N° 978 |
N° 492 |
____ |
____ |
ASSEMBLÉE NATIONALE |
SÉNAT |
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 |
|
ONZIÈME LÉGISLATURE |
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998 |
____________________________________ |
____________________________________ |
|
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale |
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juin 1998 |
le 11 juin 1998 |
|
________________________
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
________________________
RAPPORT
sur laval du cycle nucléaire
Par
MM. Christian BATAILLE et Robert GALLEY,
Députés
Tome I : Etude générale
|
__________ |
__________ |
|
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale |
Déposé sur le Bureau du Sénat |
par M. Jean-Yves LE DÉAUT, |
par M. Henri REVOL, |
Président de l'Office. |
Vice-Président de l'Office. |
|
Déchets, pollution et nuisances
TABLE DES MATIERES
AVANT PROPOS 7
Introduction générale 11
1. La problématique recyclage stockage pour le combustible
irradié et le plutonium de retraitement 15
Introduction 11
- des installations de retraitement opérationnelles jusquen 203017
- le poids économique du retraitement18
- les deux faces du retraitement : le recyclage des actinides majeurs
uranium, plutonium et la réduction de la toxicité des déchets 19
1.1. le plutonium : flux et stocks 23
- une récente transparence sur les stocks de plutonium23
- Cogema transparente sur le plutonium : il suffisait de le demander26
- le stock de plutonium dEDF stabilisé à vingtaine de tonnes30
- réglementation sur le plutonium et coût du retraitement30
1.2. la montée des isotopes pairs du plutonium au cours de lirradiation,
une donnée fondamentale pour les combustibles et les réacteurs
actuels ou futurs 32
- montée des isotopes pairs et recyclage du plutonium32
- les isotopes pairs du plutonium, poisons des réacteurs à neutrons
thermiques et excellents combustibles pour les réacteurs
à neutrons rapides 34
1.3. le plutonium considéré comme déchet et son immobilisation
dans des matrices à longue durée de vie 35
- le plutonium militaire issu du démantèlement des armes, un sujet
brûlant mais bloqué aux Etats-Unis 36
- le WIPP ou le tabou brisé du plutonium en stockage géologique36
- de nouvelles matrices dimmobilisation à très long terme
pour le plutonium 37
1.4. les contraintes techniques du plutonium considéré comme un
combustible et les limites de son recyclage dans le Mox 39
- plusieurs types de Mox et plusieurs configurations de cur
contenant du Mox 39
- un maximum de 12 % de plutonium dans le Mox41
- la modification du design initial des réacteurs 900 MWe et
la limitation du pourcentage dassemblages Mox à 30 % du total 43
- lintroduction du Mox dans les réacteurs de 1300 MWe
envisageable à lhorizon 2005 45
- le Mox dans les réacteurs de 1450 MWe : un problème
analogue à celui des réacteurs 1300 MWe 46
- le Mox et lEPR : une question stratégique46
- la faisabilité et lopportunité du retraitement du Mox49
- le combustible Mix : une solution coûteuse et peu efficace
vis-à-vis du plutonium 50
1.5. EDF bloquée à 16 tranches mais candidate pour 12 autorisations
supplémentaires 51
- une stratégie globale de laval du cycle51
- EDF soucieuse dobtenir lautorisation de moxer 28 tranches51
- en cas de limitation à 16 tranches, labandon du principe dégalité
des flux ou la diminution des quantités retraitées et donc des
suppressions demploi 53
- une attitude prudente pour le reste du parc54
- pour un EPR moxé à 15 %55
- lurgence de prendre une décision sur lEPR55
- adaptations stratégiques et transposition de la directive européenne
sur louverture du marché de lélectricité 56
1.6. le plaidoyer de Cogema en faveur de léquilibre économique
du cycle du combustible 56
- la solution au problème du plutonium : le retraitement et le Mox
à 100%, selon Cogema 56
- léquilibre global de laval du cycle selon Cogema57
- Cogema en attente des autorisations de dimensionnement optimal
de ses installations de fabrication de Mox 59
1.7. la nécessité dopter pour le Mox mais aussi daugmenter les
marges disponibles pour lentreposage du combustible irradié
non retraité 59
- La France dans la ligne internationale pour le recours au Mox60
- le Mox promu aux Etats-Unis par les négociations
stratégiques avec la Russie 61
- le Mox irradié, une bonne matrice dimmobilisation
du plutonium 61
- la nécessité daugmenter les marges dentreposage du
combustible irradié 62
2. Les limites probables de la séparation et de la transmutation
et le dilemme transmutation-stockage 65
2.1. les difficultés de la séparation 66
- la séparation du neptunium et du technétium, un problème réglé67
- laméricium et le curium, deux actinides mineurs particulièrement encombrants68
- le bloc difficile à entamer de laméricium et du curium69
- la séparation des produits de fission71
- le butoir du césium73
- une connaissance de plus en plus fine des combustibles irradiés73
- le coût probablement important de la séparation74
- la diminution des volumes des rejets et des déchets B76
2.2. les limites des études sur la transmutation avec Phénix 77
- la remontée en puissance de Phénix78
- les conséquences de la fermeture de Superphénix sur les études
relatives à la transmutation 79
- les conditions techniques des expériences de transmutation80
- les expériences CAPRA utiles pour létude du recyclage du
plutonium 81
- les expériences SPIN pour la transmutation des actinides mineurs
et des produits de fission à vie longue 81
2.3. le réacteur Jules Horowitz et les études sur la
transmutation : un lien hypothétique 83
2.4. le réacteur hybride, médaille dor du marketing scientifique 84
- de nombreux projets diversifiés et à objectifs multiples proposés
dans le monde entier 84
- le projet français de réacteur hybride88
- un démonstrateur de réacteur hybride original88
- un investissement international89
- quels intervenants pour la France ?90
- lattitude prudente des Etats-Unis : oui à la spallation, non à un
réacteur hybride 90
- un projet dont la finalité et le coût doivent être précisés91
- des options techniques et une sûreté encore bien floue92
- une application opérationnelle après la décision ?93
2.5. la question des quantités transmutables et le problème
du tout ou rien 94
- les ordres de grandeur des quantités transmutables95
- deux questions difficiles : la vitesse et le rendement de la
transmutation 99
- une dizaine dannées pour transmuter ?99
- de 7 à 12 RNR pour réduire les flux dactinides mineurs100
- le miracle attendu des réacteurs " papier "102
- la question du tout ou rien104
3. Le choix de lentreposage ou du stockage et la problématique
de la réversibilité 105
Introduction 106
- la classification française des déchets radioactifs106
- le conditionnement des déchets107
- les politiques nationales de gestion des déchets radioactifs107
3.1. la sûreté maximale est-elle apportée par le stockage
en couche profonde ? 112
- la multiplication des barrières112
- un confinement satisfaisant selon les modèles de cinétiques
de dissolution 114
- limmobilisation naturelle de radioéléments sur des
millions dannées 114
- avec les céramiques, peut-être limmobilisation des actinides
mineurs et des produits de fission sur 2 milliards dannées,
sauf accident naturel ou provoqué par lHomme 115
- la nécessité de construire au moins deux laboratoires souterrains116
- des investissements et des coûts dexploitation
à la portée de la filière 118
3.2. les contraintes de sûreté de la surface ou de la sub-surface 119
- le retour dexpérience de Cascad, installation dentreposage de
combustibles irradiés 119
- des précautions multiples pour assurer la sûreté et en sub-surface120
- lopposition ou la complémentarité surface sub-surface121
3.3 le prix de la réversibilité 122
3.4. la charge pesant sur les générations futures 123
3.5. la nécessité déviter des décisions hâtives
ou les ordonnances " minute " 124
4. Le jeu institutionnel des acteurs de laval du cycle : réussites et
débordements 125
4.1. la commission nationale dévaluation : du jury de thèse
au gouvernement mandarinal 125
- la mission fixée par la loi : aider le Gouvernement à informer
le Parlement 125
- une solennité et une séquence symboliques126
- laffaire du site granitique : information, évaluation ou décision ?127
- un jury de thèse souverain128
- limpossibilité dun gouvernement mandarinal de la recherche
sur les déchets radioactifs 129
4.2. le nouvel engagement du CEA 130
- un réel effort intellectuel et budgétaire130
- une surcharge et une urgence préjudiciables à de bonnes décisions131
4.3.LAndra, un organisme qui doit affirmer
sa compétence scientifique 131
5. Optimiser la durée et les coûts 133
5.1. les rendez-vous essentiels 135
- la démarche progressive de la loi de 1991135
- quelques difficultés incontournables à relever en temps et en heure136
5.2. remettre à lhonneur la rationalisation des choix
dinvestissement 138
Conclusion 141
Recommandations 143
Examen du rapport par lOffice 145
Annexe 1 : Personnalités auditionnées 147
Annexe 2 : Glossaire 149
AVANT PROPOS
Malgré les campagnes de dénigrement et les attaques insidieuses ou
non fondées dont elle fait lobjet dans le monde et, depuis quelque temps, dans
notre pays, lénergie nucléaire nest pas condamnée, loin sen faut. On
peut même affirmer quil sagit, à partir des considérations techniques,
économiques et politiques actuelles, dune énergie décisive à lhorizon du
siècle qui vient.
