cité. C'était tout. Et ne faut pas chercher ce qu'il n'y a pas.

M. Jacky DARNE : A l'évidence, un certain nombre de membres de votre syndicat ont tenté d'agir contre vous pour vous déstabiliser et prendre votre place. De ce que vous dites, il ressort qu'il s'agissait probablement de militants du Front National. Aviez-vous, avant qu'ils n'appartiennent plus à votre syndicat compte tenu des procédures judiciaires que vous avez engagées, remarqué, pour ces personnes, certaines attitudes, comportements, relations avec l'organisation politique du Front National qui pouvaient entraîner une suspicion sur leur pratique, sur leur façon de mettre en _uvre leur activité professionnelle. Avaient-ils à vos yeux des relations, par exemple, avec le département protection et sécurité du Front National ? Avez-vous des éléments sur ces personnes ?

M. Philippe BITAULD : Absolument pas. Il est probable, comme je le disais tout à l'heure, que des gens aient été adhérents du Front National, mais c'est parfaitement leur droit. Que je sache, le Front National est un mouvement reconnu. Tout au moins existe-t-il. Des policiers sont là comme ils peuvent être ailleurs, nous en avons au parti communiste. Il est normal que la police soit le reflet de la société de ce point de vue... Mais ce n'est pas le sujet. Ce qui vous préoccupe, c'est le sujet du DPS, car c'est cela l'objet de votre question. Ce n'est pas de savoir si j'avais des gens qui appartenaient au Front National, mais de savoir si ces gens, potentiellement détectés comme étant adhérents du Front National, pouvaient avoir, en dehors des heures de travail, un double métier. C'est cela le sens de votre question. Non. Je ne vois pas comment, n'étant pas moi-même amené à pénétrer le DPS, je pourrais savoir cela.

    Ce qui est sûr, c'est que si cette confusion m'était apparue évidente, cela m'aurait posé un problème puisque la pierre angulaire de la FPIP est l'indépendance. Je pense qu'alors des dispositions auraient été prises. Mais cela aurait été vrai aussi s'il s'était agi du service d'ordre d'un autre parti politique.

    Je ne sais pas exactement s'il y a des choses à reprocher au DPS, je n'en sais rien du tout. Mais il y a une question de principe. Si des fonctionnaires de police se prêtent ou se louent, n'ayons pas peur des mots, à des organisations de ce type, il est vrai que cela pose problème. Mais je n'ai pas le pouvoir de contrôle des fonctionnaires de police ; dans ce domaine, en effet, ce n'est plus le syndicaliste qui est en cause, c'est le fonctionnaire de police. On se trouverait alors dans l'hypothèse d'un double emploi exercé par un fonctionnaire, policier ou non, qui prêterait, contre rémunération ou non, ses talents.

    Pour moi, je n'ai pas eu d'éléments me permettant de penser que certains auraient des attitudes contraires à ce qu'est la FPIP, à l'indépendance à laquelle elle est attachée.

M. le Rapporteur : Je me réjouis que vous ayez dit que vous n'aviez effectivement aucun lien avec aucun parti politique, quel qu'il soit. Par conséquent, j'en déduis que, ni de près ni de loin, vous n'avez de contacts avec les différentes mouvances d'extrême-droite ou du FN.

M. Philippe BITAULD : Ce n'est pas ce que j'ai dit, monsieur le rapporteur. Je vous ai dit qu'en tant que syndicaliste, j'avais des contacts avec tout le monde, tous les partis politiques.

M. le Rapporteur : Y compris avec les mouvances d'extrême-droite nationalistes du Front National.

M. Philippe BITAULD : Y compris avec des gens du Front National. Il m'est arrivé de rencontrer des conseillers régionaux, des conseillers généraux, des députés européens. Un syndicat de police ne doit pas se priver d'aller vers les élus, quels qu'ils soient. Il m'est arrivé, sur différents sujets, d'adresser des correspondances à différents sénateurs, à des députés, à des conseillers, pour poser des questions précises et éventuellement demander leur appui. Cela ne paraît pas être une chose extraordinaire. Cela me paraît découler de l'action normale d'un syndicat. C'est ce que je voulais dire lorsque j'évoquais tout à l'heure le lien, non pas un lien formel, mais forcément une connexion, entre le syndicalisme et la politique. C'est à ce niveau-là qu'il se situe. Si, par exemple, j'ai une question écrite à faire poser, comme c'est arrivé, comme nous avons eu la chance de le faire - jamais par le Front National puisqu'ils n'ont pas d'élus au Parlement -, par plusieurs de vos collègues, je trouve que c'est normal. C'est, à mon avis l'expression normale de la démocratie. Un syndicat de police ne doit pas se priver de la possibilité d'avoir recours aux députés qui sont là, tout de même, aussi pour entendre les doléances qui sont les nôtres et les difficultés que nous rencontrons.

M. le Rapporteur : Par conséquent, vous n'avez de rapports avec les mouvements politiques, de gauche ou de droite, que pour faire passer un message...

M. Philippe BITAULD : Ils sont de même nature.

M. le Rapporteur : Ils sont de même nature avec les formations de gauche qu'avec les formations de droite. Pourtant, j'ai souvenir, ayant lu vos publications, de voir qu'elles étaient plutôt connotées à droite, mais je peux me tromper...

M. Philippe BITAULD : Non, tout à fait.

M. le Rapporteur : Et même extrême-droite.

M. Philippe BITAULD : C'est un point de vue.

M. le Rapporteur : Bien sûr.

M. Philippe BITAULD : Pour moi, extrême-droite ne veut strictement rien dire. Donc, dire : « Je suis d'extrême-droite », cela n'a strictement aucun sens. Je suis d'extrême bon sens, c'est sûr. Le travail que j'accomplis, je le fais en extrême conscience. Extrême-droite, je n'ai dans mes attitudes jamais pu laisser penser,... Maintenant, que les écrits... Par exemple, dans nos publications, puisque vous en parlez, si le rétablissement de la peine de mort, qui nous paraît nécessaire à notre arsenal répressif - mais c'est un point de vue -, si le tir après sommation, qui nous permet de devoir maintenant...

M. le Rapporteur : Je vous arrête. Je vous demande de répondre à mes questions et de ne pas faire de propagande pour votre formation. Je vous demande de répondre à mes questions sans faire aucune digression, car pour l'instant, vous êtes face à une Commission munie de pouvoirs judiciaires. Ne l'oubliez pas ! Votre ton arrogant n'est pas de mise !

    Vous avez répondu à ma première question. Deuxièmement, je vous demande de nous communiquer les publications de la FPIP que vous avez faites depuis six mois, afin que les membres de la Commission sachent exactement si vous êtes d'extrême bon sens ou d'extrême-droite !

M. Philippe BITAULD : Tout à fait. Je vous en ferai communication. Cela ne pose pas de problème.

M. le Président : Connaissez vous la société des amis de la police ?

M. Philippe BITAULD : Non. Je connais les amis de police sécurité, mais la société des amis de la police, c'est quoi?

M. le Président : Et solidarité police ?

M. Philippe BITAULD : J'ai connu celui-là. Mais, il s'agit, me semble-t-il, d'un organisme qui avait été créé par les personnes qui m'ont fait problème à l'époque, en 1992.

    Je crois bien que c'est un syndicat.

M. le Président : Vous observez quand même les activités du DPS ?

M. Philippe BITAULD : Non. Très honnêtement, non.

M. le Président : Vous suivez l'actualité ?

M. Philippe BITAULD : Oui, dans la presse. Absolument.

M. le Président : Par exemple, comment appréciez-vous ce qui s'est passé à Montceau-les-Mines ?

M. Philippe BITAULD : Dès l'instant où, d'une manière ou d'une autre, les gens sont supposés avoir ou ont transgressé la loi, je ne peux que le condamner à titre personnel. A plus forte raison en tant que policier !

M. le Président : Connaissez-vous M. Frédéric Jamet ?

M. Philippe BITAULD : Non. J'en ai entendu parler et je l'ai vu dans une émission, chez M. Dechavanne je crois. Je ne l'ai jamais rencontré pour ma part. Je sais qu'il faisait partie du Front National de la Police. Du moins, c'est ce que j'ai compris.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : J'ai bien entendu ce que vous disiez. En conclusion, pouvez-vous nous dire ce que vous savez du département protection sécurité, service d'ordre du Front National ? En dehors de ce que vous avez dit, avez-vous eu parfois affaire à ses représentants ? Si oui, dans quels cas et dans quelles conditions ? Globalement, quel regard posez-vous sur ce service d'ordre, comparé à d'autres services d'ordre de partis politiques, avec lesquels vous avez probablement eu l'occasion de travailler aussi ? C'est une question d'ordre très général, car pour l'instant je n'ai pas encore très bien saisi les relations que vous pouviez entretenir avec les organisations des services d'ordre des partis politiques.

M. Philippe BITAULD : Excusez-moi, madame, mais je ne parlais pas des relations avec des services d'ordre, mais avec les partis politiques. Les services d'ordre politiques n'ont pas de rapport avec ce que je fais. Je n'ai jamais vu les services d'ordre d'autres partis politiques non plus. Je ne vois pas pourquoi je les verrais. Je disais que j'avais des relations avec les partis politiques. Je sais, pour les avoir vus à la télévision ou ailleurs, que dans la rue ils sont reconnaissables, ils sont habillés pareil. Mais ce qu'ils font, très honnêtement, je n'ai rien à dire là-dessus.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous ne connaissez pas le DPS ?

M. Philippe BITAULD : Si, bien sûr, j'en ai entendu parler. Tout le monde connaît le DPS. A une époque, on en a quand même entendu pas mal parler à l'occasion de différentes affaires. Dire que l'on ne connaît pas, quand on est policier en plus, ce serait un peu difficile à soutenir !

    Je n'ai que la connaissance qu'en a tout citoyen par les moyens d'information. Au-delà, dire qui fait quoi là-dedans, je n'en sais strictement rien.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Le DPS vous apparaît comme un service d'ordre analogue à ceux des autres partis politiques ?

