RAPPORT

FAITAU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1)
sur L'ACTIVITE ET LE FONCTIONNEMENT DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

TOME I
RAPPORT (SUITE)

DEUXIÈME PARTIE : UNE JURIDICTION À RÉNOVER

I.-LA RELÉGITIMATION DE LA JURIDICTION CONSULAIRE 1

A.- LA REFONTE TANT ATTENDUE DE LA CARTE JUDICIAIRE 2

1.- Mettre fin à l'émiettement des tribunaux 2

a) Les raisons d'un consensus 2

b) Le choix de la méthode 3

2.- Doser unité et diversité de la carte 5

a) Un seul modèle de juridictions 5

b) Spécialiser des tribunaux de commerce ? 6

c) Audiences foraines et antennes locales 8

3.- Choisir un format 9

a) Méthode de la « table rase » : choisir une taille optimale 10

b) Méthode pragmatique : fixer une taille critique 11

B.- LA RÉNOVATION DE LA FONCTION DE JUGE CONSULAIRE 12

1.- Le recrutement 12

a) Élargir le vivier de recrutement 12

· Élargir l'éligibilité 12

· Élargir le bassin d'élection 13

b) Revenir à de vraies élections 13

2.- La formation 14

a) Une formation initiale obligatoire 14

· Une période de pré-formation 14

· Une formation initiale exigeante 14

b) Une formation continue en partenariat avec l'Ecole nationale de la magistrature 15

3.- La déontologie et la discipline 15

a) Une déclaration des intérêts économiques 16

b) Une charte déontologique 16

c) Des normes renouvelées 16

· Éviter toute contrepartie directe ou indirecte à la fonction bénévole de juge consulaire 16

· Des incompatibilités à revoir 17

d) Vers un statut pour les juges consulaires ? 17

4.- Le contrôle des juges consulaires 18

a) Le contrôle disciplinaire 18

I.- LA RELÉGITIMATION DE LA JURIDICTION CONSULAIRE

Pour restaurer la légitimité de la juridiction commerciale, il faut
- enfin - répondre, près de vingt-cinq ans après, aux deux préoccupations déjà exposées dans le rapport Monguilan :

- « augmenter l'efficacité des tribunaux de commerce en adaptant leur organisation et leurs conditions de fonctionnement à l'évolution de la législation commerciale et aux mutations économiques » ;

- leur donner « encore plus d'indépendance. Il est certain que les conflits commerciaux, par leur complexité et l'âpreté qu'ils suscitent inévitablement, exigent, surtout lorsque d'importants intérêts sont en jeu, que les juges et leurs auxiliaires échappent aux pressions du contexte local. »

Les premières tâches seront de refondre la carte des juridictions et de rénover le statut des juges.

A.- LA REFONTE TANT ATTENDUE DE LA CARTE JUDICIAIRE

Le rapport de la commission Monguilan précisait que le souci d'efficacité des tribunaux de commerce de commerce l'avait conduite « à proposer une nouvelle distribution territoriale des tribunaux consulaires, seule susceptible de procurer un recrutement de juges en nombre suffisant et de compétence plus étendue, et de susciter un électorat important et mieux réparti. De grandes unités judiciaires pourront disposer de plus de moyens et connaître une meilleure organisation. Ce sont ces tribunaux de commerce, mieux structurés, qui seront capables de résoudre avec l'ouverture d'esprit indispensable les conflits qui se posent aujourd'hui au sein de l'entreprise et de la vie économique régionale. »

Ces orientations gardent leur pleine actualité. Leur mise en pratique, sans cesse repoussée durant des décennies, sera affaire de courage politique et de concertation. Il faudra d'abord affirmer la volonté de mettre fin à l'émiettement des juridictions. Mais la question centrale de la taille optimale des tribunaux de commerce est imbriquée avec d'autres sujets sur lesquels il conviendra d'exercer des choix : unification, spécialisation, déconcentration, sans parler ici de l'échevinage (évoqué au B. 1. ci-après).

1.- Mettre fin à l'émiettement des tribunaux

L'ensemble des personnes auditionnées par la commission et toutes les propositions de réforme de la justice consulaire, à commencer par celles de ses propres représentants, tombent d'accord sur la nécessité de refondre la carte des juridictions, pour assurer une forte concentration.

Cette unanimité peut surprendre, alors que chacun sait combien cette opération - au sens chirurgical du terme - risque d'être douloureuse.

a) Les raisons d'un consensus

· Pourquoi cette refonte ? Pour répondre à tous les inconvénients de l'éparpillement actuel, évoqués dans la première partie de ce rapport. « Constituer les grandes juridictions économiques et commerciales dont notre pays a besoin », comme le dit M. Philippe Lemaire, doit permettre en particulier :

- d'implanter les juridictions dans les centres économiques d'aujourd'hui et, si possible, de demain ;

- de mettre en place une allocation plus économique et plus efficace des moyens de la justice commerciale ;

- d'élargir le bassin d'élection des juges, ce que les représentants du ministère de la justice ont qualifié de « nécessité impérative » ;

- d'assurer dans tous les tribunaux un flux suffisant d'affaires à juger pour que chaque magistrat dispose d'une expérience variée.

· La concentration ne manquera pas de se heurter à deux types d'objection, en partie liés : le thème de la justice de proximité et les intérêts de l'aménagement du territoire.

Au nom du premier, on fera valoir que la suppression des petits tribunaux éloignerait les juges des justiciables. L'argument est contesté par les représentants de la justice consulaire eux-mêmes. M. Jacques-Henri Nougein, dans son rapport pour les assises nationales des tribunaux de commerce d'octobre dernier, estimait que « l'argument apparaît peu convaincant ». Il ajoutait : « comment, d'abord, soutenir qu'à une époque où les moyens techniques de circulation de l'information sont à ce point performants, l'éloignement, relatif serait un obstacle au bon fonctionnement d'une institution. Les avocats, même si leur cabinet n'est qu'à quelques encablures, ne transmettent-ils pas, déjà, la majorité de leurs écritures par fax et demain, sans doute, par internet ?

Comment, encore, soutenir valablement que le chef d'entreprise qui effectue parfois des centaines de kilomètres quotidiennement pour aller à la rencontre de ses clients et de ses fournisseurs, serait perturbé par l'obligation d'un parcours un peu rallongé pour se rendre au siège d'une juridiction ?

Car, enfin, combien de fois, au cours d'une année, voire d'une vie professionnelle, cette démarche lui est-elle imposée ?

Sauf le cas du procédurier qui ne sait gérer son entreprise que par juridiction interposée (et dont on conviendra qu'il ne constitue pas une référence), la fréquence des contacts obligés entre le monde judiciaire et le monde de l'entreprise est particulièrement faible.

Dans la très grande majorité des cas, on ne plaide pas un procès tous les mois, on ne dépose pas un bilan tous les ans !