Il ne sert à rien de proclamer que lon veut réduire les
émissions de gaz à effet de serre si lon se refuse à utiliser le seul mode actuel
de production massive délectricité qui soit à la fois efficace et sans rejet
carbonique dans latmosphère. Toutes les ressources potentielles de production
électrique à partir de l'énergie hydraulique doivent être exploitées. Les énergies
renouvelables peuvent et doivent être développées ; cependant leur faible
rendement ne permet pas, pour le moment, de les considérer comme une énergie de
substitution, mais au mieux comme une énergie de complément.
Labandon du nucléaire se traduirait de fait par un recours accru
aux énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz, et donc par une augmentation
conséquente de leffet de serre. Il faut redire, de ce point de vue, que le gaz
naturel noffre pas davantages particuliers par rapport au charbon ou au
pétrole et que le dilemme dans notre pays se situe entre lénergie nucléaire ou le
gaz, la gestion des déchets ou leffet de serre.
A laune de lhistoire, lénergie nucléaire à partir
de la fission représente, comme bien dautres, une solution transitoire. Les
progrès scientifiques et techniques permettent despérer, à long terme, une source
dénergie qui naurait pas les inconvénients liés à la radioactivité.
Cependant, à lheure actuelle, elle reste la solution la plus équilibrée.
Prétendre quil serait possible de " sortir du nucléaire "
dans les années qui viennent relève de lincantation et du vu pieu,
contradictoire avec les objectifs du sommet de Kyoto et les fondamentaux de l'économie.
Quarrivera-t-il quand les Chinois, les Indiens, se donneront tous les moyens pour
tendre vers notre niveau de consommation dénergie (ce qui serait parfaitement
légitime de leur part) en recourant exclusivement aux énergies fossiles ? Les
efforts des pays développés, aujourdhui les plus voraces en énergie à effet de
serre, nen seraient que plus justifiés.
Ces évidences nexonèrent pas lindustrie nucléaire des
critiques qui simposent. Comme cela a été dit, à maintes reprises, dans les
rapports de lOffice parlementaire dévaluation, cette industrie est une
industrie qui manipule des produits dangereux et qui, à ce titre, doit être contrôlée
par les autorités de sûreté spécialisées, mais également être étroitement
surveillée par les pouvoirs publics et, en particulier, par le Parlement.
Que ses promoteurs lacceptent ou non, lénergie nucléaire
est perçue dans le public comme une industrie particulière dans laquelle les règles de
sûreté doivent être appliquées sans aucune défaillance et dans laquelle la
transparence doit être totale. Cest un fait ! Par suite d'un passé lointain,
on est bien plus vigilant sur la radioactivité que sur la présence de mercure ou de
plomb, on considère que le problème de la couche stratosphérique d'ozone n'est pas
urgent !
En quelques années, les esprits ont sensiblement évolué dans ce
domaine et le Parlement, par le biais de lOffice, a accès très largement à
linformation. Notre problème est plutôt, désormais, de savoir comment nous allons
gérer et exploiter la masse de documents qui nous arrive régulièrement. On peut
toutefois regretter quune certaine culture de lautosatisfaction et de la
non-transparence vienne conforter les arguments de ceux qui ont décidé, une fois pour
toutes, que tout était opaque et secret dans le secteur de lindustrie nucléaire,
comme il l'était pour l'énergie atomique militaire.
Le problème de la dissimulation des informations dans le transport des
combustibles irradiés en est une bien piteuse illustration. Pourtant, les responsables
devraient comprendre que la transparence renforce la crédibilité du secteur nucléaire
vis-à-vis de lopinion publique, comme cela a d'ailleurs été le cas pour la
production des centrales électronucléaires d'EDF. A la fin des années quatre-vingt, il
y eut des campagnes de révélations prétendument sensationnelles qui caricaturaient le
problème des déchets de faible activité. La loi du 30 décembre 1991, en
organisant la publication, chaque année, de linventaire des déchets, a largement
contribué à apaiser une opinion inquiète parce que peu ou pas informée.
Allons-nous pouvoir désormais aller plus loin et faire en sorte que
les responsables politiques puissent exercer normalement leurs pouvoirs de contrôle dans
le domaine de lénergie ?
Le temps où quelques ingénieurs pouvaient décider seuls de la
politique énergétique du pays est révolu. Il ne doit plus exister de domaine réservé
duquel les citoyens et leurs représentants seraient exclus au profit dune
technostructure qui imposerait une pensée unique quelle serait seule à définir.
Discuter ouvertement, librement, avec lesprit critique, des
grandes orientations du cycle du combustible nucléaire ne porte pas, au contraire,
condamnation de lensemble de la filière. Par contre, cette industrie, comme toutes
les autres, doit pouvoir sadapter aux réalités nouvelles et aux attentes des
citoyens.
Lindustrie nucléaire française a, en son temps, surmonté
labandon de la filière graphite-gaz. De la même manière, elle acceptera les
adaptations du cycle du combustible avec la souplesse nécessaire.
La gestion de laval du cycle est aujourdhui un problème
décisif. Le temps est venu de réviser certains dogmes qui ne correspondent plus à la
réalité économique et industrielle. Le " tout retraitement "
fait partie de ces dogmes qui ont fait leur temps. Dire clairement, comme nous
lavions fait dans un précédent rapport de lOffice, que tout le combustible
irradié ne sera plus retraité ne porte pas atteinte à lindustrie nucléaire, mais
doit entraîner des adaptations claires de la stratégie industrielle.
Au lieu de continuer à se comporter comme si les problèmes ne se
posaient pas, il vaudrait mieux se donner les moyens pour approfondir la réflexion et,
ensuite, prendre des décisions sur la destination finale qui sera réservée aux
éléments de combustible qui ne seront pas retraités.
Il en est de même pour le combustible Mox usé que, de toute
évidence, lutilisateur EDF ne souhaite pas voir retraité.
Ce rapport démontre, par ailleurs, que nous avons un stock de
plutonium de 65,4 tonnes, très supérieur à la marge de réserve de 20 tonnes
estimée nécessaire par EDF. Nous devons, dès aujourdhui, examiner la manière
dont nous pourrons soit utiliser, soit stocker une partie du plutonium déjà extrait et
qui ne trouvera pas de débouché à moyen terme.
Toutes les voies pour la gestion de laval du cycle doivent donc
rester ouvertes : la recherche fondamentale, la recherche en laboratoires, et
létude de la faisabilité du stockage de longue durée en surface. Il est possible
et même probable que, pour la gestion finale des déchets nucléaires, il ny ait
pas une voie unique, mais que le Parlement ait à se prononcer en 2006 sur des solutions
combinant les trois voies de la loi de 1991.