M. Philippe BITAULD : Non, parce que je ne connais pas les autres. Je ne peux donc pas les comparer. Je dis simplement que si les actions du DPS qui ont été rapportées dans la presse et à la télévision - qui ont je crois donné lieu à des poursuites - correspondent à une attitude constante de l'ensemble des gens qui composent cette formation, cela pose effectivement un réel problème. Maintenant, les comparer aux autres, c'est difficile. Mon expérience en ce domaine concernant les services d'ordre des syndicats qui manifestaient est ancienne et je ne me suis jamais posé la question de savoir s'ils étaient bons ou pas bons.

M. le Président : Vous êtes-vous rendu à la fête des BBR ?

M. Philippe BITAULD : Tout à fait.

M. le Président : A la manifestation du 1er mai ?

M. Philippe BITAULD : Une fois ou deux. Tout à fait.

M. le Président : A titre professionnel ?

M. Philippe BITAULD : Non pas à titre professionnel, à titre personnel, à titre de curiosité, pour voir.

M. le Président : A la fête de l'Humanité ?

M. Philippe BITAULD : Tout à fait, puisque c'est à La Courneuve.

    Du reste, c'est une fête très sympathique, la fête de l'Humanité. C'est une fête populaire. Elle ne me dérange pas du tout. Cela dépend de ce que l'on va chercher dans une fête. Quand je suis allé aux BBR, c'était pour les stands, les gens qui viennent des régions de France, et c'est tout. Ce n'est pas pour aller à une grand-messe.

    Quand on va à la fête de l'Humanité, c'est pour aller manger des saucisses-merguez. Quand on y va avec un groupe de copains, c'est sympathique. Il y a de la musique.

M. le Président : Le 1er mai, ce n'est pas les merguez !

M. Philippe BITAULD : Non. Le 1er mai, c'est la fête... Vous savez, le 1er mai, il y a des défilés partout. Voilà. Je pense quand même qu'il n'est pas interdit de...

M. le Rapporteur : Vous n'avez jamais été frappé par les publications que l'on voit sur certains stands de la fête des BBR ?

M. Philippe BITAULD : Non, absolument pas.

M. le Président : Nous vous remercions.

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Audition de M. Guy KONOPNICKI,

Journaliste à L'Evènement du Jeudi

(extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 31 mars 1999)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Guy Konopnicki est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Guy Konopnicki prête serment.

M. Guy KONOPNICKI : Comme d'autres journalistes, je me suis intéressé au Front National à partir du moment où il a joué un rôle important dans la vie publique, notamment lorsqu'il a eu, ici même, une représentation parlementaire. Au départ, nous avons été un petit nombre à estimer qu'il fallait l'observer de plus près pour savoir s'il ressemblait effectivement aux organisations d'extrême-droite que nous avions connues précédemment, dont l'une, qui constituait une des fondations du Front National, avait été dissoute à la suite de violences en 1973.

    Au moment où se constitue ce qui, finalement, s'appellera le DPS, les choses s'organisent sur un principe qui ne ressemble pas à ce que l'on trouve généralement en matière de dispositif de sécurité dans les partis républicains ; en effet le DPS est, au départ, constitué par une circulaire interne selon laquelle « les noyaux du DPS, département par département, sont responsables devant le président du parti - c'est-à-dire M. Jean-Marie Le Pen - et lui seul. » Cela ressemble plus à une garde prétorienne qu'à un service d'ordre.

    Il est également précisé qu'il existe un noyau dans chaque département qui doit disposer de tous les moyens nécessaires, sans plus de précisions sur ces moyens ; mais quand on parle de moyens en matière de défense et de sécurité, on peut imaginer un certain nombre de choses.

    Puisque nous sommes dans le cadre d'une Commission d'enquête parlementaire - ce dont je me réjouis -, on peut se poser des questions qu'il est difficile de poser par écrit dans la presse, compte tenu des lois sur la presse, même si je les ai évoquées dans Les filières noires et dans un certain nombre d'articles de L'Evénement du Jeudi.

    Tout d'abord, dans deux affaires où il y avait mort d'homme : l'une, à Marseille - l'assassinat d'un jeune homme pendant un collage d'affiches du Front National -, l'autre, à Toulon - la mort d'un adjoint au maire, M. Jean-Claude Poulet-Dachary - j'ai été surpris de constater que, contrairement à ce que faisaient les journalistes d'investigation, les magistrats ont cessé d'enquêter sur le DPS lui-même.

    Dans l'affaire de Marseille, ma surprise - sans froisser personne ici -, est la suivante : quand un juge d'instruction constate à Créteil qu'il y a des fausses factures ou des choses suspectes, il se fait mandater pour aller au siège d'un parti politique et voir si quelque chose correspond. C'est arrivé deux fois tout près d'ici. Or, quand on a trouvé trois armes entre les mains de M. Robert Lagier, aujourd'hui condamné, et de ses comparses, il n'y a pas eu, à ce moment-là, d'investigation systématique chez les membres du DPS, voire au siège marseillais du Front National. Ils ont eu tout le temps, avant d'être interrogés - ils ont été interrogés - de prendre toutes les dispositions pour que l'on ne trouve rien. Il n'y a pas eu de perquisition à toute vitesse, comme on aurait pu le faire puisqu'il y avait mort d'homme, flagrant délit. Donc on n'a rien trouvé, sinon que les trois colleurs d'affiches étaient tous les trois porteurs d'armes. Or, la protection des actions de collage d'affiches fait partie des missions du DPS. Il y a quand même une relation entre cela et les armes.

    Il en va de même dans l'affaire Poulet-Dachary. J'ai été amené à faire récemment dans L'Evènement le récit de la situation dans laquelle s'est trouvé le substitut Albert Lévy à Toulon. Il a fallu que le substitut Albert Lévy renonce à des perquisitions parce que le juge d'instruction s'y opposait, mais aussi à la mise en examen et à la garde à vue prolongée de trois membres du DPS. On a estimé que ce n'était pas la peine de poursuivre, que ce n'était pas la bonne piste. On n'a d'ailleurs pas trouvé de piste depuis. Il s'est trouvé, à l'époque, qu'un préfet avait contesté publiquement le rapport du médecin légiste qui concluait à l'assassinat de M. Jean-Claude Poulet-Dachary.

    Je constate pour ma part que le Front National, si prompt à me faire des procès, ne m'en fait pas lorsque j'écris dans Les filières noires que cet assassinat ressemble étrangement au scénario de la nuit des longs couteaux, c'est-à-dire qu'un homme, ayant servi le Front National dans l'opposition, devient, pour des raisons qui tiennent à sa vie privée, un gêneur à partir du moment où M. Jean-Marie Le Chevallier devient respectable et maire de Toulon. J'ai écrit cela. Or, on me fait des procès pour des détails ridicules et insignifiants. Mme Le Chevallier, par exemple, avait porté plainte parce que j'avais seulement évoqué deux ou trois aspects de son activité professionnelle : une agence immobilière qui louait des châteaux et qui était associée à un réseau minitel pour des loisirs dont je disais simplement qu'ils n'étaient pas conformes à l'idée que les chrétiens traditionalistes, dont elle fait partie, se font de la morale. Elle a porté plainte pour cela. J'ai dû effectivement payer des dommages civils, qui ont été d'ailleurs annulés puisque M. Le Chevallier s'était fait justice lui-même en utilisant le bulletin municipal pour me répondre, ce qui, en principe, ne se fait pas. En revanche, lorsque je parle d'un meurtre, que j'évoque très clairement, noir sur blanc, l'hypothèse d'une intervention d'un organisme dépendant du Front National, il n'y a strictement aucune réaction. Je pense que cela a une signification.

    Ensuite, j'ai été amené à travailler sur deux ou trois autres aspects avec Stéphane Ravion du Vrai Journal, qui concernent, en marge du DPS, les activités de ses responsables.

    Il s'agit évidemment de M. Bernard Courcelle et de la rocambolesque affaire tchétchène ; affaire de trafic d'armes qui intervient au moment où des policiers, membres du Front National, sont arrêtés pour détention de stocks d'armes important. Le rapport entre ces deux affaires est, pour l'instant, une coïncidence, dont j'ai su qu'elle avait intéressé un magistrat qui n'a pas eu la possibilité d'aller jusqu'au bout, parce qu'il était très difficile d'établir un lien matériellement. Les policiers ont fait une enquête. C'est quand même une coïncidence étrange : quinze jours seulement s'écoulent entre les deux affaires et nous savons qu'au moins deux membres importants du Front National sont liés à des activités concernant le commerce des armes, et ces deux personnes sont chapeautées par une troisième, M. François-Xavier Sidos, qui se trouvait à l'époque au cabinet de M. Jean-Marie le Pen. Il n'y est plus aujourd'hui, puisqu'il est mégretiste. M. François-Xavier Sidos, qui était aussi commandant en second de la dernière opération de Bob Denard aux Comores, interpellé par la police de l'air et des frontières à son retour des Comores, chapeautait d'une part, le Front National de la police - c'était sa fonction - et, d'autre part, M. Bernard Courcelle, pour ses activités internationales - c'était aussi sa fonction. Or, tous deux se retrouvent, dans un cas, avec des incarcérations et des mises en examen pour détention d'armes et, dans l'autre, dans une affaire dont nous avons rendu compte dans L'Evénement, évoquée également par le Nouvel Observateur et Canal Plus, qui est la vente et la non-livraison d'armes au gouvernement tchétchène.

    J'ajoute que je dispose d'une étrange pièce. Lorsque j'ai tourné un film pour Arte, Bienvenue à Vitrolles, j'ai été amené à interviewer le chargé de mission pour la sécurité au cabinet de Mme le maire, M. Patrick Bunel. A un moment donné, après l'interview sur les questions vitrollaises, il nous a dit off : « J'ai des choses à vous dire. » Il voulait se défausser de quelques affaires concernant le DPS. Nous étions off, mais, que voulez-vous, mon cameraman a oublié d'appuyer sur le bouton de la caméra. Donc, ce off n'est pas filmé - on voit un pied, les caméras étant au sol -, mais il est enregistré.