L'argument, tel qu'il est présenté, ne nous apparaît pas pertinent, pas plus que celui, voisin, de l'aménagement du territoire, dont il est clair qu'il ne signifie pas, dans une vision simpliste, éparpillement des services publics dans tout le territoire. »

Sur ce dernier thème, il importe de distinguer la méthode et le but. Les instruments d'analyse de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, seront utiles pour acquérir une vision réaliste des ressorts géographiques. En revanche, le maintien volontariste de petits tribunaux dans des régions en perte de vitesse économique ne semble pas une réponse adéquate. Un tribunal de commerce n'est guère pourvoyeur d'emplois (une secrétaire de président, éventuellement à mi-temps), surtout si le greffe, commun à plusieurs juridictions, s'est délocalisé. Au surplus, le sens de la causalité ne doit pas être inversé. L'activité d'un tribunal de commerce résulte de la vie des affaires et de la pathologie des entreprises ; mais sa présence ne peut revitaliser l'activité d'une région.

Au total, ce qui paraît le plus important est l'accessibilité de la justice, qui suppose une organisation améliorée autant qu'un choix judicieux du siège des tribunaux.

b) Le choix de la méthode

Comment simplifier la carte consulaire ?

Concentration locale et synthèse nationale doivent être les maîtres mots. M. Henri-Jacques Nougein en a fait le constat : la méthode des « regroupements volontaires entre les plus petits tribunaux », qui n'ont « été obtenus qu'au prix de véritables débauches d'énergie, hors de proportion avec la réalité des intérêts en jeu », est « une piste très étroite ». « Disons maintenant qu'elle a montré ses limites et que s'il faut continuer à soutenir ces initiatives consensuelles, il ne faut pas en attendre la solution du problème posé, tant le poids des résistances, des habitudes et des particularismes, même s'ils sont légitimes, est fort. »

La Conférence générale ne le reconnaît pas expressément, mais qui ne voit que la réponse est de nature politique, et relève des pouvoirs publics ? La conciliation des intérêts locaux ne peut venir des initiatives locales. Pierre Bézard, lointain successeur de M. Monguilan à la chambre commerciale de la Cour de cassation, a souligné le rôle qui incombe au Parlement :

« La carte judiciaire affaiblit grandement la position des tribunaux de commerce. Ce n'est pas le seul problème, mais la révision de la carte judiciaire serait une solution d'importance. Il appartient au Parlement d'apprécier jusqu'où on peut aller. Je comprends cependant que certaines régions qui ont vu disparaître leur caserne, parfois leur lycée, n'apprécient guère de voir disparaître leur tribunal de commerce... »

Seule une synthèse nationale permettra de sortir d'une situation bloquée. Mais seule une concertation préalable approfondie pourra faire accepter localement des suppressions décidées « à Paris ».

Afin d'assurer la concertation, c'est donc à bon escient que Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, a décidé, le 24 mars dernier, la création d'une mission de réforme de la carte judiciaire. Elle a désigné comme délégué M. Flavien Errera, parallèlement chargé du secrétariat du comité interministériel de la réforme de la carte judiciaire. Nommée pour cinq ans, la mission aura pour première tâche de formuler des propositions sur la carte consulaire. Elle comprend au total cinq membres, dont un géographe, un statisticien et un spécialiste de l'aménagement du territoire.

La lettre de mission de M. Flavien Errera précise : « votre analyse s'appuiera notamment sur l'étude de l'activité des juridictions, la nature des contentieux traités, les délais de traitement, l'accessibilité des lieux de justice pour les usagers, tout en intégrant les possibilités d'évolution du réseau local des juridictions ».

· Quels seront les critères à prendre en compte pour déterminer le nombre optimal des tribunaux ? La Conférence générale des tribunaux de commerce a tenté de les passer en revue.

- Tout d'abord, « on pourrait imaginer de calquer la carte des tribunaux de commerce sur celle des tribunaux de grande instance.

Il nous semblerait, en effet, déraisonnable de prétendre imposer à des parquets, généralement dépourvus des moyens humains suffisants, de répondre à notre souhait de les voir régulièrement siéger, à nos côtés, dans toutes les juridictions consulaires ».

La consultation nationale sur la carte judiciaire de 1997 a révélé que ce regroupement au siège des tribunaux de grande instance était préconisé par plus de la moitié des chefs de cour d'appel de métropole : Caen, Nîmes, Douai, Agen, Amiens, Angers, Limoges, Montpellier, Riom, Besançon, Dijon, Nancy, Poitiers, Reims, Rennes et Rouen. Toutefois, poursuit le rapport de la conférence générale, « on observera que transposer la localisation des tribunaux de commerce sur celle des tribunaux de grande instance ne résout rien dans la mesure où l'implantation de ces juridictions est également l'objet d'une réflexion en vue d'une réforme ».

Le rapport Carrez a établi en 1994 qu'un certain nombre des 175 tribunaux de grande instance en métropole devront vraisemblablement être supprimés faute d'activité suffisante. En tout état de cause, s'il est souhaitable et probable que les deux types de juridictions aient le même siège, dans la plupart des cas, les tribunaux de commerce relèvent d'une logique propre : celle de l'activité économique.

Pour reprendre l'exemple de la Drôme, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, situé dans un chef-lieu de canton de 33 000 habitants, est plus actif que le tribunal de grande instance de Valence, compétent en matière commerciale, alors que Valence, préfecture de la Drôme, compte plus de 270 000 habitants. En effet, Romans demeure une métropole industrielle du cuir et de la chaussure. En 1996, 842 affaires de contentieux commercial ont été terminées au tribunal de commerce de Romans, contre 224 au tribunal de grande instance de Valence. Le nombre de décisions en matière de procédures collectives a été quasiment équivalent (118 à Romans contre 116), mais le président a prononcé presque six fois plus de décisions de référé (120 à Romans au lieu de 22).

- On le voit, l'usage de critères statistiques d'activité, sans être exclusif, est indispensable. Ce sont eux, du reste, qui sont utilisés pour identifier les plus petites juridictions. Le rapport de M. Henri-Jacques Nougein note avec justesse : « ceux-ci pourraient être le nombre de décisions rendues, le nombre d'affaires inscrites en contentieux général, en procédure collective, le nombre de juges, le nombre d'immatriculations et de mouvements au RCS (chronos), etc.

Le très grand avantage de ces éléments statistiques réside dans leur caractère objectif. Leur inconvénient tient dans leur sécheresse qui ne prend pas en compte l'élément humain lequel ne peut être négligé dans une institution composée de volontaires bénévoles qui n'ont jamais démérité ».

- Un autre critère devra être croisé avec les précédents, plutôt à titre de correctif dans le cas où les statistiques d'activité n'en auront pas donné une image fidèle : « remodeler la carte des tribunaux de commerce par rapport aux bassins économiques, creusets locaux des richesses et des emplois, circonscriptions générées par l'histoire récente et la volonté des hommes et dont les contours ne correspondent pas toujours aux divisions administratives.

La notion est très séduisante et elle pourra être, dans son principe, retenue, mais on admettra qu'elle peut difficilement être le critère simple d'une recomposition du paysage consulaire, tant ses frontières sont imprécises et sa définition même, trop aléatoire.

À l'adopter, nous courrions le risque d'attendre de très longues années que soient déterminés les contours des différents bassins économiques, avant de pouvoir engager effectivement une réforme qui ne peut attendre. »

Sans se fixer des ambitions démesurées, il sera nécessaire pour valider les ressorts envisagés de faire usage d'indicateurs économiques, les plus simples étant le nombre d'entreprises, les effectifs salariés et les bases de taxe professionnelle. Il conviendra également de prendre en considération la diversité et la fragilité du tissu économique, afin d'avoir un aperçu des perspectives des procédures collectives.

