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N° 3099

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 mai 2001.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1), préalable au débat d'orientation budgétaire pour 2002,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. DIDIER MIGAUD

Rapporteur général,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Finances publiques.

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Jacques Guyard, M. Edmond Hervé, M. Pierre Hériaud, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Pierre Méhaignerie, M. Jean Rigal, M. Gilles de Robien, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Gérard Saumade, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila.

SOMMAIRE
-

Pages

INTRODUCTION 5

I.- LES PRÉVISIONS DE CROISSANCE POUR 2001 ET 2002 FONT PREUVE D'UN OPTIMISTE RELATIF, TEMPÉRÉ PAR DES INCERTITUDES PERSISTANTES 7

A.- LE RYTHME DE CROISSANCE DANS LE MONDE A CONNU UNE SÉRIEUSE INFLEXION AU COURS DU SECOND SEMESTRE 2000 7

1.- Un ralentissement général ayant également affecté la zone euro 7

2.- La France a maintenu une croissance forte 9

B.- UN CONSENSUS PRUDENT SUR LA REPRISE PROGRESSIVE DE LA CROISSANCE 12

1.- Malgré une révision sensible des prévisions, le mouvement général anticipé reste favorable 12

2.- Une croissance française qui devrait être légèrement supérieure à celle du reste de la zone euro, même si les données les plus récentes indiquent un ralentissement peut-être plus fort que prévu 20

II.- POURSUIVRE UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE RÉALISTE ET DYNAMIQUE AU SERVICE DE L'EMPLOI 25

A.- UN TASSEMENT PROBABLE DES RECETTES 25

1.- Le dynamisme spontané des recettes pourrait ralentir en 2001 et en 2002 25

2.- Des baisses d'impôts sans précédent contribuant à la réduction des prélèvements obligatoires et au soutien à l'économie 28

B.- DES DÉPENSES SOUS CONTRÔLE 35

1.- Un examen rigoureux des besoins 35

2.- Le poids de la dette doit continuer à décroître 36

3.- La poursuite des priorités budgétaires 37

4.- Les dépenses exceptionnelles 39

5.- Les ajustements de certaines dépenses 44

6.- Poursuivre l'activation des dépenses sociales 46

C.- LA NÉCESSAIRE POURSUITE DE LA MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES 46

1.- Respecter les objectifs de dépenses 47

2.- Un processus de réduction des déficits publics qui n'a rien perdu de sa pertinence 50

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

I.- AUDITION DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET ET DE LA SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUDGET PRÉALABLE AU DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2002 53

II.- EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION 64

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport d'information a pour objet de préparer le débat d'orientation budgétaire prévu le mercredi 6 juin 2001 à l'Assemblée nationale.

Le débat d'orientation budgétaire, désormais entré dans les habitudes du Parlement, permet aux membres de l'Assemblée d'être informés, de façon précoce, des premiers éléments d'exécution du budget voté, des principales évolutions affectant les finances publiques et des principaux choix envisagés par le Gouvernement. Il leur permet aussi de marquer les adaptations qui auraient leur préférence, même si chacun conviendra que, pour lui garder sa raison d'être, il faut veiller à ne pas le transformer en une discussion anticipée du projet de loi de finances.

Les axes de la politique budgétaire définis dès l'automne de 1997 par le Gouvernement et sa majorité demeurent valables :

- assurer le financement des actions publiques prioritaires en maîtrisant la dépense publique ;

- poursuivre et amplifier la réduction des déficits publics ;

- réduire le poids des prélèvements obligatoires.

Pendant quatre ans, le Gouvernement et sa majorité ont été attentifs à procéder, avec souplesse, aux adaptations permettant de conforter les résultats que cette stratégie a permis d'obtenir.

Alors que ce débat d'orientation budgétaire sera le prélude à la discussion du dernier projet de loi de finances de la législature, il faut en effet insister sur ce constat : cette stratégie budgétaire porte ses fruits. La France s'est installée dans la croissance, une croissance forte et moins sujette aux à-coups que celle de ses principaux partenaires ; la situation de l'emploi s'est améliorée et continue de s'améliorer ; une solidarité accrue en faveur des ménages les plus modestes a pu être assurée.

Cette année, les incertitudes liées à l'environnement international, en particulier américain, et aux répercussions qu'il est susceptible d'entraîner sur la croissance de nos principaux partenaires et dans notre pays formeront l'arrière-plan du débat.

Il convient donc, plus que jamais, de maintenir le cap. C'est en sachant conforter, aujourd'hui, les résultats déjà obtenus que le Gouvernement et sa majorité _uvreront le mieux pour pouvoir, demain, ouvrir une nouvelle étape de réforme.

I.- LES PRÉVISIONS DE CROISSANCE POUR 2001 ET 2002 FONT PREUVE D'UN OPTIMISTE RELATIF, TEMPÉRÉ PAR DES INCERTITUDES PERSISTANTES

A.- LE RYTHME DE CROISSANCE DANS LE MONDE A CONNU UNE SÉRIEUSE INFLEXION AU COURS DU SECOND SEMESTRE 2000

1.- Un ralentissement général ayant également affecté la zone euro

·  Dans l'introduction des prévisions économiques de printemps, publiées en mars/avril 2001 par la Commission européenne, il est souligné que l'année 2000 a été l'une des meilleures de la dernière décennie. La croissance moyenne du PIB dans la zone euro aussi bien que dans l'ensemble de l'Union européenne a en effet atteint 3,4%. Au total, 2,8 millions d'emplois ont été créés et le taux de chômage est tombé à 8,3% dans l'Union européenne (8,9% dans la zone euro). Malgré des tensions importantes sur le prix des hydrocarbures, l'inflation est restée limitée à 2,1%.

Comme l'indique le tableau ci-après, les performances relatives des différents Etats membres en matière de croissance du PIB ont toutefois été inégales.

Malgré tout, une certaine convergence se manifeste, les résultats étant moins dispersés que lors des exercices précédents. Certains Etats qui, à l'image de l'Allemagne et l'Italie, étaient restés en retard sur le cycle en 1998 et plus encore en 1999, ont vu leur croissance s'accélérer significativement. Ces évolutions contribuent à expliquer la vigueur de la croissance d'ensemble de la zone euro en 2000 (+ 3,4%) par comparaison avec 1999 (+ 2,5%) et 1998 (+ 2,8%).

 

LA CROISSANCE EN 2000

(en volume, en %)

 
       

Estimations 2000

2000 : profil trimestriel

   

1998

1999

Prévisions d'automne 2000

Prévisions de printemps 2001

Trim. 1

Trim. 2

Trim. 3

Trim. 4

 

Belgique

2,4

2,7

3,9

3,9

1,1

0,2

0,5

0,7

 

Danemark

2,8

2,1

2,6

2,9

- 0,3

1,2

0,1

0,6

 

Allemagne

2,1

1,6

3,1

3,0

1,0

1,2

0,3

0,2

 

Grèce

3,1

3,4

4,1

4,1

-

-

-

-

 

Espagne

4,3

4,0

4,1

4,1

1,4

0,8

0,8

0,7

 

France

3,1

2,9

3,3

3,2

0,6

0,7

0,6

0,9

 

Irlande

8,6

9,8

10,5

10,7

2,5

2,7

2,8

2,7

 

Italie

1,8

1,6

2,9

2,9

1,1

0,2

0,6

0,8

 

Luxembourg

5,0

7,5

7,8

8,5

-

-

-

-

 

Pays-Bas

4,1

3,9

4,3

3,9

0,8

0,7

0,7

1,2

 

Autriche

3,3

2,8

3,5

3,2

0,7

0,4

0,1

0,6

 

Portugal

3,8

3,0

3,0

3,3

0,7

0,3

1,2

0,4

 

Finlande

5,3

4,2

4,8

5,7

2,0

0,6

2,1

0,7

 

Suède

3,6

4,1

4,0

3,6

0,8

1,1

0,7

0,6

 

Royaume-Uni

2,6

2,3

3,1

3,0

0,3

1,0

0,8

0,3

 

Union européenne

2,8

2,5

3,4

3,4

0,8

0,8

0,6

0,7

 

Zone euro

2,8

2,5

3,5

3,4

0,9

0,8

0,5

0,7

 

Etats-Unis

4,4

4,3

5,1

5,0

1,2

1,4

0,5

0,3

 

Japon

- 0,8

0,7

1,4

1,7

2,4

0,2

- 0,6

0,8

Source : Commission européenne.

 

Selon la Commission européenne, parmi les facteurs ayant favorisé la croissance, figure au tout premier plan l'environnement international favorable.

En effet, en 2000, le commerce international a progressé de 11,7% (contre + 6,5% en 1999). Ce fort dynamisme en moyenne annuelle s'explique par l'accélération de l'activité en Europe occidentale et, dans une moindre mesure, au Japon, ainsi que par la vigueur persistante de la croissance américaine. La demande mondiale adressée à la zone euro a progressé de 11,3%, contre 5,5% en 1999.

Toutefois, tant du point de vue de l'évolution du commerce mondial que de la croissance européenne, le profil de l'année 2000 n'a pas été régulier. La seconde moitié de l'exercice a en effet été marquée par un ralentissement sensible.

·  Le tableau précédent montre que la croissance au sein de la zone euro a connu un ralentissement marqué au troisième trimestre, le rythme passant de 0,8/0,9% à 0,5%. Le quatrième trimestre a, quant à lui, été marqué par un redémarrage d'ensemble. Les résultats, selon les Etats, ont été très divers. On observera que l'Italie et l'Allemagne ont subi la décélération la plus brutale.

Plusieurs facteurs sont à l'origine de ces phénomènes.

Tout d'abord, la croissance aux Etats-Unis a connu un ralentissement très significatif au second semestre. Alors qu'en moyenne, cette dernière a été d'un peu plus de 5% au premier semestre, elle n'a plus été que de moins de 1,5% au second. L'investissement des entreprises, extrêmement vigoureux en début d'année (de l'ordre de + 20%), a connu un freinage brutal. Par ailleurs, la consommation a été affectée par une remontée de l'inflation et l'impact des corrections boursières sur le patrimoine des ménages. Le taux de chômage a augmenté progressivement à partir de septembre 2000, passant de 3,9% à cette date à 4,5% en avril 2001. Ce changement de rythme a affecté les économies européennes les plus liées commercialement aux Etats-Unis.

Le second élément d'explication réside dans la forte augmentation des cours des matières premières énergétiques. Au total, sur l'exercice 2000, le prix du pétrole a crû de 60% en moyenne. Après un pic jusqu'en novembre, il a toutefois rapidement diminué, passant de 35 dollars à moins de 25 dollars le baril. Les prix des autres matières premières se sont également redressés.

Ces évolutions ont affecté le taux d'inflation, qui a nettement accéléré par rapport à 1999. Au sein de l'Union européenne, l'augmentation des prix à la consommation est ainsi passée de 1,2% en 1999 à 2,1% en 2000. Selon les perspectives économiques 2001-2002 publiées en mars dernier par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le renchérissement des produits pétroliers en euros a contribué pour les deux tiers à la variation de l'inflation globale. L'inflation sous-jacente (1) est restée, quant à elle, modérée. Cette augmentation des prix a affecté le pouvoir d'achat des ménages au cours du second semestre et a pesé sur la consommation, même si le dynamisme de cette dernière a été soutenu par le rythme des créations d'emplois.

Les prévisions économiques de printemps de la Commission européenne témoignent de l'impact de ces facteurs de ralentissement. Ainsi, par rapport aux prévisions d'automne, l'estimation de la croissance de la zone euro en 2000 a été revue légèrement à la baisse (- 0,1 point du PIB). Cette réévaluation à la baisse concerne principalement les Pays-Bas (- 0,4 point) et l'Autriche (- 0,3 point). Toutefois, l'Allemagne et la France ne sont pas épargnées (- 0,1 point). Notre pays n'a en effet pas échappé aux évolutions générales, même si elle a maintenu une croissance forte.

2.- La France a maintenu une croissance forte

· Sur l'ensemble de l'année 2000, la croissance a atteint 3,1% selon l'INSEE, lequel, mettant ce résultat en perspective, souligne que « le rythme des 3% de croissance annuelle, en volume, a été peu de fois soutenu par l'économie française au cours des vingt dernières années. Il l'a été pour la troisième année consécutive en 2000. En effet, le PIB s'est accru de 3,1% après avoir augmenté de 3,4% en 1998 et de 2,9% en 1999. Cette expansion est comparable à celle dont la France avait bénéficié dix ans plus tôt, même si la croissance des années 1988-1989-1990 avait été légèrement supérieure » (2).

L'évolution de la croissance en cours d'année a été moins heurtée que chez certains Etats membres de l'Union européenne. De plus, le calendrier en a été légèrement différent, puisque pour l'essentiel, le ralentissement, d'ampleur limitée, a eu lieu au premier semestre, avant un rebondissement au second semestre.

Celui-ci s'est avéré cependant un peu moins substantiel que prévu à l'automne dernier. Ainsi, les perspectives économiques précitées, publiées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, font apparaître une révision à la baisse des anticipations, la croissance 2000 étant de 0,2 point de PIB  inférieure à ce qui a été prévu auparavant (3,2% contre 3,4%)  (3).

Le tableau ci-après, qui détaille les contributions à l'évolution du PIB (4), illustre la diversité des évolutions qui sont à l'origine de ce résultat.

CONTRIBUTION À L'ÉVOLUTION DU PIB,
AU PRIX DE L'ANNÉE PRÉCÉDENTE

(en points de PIB)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Dépense de consommation finale des ménages

0,7

0,7

0,7

0,1

1,9

1,5

1,4

Dépense de consommation finale des administrations publiques


0,2


0,0


0,5


0,5


0,0


0,5


0,5

FBCF

0,3

0,4

0,0

0,0

1,3

1,2

1,2

dont :

             

- FBCF des sociétés non financières et entreprises individuelles


0,2


0,2


- 0,1


0,0


0,9


0,6


0,8

- FBCF des ménages hors entreprises individuelles

0,2

0,1

0,0

0,0

0,2

0,4

0,2

- FBCF des administrations publiques

0,0

0,0

0,0

- 0,2

0,1

0,1

0,1

- FBCF des sociétés financières

- 0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

Solde extérieur des biens et services

0,0

0,0

0,4

1,3

- 0,5

- 0,1

- 0,1

Exportations de biens et services

1,6

1,7

0,8

2,7

2,1

1,0

3,3

Importations de biens et services

- 1,6

- 1,6

- 0,3

- 1,5

- 2,6

- 1,1

- 3,4

Variation de stocks

0,9

0,6

- 0,6

0,0

0,8

- 0,2

0,1

Produit intérieur brut

2,1

1,7

1,1

1,9

3,4

2,9

3,1

Source : INSEE, Comptes nationaux.

· Parmi les facteurs ayant entraîné une croissance moindre que prévu, on notera tout d'abord le dynamisme des importations, notamment au premier semestre. Selon les perspectives économiques publiées en mars dernier par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, cette vigueur des importations constitue la principale cause expliquant les performances moins élevées qu'escompté à l'automne (contribution à hauteur de - 0,4 point de PIB à la révision de l'activité). En effet, il y est précisé que : « la révision majeure porte sur les importations en produits manufacturés. Leur progression s'est avérée nettement supérieure à celle suggérée par leurs déterminants traditionnels. Cette vigueur inhabituelle paraît refléter les difficultés éprouvées par les entreprises françaises pour satisfaire la demande, ainsi qu'une insuffisance structurelle de l'offre domestique de nouvelles technologies ».

Le second facteur de ralentissement trouve son origine dans une inflation en légère augmentation par rapport à 1999 (1,6% contre 1,3%). Globalement, l'inflation est restée contenue, comme en témoigne l'inflation sous-jacente, qui s'élève à 1,4% en 2000. Toutefois, le profil infra-annuel de l'indice des prix a été marqué par une évolution en dents de scie.

L'inflation est en effet restée relativement modérée au premier semestre, avec un plancher en avril 2000 du fait de la baisse des cours des produits pétroliers et de la réduction du taux normal de la TVA. Inversement, l'inflation a fortement accéléré au second semestre, atteignant + 2,2% en glissement annuel au cours des mois de septembre et d'octobre.

Si l'augmentation du prix des produits alimentaires, et tout particulièrement des viandes, a joué un rôle dans ces évolutions, l'essentiel de l'explication réside dans l'accroissement des prix de l'énergie (+ 7,8% en moyenne sur l'année) et tout particulièrement des hydrocarbures.

Cette croissance rapide du prix des produits pétroliers à partir de l'été a pesé sur la consommation des ménages.

Ainsi, l'augmentation des dépenses de consommation des ménages a été, en définitive, de 2,5% en volume, soit légèrement moins qu'en 1999. Selon l'INSEE, « après un premier trimestre en forte hausse, la demande des ménages s'est infléchie dans le courant de l'année. Cette évolution tient beaucoup à l'augmentation des prix du pétrole, qui a conduit les ménages à réduire leur consommation de produits énergétiques. Elle est aussi due au ralentissement des dépenses d'alimentation, lié aux crises sanitaires. Hormis ces effets particuliers, la demande des ménages a été bien orientée : pour l'ensemble des produits hors alimentation et énergie, la croissance a atteint 3,5% ».

Les perspectives économiques 2001-2002 précitées ajoutent, quant à elles, que le comportement de consommation des ménages s'est infléchi par rapport aux estimations effectuées durant l'été 2000, notamment en raison d'un relèvement de l'épargne. Cette modification du comportement des ménages a contribué, à hauteur de
- 0,2 point de PIB, à la révision de la prévision de croissance.

· Toutefois, la croissance est restée solide en raison de l'importance de la demande mondiale adressée à la France, de la vigueur de l'investissement des entreprises et, surtout, de la progression du pouvoir d'achat des ménages, liée à celle de l'emploi.

Si la France a, malgré tout, moins profité de l'accélération du commerce mondial que d'autres Etats membres de la zone euro, tout particulièrement l'Allemagne et l'Italie, ses exportations n'en ont pas moins crû de 13%. L'INSEE note ainsi que « la demande mondiale adressée à la France a été intense durant cette période », les entreprises ayant notamment bénéficié de gains de compétitivité liés à la dépréciation de l'euro.

Alors que les prévisions figurant à l'automne dernier dans le rapport économique, social et financier tablaient sur une croissance vigoureuse de l'investissement des entreprises, les résultats ont été en la matière encore meilleurs que prévu. Le rapport sur les perspectives économiques 2001-2002 estime le surcroît de croissance ainsi généré par rapport aux prévisions initiales à environ 0,2 point du PIB, compensant l'impact défavorable du comportement de consommation des ménages analysé précédemment.

Enfin et surtout, la très forte croissance du pouvoir d'achat global des ménages a contribué à soutenir la demande des ménages.

Cette augmentation du pouvoir d'achat s'explique avant tout par le rythme exceptionnellement important des créations d'emplois. Ainsi, l'emploi salarié dans les secteurs concurrentiels a progressé de 3,3% en moyenne annuelle, contre 2,4% en 1999. De même, la masse des salaires bruts versés a crû de 5% (+ 4,2% en 1999). Au total, en glissement sur l'année 2000, pas moins de 615.000 emplois ont été créés.

L'INSEE note, par ailleurs, que les impôts et cotisations sociales prélevés sur les revenus des ménages ont augmenté de façon nettement moins rapide qu'en 1999 (+ 3,9% au lieu de + 5,6%), sous l'effet des mesures d'allégements fiscaux (abaissement du barème de l'impôt sur le revenu, suppression de la vignette automobile et diminution de la taxe d'habitation).

En conséquence, le revenu disponible des ménages a progressé de 4,7% en 2000, soit une nette amélioration par rapport à 1999 (+ 2,9%).

B.- UN CONSENSUS PRUDENT SUR LA REPRISE PROGRESSIVE
DE LA CROISSANCE

1.- Malgré une révision sensible des prévisions,
le mouvement général anticipé reste favorable

· Par rapport aux prévisions publiées au cours de la seconde moitié de l'année 2000, la plupart des organismes et instituts de prévision ont procédé à des corrections à la baisse plus ou moins vigoureuses de leurs anticipations.