    Or, étrangement, M. Patrick Bunel nous dit : « On est peut-être à trois semaines des premières arrestations dans le DPS. » Je ne sais pas de quoi il s'agit...

M. le Rapporteur : Quand cela ?

M. Guy KONOPNICKI : Nous avons tourné du 14 février au 14 mars 1998, pendant la campagne des élections cantonales à Vitrolles. C'était il y a un an. Cette interview - je peux le vérifier parce qu'il y a un timecode sur les bandes vidéo - est l'une des dernières et doit donc dater du jeudi ou du vendredi, donc du 12 ou 13 mars.

    A ce moment-là, effectivement, l'affaire Courcelle concernant la Tchétchénie était sortie. Elle venait d'être publiée par quelques journaux, dont le nôtre. Il régnait une grande inquiétude.

M. Yves NICOLIN : C'est tout ? Nous n'apprenons pas grand-chose de cet off.

M. Guy KONOPNICKI : Tout de même, le responsable de la sécurité de M. Bruno Mégret dit plusieurs choses.

    Premièrement, il dit qu'il a lui-même demandé audience à M. Jean-Marie Le Pen sur le fonctionnement du DPS car plusieurs aspects l'inquiétaient. Tout d'abord, certaines pratiques de « cow boy », dit-il, qui avaient amené, par exemple, à l'usurpation de la qualité de policier pendant le congrès du Front National à Strasbourg.

    Puis, il était inquiet des activités de M. Bernard Courcelle et de ses contacts internationaux. Il s'agit donc de ce qui est apparu avec la Tchétchénie mais qui, sans doute, ne concernait pas seulement la Tchétchénie, car nous n'avons connu cette affaire que parce que les armements n'ont pas été livrés au gouvernement tchétchène et parce que ce sont les proches du général Doudaïev qui ont alerté quelques journalistes français de cette affaire, notamment Mme Marie Bennigsen, la personne qui a servi d'interprète entre le gouvernement tchétchène et ses prétendus vendeurs d'armes. Il se trouve que la société qui était censée livrer les armes se trouve en Croatie, ce qui n'est pas rien, et que cette même société est intervenue dans des guérillas africaines. Il s'agit d'un trafic et non, comme M. Bernard Courcelle l'a prétendu, d'une simple initiative de solidarité envers les Tchétchènes - initiative de solidarité qui ne serait, de plus, pas exactement conforme aux positions prises par M. Jean-Marie Le Pen dans cette partie du monde. On ne peut pas dire que l'on est solidaire des Tchétchènes et de M. Jirinovski, parce que, entre les deux, il y a quand même des armes, des bombardements et quelques morts ! Il me semble difficile d'admettre que cette initiative ait un caractère politique, prise par solidarité avec un peuple. A mon avis, il s'agit de bien autre chose, c'est-à-dire d'une affaire financière qui a été arrêtée pour des raisons politiques. C'est pourquoi les armes n'ont pas été livrées. Quant à savoir ce qu'il est advenu du million de francs d'acompte versé en Suisse, à ce jour, personne ne nous a fourni de réponse. Tout ce que l'on sait, c'est que ce million de francs a bel et bien été versé. Les différents enquêteurs en ont eu la preuve de la part du gouvernement tchétchène.

M. le Président : Pour des raisons politiques internes au Front National ou à l'Etat français ou autres services spéciaux ?

M. Guy KONOPNICKI : Cela peut être effectivement pour des raisons politiques liées à l'intervention des services spéciaux. Je penche plutôt, pour ma part, vers une hypothèse de raisons politiques liées au Front National lui-même. En effet, M. Bernard Courcelle avait présenté aux Tchétchènes comme garant moral son supérieur hiérarchique direct au sein du Front National, M. François-Xavier Sidos. Il est vrai que celui-ci a également des liens avec des services, puisqu'on le voit paraître dans des opérations internationales comme le coup d'Etat avorté des Comores, mais, selon le témoignage de Mme Marie Bennigsen, il s'est présenté en tant qu'homme du Front National. Or, au moment où se négocie cette affaire, M. Jean-Marie Le Pen fait plusieurs voyages à Moscou, dont un pour assister au mariage de son ami Vladimir Jirinovski, lequel, comme on le sait, est totalement opposé à l'indépendance de la Tchétchénie ou de quelque zone que ce soit à l'intérieur de la Fédération de Russie et campe sur une position dure et extrémiste. Je pense tout à fait vraisemblable qu'il y ait eu, de ce côté-là, pression politique, disant qu'il fallait arrêter cela, que l'on ne pouvait pas être des deux côtés à la fois, d'autant qu'il y avait déjà eu sur d'autres problèmes internationaux, dans une autre partie du monde, des divergences fortes au sein du Front National ; en effet, un certain nombre de dirigeants du Front National ou de proches, dont Alain Sanders, éditorialiste de Présent, avaient organisé le recrutement de volontaires et, semble-t-il, des aides assez solides pour une organisation qui s'appelle la Force croate, organisation nationaliste extrémiste croate assez minoritaire. Il s'agit d'un petit groupe organisé en commando qui avait joué un rôle dans les conflits armés. La divergence a été très forte puisque, comme vous le savez, M. Jean-Marie le Pen est allé à Pale rencontrer les extrémismes serbes et il est le seul homme politique français à avoir participé à Belgrade à un congrès d'un parti ultra-nationaliste - extrémiste par rapport à M. Slobodan Milosevic, ce qui est tout de même un exploit ! Donc, on est habitué à trouver ce genre de contradictions, les uns choisissant une guérilla, les autres une autre. Ces contradictions ne recoupent pas exactement, d'ailleurs, l'actuelle scission. A mon avis, on retrouve les deux options dans les deux camps.

M. le Président : Au-delà des exemples que vous citez, quelles sont vos sources concernant le Front National et plus particulièrement le DPS, ? Qui avez-vous rencontré ? Comment travaillez-vous ? Je vous rappelle que nous sommes sous le régime du secret.

M. Guy KONOPNICKI : J'ai plusieurs méthodes.

    L'une est classique : à chaque fois que sort une affaire, on essaie de voir les fonctionnaires de police et les magistrats qui en ont la charge. On obtient ainsi un certain nombre de renseignements. Pas toujours.

    Ensuite, on voit directement les intéressés. Ce n'est pas toujours facile pour moi, parce que je n'ai pas une très grande popularité auprès des cadres du Front National. Mais certaines personnes parlent. Par exemple, lorsque quelqu'un se trouve dépossédé d'une responsabilité, même s'il reste fidèle à son chef, il finit toujours pas raconter des choses.

    Pour l'anecdote, je vous dirai que je suis revenu au journalisme en travaillant sur Les filières noires. Elu conseiller régional vert de l'Ile-de-France, j'avais interrompu mes activités de journaliste politique. J'avais au conseil un vis-à-vis qui m'avait connu lorsque j'étais journaliste et que je travaillais déjà sur le Front National pour un journal, hélas disparu, qui s'appelait Le Matin de Paris. Il s'agit de M. Roger Holeindre. Or, ce dernier avait été dépossédé de ses responsabilités s'agissant de la sécurité du parti au bénéfice de M. Bernard Courcelle et,... disons que cet homme était assez souvent en mal de confidences. Voilà, par exemple, une source. A partir de là, on en trouve d'autres. Il y a eu aussi les transfuges du Front National, dont M. Lorrain de Saint Affrique avec qui j'ai beaucoup parlé en travaillant sur mon livre.

    Enfin, il existe aussi des policiers républicains - dont, même sous le secret, je ne citerai pas le nom - qui, de temps en temps, ont des choses à dire. On s'aperçoit éventuellement que les informations qu'ils détiennent suscitent l'indifférence de leurs supérieurs ou des magistrats, mais pas celle des journalistes. C'est une méthode classique, elle aussi.

M. le Président : Dans les affaires de Toulon et de Marseille, vous pensez donc que les magistrats n'ont pas mené les procédures à leur terme ?

M. Guy KONOPNICKI : S'agissant de Toulon, c'est même l'opinion d'un magistrat dont j'ai écrit - ce que je répète et je pense qu'au moins un député du Var a, ici, connaissance des faits - qu'on l'a traité en pestiféré, en gêneur - le substitut Albert Lévy -, notamment parce qu'il s'était intéressé de trop près à l'affaire Poulet-Dachary et au rôle du DPS.

    Il est vrai que dans une autre affaire, l'assassinat de Mme Yann Piat, il avait une position hétérodoxe par rapport au parquet de Toulon, qu'il a, en plus, exprimée dans le cadre de l'audience. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il a été mis dans une situation extravagante, mais il est clair qu'un juge d'instruction qui, sur les réquisitions du substitut Albert Lévy, menait l'enquête dans une direction, s'est arrêté. Il avait mis des membres du DPS en garde à vue ; la garde à vue s'est arrêtée et on a refusé de diligenter les perquisitions au domicile des membres du DPS et au Front National. Quelque temps plus tard, le substitut lui-même se trouve mis en examen pour, semble-t-il, son intervention dans une autre affaire et pour des pièces qu'il aurait communiquées à l'un de mes confrères. Mais je pense vraiment qu'il y a eu une forte pression, à Toulon, pour que l'on n'aille pas jusqu'au bout de l'affaire Poulet-Dachary, dont il est tout de même avéré qu'il s'agit d'un assassinat.

    Les pistes concernant le milieu homosexuel, le règlement de comptes, etc., n'ont rien donné. La seule qui donnait comme un frémissement dans l'enquête, était la piste DPS. Et quand je dis que c'était la nuit des longs couteaux, aucune action en justice n'est intentée contre moi, alors que pour des faits beaucoup plus anodins...