La refonte de la carte doit donner lieu à la suppression d'un nombre significatif de tribunaux. Mais d'autres choix connexes devront être opérés.

2.- Doser unité et diversité de la carte

a) Un seul modèle de juridictions

Faut-il laisser coexister plusieurs modèles juridictionnels ? Tel est le premier aspect de la réforme de la carte évoqué par M. Philippe Lemaire.

« Unifier : il faut un seul type de juridiction commerciale sur l'ensemble du territoire. Trois solutions sont possibles : créer partout des tribunaux de commerce avec des juges élus, donner sur l'ensemble du territoire une compétence unique aux magistrats professionnels ou généraliser l'échevinage. Chaque formule a ses avantages et ses inconvénients. »

La préférence du Rapporteur ira à la troisième solution, et il y consacrera de plus amples explications.

L`échevinage permettrait de répondre à la préoccupation de la commission Monguilan, qui proposait « le maintien de 10 TGI statuant commercialement, pour permettre une formation commerciale aux juges professionnels de grande instance appelés à devenir, au stade des cours d'appel, des juges du second degré ».

En tout état de cause, pour rendre la carte judiciaire compréhensible, son unification paraît indispensable. Ceci suppose, comme base de la réforme, non pas 228, mais 250 tribunaux de commerce en métropole. Les 22 tribunaux de grande instance à compétence commerciale perdraient cette compétence, même s'ils donnent toute satisfaction aujourd'hui.

On notera en passant que cette option aura un effet induit sur la réforme de la carte des tribunaux de grande instance. Comme le relève le rapport de synthèse de la consultation sur la carte judiciaire de 1997, la suppression de leur compétence en matière commerciale serait de nature à remettre en cause l'existence même de certains d'entre eux (Avesnes-sur-Helpe, Dinan, Péronne) qui, au regard de leur activité civile et pénale, se situent au-dessous du seuil critique.

Outre-mer, la même démarche se traduirait par la mise en place de quatre tribunaux mixtes de commerce, se substituant au tribunal de grande instance et aux trois tribunaux de première instance statuant en matière commerciale.

Dans la mesure où l'échevinage paraît préférable pour la France entière, la logique conduit a priori à envisager le maintien des chambres commerciales échevinées d'Alsace-Moselle, sous réserve de quelques harmonisations possibles (cas des greffes, en particulier).

b) Spécialiser des tribunaux de commerce ?

La montée du contentieux de « la faillite », au sens large, donne des arguments pour scinder les compétences : les tribunaux de droit commun ne conserveraient que le contentieux général, quelques grandes juridictions ayant l'exclusivité du droit des procédures collectives.

Des spécialisations plus fines sont même envisageables dans les zones les plus densément peuplées. M. Bernard Soinne a ainsi estimé devant la commission : « Dans le Nord et le Pas-de-Calais, on peut penser à une juridiction consulaire pour le contentieux général, une juridiction pour les procédures collectives, une juridiction pour le droit des sociétés, etc. Mais, dès lors, le problème est celui de la proximité ». De tels découpages seraient une source de complexité de la carte judiciaire, et parfois de conflits de compétence. Pour l'heure, seul paraît réalisable la distinction du contentieux général traité par tous les tribunaux et celui des défaillances d'entreprises centralisé auprès de certains.

·  Tel était le projet de la commission de réforme des tribunaux de commerce, créée le 3 novembre 1981 sous la présidence de M. Robert Badinter. Comme l'a indiqué à la commission d'enquête M. Pierre Lyon-Caen, lui-même membre en son temps de cette commission, il était proposé à la fois de réformer fondamentalement l'implantation des tribunaux de commerce et de réserver le contentieux des défaillances d'entreprises à un tribunal par département. Dans celui-ci, la chambre spécialisée aurait compté deux magistrats consulaires et un magistrat professionnel, qui n'en aurait assuré la présidence qu'un an sur trois. En contrepartie, l'échevinage aurait été étendu à la cour d'appel, où des juges consulaires auraient été appelés à siéger. Faute de pouvoir réformer la carte, le Gouvernement n'a mis en oeuvre que le principe de la spécialisation.

D'un point de vue strictement rationnel, la mise en place de chambres spécialisées paraît une bonne idée. Elle permettrait de spécialiser certains juges sur un droit complexe et, en éloignant les juges des justiciables, de réduire les soupçons de partialité.

On notera avec intérêt que M. Jacques Carcassonne, membre de la « commission Badinter », qui était président du tribunal de commerce de Paris avant d'en démissionner le 5 juillet 1983 pour protester - déjà - contre les projets d'échevinage, faisait sienne la proposition d'une spécialisation de tribunaux. La commission d'enquête a pu constater que son successeur actuel, M. Jean-Pierre Mattei, partageait son point de vue, de même que les porte-parole de la conférence générale des tribunaux de commerce, eux-mêmes présidents de grandes juridictions.

· Les éléments de réflexion adoptés en mai 1997 sur la réforme des tribunaux de commerce par la chambre de commerce et d'industrie de Paris se prononçaient pour « une carte à double niveau ». Après avoir prôné une réduction sensible du nombre de tribunaux de commerce, le rapport de M. Jean Courtière proposait que certains d'entre eux soient compétents en matière de contentieux des procédures collectives : « Une réforme de la carte est également nécessaire en matière de procédures collectives pour assurer la confidentialité » (tout particulièrement afin d'assurer le succès des formules d'assistance aux entreprises avant cessation de paiement, dans le cadre de la loi du 10 juin 1994 sur la prévention et le traitement des entreprises en difficulté) «, éviter une trop grande proximité des intérêts locaux et permettre la présence effective d'un représentant du ministère public. Le voisinage d'un tribunal de grande instance ou d'une cour d'appel sera à cet égard un facteur déterminant : cet impératif devant se croiser avec la prise en considération du tissu économique, afin de faire apparaître les pôles économiques les plus concernés. »

Implicitement, le nombre de ces tribunaux à compétence spécialisée serait certainement limité à quelques dizaines, puisque, comme l'a précisé M. Lucien Jibert devant la commission, la CCIP appelle de ses voeux la suppression d'une centaine de tribunaux de commerce.

Évoquant cette hypothèse dans un article, M. Bernard Soinne fait, quant à lui, référence à « un tribunal départemental, voire régional, pour toutes les procédures collectives.(1) »

· La contribution du CNPF d'octobre 1997 envisageait également la spécialisation, mais pour abandonner cette solution :

« Une solution limitée consisterait à concentrer le contentieux des procédures collectives qui est celui qui soulève le plus de problèmes, sur quelques tribunaux. Malgré l'intérêt de cette formule, le fait que cette initiative n'ait pas été couronnée de succès en 1985 conduit à l'écarter. »

· Il est vrai que la liste des juridictions commerciales spécialisées dans les procédures collectives de plus de 50 salariés, portée graduellement de 109 selon le décret du 27 décembre 1985 à 216 actuellement, est révélatrice des résistances face à la « carte à double niveau ». Le dispositif avait, à l'époque, été très critiqué localement, malgré l'abandon du schéma initial prévoyant un seul tribunal spécialisé par ressort de cour d'appel. Que l'on se souvienne aussi du tir de barrage qui a été à l'origine de l'abandon de la procédure de suspension provisoire des poursuites, dont la compétence était réservée par l'ordonnance du 23 septembre 1967 à dix juridictions.