Dans le domaine du nucléaire, comme dans beaucoup dautres
domaines liés au progrès scientifique, il faut savoir sadapter et réviser des
conceptions trop rigides et dogmatiques. La pire des solutions serait, face aux
incertitudes que ce rapport recense, de rester passif et de reporter sur les générations
futures la solution de problèmes que nous avons posés et que nous naurions pas le
courage de résoudre. Lavenir de lénergie nucléaire repose sur les solutions
pour laval du cycle.
Le problème est difficile mais nest pas insurmontable. Il faut
poser les problèmes, soutenir les recherches, préciser les étapes du calendrier,
avancer les solutions les unes après les autres.
La voie est étroite entre un pouvoir technicien antidémocratique et
opaque et lagitation désordonnée de minorités qui nous conduisent à
limpasse ou nous emmèneraient au désastre. Chacun voudrait imposer ses
a priori, ses idées toutes faites. Or, ce qui est décisif est de préserver une
pluralité de réponses possibles et, de ce point de vue, lévolution des
connaissances, les résultats des recherches examinés objectivement nous apporteront des
enseignements précieux.
Divers rapports de lOffice ont déjà souligné les aspects
néfastes dune culture nucléaire monolithique et dépourvue de souplesse. Ils ont,
avant tout, mis en exergue la nécessité dune pratique tolérante, maintenant dans
lavenir le plus grand nombre de solutions possibles. Daucuns veulent
aujourdhui fermer les portes maintenues ouvertes par la loi de 1991. Par-delà
lirrationalité de cette réaction, faut-il voir un avatar supplémentaire de la
pensée unique ?
La démocratie a encore bien des domaines à défricher et à
conquérir, là où le débat public doit se substituer aussi bien à lautoritarisme
quaux conciliabules de couloir. Lénergie nucléaire et sa domestication sur
tout le XXIe siècle est un de ces nouveaux territoires que la démocratie doit
irriguer.
Notre société, ses élus, ses dirigeants sinterrogent sur la
pérennité de choix qui, au demeurant, se sont jusqualors révélés pertinents.
Quoi de plus naturel que ces interrogations, surtout quand il s'agit de poursuivre à long
terme ?
Mais il faut aussi avancer en rythme et sans précipitation. Nous
pouvons sortir de cette étape par le haut. Une pratique plus transparente, plus
tolérante, plus démocratique sera plus en harmonie avec le temps qui vient.
Introduction générale
Depuis 1991, pour répondre aux attentes des citoyens et aux
impératifs de la filière nucléaire, la question de la gestion des déchets nucléaires
est traitée au grand jour. La loi du 30 décembre 1991 définit d'une part un cadre
législatif qui donne toute garantie sur l'intervention du Parlement pour les décisions
clés. Elle fixe d'autre part un horizon de temps et une méthode pour les études à
conduire et les réalisations à mettre en uvre dans le but d'apporter les
meilleures solutions au traitement des déchets nucléaires.
S'agissant des études à conduire, la loi du 30 décembre 1991, dans
son article 4, définit trois axes principaux :
" la recherche de solutions permettant la séparation et
la transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans ces déchets,
l'étude des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la
réalisation de laboratoires souterrains,
l'étude des procédés de conditionnement et d'entreposage de
longue durée en surface de ces déchets."
Après avoir joué un rôle déterminant dans l'élaboration et
l'adoption de la loi, l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a,
quant à lui, continué de suivre le problème, d'une part en étudiant les rapports
annuels de la commission nationale d'évaluation et, d'autre part, en publiant un nouveau
rapport en mars 1996 sur les déchets nucléaires à haute activité civils et en décembre 1997 sur les déchets nucléaires à haute activité militaires.
L'Office parlementaire a, d'autre part, été associé à la mission
confiée en décembre 1996 à M. Claude Mandil, Directeur général de l'Énergie et à
M. Philippe Vesseron, Directeur de la prévention des pollutions et des risques.
L'Office avait alors demandé à vos Rapporteurs, en charge dune étude transmise à
l'Office par la Commission de la Production et des Échanges, d'assurer le suivi des
travaux de cette mission. La dissolution de l'Assemblée Nationale ne leur avait cependant
permis d'assister que partiellement à ces réunions.
Les travaux réalisés par la mission Mandil-Vesseron, auxquels avaient
été associés tous les différents acteurs du nucléaire, ont servi de base aux
réflexions de l'Office qui viennent compléter le document correspondant, que les deux
membres du Gouvernement concernés, le Ministre de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement, et le Secrétaire d'État à l'Industrie, n'avaient pas souhaité rendre
public avant que l'Office ait été réellement en mesure de se prononcer.
A mi-parcours du délai de 15 ans fixé par la loi pour une décision
concernant un éventuel stockage souterrain des déchets, la saisine de l'Office prend une
nouvelle et brûlante actualité.
Le moment est en effet venu de prendre une décision concernant la
localisation et la construction des futurs laboratoires souterrains. La loi en prévoit en
effet plusieurs . Trois sites ont fait l'objet d'avis favorables de la part de l'ANDRA, le
site de Bure (Meuse) permettant des recherches sur le comportement des radionucléides
dans l'argile, le site de Marcoule, près de Bagnols-sur-Cèze (Gard) pour le même type
de milieu géologique et le site de La Chapelle-Bâton (Vienne) pour l'étude des
radionucléides dans le granite.
La Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN) a pour
sa part instruit les demandes d'autorisation pour la création d'un laboratoire souterrain
sur chacun des sites, de sorte quil appartient aujourdhui au Gouvernement de
prendre sa décision.
Par ailleurs, la fermeture de Superphénix, annoncée par le Premier
ministre le 19 juin 1997, a été confirmée lors du comité interministériel du 2
février 1998. Or, depuis le décret du 11 juillet 1994, le rôle assigné à Superphénix
était celui d'être une installation de recherche pour l'incinération du plutonium et
des déchets nucléaires à haute activité, cette installation devant occuper ainsi une
place très importante dans le dispositif prévu par la loi de 1991.
Il est certes prévu que Phénix devienne à brève échéance un outil
de remplacement. Mais il y a lieu de vérifier en détail si cette substitution est
possible. Les puissances de ces deux réacteurs à neutrons rapides diffèrent en effet
fortement : 250 MWe pour Phénix contre 1 200 MWe pour Superphénix. Leurs âges
respectifs et donc potentiellement leurs conditions de sûreté sont également très
différents : Phénix a été mis en service en 1973 et Superphénix en 1985.
La Commission denquête sur Superphénix et la filière des
réacteurs à neutrons rapides, dont vos Rapporteurs sont Président et Rapporteur,
examine actuellement les conditions de la remontée en puissance de Phénix. Dans le cadre
de leur étude sur laval du cycle, vos Rapporteurs ont centré leurs recherches sur
les résultats attendus des expériences prévues avec Phénix sur laxe 1 de la loi
de 1991.
Une troisième évolution, qui se traduit aujourd'hui avec force dans
le débat politique, renforce la nécessité de nouveaux rapports de l'Office
parlementaire.
Les trois axes de recherche prévus par la loi de 1991 couvrent bien
l'éventail du possible. Les études à réaliser doivent porter, ainsi qu'on l'a rappelé
plus haut, sur le stockage réversible ou irréversible des déchets à
haute activité.
Dès 1991, il n'était pas en effet exclu que l'on ne puisse en quinze
ans mettre au point les technologies permettant de casser des composés radioactifs de
période se comptant en millions d'années comme ceux du neptunium 237 ou du césium 135
en composés radioactifs de période de quelques dizaines d'années.
En cette mi-1998, cette question clé ne semble pas avoir encore reçu
de réponse. La reprise des déchets constitue donc toujours une option à explorer. Elle
semble d'ailleurs prendre une importance critique dans le public et dans le débat
politique. Corrélativement, les techniques de conditionnement et d'entreposage de longue
durée en surface, en sub-surface ou en profondeur revêtent une importance capitale si
l'on veut garantir la réversibilité des options. Dès lors, il convient d'examiner avec
une attention toute particulière l'état d'avancement des recherches correspondantes.
Le présent rapport examine les résultats obtenus dans chacun de trois
domaines de recherche, leur portée et leurs limites.