    Dans l'affaire de Marseille, les choses sont différentes parce que cela s'est passé à toute vitesse : des coups de feu dans la nuit, un mort, on arrête des gens, on perquisitionne chez eux, comme s'il s'agissait de particuliers ayant tiré. Pour que l'on entende un responsable du Front National, M. Bruno Mégret, lors du procès, il a fallu que les parties civiles le demandent et que la défense l'accepte. Mais cela n'est pas venu du ministère public. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours trouvé que c'était une curiosité juridique, à laquelle je n'ai trouvé aucune explication, pas même de la part du Garde des sceaux, élu de cette région. On n'a jamais considéré, à ce moment-là, la responsabilité du Front National et de son organisme de sécurité, le DPS, en tant que tel. C'est quand même curieux !

M. le Président : Comment l'expliquez-vous ?

M. Guy KONOPNICKI : Les magistrats ne sont pas des machines, leur volonté compte. Quand un juge d'instruction découvre, par exemple, une affaire qui concerne un parti de pouvoir, il est très motivé pour aller jusqu'au bout. Cela a été le cas pour ce que l'on a appelé « les affaires ». En l'occurrence, la motivation politique, n'était pas très forte de la part des magistrats, que cette affaire embarrassait plutôt.

    Je pense aussi qu'un magistrat opérant à Marseille - ville, monsieur le Président, que vous connaissez bien pour en être député - est, comment dire ?... dans une situation de tension par rapport au Front National et, éventuellement, hésite avant d'entrer dans ses locaux aux aurores en compagnie de policiers ou de gendarmes, même quand il y a mort d'homme. Aurait-il été découragé par sa hiérarchie au moment des faits ? Je n'en sais rien. Je n'ai aucune information précise à ce sujet. Mais c'est une hypothèse.

    Il y a quand même des histoires curieuses. Dans l'affaire de Paris, l'identité des skinheads qui ont jeté ce jeune marocain à la Seine est fournie à la police par le DPS ; cela veut dire qu'ils ont un fichier précis. L'explication selon laquelle ils les ont repérés parce qu'ils ont pris l'autocar affrété par la fédération Front National de la Marne pour aller à la manifestation du 1er mai à Paris me semble peu satisfaisante. Je comprends que la police ne soit pas allée plus loin puisqu'on lui fournissait les coupables mais, enfin, quiconque connaît un peu les partis politiques sait qu'en général, on ne fait pas monter un élément perturbateur dans l'autocar. Or, ce qu'ont dit les condamnés à leur procès est tout de même clair : l'un a été membre du Front National, et tous disent qu'ils ont été utilisés à plusieurs reprises pour des collages d'affiches. Il y a donc quelque part une liste d'individus que l'on peut utiliser pour certaines opérations. On a été content d'avoir le bout de la liste qui correspondait à l'assassinat de Brahim Bouarram à Paris, mais on n'est pas allé plus loin non plus !

M. le Président : Comment appréciez-vous les conséquences de l'évolution du Front National sur le DPS ? Quelle est votre opinion à ce sujet ?

M. Guy KONOPNICKI : C'est une scission. Je pense que les mêmes principes d'organisation vont fonctionner des deux côtés. D'un côté, on s'affole davantage. Nous venons d'en avoir la preuve dans la rocambolesque affaire de Bruxelles : un député européen interpellé avec un arsenal dans sa voiture, un permis de port d'armes périmé, etc. ! Cela prouve qu'il existe une paranoïa assez forte dans les milieux lepénistes. Elle se renforce tous les jours parce qu'ils ont tout de même perdu ces jours-ci l'élu municipal le plus important qu'ils comptaient dans leurs rangs. La seule municipalité lepéniste aujourd'hui est celle d'Orange, à moins que cela ne change, là aussi. C'est un coup assez rude, compte tenu de la tendance naturelle à la paranoïa que l'on peut constater chez le chef. On peut le dire ici : quand on emploie le mot paranoïa dans les journaux, il y a plainte, on se contente donc de le suggérer, mais c'est assez évident quand on observe le personnage.

    Compte tenu de cela, cette phase de décomposition peut être assez inquiétante ; il y a les règlements de comptes concernant l'argent, dont une part concerne la justice, mais il peut se passer d'autres choses...

M. le Président : Inquiétante ?

M. Guy KONOPNICKI : Inquiétante, car on a déjà vu des rivalités à l'extrême-droite provoquer des affrontements violents. Dans ce cas, il y a un patrimoine à se partager. On ne peut pas exclure des dérives violentes.

M. le Président : Certains responsables de la police ou des renseignements généraux estiment que la scission du Front National et ses conséquences au sein du DPS créent une situation, notamment en Ile-de-France, qui permettrait à des groupes extrémistes
- skinheads, GUD, etc. - qui étaient plus maîtrisés dans la situation antérieure, de prendre une place dans le DPS. Avez-vous un avis sur cette question ?

M. Guy KONOPNICKI : Pendant un temps, le Front National tenait à sa façade de respectabilité. Il a donc effectivement écarté, parfois violemment, des groupes qu'il utilisait au début des années 1980 avec le célèbre batskin. On recrutait des skinheads pour protéger les manifestations. Cela s'est arrêté surtout après l'affaire du 1er mai 1995 et de la noyade dans la Seine. Avant, il y avait eu des fâcheries avec des groupes violents, notamment le célèbre GUD qui avait été écarté. Il y avait une séparation nette entre le Front National de la Jeunesse (FNJ), son organisation, Renouveau Etudiant (RE) et le GUD.

    Aujourd'hui, dans la mesure où existent deux organisations, qui, d'une part, s'affrontent et, d'autre part, n'ont plus tout à fait le dispositif de sécurité à peu près bien huilé que M. Bernard Courcelle avait mis en place, il est tout à fait possible que ces groupes entrent à nouveau en action, d'autant plus que ces milieux ont toujours des comptes à régler entre eux et que la situation actuelle en fournit éventuellement l'occasion, notamment pour le GUD.

    C'est certainement à cela que les policiers pensent. Ils savent que le GUD a repris son entraînement paramilitaire qui semblait interrompu depuis quelque temps, qu'il s'est restructuré. J'ai vu un reportage photo d'un photographe invité par le GUD, qui paraîtra peut-être - je dis « peut-être » parce que, pour ma part, je suis hostile à sa publication : si le GUD invite un photographe à son entraînement, c'est qu'il veut faire sa publicité et je n'ai personnellement pas très envie que l'on utilise notre journal pour cela. Ce reportage, tout récent, montre l'entraînement paramilitaire - avec battes de base-ball, matraques, casques portant la croix celtique - le folklore habituel du GUD, mais je pense que cela signifie quelque chose, le message étant : « Voyez, nous sommes encore là. »

M. le Rapporteur : Où a lieu cet entraînement?

M. Guy KONOPNICKI : Dans une usine désaffectée de la banlieue parisienne - lieu, m'a-t-on dit, connu des services de police.

M. le Président : Tout est théoriquement connu des services de police.

M. Guy KONOPNICKI : Il existe malheureusement de très nombreuses usines désaffectées en région parisienne.

M. le Rapporteur : Avez-vous le sentiment que M. Bernard Courcelle était plus un soldat de fortune qu'un militant du Front National et que son départ risque de rendre les mouvements de protection du Front National beaucoup plus dangereux parce que non contrôlés ?

M. Guy KONOPNICKI : Soldat de fortune, à mon avis, pas tout à fait. On n'accepte pas d'être le chef du service de sécurité du Front National en ayant des opinions franchement républicaines. Mais il est exact que c'est un professionnel de la sécurité, qu'il a même été employé par un établissement public. Nous savons tout cela. Je ne pense pas que c'était d'ailleurs pour protéger une personne en particulier comme on le dit. Il faudrait le vérifier, mais cela paraît une interprétation fantasque. Mais c'était un professionnel.

    Peu importe les raisons tenant à ses opinions dans son embauche. Il a clairement été engagé pour rationaliser les choses, éviter les dérives et veiller à la présentation : blazer bleu, etc. Selon eux, cela présentait mieux, mais j'ai filmé au cours d'une manifestation à Marseille des gens en blazer bleu et j'ai trouvé qu'en gros plan, tels que nous les avons montrés sur Arte, ils n'avaient pas l'air très rassurant.

    Il y a eu quelques bavures quand ils se sont pris pour la police elle-même au Creusot ou à Strasbourg, mais M. Bernard Courcelle tenait un peu les choses. Dans la situation d'affolement qui est la leur actuellement, compte tenu de l'absence d'un professionnel de ce type à la tête de ce service, tout est effectivement possible.

M. le Président : Vous considérez que M. Jean-Pierre Chabrut n'est pas un professionnel ?

M. Guy KONOPNICKI : Ce n'est visiblement pas le même profil. Comme il s'agit maintenant de règlements de comptes internes, les hommes qui ont été placés des deux côtés l'ont été en fonction de critères extrêmement politiques et de leur fidélité à chacun des deux chefs. Cela prime maintenant sur toute autre considération, c'est-à-dire qu'assurer la sécurité de M. Bruno Mégret, c'est le protéger de M. Jean-Marie Le Pen.

M. le Rapporteur : Mais pourquoi avoir préféré M. Jean-Pierre Chabrut, qui nous a paru le moins performant des hommes du DPS, à M. Eric Staelens, par exemple ? M. Jean-Pierre Chabrut nous paraît avoir un parcours assez atypique. Il n'a pas spécialement travaillé dans le renseignement ni chez les mercenaires. Il a effectué un séjour de six mois en Angola avec ELF qu'il n'a pas très bien expliqué, mais il ne nous a pas paru avoir l'envergure d'un Courcelle. Il nous a semblé un peu falot.

M. Guy KONOPNICKI : Désormais, les considérations de fiabilité surpassent les considérations de capacité, politiques ou professionnelles. Dans les deux structures, c'est la fidélité à l'employeur qui prime. Dans toute scission, même politique, il y a le moment où chacun fait son choix - et il y a eu des surprises. M. François-Xavier Sidos en est une, même s'il existait de vieux affrontements entre le clan Le Pen et le clan Sidos, il y a trente ou quarante ans. Au moment de la scission, il est de l'autre coté. On le savait quelques mois avant, mais cela ne correspondait pas à son profil.