Toute mesure de spécialisation doit donc être soigneusement expliquée, pour ne pas se heurter à l'hostilité des juges consulaires en paraissant une remise en cause de leur compétence, particulièrement dans les ressorts les plus étroits.

Comme l'explique M. Bernard Soinne dans l'article précité, la tendance à « la distinction entre les tribunaux de "première classe" et les tribunaux de "seconde classe" ou encore les tribunaux de "plein exercice" et les autres (...) laisse parmi les juridictions consulaires un sentiment de frustration tout à fait justifié. Il n'y a pas de "petite" juridiction. Il n'y a pas de "petit" et de "grand" juge, ce dernier ne se trouvant qu'auprès des juridictions de grandes villes. L'intelligence, la compétence, l'honnêteté et le bon sens sont heureusement également partagés quelle que soit l'importance des régions, des villes ou des juridictions. »

Le Rapporteur ne peut que souscrire à ces considérations. La spécialisation ne serait pas destinée à répondre à une quelconque insuffisance des juges, mais à promouvoir la meilleure allocation des moyens de la justice. Dans la mesure où la carte consulaire serait très resserrée, l'intérêt de la spécialisation disparaîtrait largement. En revanche, à partir des 150 tribunaux de commerce qui paraissent le format préférable, la spécialisation semble s'imposer. Le modèle d'un tribunal par département disposant d'une chambre spécialisée, tel que préconisé par la « commission Badinter » de 1981-1982 serait à l'évidence le meilleur. Une ferme volonté politique, et un grand souci d'explication, seraient nécessaires pour surmonter les réticences locales.

c) Audiences foraines et antennes locales

La refonte de la carte s'accompagnera de la suppression, ou du « regroupement », de dizaines de petites juridictions. Tout doit être mis en oeuvre pour atténuer les traumatismes que, malgré la concertation préalable, ces fermetures risquent d'engendrer.

M. Bernard Soinne a exprimé cette préoccupation, en optant pour un dispositif transitoire d'accompagnement : « Cependant, je suis partisan d'un certain nombre de regroupements, mais ceux-ci doivent être opérés avec toute la sérénité qui convient. Plutôt que de parler de suppressions, il est préférable de parler de regroupements. Le terme ne change certes pas la réalité, mais il faudrait faire en sorte que les situations acquises soient sauvegardées, que les juges ne soient pas immédiatement renvoyés, que le greffe puisse demeurer quelque temps»

Le maintien permanent, et non pas transitoire, d'une présence dans les sièges de tribunaux « regroupés » pourra être jugé préférable. Ainsi, M. Pierre Bézard a estimé devant la commission : « Peut-être convient-il de laisser quelques antennes compétentes en matière de prévention et de médiation pour que ce soit moins douloureux, mais il faut selon moi, recentrer. »

Allant plus loin, le CNPF, dans ses éléments de réflexion d'octobre dernier, a marqué sa préférence pour « le regroupement autour d'un tribunal central avec des antennes locales qui permettraient de maintenir une présence sur le terrain, ce qui est très important, solution non exclusive de la suppression des quelques tribunaux ayant une activité quasiment nulle. »

Cette idée d'un tribunal muni de satellites mérite d'être mûrement pesée, pour ne pas créer de confusion. Le risque est, en mettant en place une carte à deux niveaux, d'accréditer l'idée d'une justice à deux vitesses. Le rôle des antennes locales doit donc être soigneusement délimité.

· Le CNPF estime que « cette présence locale pourrait prendre la forme :

* soit de chambres déléguées ou de sections locales. Toutefois celles-ci étant juridiquement assimilées à des juridictions, il n'est pas souhaitable d'aller dans cette voie ;

* soit d'une justice "foraine". Le code de l'organisation judiciaire autorise dans son article L..-7-10-1-1 les juridictions de l'ordre judiciaire à tenir des audiences. Cette solution permettrait de traiter le contentieux général : injonctions de payer... au niveau local et de conserver une présence sur le terrain, le tribunal central étant compétent en droit des sociétés et pour les procédures collectives.

Une telle solution suppose de régler le problème des greffes des tribunaux de commerce, ce qui peut se faire par voie d'indemnisation ou par voie de cession de parts si les greffes sont organisés en sociétés civiles professionnelles. »

La formule des sections locales doit en effet être fermement écartée : la complexité de la carte en serait aggravée et le parquet mis dans l'impossibilité d'exercer sa mission.

En revanche, les audiences foraines paraissent constituer une piste intéressante. Leur mise en oeuvre se caractérise par un faible degré de formalisme : elles sont conçues comme des modalités d'organisation interne du service dans le ressort de chaque cour d'appel. Le décret n° 96-157 du 27 février 1996, codifié sous l'article R.-7-10-1-1, pris pour l'application de l'article L.-7-10-1-1 (article 3 de la loi du 8 février 1995), confie aux présidents de cour d'appel, après avis du procureur général, le soin de fixer « par ordonnance, en fonction des nécessités locales, le lieu, le jour et la nature des audiences que peuvent tenir les juridictions du ressort ou des communes de leur propre ressort autres que celle où est fixé le siège. »

Dans la perspective qui nous occupe, cette souplesse est à la fois une qualité et un défaut. Son avantage est d'autoriser une certaine souplesse. Les audiences foraines peuvent être organisées à titre transitoire après la fermeture d'un tribunal de commerce, avant de se révéler superflues au bout de quelques années. Son inconvénient est que la concertation locale sur les suppressions de juridictions ne pourra déboucher sur des accords que si des engagements fermes sont pris quant aux mesures d'accompagnement, dont les audiences foraines. Cette approche d'inspiration contractuelle s'accommode mal de la décision souveraine des chefs de cour d'appel. Il paraît donc nécessaire que ces derniers soient parties à la concertation locale sur la carte consulaire et, à l'issue, prennent des engagements sur les audiences foraines avec les interlocuteurs locaux. À son tour, la Chancellerie devra s'engager à leur assurer les moyens nécessaires, ce qui renvoie à la question de la mise à niveau du financement de l'État (voir ci-après, B-2).

L'objet de ces audiences foraines pourrait être double : prévention et médiation d'une part, contentieux général d'autre part. Comme l'a fait remarquer M. Bernard Soinne aux membres de la commission : « si vous voulez développer la prévention, il ne faut pas croire qu'un artisan d'Arras se déplacera facilement à Lille ».

· En second lieu, il paraît très opportun de maintenir un « guichet » local après le départ des tribunaux de commerce, pour les formalités relatives au registre du commerce et des sociétés. Il s'agirait donc d'offices annexes des greffes. Comme l'a indiqué M. Philippe Lemaire à la commission :

« On peut dissocier l'implantation du tribunal de commerce de celle du greffe. Il convient de rappeler que pour être une bonne justice, la justice commerciale ne doit pas être une justice de proximité. En revanche, pour répondre au besoin de proximité en matière de formalités à accomplir pour les entreprises, il est envisageable, avec l'aide du greffier, d'implanter des antennes de greffe dans les lieux où on l'estimerait utile, sachant que les nouvelles technologies télématiques permettent d'accomplir certaines formalités à distance. Il est donc possible de concentrer la juridiction commerciale et de l'éloigner d'un contexte économique local parfois tendu tout en assurant une proximité avec nos concitoyens, par le biais de greffes détachés ou d'antennes de greffe. »

Bien entendu, la mise en place d'une structure déconcentrée des greffes comporterait un coût pour ces derniers. Comme la commission propose leur nationalisation, les charges de fonctionnement correspondantes en matière de personnel et de télématique seraient intégrées dans une opération plus vaste, d'indemnisation des titulaires actuels, puis de restructuration et de rationalisation du réseau.