Mais la problématique du retraitement constituant la toile de fond de
laval du cycle, vos Rapporteurs létudient dabord en nomettant
évidemment pas de traiter du recyclage du plutonium par la seule voie désormais possible
après la fermeture de Superphénix, cest-à-dire la voie du Mox. Les limites que
pourraient présenter les techniques de séparation et de transmutation sont ensuite
examinées. La question décisive pour lavenir est bien en effet de savoir quelles
quantités de radioéléments à haute activité et à vie longue pourront être
transmutées, avec quels équipements et à quelle vitesse.
La problématique du choix entre lentreposage et le stockage en
découle naturellement. Présentée à la fin des années 80 comme la seule solution
rationnelle de gestion des déchets à vie longue, la méthode du stockage irréversible
est désormais confrontée à celle de lentreposage, par définition réversible.
Lentreposage devrait permettre dassurer la réversibilité et de conserver des
marges daction, par rapport à lévolution des techniques et des marchés. Vos
Rapporteurs proposent dexaminer à quelles conditions de délais, de coûts et de
sûreté cet objectif pourrait être atteint.
En réalité, à mi-parcours du temps prévu par la loi de 1991 pour
réunir les connaissances qui permettront en 2006, et seulement à cette date, de décider
de lorganisation générale de la gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue, il apparaît bien quil nexiste aucun antagonisme
entre les 3 axes de recherche. Sans doute, à lavenir, la gestion des déchets
hautement radioactifs mettra-t-elle en uvre une combinaison de techniques relevant
de ces trois domaines.
Incinération, entreposage ou stockage, en surface ou en
profondeur : ces trois techniques de gestion des déchets radioactifs à haute
activité doivent, en tout état de cause, continuer dêtre explorées
simultanément et à parité, afin quen 2006, le Parlement puisse décider en toute
connaissance de cause des solutions que la communauté scientifique et le Gouvernement lui
présenteront.
1. La problématique recyclage stockage pour le combustible irradié et le
plutonium de retraitement
Plus quaucune autre question portant sur la filière nucléaire,
la question du retraitement suscite des controverses. Il paraît important de reprendre
les données de base du problème.
Pour les uns, le retraitement, par lampleur et la durée des
investissements quil nécessite, introduit une rigidité dans les choix de la
filière. Pour les autres, le retraitement est effectivement la clé de la cohérence de
celle-ci, en ce quil apporte une double contribution économique et dans un certain
sens écologique à léquilibre de la filière.
La problématique recyclage-stockage est bien sûr conditionnée en
France par lexistence dune industrie qui a un poids économique très
important. Il faut par ailleurs souligner que le recyclage du plutonium et de
luranium des combustibles usés permet une réduction de la toxicité des déchets.
Une fois rappelées ces données fondamentales, vos Rapporteurs
examinent dans la suite limportante question du plutonium sous le triple aspect de
sa physique, de ses stocks et des flux correspondants. La question du plutonium
considéré comme déchet est ensuite traitée. Mais, compte tenu du potentiel
énergétique et de la toxicité du plutonium, la France sest engagée dans la voie
du recyclage et de sa valorisation dans le combustible Mox. Les différentes contraintes
techniques portant sur la composition et lutilisation du Mox sont détaillées
ultérieurement. EDF souhaite porter à 28 réacteurs sur 58 les autorisations de
chargement. Cogema quant à elle souligne que les installations du cycle du combustible
sont calibrées pour cette situation et verraient leur rentabilité économique ruinée si
lon sarrêtait " au milieu du gué ".
Au total, il apparaît clairement à vos Rapporteurs que la France est
désormais dans une situation de retraitement dune partie encore indéfinie des
combustibles irradiés. Deux ans après que votre Rapporteur a révélé en mars 1996
quune partie substantielle du combustible nallait pas être retraitée, il se
confirme que laval du cycle nucléaire est désormais dual en France.
Une partie du combustible est retraitée et une autre, un tiers, ne
lest pas. Il sagit dune situation de fait qui ne traduit pas la victoire
des partisans du non-retraitement sur ceux du retraitement mais qui est la résultante
darbitrages économiques. Pour commencer à en tirer les conséquences, peut-être
faut-il redonner une marge dévolution à un ensemble dentreposage à court
terme proche de la saturation. Mais il faut surtout tirer les conclusions de cette
situation pour lavenir et prévoir avec plus de précision des techniques
dentreposage à moyen terme voire de stockage à très long terme pour les
combustibles irradiés non retraités.
Introduction
Le contexte de laval du cycle français est sans équivalent dans
le monde, dans la mesure où lobjectif de lensemble des opérateurs a été de
maîtriser lensemble des techniques susceptibles dintervenir dans la filière.
A la prise en compte du contexte économique doit sajouter, pour recenser tous les
paramètres de décision, une inscription des problèmes dans une réalité physique de
base, celle de la fission des éléments lourds que sont luranium et le plutonium.
- des installations de retraitement opérationnelles jusquen 2030
Lindustrie française du retraitement est la 1ère du
monde. Il sagit là de lun des domaines où une politique volontariste et
globale, conjuguée à un savoir-faire technologique de premier plan, a porté la France
à la pointe des industries mondiales. Pour les détracteurs du retraitement, cette
singularité dénote, au contraire, un isolement de la France et, somme toute, remet en
cause la pertinence du choix du recyclage. En réalité, vos Rapporteurs estiment que
cest sans doute cette position dominante qui a permis à lindustrie française
de vendre des centrales à létranger. Cest aussi dailleurs la raison de
la concentration des attaques dorganisations internationales qui visent plus la
France que les choix industriels quelle incarne.
Tableau 1 : lindustrie du retraitement dans le monde
Pays |
opérateur |
site |
capacité finale |
France |
Cogema |
La Hague |
1 600 t/an |
Royaume-Uni |
BNFL |
Sellafield |
900 t/an |
Japon |
JNFL |
Rokkasho-Mura (mise en
service après 2003) |
800 t/an |
|
PNC |
Tokaï-Mura (arrêt après
2003) |
90 t/an |
Russie |
|
Tcheliabinsk-65 |
400 t/an |
|
|
Krasnoïarsk (inachevée) |
1 500 t/an |
Les principales étapes de la construction de loutil industriel français du
retraitement civil sont les suivantes :
- 1960 : choix du site de La Hague
- 1962 : définition du procédé, des matériels et des installations de
retraitement
- 1966 : démarrage de lusine UP2 de La Hague pour le retraitement du
combustible uranium naturel graphite gaz (UNGG)
- 1976 : construction au sein de lusine UP2 dun nouvel atelier de
400 t/an (atelier HAO destiné au traitement du combustible des REP
- 1987 : arrêt du retraitement du combustible UNGG à La Hague et transfert à
lusine UP1 de Marcoule
- 1990 : mise en service de lusine de retraitement UP3 de La Hague,
dimensionnée pour 800 t/an
- 1994 : mise en service de lusine de retraitement UP2-800
- 1998 : démantèlement de lusine UP1 de Marcoule commencé le 1er janvier
Au final, le site de La Hague est un complexe industriel de très
grande taille comprenant 6 installations nucléaires de base (INB). Le montant des
investissements réalisés dans lusine de La Hague est évalué à 90 milliards de
F.
Lusine de La Hague est un outil fonctionnant selon les
prévisions. Il devrait être amorti sur le plan financier vers 2001. Alors, la
rentabilité augmentera fortement. Mais plus probablement, le coût total
dexploitation et par conséquent les prix de traitement des combustibles et
corrélativement celui du plutonium sabaisseront.
Sagissant de la durée de vie des installations, celles-ci
devraient pouvoir fonctionner jusquen 2030-2040 environ avant dêtre
déclassées. Lexemple dUP1 de Marcoule, construite entre 1955 et 1959 et
opérationnelle jusquen 1998 montre que lexploitation dune telle
installation peut sétendre sur une période de 40 ans. La nature des équipements
et la qualité de la maintenance à La Hague laissent présager la possibilité de gagner
un large nombre dannées supplémentaires.
La logique économique voudrait donc que ces installations soient
utilisées jusquà cette période et que loption du retraitement soit
confirmée dici à une vingtaine dannées.