Les tableaux ci-après récapitulent l'évolution des prévisions de l'OFCE, de l'OCDE et de la Commission européenne.

EVOLUTION DES PRÉVISIONS DE CROISSANCE DU PIB EN VOLUME À MOYEN TERME

Selon l'OFCE :

 

2000

2001

2002

 
 

Prévisions

Prévisions

Prévisions

 

Octobre 2000

Avril 2001

Octobre 2000

Avril 2001

Avril 2001

Etats-Unis

5,3

5,0

3,3

1,3

2,2

Japon

1,7

1,7

1,6

0,9

2,2

Zone euro

3,5

3,4

3,3

2,6

2,9

Allemagne

3,1

3,1

3,0

2,1

2,5

Italie

2,9

2,9

3,0

2,5

2,7

Royaume-Uni

3,0

3,0

3,1

2,7

2,8

 

Source : OFCE, lettres de l'OFCE nos 199 et 204.

Selon l'OCDE :

 

2000

2001

2002

 

Prévisions

Prévisions

Prévisions

 

Décembre 2000

Mai 2001

Décembre 2000

Mai 2001

Décembre 2000

Mai 2001

Etats-Unis

5,2

5,0

3,5

1,7

3,3

3,1

Japon

1,9

1,7

2,3

1,0

2,0

1,1

Zone euro

3,5

3,4

3,1

2,6

2,8

2,7

Union européenne

3,4

3,3

3,0

2,6

2,7

2,7

OCDE total

4,3

4,1

3,3

2,0

3,1

2,8

Source : Perspectives économiques de l'OCDE, n° 68, décembre 2000 ; n° 69, édition préliminaire, mai 2001.

Selon la Commission européenne :

 

2000

2001

2002

 

Prévisions

Prévisions

Prévisions

 

Automne 2000

Printemps 2001

Automne 2000

Printemps 2001

Automne 2000

Printemps 2001

Belgique

3,9

3,9

3,3

3,0

3,2

3,1

Danemark

2,6

2,9

2,3

2,1

2,4

2,4

Allemagne

3,1

3,0

2,8

2,2

2,8

2,6

Grèce

4,1

4,1

4,5

4,4

4,8

4,8

Espagne

4,1

4,1

3,5

3,2

3,3

3,3

France

3,3

3,2

3,1

2,9

2,8

2,8

Irlande

10,5

10,7

8,2

7,5

7,1

7,1

Italie

2,9

2,9

2,8

2,5

2,7

2,7

Luxembourg

7,8

8,5

6,5

5,6

6,0

5,5

Pays-Bas

4,3

3,9

4,0

3,4

3,5

3,1

Autriche

3,5

3,2

2,9

2,5

2,8

2,6

Portugal

3,0

3,3

2,7

2,6

2,7

2,6

Finlande

4,8

5,7

4,3

4,0

3,8

3,6

Suède

4,0

3,6

3,7

2,7

3,2

3,0

Royaume-Uni

3,1

3,0

3,0

2,7

3,0

3,0

Union européenne

3,4

3,4

3,1

2,8

3,0

2,9

Zone euro

3,5

3,4

3,2

2,8

3,0

2,9

Etats-Unis

5,1

5,0

3,3

1,6

3,0

3,0

Japon

1,4

1,7

1,9

1,0

2,2

1,3

Source : Commission européenne, prévisions de printemps 2001.

Ainsi, l'OFCE et l'OCDE ont largement révisé à la baisse leurs prévisions de croissance concernant les Etats-Unis en 2001, les ramenant respectivement de 3,3 et 3,5% à 1,3 et 1,7%.

Par ailleurs, dans ses dernières perspectives économiques, l'OCDE indique que « dans l'ensemble de la zone [OCDE], la croissance devrait ralentir plus que prévu et n'atteindre que deux pour cent en 2001, soit la moitié du taux observé l'an dernier ».

S'agissant plus précisément de la situation économique de la zone euro, un consensus d'ensemble se manifeste également. En effet, l'OCDE comme l'OFCE et la Commission européenne estiment que la croissance en 2001 devrait être moins forte que prévu à l'automne, les prévisions passant respectivement de 3,1%, 3,3% et 3,2% à 2,6%, 2,6% et 2,8%. On remarquera la très grande similarité de ces estimations.

Le consensus se manifeste également s'agissant de la tendance générale : la croissance devrait accélérer au cours de 2001 et en 2002.

Ainsi l'OCDE estime, dans ses perspectives économiques précitées, que « les facteurs pesant sur l'activité devraient se dissiper au cours du présent semestre », la croissance dans la zone OCDE devant dès lors « se redresser l'an prochain à un rythme compris entre 2,5 et 3 pour cent ».

L'OFCE retient grosso modo la même hypothèse, jugeant que « la croissance mondiale ralentirait nettement à 3,1% en 2001 puis remonterait à 3,7% en 2002 ».

Selon l'OCDE, ces perspectives de reprise de la croissance reposent sur plusieurs facteurs :

« Les baisses de taux d'intérêt déjà décidées, des politiques budgétaires un peu plus expansionnistes et des prix du pétrole en baisse devraient stimuler la demande globale au cours des mois à venir. De plus, le rythme soutenu des gains de productivité aux Etats-Unis, si remarquable au cours de la deuxième moitié des années 90, donne à penser que le système économique pourrait être devenu durablement plus efficace, ce qui augmenterait les chances de voir le processus s'étendre à d'autres pays. Enfin, on ne constate aucun signe de reprise des tensions inflationnistes dans la majeure partie de la zone, de sorte que les autorités monétaires de la plupart des pays disposeront, en cas de besoin, d'une marge de man_uvre pour soutenir encore l'activité au cours de la période à venir ».

·  Ces prévisions reposent toutefois sur l'hypothèse d'une reprise rapide de l'activité aux Etats-Unis.

Intitulé Ralentissement américain, le point de conjoncture internationale publié en mars 2001 par la direction de la prévision décrit ainsi cette hypothèse de reprise :

« L'année 2001 serait alors caractérisée par un rebond de l'activité aux Etats-Unis au second semestre, dans l'hypothèse d'un succès de la stratégie de la Réserve fédérale. Le desserrement des contraintes d'accès au crédit et la stabilisation des cours boursiers devraient permettre un redémarrage graduel de l'économie. Les effets de richesse continueraient certes à s'atténuer, enrayant le mouvement à la baisse du taux d'épargne des ménages, mais les gains de pouvoir d'achat resteraient suffisamment soutenus pour éviter une décélération trop marquée de la consommation. Ainsi l'économie américaine repartirait sur un rythme de croissance annualisé de 2%, après la quasi-stagnation du début d'année. Au total, l'activité croîtrait de 1,7% en 2001, ce qui est très inférieur au rythme de croissance potentiel ».

Cet enchaînement correspond à l'un des deux scénarios envisagés par l'OFCE. Dans une hypothèse optimiste, ce scénario « dit en V, considère que les gains de productivité induits par les technologies de l'information et de la communication (TIC), l'essor de la demande de nouveaux biens de consommation et d'investissement et le retour du leadership américain en matière d'innovations technologiques sont bien réels : la croissance potentielle est passée de 2,25% l'an à 3,5%. Le ralentissement actuel correspond à une pause cyclique, facilement curable par un policy mix bien adapté ».

Il s'agit-là de la tendance moyenne anticipée. Toutefois, comme on le verra plus loin, des scénarios moins favorables ont également été envisagés par les instituts et organismes précités. Quoi qu'il en soit, même dans le cas où l'hypothèse optimiste serait validée dans les faits s'agissant de la croissance américaine, il est probable que l'écart de croissance entre les Etats-Unis et l'Union européenne s'inverserait en 2001.

En effet, le ralentissement de l'activité américaine devrait davantage affecter les économies asiatiques que celles des Etats membres de l'Union européenne. Comme le note l'INSEE dans sa note de conjoncture de mars 2001, « malgré le repli de la demande mondiale qui lui est adressée, l'activité de la zone euro resterait dynamique. Les effets du ralentissement de l'économie américaine via sa transmission au commerce mondial seront étalés et la vigueur de la demande intérieure permettrait à l'activité de résister à l'essoufflement des exportations au premier semestre de 2001. »

Une étude de l'INSEE publiée dans la note précitée indique en effet qu'en dépit du développement des échanges internationaux, les économies européennes et américaines ne sont pas aussi interdépendantes qu'on pourrait le croire. Ainsi, le degré d'ouverture de la zone euro reste relativement limité, avec 16,6% de son PIB exporté. Sur ce total, seuls 16,9% sont destinés aux Etats-Unis. S'agissant de la France, ces échanges sont très centrés sur ses principaux partenaires européens. Toutefois, l'INSEE note que la simple prise en compte du degré d'ouverture est insuffisante et risque de conduire à une sous-estimation importante de l'effet du ralentissement américain. Ce dernier se traduit également et inévitablement par un effet indirect : « l'inflexion des exportations à destination du marché américain se traduira dans un premier temps par un tassement de l'activité chez les partenaires principaux des Etats-Unis (effet direct). Dans un second temps, en réponse à ce tassement, ces pays réduiront leurs importations, ce qui viendra amoindrir la demande qu'ils adresseront à leurs partenaires commerciaux. Ceux-ci connaîtront donc une inflexion de leur activité. Cette dynamique se répète à plusieurs reprises, l'effet du ralentissement américain se propageant comme un écho à l'ensemble de l'économie mondiale. »

L'INSEE a donc tenté d'évaluer ce double impact sur l'ensemble des économies. Le tableau reproduit ci-dessous récapitule l'effet d'une baisse de 1% de la croissance américaine.

IMPACT D'UNE BAISSE DE 1% DE LA CROISSANCE AMÉRICAINE

(en % du PIB)

 
 

Effet direct

Effet direct + Echo

Zone euro

- 0,07

- 0,20

Allemagne

- 0,08

- 0,21

Espagne

- 0,04

- 0,16

France

- 0,06

- 0,19

Italie

- 0,08

- 0,21

Europe occidentale hors zone euro

- 0,11

- 0,25

US

- 1,00

- 1,13

Mexique

- 0,72

- 0,84

Canada

- 0,75

- 0,88

Japon

- 0,14

- 0,24

Asie hors Japon

- 0,28

- 0,39

Amérique latine

- 0,16

- 0,23

PECO

- 0,06

- 0,19

Océanie

- 0,01

- 0,19

Source : INSEE.

On constate que l'effet indirect est important et peut aboutir, dans les pays de la zone euro, à un doublement, voire un triplement, de l'impact dû à l'exposition directe. La croissance de la zone euro baisserait ainsi de 0,2% à la suite d'un tel choc sur la croissance de la zone américaine. Selon l'INSEE, l'inflexion serait du même ordre de grandeur en France, en Allemagne et en Italie, même si la France serait très légèrement moins touchée, du fait d'une orientation un peu plus favorable de son commerce extérieur.

Malgré les effets défavorables du ralentissement américain, la croissance de la zone euro devrait rester soutenue, sous l'effet de facteurs internes.

Tout d'abord, la consommation des ménages devrait rester assez soutenue. La Commission européenne évalue son augmentation en 2001 à 2,75%, notamment en raison d'un effet de « récupération » du pouvoir d'achat perdu lors de la brusque montée des prix des produits pétroliers en 2001. Par ailleurs, comme le note l'OFCE, les corrections boursières devraient avoir globalement peu d'impact sur les ménages. La détention d'actions restant faible et concentrée, il paraît peu envisageable que se reproduise un « effet de richesse » - ou plutôt, en l'espèce, d'appauvrissement - similaire à celui pouvant affecter une partie des ménages américains.

Le pouvoir d'achat devrait être soutenu par les créations d'emplois. Ainsi, la Commission européenne indique que, même si ces créations ne seront pas aussi nombreuses en 2001 et 2002 que durant les deux années précédentes, l'accroissement net de l'emploi restera probablement supérieur à 1% par an. Cela devrait représenter, pour les deux exercices visés par la prévision, de l'ordre de 3,8 millions d'emplois supplémentaires (contre 5 millions en 1999 et 2000). En conséquence, le taux de chômage au sein de l'Union devrait être ramené à 7,3% en 2002 (7,9% dans la zone euro). Le pouvoir d'achat des ménages devrait bénéficier des baisses d'impôts, opérées en particulier en Allemagne, en France et en Italie. La direction de la prévision estime ainsi qu'au total, les baisses d'impôts au sein de la zone euro représenteraient 0,6 point de PIB en 2001.

La Commission européenne note que l'inflation a marqué un pic en novembre 2000 et devrait se réduire, dans la mesure où les prix des produits pétroliers resteraient modérés et où l'euro connaîtrait une appréciation progressive. Selon elle, le taux d'inflation pourrait descendre en dessous de 2% durant le second semestre 2001 et rester sous cette barre en 2002. Dans sa note de conjoncture précitée, l'INSEE rejoint cette analyse et estime que « l'ensemble de ces facteurs se conjugueraient pour permettre une accélération du pouvoir d'achat au premier semestre de 2001 et entraîner un net rebond de la consommation. Cette accélération des achats, attendue de façon relativement homogène dans les pays de la zone euro, est en outre confortée par le haut niveau atteint par la confiance des ménages dans un contexte de baisse du chômage. Au premier semestre de 2001, la consommation des ménages européens s'établirait sur une pente annualisée proche de 3% ».

L'investissement des entreprises serait quant à lui porté par ces meilleures perspectives de demande interne à la zone euro. L'OFCE note ainsi que « l'investissement porterait un peu plus la marque d'un effet « désillusion », issu de la chute des valeurs de TIC, mais resterait un élément moteur de la croissance du fait de la baisse de la fiscalité, de la facture énergétique et de la modération des coûts salariaux ».

Ces perspectives de reprise de l'investissement reposent pour partie sur les anticipations relatives à la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE).

Selon l'OFCE, la prise en considération des différents facteurs favorables permet d'estimer qu'après un infléchissement à 2,6% de la croissance de la zone euro, un rebond à 2,9% en 2002 peut être espéré. Il estime que : « Ce scénario serait encore consolidé par un policy mix plus satisfaisant et concerté, la BCE soutenant la croissance et les gouvernements ne mettant pas en place des politiques budgétaires restrictives ».

Dans ses perspectives économiques de mai dernier, l'OCDE estime que la croissance dans la zone euro devrait rester satisfaisante, sous réserve que l'économie mondiale ne s'affaiblisse pas plus que prévu et en indiquant que « cette analyse est fondée sur l'hypothèse d'une certaine détente de la politique monétaire au cours des mois à venir ». En effet, l'OCDE précise que : « Le raffermissement du taux de change de l'euro depuis novembre et la baisse des prix du pétrole, conjugués au moindre dynamisme de l'environnement international, devraient réduire les tensions inflationnistes à court terme. De plus, même si l'on prévoit que le retard de demande sera comblé au cours de la période de prévisions, les réformes structurelles passées et le développement des nouvelles technologies pourraient accroître la capacité productrice de l'économie et atténuer les pressions internes sur les prix. Etant donné la faiblesse des tensions inflationnistes, la politique monétaire pourrait être plus nettement assouplie si le ralentissement de la croissance devait s'accentuer ».

On notera que cette analyse a été publiée avant la décision de la BCE du 10 mai dernier annonçant une baisse de 0,25 point du pourcentage des trois principaux taux d'intérêt. Lors de la conférence de presse qui s'est tenue le même jour, le Président de la BCE a indiqué que cette réduction s'expliquait par un ajustement à la diminution des pressions inflationnistes à moyen terme.

Le principal taux de la BCE est donc désormais fixé à 4,5%. On rappellera que la Réserve fédérale américaine a, quant à elle, baissé à cinq reprises ses taux, les ramenant de 6,5% le 3 janvier dernier à 4% le 15 mai. Les effets de la décision de la BCE sur la croissance ne pourront toutefois être perceptibles qu'avec un décalage de plusieurs mois. Cette décision est intervenue sûrement un peu tard, ne pouvant soutenir l'activité au moment du ralentissement anticipé pour le premier semestre. Compte tenu du délai de transmission des décisions de politique monétaire sur l'activité économique, il ne faut guère espérer de retombées de cette décision avant l'automne.

Même si les prévisionnistes cités ont retenu un scénario plutôt favorable, tous insistent sur l'ampleur des incertitudes et la fragilité des hypothèses retenues.

·  Les titres mêmes des publications récentes sont à cet égard évocateurs : « Après la bulle... » pour l'OFCE (5), « Nuages à l'Ouest » pour l'INSEE (6)...

Dans ses perspectives économiques précitées, l'OCDE souligne que les risques pesant sur la croissance ne sont pas négligeables. Ainsi, « la projection centrale est relativement optimiste, et les perspectives économiques pourraient manifestement se révéler moins favorables que prévu ». En effet, si la correction boursière devait se poursuivre, la demande totale serait plus fortement affectée et « c'est, semble-t-il, aux Etats-Unis qu'une telle évolution risquerait le plus de se produire, pays où le secteur de la haute technologie est particulièrement développé et où les cours boursiers jouent un plus grand rôle, mais le mouvement pourrait aussi gagner d'autres régions par le biais d'une baisse du cours des actions ou, plus généralement, d'une dégradation de la confiance ».

Dans la mesure où cette menace se concrétiserait, le ralentissement dans la zone de l'OCDE serait nettement plus accentué et « la politique monétaire pourrait devoir devenir nettement plus accommodante ».

L'OFCE a également étudié une telle éventualité. Partant du constat que la plus grande incertitude vient des Etats-Unis, outre son scénario dit en « V » précédemment exposé, il a également décrit un scénario alternatif, dit en « L », qui suppose que « la « nouvelle économie » a provoqué l'émergence d'une bulle réelle et financière. Des anticipations excessives de rentabilité et de croissance élevées dues à l'utilisation des TIC ont dopé l'investissement et conduit à des surcapacités que le ralentissement va faire apparaître. De même, l'irréalisme des hausses de profit anticipées au cours des dernières années rend inévitable une forte chute de la Bourse pour ramener le PER à un niveau soutenable. L'économie américaine entre dans une phase prolongée de marasme, en raison d'une forte hausse du taux d'épargne des ménages et d'une baisse de l'investissement. Le dollar baisse fortement quand les marchés cessent d'escompter de forts profits aux Etats-Unis. Cette baisse propage la récession américaine à l'échelle mondiale ».

Les facteurs de risque ne sont pas exclusivement d'ordre boursier. La direction de la prévision note ainsi que, parmi les aléas qui pèsent sur les prévisions, figurent les déséquilibres importants que sont le déficit extérieur américain et le déficit public japonais. La Commission européenne souligne d'ailleurs qu'en cas de chute des marchés financiers, l'importance du déficit américain pourrait ajouter à la baisse des échanges commerciaux une instabilité financière internationale, même si l'expérience de la crise des marchés émergents en 1997 et 1998 a montré que la demande domestique européenne était relativement à l'épreuve des chocs et que des réponses adaptées pouvaient être mises en _uvre face à de telles crises.

Le maintien de la demande interne dans la zone euro suppose toutefois que l'hypothèse d'une stabilisation du prix du baril de pétrole à un niveau proche des cours actuels soit vérifiée. Si le pilotage de la production mis en _uvre par l'OPEP ne fonctionnait pas, l'INSEE estime qu'« une volatilité accrue des prix du pétrole ne [pourrait pas] être exclue ».

Dès lors, le principal ressort de la reprise européenne pourrait être affecté, y compris en France, où la demande intérieure soutenue constituerait, en l'absence de choc, un puissant facteur de croissance.

2.- Une croissance française qui devrait être légèrement supérieure à celle du reste de la zone euro, même si les données les plus récentes indiquent un ralentissement peut-être plus fort que prévu

_  Dans sa note de conjoncture publiée en mars 2001, l'INSEE indique que : « le scénario à l'_uvre dans l'ensemble de la zone euro est valable dans ses grandes lignes pour la France. Néanmoins, le rebond de la consommation devrait y être plus marqué, grâce à une accélération du revenu des ménages un peu plus prononcée et un peu plus précoce. Cette vigueur de la demande intérieure permettrait à la croissance française de s'inscrire au premier semestre sur une pente annuelle supérieure d'environ ½ point à celle de la zone euro ».