3.- Choisir un format

La France compte actuellement 268 ressorts de juridictions à compétence commerciale. Dans les onze ressorts d'Outre-mer, où la formule du tribunal mixte de commerce devra être généralisée, et dans les sept ressorts d'Alsace-Moselle, l'hypothèse de regroupements, dans les départements comportant plusieurs juridictions devra être examiné. Mais l'incidence en sera limitée à quelques unités. L'essentiel du débat porte donc sur les 228 ressorts dotés de tribunal de commerce, portés à 250 après suppression de la compétence commerciale des tribunaux de grande instance (cf. 2. a) ci-avant).

Schématiquement, il apparaît que deux approches sont concevables pour déterminer le format de la carte consulaire :

- la plus ambitieuse est celle de la « table rase ». Elle consiste à se fixer une référence en termes de taille, et à additionner les résultats ;

- la plus pragmatique procède au contraire par soustraction. En partant de la carte actuelle, elle tend à supprimer ou regrouper les plus petits tribunaux, en définissant a priori une taille critique en dessous de laquelle le fonctionnement de la justice n'est pas satisfaisant. Selon le niveau où est placé le curseur, le résultat sera plus ou moins radical.

Naturellement, les deux méthodes peuvent être combinées et le seront certainement. S'il est souhaitable de se fixer à titre général une « cible », un modèle de référence, l'élaboration de la nouvelle carte ne pourra manquer de prendre en compte les ressorts actuels, pour les regrouper, les scinder ou en déplacer les limites.

a) Méthode de la « table rase » : choisir une taille optimale

· Le rapport Carrez proposait de retenir comme ressort de référence le département, d'où une centaine de tribunaux de commerce, au terme d'un processus progressif et raisonné de regroupements :

« En ce qui concerne les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes, il est proposé comme pour les TGI de retenir une logique de référence départementale comportant toutes les adaptations justifiées. De manière pratique l'objectif proposé est de consolider dès le départ les juridictions dont le ressort coïncidera avec celui des TGI validés et de procéder pour le reste comme pour les TGI (confirmation de juridictions consulaires ou prud'homales réellement appuyées sur un bassin d'activité et d'emploi bien identifié, et opérations progressives de fusions et regroupements pour les très petites juridictions ne pouvant fonctionner en l'état de manière satisfaisante. »

La procédure de fusions progressives risque fort d'être interminable, sans éliminer les traumatismes locaux. Mais l'on peut retenir l'idée d'une référence départementale, corrigée pour tenir compte de critères économiques.

L'approche du CNPF est analogue : « Idéalement, un chiffre d'une centaine de tribunaux soit en moyenne un par département pourrait être retenu.

Toutefois, en raison notamment des problèmes de locaux que cette réorganisation pourrait soulever, il pourrait être procédé en plusieurs étapes. »

· Une autre référence possible, sensiblement moins ambitieuse en termes de fermetures de tribunaux, serait, pour faciliter la mission du parquet, de prévoir un tribunal de commerce par tribunal de grande instance. Le rapport Carrez ne retenait cette option qu'après une sévère cure d'amaigrissement de la carte des tribunaux de grande instance. De fait, des variantes sont possibles selon l'hypothèse retenue à cet égard.

Le CNPF notait ainsi :

« L'on pourrait s'aligner sur le nombre de tribunaux de grande instance, soit 175, ce qui permettrait d'assurer la présence du parquet au sein des tribunaux de commerce.

Toutefois, l'on ne peut ignorer que certains tribunaux de grande instance ont également un volume d'activité insuffisant et que certains regroupements pourraient également intervenir à la suite de la réorganisation générale de la carte judiciaire. »

Le chiffre de 175 tribunaux de grande instance est relatif à la métropole. À carte des tribunaux de grande instance inchangée, hypothèse bien peu réaliste, l'on parvient ainsi à un peu plus de 50 suppressions de tribunaux de commerce.

M. Philippe Lemaire a déclaré quant à lui : « Une première approche, consistant à calquer la carte des tribunaux de commerce sur la carte des TGI impliquerait la suppression de 87 tribunaux de commerce et la création subséquente de 6 tribunaux de commerce. »

Ce dénombrement suppose un peu moins de 150 tribunaux de commerce en métropole, hors Alsace-Moselle.

b) Méthode pragmatique : fixer une taille critique

Il s'agit par priorité, dans cette démarche, de supprimer les plus petites juridictions, situées en-deçà d'un seuil d'efficacité à définir.

· M. Philippe Lemaire y voyait une approche complémentaire de la première et consistant « à reprendre les critères définis par le rapport relatif à la carte judiciaire globale rédigé par M. Jean-François Carrez, qui fixait le seuil d'activité d'un tribunal de commerce à 500 affaires pour le contentieux général, soit environ 10 jugements par juge et par mois. Cette option conduirait à supprimer 111 tribunaux de commerce et à en créer 7. Je rappelle que, dans cette hypothèse, les seuls tribunaux non touchés seraient les chambres mixtes d'Alsace-Moselle»

Il convient de rappeler que ce seuil d'activité était celui choisi il y a dix ans par la Conférence générale des tribunaux de commerce à l'occasion de l'élaboration de la circulaire du 27 avril 1988 relative à la détermination des effectifs des tribunaux de commerce. Il est possible que ce niveau, considéré comme le minimum permettant d'assurer un bon fonctionnement, soit susceptible d'une mise à jour de faible ampleur. Mais il demeure le plus significatif.

L'ampleur du remodelage serait de même ordre que celui préconisé voici vingt-cinq ans par la commission Monguilan : regroupement de 92 tribunaux sur un total de 227 à l'époque, avec 3 créations et 10 TGI statuant commercialement à préserver.

En l'état, la prise en compte du seuil de 500 affaires conduit, en métropole, hors Alsace-Moselle, à 124 tribunaux de commerce, auxquels s'en ajouteraient 4 remplaçant les principaux tribunaux de grande instance à compétence commerciale (sur 22), d'où un total légèrement inférieur à 130, après 111 suppressions et 11 créations. Le total des ressorts commerciaux serait donc compris entre 140 et 150 pour la France entière, contre 268 aujourd'hui.

·  La prise en compte d'un seuil plus bas ou les exceptions justifiées par la structure des bassins économiques peuvent aboutir à un nombre plus élevé de juridictions.

Le président de la Conférence générale des tribunaux de commerce, reprenant un seuil cité par le ministre de la justice, évoquait le « regroupement » - en récusant le terme de « suppression » - d'une quarantaine de tribunaux : « le nombre des tribunaux de commerce doit être revu et corrigé. Il en existe 227. Certains d'entre eux rendent moins de 100 décisions par an. Il me semble que 42 d'entre eux devraient être regroupés. Il faut certainement avoir des tribunaux plus structurés, à l'exemple de Paris. Seuls 24 tribunaux ont plus de 25 magistrats. Ils rendent 80 % des décisions ».