- le poids économique du retraitement
Le chiffre daffaires de Cogema en 1997 sest élevé à
32,65 milliards de francs, dont 16,2 milliards de F pour le retraitement . Les contrats en
cours dexécution à La Hague pour des clients étrangers représentent un chiffre
daffaires de 7 milliards de F par an sur 10 ans. Un autre indicateur du poids
économique du retraitement est celui des provisions passées pour financier le futur
démantèlement des installations. Le démantèlement des installations de La Hague est
estimé à 26 milliards de francs. Les provisions déjà constituées atteindraient
20,6 milliards de francs et se traduiraient par des prises de participation
conséquentes dans le capital de grandes entreprises nationales.
Sur le plan local, limportance économique de lusine de La
Hague est majeure. Cogema emploie localement 3 000 personnes environ. Avec les personnels
des entreprises sous-traitantes, le total des emplois liés au site sélève à 6 -
8 000 personnes. Au total, le site de La Hague apporte à léconomie du nord
Cotentin un quart à un tiers de son activité. Hier encore lun des plus grands
chantiers jamais conduits dans lhexagone, La Hague continue de monter en puissance,
même si la progression sest fortement ralentie. Les travaux de modernisation de
différents ateliers génèrent aujourdhui une activité importante. On citera, à
titre dexemple, limpact des deux derniers gros chantiers de La Hague le
nouvel atelier de conditionnement R4 et lachèvement de latelier de compactage
des coques et embouts Ces constructions se sont traduites par des contrats de 280
millions de francs et dun million dheures de travail dont 60 % vont aux
entreprises locales.
- les deux faces du retraitement : le recyclage des actinides majeurs uranium
et plutonium et donc la réduction de la toxicité des déchets,
Dune manière générale, le plutonium suscite linquiétude
essentiellement par les utilisations militaires qui en ont été faites. Cette inquiétude
est renforcée par sa radiotoxicité, la période de ses isotopes les plus abondants
étant de surcroît de très longue durée (voir tableau ci-après). Or le plutonium
apparaît inévitablement au cours de lirradiation de luranium 238 par capture
de neutrons thermiques, dans le combustible nucléaire classique à loxyde
duranium.
Tableau 2 : période des différents isotopes du plutonium
isotope |
période |
radioactivité spontanée |
Pu 236 |
2,85 années |
a vers U 232 |
Pu 238 |
86 années |
a vers U 234 |
Pu 239 |
24 400 années |
a vers U 235 |
Pu 240 |
6 580 années |
a vers U 236 |
Pu 241 |
14,4 années |
a - b |
Pu 242 |
3,79. 105 années |
a vers U 238 |
Pu 243 |
4,96 heures |
b |
Le combustible à loxyde duranium comprend de
luranium 235 fissile qui, dans les réacteurs à eau pressurisée, est présent en
moyenne à hauteur de 3,5 %, le reste étant de luranium 238. Cest cet uranium
235 qui donne lieu à la réaction de fission et à la production dénergie. Il
nest toutefois pas consommé en totalité : en moyenne sur 1 000 kg de
combustible, on compte 35 kg duranium 235 au départ et on en retrouve 8 kg après
lirradiation.
Lisotope uranium 238 fertile quant à lui représente au départ
96,5 % du total. Lors de lirradiation, luranium 238 se transforme en
partie par capture dun neutron thermique en uranium 239 instable qui donne par
émission b du neptunium de période très courte et qui par le
même processus se transforme en plutonium 239. Celui-ci peut capturer à son tour un
neutron thermique alors quil subit la fission sous laction de neutrons rapides
et ainsi de suite, plusieurs isotopes du plutonium coexistant au final, selon les
réactions ci-après.
Figure 1 : formation sous irradiation des isotopes
du plutonium à partir de luranium 238
U 238 U 239 Np 239 Pu 239
Pu 240 Pu 241 Pu 242 Am 243
Am 241
Lisotope 239 du plutonium est le plus abondant car il est formé
par simple capture dun neutron par luranium 238. Les autres isotopes sont
dautant plus abondants que le taux de combustion est plus élevé, ainsi que le
montrent les tableaux suivants. Notons quen fin dirradiation, la totalité de
luranium fertile nest pas consommée : pour 1 000 kg de combustible, on
retrouve 941 kg duranium 238 pour une quantité de 965 kg au départ.
Tableau 3 : isotopes du plutonium dans le combustible oxyde duranium
irradié taux de combustion : 33 000 MWj/t après
refroidissement de 3 ans
Tableau 4 ; isotopes du plutonium dans le combustible oxyde duranium
irradié (palier N4) taux de combustion : 47 500 MWj/t après
refroidissement de 5 ans
Le retraitement du combustible irradié se justifie pour deux raisons
essentielles. En premier lieu, lintérêt de récupérer les matières
énergétiques non consommées : y figure en effet luranium 235 non brûlé et
luranium 238 non transformé. En second lieu, se trouve la matière énergétique
formée au cours de la combustion le plutonium qui est elle-même une matière
fissile . Pour 1 000 kg de combustible présents au départ, le plutonium formé au
cours de lirradiation représente environ 9 kg. Or le plutonium a lui aussi un
contenu énergétique encore plus élevé que luranium 235 en raison du fait que sa
fission donne lieu à la naissance de deux fois plus de neutrons utiles pour la réaction
en chaîne que ce dernier. Il nest pas faux à cet égard de constater, en termes
simplificateurs mais imagés quun gramme de plutonium équivaut à environ 1 tonne
de pétrole.
A cet égard, lindustrie nucléaire propose trois voies pour le
traitement du plutonium. La première est celle de lutilisation du plutonium dans
des réacteurs à neutrons rapides qui permettent de le brûler avec efficacité, tout
aussi bien que den régénérer. La deuxième voie est celle du recyclage du
plutonium dans les réacteurs à neutrons thermiques par la voie du Mox (voir plus loin).
Une troisième voie consiste à considérer le plutonium comme un déchet et donc à
envisager son stockage.
Mais, en tout état de cause, en poursuivant un but de valorisation
énergétique, le retraitement atteint aussi un but potentiellement écologique. En effet,
en extrayant luranium et le plutonium, on réduit la radiotoxicité des résidus
puisque ces éléments sont responsables de la part la plus importante de celle-ci, comme
les montrent les graphiques ci-après.
Figure 2 : radiotoxicité totale du combustible et
part de chacun des éléments

La première constatation que lon peut faire sur la base de ce
graphique, cest que la radiotoxicité totale du combustible usé décroît
progressivement et devient inférieure à 1 Sv/tonne au bout de 1000 ans. La
deuxième constatation est que le plutonium joue un rôle prédominant dans la
radiotoxicité totale. La figure suivante, qui présente une version normalisée des
mêmes résultats, permet dexpliciter le rôle des différents éléments.
Figure 3 : radiotoxicité normalisée du combustible usé

Au bout de 200 ans environ, la part des produits de fission
sannule presque quasiment. Limpact du plutonium devient massif de 100 à 50
000 ans environ. Ensuite luranium et les actinides mineurs américium et curium
contribuent plus fortement à la radiotoxicité.
Par ailleurs, il faut signaler que les différents isotopes du
plutonium sont eux-mêmes radioactifs et subissent des dégradations spontanées selon le
tableau suivant.
Lorganisation de la filière française de laval du cycle
découle directement de deux constats essentiels liés à la toxicité des éléments
contenus dans le combustible usé.
En premier lieu, il est clair quen valorisant par recyclage le
contenu énergétique du combustible à luranium, on réduit aussi la toxicité des
déchets. Bien évidemment, pour apprécier lintérêt global de lopération
quant à la protection de lenvironnement, la quantité de déchets intermédiaires
générés par le retraitement doit aussi être prise en compte. Par ailleurs, le devenir
des déchets ultimes (produits de fission à vie longue et actinides mineurs) doit trouver
une solution. Mais le raisonnement à la base de la stratégie du retraitement doit être
gardé en mémoire pour le cas de lentreposage direct. En effet, lentreposage
direct du combustible irradié peut se justifier dès lors que lon souhaiterait
attendre la mise au point de techniques meilleures pour neutraliser la radioactivité.