    M. Jean-Marie Le Pen a des surprises dans sa propre famille. Mme Marie-Caroline Le Pen, sa fille préférée, celle qui a été privilégiée dans les partages, celle qui avait la disposition d'un appartement à Saint-Cloud - qu'elle n'a plus d'ailleurs - se retrouve de l'autre côté.

    Ensuite, il y a ceux - ils sont nombreux parmi les élus et responsables du Front National - qui, à l'instar de M. Peyrat hier et de M. Jean-Marie Le Chevallier aujourd'hui, envisagent tranquillement de s'en aller et d'essayer de se refaire une santé dans d'autres forces politiques.

    Pour chacun, l'essentiel maintenant, en termes de sécurité, sera d'avoir un homme de confiance, qui ne sera peut-être pas un homme remarquable dans son domaine, professionnel de l'armée, de la police et du renseignement, mais auquel tout pourra être demandé, notamment de savoir ce que fait l'autre, ce qui est leur principale préoccupation actuellement.

M. Robert GAÏA : Je voudrais revenir sur votre enquête concernant Vitrolles et sur les liens entre le DPS et la police municipale. Qui est qui ? Est-ce que la police municipale est le DPS ? Ou le DPS l'a-t-il investie ? En quoi peut-on dire qu'à Vitrolles il existe une organisation de type paramilitaire ?

M. Guy KONOPNICKI : En ce qui concerne Vitrolles les choses ont été organisées ainsi : le chargé de mission du cabinet du maire, M. Patrick Bunel, est un ancien militaire de carrière ; il était sergent, a servi longtemps en Afrique et a également fait partie du bataillon français des forces des Nations Unies en Bosnie. Quand il a quitté le service actif, il est allé, m'a-t-il dit, volontairement voir M. Bruno Mégret parce qu'il se sentait politiquement proche et qu'il l'admirait ; celui-ci l'a engagé comme garde du corps et chauffeur, ce qui me semblait - je le lui ai dit - en dessous de sa qualification. Il m'a répondu qu'il s'occupait aussi des questions de sécurité et qu'il avait vocation à s'en occuper pour l'ensemble du Front National et donc de prendre la place de Courcelle.

    C'est en cela que la scission ne recoupe pas toujours les rivalités qui ont pu exister avant, puisque M. Patrick Bunel ambitionnait de prendre la place de M. Bernard Courcelle, ce que M. Jean-Marie Le Pen a refusé, puisqu'il n'allait pas donner à un fidèle de M. Bruno Mégret la charge de le protéger, lui. Là-dessus, M. Bernard Courcelle a, dans la scission, fait le choix que l'on sait, qui n'était pas forcément le choix attendu, en tout cas par M. Patrick Bunel.

    Après l'élection de Mme Catherine Mégret, M. Bruno Mégret a demandé à M. Patrick Bunel de s'installer à Vitrolles. Celui-ci n'est pas originaire des Bouches-du-Rhône ni du Midi. Fils d'agriculteurs en Normandie, dans l'Orne ou le Calvados, il est toujours propriétaire de l'exploitation agricole de ses parents. Donc, a priori, il n'avait rien à faire dans le Midi, sinon pour faire de Vitrolles une ville vitrine, une ville modèle. C'est une mission politique.

    Il a recruté assez habilement sa police municipale. Celle-ci existait déjà du temps de la précédente mairie. A deux personnes près, qui ont été écartées, elle ne grouillait pas d'amis de la précédente majorité municipale. C'était un milieu - même le noyau de départ -, qui était plutôt ravi de voir arriver le Front National aux affaires. J'ai rencontré un policier municipal qui m'a expliqué qu'il était membre du parti socialiste auparavant, parce que le maire était socialiste. Aujourd'hui, il est membre du Front National, mais, cette fois, en accord avec ses idées.

M. le Président : Il était multicarte...

M. Guy KONOPNICKI : On connaît cela ailleurs : la carte du maire, réflexe de fonctionnaires municipaux, ce sont des choses qui existent...

    Le hasard fait que presque tous les fonctionnaires engagés dans la police municipale, selon les méthodes de recrutement admises par le code des communes, sont proches du Front National. C'est étrange, mais cela a fonctionné de cette manière. Comment ont-ils fait techniquement ? Je pense que c'est assez simple. Des policiers municipaux de Vitrolles disent participer, à titre militant et personnel en dehors de leurs heures de travail, à l'encadrement et à la sécurité des réunions du Front National. Ce qui est leur droit.

    Je peux témoigner que, lors d'un meeting de clôture des élections régionales dans les Bouches-du-Rhône, qui avait lieu au Stadium de Vitrolles, M. Patrick Bunel cumulait deux fonctions. A l'extérieur, la police municipale assurait la sécurité sur la voie publique et aux accès de la réunion, en filtrant tout de même les entrées - par exemple, notre voiture avec l'équipe et les caméras a été fouillée par la police municipale - puis, quand le DPS qui assurait la sécurité de la réunion a voulu nous fouiller, le même responsable de la police municipale et responsable de la sécurité du meeting a dit aux membres du DPS que ce n'était pas la peine de nous fouiller, la police municipale l'ayant déjà fait. Il y avait donc une coordination assez simple puisque le même chef s'occupait des deux.

    A Vitrolles, j'ai également constaté des situations assez étonnantes. Je pense notamment à une personne qui nous explique, face à la caméra, qu'elle a été chargée pendant un an d'infiltrer l'ancienne majorité municipale. Elle a donc adhéré à la structure associative qui avait été constituée par l'ancien maire, M. Jean-Jacques Anglade, et elle a participé pendant un an aux réunions de la section socialiste de Vitrolles ainsi qu'à d'autres réunions. Cette personne se trouve mariée avec le responsable des équipes de collage d'affiches du Front National.

    Cela nous l'avons filmé et produit sur Arte le 6 mai 1998 : pendant qu'elle raconte, une de nos équipes accompagne des colleurs d'affiches en action, avec une assez belle interview de jeunes intellectuels à cheveux courts. On peut écouter un jeune homme, très franchement skin, expliquer son attachement aux racines celtes du peuple français - ce qui en Provence est particulièrement piquant -, avec un très bel accent marseillais parce que c'est un pauvre gamin des quartiers nord de Marseille et raconter qu'il a adhéré au Front National « parce que les étrangers étaient mieux notés que lui à l'école et que c'était forcément parce que le maître favorisait les étrangers ». A considérer la manière dont il parle le français, je crains que ce ne soit pour d'autres raisons...

    On peut observer l'articulation entre le collage d'affiches à Vitrolles, Marignane et alentour, et la police municipale assurant la logistique pour vérifier que la voie est libre ; ensuite opèrent les équipes.

    Il y a d'ailleurs une curiosité dans les départements du Midi qui me surprend un peu : c'est le non-respect de la loi sur le collage sauvage lors des campagnes électorales. Il existe d'autres régions dans lesquelles certains candidats déposent une plainte par affiche posée.

M. le Président : Il faut être celtes pour cela !

M. Guy KONOPNICKI : Il faut être celte, ce doit être ça. Ce doit être la celtitude des candidats d'Ile-de-France qui fait qu'ici, des candidats sont condamnés à payer des amendes assez élevées pour ce genre de choses.

M. le Président : Certes, il existe une différence entre le Midi et le reste du pays de ce point de vue. Cela coûte d'ailleurs cher aux pouvoirs publics et aux candidats, parce qu'il faut beaucoup d'affiches !

M. le Rapporteur : Nous avons écouté les gens de la FPIP, qui ont protesté de leurs sentiments franchement républicains. A votre avis, pourquoi y a-t-il eu cette tentative de déstabilisation de la FPIP par le Front National ?

M. Guy KONOPNICKI : Dans les milieux du syndicalisme policier, il y a des affaires et des oppositions qui remontent très loin, à l'époque où M. Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du Front National, avait tenté un coup de force sur les organisations policières syndicales les plus classées à droite. Il avait échoué. Il y avait eu, à l'époque, des règlements de compte assez violents. C'était en 1983-1984.

    Il y avait eu des affaires d'infiltration de la police par le PFNE qui se sont traduites par l'affaire des foyers Sonacotra de Nice, ainsi que l'affaire de l'attentat contre un journal que je connaissais bien, qui venait de publier ce que nous appelions la liste des canailles, c'est-à-dire la liste de vos collègues en contact avec le Front National dans leur circonscription et leur département, juste après cette explosion mystérieuse revendiquée plus tard par une personne arrêtée dans l'affaire des foyers Sonacotra de Nice.

    Un moment donné, ils ont effectivement décidé de créer leur propre syndicat parce qu'ils n'arrivaient pas à prendre la main, ni sur la FPIP, ni sur aucune autre organisation. Ils ont donc créé le Front National de la police avec les problèmes juridiques que l'on connaît et les succès relatifs que l'on sait dans certains commissariats.

M. le Rapporteur : Pourquoi cet échec vis-à-vis de la FPIP qui est assez connotée à droite ?

M. Guy KONOPNICKI : A mon avis, pour des raisons très politiques. Ils sont, en effet, très connotés à droite mais, en même temps, porteurs d'un corporatisme syndical policier. Cela fait partie de leur idéologie de ne pas se soumettre étroitement à une organisation ou un parti. De plus, d'autres sensibilités d'extrême-droite, plus marginales, existaient aussi au sein de la FPIP. C'est ce qui est apparu dans l'affaire des foyers notamment. Je pense que cela tient essentiellement à cela.