M. Bernard Soinne s'est référé au même seuil, mais en introduisant un correctif : une sorte de « plafond d'activité » conduisant à la partition des plus grands ressorts, c'est-à-dire surtout ceux de la région parisienne : « Il y a une quarantaine de tribunaux à supprimer, mais il faut aussi en créer. (...)

Il ne faut pas toujours être négatif. Je l'ai dit à la Conférence générale : « Vous parlez toujours de suppressions, parlez de créations. »

À Paris, le tribunal fait 100 000 chronos. Cela veut dire qu'un tribunal très important de province ne représente que 10 % de l'activité du tribunal de commerce de Paris. Je verrais volontiers un tribunal rive droite et un tribunal rive gauche ».

Cette approche pourrait conduire à ramener le nombre des ressorts de métropole, hors Alsace-Moselle, de 250 à environ 210. Il est permis de douter sérieusement que cette refonte soit à la hauteur du problème : un nombre considérable de tribunaux fonctionneraient en-deçà du seuil minimum d'activité assurant un bon fonctionnement, défini par la Conférence générale en 1988. 69 tribunaux de commerce et, sur la base des statistiques de 1996, 18 tribunaux de grande instance resteraient en-dessous du seuil de 500 affaires de contentieux général.

En ce qui concerne les TGI statuant commercialement, en 1996, seuls quatre d'entre eux (Annecy, Thonon-les-Bains, Béthune et Carpentras) rendaient plus de 500 décisions par an hors procédures collectives. Deux (Mende et Belley) se situaient en-deçà du seuil de 100 décisions, et deux (Hazebrouck et Dinan) au voisinage immédiat de ce seuil. On voit bien sur cet exemple le caractère décisif de la référence d'activité minimale retenue. Placer le curseur trop bas, c'est se condamner à une simple retouche de la carte, quelque douleureuse qu'elle soit, sans remettre en cause son caractère « préhistorique », selon le mot du président de la commission.

Par conséquent, passer à 150 tribunaux de commerce paraît un moyen terme raisonnable, entre :

- une centaine de tribunaux, chiffre « idéal » du CNPF et reflet du modèle du tribunal départemental ;

- environ 190 tribunaux de commerce, demi-mesure impliquant une nouvelle réforme à moyen terme.

Même si la carte est élaborée selon des considérations d'activité juridictionnelles et économiques, et non pas administratives, le résultat serait qu'en moyenne la moitié des départements compterait un tribunal de commerce, l'autre moitié en comptant deux.

ÉVOLUTION POSSIBLE DE LA CARTE DES JURIDICTIONS COMMERCIALES

 

Situation actuelle

Carte envisageable

Tribunaux de commerce

228

_ 130

(111 suppressions et 11 créations)

TGI à compétence commerciale

22

-

Alsace-Moselle : chambres mixtes

7

3 à 7

DOM-TOM :

- tribunaux mixtes de commerce

- autres

7

4

9 à 11

-

TOTAL

268

140 à 150

B.- LA RÉNOVATION DE LA FONCTION DE JUGE CONSULAIRE

1.- Le recrutement

a) Élargir le vivier de recrutement

Tous les intervenants au débat sur les tribunaux de commerce appellent de leurs voeux un vivier de recrutement plus large. On l'a vu précédemment, l'étroitesse actuelle de ce vivier est à l'origine de nombreux problèmes : le manque de candidatures, la cooptation, la proximité avec les justiciables.

Élargir à la fois l'éligibilité et le bassin d'élection est donc indispensable.

· Élargir l'éligibilité

Aujourd'hui, sont éligibles, rappelons le, aux fonctions de membre d'un tribunal de commerce, les personnes âgées de 30 ans au moins et justifiant, soit d'une immatriculation depuis cinq ans au minimum au registre du commerce et des sociétés, soit, pendant le même délai, de l'exercice d'une fonction de direction au sein de l'entreprise (article L.-413-3 du code de l'organisation judiciaire).

Dans les réponses au questionnaire envoyé par la commission d'enquête aux tribunaux de commerce, est apparue très nettement la nécessité de rendre éligibles les membres de chambres de métiers.

En effet, il n'est pas cohérent qu'en matière de procédures collectives, les juges consulaires soient compétents pour connaître des défaillances de l'entreprise artisanale, alors que les membres des chambres de métiers ne peuvent, sur leur qualité d'artisan, être ni électeurs, ni éligibles. La Conférence générale va jusqu'à proposer de rendre éligibles les agriculteurs puisque beaucoup d'entreprises agricoles sont gérées à l'identique des structures commerciales et industrielles. Une telle solution paraît opportune dans la mesure où cela reviendrait à reconnaître et consacrer la formation économique des exploitations agricoles, les agriculteurs agissant comme des chefs d'entreprise. Enfin, Mme la ministre de la justice, Elisabeth Guigou, propose de « diriger le recrutement vers les cadres de direction », une solution qui n'apparaît pas judicieuse à la commission d'enquête car la présence de cadres salariés et subordonnés aux intérêts de leur entreprise pose le problème de l'indépendance des juges consulaires (cf. ci-avant « le juge consulaire est-il impartial » ?).

Par ailleurs, quelle justification donner au refus d'élargir aux autres salariés non cadres ? En vérité cette question difficile devrait se trancher dans le sens, soit de l'élargissement à tous les salariés, soit à aucun de ceux qui ne justifieraient pas de la qualité de mandataire social.

En réalité, le problème crucial du recrutement ne pourra être vraiment résolu qu'avec l'élargissement du ressort du tribunal de commerce.

· Élargir le bassin d'élection

La refonte de la carte judiciaire s'impose donc d'abord pour des raisons de recrutement.

En effet, le seul moyen d'obtenir un nombre suffisant de candidats à la magistrature consulaire est d'élargir le bassin d'élection. Cela passe par une rationalisation de l'implantation des tribunaux de commerce. Celle-ci est d'autant plus nécessaire que lorsqu'il existe une trop grande proximité des intérêts locaux, - la commission l'a constaté par elle-même lors de ses déplacements - les juges ne disposent pas de toute la sérénité nécessaire pour rendre la justice.

La Conférence générale propose également la création de structures régionales de recrutement afin qu'existent de réelles possibilités de choix parmi les candidats.

b) Revenir à de vraies élections

Afin de revivifier le recrutement, il faut informer sur la fonction de juge consulaire qui est très peu connue et mobiliser pour les élections consulaires qui connaissent un très faible taux de participation.

La Conférence générale propose de s'appuyer dans la recherche des candidatures non seulement sur les organisations patronales mais aussi sur le milieu associatif, les organismes publics ou parapublics à vocation industrielle et commerciale.

Le CNPF insiste également sur la nécessité de sensibiliser les entreprises sur l'importance de présenter des candidats aux élections consulaires. On ne peut que regretter dans ce domaine une relative indifférence des organisations patronales.

Afin de mettre un terme à un recrutement endogamique qui n'est pas satisfaisant, les structures régionales de recrutement (imaginées par la Conférence générale) pourraient organiser des plans d'appel de candidature et de présélection qui dépasseraient les initiatives locales (les candidats se présentant à l'invitation de juges consulaires en place). Ces « consultations » garantiraient contre tout risque de bienveillance et de cooptation.