Dans ce cas, il y a tout lieu de penser que le premier objectif serait de résoudre les
cas de luranium et surtout du plutonium. Ce qui est très exactement lapport
principal du procédé Purex qui porte sur la séparation de ces éléments.
En deuxième lieu, le plutonium est le principal responsable de la
radiotoxicité du combustible usé. Ainsi, au bout de deux cents ans, sa part dans la
radiotoxicité totale atteint 90 %. Cest pour cette raison que des normes très
strictes ont été fixées pour le retraitement du combustible. Lors de la conception et
de la réalisation de lusine de La Hague, il a ainsi été fixé comme contrainte
fondamentale lobtention dun rendement de 99 % pour la séparation du
plutonium, corollaire dune épuration à 99,9 % du plutonium en produits de fission.
Les performances enregistrées ont dépassé les attentes, avec un taux de séparation de
99,9 %.
1.1. le plutonium : flux et stocks
Lévaluation des quantités de plutonium produites, réutilisées
ou " sur étagère " est une question sensible. Pour des motifs de
sécurité, les statistiques correspondantes ont longtemps été classées secret
défense. La situation a récemment changé.
- une récente transparence sur les stocks de plutonium
Les 9 pays possédant les plus importants stocks de plutonium ont en
effet donné leur accord sur les " Guidelines for the Management of
Plutonium " (Infcir/549) proposées par l'AIEA et échangé des informations
sur les spécificités de leurs stocks. Les recommandations de l'AIEA portent sur une
comptabilité publique des stocks. Différentes catégories de plutonium doivent être
distinguées :
- plutonium séparé et non irradié sur étagère
- combustibles Mox non irradiés
- autres produits contenant du plutonium et non irradié
- et en général tout le plutonium utilisé dans des activités nucléaires
pacifiques, ainsi que le plutonium classé comme inutile ou inutilisable pour des
activités de défense.
Les 9 pays sont les suivants :
- pays ne possédant pas l'arme nucléaire : Belgique, Japon, Allemagne, Suisse
- pays possédant l'arme nucléaire : Chine, France, RU, Etats-Unis
Sur les 9 pays ayant adhéré aux recommandations de l'AIEA, 8 ont fourni des
statistiques, seule la Chine arguant du fait que les stocks ne sont pas distincts selon
qu'ils sont à usage civil ou militaire.
Le tableau suivant présente les statistiques déclarées par la France pour les
années 1995 et 1996.
Tableau 5 : déclaration par la France à lAIEA de ses stocks
de plutonium pour 1995 et 1996
I. Statistiques annuelles pour les stocks de Plutonium civil non
irradié et séparé
|
au 31/12/96 |
au 31/12/95
|
1. Plutonium séparé et non irradié stocké dans les usines de
retraitement
|
43,6 tonnes
|
36,1 tonnes
|
2. Plutonium séparé et non irradié en cours de fabrication et
plutonium contenu dans des produits semi-finis non irradiés localisés dans les usines de
fabrication de combustible ou autres
|
11,3 tonnes
|
10,1 tonnes
|
3. Plutonium contenu dans des combustibles Mox non irradiés ou
dautres produits finis, dans les centrales ou ailleurs
|
5,0 tonnes
|
3,6 tonnes
|
4. Plutonium séparé et non irradié détenu ailleurs
|
5,5 tonnes
|
5,5 tonnes
|
total I
|
65,4 tonnes
|
55,3 tonnes
|
remarques :
|
|
|
(i) Plutonium inclus dans les catégories 1 à 4 et appartenant à
des propriétaires étrangers
|
30 tonnes
|
25,7 tonnes
|
(ii) Plutonium sous lune des formes 1 à 4 et détenus dans
dautres pays et donc non inclus dans les catégories 1 à 4
|
0,2 tonne
|
0,2 tonne
|
(iii) Plutonium en cours dexpédition à létranger sous
la responsabilité de la France et inclus dans les catégories 1 à 4
|
0,0
|
0,0
|
II. Quantités estimées de plutonium contenu dans les combustibles
usés des réacteurs à usage civil
|
au 31/12/96
|
au 31/12/95
|
1. Plutonium contenu dans les combustibles usés entreposés sur les
sites des réacteurs à usage civil
|
64,9 tonnes
|
64 tonnes
|
2. Plutonium contenu dans les combustibles usés entreposés sur les
sites des usines de retraitement
|
87,6 tonnes
|
87 tonnes
|
3. Plutonium contenu dans des combustibles usés entreposés ailleurs
|
0,0
|
0,0
|
total II
|
152,5 tonnes
|
151 tonnes
|
remarques
|
|
|
(i) le traitement statistique des combustibles entreposés ou
stockés directement sera mis au point lorsque les décisions pour un stockage direct se
seront traduites dans des réalisations concrètes
|
|
|
(ii) définition du II.1. : le chiffre correspond au combustible
déchargé des réacteurs civils
|
|
|
(iii) définition du II.2. : le chiffre correspond aux
quantités de plutonium contenu dans les combustibles reçus dans les usines de
retraitement et non encore retraités
|
|
|
Les statistiques distinguent le plutonium séparé de
celui contenu dans le combustible non retraité. En termes de prolifération, cette
distinction a une portée évidente, les techniques de séparation étant difficiles à
maîtriser. Il faut donc se garder de faire la somme du plutonium séparé de celui
contenu dans le combustible irradié qui, si on le retraite devient du plutonium déchet.
Mais on ne peut que noter une augmentation de 1995 à 1996 une
augmentation du plutonium dit " sur étagère ". Les chiffres
1997 sont en cours délaboration. Les indications données à votre Rapporteur
laissent penser que cette augmentation sest poursuivie de manière linéaire.
Par ailleurs, il faut souligner le fait que les 65,4 tonnes plutonium
séparé sur étagères fin 1996 comprennent 30 tonnes de plutonium appartenant à des
sociétés étrangères. De même, les 152,5 tonnes de plutonium contenu dans les
combustibles usés comprennent aussi les combustibles étrangers en attente de
retraitement.
Quant aux chroniques relatives aux périodes antérieures, le
secrétariat dEtat à lindustrie, arguant du fait quelles reposaient sur
des conventions statistiques différentes, na pas souhaité les communiquer à vos
Rapporteurs.
- Cogema transparente sur le plutonium : il suffisait de le demander
Lordre de grandeur des stocks doit être discuté si lon
veut sassurer de la plausibilité des chiffres affichés. A cet égard, il est
intéressant de faire un parallèle entre les montants de stocks et les quantités
retraitées. Ces quantités de combustibles irradiés sont indiquées dans le tableau
suivant, fourni par Cogema.
Tableau 6 : quantités annuelles de combustibles
retraités à UP2 et UP3 (La Hague)
année -
tonne |
quantité
retraitée à UP2 |
quantité
retraitée à UP3 |
quantité de
Mox retraité |
quantité de
combustible de RNR retraité |
total
annuel |
1976 |
14,6 |
- |
- |
- |
14,6 |
1977 |
17,9 |
- |
- |
- |
17,9 |
1978 |
38,3 |
- |
- |
- |
38,3 |
1979 |
79,3 |
- |
- |
2,2 |
81,5 |
1980 |
104,9 |
- |
- |
1,5 |
106,4 |
1981 |
101,3 |
- |
- |
2,2 |
103,5 |
1982 |
153,5 |
- |
- |
- |
153,5 |
1983 |
221,0 |
- |
- |
2,0 |
223,0 |
1984 |
255,1 |
- |
- |
2,1 |
257,2 |
1985 |
351,4 |
- |
- |
- |
351,4 |
1986 |
332,6 |
- |
- |
- |
332,6 |
1987 |
424,9 |
- |
- |
- |
424,9 |
1988 |
345,7 |
- |
- |
- |
345,7 |
1989 |
430,3 |
30,0 |
- |
- |
460,3 |
1990 |
331,0 |
195,0 |
- |
- |
526,0 |
1991 |
311,1 |
351,4 |
- |
- |
662,5 |
1992 |
219,9 |
448,0 |
4,5 |
- |
672,4 |
1993 |
354,0 |
600,0 |
0,0 |
- |
954,0 |
1994 |
575,9 |
700,4 |
0,0 |
- |
1 276,3 |
1995 |
758,1 |
800,6 |
0,0 |
- |
1 558,7 |
1996 |
862,0 |
818,9 |
0,0 |
- |
1 680,9 |
1997 |
849,6 |
820,3 |
0,0 |
- |
1 669,9 |
1998 (3 mois) |
104,3 |
276,0 |
4,9 |
- |
385,2 |
total |
7 236,7 |
5 040,6 |
9,4 |
10,0 |
12 296,7 |
Le tableau suivant, fourni par Cogema, donne les
chiffres précis relatifs à lutilisation du plutonium issu du retraitement des
réacteurs à eau légère. Ces chiffres excluent les quantités de plutonium de qualité
militaire extraites par retraitement des combustibles UNGG.