L'OFCE partage ces vues. Certes, il a procédé à une révision à la baisse de ses anticipations de croissance en France pour 2001, les ramenant de 3,7% à 3%, tandis que, pour 2002, la progression de l'activité s'établirait à 3,3%.

Pour l'année 2001, sa prévision intègre un nouvel accroc à la croissance française, dû au ralentissement américain, combiné à une mauvaise situation japonaise et un ralentissement en Asie. L'OFCE estime que la croissance française serait affectée à hauteur d'un peu moins de 0,5 point, soit un ordre de grandeur comparable au choc externe de 2000 résultant de l'augmentation du prix du pétrole.

Il n'en reste pas moins qu'en 2001, et plus encore en 2002, « la phase de croissance forte se poursuivrait et entamerait sa cinquième année, alors qu'elle n'avait duré que 3 ans lors de l'expansion précédente ».

La Commission européenne est, quant à elle, légèrement moins optimiste s'agissant des chiffres, même si la tendance anticipée est globalement la même. La croissance du PIB devrait rester légèrement en dessous de la barre des 3%, avec + 2,9% en 2001 et + 2,8% en 2002 (on rappellera que les prévisions d'automne tablaient, pour leur part, sur 3,1% et 2,8% respectivement). La Commission européenne souligne qu'historiquement, il s'agit de taux de croissance particulièrement hauts pour la France. Si la demande interne des ménages devrait soutenir l'activité, l'émergence progressive d'une contrainte d'offre pourrait toutefois freiner la croissance.

L'OFCE estime, pour sa part, que les contraintes d'offre ne devraient pas apparaître dans les deux années à venir, notamment en raison du ralentissement de la croissance, le débat sur cette question n'étant pas vidé de sa substance pour autant.

Cette contrainte ne devrait pas provenir d'un retard d'investissement. L'OFCE estime, en effet, que « l'effet d'accélérateur, conjugué aux évolutions technologiques qui favorisent l'acquisition de nouveaux équipements, et la situation financière des entreprises qui reste saine, induisent une forte croissance de l'investissement en 2001 et 2002. Le taux d'investissement atteindrait en 2002 un niveau record, à plus de 19% de la valeur ajoutée. Cela éviterait que l'insuffisance d'équipements ne pèse sur la production, d'autant que le taux et la durée d'utilisation continueraient à croître.

Si, comme on le pense, la demande et l'investissement restent dynamiques en 2001 et 2002, la poursuite de la croissance économique va dépendre essentiellement des conditions d'offre sur le marché du travail. Si les entreprises ne parviennent pas à embaucher, des tensions inflationnistes pourraient apparaître et la croissance serait ralentie ».

Dans les perspectives économiques 2001-2002 publiées en mars dernier par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, il est précisé que le maintien d'un rythme de croissance voisin de 3% suppose de continuer à élargir le potentiel d'offre de l'économie française, notamment en maintenant des conditions financières favorables à l'investissement.

Toutefois, ce ne sont pas ces préoccupations concernant la contrainte d'offre qui ont conduit le Gouvernement à réviser, à la baisse, lui aussi, les prévisions de croissance pour les deux années à venir.

Comme l'indique le tableau ci-après, pour 2001, les perspectives précitées ont ramené à 2,9% (pour une fourchette de 2,7% à 3,1%) la prévision moyenne de croissance pour 2001 (contre 3,3% à l'automne dernier). En 2002, la croissance serait un peu plus rapide, comprise entre 2,8% et 3,2%.

LA RÉVISION DES PRÉVISIONS DE CROISSANCE

(en points de PIB)

 

2000

2001

Croissance du PIB, rapport d'automne

3,4

3,3

Contributions à la révision

   

Environnement international et financier

   

Demande mondiale

0,1

- 0,2

Euro

0,1

- 0,1

Taux d'intérêt

0,0

0,2

Modifications de comportements modélisés

   

Importations manufacturées

- 0,4

- 0,4

Consommation des ménages

- 0,2

- 0,3

Investissement des entreprises

0,2

0,3

Emploi salarié marchand

0,0

0,1

Croissance du PIB, rapport de printemps

3,2

2,9

Source : Perspectives économiques 2001-2002, mars 2001.

On notera que, pour 2001, les prévisions de mars dernier réévaluent la contribution de l'investissement des entreprises à la croissance économique, de même que de celle de la progression de l'emploi salarié marchand.

_  Malgré cette prudence accrue des prévisions, un consensus semblait se manifester en début d'année s'agissant du dynamisme des facteurs internes soutenant la croissance.

Ainsi, selon l'INSEE, la progression de l'emploi resterait forte au premier semestre de 2001, avant de s'infléchir légèrement « notamment en raison d'une atténuation des effets de la RTT ». La réduction du chômage devrait se poursuivre. L'INSEE annonce un taux de chômage aux alentours de 8,5% de la population active fin juin et relève qu'il « [passerait] ainsi en dessous de son point bas de 1990 pour rejoindre un niveau inconnu depuis 1983 ». L'OFCE estime, lui aussi, que la réduction du chômage devrait se poursuivre, sous l'effet d'environ 400.000 créations d'emploi par an en 2001 et 2002. Selon elle, fin 2002, le taux de chômage atteindrait 7,6%, sans pour autant entraîner une reprise de l'inflation (estimée à 1,6% fin 2002).

Cette poursuite de la croissance du nombre d'emplois devrait contribuer à la progression du pouvoir d'achat des ménages et ce d'autant plus que, comme le relèvent les perspectives économiques publiées en mars dernier par le Gouvernement, « le redressement sensible du salaire moyen par tête compenserait [...] l'impact sur le revenu des ménages du ralentissement de l'emploi salarié ».

Un second facteur de soutien du pouvoir d'achat réside dans les baisses de prélèvements. Ainsi, après la baisse des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, celle de la taxe d'habitation et la suppression de la vignette automobile en 2000, d'autres baisses des prélèvements sont d'ores et déjà engagées ou votées pour 2001 (baisse du barème de l'impôt sur le revenu accompagnée du versement de la prime pour l'emploi en septembre, baisse des cotisations UNEDIC dès le 1er janvier).

Enfin, les prévisions d'inflation restent modérées. L'INSEE estime qu'au premier semestre 2001, le glissement annuel des prix à la consommation devrait fluctuer autour de 1,4%, l'inflation sous-jacente restant stable autour de 1,3%.

L'indice des prix à la consommation d'avril 2001 semble confirmer la relative modération de l'inflation. Ainsi, malgré une augmentation de 0,5% au mois d'avril, due à une nouvelle hausse des prix de l'alimentation et à un redressement des prix des produits pétroliers, l'évolution des prix à la consommation des ménages s'établit à 1,8% en glissement annuel. L'inflation sous-jacente progresse quant à elle de 0,2%, pour atteindre + 1,5% sur un an.

L'ensemble de ces facteurs doit contribuer au maintien d'une croissance de la consommation des ménages dynamique. De ce point de vue, les résultats pour avril 2001 font apparaître un repli des dépenses de consommation des ménages en produits manufacturés, avec - 0,8%, contre + 0,9% en mars, le premier trimestre 2001 ayant été particulièrement remarquable, avec une hausse de 1,3%, contre + 0,1% au cours du dernier trimestre 2000. En glissement annuel au mois d'avril, la progression de ces dépenses reste donc vive, avec + 3,2% pour l'ensemble des produits manufacturés et + 2,6% dans le seul champ du commerce.

S'agissant de l'investissement des entreprises, l'INSEE indiquait en mars dernier qu'« après avoir nettement accéléré au second semestre 2001, [il] devrait poursuivre sa progression soutenue ». Les perspectives économiques 2001-2002 précitées considèrent également que, grâce à des perspectives de demande et des conditions monétaires et financières favorables, l'effort d'équipement des entreprises devrait rester conséquent, particulièrement dans l'industrie (+ 9%, contre + 11% en 2000). Les résultats les plus récents publiés en la matière pourraient inciter à un optimisme nettement plus mesuré, comme on le verra plus loin.

_  A l'image des prévisions pour l'ensemble de l'OCDE ou de la zone euro, ces prévisions sont en effet susceptibles d'être remises en cause en raison de plusieurs incertitudes.

Les perspectives économiques 2001-2002 précitées ne négligent pas les risques baissiers qui entourent le scénario retenu, mais insistent sur le fait que le principal risque provient de l'environnement international et, surtout, américain. Le rapport précise que, pour le reste, « la prévision pour la France apparaît relativement prudente : elle ne fait jouer qu'un rôle stimulant modeste au facteur « nouvelles technologies » en ce qui concerne l'investissement des entreprises. Elle prévoit une stagnation de l'investissement logement des ménages. Elle suppose enfin le maintien du taux d'épargne des ménages à un niveau relativement élevé ».

L'OFCE a pour sa part relevé trois sources d'inquiétudes. La première réside également dans l'hypothèse d'un ralentissement américain plus grave que prévu, affectant la confiance des entreprises et des consommateurs. La seconde touche à la situation du secteur des télécom, qui pourrait « connaître des enchaînements semblables à ceux constatés dans les secteurs de nouvelles technologies aux Etats-Unis. Des anticipations moins favorables alimentées par des progressions moins franches des ventes pourraient miner les valorisations des entreprises et faire apparaître des fragilités dans les bilans qui grèveraient les possibilités d'investissement ».

Enfin, l'OFCE s'interroge sur le potentiel de baisse du chômage. Il juge, en effet, que : « l'économie française est entrée dans la phase de la croissance où, sans une baisse de chômage d'équilibre, les tensions inflationnistes vont s'amplifier. La lutte contre l'inflation pourrait alors interrompre la baisse du chômage. La conséquence sur l'économie française serait plus importante qu'un ralentissement américain ».

Les comptes nationaux pour le premier trimestre 2001, publiés le 23 mai dernier par l'INSEE (7), font apparaître un ralentissement plus important que prévu de l'activité. Le PIB a ainsi crû de 0,5%, contre + 0,8% lors du dernier trimestre 2000. L'acquis de croissance pour 2001 s'élève à 1,6%. L'élément le plus préoccupant expliquant ce ralentissement tient au brusque freinage de la FBCF, laquelle passe d'une croissance de + 2,3% lors du dernier trimestre 2000, à + 0,7% au cours du premier trimestre 2001. En effet, la FBCF des entreprises est passée, pour les mêmes périodes, de + 3,2% à + 0,4%. Si cet accroc à la dynamique anticipée de l'investissement était confirmé par la suite, c'est une part substantielle de la demande interne qui pourrait être affectée et, en définitive, la croissance elle-même. En effet, la capacité de résistance de la croissance française aux chocs extérieurs ces dernières années a largement reposé sur le dynamisme de la demande interne, tant du point de vue de la demande des ménages que de l'investissement des entreprises.

II.- POURSUIVRE UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE RÉALISTE ET DYNAMIQUE
AU SERVICE DE L'EMPLOI

A.- UN TASSEMENT PROBABLE DES RECETTES

1.- Le dynamisme spontané des recettes pourrait ralentir en 2001 et en 2002

Comme l'an dernier, votre Rapporteur général a présenté au début de cette année, un premier bilan de l'exécution du budget 2000 (8), auquel on pourra se référer concernant le détail des produits des différentes recettes fiscales et non fiscales, ainsi que les résultats d'exécution des comptes spéciaux du Trésor.

Les recettes fiscales nettes en 2000 se sont élevées à 1.574,60 milliards de francs (240,05 milliards d'euros) soit une progression de 0,57% par rapport au résultat d'exécution du budget 1999. En 1999, la progression des recettes fiscales nettes par rapport à l'année précédente avait été de 7,8%.

Dans la loi de finances pour 2001, l'évaluation des recettes fiscales nettes a été basée sur une évaluation révisée des recettes pour 2000 de 1.585,2 milliards de francs (241,66 milliards d'euros). Par rapport au résultat d'exécution de l'année 2000 (1.574,6 milliards de francs), un effet de base négatif de 10,6 milliards de francs, dû à une surestimation des recettes 2000, devrait se répercuter sur le produit des recettes en 2001. En réalité, cet effet de base est plutôt de - 13,8 milliards de francs en raison d'une somme de 3,15 milliards de francs qui est venue gonfler artificiellement les recettes 2000 du fait de la décision du Conseil constitutionnel qui n'a pas permis l'affectation de cette somme au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

Par ailleurs, la loi de finances 2001 a été élaborée sur la base d'un taux de croissance du PIB compris dans une fourchette allant de 3 à 3,6% et les prévisions de recettes ont été calculées sur une hypothèse médiane de 3,3%.

Comme il a été précédemment indiqué, le ministère de l'économie des finances et de l'industrie a annoncé, au mois de mars, qu'il abaissait sa prévision de croissance à 2,9% en 2001 au lieu de 3,3%.

Même minime, cette modification du cadrage macro-économique devrait avoir un effet sur les prévisions de recettes de l'Etat en 2001 et probablement aussi en 2002.

L'élasticité des recettes fiscales au PIB dépend, notamment, des conditions de formation de la croissance et de l'évolution de ses différents moteurs (consommation, investissement, exportations...).

Dans le rapport économique social et financier associé au projet de loi de finances pour 2001, le Gouvernement prévoyait un recul de l'élasticité des recettes au PIB (rapport entre le taux de croissance des recettes à législation constante et le taux de croissance du PIB en valeur) en 2000 et 2001. Ce recul viendrait paradoxalement de l'impôt sur les sociétés. Le dynamisme des recettes de l'impôt sur les sociétés en 1999 reflétait la forte accélération de la croissance de l'assiette, c'est-à-dire les bénéfices fiscaux, mais résultait, surtout, de l'effet accélérateur du mode de recouvrement par acomptes et soldes et de l'épuisement des déficits reportables. L'élasticité des recettes fiscales au PIB qui devait atteindre un niveau proche de 1,9 en 2000 a été ramenée à 1,4 en 2001. Les prévisions de recettes de TVA ont été calculées, pour leur part, sur la base d'un recul encore plus net de l'élasticité de l'assiette taxable au PIB (0,9 en 2001 contre 1,2 en 2000).

Aujourd'hui, le Gouvernement estime que l'élasticité des recettes fiscales au PIB devrait atteindre 1,8 en 2001 mais seulement 1,2 en 2002 en raison du tassement de la croissance spontanée de l'impôt sur les sociétés prévisible en 2002.

En 2001, le léger ralentissement de la croissance affecterait essentiellement les rentrées de TVA mais l'évolution favorable des revenus des ménages en 2000, soutenus par le dynamisme de l'emploi, et les excellents résultats enregistrés par les entreprises devraient permettre encore une certaine compensation.

Si l'on retient le nouveau taux d'élasticité de 1,8, le taux de progression spontané des recettes fiscales en 2001, hors impact de toute mesure fiscale, devrait être de l'ordre de 7,9% (sur la base d'un taux de croissance en volume de 2,9% et en valeur de 4,4%), au lieu de 6,6% initialement prévu.

Dans cette hypothèse, il n'y aurait pas lieu de prévoir, malgré l'effet de base négatif, une moins-value des recettes fiscales en 2001, au-delà de la diminution de 53 milliards de francs (8,08 milliards d'euros) prévue dans la loi de finances initiale.

Les produits des différentes recettes enregistrés au 3 mai dernier sont très contrastés mais globalement en retrait par rapport à ces prévisions.

Au 3 mai 2001, l'ensemble des recettes fiscales du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements, est en baisse de 0,2% par rapport aux recouvrements constatés à la même époque en 2000. Les recettes non fiscales, hors FSC, sont pour leur part en progression de 7,7%.

Au 3 mai 2001, le solde général d'exécution du budget de l'Etat est de
- 190,37 milliards de francs (- 29,02 milliards d'euros) contre - 161,64 milliards de francs (- 24,64 milliards d'euros) au 4 mai 2000. Le déficit est donc supérieur de 28,7 milliards de francs au niveau atteint à la fin des quatre premiers mois de l'année 2000. Il est cependant impossible d'en déduire une tendance pour l'ensemble de l'année 2001 en raison des rythmes différents d'exécution d'une année sur l'autre, en particulier de certaines dépenses d'investissement. C'est le cas pour les dépenses militaires en capital dont les paiements particulièrement faibles en 2000 ont été beaucoup plus élevés au début de l'année 2001.

●  L'impôt sur les sociétés, net des restitutions, dont le produit total devrait progresser de 9,8%, est en hausse de 16,5%. On rappellera que le premier acompte de cet impôt est versé en mars.

●  Les recouvrements d'IR, pour lesquels une baisse de 0,7% par rapport à l'évaluation révisée de 2000 est prévue sur l'année 2001, ont progressé de 3,6% par rapport au 4 mai 2000, étant précisé que les prélèvements mensuels et les tiers provisionnels n'intègrent pas les effets de la baisse des taux.

●  La TIPP, évaluée en baisse de 0,2% en 2001, chute de 11%.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie explique cette situation par deux facteurs qui jouent dans le même sens. Une moins-value d'environ 3 milliards de francs (0,46 milliard d'euros), résulterait de la mise en place du mécanisme de « TIPP flottante » et du bonus fiscal ayant conduit à une baisse de 16,1 centimes par litre (TVA comprise), ce coût étant en partie compensé par un supplément de TVA induit par les cours élevés des carburants depuis le début de l'année. En second lieu, la baisse de 30% de la fiscalité sur le fioul domestique, introduite par la loi de finances initiale pour 2001 pèse sur les recouvrements des trois premiers mois de l'année pour 750 millions de francs (114,34 millions d'euros).

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souligne également la relative atonie de la consommation de carburants observée depuis le début de l'année, probablement en raison du maintien des prix pétroliers à un niveau élevé, la part du diesel dans l'ensemble de la consommation de carburants étant, elle, en progression.

●  Les recettes nettes de TVA devraient progresser, selon les prévisions de la loi de finances initiale, de 3,3%. L'INSEE, de son côté, prévoit dans sa note de conjoncture de mars 2001, une progression de 2,6% en moyenne semestrielle sous l'effet de l'accélération des dépenses de consommation des ménages.

Au 3 mai 2001, elles sont en recul de 10,7 milliards de francs, soit - 4,53% par rapport aux recettes cumulées au 4 mai 2000. Il convient, cependant de rappeler que la baisse d'un point du taux normal de TVA est entrée en application le 1er avril 2000 et qu'en conséquence, les recouvrements du premier trimestre 2000 ont été effectués sur la base d'un taux supérieur à ceux du premier trimestre 2001. Le coût en année pleine de cette mesure a été estimé à 31 milliards de francs (4,73 milliards d'euros) selon les prévisions de la loi de finances pour 2001 et son impact mensuel moyen serait donc de 2,6 milliards de francs (0,40 milliard d'euros). Cette approximation se rapproche du recul de 10,7 milliards de francs (1,63 milliard d'euros) constaté ci-dessus.

●  En revanche, les recettes non fiscales, hors FSC, affichent un résultat en hausse de 7,7% par rapport à la même période de 2000, alors qu'un versement de 5 milliards de francs (0,76 milliard d'euros), correspondant à un report de 1999, avait été effectué par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) au cours du premier trimestre 2000, ce qui ne s'est pas reproduit en 2001. La progression des recettes non fiscales nettes en 2001 a été évaluée à 5,8%.

Cette indication doit être prise avec prudence dans la mesure où le profil infra-annuel des recettes non fiscales est très sensible aux recettes telles que le versement de dividendes, les reversements de la COFACE, les prélèvements sur les fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations et les diverses recettes exceptionnelles. En réponse à une question de votre Rapporteur général, le Gouvernement a indiqué que les résultats connus à ce jour des entreprises à participation publique, comme ceux de la COFACE et ceux des fonds d'épargne, montrent que les prévisions de la loi de finances relatives à ces divers produits, seront atteintes en 2001.

