EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nos concitoyens souhaitent que leurs représentants se consacrent plus pleinement aux mandats qui, aux termes de la loi, leur sont confiés par les électeurs. Ils ont besoin de retrouver confiance dans la vie politique et en ceux qui l'animent.
Il revient au Gouvernement de proposer à la représentation nationale des solutions équilibrées pour rendre plus efficace et plus proche des citoyens notre démocratie.
Les mesures qui font l'objet du présent projet de loi organique sont inspirées par la volonté d'un engagement plus exigeant au service de l'intérêt public, d'une participation accrue des femmes aux fonctions politiques et d'une clarification des responsabilités respectives au sein des institutions.
Faire en sorte que les élus revêtus d'un mandat ou d'une fonction importante s'y consacrent à plein temps, ouvrir plus largement l'accès à des responsabilités électives et par là même favoriser le renouvellement des élus et moderniser la vie politique, suppose une limitation du cumul des mandats électoraux et fonctions électives.
Depuis la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985, un mandat parlementaire est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux ou fonctions électives suivants : représentant au Parlement européen, conseiller régional ou conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, maire d'une commune de 20 000 habitants au plus autre que Paris, adjoint au maire d'une commune de plus de 100 000 habitants autre que Paris.
C'est dans le même esprit qu'il est proposé de renforcer le dispositif en vigueur concernant les députés et les sénateurs par deux catégories de mesures :
1° Le mandat de député ou de sénateur serait rendu incompatible avec celui de membre du Parlement européen, pour séparer nettement l'exercice du pouvoir législatif de celui des responsabilités spécifiques dévolues au Parlement européen (article ler du projet de loi organique).
2° Le mandat de député ou de sénateur deviendrait également incompatible avec l'exercice des fonctions exécutives des collectivités territoriales : président d'un conseil régional, d'un conseil général, maire, président du conseil exécutif de Corse.
De même les députés et les sénateurs ne pourront exercer plus d'un mandat parmi ceux de conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris ou conseiller municipal (article 2).
Par ailleurs, le cumul entre les fonctions susvisées fait l'objet d'un projet de loi ordinaire soumis simultanément à votre examen.
Le présent projet de loi organique traite du nouveau régime des incompatibilités applicables aux députés. En vertu de l'article L.O. 297 du code électoral, ces dispositions s'appliquent aussi de plein droit aux sénateurs.
Le respect des prescriptions de la loi organique serait assuré dans les mêmes conditions que par le passé (articles 3 et 4), à la réserve près qu'en cas de défaut d'option par l'élu concerné, c'est le mandat acquis à la date la plus ancienne qui serait abandonné de plein droit.
Le dispositif serait applicable dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier (article 5) en assimilant à des mandats et fonctions métropolitains certains des mandats et fonctions, de nature exécutive, propres à ces territoires et collectivités, selon une formule déjà retenue par la loi organique précitée du 30 décembre 1985 (articles 6 à 8).
Après l'abrogation des dispositions de la loi organique du 30 décembre 1985 devenues obsolètes (article 9), l'article 10 édicte des mesures transitoires pour ceux qui, lors de l'entrée en vigueur de la loi organique, se trouveraient de son fait en situation de cumul prohibé. De la sorte, les parlementaires concernés pourraient poursuivre leurs mandats en cours mais devraient dès la prochaine élection faire cesser l'incompatibilité en démissionnant du mandat ou de la fonction de leur choix.
Loin de briser le lien politique entre les responsabilités nationales et les responsabilités locales, le présent projet de loi organique n'interdit nullement aux parlementaires d'exercer également les fonctions de conseiller régional, général, ou municipal. Il permet également aux députés et aux sénateurs de remplir les fonctions d'adjoint au maire, de vice-présidents d'assemblée départementale ou régionale ou d'accomplir les mandats liés aux institutions intercommunales. Ainsi sera maintenue et garantie la participation étroite des membres du Parlement à la vie locale de notre pays et au fonctionnement de nos institutions communales, départementales et régionales.
Cet ensemble de dispositions adaptées à la réalité historique et politique de notre pays est en mesure de moderniser la vie publique et de renforcer la confiance des citoyens en leurs élus.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'intérieur,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique limitant le cumul des mandats électoraux et fonctions électives, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1er