    Il y a eu aussi une mésentente à l'intérieur de la direction du Front National, car cela ne touchait pas seulement les milieux policiers mais aussi d'autres organisations syndicales. Le principe mis en place par MM. Jean-Marie Le Pen et Jean-Pierre Stirbois a plus tard été combattu par M. Bruno Mégret qui, lui, voulait créer des organisations syndicales baptisées Front National, en commençant dans la police, l'administration pénitentiaire, etc. Cette conception de syndicats Front National est vraiment sortie de la délégation générale dirigée à l'époque par M. Bruno Mégret. C'était le principe. Cela a failli marcher. Auparavant le Front National penchait plus pour des infiltrations de syndicats faciles à approcher. Ce fut le cas de certains syndicats : Force ouvrière, FPIP, ou encore CFTC. Cette dernière avait d'ailleurs réagi très vivement en 1995, allant jusqu'à prononcer l'exclusion de militants de la mouvance Chrétiens solidarité, intégristes du Front National qui avaient tenté des infiltrations de leur côté car, évidemment, il y avait là des possibilités. Il y avait, d'une part, les réactions des confédérations chaque fois que le Front National tentait une infiltration et il y avait, parallèlement, la politique de M. Bruno Mégret, qui était d'afficher les couleurs du Front National jusque dans le syndicalisme et de promouvoir des organisations syndicales dénommées Front National de la Police, Front National de l'administration pénitentiaire et, pourquoi pas, Front National de la métallurgie s'il avait pu le faire. Il a créé aussi le mouvement pour l'enseignement national, par exemple, et d'autres choses de ce genre. C'était une ligne politique visant à aller vers une confédération dans toutes les catégories de salariés. Je pense que, deux ou trois ans après, il n'en reste plus grand-chose.

M. le Président : En dehors de cette phrase prononcée devant votre caméra cachée, il n'y a rien d'autre ?

M. Guy KONOPNICKI : Nous n'étions pas en train de jouer les caméras cachées. Il s'agissait d'une caméra oubliée.

    Il y a donc cette phrase : « On est sans doute à trois semaines des premières arrestations. » M. Patrick Bunel règle là son compte avec M. Bernard Courcelle et le décrit comme un incapable. Il dit également une chose, qui est assez drôle, mais qui peut avoir son importance maintenant : il parle de la paranoïa de M. Jean-Marie Le Pen pour qui, selon lui, la confiance passe avant la capacité, ce qui expliquerait que certains responsables du DPS ont, certes, des états de service émérites dans tous les coups de main de l'extrême-droite, mais ont une moyenne d'âge supérieure à cinquante ans, dit-il, évoquant les vieux baroudeurs de l'extrême-droite - sans toutefois remonter jusqu'à l'OAS parce que cela ferait nettement plus de cinquante ans de moyenne d'âge désormais.

    Il parlait également des m_urs de corps de gardes, légèrement alcoolisées des services d'ordre, qui lui semblaient dangereuses dans la préparation de manifestations. En revanche, lorsque nous lui avons posé la question des armes et des matériels, il a été très évasif, tout en disant tout de même qu'il y avait des maniaques des armes, que cela lui semblait relever du folklore et qu'il fallait arrêter cela.

M. le Président : Nous vous remercions.

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Audition de M. Eric STAELENS, responsable du DPS d'Ile-de-France

(extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 31 mars 1999)

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Eric Staelens est introduit.

    M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Eric Staelens prête serment.

M. le Président : Vous êtes membre du DPS ?

M. Eric STAELENS : Tout à fait.

M. le Président : Vous y avez des responsabilités ? Depuis combien de temps êtes-vous membre du DPS ?

M. Eric STAELENS : Depuis une quinzaine d'années.

M. le Président : Quelles sont vos responsabilités ?

M. Eric STAELENS : Je suis responsable de l'Ile-de-France. Pas du tout à l'échelon national, uniquement au niveau de l'Ile-de-France.

M. le Président : Pourtant, plusieurs personnes que nous avons auditionnées, un assez grand nombre, vous attribuent des responsabilités auprès de M. Bernard Courcelle allant au-delà de la région.

M. Eric STAELENS : Oui, le bureau central étant à Saint-Cloud, au siège, et étant sur l'Ile-de-France, j'ai été appelé, bien évidemment, à rencontrer M. Bernard Courcelle plus souvent que d'autres, en raison des obligations existant en région parisienne et de l'éloignement d'autres régions dont les responsables ne rencontraient pas M. Bernard Courcelle aussi souvent que moi. Mais je n'ai pas d'autorité au-delà de l'Ile-de-France, si l'on peut appeler cela une autorité.

    Effectivement, j'ai été appelé à me déplacer sur la France. Après quinze ans de service, on est quand même plus connu qu'une personne qui n'est là que depuis un an. Voilà peut-être la raison pour laquelle on vous a indiqué ce genre de choses.

M. le Président : Quel est votre parcours personnel ?

M. Eric STAELENS : Politique ? Professionnel ?

M. le Président : Politique et professionnel.

M. Eric STAELENS : Au plan professionnel, je suis conducteur de travaux dans une entreprise de bâtiment de la région parisienne. J'ai toujours été dans le domaine du bâtiment.

M. le Président : C'est votre activité professionnelle aujourd'hui ?

M. Eric STAELENS : Tout à fait.

M. le Président : Vous n'avez jamais été permanent du parti ?

M. Eric STAELENS : Non, pas du tout. Je parle là de mon parcours professionnel. Je ne suis pas permanent au Front National, je ne suis que bénévole.

    Au niveau politique, il y a quinze ans de cela, j'ai fait un passage par le RPR. J'étais sur la Seine-Saint-Denis, à Gagny très exactement, et j'ai aidé à la campagne du RPR local, en tant que militant et non pour la sécurité, simplement pour distribuer des tracts sur les marchés, comme bon nombre de militants. Ensuite, il y a à peu près une quinzaine d'années, je suis entré au Front National. J'ai fait la même chose. On m'a confié des tâches de sécurité. Peut-être avais-je la possibilité de diriger les équipes différemment des autres. C'est peut-être pour cela. Mais je suis bénévole et non permanent au Front National.

M. le Président : Quels étaient vos rapports avec M. Bernard Courcelle ?

M. Eric STAELENS : Excellents.

M. le Président : Que pensez-vous de ceux qui lui ont succédé ? M. Marc Bellier ? M. Jean-Pierre Chabrut ?

M. Eric STAELENS : Je connais bien M. Marc Bellier depuis longtemps, puisqu'il était avec M. Bernard Courcelle, et même avant M. Bernard Courcelle. Quant à M. Jean-Pierre Chabrut, il lui a succédé depuis à peine un mois si mes souvenirs sont bons. Je connaissais M. Jean-Pierre Chabrut il y a longtemps, quand il était militant dans la région du 16ème arrondissement.

M. le Président : Nous l'avons auditionné hier. Il a l'air de moins bien connaître le DPS que vous.

M. Eric STAELENS : Oui, cela ne fait qu'un mois qu'il en a pris la charge. Evidemment, il le connaît moins bien que moi. C'est vrai.

M. le Président : Avez-vous des rapports directs avec M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Eric STAELENS : Non, en fonction de sa demande. Si je suis convoqué, je me rends à sa convocation, mais je n'ai pas de rapport direct.

M. le Président : Vous auriez pu avoir la responsabilité nationale du DPS ?

M. Eric STAELENS : Non, je suis salarié dans une entreprise de bâtiment qui me convient bien, comme je vous l'ai dit. Ce métier me plaît, je n'ai pas envie de prendre cette responsabilité. Elle ne m'a d'ailleurs pas du tout été proposée. Si cela avait été le cas, je l'aurais refusée.

M. le Président : Votre épouse a-t-elle été la secrétaire personnelle de M. Bernard Courcelle ?

M. Eric STAELENS : Oui.

M. le Président : Donc, la secrétaire du DPS ?

M. Eric STAELENS : Tout à fait.

M. le Président : On dit que vous avez eu des démêlés avec la justice. Pouvez-vous en dire plus ?

M. Eric STAELENS : Des démêlés avec la justice ? Je n'ai pas eu de démêlés avec la justice ! De quoi voulez-vous parler ?

M. le Président : Vous n'avez pas eu de procès ?

M. Eric STAELENS : Non. Je n'ai pas eu de procès avec la justice. Excusez-moi, mais je ne comprends pas très bien votre question. A quel sujet, ces démêlés ?

M. le Président : On dit que, dans votre activité professionnelle, vous avez eu des problèmes avec la justice.

M. Eric STAELENS : Oui, tout à fait. Au niveau professionnel, j'ai été gérant d'une société dans le département 93 qui s'appelait Coopébat. C'était une société coopérative ouvrière de production (SCOP) dont j'ai pris la direction. Et j'ai été en quelque sorte grugé. Je me suis retrouvé à prendre une entreprise qui n'allait pas bien, alors que le PDG de cette société m'avait tenu un propos contraire. J'ai donc été interdit de gérer pendant dix ans. Je me suis fait avoir.

    Mais, au niveau politique, je n'ai pas eu de procès.

M. le Président : Interdit de gérer, mais vous continuez de gérer votre exploitation quand même ?

M. Eric STAELENS : Je ne suis pas gérant. Je n'ai pas le droit. Je suis salarié.

M. le Rapporteur : Dans quelle entreprise êtes-vous salarié ?

M. Eric STAELENS : Je suis salarié dans une société qui se trouve 17, avenue Gambetta, à Paris et qui s'appelle EGS. C'était une société qui m'appartenait et dont ma femme est gérante. Je n'en suis pas gérant. Je suis salarié.

M. le Rapporteur : Une société de bâtiment ?

M. Eric STAELENS : Tout à fait, monsieur.

M. le Président : Connaissez-vous le Groupe Onze France ?

M. Eric STAELENS : De nom seulement.

M. le Président : Et la société Normandy ?

M. Eric STAELENS : De nom également, mais je n'ai jamais travaillé avec ces gens-là.

M. le Président : Plusieurs personnes auditionnées nous disent que vous avez joué un rôle particulier dans la constitution des groupes-choc au sein du DPS ?

M. Eric STAELENS : Il n'y a pas de groupes-choc. Du moins je l'apprends. Les DPS sont tous des bénévoles. Nous assurons la sécurité des manifestations, mais nous ne sommes pas là pour faire partie d'un groupe-choc pour attaquer les opposants. Nous sommes là pour assurer la sécurité des gens présents et non pour faire quoi que ce soit d'autre. Pas du tout.

M. le Président : On le dit pourtant.

M. Eric STAELENS : On le dit, on le dit monsieur, mais ce n'est pas la vérité. Des groupes-choc ? Non, vraiment...

    Un moment, on a parlé des UMI. On en a tous entendu parler à la télévision. Je n'ai jamais fait partie des UMI.