2.- Des baisses d'impôts sans précédent contribuant à la réduction des prélèvements obligatoires et au soutien à l'économie

La nette amélioration des finances publiques qui résulte de la maîtrise des dépenses, de la baisse des taux d'intérêt et surtout de la reprise de la croissance a rendu possible un allégement de grande ampleur de la pression fiscale.

Les mesures prises en 2000 et 2001 aboutissent à une réduction des impôts et des cotisations sociales équivalant à plus d'un point de PIB entre 1999 et 2001, dont environ 53 milliards de francs (8,08 milliards d'euros) de réduction d'impôts en 2001. Compte tenu des mesures décidées antérieurement (TVA, réductions des cotisations sociales patronales), les baisses prévues de 1999 à 2003 atteindraient 277 milliards de francs (38,11 milliards d'euros) selon les prévisions de l'OFCE effectuées en 2000.

Ces baisses concernent, pour 60%, les grands impôts nationaux (TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés) et, pour 40%, la fiscalité locale (taxe professionnelle, droits de mutation, taxe d'habitation, vignette pour les véhicules des particuliers).

Le Gouvernement prévoit de poursuivre les réductions des prélèvements obligatoires en 2002 et 2003 tout en les atténuant [baisse d'environ 40 milliards de francs (6,10 milliards d'euros) en 2002 et de 30 milliards de francs
(4,57 milliards d'euros) en 2003].

Les seules réductions significatives effectuées depuis le début des années 1980 ont été pratiquement de deux fois inférieures : 0,5 point de PIB en 1987 et 0,6 en 1988. En 1999, le taux de prélèvements obligatoires avait atteint le niveau record de 45,7% du PIB malgré des baisses d'impôts équivalant à 0,3 point de PIB, l'augmentation spontanée des recettes ayant été supérieure à un point de PIB. Ce niveau devrait retomber à 44,4% en 2001.

Le tableau suivant fait apparaître les prélèvements obligatoires reçus par les administrations publiques en 1999 et les augmentations spontanées de chaque prélèvement en 2000 et celles prévues en 2001.

PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES REÇUS PAR LES ADMINISTRATIONS

 

1999

Taux de croissance spontané (en %)

 

En milliards de francs

En points
de PIB

2000

2001

TVA

646

7,3

2,5

2,6

Impôts sur les produits et la production

764

8,7

1,8

2,1

Impôt sur le revenu des ménages

740

8,4

3,1

2,6

Impôt sur les sociétés

229

2,6

4,5

5,9

Cotisations sociales reçues dont :

1.462

16,6

2,8

3,0

- cotisations employeurs

1.016

11,5

1,9

2,3

- cotisations salariés

351

4,0

4,4

4,9

Sources : Comptes nationaux, prévisions OFCE.

Les baisses de la pression fiscale et des cotisations patronales ont été compensées, en 1999, par le dynamisme spontané des recettes fiscales et sociales, les premières soutenues par une élasticité à la croissance très élevée et les secondes par la vigueur de la masse salariale.

En 2000, le taux de prélèvements obligatoires a atteint 45,2 points de PIB, soit le niveau prévu dans le Rapport économique et financier associé au projet de loi de finances 2001. Mais ce taux restait néanmoins supérieur aux 44,7% prévus dans le rapport déposé au printemps 2000 par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire pour 2001.

La baisse du ratio (impôts + cotisations sociales)/PIB n'a pas été aussi nette que prévu tout simplement parce que le dénominateur « PIB » n'a pas progressé en valeur au niveau attendu (4% au lieu de 4,6%). De plus, les prélèvements obligatoires se sont révélés, en 2000 comme en 1999, plus dynamiques que prévu malgré les allégements d'impôt supplémentaires, intervenus au second semestre 2000 avec le collectif de printemps.

Le tableau suivant détaille l'impact des mesures nouvelles qui n'étaient pas intégrées aux projections associées au débat d'orientation budgétaire 2000 : les allégements d'impôts décidés au second semestre ont globalement contribué à une baisse des montants des prélèvements obligatoires de 18,7 milliards de francs, soit une contribution à l'écart sur le taux de prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB.

MESURES NOUVELLES NON PRISES EN COMPTE LORS DU DOB 2000

(en milliards de francs)

Impact TVA autoroutière

- 2,0

Dispositif de stabilisation de la fiscalité pétrolière (incidence TIPP + TVA)

- 2,9

Baisse fioul domestique (incidence TIPP + TVA)

- 0,9

Remboursement TIPP divers

- 0,9

Suppression partielle de la vignette automobile

- 10,2

Total

- 16,9

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
projet de loi de finances 2001 - Direction du budget.

L'impact de l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires s'élève à 54,1 milliards de francs. Le tableau ci-dessous permet de mieux comprendre ce phénomène à la base de l'écart entre le taux attendu et le taux constaté en 2000.

DÉCOMPOSITION DU SURCROÎT D'ÉVOLUTION SPONTANÉE DE RECETTES
PAR SOUS-SECTEUR DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en milliards de francs)

 

Projections associées au DOB 2000

Réalisation 2000

Ecart à expliquer (1)

Impact des mesures nouvelles (2)

Ecart spontané (3) = (1) - (2)

ETAT

1.555,6

1.576,9

21,3

- 6,7

28,0

APUL

484,7

477,9

- 6,8

- 10,2

3,4

ASSO

1.956,7

1.973,8

17,1

 

17,1

ODAC

73,6

74,7

1,1

 

1,1

UE

52,9

57,4

4,5

 

4,5

Total

4.123,5

4.160,7

37,2

- 16,9

54,1

Source : Direction de la Prévision.

Selon le Gouvernement, en réponse à une question posée par votre Rapporteur général, l'écart sur les prélèvements obligatoires de l'Etat, soit 28 milliards de francs, ne constitue par une surprise et était déjà intégré dans les projections associées au projet de loi de finances pour 2001. Le projet de loi de finances révisait, d'une part, les recettes fiscales nettes de l'Etat de + 42 milliards de francs à législation et champ constants, et, d'autre part, les recettes non fiscales à la baisse de 15 milliards de francs. La révision globale des recettes de l'Etat atteignait ainsi + 27 milliards de francs. Au total, la réalisation du niveau de prélèvements obligatoires de l'Etat confirme donc bien globalement les projections associées au projet de loi de finances pour 2001.

S'agissant des administrations de sécurité sociale (ASSO), le surcroît effectif de recettes représente 7 milliards de francs : en effet, sur les 17,1 milliards de francs d'écart constaté, une grande partie (10 milliards de francs) est imputable à un effet « base » qui découle de la révision par l'INSEE des données pour 1999, point de départ des projections. (La projection associée au DOB 2000 était construite sur le compte provisoire 1999 ; le compte provisoire 2000 est construit à partir du compte semi-définitif 1999).

Le tableau ci-après retrace de façon synthétique les contributions des différents facteurs à l'écart constaté entre le taux de prélèvements obligatoires évoqué lors du débat d'orientation budgétaire du printemps 2000 (44,7%) et le taux effectif enregistré à l'issue de l'année 2000 (45,2%).

CONTRIBUTION DES DIFFÉRENTS FACTEURS À L'ÉCART CONSTATÉ ENTRE LE TAUX DE PO DU DOB 2000 ET LE TAUX DE PO ENREGISTRÉ À L'ISSUE DE L'ANNÉE 2000

Ecart (en point de PIB)

+ 0,5

 

Dont :

+ 0,5

Evolution spontanée des recettes

 

+ 0,1

Effet base 1999

- 0,2

Impact des mesures nouvelles

+ 0,1

Révision du niveau du PIB

Source : Direction de la Prévision.

La diminution du taux de prélèvements obligatoires devrait se poursuivre en 2001 et en 2002. Au total, les allégements fiscaux et sociaux votés pourraient, selon le Gouvernement, représenter 2,2 points de PIB entre 1997 et 2002.

EVOLUTION DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DEPUIS 1997

(en % du PIB)

Année

Taux de PO après mesures nouvelles

Taux de PO spontané

1997

44,9

44,7

1998

44,8

44,3

1999

45,6

45,4

2000

45,2

46,0

2001

44,8

46,3

2002

44,5

46,7

Source : D'après le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire.

La poursuite de cette politique d'allégement est à l'évidence conditionnée par le maintien d'une croissance solide et par une gestion attentive et maîtrisée des dépenses.

Il faut également mentionner la prime pour l'emploi dont la création a été adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 15 mai dernier et qui devrait permettre une redistribution de l'ordre de 8,5 milliards de francs (1,30 milliard d'euros) en 2001 en direction des salariés qui se situent dans la tranche de salaires inférieure à 1,4 fois le SMIC.

L'ensemble de ces mesures, qui devraient permettre de ramener la part des prélèvements obligatoires dans le PIB de 45,7% en 1999 à 43,8% en 2004, modifie sensiblement la structure de ces prélèvements, d'abord au profit des actifs les moins bien rémunérés, même si des ménages à hauts revenus en bénéficient aussi.

Avec le retour de la croissance et le dynamisme des rentrées fiscales, le débat s'est ouvert sur l'utilisation des recettes nouvelles. Trois orientations étaient possibles : accélérer la réduction du déficit pour désendetter plus rapidement l'Etat, augmenter les dépenses en direction de certains services publics et des personnes les plus en difficulté, réduire les impôts.

En fait le Gouvernement, avec le soutien de sa majorité, a combiné ces trois orientations en mettant l'accent sur la dernière dans la loi de finances pour 2001.

Il n'est pas inutile de revenir rapidement sur les raisons de ces choix et sur leurs effets qui devraient se prolonger sur plusieurs années.

Le programme pluriannuel des finances publiques de la France pour la période 2002-2004, présenté en janvier 2001 à la Commission européenne, prévoit le retour à l'équilibre des finances publiques en 2004. A cette date, la dette publique représenterait 53% du PIB, ce qui constituerait un allégement de près de 70 milliards de francs (10,67 milliards d'euros) des charges de la dette.

Cet objectif peut être atteint sans précipitation.

Le solde budgétaire de l'Etat s'améliore nettement et régulièrement depuis 1997 et il a été encore réduit de 15 milliards de francs (2,29 milliards d'euros) en 2000. Les comptes des régimes de protection sociale et des administrations publiques locales sont redevenus excédentaires depuis 1999 et, en 2001, le déficit de l'ensemble du secteur public devrait se situer aux alentours de 1% du PIB. Le tableau ci-après rappelle l'évolution des grands indicateurs de finances publiques depuis 1995. On notera qu'en 2001, la part des dépenses publiques dans le PIB recule pour la cinquième année consécutive.

INDICATEURS DE FINANCES PUBLIQUES

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

En points de PIB

             

Dépenses publiques

55,2

55,5

55,0

54,0

53,9

53,1

51,8

Prélèvements obligatoires

43,7

44,8

44,9

44,9

45,7

45,1

44,4

Recettes non fiscales

6,0

6,6

7,0

6,4

6,4

6,4

6,4

Solde administrations publiques

- 5,6

- 4,1

- 3,0

- 2,7

- 1,8

- 1,5

- 1,1

Taux de croissance en volume

             

Dépenses publiques

2,4

1,6

0,9

1,5

2,6

1,8

1,3

Sources : Comptes nationaux, prévisions OFCE.

Il est donc pertinent de vouloir maintenir sans l'accélérer le rythme d'assainissement des finances publiques en continuant à réduire régulièrement et progressivement les déficits publics.

L'augmentation des dépenses visant à répondre à certains besoins collectifs non satisfaits au cours des années de croissance faible (la ville, l'environnement, l'éducation, la justice, la recherche, la sécurité) et à augmenter la solidarité en direction des plus défavorisés doit également être prise en compte en période de reprise.

La réponse apportée est là aussi équilibrée. L'objectif fixé dans le plan pluriannuel de progression des dépenses de l'Etat de 1% en volume d'ici 2004 est incontournable compte tenu des difficultés propres à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. La France s'est, en effet, engagée à respecter une progression globale des dépenses de l'ensemble des administrations publiques de 4,5% en volume au cours des années 2002-2004. Il ne s'agit pas, là non plus, de se soumettre à un diktat mais de favoriser une politique monétaire souple et de contribuer à renforcer la cohérence économique de la zone euro. Cet objectif doit être atteint sans renoncer à répondre aux besoins les plus légitimes ni à persévérer dans la voie des réformes à condition cependant d'exercer un examen très rigoureux de la justification de la dépense et de l'efficacité de ses résultats et de réaliser les indispensables redéploiements des moyens humains et matériels. Enfin, il faut activer au maximum les dépenses notamment sociales en favorisant toujours le retour à l'emploi.

La défense de l'emploi est précisément au c_ur de cet équilibre délicat et la priorité accordée aux baisses d'impôts en est un corollaire.

Une politique de baisse d'impôts peut ne pas être sans inconvénient et son impact économique ne pas être absolument assuré. On a pu soutenir, notamment, que l'effet multiplicateur des baisses d'impôts sur la demande serait moindre qu'une augmentation des dépenses publiques. Une partie de l'accroissement du pouvoir d'achat résultant des allégements fiscaux étant affectée à l'épargne, plus le taux d'épargne serait élevé, moins les retombées directes sur l'activé seraient fortes. De surcroît, face à une consommation intérieure déjà fort dynamique, toute relance de la demande pourrait apparaître inutile voir favoriser des tensions inflationnistes. Mais en raison du début de fléchissement du rythme de l'activité en Europe, les baisses d'impôts arrivent au meilleur moment pour donner un « coup de pouce » macro-économique.

En France, la confiance des ménages apparaît comme un des piliers d'une croissance durable. Les baisses d'impôts et une politique budgétaire clairement orientée vers l'assainissement des finances publiques contribuent incontestablement, en réduisant les incertitudes pour l'avenir, à renforcer cette confiance. L'INSEE (9) prévoit d'ailleurs que la consommation des ménages en produits manufacturés devrait rebondir au premier semestre 2001, sur un rythme annualisé de l'ordre de 6%.

L'allégement des prélèvements sur les entreprises doit être orienté vers le soutien de l'emploi. La suppression des salaires de l'assiette de la taxe professionnelle qui sera totale en 2003, va évidemment dans ce sens. L'effet mécanique de cette suppression est un allégement de 60 milliards de francs (9,15 milliards d'euros) de la taxe professionnelle due par les entreprises. En 2004, le total des réductions de cotisations sociales pour les employeurs pourrait représenter plus de 70 milliards de francs (10,67 milliards d'euros) (10). Pour les aider à mettre en _uvre la réduction de la durée du travail, les entreprises sont exonérées de la quasi-totalité des cotisations patronales au niveau du salaire minimum. Enfin, les organisations gestionnaires de l'assurance chômage ont décidé de baisser les cotisations patronales d'environ 14 milliards de francs d'ici l'été 2002. S'il est clair que l'allégement des charges sociales sur les entreprises ne doit pas mettre en péril les finances des organismes de sécurité sociale, il n'est pas illégitime d'envisager que les modalités de compensation de ces allégements puissent prendre en compte la contribution apportée par la politique de l'emploi à l'amélioration de tous les comptes publics.

Votre Rapporteur général doute qu'on puisse aller plus loin dans le mouvement d'allégement des charges sur les bas salaires. Le coût marginal des embauches de salariés peu ou pas qualifiés ne peut plus être désigné comme le responsable du chômage de ces salariés. En revanche, la sur-sélection de la main-d'_uvre, par des exigences de diplômes non justifiées, que les entreprises continuent à pratiquer à l'embauche, comme dans la période passée de chômage de masse, explique, pour une part importante, les difficultés de recrutements et la persistance d'un chômage élevé parmi les moins qualifiés.

Il faut rappeler que l'évolution vers une fiscalité mieux répartie entre les agents économiques, plus favorable à l'emploi devrait être à la base de l'harmonisation fiscale européenne devenue urgente si l'Europe veut conforter les ressorts de sa puissance économique.

En France, un volet de la réforme fiscale doit encore être exploré : il s'agit de la simplification de la fiscalité. Le toilettage du système fiscal entrepris depuis 1999 a permis de supprimer une quarantaine d'impôts et de taxes dont le droit de bail. Cette rationalisation, qui passe également par l'amélioration des procédures de recouvrement, doit se poursuivre.

B.- DES DÉPENSES SOUS CONTRÔLE

Comme votre Rapporteur général l'a déjà indiqué, la poursuite d'une maîtrise raisonnable des dépenses de l'Etat est l'un des volets majeurs de la politique budgétaire équilibrée conduite depuis quatre ans et qui a rendu possible la diminution de la pression fiscale, contribuant ainsi au soutien de la demande. Cet objectif, qui nécessite une vigilance permanente pour éviter les dérapages, est le mode de pilotage le plus efficace pour la régulation de l'économie en faveur de la croissance.

Le programme pluriannuel des finances publiques pour la période 2002-2004 prévoit, dans le prolongement des précédentes programmations, une progression des dépenses du budget de l'Etat de 1% en volume. Il s'agit d'une norme de croissance limitée mais régulière qui doit permettre d'éviter les à-coups conjoncturels. La progression de l'ensemble des dépenses publiques ne devra pas dépasser 4,5% en volume au cours de la même période.

Cet objectif doit être atteint tout en assurant les actions les plus urgentes de l'Etat, grâce, notamment, à une certaine rationalisation des dépenses et à la stabilisation de la charge de la dette.

1.- Un examen rigoureux des besoins

Dans sa lettre de cadrage budgétaire pour 2002, qui a été communiquée à votre Commission des finances conformément aux engagements du Gouvernement, le Premier ministre invite les ministres à « surmonter l'inertie habituelle de la dépense ». Il invite également les gestionnaires à « procéder à l'examen au premier franc » de leurs crédits, en particulier d'intervention, et de privilégier les redéploiements afin de dégager des marges pour financer les mesures nouvelles. Le Premier ministre insiste également sur l'importance d'une approche pluriannuelle des dépenses et sur la prise en compte des conséquences des propositions sur les exercices budgétaires suivants.

Votre Rapporteur général se réjouit de la tonalité de cette lettre de cadrage qui rejoint tous les travaux entrepris à l'Assemblée nationale depuis la constitution du groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire à l'initiative de M. Laurent Fabius en octobre 1998.

Une approche pluriannuelle des dépenses doit favoriser une gestion plus souple, sans risque d'interruption brutale des actions entreprises et permettre d'évaluer les répercussions budgétaires des mesures sur plusieurs années, de façon à les confronter en permanence avec l'objectif général de maîtrise adopté.

Le Parlement et votre Commission des finances ont un rôle éminent à jouer dans cette perspective.

Les députés, et particulièrement les rapporteurs spéciaux, devront lors de l'examen du prochain projet de loi de finances se montrer attentifs à l'efficacité des dépenses. L'examen plus approfondi des services votés doit permettre de s'assurer qu'ils n'alimentent pas une dépense devenue inutile. Les charges de personnel doivent être rapprochées de la présentation des effectifs qui figurent désormais dans les documents budgétaires ce qui permet une évaluation au plus près des coûts effectifs. Enfin, les rapporteurs spéciaux doivent se préoccuper de la mise en place de procédures d'évaluation associées à chaque politique publique et tenir compte des résultats qu'ils se seront fait communiquer. Sur ce dernier point, les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances, notamment les réponses obtenues à ses recommandations, doivent apporter un éclairage nouveau au débat budgétaire.

2.- Le poids de la dette doit continuer à décroître

Fin 2000, la dette publique, telle que définie dans le traité de Maastricht, représentait 57,6 points de PIB. Elle a été réduite pour la deuxième année consécutive dans les mêmes proportions qu'en 1999 (59,5% en 1998, 58,5% en 1999, 57,6% en 2000). L'objectif pour 2004 est d'abaisser ce ratio à 53%. Entre 1997 et 2002, la dette publique aura été réduite de 4,6%.