Il serait d'ailleurs souhaitable que les pouvoirs publics (préfectures) participent à cette campagne d'information sur les élections consulaires (envoi de bulletins de vote).

Une commission, composée de juges et de praticiens du droit (avocats, professeurs de droit...), sélectionnerait ensuite les candidats présentés aux élections.

2.- La formation

La formation constitue un des éléments-clés pour faire évoluer la juridiction consulaire.

Actuellement, la formation des nouveaux magistrats est principalement effectuée par les anciens. Cette formation, très pratique, est complétée par une formation théorique dispensée par les conférences régionales ou par le Centre d'études et de formation des juridictions commerciales de Tours.

Dans ce domaine, les lacunes sont en réalité considérables (cf. « Une formation notoirement insuffisante ») et doivent être rapidement comblées.

a) Une formation initiale obligatoire

La formation initiale des juges consulaires doit être obligatoire. Le fait qu'elle ne soit aujourd'hui que facultative est aberrant.

· Une période de pré-formation

Avant l'entrée en fonction, le futur candidat doit s'imprégner de la matière. La Conférence générale, dans le rapport Nougein, a proposé un programme adapté : « À ce stade, l'objectif ne doit pas être une véritable assimilation des connaissances, mais l'approche d'une culture du monde judiciaire.

Y seraient évoqués, bien sûr, les principes fondamentaux de l'organisation de la procédure, mais, plus encore, le contenu de notions aussi essentielles que, par exemple, les libertés publiques, les libertés individuelles, les libertés économiques et leur corollaire immédiat qui est l'ordre public, notamment économique.

Ces bases posées, on pourrait imaginer d'étendre l'information à des approches plus pratiques, telles que les clefs élémentaires de l'analyse économique et financière, spécialement à travers le très riche exercice de la lecture du bilan ».

Ce système de pré-formation permettrait de disposer le plus rapidement possible de magistrats opérationnels et déjà conscients des devoirs de leur charge.

· Une formation initiale exigeante

Le juge consulaire se doit d'acquérir une vraie culture juridique et surtout la maîtrise des techniques procédurales sans lesquelles il ne peut y avoir de magistrat digne de ce nom. Le bénévolat ne doit pas signifier amateurisme, le juge consulaire doit devenir un professionnel de la justice.

La formation initiale du juge consulaire doit donc être particulièrement soignée. Le Centre de Tours pourrait jouer le rôle de centre national de formation des juges débutants. Le financement public devra, bien sûr, être augmenté de manière substantielle et cette subvention des pouvoirs publics aura pour condition l'élaboration d'un véritable projet pédagogique.

La formation du juge débutant doit donc être confiée au Centre de Tours et non à l'ENM car les besoins des magistrats professionnels et des juges consulaires sont très différents en termes de formation initiale, comme l'a expliqué à la commission d'enquête M. Philippe Lemaire, directeur-adjoint à la Direction des services judiciaires du ministère de la justice : « Faut-il un centre de formation national pour l'ensemble des magistrats consulaires ? La réponse est « oui ». On aurait pu envisager de confier cette formation à l'École nationale de la magistrature. Mais pour la formation initiale, elle ne nous paraît pas être un instrument approprié, car l'École nationale de la magistrature doit former des jeunes gens en principe au plus haut niveau technique et les ouvrir à la vie. Pour les magistrats consulaires, c'est l'inverse : ils sont expérimentés, mais il faut les ouvrir aux techniques du droit. »

La Conférence générale a proposé, à juste titre, que l'obligation de formation du juge débutant s'applique durant un mandat probatoire de deux ans : « Dans l'esprit de la démarche volontaire qui guide le magistrat consulaire, nous considérons que son engagement comporte celui de pouvoir accepter contractuellement un certain nombre d'obligations, dont celle de se former. C'est notamment sur la base du respect de cette convention que serait appréciée l'opportunité de poursuivre, au-delà du premier mandat probatoire de deux ans, l'exercice de la fonction. »

b) Une formation continue en partenariat avec l'Ecole nationale de la magistrature

D'ores et déjà, des actions de formation conduites par certains chefs de cour associent magistrats professionnels et magistrats consulaires.

La garde des sceaux a fait part de son souhait de voir se développer ces formations mixtes bénéficiant concurremment aux magistrats professionnels et aux magistrats consulaires. Sans nul doute, cette formation continue en commun favoriserait l'intégration réciproque des juges professionnels et des juges commerçants.

Lorsqu'un juge confirmé devient juge-commissaire, il ne bénéficie pas d'une formation adaptée à ses fonctions. Dans le cadre de la formation continue, un enseignement obligatoire doit être impérativement prévu pour préparer les juges consulaires aux particularités de cette mission. En effet, le juge-commissaire est un personnage-clé de la procédure collective et dispose à ce titre de pouvoirs extrêmement importants.

3.- La déontologie et la discipline

Les juges consulaires sont soumis aux mêmes règles d'incompatibilité, de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime que les magistrats professionnels (cf. annexe ... « des incertitudes déontologiques »). Aujourd'hui, il importe d'aller plus loin et d'édicter une véritable déontologie propre aux juges consulaires et de créer ainsi une véritable culture de la neutralité du juge.

M. Horacio Grigera Naon, secrétaire général de la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale, a expliqué à la commission d'enquête la sélection des arbitres dans le but d'assurer leur stricte neutralité : « (...) Les arbitres doivent être indépendants vis-à-vis de toutes les parties, y compris celle qui les a désignés ; cette indépendance est contrôlée par la cour par le biais d'une procédure de confirmation. Cela signifie que, chaque fois, qu'un arbitre est proposé par une partie, il doit signer une déclaration d'indépendance et que, sur la base de cette déclaration, la cour va confirmer ou infirmer le choix de l'arbitre. Si cette déclaration d'indépendance est contestée ou si l'une des parties soulève des réserves quant à l'indépendance de l'arbitre, il appartient à la cour de trancher.

En outre, cette déclaration d'indépendance doit contenir une déclaration de l'arbitre sur sa disponibilité pour remplir ses fonctions tout au long de la procédure et sur ses qualités personnelles pour résoudre l'affaire tant du point de vue des connaissances, de l'expérience que de la flexibilité culturelle. »

Si ce modèle était transposé aux juridictions consulaires, peut-être qu'un grand nombre de critiques qui leur sont faites seraient écartées...

