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le 11 décembre 1997
N° 512
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 décembre 1997.
PROJET DE LOI
d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail,
(Renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
AU NOM DE M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
PAR
Mme MARTINE AUBRY,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Travail.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail traduit la volonté du Gouvernement de recourir à tous les moyens possibles pour réduire le chômage, et en particulier la réduction du temps de travail.
Une croissance plus forte est, bien sûr, la priorité, pour obtenir des créations d'emplois. Mais, même si celle-ci atteint ou dépasse les 3% dans les années à venir, elle ne suffira pas à réduire très fortement le chômage, tout du moins à brève échéance.
Or, une réduction du temps de travail bien conduite peut créer des centaines de milliers d'emplois, ce qu'aucune des politiques mises en oeuvre depuis une vingtaine d'années n'est parvenue à faire jusqu'ici.
Les entreprises peuvent, et ont déjà su pour certaines, tirer parti de la réduction du temps de travail : des durées plus courtes permettent des choix d'organisation plus variés et plus diversifiés, des modulations d'horaires adaptées aux variations de production, une meilleure utilisation des équipements, une amélioration de la qualité du service. La réduction de la durée du travail répond aussi aux attentes des salariés de disposer de plus de temps libre et d'améliorer leurs conditions de vie et de travail.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que ce processus de réduction du temps de travail soit aujourd'hui relancé. La voie qu'il entend privilégier est celle de la négociation sociale de branche ou d'entreprise, qui permet de s'adapter à la diversité des situations et de construire l'équilibre des intérêts.
Les négociations auront à fixer l'ampleur et le rythme des réductions d'horaires et à prévoir les modalités d'organisation de la production et du temps de travail répondant aux besoins économiques spécifiques des entreprises et aux souhaits de leurs salariés.
Le projet de loi incite à de telles négociations en fixant un cadre et en organisant un dispositif d'aide financière, d'autant plus important que les entreprises auront engagé rapidement la réduction et la réorganisation du temps de travail.
Le projet de loi incite également à freiner l'excès des heures supplémentaires au-dessus de la durée légale actuelle, grâce à une régulation de leur usage à travers le renforcement des repos compensateurs. Il a également pour objet de moraliser les conditions de recours au travail à temps partiel en évitant les abus parfois constatés aujourd'hui.
L'objectif du Gouvernement étant de procéder avec progressivité et souplesse, un bilan des négociations sur le temps de travail sera tiré au deuxième semestre 1999 en concertation avec les partenaires sociaux. Le Gouvernement proposera alors au Parlement un second texte de loi, qui prévoira les modalités de mise en oeuvre et d'accompagnement de l'abaissement de la durée légale, notamment en ce qui concerne l'organisation et la modulation du temps de travail, en tirant les leçons des accords intervenus, et le régime des heures supplémentaires au-dessus du nouveau seuil. Les majorations de rémunération des heures supplémentaires effectuées entre 35 et 39 heures seront au maximum de 25% ; elles pourront être réduites si la situation économique le requiert.
L'article 1er du projet de loi pose le principe de la réduction de la durée légale du travail et en fixe la première étape, pour les entreprises de plus de 20 salariés, au 1er janvier 2000. La seconde étape, pour l'ensemble des entreprises, est prévue à l'horizon du 1er janvier 2002.
Cette démarche en deux étapes a pour objectif de donner aux plus petites entreprises, qui se trouvent confrontées à des problèmes spécifiques d'organisation du travail, des délais de mise en oeuvre leur permettant de rechercher les modalités d'organisation les plus adaptées.
La baisse de la durée légale s'appliquera dans le champ actuel de l'article L. 212-1 du code du travail, qui fixe l'actuelle durée légale et auquel ont été ajoutés les établissements agricoles.
L'article 2 invite les organisations patronales et syndicales représentatives à négocier d'ici le 1er janvier 2000 les modalités de réduction effective de la durée collective du travail les plus adaptées à la situation propre à chaque branche ou à chaque entreprise.