Toute augmentation du déficit entraîne un accroissement de la dette et, inversement, la progression de l'excédent primaire (solde hors charge d'intérêt) des administrations, et principalement de l'Etat, est un moyen de maîtriser le poids de la dette dans le PIB et donc d'augmenter les marges de man_uvre pour d'autres dépenses. L'excédent primaire des administrations souhaitable pour 2004 devrait dépasser 3%.

Depuis 1999, l'Etat dégage un excédent primaire et il est prévu en 2001, pour la première fois depuis 1980, que le solde primaire, qui devrait atteindre 54 milliards de francs, dépasse assez nettement le niveau du solde permettant de stabiliser la part de la dette de l'Etat dans le PIB.

En conséquence, la charge de la dette devrait continuer à diminuer, passant de 3,7% du PIB en 1997 à 3% en 2004.

En 2001, la charge nette de la dette de l'Etat devrait s'établir à 239,7 milliards de francs (36,54 milliards d'euros), en augmentation de 6,2 milliards de francs (0,95 milliard d'euros), soit 2,7%, par rapport à l'exercice 2000. Le rythme d'augmentation, qui dépend notamment des taux d'intérêt, s'est considérablement ralenti par rapport au début des années 1990 où la charge de la dette a parfois progressé de 20 milliards de francs d'une année sur l'autre. De plus, mesurées en pourcentage des recettes fiscales nettes, les charges de la dette devraient poursuivre leur baisse amorcée en 1999 pour se situer à moins de 14% en 2004 contre 16% en 1998.

Reste l'impact de « l'effet volume » de l'encours de la dette publique qui contribue évidemment à en augmenter la charge. Une dérive de la dette partiellement auto-entretenue s'est mise en place au cours des décennies 80 et 90, en raison des déficits primaires successifs. Selon l'INSEE, la valeur nominale de la dette publique continue de progresser et s'élève désormais à 5.308 milliards de francs (809,20 milliards d'euros). La dette progresse principalement en raison de l'augmentation de celle de l'Etat liée à la persistance du déficit budgétaire malgré l'excédent primaire. La dette des collectivités locales se réduit légèrement tandis que celle des hôpitaux progresse faiblement. Enfin la dette des structures de défaisance et de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) est stable.

3.- La poursuite des priorités budgétaires

Après des années de croissance faible, certains services de l'Etat apparaissent encore manifestement sous-dotés, malgré les efforts réalisés depuis quatre ans : la justice, l'environnement, la ville, l'éducation et la prévention en matière de sécurité affichent des besoins particulièrement urgents. De plus, la poursuite de la lutte contre les exclusions doit bénéficier de financements plus actifs, concentrés sur le retour à l'emploi et l'amélioration de l'aide au logement.

Votre Rapporteur général tient à rappeler que les budgets correspondant à ces priorités ont déjà bénéficié, depuis 1997, d'une progression beaucoup plus soutenue que celles des autres budgets (+14% en moyenne et en valeur pour les budgets prioritaires contre 1,6% pour les autres). Cette concentration des efforts financiers de l'Etat doit être poursuivie et accentuée dans les mêmes directions.

S'agissant de la progression des rémunérations et pensions des personnels de l'Etat, elle devrait être de 26 milliards de francs (3,96 milliards d'euros) entre 2001 et 2002, en tenant compte des mesures salariales d'avril 2001 et de la progression mécanique mais hors toute décision sur l'emploi et les effectifs. La résorption de l'emploi précaire prévue par la loi du 3 janvier 2001 pourrait entraîner une hausse de ces charges. En revanche, les efforts de réorganisation des services et d'amélioration de la gestion publique ainsi que l'accélération du nombre de départs à la retraite devraient permettre de procéder aux adaptations nécessaires, notamment par des redéploiements, pour assurer une quasi-stabilité des effectifs de l'Etat après la mise en place de la réduction du temps de travail (prévue dans les trois fonctions publiques au 1er janvier 2002).

Afin de faire face à ces mesures prioritaires, la lettre de cadrage du Premier ministre prévoit une augmentation des dépenses de l'Etat en 2002 de 0,5% en volume, soit une progression de 1,7% en valeur compte tenu d'une hypothèse d'inflation hors tabac de 1,2%. La progression moyenne des dépenses en volume depuis 1997 a été de 0,3%. En 2000, les charges brutes du budget général ont augmenté, en valeur, à périmètre constant, de 1,6%. La marge supplémentaire en 2002 devrait donc être de l'ordre de 30 milliards de francs (4,57 milliards d'euros) auxquels devront s'ajouter toutes les possibilités d'économies et de redéploiements budgétaires. Rappelons que depuis 1997, plus de 30 milliards de francs d'économies et de redéploiements ont été réalisés chaque année pour financer les mesures nouvelles et les priorités du Gouvernement.

Les secteurs prioritaires restent l'éducation, l'emploi, la lutte contre les exclusions, la sécurité, la justice, la culture et la communication et l'environnement. Votre Rapporteur général souhaite insister sur quelques-unes de ces priorités.

·  La lutte contre l'échec scolaire et la prévention de la délinquance.

Des mesures importantes ont été annoncées par le ministre de l'Éducation nationale afin de renforcer la stabilité des équipes pédagogiques dans les établissements scolaires où les élèves sont confrontés à de nombreux handicaps sociaux, culturels et familiaux. Il est amplement démontré que cette stabilité ainsi que la motivation des enseignants pour travailler dans ces quartiers est de nature à faire considérablement reculer l'échec scolaire et les violences qui l'accompagnent le plus souvent. Votre Rapporteur général considère que les moyens financiers adéquats doivent être affectés dès la prochaine loi de finances pour mettre en place au plus vite ces décisions.

·  L'amélioration de l'accès à la justice

La progression des crédits destinés à moderniser le service public de la justice avec notamment l'augmentation du nombre de magistrats, stagnant depuis des décennies, a été engagée dès le budget 1997. Au total, sur trois budgets de 1999 à 2001, 345 postes de magistrats et 243 de greffiers, ont été créés. En 2001, tous secteurs de la justice confondus, 1.550 postes ont été créés, soit la plus forte hausse des effectifs depuis 4 ans (762 en 1998, 930 en 1999 et 1.239 en 2000). Il convient de rappeler en outre qu'un milliard de francs (0,15 milliard d'euros) de crédits supplémentaires pour des mesures nouvelles et 1,75 milliard de francs (0,27 milliard d'euros) d'autorisations de programme pour de nouveaux investissements ont été alloués en 2001, soit le montant le plus important depuis 10 ans. Sur ses quatre premiers budgets de la législature, le ministère de la justice aura ainsi créé 4.481 emplois et aura vu ses crédits progresser de + 4,2 milliards de francs, soit + 17,8%.

Votre Rapporteur général considère qu'il faut poursuivre cet effort en mettant l'accent sur l'accès au droit et à la justice avec l'amélioration des mécanismes de l'aide juridictionnelle.

Le rapport de la commission de réforme de l'accès au droit, présidée par M. Paul Boucher, président de l'association ATD Quart-Monde, remis le 10 mai dernier à la ministre de la justice propose en priorité un net relèvement du plafond de ressources mensuelles permettant de bénéficier de l'aide juridictionnelle totale. Selon lui, il devrait passer de 5.175 francs à 6.750 francs pour une personne seule avec 1.000 francs supplémentaires par personne à charge. L'aide totale concernerait alors 40% de ménages contre 27% actuellement. L'aide partielle serait supprimée. Le rapport propose également d'améliorer les rémunérations des avocats qui prêtent leur concours à l'aide juridictionnelle. Selon ce même rapport, des crédits supplémentaires devraient également être alloués pour renforcer les systèmes d'information et de conseils au public dans les tribunaux. Le rapport évalue à 20% des crédits alloués à l'aide juridictionnelle, la part des dépenses qui devraient être consacrées au conseil juridique et à l'accès au droit.

Si l'amélioration du fonctionnement de la justice requiert la poursuite de l'effort budgétaire engagé à ce titre, cela n'est pas exclusif de la recherche d'une meilleure gestion des crédits de la Justice pour contribuer au financement des mesures nouvelles. La Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances a d'ailleurs commencé de porter son attention sur cette question.

·  La consolidation des régimes de retraites

L'allongement de la durée de la vie devrait se traduire par une augmentation du poids des dépenses de pensions de l'ordre de 3 points de PIB d'ici à 2020. Cette augmentation va s'accélérer à partir de 2005. Sans écarter d'autres mesures destinées à préserver la base actuelle du système de financement des retraites qui repose sur un principe essentiel à la cohésion de notre société, la solidarité entre les générations, il faut dès à présent anticiper les besoins de financement des régimes. C'est le rôle du fonds de réserve pour les retraites dont le statut, les missions et les modalités de financement font l'objet de l'article 6 du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel  (11)en cour d'examen. Ce fonds doit être alimenté régulièrement et sa gestion financière doit être dynamique afin d'atteindre un niveau d'environ 1.000 milliards de francs (152,45 milliards d'euros), soit 10 points de PIB en 2020.

·  L'amélioration du cadre de vie et la défense de l'environnement

L'efficacité de l'action en faveur de l'environnement ne peut évidemment être mesurée uniquement à l'aune des crédits du ministère. La négociation, l'action normative et l'efficacité des contrôles sont des outils essentiels à l'orientation de l'ensemble d'une politique vers le respect de la nature et l'amélioration du cadre de vie.

Il est néanmoins incontestable que le niveau actuel des moyens au service de l'environnement est insuffisant si l'on veut développer une politique capable d'anticipation et plus réactive à certains événements. En 2001, la hausse de 8% des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a représenté 300 millions de francs supplémentaires.

4.- Les dépenses exceptionnelles

Ces dépenses sont liées aux crises de la filière bovine et ovine et aux inondations, qui auront des prolongements en 2002.

Par courrier du 17 mai, les ministres de l'économie, des finances et de l'industrie et du budget, ont transmis, en vue de l'information de la Commission des finances, un décret d'avance, lié au financement de diverses dépenses exceptionnelles.

Il y a lieu tout d'abord de se réjouir de cette information, préalable à la publication du décret, qui contribue à éclairer la Commission des finances dans son travail de suivi de l'évolution des finances de l'Etat.

Ce décret, publié le 22 mai, ouvre un crédit de 3,055 milliards de francs (0,47 milliard d'euros) au titre des dépenses ordinaires, réparti comme suit :

·  2,2 milliards de francs (0,34 milliard d'euros) au budget de l'Agriculture pour les dépenses liées aux crises de l'ESB et de la fièvre aphteuse.

Votre Rapporteur général ayant interrogé le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la ministre du budget sur le détail des mesures nationales et européennes prises pour assister les filières bovines et ovines à la suite de ces crises, on trouvera dans l'encadré ci-après l'intégralité des réponses obtenues et de leurs coûts.

·  600 millions de francs (91,47 millions d'euros) au budget des Charges communes dont 450 millions de francs (68,60 millions d'euros) de subventions au titre des dépenses accidentelles et 150 millions de francs (22,87 millions d'euros) pour l'indemnisation des préjudices subis dans le secteur du tourisme à la suite du naufrage de l'Erika.

·  250 millions de francs (38,11 millions d'euros) au budget de la Santé et de la solidarité pour augmenter les crédits d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile.

Au titre des dépenses en capital, le décret ouvre également, une autorisation de programme de 60 millions de francs (9,15 millions d'euros) concernant les dégâts causés par les inondations aux biens appartenant aux collectivités locales. 240 millions de francs (36,59 millions d'euros) d'autorisations de programme sont également prévus pour la réalisation de travaux de sécurité dans des établissements d'enseignement supérieur et 65 millions de francs (9,91 millions d'euros) de crédits de paiement aux mêmes fins.

Le financement de ce décret d'avance est assuré entièrement par un arrêté annulant des autorisations de programme pour un montant de 1,35 milliard de francs (0,21 milliard d'euros) et des crédits de paiement pour un total de 3,12 milliards de francs (0,48 milliard d'euros). Ces annulations sont réparties entre la presque totalité des budgets. 450 millions de francs (68,60 millions d'euros) sont annulés sur le budget de l'agriculture.

La validation de ces opérations sera demandée dans le collectif de fin d'année.

MESURES NATIONALES ET COMMUNAUTAIRES PRISES
POUR ASSISTER LES FILIÈRES BOVINES ET OVINES À LA SUITE DES CRISES
DE L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE ET DE LA FIÈVRE APHTEUSE.
COÛT BUDGÉTAIRE PRÉVISIBLE.

Encéphalopathie spongiforme bovine

1.- Mesures nationales

En sus de la poursuite des indemnisations des éleveurs dont l'abattage du troupeau est décidé par les services vétérinaires à la suite de la découverte d'un cas d'ESB (145 cas indemnisés et 302 millions de francs versés en 2000 ; 75 cas détectés à mi-mai), les mesures sanitaires de précaution prises par le Gouvernement depuis novembre 2000 se traduisent en particulier par :

- la suspension de l'usage des farines et graisses d'origine animale dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage et l'indemnisation provisoire des équarrisseurs. Estimation du coût pour 2001 : 2.000 millions de francs, en sus des dépenses à charge du service public de l'équarrissage (1.500 millions de francs) ;

- le retrait de tous les stocks de matériaux à risque spécifié (intestins, thymus bovins notamment). Estimation du coût d'indemnisation et de destruction : 320 millions de francs ;

- le dépistage systématique des bovins de plus de 30 mois entrant dans la chaîne alimentaire. Le coût des tests, déduction faite de la participation du FEOGA (15 euros/test), est répercuté aux consommateurs ;

- le renforcement des moyens de contrôle en 2001 et 2002 (300 emplois au ministère de l'agriculture et de la pêche pour les contrôles en abattoirs, 175 emplois au ministère de l'emploi et de la solidarité ;

- le renforcement des moyens de la recherche publique sur les maladies à prions (140 millions de francs en AP).

Outre les accélérations de traitement des demandes d'aides communautaires en faveur des éleveurs, la mise en place d'un contrat territorial d'exploitation « herbager » et la révision des modalités d'attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels, différentes mesures ont été successivement annoncées pour répondre à la situation de crise des filières viandes :

- encouragements à la recherche et au développement des protéines végétales : 150 millions de francs ;

- retrait-destruction des bovins de plus de 30 mois (programme cofinancé par le FEOGA) : 1.075 millions de francs pour l'indemnisation des éleveurs et les frais d'abattage (part nationale), 240 millions de francs pour les frais d'équarrissage et de destruction des farines ;

- campagnes de promotion et d'allégement du marché de l'aval de la filière : 170 millions de francs ;

- aides à la reconversion et à la restructuration des entreprises : 220 millions de francs ;

- soutiens ciblés aux éleveurs bovins et à la production de veaux : 1.085 millions de francs ;

- enveloppe de prêts bonifiés à 1,5% : 1.000 millions de francs en faveur des éleveurs et 500 millions de francs en faveur des entreprises ;

- étalement des cotisations sociales des agriculteurs en difficulté. Assiettes de cotisations reportées : 1.240 millions de francs (90 millions de francs à charge du BAPSA en 2001) ;

- fonds d'allégement des charges financières des éleveurs : 400 millions de francs ;

- complément national à la prime communautaire au maintien des troupeaux de vaches allaitantes porté de 43 à 50 euros par vache (+ 100 millions de francs).

Au-delà des redéploiements internes au budget du MAP, ces mesures ont été traduites budgétairement par :

- l'inscription en LFI 2001, par amendements gouvernementaux, de 90 millions de francs sur le BAPSA, de 77 millions de francs sur le titre III et de 3.800 millions de francs sur le titre IV du MAP, enfin de 35 millions de francs sur le MES et de 140 millions de francs en AP et 120 millions de francs en CP sur le titre VI du BCRD ;

- l'inscription en LFR 2000 d'un article révisant les taux et l'assiette de la taxe sur les achats de viande et l'ouverture de 200 millions de francs sur le budget du MAP (titre IV) ;

- la publication d'un décret d'avance en date du 21 mai 2001 portant ouverture, en liaison avec l'ESB, de 2.205 millions de francs sur le budget du MAP (65 millions de francs pour des crédits de vacations, 2.040 millions de francs pour l'OFIVAL et 100 millions de francs pour la PMTVA) et de 450 millions de francs au chapitre des dépenses accidentelles des charges communes.

Paiements réalisés à mi-mai au titre de l'ensemble de ces mesures (hors charges de personnel) :

- par l'OFIVAL : 1.040 millions de francs (crédits engagés) ;

- par le CNASEA (362 millions de francs pour le SPE ; 592 millions de francs pour les coproduits animaux) : 954 millions de francs.

Les coûts qui pourraient être reconduits ou imputés en 2002 sont ceux afférents à :

- la destruction des animaux (indemnisation des éleveurs, frais d'équarrissage) ;

- la suspension des farines animales et l'indemnisation des équarrisseurs ;

- les emplois de contrôle créés au MAP et au MES et les dépenses de vacations ;

- les charges de bonification des prêts.

Toutefois, les frais d'indemnisation, encadrés par un arrêté du 30 mars 2001, pourraient être réduits si le Gouvernement choisissait de se limiter à un abattage partiel des troupeaux atteints d'ESB. De même, le barème d'indemnisation des équarrisseurs, déjà révisé une première fois, pourrait être à nouveau révisé à la baisse. A l'inverse, une extension éventuelle de la liste des matériaux à risque accroîtrait les volumes de déchets animaux relevant du SPE et donc le coût de leur distribution.

2.- Mesures communautaires

L'Union européenne met en _uvre depuis le début de l'année 2001 une mesure spécifique d'achat pour destruction des bovins de plus de 30 mois qui est destinée à rétablir le marché européen de la viande bovine. Ce programme se déroule en deux phases successives durant l'année 2001 :

- du 1er janvier au 30 juin 2001 : les bovins retirés du marché entre le 1er janvier et le 30 juin 2001 sont obligatoirement détruits dans l'attente de la systématisation des tests de dépistage au niveau communautaire. Cette première phase est destinée à retirer près de 1,8 million de bovins du marché communautaire ;

- du 1er juillet au 31 décembre 2001 : les animaux retirés, systématiquement dépistés, sont suivant le choix des Etats membres détruits ou stockés conformément à la législation en matière de sécurité alimentaire. Cette seconde phase devrait permettre de retirer un million de bovins du marché communautaire.

L'Union européenne prend en charge au titre de ce programme 70% du prix d'achat des bovins. Le reste de l'indemnisation ainsi que les frais liés à la destruction ou au stockage des bovins est la charge des Etats membres. L'Union européenne a budgété pour l'exercice 2001 un montant de 700 millions d'euros au titre de la première phase du programme. La seconde phase devrait être prise en charge sur l'exercice 2002 pour un montant non défini à ce stade. La France pourrait bénéficier à ce titre, au titre de l'exercice 2001, d'environ 1.500 millions de francs. La part dont la France pourrait bénéficier au titre de l'exercice 2002 ne peut pas encore être évaluée à ce stade.

Par ailleurs, l'Union européenne met en _uvre les mesures d'intervention (stockage public) liées aux mécanismes de l'organisation commune de marché sur la viande bovine, telle que révisée en 1999. A ce titre, une enveloppe de 238 millions d'euros a déjà été budgétée en 2001. Les besoins au titre de l'exercice 2002 ne sont pas encore chiffrés et dépendront de l'évolution du marché bovin.

Fièvre aphteuse

Suite à l'épizootie de fièvre aphteuse au Royaume-Uni, il a été décidé, le 27 février 2001, d'abattre et d'euthanasier ou de détruire à titre de précaution, les ovins vivants et les carcasses importées du Royaume-Uni depuis le 31 janvier 2001. Cette mesure a été étendue le 5 mars à l'ensemble des animaux des espèces sensibles en provenance du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l'Irlande et des animaux en contact avec les animaux importés.

Au titre de ces abattages préventifs, 78.000 animaux (85% des ovins) ont été indemnisés pour un coût total de 58 millions de francs auxquels s'ajoutent les coûts des visites et de frais de vétérinaires d'environ 20 millions de francs.

Par ailleurs, suite aux foyers français dans les départements de la Mayenne et de la Seine-et-Marne, une enveloppe d'urgence a été allouée à ces départements pour l'indemnisation de la mise sous séquestres des animaux et les pertes des producteurs de lait et de viandes.