Tableau 7 : fabrications, réexpéditions et stocks de plutonium
provenant du retraitement à La Hague des combustibles à eau légère
en tonnes de plutonium total |
EDF |
Clients étrangers |
Total |
Production cumulée
de plutonium (76-97) |
44,8 |
51,5 |
95,9 |
Total des expéditions
pour fabrication de combustibles |
28,6 |
22,1 |
50,7 |
Stock PuO2 |
16,2 |
29,0 |
45,2 |
Ainsi, au total, ce sont 95,9 tonnes de plutonium qui ont été
fabriquées à La Hague de 1976 à 1997 par retraitement des combustibles irradiés
des réacteurs à eau légère.
Ces données correspondent aux ordres de grandeur attendus. De 1976 à
fin 1996, 10 241,6 t de combustibles irradiés ont été retraitées à La Hague. Or en
première approximation, le plutonium issu du retraitement représente 0,9 % du tonnage
retraité, ce qui représente 92 tonnes environ. Par différence, le plutonium extrait du
combustible UNGG représente environ 3,7 tonnes.
Les réexpéditions se font à destination dusines françaises ou
étrangères de fabrication de combustibles. EDF a dans le passé repris une partie de son
plutonium pour fabriquer du combustible pour Superphénix et Phénix et ne le fait plus
que pour Phénix, ce qui représente des tonnages faibles. Le Japon continue de reprendre
du plutonium pour ses RNR Joyo et Monju. Mais le débouché principal est bien entendu la
fabrication de Mox.
Sagissant du plutonium provenant des combustibles EDF, la
réexpédition se fait désormais vers lusine Melox, à 100 % en 1997. Les
expéditions de plutonium fabriqué à La Hague vers lusine de Belgonucléaire à
Dessel ont cessé depuis la fin 94. La part de lusine de Cadarache sest
annulée en 1997. Le tonnage réexpédié vers Melox en 1997 a atteint 5,7 tonnes. Le
tableau suivant présente lévolution des réexpéditions de plutonium à partir de
La Hague.
Tableau 8 : réexpéditions à partir de La Hague du
plutonium issu du retraitement de combustibles des REP EDF vers des usines de
fabrication de combustible
tonne de Pu total |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1986 |
Belgonucléaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
0,2 |
Melox |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Cadarache |
|
|
|
|
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
0,4 |
Total |
|
|
|
|
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
0,6 |
tonne de Pu total |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
total |
Belgonucléaire |
0,9 |
0,9 |
1,2 |
2 |
1,1 |
0,8 |
1,4 |
0,4 |
|
|
|
8,9 |
Melox |
|
|
|
|
|
|
|
0,4 |
2 |
3,5 |
5,7 |
11,6 |
Cadarache |
0,3 |
0,6 |
|
0,5 |
|
0,7 |
0,9 |
0,8 |
2,1 |
0,2 |
0 |
8,1 |
Total |
1,2 |
1,5 |
1,2 |
2,5 |
1,1 |
1,5 |
2,3 |
1,6 |
4,1 |
3,7 |
5,7 |
28,6 |
Sagissant du plutonium provenant du retraitement des combustibles
étrangers, il faut signaler laugmentation du stock entreposé à La Hague
La montée en charge de lusine UP3 consacrée au retraitement des
combustibles étrangers est en effet rapide depuis 1990. Les quantités produites ont donc
augmenté rapidement. Or les réexpéditions ont été très lentes. Sur la période
1990-1997, la moyenne des tonnages réexpédiés atteint seulement 1,8 tonne par an, avec
toutefois un doublement par rapport à ce chiffre en 1997. Le tableau suivant présente la
chronique des réexpéditions vers létranger.
Tableau 9 : réexpéditions à partir de La Hague du
plutonium issu du retraitement de combustibles étrangers (réacteurs à eau légère)
vers des usines de fabrication de combustible
tonne de Pu total |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1986 |
Total |
0,1 |
0 |
0,3 |
0 |
0,3 |
0,3 |
0,5 |
0,7 |
1 |
1,6 |
0,6 |
tonne de Pu total |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
total |
Total |
0,5 |
0,8 |
0,7 |
1,2 |
0,7 |
2,4 |
0,3 |
1,6 |
1,7 |
3,2 |
3,6 |
22,1 |
La loi du 30 décembre 1991 dispose dans son article 3 que
" le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur
retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des
délais techniques imposés par le retraitement. "
La réexpédition des verres contenant les actinides mineurs et les
produits de fission est évidemment une obligation aux termes de la loi. On peut discuter
du délai dentreposage nécessaire pour la décroissance de leur charge thermique et
radioactive. Pour le plutonium, les délais imposés par le retraitement sont courts. Au
contraire dimposer une attente, une bonne gestion technique du plutonium exige une
réutilisation rapide, faute de quoi le plutonium sempoisonne, du fait de la
décroissance radioactive b - spontanée du plutonium 241 qui
se transforme en américium 241 avec une période de 14,4 années.
On conçoit bien le manque dardeur des clients étrangers à
rapatrier leur plutonium. En réalité, ce sont plutôt les autorités politiques qui
nencouragent pas les retours, notamment en période délections. Le respect de
la loi de 1991 commande que des calendriers clairs de réexpédition soient adoptés et
respectés. Les retards risqueraient de ne jamais être rattrapés et La Hague na
pas vocation à être un entrepôt de plutonium, ni pour EDF, ni pour les clients
étrangers de Cogema.
- Le stock total de plutonium dEDF stabilisé à une vingtaine de tonnes
EDF recycle une partie du plutonium contenu dans ses combustibles
irradiés sous forme de Mox (voir plus loin). Un stock outil est donc nécessaire. Son
montant est stabilisé à une vingtaine de tonnes depuis 1997. La figure ci-après
présente lévolution de ce stock depuis 1989.
Figure 4 : évolution des stocks de plutonium issus du retraitement
des combustibles EDF

- réglementation sur le plutonium et coût du retraitement
Dans la conception française actuelle du retraitement et des résidus " ultimes ",
la teneur en plutonium des verres contenant les produits de fission et les actinides
mineurs ne doit pas dépasser 0,1 %, sans cette limite posée a priori ait un fondement
logique. Dans lhypothèse où lon envisage un stockage souterrain, ceci
revient à dire que lon exclut dy mettre des déchets contenant du plutonium
à plus de 0,1 %. Cette contrainte a une incidence lourde sur le coût du retraitement. Le
groupe de travail Mandil-Vesseron la évaluée.
La figure suivante illustre quels peuvent être les différents
concepts de traitement des combustibles usés et leur traduction en termes source.
Figure 5 : les différents concepts de retraitement
Stockage Retraitement Retraitement Retraitement
direct simplifié actuel poussé
Pu 100% 1 à 3 % 0,1 % 0,01 %
AM 100% 100 % 100 % 1 %
La référence est la situation actuelle, soit une teneur de 0,1 % des
verres qui contiennent au demeurant 100 % des actinides mineurs. Le coût
dinvestissement dune usine de technologie actuelle et dune capacité de
800 à 1 000 t/an est de lordre de 28 à 40 milliards de F 1997.