M. le Président : Vous n'avez jamais fait partie des UMI. C'est donc qu'elles existaient ?

M. Eric STAELENS : Non ! C'est ce que l'on a dit , c'est ce que j'ai entendu, comme vous, à la télévision.

M. le Président : Vous étiez à Montceau-les-Mines ?

M. Eric STAELENS : Non.

M. le Président : A Strasbourg ?

M. Eric STAELENS : J'étais à Strasbourg.

M. le Président : Salle Wagram ?

M. Eric STAELENS : J'étais salle Wagram. Plusieurs fois, puisqu'il y a eu plusieurs meetings dans cette salle. J'ai assuré souvent la sécurité sur Paris. Probablement plusieurs fois à Wagram.

M. le Président : Monsieur Robert, cela vous dit-il quelque chose ?

M. Eric STAELENS : Monsieur Robert, non... Robert, oui, c'est mon indicatif radio.

M. le Président : C'est votre pseudonyme ?

M. Eric STAELENS : Tout à fait. Mon indicatif radio.

M. le Président : Vous étiez à Wagram lors du dépôt de gerbe impromptu à l'Arc de Triomphe ?

M. Eric STAELENS : Tout à fait. J'étais en fin de cortège.

M. le Président : Que pensez-vous de cette opération ?

M. Eric STAELENS : Cela ne m'a pas convenu. C'est clair.

M. le Rapporteur : A votre sens, quels sont les risques que peuvent entraîner pour les services d'ordre la scission du Front National ? Entendez-vous toujours poursuivre l'ostracisme dont a fait preuve M. Bernard Courcelle à l'égard des mouvements néo-nazis très extrémistes comme les skinheads, le GUD ou le PFNE ?

M. Eric STAELENS : M. Bernard Courcelle fait ce qu'il veut. Je recevais, bien évidemment, des ordres pour intervenir en matière de sécurité, mais j'ai toujours agi en fonction de mon propre désir, à savoir que les skinheads ont toujours été exclus des défilés. D'ailleurs, des interpellations ont été faites par les forces de l'ordre aux défilés du 1er mai à plusieurs reprises. Cela a été notifié sur main courante.

M. le Rapporteur : Je reviens aux groupes-choc. Des groupes-choc ne sont pas forcément faits pour agresser. Un journaliste nous a dit : « Le groupe-choc avec lequel j'étais en contact était dirigé par M. Eric Staelens, responsable du DPS de l'Ile-de-France, qui dépendait directement de M. Bernard Courcelle. J'avais interrogé ce dernier à ce sujet. Il n'avait pas démenti l'existence de ces groupes-choc. Il en avait simplement nié l'organisation rigide. »

M. Eric STAELENS : Je ne sais pas qui a dit cela...

M. le Rapporteur : M. Bernard Courcelle.

M. Eric STAELENS : Concernant le journaliste...

M. le Président : C'est un journaliste.

M. Eric STAELENS : Un journaliste peut très bien fabuler et dire qu'il existe des groupes-choc. Il existe effectivement le 11ème Choc, mais c'est un régiment de parachutistes ! Nous ne sommes pas un régiment de parachutistes.

M. le Président : Comment était organisé le DPS en Ile-de-France ?

M. Eric STAELENS : Comme dans toute la France, dans toutes les régions : des militants qui sont là et donnent un coup de main pour assurer la sécurité. Il n'y a pas d'organisation précise. Lors de meetings ou lors de défilés, les militants, que nous connaissions pour certains, et d'autres qui viennent nous donner un coup de main - que nous connaissons aussi parce que l'on ne peut pas faire cela avec n'importe qui - se mettent à disposition du responsable, en l'occurrence moi aujourd'hui, et assurent la sécurité des abords pour éviter toute pénétration d'éléments hostiles.

M. le Président : Une personne, qui n'est pas un journaliste, nous a dit, que le principal responsable du DPS est M. Bernard Courcelle, qui est chargé de superviser ses activités, mais qu'en réalité, c'est vous-même qui, le plus souvent, dirigez les opérations du DPS lors des manifestations, rassemblements et réunions du Front National.

M. Eric STAELENS : Sur Paris, oui. C'est vrai. Nous avons chacun notre région. Je m'occupe de Paris. Je le disais tout à l'heure.

M. le Président : BBR, 1er  mai...

M. Eric STAELENS : Oui, tous les meetings et réunions sur la région parisienne.

M. le Président : Vous vous déplacez aussi en province ?

M. Eric STAELENS : Oui, à Strasbourg notamment. Quand on a besoin de monde en plus, quand il y a une grosse manifestation, on fait effectivement des déplacements sur l'extérieur.

M. le Président : Vous avez donc un rôle plus particulier au sein du DPS, du fait de l'importance des manifestations que vous supervisez ?

M. Eric STAELENS : Non, pas particulièrement. Je prends en compte une zone et voilà, sous la directive de la personne qui nous reçoit. Si on va sur Strasbourg, c'est celui qui reçoit qui est responsable de la sécurité. Nous intervenons sur des zones précises, à sa demande.

M. le Président : Comment cela se passe-t-il en Ile-de-France avec la scission du Front National ?

M. Eric STAELENS : A priori, dans l'immédiat, il n'y a aucun problème. Tout se passe relativement bien puisqu'il n'y a pas eu d'accrochage de quelque ordre que ce soit, suite à la scission. Tout est calme. Tout va bien. Il n'y a pas de problème particulier.

M. le Président : Il n'a pas eu de défections ?

M. Eric STAELENS : Si, bien sûr. C'est cela aussi la liberté de choisir ! Les bénévoles choisissent leur parcours. Ils peuvent être mégretistes ou lepénistes. Bien évidemment, il y a eu des défections.

M. le Rapporteur : Quelle est votre passé militaire ?

M. Eric STAELENS : J'étais brigadier-chef dans le matériel, en tant qu'appelé. Je n'ai donc pas l'autorité d'un capitaine ou d'un commandant. Quand on dit que je suis responsable d'un groupe-choc, je ne pense pas que ce soit un ancien brigadier-chef du matériel qui puisse diriger un groupe-choc. Cela relèverait plutôt d'un ancien légionnaire ou d'un ancien parachutiste. Il serait plus apte à le faire.

M. le Rapporteur : Vous avez été désigné au matériel parce que vous étiez déjà un homme du bâtiment ?

M. Eric STAELENS : Non. J'ai été désigné pour y aller, point à la ligne. Je n'ai pas choisi mon régiment.

M. le Rapporteur : Vous aviez déjà une formation dans le bâtiment ?

M. Eric STAELENS : Oui, bien sûr. J'ai fait des travaux de bâtiment et de peinture au régiment. C'est peut-être pour cela que l'on m'a dirigé sur ce régiment.

M. le Président : Parmi les militants du DPS de la région parisienne que vous supervisez, personne n'a été en rapport, par exemple, avec des éléments de l'Union nationale des parachutistes, avec des professionnels de la sécurité fournis par la société Normandy ou le Groupe Onze France, pour organiser un groupe plus opérationnel au sein même du DPS ? Cela ne s'est jamais passé ?

M. Eric STAELENS : Si ce groupe avait existé, je l'aurais su puisque, comme vous le dites, je suis l'autorité au niveau du DPS. Je pense que si le groupe-choc avait existé, il aurait été arrêté et contrôlé, en quinze ans, par les forces de l'ordre, notamment lors de manifestations ou d'autres choses. Je pense que jusqu'ici, tous les militants du DPS se tiennent correctement puisqu'ils ne sont pas interpellés par les forces de l'ordre.

M. le Président : Quand on parle de groupe-choc, on ne parle pas forcément d'un groupe qui se comporterait de manière illégale mais qui serait, au sein du DPS, organisé de manière plus opérationnelle. Par exemple, à Montceau-les-Mines, vous avez vu certainement... Vous n'y étiez pas ?

M. Eric STAELENS : Non, je n'y étais pas.

M. le Président : ... Vous avez vu, comme nous, qu'une partie du DPS était dans un uniforme assez semblable à celui des CRS, et qu'il man_uvrait, d'après ce que l'on nous a dit et qui est tout à fait convergent, avec une certaine maîtrise. Personne ne peut imaginer que cela se soit passé simplement par l'effet du hasard et qu'il s'agissait d'une simple rencontre de militants venus simplement par bonne volonté. Il y avait donc une certaine organisation, ce que l'on peut comprendre. Cela ne s'est jamais passé en Ile-de-France ?

M. Eric STAELENS : Non, nous n'avons jamais eu d'accrochage.

M. le Président : Je ne parle pas d'accrochage.

M. Eric STAELENS : Mais là, c'était quand même un accrochage. Ils se sont protégés. Ils ne sont pas intervenus en chargeant les gens qui étaient là. D'après ce que j'ai vu à la télévision, je les ai vus se protéger, et protéger le meeting de M. Bruno Gollnisch.

M. le Président : Ce n'est pas la question que je vous pose. Ces membres du DPS avaient été une quinzaine ou une vingtaine avec, je ne dirai pas un uniforme, pour ne pas vous choquez, mais...

M. Eric STAELENS : ... Des combinaisons de maîtres-chiens éventuellement...

M. le Président : ... En tout cas, des vêtements semblables et une certaine maîtrise de la manière d'assurer l'ordre.

M. Eric STAELENS : Tout à fait.

M. le Président : On peut donc imaginer, cela vient naturellement à l'esprit, que ces personnes n'étaient pas venues complètement par hasard, qu'elles s'étaient rencontrées et un peu entraînées.

M. Eric STAELENS : Non. Vous savez, quand vous êtes là depuis dix ou quinze ans pour certains, à force de prendre des coups, vous faites attention et vous vous protégez. On a automatiquement cette obligation de se protéger. C'est de l'automatisme : à force de prendre des coups, on se protège. On prend des casques.