L'Union européenne prendra en charge, sur l'exercice 2001, et/ou l'exercice 2002, 60% du coût d'indemnisation des animaux abattus dans le cadre du fonds d'urgence vétérinaire. La répartition des dépenses entre les Etats membres et les exercices budgétaires n'a pas encore été arrêtée.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

5.- Les ajustements de certaines dépenses

·  Le financement de la prime pour l'emploi

Au moment de la présentation du projet de loi, le ministère de l'économie, des finances, et de l'industrie, a annoncé que cette prime représenterait une dépense de 8,5 milliards de francs (1,30 milliard d'euros) en 2001. Elle devrait doubler en 2002.

Cette mesure augmente la progressivité du système fiscal en assurant à près de dix millions de personnes en activité, mais faiblement rémunérées, un complément de revenu.

·  Le financement de la réduction du temps de travail

La seconde loi Aubry est entrée en vigueur le 1er février 2000. Pour bénéficier des aides associées à sa mise en _uvre, les entreprises doivent justifier de la conclusion d'un accord selon lequel la durée moyenne hebdomadaire de travail est abaissée à 35 heures suivant des modalités librement négociées.

Les enquêtes réalisées par la direction de l'animation de la recherche et des études statistiques (DARES) du ministère de l'emploi et de la solidarité et l'enquête trimestrielle sur l'activité et les conditions d'emploi de la main d'_uvre (ACEMO), montrent qu'au cours du premier trimestre 2000, la durée du travail dans les entreprises de plus de 10 salariés a été réduite de 2,2% soit 50 minutes par semaine. A la fin du premier trimestre 2000, 4 millions de salariés étaient concernés par un accord sur les 35 heures ce qui a induit, selon le ministère, 200.000 créations d'emplois. Pour 8 millions de salariés à 35 heures, l'impact serait de 450.000 emplois. A la fin de l'année 2001 on devrait atteindre 350.000 emplois induits. Il restera à aider les entreprises de plus de 20 salariés à effectuer sans encombre le passage aux 35 heures.

Selon les informations recueillies par votre Rapporteur général, l'ACOSS identifie un montant d'exonération de 32,4 milliards de francs pour 2000 au titre des allégements instaurés par les lois Aubry I et II. Votre Rapporteur général rappelle que ces aides ne reflètent cependant pas stricto sensu les allégements de charges correspondant au passage aux 35 heures puisqu'elles incluent la ristourne sur les bas salaires introduite par la précédente majorité.

Il convient de rappeler aussi que la deuxième loi de finances rectificative pour 2000 avait prévu l'affectation au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), du reliquat du droit de consommation sur les tabacs perçu par l'Etat au titre de l'année 2000, soit 3,15 milliards de francs (0,48 milliard d'euros). Mais cette affectation a été invalidée par la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000 en raison de l'absence de loi de financement de la sécurité sociale ayant pu prendre en compte son incidence.

·  Les concours de l'Etat aux collectivités locales.

L'Etat doit compenser les pertes de ressources que constituent pour les collectivités territoriales, la suppression de la vignette automobile pour les particuliers et la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

Ces dépenses peuvent être évaluées comme suit, conformément aux réponses fournies aux questions posées par votre Rapporteur général au Gouvernement.

En ce qui concerne la vignette, la compensation de la perte de recettes subie par les collectivités en 2001 a pris la forme d'un supplément de dotation générale de décentralisation (DGD), pour un montant total estimatif de 12,82 milliards de francs (1,95 milliard d'euros). Cette évaluation a été réalisée sur la base du calcul du produit théorique global du millésime 2001 réduit de la prévision d'encaissement des véhicules non exonérés. Elle a vocation à être corrigée dans la loi de finances rectificative pour 2001 en fonction des encaissements réels constatés de janvier à août 2001 au titre de la deuxième campagne.

Pour la compensation de la perte de recettes causée par la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, la compensation est versée sous la forme d'une dotation budgétaire spécifique inscrite au chapitre 41-55 du budget du ministère de l'intérieur, pour un montant de 6,08 milliards de francs (0,93 milliard d'euros) en 2001. Cette somme avait été calculée au moment de la préparation du projet de loi de finances pour 2001 au vu des rôles prévisionnels estimés par la Direction générale des impôts pour 2000. La compensation devant correspondre au montant des rôles réels émis en novembre 2000, indexés comme la dotation globale de fonctionnement, une régularisation devra être inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2001, pour un montant de + 76,3 millions de francs (11,63 millions d'euros).

Votre Rapporteur général tient à faire observer que, depuis 1997, les concours aux collectivités locales ont augmenté, en volume et à structure constante, trois fois plus vite que le budget de l'Etat. Ces contributions contribuent à la bonne situation financière des collectivités locales et, aujourd'hui, l'enjeu majeur réside dans une meilleure péréquation et une répartition plus juste des dotations entre les collectivités et entre les territoires.

6.- Poursuivre l'activation des dépenses sociales

La reprise de l'activité et de l'emploi doit permettre de stabiliser le niveau du budget de l'emploi et de la solidarité qui a été fortement privilégié depuis 1997. Certains dispositifs tels que les contrats initiative emploi sont progressivement moins sollicités. Les économies ainsi réalisées peuvent contribuer au financement de dispositifs en direction des publics les plus éloignés du marché du travail. S'il est exact que la diminution du chômage a contribué, avec le recentrage sur les publics les plus en difficulté, à éroder les dépenses au titre des contrats aidés, contrats emploi-solidarité, contrats emploi-consolidé et contrats initiative emploi, il faut être attentif à maintenir un nombre suffisant d'entrées dans les deux premiers dispositifs. Ces contrats contribuent en effet à améliorer progressivement l'employabilité des personnes les plus éloignées du marché du travail. Une évaluation réaliste des besoins doit donc prendre en compte l'extrême difficulté, pour certains de leurs bénéficiaires, à franchir l'étape de cette employabilité accrue.

Pour les mêmes raisons, tenant à l'amélioration de la situation économique d'ensemble, le nombre d'allocataires du RMI a diminué pour la première fois en 2000. Les efforts financiers doivent être orientés vers le volet insertion afin de favoriser le retour à l'emploi y compris pour les personnes les moins qualifiées.

L'autorisation de cumuler un revenu d'activité et un minima social (RMI, allocation d'insertion, allocation de solidarité spécifique, allocation de veuvage, allocation parent isolé) ainsi que la mise en _uvre, par l'ANPE, du programme « Service personnalisé pour un Nouveau départ vers l'Emploi » en direction des demandeurs d'emploi de longue durée, des bénéficiaires du RMI et des jeunes atteignant six mois de chômage, de même que le programme TRACE pour les jeunes les plus exclus traduisent également ce souci d'activation des dépenses sociales.

Votre Rapporteur général rappelle que la loi de finances initiale pour 2001 a autorisé au titre des dépenses ordinaires et des aides à l'investissement de l'Etat dans le domaine social, (tous transferts confondus y compris la politique de la ville), un montant de 294,3 milliards de francs (44,87 milliards d'euros).

C.- LA NÉCESSAIRE POURSUITE DE LA MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES

La régularité de la diminution du besoin de financement des administrations publiques ces dernières années, l'exercice 2000 ne faisant pas exception, peut entraîner une certaine forme d'accoutumance laissant place à des interrogations sur l'opportunité de relâcher l'effort, dès lors que le processus est lancé et les résultats supposés acquis. Rien ne serait plus dangereux. C'est précisément parce que la politique ainsi entreprise a été volontairement conçue comme progressive qu'elle doit être poursuivie dans la durée. Les programmes pluriannuels de finances publiques ont d'ailleurs pour vocation naturelle de fixer le cadre à moyen terme des évolutions des finances publiques. Et leur crédibilité repose sur le respect de cette « feuille de route ». Dès lors, s'il peut apparaître parfois répétitif de détailler les raisons de poursuivre la politique de réduction des déficits publics, ces motifs n'en demeurent pas moins valables, un effort de pédagogie en la matière n'étant jamais à négliger.

1.-  Respecter les objectifs de dépenses

·  Le rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire rappelle que si la réduction des déficits publics constitue bien un objectif fondamental, cette politique n'est pas mise en _uvre en se focalisant excessivement sur des ratios qui n'ont, malgré tout, qu'une signification relative. C'est la raison pour laquelle un objectif d'évolution des dépenses, et non un objectif de solde, a été choisi depuis 1997.

En effet, retenir tel ou tel taux de déficit public comme principal objectif conduit fatalement à adapter le rythme des dépenses publiques plus ou moins brutalement en fonction de la conjoncture économique, notamment en cas de ralentissement de cette dernière. Une telle politique peut également contraindre à des augmentations par à-coup des prélèvements obligatoires. Elle peut contribuer à amplifier les fluctuations de l'activité économique, de façon négative en cas de ralentissement.

A l'inverse, le choix d'un objectif de dépense permet à la fois de lisser les évolutions à moyen terme et de mieux prendre en considération l'impact des dépenses publiques sur la conjoncture économique. La régularité des taux de croissance du PIB depuis 1997, notamment par comparaison avec la volatilité plus grande de cette dernière chez certains de nos principaux partenaires, souligne la validité de l'approche progressive qui a été retenue en France.

·  Le choix du respect d'un objectif de dépense s'est révélé efficace puisque, comme le rappelle le tableau ci-après, le besoin de financement des administrations publiques a été ramené de 3,5% en 1997 (hors soulte de France Télécom) à 1,3% en 2000.

Le rythme de l'assainissement a été particulièrement rapide en 1998 et 1999, avec une amélioration de respectivement 0,8 et 1,1 point de PIB. Depuis lors, le mouvement est plus régulier : en 2000, le besoin de financement des administrations publiques a ainsi été réduit de 0,3 point et une amélioration comparable est prévue pour 2001.

BESOIN (-) ET CAPACITÉ (+) DE FINANCEMENT
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES FRANÇAISES

(en % du PIB)

 

1997 (a)

1998

1999

2000

2001 (b)

2002 (b)

Variation
1997-2002

Solde Etat

- 3,6

- 3,0

- 2,5

- 2,4

- 2,1

- 1,6

2,0

Solde ODAC

0,2

0,1

0,2

0,2

0,2

0,2

0

Solde ASSO

- 0,4

- 0,1

0,3

0,6

0,5

0,5

0,9

Solde APUL

0,2

0,3

0,4

0,3

0,3

0,3

0,1

Solde des APU

- 3,5

- 2,7

- 1,6

- 1,3

- 1,0

- 0,6

2,9

(a) Hors soulte France Télécom.

(b) Perspectives économiques 2001-2002.

Source : Rapport déposé pour le débat d'orientation budgétaire.

Toutefois, il est possible d'observer que les résultats de ce qu'il est convenu d'appeler les sous-secteurs des administrations publiques sont très contrastés.

Ainsi, en 2000, le besoin de financement de l'Etat est resté pratiquement stable, avec 2,4% du PIB (soit 221 milliards de francs - 33,69 milliards d'euros). Toutefois, comme le note l'INSEE, « l'analyse des dépenses et recettes de l'Etat doit tenir compte du changement, cette année, du circuit des prises en charge de cotisations sociales (affectation de certains impôts aux régimes de sécurité sociale et baisse des transferts) et de la compensation des allégements de la fiscalité locale » (12).

Les administrations de sécurité sociale ont quant à elle atteint un excédent historique de 54,6 milliards de francs - 8,32 milliards d'euros (soit 30 milliards de francs - 4,57 milliards d'euros - de plus par rapport à 1999), portant leur capacité de financement à 0,6% du PIB (0,3% en 1999). L'INSEE indique que cette amélioration a concerné l'ensemble des régimes d'assurance sociale, tandis que le déficit des hôpitaux est resté stable.

Cette situation s'explique par une croissance des recettes de 4,4%, beaucoup plus vive que celle des dépenses (+ 3%). De fait, le dynamisme des recettes s'explique avant tout par la forte progression de la masse salariale, sur laquelle est assise la majeure partie de la CSG et des cotisations sociales. L'affectation nouvelle d'impôts auparavant perçus par l'Etat a également contribué au dynamisme des ressources des administrations de sécurité sociale.

S'agissant des dépenses, leur rythme d'augmentation a à nouveau progressé (+ 3% contre + 2,8% en 1999), notamment en raison du dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Si la capacité de financement dégagée par les organismes divers d'administration centrale reste stable (0,2% du PIB), celle des administrations publiques locales a légèrement fléchi en 2000. Elle est ainsi passé à 24,9 milliards de francs
- 3,80 milliards d'euros - (0,3% du PIB), contre 31,5 milliards de francs
- 4,80 milliards d'euros - en 1999 (0,4% du PIB).

Les dépenses des administrations publiques locales ont en effet progressé plus vite que les recettes à la suite des tempêtes de décembre 1999 et en raison de la progression des rémunérations et d'un investissement toujours dynamique (+ 7,1%).

Les prévisions concernant l'ensemble des administrations publiques pour 2001 et 2002 dessinent des perspectives très comparables aux résultats de 2000. Ainsi, seul l'Etat dégagerait un besoin de financement, les autres sous-secteurs des administrations publiques étant excédentaires, même si la capacité de financement des administrations de sécurité sociale se contracterait légèrement sous l'effet du dynamisme des dépenses maladie et de la nouvelle convention UNEDIC 2001-2003.

A ce stade de l'année, les informations disponibles s'agissant de l'évolution des comptes des administrations publiques sont des plus fragmentaires.

S'agissant de budget de l'Etat, la situation au 31 mars dernier fait apparaître une dégradation du solde général d'exécution, qui s'établit à - 110,2 milliards de francs (- 16,80 milliards d'euros), contre - 82,1 milliards de francs (- 12,52 milliards d'euros) en 2000 à la même date. La situation hebdomadaire au 10 mai dernier fait quant à elle apparaître un solde général d'exécution de - 180,5 milliards de francs
(- 27,52 milliards d'euros), contre - 155,3 milliards de francs (- 23,68 milliards d'euros) à la même date lors de l'exercice précédent. Cette situation s'explique surtout par l'impact des mesures d'allégement d'impôts, les recettes nettes du budget général diminuant de 0,7% selon cette situation hebdomadaire par rapport à la même date en 2000.

Il convient toutefois de souligner qu'outre le fait que le déficit budgétaire ne correspond pas au besoin de financement de l'Etat, il s'agit d'un indicateur relativement peu significatif à ce stade de l'année.

Si la maîtrise des dépenses sociales ne perd rien de son actualité, il est évident que l'amélioration future des comptes publics reposera sur la capacité de l'Etat à maîtriser ses dépenses. Comme l'indique le rapport déposé pour le débat d'orientation budgétaire, cela implique de maintenir le cap au travers d'une gestion active des dépenses prévues pour 2002, combinant redéploiement et respect des objectifs de dépenses.

L'objectif d'un retour à l'équilibre des finances publiques à l'horizon 2004, figurant dans le programme pluriannuel de finances publiques présenté le 20 décembre 2000, est réaffirmé.

Afin d'y parvenir, le Gouvernement retient un objectif de progression de l'ensemble des dépenses publiques de 4,5% en volume entre 2002 et 2004, soit une hausse de 1,5% par an. Les baisses d'impôt déjà engagées devraient faire sentir leurs effets sur l'ensemble de la période, contribuant à la diminution du taux des prélèvements obligatoires de 0,9 point de PIB d'ici à 2004, c'est-à-dire les ramenant à leur niveau de 1995.

La stratégie de respect d'objectifs de dépense, jusqu'ici menée avec succès tant du point de vue de l'amélioration des finances publiques que du soutien de la croissance et de l'emploi, doit donc être poursuivie et amplifiée. Son succès dépendra aussi, à n'en pas douter, de la volonté de faire aboutir les chantiers engagés en matière d'évaluation et de contrôle des dépenses publiques, gage d'une modernisation de la gestion des administrations publiques, que nos concitoyens attendent, comme contribuables aussi bien que comme usagers des services publics.

2.- Un processus de réduction des déficits publics
qui n'a rien perdu de sa pertinence

Dans le rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, deux des principaux motifs justifiant de poursuivre l'assainissement des finances publiques sont clairement rappelés.

Tout d'abord, au-delà des redéploiements des dépenses, les marges budgétaires nouvelles ne pourront être dégagées de façon significative qu'en faisant reculer durablement la dette publique et, par voie de conséquence, sa charge d'intérêt, qui reste très importante.

De ce point de vue, le mouvement a été sérieusement engagé. En 2000, selon l'INSEE, la dette publique a été ramenée à 57,6% du PIB, contre 58,5% en 1999 et 59,5% en 1998. C'est donc la seconde année de réduction de la dette. Si la position relative occupée par la France peut être qualifiée d'intermédiaire, avec une dette la plaçant au neuvième rang parmi les Quinze, sa performance est meilleure en 2000 que celle de pays comparables, tant par la taille que par les structures économiques, que sont l'Allemagne (60,2% du PIB) et l'Italie (110,2% du PIB).

En 2001 et 2002, le processus de baisse de la dette devrait se poursuivre, pour atteindre respectivement 56,9% et 55,3% du PIB. A plus long terme, le Gouvernement a annoncé, dans son rapport précité, qu'à l'horizon 2004 ce taux devrait être ramené à 52,3% du PIB.

Dans ce même rapport, il est par ailleurs indiqué que ce choix de réduction de la dette publique doit également être mis en regard de la nécessité d'amortir dans de bonnes conditions le choc démographique. La montée en puissance prévisible des dépenses de retraite impose dès aujourd'hui de ne pas hypothéquer l'avenir en laissant croître la dette ou en la laissant se stabiliser au niveau actuel, bien trop élevé. Le rapport évalue l'incidence de la croissance des pensions sur l'augmentation des dépenses à environ trois points de PIB d'ici à 2020. La mise en place du fonds de réserve des retraites constitue un élément important de préparation à cette mutation de grande ampleur et répond au souci de pérenniser le système de retraite par répartition.

Toutefois, elle ne dispense pas de maintenir fermement le cap en matière de finances publiques.

Enfin, une troisième raison justifie la poursuite de ce mouvement de maîtrise des finances publiques. A moyen et long terme, cette maîtrise est seule capable de garantir durablement le financement des priorités de l'Etat et la diminution des prélèvements obligatoires. Outre les raisons les plus fréquemment avancées en faveur de cette diminution, on notera que le rapport précité y ajoute le souci de mieux faire face à la concurrence au sein de l'Union européenne. Il est ainsi indiqué que : « La France est particulièrement exposée aux effets de la concurrence fiscale : elle a l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de la zone euro, en partie parce qu'elle a privilégié, au milieu des années 90, un mode d'assainissement de ses comptes publics qui reposait sur la hausse des prélèvements obligatoires plus que sur la maîtrise des dépenses. »

L'effort d'harmonisation fiscale et de lutte contre la concurrence fiscale au sein de l'Union européenne, en soi déjà passablement complexe, ne peut donc se substituer à une réduction du niveau des prélèvements obligatoires. La baisse des déficits publics est l'un des moyens d'assurer celle-ci. Or, il est malheureusement exact que la position relative de la France en matière de déficits publics n'est pas des plus favorables, comme l'indique le tableau ci-après.