Ce sera en effet aux négociations décentralisées de définir le contenu que prendra concrètement la réduction du temps de travail. Ses modalités pourront être très variées, et utiliser les possibilités d'aménagement négocié du temps de travail déjà prévues par la législation, notamment les différentes formules prévues par les articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail et permettant la modulation des horaires dans le cadre de l'année. La priorité est d'encourager des négociations permettant de définir les solutions qui, en termes d'organisation de la production et du temps de travail, soient les plus favorables à l'emploi et les mieux adaptées aux besoins des entreprises ainsi qu'aux souhaits des salariés quant à leurs conditions de travail et à leur équilibre de vie.
Il importe que ces négociations aboutissent, grâce à une approche globale des problèmes de temps de travail, de rémunérations et d'emploi et au souci de faire évoluer les organisations du travail, à des compromis équilibrés et à une priorité forte donnée au développement de l'emploi. Chacun doit apporter sa part à ces négociations. Il n'est pas souhaitable aujourd'hui de baisser les rémunérations compte tenu de la situation sociale et de la conjoncture économique, et en raison de l'évolution du pouvoir d'achat net dans les années récentes. Mais la négociation devra déterminer les apports de chacun : affectation des gains de productivité réalisés dans les entreprises, progression maîtrisée des salaires...
Le projet de loi qui sera proposé au Parlement au deuxième semestre 1999 et qui fixera les modalités de mise en oeuvre et d'accompagnement de la baisse de la durée légale ne remettra pas en cause les accords passés dans le cadre légal actuel, et tiendra au contraire compte de leurs enseignements.
L'article 3 est consacré au dispositif d'aide financière applicable aux entreprises qui négocient, avant le 1er janvier 2000, une réduction d'au moins 10% de la durée collective du travail en portant leur horaire collectif à 35 heures ou moins. Il en définit le champ d'application, fixe le régime du dispositif applicable aux entreprises qui s'engagent à créer des emplois, celui du dispositif tourné vers la sauvegarde de l'emploi, et précise enfin certaines dispositions qui leur sont communes.
Le dispositif sera ouvert d'ici les échéances fixées à l'article 1er, aux employeurs qui entrent dans le champ de la durée légale, ainsi qu'aux entreprises de transport urbain. Il vise à permettre au plus grand nombre d'entreprises de mettre en oeuvre une démarche négociée de réduction du temps de travail et pourra bénéficier à toutes les entreprises, y compris celles qui ne seraient concernées par la baisse de la durée légale qu'à une date postérieure au 1er janvier 2000. Ne seront toutefois pas concernés par ce dispositif, eu égard au caractère de monopole de certaines de leurs activités ou à l'importance des concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation, certains organismes publics dépendant de l'Etat dont la liste sera fixée par décret. Pour ces organismes, les modalités d'accompagnement de la réduction du temps de travail seront déterminées dans le cadre des procédures régissant leurs relations avec l'Etat.
Ce dispositif est accessible aux entreprises qui concluent un accord d'entreprise ou d'établissement.
La réduction du temps de travail peut également être organisée en application d'un accord de branche, soit, dans les entreprises de 50 salariés ou plus, sous réserve d'un accord complémentaire d'entreprise, soit, dans les entreprises de moins de 50 salariés, selon des modalités de mise en oeuvre prévues par cet accord de branche.
La négociation sur la réduction du temps de travail pose à cet égard avec acuité la question de l'absence de représentation collective dans les petites entreprises, et notamment de représentation syndicale, seule habilitée à négocier des accords d'entreprise. Les partenaires sociaux se sont saisis du problème en prévoyant dans l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 la mise en oeuvre, par accord de branche, de dispositifs expérimentaux admettant notamment la signature d'un accord par un salarié de l'entreprise mandaté par une organisation syndicale. Le législateur a donné valeur légale à ces dispositifs à travers l'article 6 de la loi du 12 novembre 1996. Cependant, l'absence de tels accords dans la plupart des branches professionnelles laisse entier le problème de l'accès des petites entreprises à la négociation sur la réduction du temps de travail.