M. le Président : Parmi ceux qui sont dans le DPS, certains font partie de sociétés de gardiennage ?

M. Eric STAELENS : Je n'en connais pas.

M. le Président : Il n'y a personne du Groupe Onze France dans le DPS d'Ile-de-France ?

M. Eric STAELENS : Non.

M. le Président : Jamais ?

M. Eric STAELENS : Jamais.

M. le Président : Je vous rappelle que vous avez prêté serment.

M. Eric STAELENS : Tout à fait.

M. le Président : Vous avez pris l'engagement de dire toute la vérité.

M. Eric STAELENS : Je vous le répète : je ne connais pas, au niveau du DPS d'Ile-de-France, de gens qui appartiennent au Groupe Onze. Je vous le répète. Et j'ai pris l'engagement, j'ai juré, je vous réponds.

M. le Président : Pourtant, d'autres responsables du DPS n'ont pas exclu, y compris M. Bernard Courcelle, qu'à titre personnel, naturellement...

M. Eric STAELENS : C'est lui que cela regarde. Moi, je vous réponds ce que je sais.

M. le Président : ... il y ait des personnes travaillant dans les sociétés de gardiennage de la région parisienne et participant au DPS.

M. Eric STAELENS : Sur l'Ile-de-France, je n'en connais pas.

M. le Président : Selon vous, il n'y en a pas ?

M. Eric STAELENS : Oui, affirmatif. Cela n'engage que les personnes qui ont répondu. Moi, je me suis engagé. Je vous réponds.

M. le Rapporteur : Connaissez-vous M. Jean-Marie Lebraud ?

M. Eric STAELENS : M. Jean-Marie Lebraud ? Oui, tout à fait.

M. le Rapporteur : Vous travaillez avec lui ?

M. Eric STAELENS : Non, il est dans la région Bretagne.

M. le Rapporteur : Et M. Patrick Leblond ?

M. Eric STAELENS : Pas Patrick Leblond, Patrick Blond.

M. André VAUCHEZ : Vous nous rappelez qu'à force de prendre des coups, il faut se protéger. Cela signifie - c'est vous qui le dites - que vous ne faites donc pas confiance à la police républicaine dans la protection qu'elle peut apporter à tout citoyen...

M. Eric STAELENS : Bien sûr que si !

M. André VAUCHEZ : ... fût-il manifestant, dans les règles de la République ? Vous me dites oui, mais ce n'est pas vrai puisque vous avez effectivement un service d'ordre qui est affecté principalement à défendre les manifestants qui sont dans le sillage du Front National. On ne peut pas comparer cela à un service d'ordre classique, que ce soit dans d'autres partis politiques ou dans les syndicats, où, très souvent, le service d'ordre est utilisé surtout pour éviter tout débordement de la masse des manifestants vers l'extérieur.

M. Eric STAELENS : C'est la même chose chez nous. S'il n'intervenait que contre les manifestants, il y a longtemps que les forces de l'ordre nous auraient interpellés, comme je l'ai dit tout à l'heure. Nous n'intervenons pas contre les manifestants. Nous sommes là pour assurer la sécurité de nos manifestants. Nous ne sommes pas là pour intervenir contre les gens qui viennent contre-manifester. Si tel était le cas, il y a longtemps que nous aurions été interpellés par les forces de l'ordre.

M. André VAUCHEZ : Il y a des cas, quand même, qui montrent que vous avez eu quelques actions, bien soulignées, même à Paris, et surtout dans certaines provinces où vous êtes intervenus alors que c'était plutôt à la police de faire cette besogne.

M. Eric STAELENS : Quand les forces de l'ordre sont en place, nous ne faisons rien.

M. André VAUCHEZ : Le DPS a plusieurs étages, ou plusieurs ordres, avec des tenues particulières, et puisque vous êtes sur Paris depuis longtemps, on ne peut pas ne pas se rappeler ce qui s'est passé au bord de la Seine, avec l'assassinat de Brahim Bouarram. Le criminel a-t-il fait partie un jour du DPS ? A-t-il pu _uvrer pour des actions précises, spécifiques et ponctuelles du DPS ? Il nous a paru bizarre que l'intervention faite par le DPS, ou des responsables du DPS, qui ont apporté une certaine collaboration à la police républicaine, a fait que ce criminel a été trouvé assez rapidement, mais surtout qu'il faisait partie d'un groupe qui aurait emprunté un car du Front National. Il est difficile de ne pas penser que le DPS connaissait cette personne sans qu'il y ait eu avant des liens particuliers, ou alors cela voudrait dire que le DPS fiche toutes les personnes qui tournent autour des manifestations, et il y en a !

M. Eric STAELENS : Oh, là ! Il n'y a aucun fichage de qui que ce soit au DPS. C'est clair.

    M. Fréminet, dont vous parlez, qui a été arrêté suite à cet assassinat et qui, me semble-t-il, est aujourd'hui emprisonné, n'a jamais fait partie du DPS, à ma connaissance, sachant que je m'occupe de l'Ile-de-France et que ce car venait du 51. Donc, à ma connaissance, M. Fréminet n'a jamais fait partie du DPS. Il n'était pas là pour intervenir au niveau du DPS. Il est venu en tant que militant du Front National pour défiler lors du 1er mai.

M. André VAUCHEZ : Un militant du Front National ?

M. Eric STAELENS : Je le suppose. Je ne connais pas personnellement M. Fréminet.

M. André VAUCHEZ : Vous étiez à Mantes-la-Jolie ?

M. Eric STAELENS : Non. Pas du tout. Quand il y a eu le... entre le président et Mme Annette Peulvast-Bergeal ? Non.

M. le Président : En février 1997, vous avez bien assuré, par contre, la protection d'un meeting du Front National à la Mutualité ?

M. Eric STAELENS : En février 97, j'étais probablement à la Mutualité. La date m'échappe, mais j'y étais probablement.

M. le Président : On nous a dit qu'il y avait soixante DPS, mobilisés en cinq équipes, sous votre direction. Il y avait eu des incidents assez sérieux avec un certain nombre de militants antifascistes qui brûlaient Présent et il y avait eu des blessés.

M. Eric STAELENS : Anti Front National ?

M. le Président : Vous organisez souvent les choses comme cela, en cinq équipes ?

M. Eric STAELENS : Une équipe est à l'intérieur, pour surveiller la salle ; une équipe aux accès qui vérifie les tickets d'entrée, pour les déchirer et les remettre aux personnes, comme dans tout meeting de tout parti politique où l'on paye l'entrée ; une équipe pour l'arrivée du président et une équipe à côté de la scène. Cela fait partie d'un système de sécurité normal et logique, analogue à celui de la CGT ou du PCF ; tous les services d'ordre le font.

M. le Président : Et une équipe qui s'occupe des contre-manifestants ?

M. Eric STAELENS : S'il y avait eu un accrochage à la Mutualité, encore une fois, il y aurait eu des arrestations.

M. le Président : Mais il y a eu un accrochage à la Mutualité.

M. Eric STAELENS : Personne n'a été arrêté ?

M. le Président : Il y a eu un blessé léger, en tout cas.

M. Eric STAELENS : Il n'y a eu personne d'arrêté chez nous. Je ne comprends pas.

M. le Président : Personne d'arrêté... C'est une autre question.

    A Montceau-les-Mines, le DPS a assuré l'ordre pendant une heure et demie ; il y a eu des blessés, des deux côtés d'ailleurs. Il n'y a pas forcément eu de poursuites. Cela n'a pas empêché que le DPS se conduise comme il s'est conduit.

M. Eric STAELENS : Il y a eu des blessés au DPS à Montceau-les-Mines.

M. le Président : Oui, j'ai dit des deux côtés. Les poursuites sont une chose, les actions en sont une autre.

M. Eric STAELENS : Tout à fait.

M. le Président : Quelles étaient vos relations avec M. Gérard Le Vert ?

M. Eric STAELENS : Bonnes. M. Gérard Le Vert est passé chez M. Bruno Mégret. Elles sont bonnes. Je ne vois pas pourquoi elles ne le seraient plus.

M. le Président : Vous avez de bonnes relations aussi du côté de chez M. Bruno Mégret ?

M. Eric STAELENS : J'ai de bonnes relations avec M. Gérard Le Vert. Je le vois moins qu'avant puisqu'il y a eu une séparation, c'est normal.

M. le Président : Pourquoi normal ?

M. Eric STAELENS : Il est parti chez M. Bruno Mégret. Je suis resté avec le Président Jean-Marie Le Pen. Mais si j'étais appelé à revoir M. Gérard Le Vert, ce serait avec plaisir.

M. le Président : Connaissez-vous M. Frédéric Jamet ?

M. Eric STAELENS : Oui, c'est un politique, je crois, de chez nous.

M. le Président : Le responsable du Front National de la Police ?

M. Eric STAELENS : Pardonnez-moi, il y a deux Jamet. Je ne le connais pas. Je l'ai peut-être vu une ou deux fois, mais je n'ai pas de relations avec ce monsieur. Aucune.

M. le Président : Nous vérifierons.

M. Eric STAELENS : Mais, monsieur, vous m'avez demandé de jurer, vous me l'avez rappelé tout à l'heure et vous me l'avez redit une troisième fois. Je vous ai dit une troisième fois que j'ai répondu sous serment.

M. le Président : Nous vérifierons.

M. Eric STAELENS : Mais bien sûr, monsieur, vérifiez.

M. le Président : Nous serons amenés à rappeler au prochain responsable du DPS auditionné - je vous le dis puisque, de toute manière, nous avons vérifié que les uns et les autres, vous vous informez des différentes auditions - que le serment de dire toute la vérité est un serment réel...

M. Eric STAELENS : Mais, monsieur, je l'ai bien compris.

M. le Président : ... et que, par conséquent, si vous contrevenez au serment que vous avez prêté et que nous pouvons en faire la démonstration en fonction des informations qui sont les nôtres, ceci est passible de poursuites.

M. Eric STAELENS : J'ai bien lu votre courrier.

M. le Président : Vous pouvez en faire écho.

M. Eric STAELENS : Tout à fait.

M. le Président : Nous vous remercions.

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