Il est inséré, dans le chapitre IV du titre II du livre Ier du code électoral, un article L.O. 137-1 ainsi rédigé :
Art. L.O. 137-1.- Le mandat de député est incompatible avec celui de représentant au Parlement européen.
"Tout député élu membre du Parlement européen cesse de ce fait même d'exercer son mandat de parlementaire national. Toutefois, en cas de contestation, la vacance du siège n'est proclamée qu'après la décision juridictionnelle confirmant l'élection. En attendant cette décision, l'intéressé ne peut participer aux travaux de l'Assemblée nationale. "

Article 2

L'article L.O. 141 du code électoral est remplacé par deux articles L.O. 141 et L.O. 141-1 ainsi rédigés :
Art. L.O. 141.- Le mandat de député est incompatible avec l'exercice d'une des fonctions électives suivantes : président d'un conseil régional, président du conseil exécutif de Corse, président d'un conseil général, maire.
Art. L.O. 141-1.- Le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal. "

Article 3

Au deuxième alinéa de l'article L.O. 151 du code électoral, les mots : " visés à l'article L.O. 141 " sont remplacés par les mots : " visés aux articles L.O. 141 et L.O. 141 -1 ".

Article 4

Le premier alinéa de l'article L.O. 151-1 du code électoral est remplacé par les deux alinéas suivants :
" Tout député qui acquiert postérieurement à son élection à l'Assemblée nationale une fonction élective propre à le placer dans un des cas d'incompatibilité visés à l'article L.O. 141 doit faire cesser cette incompatibilité en démissionnant de son mandat de député ou de sa nouvelle fonction. Il dispose à cet effet d'un délai de vingt jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a placé en situation d'incompatibilité, ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive. A défaut d'option dans le délai imparti, il est réputé avoir renoncé à son mandat de député.
" Tout député qui acquiert postérieurement à son élection à l'Assemblée nationale un mandat propre à le placer dans un des cas d'incompatibilité visés à l'article L.O. 141-1 doit faire cesser cette incompatibilité en démissionnant d'un des mandats qu'il détenait antérieurement. Il dispose à cet effet d'un délai de vingt jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a placé en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive. A défaut d'option dans le délai imparti, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit. "

Article 5

La présente loi organique est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Article 6

Il est ajouté à l'article L.O. 328-2 du code électoral deux alinéas ainsi rédigés :
" Pour l'application des dispositions de l'article L.O. 141, les fonctions de président du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon sont assimilées aux fonctions de président du conseil général d'un département.
" Pour l'application de l'article L.O. 141-1, le mandat de conseiller général de Saint Pierre-et-Miquelon est assimilé au mandat de conseiller général d'un département. "

Article 7

Le mandat de conseiller général de Mayotte est, pour l'application de l'article L.O. 141-1 du code électoral, assimilé au mandat de conseiller général d'un département.

Article 8

I.- Pour l'application de l'ensemble des dispositions instituant des incompatibilités entre certains mandats électoraux ou fonctions électives, les mandats de membre des assemblées de province du territoire de la Nouvelle-Calédonie, de membre de l'assemblée de la Polynésie française et de membre de l'assemblée territoriale des Iles Wallis-et-Futuna sont assimilés au mandat de conseiller général d'un département.
II.- Pour l'application des mêmes dispositions, les fonctions de président des assemblées de province du territoire de la Nouvelle-Calédonie sont assimilées aux fonctions de président du conseil général d'un département.
III.- Pour l'application des mêmes dispositions, les fonctions de président ou de membre du gouvernement de la Polynésie française sont assimilées aux fonctions de président du conseil général d'un département.

Article 9

L'article 4 de la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires ainsi que le deuxième alinéa de l'article L.O. 139 du code électoral sont abrogés.

Article 10

Quiconque se trouve, à la date de la publication de la présente loi, dans l'un des cas d'incompatibilité qu'elle institue peut continuer d'exercer les mandats et fonctions qu'il détient jusqu'au terme de celui d'entre eux qui, pour quelque cause que ce soit, prend fin le premier.
Fait à Paris, le 8 avril 1998.
Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'intérieur,
Signé : JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT
N°827. - Projet de loi organique limitant le cumul des mandats électoraux et les fonctions électives, (renvoyé à la commission des lois)


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