Pour y remédier, le dispositif supplétif prévu par la présente loi vise à consolider le régime du mandatement tiré de la jurisprudence de la Cour de cassation et à entourer ce régime de toutes les garanties rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 novembre 1996, afin de laisser la possibilité aux organisations syndicales de recourir à ce régime dans le but de développer la négociation d'entreprise. A défaut d'un accord de branche mettant en oeuvre les dispositions contenues dans l'article 6 de la loi du 12 novembre 1996, ce dispositif permet à une organisation syndicale représentative au plan national de mandater un salarié habilité à négocier un accord dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Afin d'éviter tout abus, les salariés mandatés ne pourront appartenir à la famille du chef d'entreprise ni, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, pouvoir être assimilés au chef d'entreprise. Les accords conclus dans ce cadre seront diffusés à l'ensemble des partenaires sociaux dans le cadre du Comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi (CODEF). Ils devront prévoir des modalités de suivi permettant l'information des salariés de l'entreprise et de l'organisation syndicale mandante.
Les accords de branche ou d'entreprise ouvrant droit à l'aide à la réduction du temps de travail doivent permettre que soient conciliés le développement de l'emploi, la compétitivité des entreprises et la réponse aux aspirations des salariés. Ils doivent à cet égard aborder les aspects concrets des modalités de réduction et d'organisation du temps de travail, et les éléments de décompte de la durée du travail, les conditions éventuelles de modification des horaires, ainsi que, le cas échéant, la situation spécifique du personnel d'encadrement et les conséquences à tirer sur la situation des salariés à temps partiel. Les partenaires sociaux sont de même invités à organiser des processus de suivi et d'évaluation périodiques des accords conclus. Ces mécanismes de suivi n'exonèrent bien sûr pas l'entreprise des obligations d'information et de consultation des représentants du personnel existant par ailleurs en matière d'organisation du travail, d'évolution de l'emploi et de conventionnement avec l'Etat.
L'accord doit prévoir une réduction du temps de travail de 10 % au moins et porter le nouvel horaire collectif à 35 heures hebdomadaires ou son équivalent annuel. Les engagements des entreprises qui s'engagent à créer des emplois en conséquence devront correspondre à des embauches d'au moins 6% des effectifs concernés par la réduction de la durée du travail, avec un maintien des effectifs pendant au moins deux ans. Les entreprises qui iront au-delà de ce minimum ou qui s'engageront à embaucher des jeunes pourront bénéficier d'une majoration, dont le montant sera également déterminé par décret. Il en va de même des entreprises qui imagineront des modalités de réduction du temps de travail particulièrement innovantes, afin notamment d'inclure les cadres dans le processus de réduction, ou des très petites entreprises faisant un effort particulier en matière d'emploi.
Les entreprises qui réduisent le temps de travail de 15 % et s'engagent à accroître leur effectif de 9 % au moins pourront également bénéficier d'un montant d'aide majoré.
Afin de faciliter la négociation dans les entreprises de main-d'oeuvre qui constituent un enjeu important en termes d'emploi, et dont les salariés perçoivent souvent des rémunérations peu élevées, le dispositif d'incitation aura un montant forfaitaire. Il consiste en une aide que l'employeur peut déduire du montant des cotisations de sécurité sociale à sa charge. Elle est accordée pour chaque salarié qui réduit son temps de travail et pour les salariés embauchés en conséquence. L'aide n'est pas cumulable avec l'abattement de cotisations en faveur des emplois à temps partiel, ainsi qu'avec les autres exonérations de charges patronales applicables dans le cadre de la politique de l'emploi, sauf la ristourne dégressive s'appliquant aux salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC, le contrat initiative-emploi et le contrat d'accès à l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Les montants en seront fixés par décret. Ils seront dégressifs, afin d'éviter les effets de seuil liés à la sortie du dispositif, l'aide ayant une durée totale de 5 ans. De plus, les entreprises qui concluront un accord de réduction du temps de travail en 1998 bénéficieront d'une aide plus importante que celles qui s'y engageront en 1999.
Afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide à la réduction du temps de travail induira pour les régimes de sécurité sociale, cette aide donnera lieu, à compter du 1er janvier 1999, à un remboursement partiel de la part de l'Etat aux régimes concernés. Cette disposition figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, après concertation avec les partenaires sociaux sur le taux de cette compensation.
Enfin, le dispositif destiné à éviter des licenciements économiques tient compte des spécificités des entreprises en difficulté. L'appréciation de l'administration devra tenir compte des engagements en matière d'emploi prévus par l'accord d'entreprise et de la qualité des mesures de reclassement et du plan social le cas échéant. L'aide fera l'objet d'un suivi périodique, notamment au bout d'un an. Elle sera versée pendant trois ans, avec une possibilité de prolongation pendant deux ans sur décision de l'administration et au vu de la situation de l'emploi dans l'entreprise. La période de maintien de l'emploi à laquelle s'engagera l'entreprise sera fixée par l'accord d'entreprise, avec un minimum de deux ans.
