N° 3374
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 novembre 2001.

PROPOSITION DE LOI
tendant à modifier l'article L. 165 du code électoral.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Pierre-André WILTZER, Pierre ALBERTINI, René ANDRÉ, Mme Martine AURILLAC, MM. Raymond BARRE, André BERTHOL, Léon BERTRAND, Roland BLUM, Mme Marie-ThérÈse BOISSEAU, MM. Yves BUR, Dominique CAILLAUD, Antoine CARRÉ, Mme Nicole CATALA, MM. Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, René COUANAU, Alain COUSIN, Jean-Claude DECAGNY, Lucien DEGAUCHY, Francis DELATTRE, Jean-Marie DEMANGE, Dominique DORD, Christian ESTROSI, Jean-Michel FERRAND, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Henri de GASTINES, Claude GATIGNOL, Hervé GAYMARD, Germain GENGENWIN, Claude GOASGUEN, Jean-Jacques GUILLET, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Christian KERT, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Jean-Claude LEMOINE, Jacques LE NAY, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Christian MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Charles MIOSSEC, Hervé MORIN, Jacques MYARD, Arthur PAECHT, Dominique PAILLÉ, Bernard PERRUT, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, Jean-Luc REITZER, Jean ROATTA, Gilles de ROBIEN, Rudy SALLES, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Frantz TAITTINGER, Guy TEISSIER, André THIEN AH KOON, Georges TRON, Jacques UEBERSCHLAG, Léon VACHET et Michel VOISIN,

Députés.

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le droit électoral est le garant de la sincérité du mandat qui lie le peuple à ses représentants. Aussi se doit-il d'être rigoureux pour que la vie publique demeure sans tache.
Mais la plus stricte des rigueurs et la plus scrupuleuse des probités ne peuvent s'appliquer qu'en fonction de règles claires, connues de tous et dont la méconnaissance est de nature à exposer systématiquement les contrevenants à des sanctions.
Or, si au regard du financement des campagnes électorales, cette situation de rigueur et de clarté peut être considérée comme acquise à la suite des lois n° 90-55 du 15 janvier 1990, n° 93-122 du 29 janvier 1993 et n° 95-65 du 19 janvier 1995, force est de constater qu'au plan des moyens de campagne, le droit électoral demeure sur certains points une «terra incognita».
L'illustration la plus probante est apportée par l'alinéa 3 de l'article L. 165 du code électoral, qui interdit l'impression et l'utilisation, sous quelque forme que ce soit, de toute circulaire, affiche, bulletin ou tract en dehors des documents de propagande officielle pendant la durée de la campagne électorale fixée - en application de l'article L. 164 du code électoral - à partir du vingtième jour qui précède la date du scrutin.
Or on constate, dans la pratique lors de chaque élection, que ces dispositions particulièrement restrictives ne sont pas appliquées, pour la simple raison que c'est précisément durant la période de vingt jours avant la date du scrutin que les campagnes électorales se déroulent. Cela s'explique en particulier par le fait que le plafonnement des dépenses de campagne et les nombreuses limitations instituées au fil du temps conduisent les candidats à concentrer leurs moyens d'expression sur la période qui précède immédiatement l'élection, période durant laquelle le corps électoral porte attention à la compétition.
Si elles étaient réellement appliquées, les dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 165 du code électoral, limitant les moyens d'expression des candidats à la circulaire dite «profession de foi» et aux affiches officielles, auraient en pratique pour effet d'interdire toute campagne électorale et donc tout débat véritable entre les candidats.
C'est pourquoi, lorsqu'il est saisi d'un recours portant sur ce point, le juge de l'élection ne manque jamais d'apprécier l'ensemble des circonstances dans lesquelles la campagne s'est déroulée.
En effet, si le juge relève souvent le non-respect des règles sur la propagande, il n'en tire que très rarement des conséquences sur la validité de l'élection. Pour ce faire, il s'attache toujours à vérifier si l'abus de propagande allégué devant lui a eu une influence sur la sincérité du scrutin et sur le comportement des électeurs. En fin de compte, l'un des principaux critères retenus est l'écart des voix qui sépare les candidats. Une forte différence justifie l'idée que les éventuelles irrégularités n'ont pas eu d'impact sur le choix des électeurs, alors qu'au contraire, un résultat serré a toujours pu être troublé par une man_uvre illicite.
En tout état de cause, il ressort de l'étude de la jurisprudence électorale que jamais, depuis 1958, une élection n'a été annulée sur le seul fondement que des tracts ou documents avaient été distribués pendant la campagne officielle. L'élection n'a été annulée que lorsque d'autres circonstances étaient réunies : contenu diffamatoire ou injurieux, ampleur de la distribution et distribution tardive privant l'adversaire de la faculté de répondre.
La distribution de tracts et journaux est donc devenue un procédé banal et essentiel de toute campagne électorale. Au contraire, effectuée la veille d'une élection à la demande d'un candidat, l'interruption par la gendarmerie d'une distribution de tracts a été regardée comme une man_uvre portant atteinte à la liberté du scrutin (tribunal administratif d'Amiens, 14 juin 1983 - élections municipales Pasly).
Pour autant, on ne saurait tirer de cet état de la jurisprudence la conclusion que l'article L. 165 peut être violé en toute impunité puisqu'un adversaire peut toujours en théorie demander au juge civil des référés d'ordonner la cessation immédiate de la distribution illicite de documents, et ce sous astreinte.
Cette incertitude suscite avant chaque élection, chez les candidats et les formations politiques qui les soutiennent, de fortes inquiétudes. Le nombre des questions écrites adressées au Gouvernement sur ce sujet, à chaque scrutin, le démontre.
L'objet de la présente proposition de loi est de sortir de cette situation de flou juridique, en abrogeant l'alinéa 3 de l'article L. 165 du code électoral pour restaurer la liberté d'expression des candidats et clarifier les règles du jeu de la compétition démocratique.
C'est pourquoi je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir vous y associer.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Le troisième alinéa de l'article L. 165 du code électoral est supprimé.

3374 - Proposition de loi de M. Pierre-André Wiltzer tendant à modifier l'article L. 165 du code électoral (commission des lois)


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