 

BESOIN (-) OU CAPACITÉ (+) DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES (1)

 

(en % du PIB)

     

Prévisions de printemps 2001

Programmes de stabilité
et de convergence (actualisés)

 
 

1999

2000

2001

2002

2000

2001

2002

2003

2004

 

Belgique

- 0,7

0,0

0,5

0,7

- 0,1

0,2

0,3

0,5

0,6

 

Allemagne

- 1,4

- 1,0

- 1,7

- 1,2

- 1,0

- 1,5

- 1,0

- 0,5

0,0

 

Grèce

- 1,8

- 0,9

0,0

0,6

- 0,8

0,5

1,5

2,0

2,0

 

Espagne

- 1,2

- 0,4

0,1

0,2

- 0,3

0,0

0,2

0,3

0,3

 

France

- 1,6

- 1,3

- 1,1

- 0,8

- 1,4

- 1,0

- 0,6

- 0,4

0,3

 

Irlande

2,1

4,5

3,9

3,6

4,7

4,3

3,8

4,6

-

 

Italie

- 1,8

- 1,5

- 1,3

- 1,0

- 1,3

- 0,8

- 0,5

0,0

0,3

 

Luxembourg

4,7

5,3

4,0

3,0

3,0

2,6

2,5

2,5

-

 

Pays-Bas

1,0

1,3

0,8

1,4

1,0

0,7

0,6

1,1

1,9

 

Autriche

- 2,1

- 1,5

- 0,7

0,0

- 1,8

- 0,8

0,0

0,0

0,0

 

Portugal

- 2,1

- 1,7

- 1,5

- 1,5

- 1,9

- 1,1

- 0,7

- 0,3

0,0

 

Finlande

1,8

6,7

5,3

5,2

4,5

4,7

4,4

4,5

4,9

 

Zone euro

- 1,2

- 0,7

- 0,8

- 0,4

- 0,7

- 0,6

- 0,3

0,1

0,4

 

Danemark

3,1

2,5

2,9

2,9

2,7

2,8

2,6

2,6

2,7

 

Suède

1,8

4,0

3,9

3,4

3,4

3,5

2,0

2,0

-

 

Royaume-Uni

1,3

1,9

1,0

0,9

1,1

0,6

- 0,1

- 0,9

- 1,0

 

Union européenne

- 0,6

0,0

- 0,3

0,0

- 0,2

- 0,2

- 0,1

0,0

0,2

 
 

(1) Les données 2000 et 2001 sont calculées hors produits des licences UMTS. En incluant ces derniers, les prévisions de printemps 2001 seraient les suivantes :

 

- en 2000 : 1,5% pour l'Allemagne, - 0,3% pour l'Espagne, - 0,3% pour l'Italie, 2% pour les Pays-Bas, - 1,1% pour l'Autriche, - 1,4% pour le Portugal, 0,4% pour la zone euro, 4,3% pour le Royaume-Uni et 1,2% pour l'Union européenne ;

- en 2001 : 0,6% pour la Belgique, - 0,6% pour la France, - 0,7% pour la zone euro, 3,2% pour le Danemark et - 0,2% pour l'Union européenne.

Les données correspondantes selon les programmes de stabilité et de convergence actualisés seraient les suivantes :

- en 2000 : 1,5% pour l'Allemagne, - 0,1% pour l'Italie, 1,7% pour les Pays-Bas, - 1,4% pour l'Autriche, - 1,5% pour le Portugal, 0,3% pour la zone euro, 3,5% pour le Royaume-Uni et 1,1% pour l'Union européenne ;

- en 2001 : 0,1 pour la France, - 0,4% pour la zone euro et 0% pour l'Union européenne.

Source : Commission européenne.

En 2000, le besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques dans notre pays a atteint 1,3%, alors que ce besoin de financement est de 0,7% pour la zone euro et que l'équilibre est atteint pour l'ensemble de l'Union européenne. La France se situe au douzième rang au sein de l'Union européenne, huit pays connaissant d'ores et déjà une situation d'équilibre ou d'excédent des finances publiques.

Il n'en apparaît que plus nécessaire de poursuivre l'effort entrepris.

Au total, ce panorama, nécessairement sommaire, confirme, à son tour, l'ampleur des changements accomplis à la suite de la réorientation de la politique économique permise par le choix des électeurs en 1997.

Cette réorientation, en direction des ménages et du soutien de la demande interne, a directement contribué au redressement de la croissance, une croissance, que le Gouvernement et sa majorité ont voulu et continuent de vouloir solidaire au bénéfice des plus modestes.

Pour conforter ces résultats, la stratégie des finances publiques a tout son rôle : le financement des priorités du Gouvernement et de sa majorité et la réduction des prélèvements obligatoires pour favoriser l'emploi rendent toujours nécessaire de dégager des marges budgétaires qui proviendront significativement de l'attention portée à l'efficacité de la dépense publique et de la poursuite du recul durable de la dette publique et de sa charge d'intérêt.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET ET DE LA SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUDGET PRÉALABLE AU DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2002

La Commission a procédé à l'audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, préalablement au débat d'orientation budgétaire pour 2002.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a souhaité récapituler les grands axes de la politique menée depuis quelques années par le Gouvernement, avant d'indiquer dans quel esprit pouvait être préparée la période budgétaire à venir.

Il a indiqué que, depuis 1997, le Gouvernement avait eu avant tout la volonté d'améliorer l'emploi, ce qui supposait de réveiller la croissance. On peut noter que chaque exercice de cette période a été marqué par un choc extérieur, qu'il s'agisse de la crise des pays émergents de 1998 et 1999, du choc pétrolier de l'automne dernier ou des incertitudes pesant aujourd'hui face au fort ralentissement de l'activité économique américaine. Toutefois, le Gouvernement a réussi à obtenir une croissance plus forte que celle de nos principaux partenaires, à améliorer la situation des finances publiques
- même si beaucoup reste à faire - à accroître la justice sociale et à maintenir la confiance des ménages et des entreprises.

La croissance française se caractérise jusqu'ici par deux traits principaux : son ampleur et sa relative régularité. Avec les Etats-Unis et le Canada, la France se trouve dans le peloton de tête au sein du G7, mais, dans le même temps, de tous les pays du G7, elle est, avec le Royaume-Uni, celui dont la croissance a enregistré le moins d'à-coups. Deux facteurs permettent d'expliquer le chemin de la croissance française : d'une part, une demande intérieure plus dynamique portée par des créations d'emplois plus vigoureuses et un climat de confiance mieux orienté que chez nos voisins, d'autre part, une économie rendue moins sensible aux chocs de conjoncture grâce à un appareil de production qui s'est modernisé et fait une plus large part aux services qu'auparavant.

L'action menée depuis quatre ans a contribué à augmenter le potentiel de croissance à moyen terme de notre économie. En menant une politique active en faveur de l'emploi et de la formation, en luttant contre l'exclusion du marché du travail, en soutenant l'innovation et la diffusion des technologies de l'information et de la communication dans l'économie, en améliorant, par certaines réformes de structure, l'efficacité des producteurs privés et publics, au total nous avons renforcé notre potentiel de croissance. Le signe le plus évident en est que le taux de chômage a retrouvé au mois de mars 2001 un niveau qu'il n'avait pas connu depuis 18 ans. Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'il intervient - fait très rarement souligné - dans un contexte de forte progression de la population active, celle-ci augmentant de près de 200.000 personnes par an depuis 1998.

Il faut également souligner le fait que cette progression de l'emploi accompagne un rééquilibrage des revenus entre le capital et le travail. Nous avons travaillé sur la question de savoir à qui avait profité le surplus de richesses dégagées. Les résultats de l'enquête montrent que, depuis 1997, le travail bénéficie d'environ les deux-tiers des surplus de richesses créés chaque année dans les entreprises, sous forme de progression du pouvoir d'achat des salaires. Les données les plus récentes mettent en particulier en évidence que la ponction pétrolière sur le pouvoir d'achat a été un peu plus faible que cela avait été initialement estimé en 2000, ce qui a finalement permis un gain de pouvoir d'achat supérieur à un demi-point. Les indications disponibles sur le début de l'année portent même à 1% la hausse du pouvoir d'achat sur un an. Il faut ajouter que ces évolutions ne prennent pas en compte les baisses d'impôts : compte tenu de celles-ci, le travail a en fait bénéficié de 80% des fruits de la croissance, le capital de 20%.

A ce résultat s'en ajoutent deux autres : d'une part, le taux d'investissement, c'est-à-dire la part des richesses créées que notre économie consacre à la création de richesses futures, atteint un niveau inconnu depuis une vingtaine d'années. D'autre part, l'inflation est contenue, même si elle est encore un peu forte, alors que, chez nos partenaires, flambée des cours pétroliers et baisse de l'euro vis-à-vis du dollar ont fait grimper les prix. Il convient de signaler un phénomène nouveau s'agissant des prix pétroliers : certes, l'augmentation importante des prix du brut et le fléchissement de l'euro ont contribué à la hausse de ces prix, mais il semble qu'à la différence de ce qui avait pu se passer auparavant, les marges du raffinage ont progressé : peut-être faut-il y voir l'effet d'un phénomène de cartellisation. La relative sagesse des prix français est un indice encourageant pour l'avenir et suggère qu'il reste une marge significative pour faire baisser encore le chômage et améliorer l'emploi. L'ensemble de ces facteurs, création forte d'emplois, demande intérieure puissante, diffusion de l'innovation dans l'économie, font qu'une croissance annuelle proche de 2,5 à 3% et durablement non inflationniste est à notre portée, alors que notre potentiel de croissance était limité à 2% au milieu des années 90. Cela devrait permettre à la France, en partie mais en partie seulement, de rester à l'abri, en tout cas mieux que d'autres, des effets du ralentissement américain.

S'agissant de ce dernier, il faut tenir un langage de vérité. L'atterrissage de l'économie américaine était attendu, mais il a surpris par son ampleur et sa rapidité. Les Etats-Unis sont passés d'un rythme de croissance annualisé de 5% au début de l'année 2000 à un rythme de l'ordre de 1,5% au début de 2001. Si l'on ajoute à cette situation le fait que l'activité au Japon est atone, c'est une part très significative du PIB mondial qui est affectée, dans un contexte de chute des valeurs technologiques et de corrections des marchés financiers. Au sein de l'Union européenne, les situations sont très différenciées. L'Allemagne est sans doute le pays le plus exposé au ralentissement américain, ce qui est préoccupant, dans la mesure où il s'agit d'un de nos plus importants partenaires. En effet, la relance de la consommation intérieure reste faible et, s'ajoutant aux problèmes de compétitivité, les liens des entreprises allemandes avec les entreprises américaines sont beaucoup plus forts que ceux des entreprises françaises. La prévision de croissance officielle pour 2001 est de l'ordre de 2%, mais il ne serait pas surprenant que les résultats se situent en-dessous de ce chiffre.

S'agissant de la France, nous allons réexaminer nos prévisions de croissance fin juin-début juillet. Il est exact que les résultats du premier trimestre sont décevants, avec une croissance de 0,5%. En effet, si la consommation des ménages reste forte, avec une progression de 1,3%, les importations et les exportations sont plus modérées, compte tenu du contexte économique mondial, et, surtout, les entreprises ont procédé à un déstockage massif, qui a contribué à réduire de 0,8% l'activité au premier trimestre. Les chefs d'entreprise ont sans doute surréagi à l'évolution de la conjoncture en déstockant massivement, comme l'avaient fait leurs homologues américains. La brutalité même de cet ajustement au premier trimestre devrait cependant préserver l'activité des trimestres à venir. On peut observer à travers ce phénomène que, dans une économie de plus en plus globalisée, le délai de diffusion des chocs entre les grandes zones économiques est beaucoup plus court qu'auparavant. Si le premier trimestre est décevant, les prévisions d'investissements restent bonnes malgré tout, avec une croissance prévue de 6% sur l'exercice, contre 8% anticipés précédemment.

Il conviendra toutefois d'être attentif au maintien d'une demande interne forte, en soutenant tout d'abord la confiance des ménages par une maîtrise de l'inflation et une poursuite des baisses d'impôts, ces dernières n'étant d'ailleurs désormais plus guère critiquées. Ensuite, il ne faut pas décourager les entreprises, afin de leur faire retrouver un bon rythme d'investissement.

S'agissant de la conjoncture outre-Atlantique, un retour immédiat aux taux de croissance connus à la fin des années 90 n'est pas envisageable. Il conviendra sans doute d'attendre des mois, voire des trimestres, avant de pouvoir constater une reprise significative. Les effets de contagion de ce phénomène ont été brusques et notre économie devra affronter non seulement l'atonie de la demande que nous adressent les Etats-Unis, mais aussi celle d'autres pays touchés à leur tour par ce ralentissement. S'il s'agit bien d'un ralentissement et non pas d'un retournement, il convient certes de rester vigilants, mais aussi de ne pas surréagir, en gardant confiance dans la solidité de l'économie française. Compte tenu de la robustesse confirmée de la consommation des ménages, notre économie sera affectée par la conjoncture américaine, mais ne connaîtra pas d'inversion de la croissance.

L'évolution de la conjoncture, autant que les résultats obtenus depuis quatre ans, nous invitent à poursuivre notre stratégie de finances publiques. Sa clé de voûte en est connue : une évolution maîtrisée des dépenses, grâce à une gestion dynamique, avec la fixation d'objectifs pluriannuels. Pour 2002, le Premier ministre a fixé l'augmentation des dépenses à 0,5%, taux qui doit être comparé à l'augmentation de 0,3% prévue en 2001. Au total, nous restons dans la fourchette d'une croissance des dépenses de 1% sur trois ans. Cela nécessite pour les ministères concernés de définir un budget serré. Toutefois, cette maîtrise de la dépense est indispensable et permet de jouer sur les mécanismes d'amortisseurs. Nous avons décidé, en effet, de ne pas définir nos objectifs de dépenses en fonction de la conjoncture économique, et ce afin de ne pas contrarier la croissance et de ne pas déséquilibrer nos finances publiques.

M. Laurent Fabius a ainsi précisé que, depuis 1997, plus de 30 milliards de francs d'économies et de redéploiements ont été réalisés chaque année, ce qui a permis de financer les mesures nouvelles. Grâce à cette gestion active de la dépense, près de 90% de la progression du budget de l'Etat ont pu être affectés aux secteurs prioritaires que sont l'éducation, la lutte contre les exclusions, la sécurité, la justice et l'environnement. Les budgets correspondant à ces secteurs prioritaires ont progressé de 14% en valeur entre 1997 et 2001, contre 1,6% pour les autres budgets. Ces chiffres illustrent parfaitement la gestion sélective de la dépense menée depuis 1997.

Les baisses d'impôt se sont élevées à 160 milliards de francs depuis 1997. Elles portent pour les deux tiers sur les grands impôts nationaux et pour un tiers sur la fiscalité locale. Ces baisses ont été compensées, en 1999, par le dynamisme spontané des recettes fiscales et sociales, les recettes fiscales ayant été soutenues par une élasticité très élevée à la croissance, spécialement pour l'impôt sur les sociétés, et les recettes sociales ayant été influencées par la progression de la masse salariale. Le taux de prélèvements obligatoires s'est cependant nettement infléchi en 2000 et sa diminution devrait se poursuivre en 2001 et 2002. Au total, les allégements volontaristes de prélèvements obligatoires pourraient représenter 2,2 points de PIB entre 1997 et 2002.

Le besoin de financement des administrations publiques s'est nettement réduit depuis le début de la législature, passant de - 3,5% du PIB en 1997 à - 1,3% en 2000. En outre, depuis 1999, le poids de la dette publique dans le PIB diminue de plus d'un point de PIB par an en moyenne et le Gouvernement entend poursuivre dans cette voie.

Pour fixer à moyen terme l'évolution des dépenses publiques, la politique budgétaire de la France doit prendre en compte deux préoccupations : le soutien à la croissance potentielle et le renforcement de l'efficacité de la dépense publique, d'une part, l'anticipation des conséquences financières du vieillissement de la population, d'autre part. Sur ce dernier point, la France occupe une situation moyenne en Europe. Ces deux préoccupations commandent d'alléger le poids de la dette léguée aux générations futures. Il n'apparaît pas souhaitable, néanmoins, de procéder à cet allégement par une augmentation des prélèvements obligatoires, car, en premier lieu, cette augmentation pourrait avoir des effets inverses de ceux désirés et, en second lieu, une évolution modérée des dépenses paraît compatible avec les objectifs de la politique de l'emploi.

Le budget 2002 devrait être un budget de mouvement et de redéploiements. Compte tenu des évolutions probables des charges de la dette et des dépenses de fonction publique, le montant des mesures nouvelles devrait être sensiblement égal à celui des redéploiements réalisés. La progression en volume des dépenses de l'Etat a été de 0,33% par an en moyenne entre 1998 et 2001, ce qui est cohérent avec la norme de 1% sur 3 ans fixée dans le programme pluriannuel. Le cadrage de 0,5% en volume retenu pour le projet de loi de finances pour 2002 est également conforme à ce programme. Les baisses d'impôts devront se poursuivre également en 2002, conformément au plan pluriannuel 2001-2003, à hauteur de 38 milliards de francs. La réduction dégressive du barème de l'impôt sur le revenu sera mise en _uvre pour la troisième année consécutive et la deuxième étape de la suppression de la surtaxe dite « Juppé » sur les bénéfices des entreprises sera franchie en 2002. Le doublement de la prime pour l'emploi sera proposé et la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle disparaîtra complètement en 2003. Par ailleurs, le déficit budgétaire devrait pouvoir être réduit en 2002 par rapport à la loi de finances pour 2001, mais l'ampleur de la réduction sera en partie déterminée par la croissance économique.

En conclusion, M. Laurent Fabius a rappelé que la politique menée par le Gouvernement avait pour objet principal la réduction du chômage et l'accroissement de la solidarité, dans une conjoncture marquée par un ralentissement sans retournement.

Votre Rapporteur général a observé qu'en mars 2001, le Gouvernement avait procédé à une révision à la baisse des hypothèses de croissance et que, par ailleurs, les recettes fiscales nettes au premier trimestre sont dans l'ensemble assez peu dynamiques. Il a donc souhaité obtenir des estimations sur la progression des recettes en 2001, notamment au regard des prévisions inscrites dans la loi de finances initiale. Il a également demandé des éléments d'information sur l'exécution du budget 2001 en matière de dépenses, car il semblerait que des dépassements ont été constatés par rapport au rythme observé en 2000.

S'agissant du ralentissement des investissements, il s'est interrogé sur ses conséquences sur l'ensemble de la croissance en 2001.

En ce qui concerne le financement des allégements de charges sociales patronales liés au passage aux 35 heures, il a souhaité connaître les ajustements rendus nécessaires par la remise en cause des modalités arrêtées l'année dernière. En outre, il a demandé des précisions sur les principes généraux qui devraient guider la fixation de règles de compensation prenant en compte la contribution apportée par la politique de l'emploi à l'amélioration de tous les comptes publics.

Enfin, ayant rappelé l'amélioration des comptes des administrations sociales et de ceux des collectivités locales depuis 1997, il a fait valoir qu'il serait peut-être temps d'entreprendre un réexamen des relations entre les budgets sociaux, ceux des collectivités locales et le budget de l'Etat.

M. Laurent Fabius a tout d'abord noté que l'effet du ralentissement conjoncturel sur les recettes ne pourra être évalué avec une relative précision qu'à la fin du mois de juin, après le versement du deuxième acompte de l'impôt sur les sociétés. Il a néanmoins indiqué qu'il n'avait pas d'inquiétude particulière sur l'évolution de la TVA, que les moindres rentrées enregistrées en matière de taxe intérieure sur les produits pétroliers résultaient des mesures d'allégement votées par le Parlement et qu'il ne devrait pas y avoir de surprise en matière d'impôt sur le revenu. La principale inconnue est donc liée aux rentrées de l'impôt sur les sociétés, l'ensemble devant se trouver sensiblement en ligne avec les prévisions.

En ce qui concerne l'exécution des dépenses, des contrats de gestion ont été conclus avec les « ministères dépensiers » et, si l'Etat doit faire face à des dépenses exceptionnelles, notamment pour atténuer les conséquences de l'encéphalopathie spongiforme bovine, la situation est néanmoins maîtrisée.

La poursuite du déstockage par les entreprises pourrait être préoccupante, mais cela n'empêcherait pas la croissance de correspondre aux prévisions : la croissance devrait finalement être assez proche du plancher retenu par les prévisions révisées, qui retiennent une fourchette de plus ou moins 0,2 point autour d'une moyenne de 2,9%.