L'article 4 précise le cadre légal sur lequel peuvent s'appuyer les entreprises qui négocient l'organisation de tout ou partie de la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos. Cette formule peut en effet constituer une modalité simple et appréciée tant par les entreprises que par les salariés. Cet article permet aux accords d'organiser un partage de la prise de ces repos pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'entreprise, et d'envisager le lissage des rémunérations sur l'ensemble de la période, en fonction du calendrier de ces repos.
Il permet également aux accords d'organiser l'alimentation du compte épargne-temps par tout ou partie de ces repos ou par ceux de certaines catégories de personnel. Les partenaires sociaux peuvent en effet estimer souhaitable de négocier ce type de modalités pour les salariés, et notamment les personnels d'encadrement, pour lesquels la prise immédiate de ces repos s'avérerait impossible. Un décret encadrera les conditions d'utilisation de ces comptes épargne-temps, de façon à ce que la traduction des réductions d'horaires n'intervienne pas dans des délais trop lointains.
Afin de contribuer à une meilleure maîtrise du recours aux heures supplémentaires lorsqu'elles correspondent à la pratique permanente d'horaires longs qui nuisent au développement de l'emploi comme aux conditions de vie des salariés, l'article 5 renforce les repos compensateurs dus aux salariés pour certaines de ces heures. Il abaisse ainsi le seuil de déclenchement des repos compensateurs dus pour les heures supplémentaires effectuées au sein du contingent annuel libre d'heures supplémentaires dans les entreprises occupant 10 salariés au moins. Aujourd'hui applicable à compter de la 42ème heure, ces repos seront dus dès la 41ème heure à partir du 1er janvier 1999.
L'article 6 ajuste le dispositif d'abattement des cotisations employeurs de sécurité sociale en faveur de la création ou de la transformation d'emplois à temps partiel afin que cette incitation soit utilisée dans des conditions plus respectueuses des conditions de vie des salariés et compatibles avec le mouvement de réduction de la durée collective. Ces dispositions complètent celles mises en oeuvre par la loi de finances concernant la ristourne dégressive s'appliquant aux salaires inférieurs à 1,3 SMIC, dont le montant ne sera plus calculé sur la base du salaire mensuel indépendamment de l'horaire pratiqué, mais proratisé lorsqu'il s'agit de contrats de travail à temps partiel.
L'article 6 prévoit, dans cet esprit, trois éléments, qui s'appliqueront aux contrats conclus ou transformés après l'entrée en vigueur de la loi :
- le relèvement à 18 heures du plancher d'heures de travail en-deçà duquel l'aide ne peut être attribuée, contre 16 heures actuellement, afin de ne pas favoriser par des incitations financières les contrats à temps partiel de durée trop courte ;
- l'exclusion du bénéfice de l'aide pour les contrats prévoyant un temps partiel annualisé, sauf lorsque celui-ci correspond à des modalités de temps choisi (temps partiel annualisé scolaire par exemple) mises en oeuvre dans une entreprise appliquant un accord signé à cet effet ;
- le maintien de l'aide aux horaires individuels réduits entre 28 et 32 heures qui, du fait de la réduction de la durée collective du travail dans l'entreprise, basculeraient en-dehors du champ de la définition du temps partiel, qui concerne les horaires inférieurs d'au moins un cinquième à la durée fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise. En outre, le délai maximum de déclaration par l'entreprise de l'embauche ou de la transformation du contrat de travail est prolongé de 30 à 60 jours, suite aux problèmes de retard qu'ont rencontré de nombreuses petites entreprises.
L'article 7 vise à moraliser le recours au travail à temps partiel en faisant obstacle à certaines pratiques particulièrement perturbatrices pour la vie des salariés, et en encourageant la négociation de branche sur ce thème.