De la même façon, les nouvelles règles déontologiques à instituer doivent tendre vers cet objectif fondamental d'indépendance du juge.

a) Une déclaration des intérêts économiques

Le CNPF, qui peut être considéré comme un des représentants principaux des usagers du service public de la justice consulaire a proposé d'instituer une déclaration générale des intérêts. M. Jean-François Verny, vice-président de la commission juridique a ainsi déclaré à la commission d'enquête : « Le problème propre à la juridiction consulaire est celui de l'absence de mélange des intérêts ou d'absence d'intérêts dans les affaires dont on a à juger ou auprès des parties qui comparaissent devant le tribunal. C'est pourquoi nous recommandons purement et simplement que les juges, au moment de leur élection et de leur entrée en fonction, fassent une déclaration générale de leurs intérêts économiques dans le monde des affaires - il ne s'agit pas d'une déclaration de patrimoine puisque certains éléments du patrimoine sont sans incidence sur le fonctionnement de la juridiction consulaire - avec actualisation au fur et à mesure de l'évolution dans le temps desdits intérêts économiques pendant la durée de l'exercice du mandat de juge, et avec la possibilité pour les parties intéressées d'avoir accès à ces informations de manière à assurer une parfaite transparence. »

Cette déclaration consisterait en une déclaration sur l'honneur, déposée auprès du parquet et conservée dans un registre spécial tenu au siège du tribunal, dans le mois suivant leur élection, de l'ensemble des intérêts qu'ils détiennent eux-mêmes ou que détient leur proche famille directement ou indirectement dans toute activité économique ou sociale (société civile, société commerciale, groupement d'intérêt économique, activité artisanale ou commerciale quelconque), par la possession de valeurs mobilières (à l'exclusion de la détention de titres admis aux négociations sur un marché réglementé qui n'atteint pas un seuil significatif) et l'exercice d'une fonction de gestion, de direction, d'administration ou de surveillance.

Le CNPF a proposé une même déclaration sous serment pour les membres des chambres de commerce et d'industrie afin de prévenir la survenance de prise illégale d'intérêts.

La commission juge cette disposition propre à dissiper l'actuel climat de suspicion pesant sur les juges consulaires. Or, en matière de justice, l'essentiel est la confiance des justiciables c'est-à-dire la crédibilité de l'institution et des membres qui la composent.

À partir de ces déclarations d'intérêts, les parties, y compris le parquet, pourraient discuter, soulever les conflits d'intérêts et obtenir par une procédure simple le départ ou la récusation du juge.

b) Une charte déontologique

Il n'existe aucun texte général définissant les obligations et les devoirs des juges consulaires.

Lors de ses assises nationales, la Conférence générale a judicieusement décidé de l'élaboration d'une charte déontologique.

La prestation de serment ne peut suffire, cette charte doit exister et aura valeur pédagogique et contraignante sur le plan disciplinaire.

Le rapport Nougein a parfaitement expliqué la finalité d'un tel texte : « La liberté de l'engagement emporte la faculté de s'obliger. C'est dans cet esprit que l'on peut imaginer, qu'avant son élection, tout candidat souscrira expressément à l'exposé de ces devoirs, le serment prêté en sacralisant, ensuite, le contenu. Nous souhaitons donc très clairement que la transparence des obligations soit la règle. »

c) Des normes renouvelées

· Éviter toute contrepartie directe ou indirecte à la fonction bénévole de juge consulaire

L'acquisition directe ou indirecte par un juge consulaire de biens dépendant d'une procédure collective à laquelle il a participé est sanctionnée pénalement (article 207 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires) et civilement (article 1597 du code civil).

Dans ce domaine, les risques sont réels, aussi les obligations devraient être renforcées. Ainsi, pourrait être instituée l'obligation pour le juge consulaire de faire connaître son intérêt à racheter tout ou partie d'une entreprise, alors même qu'il n'aurait participé à aucun titre à la procédure, en informant le parquet et le président du tribunal.

De la même façon, le législateur devrait interdire aux juges consulaires d'exercer des fonctions de gestion, de direction, d'administration ou de surveillance d'une entreprise dont le juge consulaire a eu à connaître dans le cadre d'une procédure collective. Cette interdiction vaudrait également pendant un certain délai après la cessation des fonctions.

Enfin, devrait être instituée l'interdiction non seulement d'acquérir des biens, objets d'une procédure collective, mais aussi d'exercer, après la cessation des fonctions et pendant un délai à déterminer (la transposition du délai de 5 années tiré du délit de prise illégale d'intérêt, paraît raisonnable), les activités d'expert judiciaire, de commissaire à l'exécution du plan, de mandataire ad hoc (cf. ci-avant « Les contreparties de la fonction »).

· Des incompatibilités à revoir

Cette réforme a déjà été entreprise dans les projets de loi relatifs au cumul des mandats, adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale en mai 1998. Le projet de loi ordinaire définissant les incompatibilités applicables aux élus a institué une incompatibilité entre les fonctions de maire et de président de conseil général et celle de juge de tribunal de commerce. Le projet de loi organique adopté et amendé en première lecture prévoit, à l'initiative de Jacques Brunhes, député communiste des Hauts-de-Seine, une incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de juge de tribunal de commerce.

d) Vers un statut pour les juges consulaires ?

Dans la mesure où le bénévolat pose parfois problème, on peut s'interroger sur la nécessité ou non d'indemniser les juges, de leur donner le même statut que les conseillers prud'homaux.

M. Michel Rouger, ancien président du tribunal de commerce de Paris et responsable du centre de Tours est favorable à cette solution dans la mesure où la fonction de juge consulaire est devenue, selon lui, une fonction à plein temps : « Un contentieux lourd nécessite, dans les bassins économiques, cinq cents magistrats à temps plein. Les tribunaux ont fait appel à des banquiers car il fallait des juges disponibles à temps plein ! Quatre cents à cinq cents magistrats, sur trois mille sont devenus des permanents de la justice. À titre personnel, je considère que ce sont des personnes auxquelles il faudrait donner un statut. »

M. Jean-Amédée Lathoud, procureur général de la République près la cour d'appel de Riom fait la même proposition qui résoudrait nombre de problèmes touchant à la déontologie et à la non représentativité des juges :

« Je constate que les conseillers prud'hommes employeurs sont rémunérés et que dans les juridictions petites, moyennes et même grandes - à Lyon c'était le cas - trop de juges consulaires sont, soit des retraités, soit des cadres d'entreprise mis à disposition.

Personnellement, je considère qu'il serait préférable de rémunérer les juges consulaires et de permettre éventuellement, à l'issue de leur mandat, aux présidents et aux vice-présidents d'intégrer la magistrature à un niveau de cour d'appel : je pense que ce serait une excellente chose qui irait dans le sens d'une évolution positive. »

Votre Rapporteur fait siennes ces remarques de bon sens.

4.- Le contrôle des juges consulaires

a) Le contrôle disciplinaire

Le consensus existe sur la nécessité de restaurer « le caractère exemplaire des procédures disciplinaires », pour reprendre les termes du garde des sceaux. En effet, la démission du juge consulaire interrompt l'examen de son dossier par la commission nationale de discipline. Des modifications législatives s'imposent donc.

Il faudrait également donner les moyens à la commission nationale d'être un véritable organe de contrôle capable de diligenter des enquêtes, par exemple.

b) Le contrôle par les justiciables

La commission s'étonne que le projet de loi organique sur la réforme de la justice n'ait pas prévu les réclamations à l'encontre des juges consulaires. En effet, au niveau des cours d'appel, a été proposée la création de commission d'examen de réclamations des justiciables saisies « pour toute personne s'estimant lésée à raison des actes d'un magistrat susceptible de reçevoir une qualification disciplinaire ». Les tribunaux de commerce ne sont pas concernés par cette réforme, alors qu'ils font partie intégrante du service public de la justice.

*

* *

Ces changements exigés du juge consulaire doivent être accompagnés et soutenus par un véritable engagement de l'État qui s'est jusqu'à présent désintéressé de la justice commerciale pour des raisons essentiellement financières.



© Assemblée nationale

() La réforme des juridictions consulaires : le bon grain de l'ivraie, Les petites affiches - 10 octobre 1977 - n°122.