Les allégements des charges sociales sont principalement constitués par la ristourne dégressive décidée par le gouvernement de M. Alain Juppé. Par ailleurs, même si c'est l'Etat qui compense la majeure partie de ces allégements, il paraîtrait légitime que la sécurité sociale, qui bénéficie de surplus financiers grâce aux créations d'emplois liées aux allégements précités, apporte sa contribution à leur financement.

Les comptes des collectivités locales, prises globalement, sont excédentaires de 40 milliards de francs en 2000, bien que certaines d'entre elles soient dans une situation financière difficile. La sécurité sociale est également excédentaire, à hauteur de 54 milliards de francs, et l'Etat, en 2000, affiche un déficit de 190 milliards de francs.

Il faut éviter le raisonnement simpliste et erroné qui attribue à une mauvaise gestion le déficit de l'Etat. Un raisonnement correct consiste plutôt à affirmer que la bonne gestion est nécessaire, tant pour l'Etat que pour les collectivités locales et la sécurité sociale, et que chacun doit prendre sa part des efforts visant à améliorer la situation générale des finances publiques.

Par exemple, il n'y a certainement pas assez de solidarité s'agissant des collectivités locales. Or, la solidarité doit se manifester d'abord entre les collectivités elles-mêmes plutôt que reposer sur une intervention accrue de l'Etat. Il faut refuser l'approche démagogique qui consisterait à soulager les collectivités locales en accroissant les difficultés de l'Etat.

En matière de sécurité sociale, il convient d'analyser l'origine des évolutions favorables que l'on a pu constater ces toutes dernières années, tout en se projetant sur une plus longue période. Une partie du redressement provient, à l'évidence, de l'amélioration de la conjoncture : il est normal que les comptes sociaux bénéficient de la baisse du chômage et de l'augmentation de l'emploi. Cependant, cette évolution doit s'inscrire dans la durée. On doit donc réfléchir à la façon d'assurer l'équilibre à long terme de la branche « maladie » comme de la branche « retraites ». De même, les caisses nationales ne doivent pas considérer qu'elles sont propriétaires de leurs excédents respectifs éventuels : elles ont une responsabilité commune dans l'équilibre financier des comptes sociaux. A cet égard, le Gouvernement doit constater que les conditions dans lesquelles ont été menées les négociations, entre les partenaires sociaux, sur le dispositif relatif à l'Association pour la gestion de la structure financière (ASF) se sont traduites par une perte de cotisations de 10 milliards de francs environ.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, a rappelé que les résultats d'exécution budgétaire au 31 mars 2001 montraient, en apparence, une dégradation par rapport à la période équivalente de l'année 2000. En particulier, le déficit est supérieur de 28 milliards de francs au niveau atteint à la fin du premier trimestre de 2000. Mais cette lecture rapide donne une image erronée de la réalité :

- en matière de dépenses, les dépenses militaires en capital avaient été exceptionnellement modérées dans la première partie de l'année 2000. Elles retrouvent en 2001 un profil d'exécution plus conforme à la normale. Le niveau des dépenses constaté à la fin du mois de mars 2001 n'annonce donc pas un dérapage en fin d'année, mais traduit un rééquilibrage de la consommation infra-annuelle des crédits ;

- en matière de recettes, on constate des moins-values sur la TVA et la TIPP par rapport aux encaissements du premier trimestre 2000. Cependant, les comparaisons sont faussées par le fait que le taux normal de TVA était encore de 20,6% sur cette période, alors qu'il a été depuis ramené à 19,6%. De même, le mécanisme de « TIPP flottante » instauré par la loi de finances pour 2001 a des conséquences sensibles sur les encaissements. Il apparaît, en fait, que les pertes de recettes découlant des allégements fiscaux précités correspondent exactement aux moins-values constatées pendant les trois premiers mois de l'année 2001. Il n'y a donc pas, à ce stade, d'inquiétudes à nourrir quant au niveau des recettes fiscales pour l'ensemble de l'année 2001, même si l'aléa est aujourd'hui, contrairement aux années passées, à la baisse.

En tout état de cause, le processus des « contrats de gestion » a été réactivé en 2001 dans les mêmes conditions qu'en 2000, ce qui contribuera à maîtriser le niveau de la dépense sur l'ensemble de l'exercice.

Par ailleurs, le décret d'avance du 21 mai 2001 a ouvert un peu plus de 3 milliards de francs de crédits supplémentaires, gagés par des annulations d'un même montant, les crédits étant destinés, pour l'essentiel, à faire face au traitement de la crise de l'ESB et de l'épizootie de fièvre aphteuse.

M. Philippe Auberger a qualifié l'exposé du ministre de lénifiant. Quatre points mériteraient, pour le moins, des explications complémentaires.

En premier lieu, le suivi de la conjoncture montre que des incertitudes nouvelles apparaissent chaque jour, qui justifieraient de réviser assez sensiblement à la baisse les prévisions de croissance. M. Wim Duisenberg, Président de la Banque centrale européenne, a indiqué, il y a quelques jours, que la zone euro ne connaîtrait pas, en moyenne, une croissance supérieure à 2,5% en 2001. La fourchette de 2,9-3,3% initialement retenue pour la France par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie apparaît manifestement surévaluée. On peut donc s'interroger sur les répercussions de ce ralentissement économique sur les finances publiques en 2001. Par ailleurs, il faudra bien que l'Etat finance le « trou » du FOREC, qui est estimé à 25 ou 30 milliards de francs pour l'année 2001. Faudra-t-il donc recourir à l'affectation à ce fonds d'une part supplémentaire du produit de la taxe sur les conventions d'assurance ?

En deuxième lieu, on voit mal comment la baisse des prélèvements obligatoires, telle qu'elle est affichée dans le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, pourrait advenir, dès lors que les allégements d'impôts évoqués par le ministre se limitent à une trentaine de milliards de francs.

En troisième lieu, rien n'a été dit sur l'objectif de déficit en 2002. Une amélioration de 5 milliards de francs est, à l'heure actuelle, prévue entre le résultat d'exécution pour 2000 (- 191 milliards de francs) et le solde prévisionnel de la loi de finances initiale pour 2001 (- 186 milliards de francs). L'évolution sera-t-elle identique entre 2001 et 2002 ? En matière de réduction du déficit public, la France est déjà à la traîne de ses partenaires en 2001 ; en sera-t-il de même en 2002 ?

Enfin, l'Autorité de régulation des télécommunications doit indiquer dans les tout prochains jours quelle doit être la marche à suivre au regard de l'attribution des licences UMTS. Le Gouvernement, pour sa part, a indiqué que l'essentiel des recettes tirées de la vente de ces licences irait au fonds de réserve pour les retraites (FRR). Or le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, adopté par l'Assemblée nationale le 10 mai dernier, propose d'ériger le FRR en établissement public administratif. Les règlements de comptabilité publique obligent cette catégorie d'établissements à limiter leurs placements financiers aux obligations d'Etat ou titres assimilés, à l'exclusion des actions. Ces règlements seront-ils appliqués au FRR ? La constitution d'un fonds n'aurait alors aucun intérêt financier et il vaudrait mieux désendetter l'Etat directement. Une dérogation sera-t-elle mise en _uvre pour le FRR ? On aboutirait alors à la création d'un fonds de pension mutualisé par capitalisation, ce qui serait en décalage flagrant avec les options affichées par les promoteurs du FRR.

M. Pierre Méhaignerie a estimé que l'intervention du ministre témoignait d'une certaine inquiétude et contenait beaucoup d'imprécisions. Cela est dû, certainement, aux incertitudes de la conjoncture et, au moins autant, à celles affectant les futurs arbitrages en matière de finances publiques.

Le changement de conjoncture est très perceptible : on devine déjà, dans les collectivités locales, un prochain « effet de ciseau » dû à la rétraction des recettes et à l'accroissement des dépenses. Les 35 heures et l'allocation personnalisée d'autonomie ne sont pas étrangères à ce sentiment largement partagé. Quelles sont donc les marges de man_uvres de l'Etat en 2001 ? Une régulation budgétaire sera-t-elle mise en _uvre ? Les investissements seront-ils, comme d'habitude, sacrifiés ?

Au-delà des aspects conjoncturels, le ministre a affirmé que le Gouvernement souhaitait élever le potentiel de croissance à moyen terme de l'économie française. Or, le message commun qui vient du monde des entreprises - y compris de la part d'anciens collaborateurs du ministre - est que la France est en train de perdre la bataille de la croissance, car elle tarde à mettre en place des réformes structurelles profondes. Le parallélisme entre 2002 et 1992 est frappant : on observe simultanément une diminution des marges de man_uvre et une incapacité inquiétante à prendre les mesures nécessaires pour surmonter les difficultés et rebondir ensuite.

Le Président Henri Emmanuelli a remarqué que d'aucuns pourraient s'interroger sur l'exemple des Etats-Unis, qui passent d'un taux de croissance de 5% en 2000 à 1% ou 1,5% en 2001, malgré leurs prétendues « performances » en matière de réformes structurelles.

M. François d'Aubert a estimé qu'une conjoncture « mouvante » expliquait peut-être l'extrême prudence du ministre. Il faudra bien pourtant affronter le bouclage du budget 2001 et la préparation du budget 2002, qui ne pourra être qu'un budget « électoral ».

En 2001, on observe déjà une diminution sensible des recettes et une augmentation des dépenses. Au demeurant, ce décalage montre clairement combien les baisses d'impôt - qui sont en soi une bonne chose - doivent aller de pair avec une baisse des dépenses pour assurer un véritable assainissement des finances publiques. Existe-t-il un plan de régulation budgétaire pour assurer l'exécution dans de bonnes conditions du budget 2001 ?

Le ministre a indiqué que les investissements des entreprises sont en diminution. Y a-t-il une corrélation entre ce phénomène et la mise en place des 35 heures ? Peut-être, lorsqu'on voit que des grands groupes français préfèrent désormais investir à l'étranger plutôt qu'en France.

Les grands problèmes structurels de l'économie française ne sont, pour leur part, toujours pas traités : on ne voit rien venir en matière de retraites, les hôpitaux manquent de personnel et le passage aux 35 heures dans la fonction publique aura nécessairement un coût sur lequel il faudra bien faire la lumière. Comment le Gouvernement compte-t-il régler tous ces problèmes dans une conjoncture affaiblie ?

M. Daniel Feurtet a souligné qu'une croissance riche en emplois reposait sur une forte demande intérieure, laquelle était fonction non seulement du pouvoir d'achat, mais également de l'importance des investissements réalisés en matière de formation ou de recherche et par les entreprises. Or, une demande intérieure forte est désormais une nécessité pour faire face aux variations de la demande extérieure.

Par ailleurs, beaucoup de gens se sentent exclus de la croissance : il faut des choix budgétaires plus imaginatifs pour envoyer des signes politiques forts en direction de cette frange de la population.

Il s'est déclaré préoccupé par l'importance des compensations versées par l'Etat aux collectivités locales, déplorant que l'Etat ait à supporter, comme cela est le cas pour la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, des charges incombant à d'autres. Si l'Etat se voyait déchargé d'une part de ces obligations de compensation en faveur des collectivités locales, cela permettrait d'accroître autant les marges de man_uvre de la politique budgétaire. De même, les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) mettent en évidence l'importance des marges d'efficacité de la dépense publique en France : il serait donc souhaitable que le Gouvernement entende davantage les recommandations de la MEC.

M. Michel Bouvard a souhaité obtenir des précisions sur les conséquences budgétaires de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, rappelant que celle-ci allait se cumuler avec le départ en retraite d'un nombre important d'agents, réduisant d'autant les moyens humains de cette fonction publique. Il s'est par ailleurs inquiété du faible niveau de l'investissement public, et notamment des investissements de l'Etat : lorsque la croissance est susceptible de se ralentir, l'investissement public doit jouer un rôle de soutien. Or, bien que la France paraisse désormais confrontée à cette situation, il semblerait que l'investissement public soit destiné à servir de variable d'ajustement au ralentissement de la croissance. Or, de nombreux rapports de la Cour des comptes soulignent la faiblesse de l'investissement de l'Etat, par exemple dans le domaine du patrimoine routier.

Après s'être interrogé sur l'avenir de « l'écofiscalité » en France, M. Yves Cochet a souligné les insuffisances du discours sur la croissance. Certes, celle-ci, moins forte que dans le passé, sera sans doute mieux partagée. Mais ce discours s'adresse essentiellement aux couches moyennes de la population. En revanche, les couches les plus populaires, confrontées à la montée des inégalités, se sentent exclues de la croissance. Il convient de mettre un terme à cette situation, car une bonne croissance est avant tout celle qui permet l'adhésion à la démocratie. Il convient donc de faire bénéficier les couches les plus populaires des fruits de la croissance. Ne pourrait-on pas deserrer « les cordons de la bourse » en faveur des plus démunis, par exemple en augmentant les minima sociaux et le SMIC ?

M. Augustin Bonrepaux a souhaité que le Gouvernement maintienne le cap de la politique suivie depuis quatre ans et se garde, bien que la conjoncture présente des signes de faiblesse, de trop réduire les dépenses publiques ou de trop accroître la fiscalité. Des marges de man_uvre budgétaires existent bel et bien : des économies sont ainsi tout à fait réalisables dans la fonction publique, où il y a des marges de productivité.

En matière de fiscalité, il a appelé de ses v_ux la poursuite de la politique de simplification mise en _uvre par le Gouvernement, évoquant l'exemple de la suppression de la vignette automobile qu'il conviendrait de mener jusqu'à son terme.

Les compensations versées par l'Etat aux collectivités locales sont importantes, notamment depuis 1997. Toutefois, ces compensations se révèlent insuffisantes au regard des charges supplémentaires que l'on impute aux collectivités locales. Par exemple, les charges de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui ne feront pas l'objet d'une compensation intégrale de la part de l'Etat, se répercuteront sur le contribuable local.

Il a évoqué la politique en faveur de la coopération intercommunale d'agglomération, déplorant que, dans les faits - même si cela ne correspondait pas à la volonté du législateur - celle-ci se soit traduite par des transferts financiers au détriment des groupements en zones rurales. Il est urgent de corriger cette évolution, afin de pérenniser un système globalement égalitaire.

M. Charles de Courson a fait part de trois inquiétudes. La première est relative aux perspectives incertaines en matière de dépenses d'assurance-maladie et de retraites, aux aléas affectant le financement du FOREC ainsi qu'à la dérive des dépenses de l'Etat, dont les dépenses de fonctionnement ne cessent d'augmenter alors que les dépenses d'investissement s'effondrent. En deuxième lieu, on ne peut affirmer que les prélèvements obligatoires ont diminué, alors qu'ils se situaient à 44,7% du PIB en 1997 et qu'ils devraient atteindre 44,5% en 2002. En fait, les fruits de la croissance ont été dilapidés sans avoir contribué à la réduction des prélèvements, les baisses d'impôt n'étant qu'une simple restitution aux Français des surplus de prélèvements constatés. Enfin, on ne note, au cours des trois dernières années, aucune baisse du solde structurel, qui avait été réduit de 3,1 points entre 1993 et 1997.

M. Gilbert Gantier a demandé comment le Gouvernement comptait réagir face à la décroissance de la productivité française globale comparée à celle des autres pays, constatée depuis trois ans.

M. Laurent Fabius a remercié les différents intervenants et répondu sur les principaux points abordés, soulignant que le débat en séance publique offrirait l'occasion de poursuivre cet échange.

Sur le financement des 35 heures, il n'est pas question qu'il entraîne la détérioration de la situation budgétaire. Aucun plan de régulation budgétaire n'est prévu pour 2001 : s'agissant des recettes, la plupart d'entre elles sont assises sur des bases de 2000, ce qui les met, pour cette année, à l'abri de la conjoncture ; s'agissant des dépenses, les contrats de gestion avec les ministères rempliront leur rôle sans régulation autoritaire. En revanche, des incertitudes subsistent pour le budget 2002, mais il est encore trop tôt pour les aborder.

On ne peut affirmer que la France est en train de réduire ses capacités de faire face à l'avenir. Un rapport a été demandé à M. Michel Charzat, député, sur ce point et sur l'évolution prévisible de la productivité, question qui deviendra encore plus cruciale avec la mise en circulation de l'euro. En terme de compétitivité globale de la Nation, il faut trouver un point d'équilibre entre le juste niveau des prélèvements obligatoires et le bon fonctionnement des services publics : si l'on raisonne en ces termes, certaines affirmations simplistes perdent toute pertinence.

Si le rythme des investissements des entreprises s'atténue, il reste néanmoins très important, de l'ordre de 6%, ce qui est bien supérieur à ce qu'il était dans le passé. Il ne faut pas opposer consommation intérieure soutenue et investissement, car la croissance à besoin des deux et il existe une corrélation entre eux.

Le ministre a approuvé la nécessité de réduire encore les exclusions, d'approfondir la réflexion sur l'écofiscalité, de renforcer l'efficacité de la dépense publique partout où c'est possible, notamment en tenant compte des propositions qui pourront être faites par les parlementaires, et, enfin, de réfléchir au niveau souhaitable des transferts effectués par l'Etat en direction des collectivités locales.

Il est faux de parler de gaspillage de la croissance et de l'absence de baisse des prélèvements obligatoires. L'augmentation de la richesse nationale a été utilisée pour des baisses d'impôts massives et l'amélioration du sort du plus grand nombre. Il est faux également de soutenir que les dépenses d'investissement de l'Etat décroissent, alors qu'elles repartent de façon significative.

II.- EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION

La Commission a examiné le présent rapport d'information, le mercredi 30 mai 2001, sur le rapport de votre Rapporteur général.

Après avoir précisé que, sous réserve de la décision de la Commission, son rapport pourrait être disponible avant le débat d'orientation budgétaire prévu pour le 6 juin 2001, votre Rapporteur général a indiqué qu'il souhaitait mettre en perspective les acquis de la politique menée par le Gouvernement depuis juin 1997, et rappeler la nécessité de conforter ces résultats ainsi que de maintenir les mêmes orientations en vue de la consolidation de la croissance et de l'emploi comme de la réalisation des priorités sociales du Gouvernement.

S'agissant des perspectives de l'année, on observe certes un ralentissement de la croissance mondiale et le consensus des économistes demeure prudent sur l'hypothèse d'une reprise progressive, néanmoins les éléments actuellement disponibles montrent un maintien du potentiel de la croissance française et, sur le plan budgétaire, l'absence de conséquence nette des évolutions économiques mondiales sur les niveaux des recettes pour 2001. Des données précises sur l'exécution du budget 2001 seront mentionnées dans le cadre du rapport écrit, tant en recettes qu'en dépenses.

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La Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

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N° 3099.- Rapport d'information de M. Didier Migaud, Rapporteur général, au nom de la commission des finances, préalable au débat d'orientation budgétaire pour 2002.

() Indice hors tarifs publics et produits à prix volatils (notamment énergie et produits frais), corrigé des mesures fiscales et des variations saisonnières.

() Les comptes de la Nation en 2000. Une croissance très riche en emplois, INSEE-Première, n° 773, avril 2001.

() L'écart entre ces 3,2% et les 3,1% cités par l'INSEE à l'occasion de la récente publication des comptes de la Nation s'explique par le fait que les perspectives économiques parues en mars 2001 ont été élaborées en s'appuyant sur les comptes provisoires de l'INSEE, parus fin février.

() Les contributions à la croissance en volume du PIB reposent sur la formule définissant le PIB à partir de ses contreparties (somme des emplois finals en biens et services, déduction faite des importations). La contribution d'une composante des emplois finals à la croissance du PIB est définie comme le rapport (exprimé en pourcentage) de l'accroissement en volume de cette composante entre l'année n-1 et l'année n à la valeur du PIB de l'année n-1.

() Lettre de l'OFCE n° 204.

() Note de conjoncture de mars 2001.

() Informations rapides, n° 145.

() L'exécution du budget 2000 : premiers éléments, rapport d'information (n°2934).

() Note de conjoncture de mars 2001.

() Programme pluriannuel des finances publiques 2000-2004.

() Voir le rapport de M. Alfred Recours (n°3032) au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

() Les comptes des administrations publiques en 2000, Insee-Première n° 780, mai 2001.