Il comporte deux dispositions :
- il ramène au niveau de la branche la possibilité de porter le volume d'heures complémentaires de 10 % au tiers de la durée prévue par le contrat, en supprimant le renvoi à la négociation d'entreprise fait par la loi quinquennale du 20 décembre 1993 ; l'objectif est donc de renforcer sur ce thème la négociation au niveau de la branche, les accords conclus antérieurement à la loi conservant leur validité ;
- afin de limiter les abus constatés en matière d'amplitude et de fragmentation de la journée de travail de certains salariés à temps partiel, il conditionne à l'existence d'un accord de branche étendu la possibilité d'imposer plus d'une interruption d'activité ou une interruption d'une durée de plus de deux heures, au cours de la même journée. Pour laisser le temps aux branches de négocier, cette disposition ne serait applicable qu'à compter du 31 mars 1999.
L'article 8 maintient et pérennise la possibilité pour les employeurs de salariés à temps partiel de continuer à cotiser pour leur retraite sur la base du temps plein, alors que la loi quinquennale avait prévu cette disposition pour une durée limitée à 5 ans, et donc seulement jusqu'à la fin de 1998.
L'article 9 porte sur le bilan préalable au projet de loi qui devra, d'ici la fin 1999, fixer les modalités concrètes de mise en oeuvre et d'accompagnement de la baisse de la durée légale, en prenant en compte les résultats des négociations menées et l'évolution de la situation économique.
Il prévoit avant le 30 septembre 1999, et après consultation des partenaires sociaux, le dépôt d'un rapport au Parlement sur le bilan des négociations, qui tiendra compte de la taille des entreprises, et indique que les orientations à prendre sur la base de ce rapport devront concerner notamment les heures sup-plémentaires, l'organisation du temps de travail, le temps partiel choisi et les modalités particulières applicables aux cadres.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'emploi et de la solidarité,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'emploi et de la solidarité qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article 1er
Il est créé au chapitre II du titre I du livre II du code du travail un article L. 212-1 bis ainsi rédigé :
«Art L. 212-1 bis.- Dans les établissements ou les professions mentionnés à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2002. Elle est fixée à trente-cinq heures dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés, cet effectif étant apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1.»
Article 2
Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises.
Article 3
Les entreprises ou établissements qui réduisent la durée du travail en application d'un accord collectif conclu avant les échéances mentionnées à l'article 1er et qui procèdent en contrepartie à des embauches ou préservent des emplois peuvent bénéficier d'une aide dans les conditions définies ci après.
I. - Peuvent bénéficier de cette aide les entreprises relevant des catégories mentionnées à l'article L. 212-1 bis du code du travail issu de l'article 1er de la présente loi, ainsi que les sociétés ou organismes de droit privé, les sociétés d'économie mixte et établissements publics industriels et commerciaux locaux de transport public urbain de voyageurs. Toutefois, ne peuvent bénéficier de cette aide, eu égard au caractère de monopole de certaines de leurs activités ou à l'importance des concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation, certains organismes publics dépendant de l'Etat, dont la liste est fixée par décret. Pour ces organismes, les modalités d'accompagnement de la réduction du temps de travail seront déterminées dans le cadre des procédures régissant leurs relations avec l'Etat.
La réduction du temps de travail doit être d'au moins 10 % de la durée initiale et porter le nouvel horaire collectif au plus au niveau de la durée légale fixée par l'article L. 212-1 bis du code du travail.
II. - La réduction du temps de travail doit être organisée par un accord d'entreprise ou d'établissement. Elle peut être également organisée en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu, soit, dans les entreprises de 50 salariés ou plus, sous réserve d'un accord complémentaire d'entreprise, soit, dans les entreprises de moins de 50 salariés, selon des modalités de mise en oeuvre prévues par la convention ou l'accord de branche.
Outre les dispositions prévues au IV et au V du présent article, l'accord collectif détermine les échéances de la réduction du temps de travail applicables dans la ou les entreprises intéressées en référence à la durée initiale du travail, ainsi que les modalités d'organisation du temps de travail et de décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise, et les modalités et délais selon lesquels les salariés doivent être prévenus en cas de modification de l'horaire. Il détermine aussi, sans préjudice de l'application des dispositions du livre IV du code du travail organisant la consultation des représentants du personnel, les dispositions relatives au suivi de sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise et, le cas échéant, de la branche. Il prévoit, le cas échéant, les conditions particulières selon lesquelles la réduction s'applique au personnel d'encadrement et les conséquences susceptibles d'en être tirées sur les contrats de travail à temps partiel.
III. - Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, à défaut d'un accord de branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996, un accord collectif peut être conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national.
Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail.
Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut, à tout moment, mettre fin au mandat. L'accord prévoit les modalités selon lesquelles les salariés de l'entreprise et l'organisation syndicale mandante sont informés des conditions de sa mise en oeuvre et de son application. Cet accord est communiqué au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail à compter du moment où l'employeur aura eu connaissance de leur désignation. La procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant six mois après la signature de l'accord ou, à défaut, la fin du mandat ou la fin de la négociation.
IV. - Dans le cas où l'entreprise s'engage à procéder à des embauches en conséquence de la réduction du temps de travail, l'accord détermine leur nombre par catégories professionnelles.
L'entreprise doit s'engager à ce que ces embauches correspondent à 6 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail, et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
L'entreprise doit s'engager à maintenir l'effectif augmenté des nouvelles embauches de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction, pour une durée fixée par l'accord et qui ne peut être inférieure à deux ans.
L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat pour une durée de cinq ans, après vérification de la conformité de l'accord collectif aux dispositions légales.
V. - Dans le cas où la réduction du temps de travail permet d'éviter des licenciements prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciement pour motif économique, l'accord d'entreprise ou d'établissement détermine le nombre d'emplois que la réduction du temps de travail permet de préserver. Ce dernier doit être équivalent à 6 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail, et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
L'accord d'entreprise ou d'établissement précise également la période pendant laquelle l'employeur s'engage à maintenir l'effectif de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction. Sa durée est au minimum de deux ans.
L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat après vérification de la conformité de l'accord d'entreprise aux dispositions légales et compte tenu de l'équilibre économique du projet et des mesures de prévention et d'accompagnement des licenciements.
L'aide est attribuée pour une durée initiale de trois ans. Elle peut être prolongée pour deux ans par avenant à la convention conclue entre l'Etat et l'entreprise, au vu de la situation de l'emploi dans l'entreprise.
VI. - L'aide est attribuée pour chacun des salariés auxquels s'applique la réduction du temps de travail, ainsi que pour ceux embauchés dans le cadre du dispositif prévu au IV du présent article. Elle vient en déduction du montant global des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
Son bénéfice ne peut être cumulé avec celui d'une exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de la réduction prévue à l'article L. 241-13 et à l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale ainsi que des aides prévues aux articles L. 322-4-2 et L. 832-2 du code du travail.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de contrôle de l'exécution de la convention avec l'Etat et les conditions de suspension ou de remboursement de l'aide.
Un décret détermine les autres conditions d'application du présent article, notamment les montants de l'aide, ainsi que les dispositions relatives aux majorations.
VII. - Les articles 4, 5 et 6 de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail sont abrogés. Les articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont abrogés. Toutefois ces derniers, ainsi que les dispositions de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale applicables avant l'entrée en vigueur de la présente loi, demeurent applicables aux conventions conclues avant la date de publication de celle-ci.
VIII. - A l'article L. 241-6-3 du code de la sécurité sociale, les mots : «et les articles 39 et 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle» sont supprimés.
A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du même code, les mots : «par les articles 7, 39 et 39-1» sont remplacés par les mots : «par l'article 7».
Article 4
L'accord collectif peut organiser tout ou partie de la réduction du temps de travail en-deçà de trente-neuf heures hebdomadaires sous forme de jours de repos. Il détermine alors les modalités de prise de ces repos, pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'entreprise, et, dans la limite de l'année, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris ainsi que les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos.
L'accord collectif peut en outre prévoir que tout ou partie de ces repos ou que ceux de certaines catégories de salariés alimentent un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1 du code du travail et précisées par décret.
Article 5
I. - La première phrase de l'article L. 212-5-1 du code du travail est complétée par la phrase suivante :
«Ce seuil est fixé à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999.»
II. - Le deuxième alinéa de l'article 993 du code rural est complété par la phrase suivante :
«Ce seuil est fixé à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999.»
III. - Après la première phrase du quatrième alinéa de l'article 993 du code rural, est insérée la phrase suivante :
«Cette moyenne est fixée à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999.»
Article 6
I. - Le troisième alinéa de l'article L. 322-12 du code du travail est ainsi rédigé :
«Pour ouvrir le bénéfice de cet abattement, le contrat doit prévoir une durée hebdomadaire du travail qui peut être calculée, le cas échéant, sur le mois, comprise entre dix-huit heures, heures complémentaires non comprises et trente-deux heures, heures complémentaires ou supplémentaires comprises.»
II. - Le quatrième alinéa du même article est complété par la phrase suivante :
«Il n'est toutefois ouvert, dans ce cas, que lorsque le temps partiel calculé sur une base annuelle résulte de l'application dans l'entreprise d'un accord collectif définissant les modalités et les garanties suivant lesquelles le travail à temps partiel est pratiqué à la demande du salarié.»
III. - Dans la première phrase de l'antépénultième alinéa du même article, les mots : «trente jours» sont remplacés par les mots : «soixante jours».
IV. - L'abattement prévu à l'article L. 322-12 du code du travail s'applique ou est maintenu, dans des conditions identiques à celles prévues par cet article, dans une entreprise qui a réduit conventionnellement la durée collective du travail pour les salariés employés sous contrat de travail à durée indéterminée, dont la durée du travail fixée au contrat est comprise entre les quatre cinquièmes de la nouvelle durée collective du travail et trente-deux heures, toutes heures travaillées comprises, et sous condition que les garanties prévues aux articles L. 212-4-2 et L. 212-4-3 leur soient appliquées.
V. - Par dérogation aux I et II du présent article, l'abattement continue à s'appliquer aux salariés dont le contrat de travail en a ouvert le bénéfice en application des dispositions en vigueur avant la date de publication de la présente loi.
Article 7
I. - Au sixième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, les mots : «ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement» sont supprimés.
II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures, que si une convention ou un accord collectif de branche étendu le prévoit, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée.»
III. - Les dispositions du II du présent article sont applicables à compter du 31 mars 1999.
Article 8
I. - Le VIII de l'article 43 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est abrogé.
II. - Il est inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 241-3-1 ainsi rédigé :
«Art. L. 241-3-1.- Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-3, en cas de passage avec l'accord du salarié d'un régime de travail à temps complet à un régime de travail à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail, l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse peut être maintenue à la hauteur du salaire correspondant à son activité exercée à temps plein. La part salariale correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable, en cas de prise en charge par l'employeur, à une rémunération au sens de l'article L. 242-1. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'exercice de cette disposition par les employeurs. L'option retenue lors de la transformation de l'emploi vaut seulement dans le cas d'une activité à temps partiel exercée à titre exclusif et tant que l'activité reste exercée dans ces conditions.
«Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de ces cotisations.»
III. - L'article 63 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture est abrogé.
IV. - Il est inséré dans le code rural un article 1031-3 ainsi rédigé :
«Art. 1031-3.-Par dérogation aux dispositions de l'article 1031, en cas de passage avec l'accord du salarié d'un régime de travail à temps complet à un régime de travail à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail, l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse peut être maintenue à la hauteur du salaire correspondant à son activité exercée à temps plein. La part salariale correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable, en cas de prise en charge par l'employeur, à une rémunération. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions de mise en oeuvre de cette disposition par les employeurs.
«L'option retenue lors de la transformation de l'emploi vaut seulement dans le cas d'une activité à temps partiel exercée à titre exclusif et tant que l'activité reste exercée dans ces conditions.
«Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de ces cotisations.»
Article 9
Au plus tard le 30 septembre 1999 et après concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un bilan analysant l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l'impact de sa réduction sur le développement de l'emploi et sur l'organisation des entreprises. Sur la base de ce bilan, qui tiendra compte de la taille des entreprises, ce rapport tirera les enseignements des accords conclus et comportera des orientations concernant notamment le régime des heures supplémentaires, les règles relatives à l'organisation et à la modulation du travail, les moyens de favoriser le temps partiel choisi et les modalités particulières applicables aux cadres.
Fait à Paris, le 10 décembre 1997.
Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'emploi et de la solidarité,
Signé : MARTINE AUBRY
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N° 512.- PROJET DE LOI d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (renvoyé à la commission des affaires culturelles).
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