Lentreposage en surface ou le stockage direct en sub-surface
correspondant au non-retraitement, conduit à accepter 100 % du plutonium et des actinides
mineurs dans les conteneurs.
A lautre extrémité de léchelle " dexigence ",
le retraitement poussé correspond à une situation où la teneur en plutonium est
limitée à 0,01 % et celle des actinides mineurs à 1 %. Le groupe Mandil- Vesseron
a estimé que le coût du retraitement poussé serait plus élevé de 30 à 50 %,
soit un surcoût dinvestissement de lordre de 14 milliards de F.
Le retraitement simplifié correspond quant à lui à une norme
dacceptation du plutonium à une concentration variant de 1 à 3 %, pour 100 %
dactinides mineurs. Léconomie par rapport à la situation actuelle serait de
30 %, soit 10 milliards de F en investissements, les économies de fonctionnement
nétant pas encore précisées.
Au total, le passage de la norme plutonium de 1 % à 0,01 % se traduit
par une variation de 87 % du coût dinvestissement de renouvellement dune
installation de la taille dUP3.
Figure 6 : impact de la norme plutonium sur le coût de
renouvellement de La Hague usine similaire à UP3
Stockage Retraitement Retraitement Retraitement
direct simplifié actuel poussé
investissement en milliards de F 1997
pour une nouvelle usine de retraitement :
24 32 45
1.2. la montée des isotopes pairs du plutonium au
cours de lirradiation, une donnée fondamentale pour les combustibles et les
réacteurs actuels ou futurs
Lirradiation du combustible à loxyde duranium
conduit, on la rappelé plus haut, à la formation de plutonium à partir de
luranium 238 fertile. Plusieurs isotopes apparaissent, le plus abondant de loin
étant le plutonium 239. Différents facteurs influent sur la proportion de ces isotopes.
Or les isotopes du plutonium nont pas la même qualité fissile dans les réacteurs
à neutrons thermiques. De sorte que le plutonium issu du retraitement est plus ou moins
adapté à un recyclage éventuel dans les réacteurs à eau pressurisée.
Dans la situation actuelle où, du fait de la fermeture de
Superphénix, la filière des réacteurs à neutrons rapides - qui eux peuvent brûler
tous les types de plutonium perd de son actualité, cette question de la qualité
du plutonium de retraitement doit occuper une place fondamentale dans les décisions sur
laval du cycle.
- montée des isotopes pairs et recyclage du plutonium
Le taux de combustion est un paramètre fondamental de
lexploitation dun réacteur nucléaire. Par hypothèse, on cherche à le
maximiser afin de rentabiliser le coût du combustible et de maximiser le rendement de la
centrale, en réduisant les arrêts pour rechargement. Ceci peut se faire en enrichissant
le combustible de départ, soit en uranium 235, soit en plutonium 239.
Des améliorations très importantes ont été apportées au
combustible à loxyde duranium, aux alliages des aiguilles de combustible
ainsi quà larchitecture des curs, principalement par lindustrie
française qui a pu, de ce fait, renforcer ses positions dans la filière nucléaire.
Cest grâce à ces améliorations que les taux dirradiations ont pu progresser
significativement. Des 33 000 MWj/t des années 70, lon est aujourdhui passé
à une moyenne de 43 000 MWj/t, lirradiation maximale autorisée étant de 47 000
MWj/t. On nexclut pas dailleurs de repousser cette limite à
52 000 MWj/t.
La limite à respecter dans cette montée des taux de combustion est
bien sûr celle fixée par des considérations de sûreté. En effet, lenveloppe des
aiguilles de combustible se fragilise quelque peu au fur et à mesure de
lirradiation. Par ailleurs, les produits de fission formés au cours des réactions
saccumulent dans la gaine, nuisent à sa tenue mécanique et dans une certaine
mesure empoisonnent le combustible lui-même. Afin déviter des ruptures de gaine
qui se traduiraient par une pollution radioactive du circuit primaire de refroidissement,
des limites dexploitation très précises sont imposées par les autorités de
sûreté, en fonction du type de combustible et de réacteur.
Il semble bien quun autre facteur doive être pris en
considération dans laugmentation du taux de combustion, cest celle la montée
des isotopes pairs du plutonium qui rend celui-ci de plus en plus difficile à recycler
dans les réacteurs à eau pressurisée.
Le tableau ci-après illustre la montée des isotopes pairs du
plutonium en fonction du taux de combustion.
Tableau 10 : isotopes du plutonium dans le combustible oxyde
duranium irradié en fonction du taux de combustion
taux de combustion (MWj/t) |
33 000 |
40 000 |
45 000 |
50 000 |
55 000 |
60 000 |
Pu 238 en % |
1,5 |
2,0 |
2,8 |
3,3 |
3,8 |
4,3 |
Pu 239 en % |
58,6 |
55,8 |
53,7 |
51,8 |
50,7 |
48,9 |
Pu 240 en % |
24,7 |
25,6 |
24,5 |
25,2 |
24,8 |
25,3 |
Pu 241 en % |
10,0 |
10,4 |
11,8 |
11,8 |
12,0 |
12,0 |
Pu 242 en % |
5,2 |
6,2 |
7,2 |
7,9 |
8,7 |
9,5 |
Isotopes pairs (%) |
31,4 |
33,8 |
34,5 |
36,4 |
37,3 |
39,1 |
Isotopes impairs : Pu fissile (%) |
68,6 |
66,2 |
65,5 |
63,6 |
62,7 |
60,9 |
Pu total (kg/t) |
9,3 |
10,3 |
10,6 |
10,9 |
11,6 |
11,9 |
Le même phénomène, bien que dans des proportions moindres, est
enregistré avec le combustible Mox. Laugmentation du taux de combustion renforce la
proportion des isotopes pairs du plutonium, ainsi que le montre le tableau suivant.
Tableau 11 : laugmentation des isotopes pairs du plutonium
dans le Mox en fonction du taux de combustion
taux de combustion (MWj/t) |
33 600 |
36 700 |
41 000 |
Pu 238 en % |
3,1 |
2,7 |
3,4 |
Pu 239 en % |
37,1 |
36,7 |
35,5 |
Pu 240 en % |
33,7 |
33,8 |
34 |
Pu 241 en % |
14,4 |
14,9 |
14,3 |
Pu 242 en % |
11,8 |
11,8 |
12,8 |
Isotopes pairs (%) |
48,6 |
48,3 |
50,2 |
Isotopes impairs : Pu fissile (%) |
51,5 |
51,6 |
49,8 |
Un autre phénomène plus important dans le cas du Mox doit être
souligné. Cest la montée des isotopes pairs du plutonium au fur et à mesure du
recyclage.
Le combustible Mox voir plus loin est un mélange
doxyde duranium et de plutonium. La concentration moyenne en oxyde de
plutonium est de 5,3 %. Afin de maximiser les performances du combustible, un
mélange isotopique particulier est effectué où les isotopes impairs représentent
environ les deux tiers du total. Le phénomène fondamental est que, comme lindique
le tableau suivant, une montée des isotopes pairs se produit au cours de
lirradiation du combustible Mox.
Tableau 12 : isotopes du plutonium dans le combustible Mox taux de
combustion : 43 500 MWj/t après refroidissement de 4 ans
Après une irradiation correspondant à 43 500 MWj/t, la part des isotopes pairs passe
de 35,8 % du total à 48,2 %.
- les isotopes pairs du plutonium, poisons des réacteurs à neutrons thermiques et
excellents combustibles pour les réacteurs à neutrons rapides
Les isotopes pairs du plutonium constituent un poison de la réaction
en chaîne dans les réacteurs à eau pressurisée. En revanche, les réacteurs à
neutrons rapides sont indifférents à la composition isotopique. La raison en est
exposée dans le tableau suivant.
Tableau 13 : ordre de grandeur des sections efficaces des
différents isotopes du plutonium
isotope du plutonium |
nb de neutrons émis par
neutron absorbé en spectre thermique |
nb de neutrons émis par
neutron absorbé en spectre rapide |
Pu 238 |
0,2 |
1,29 |
Pu 239 |
1,84 |
2,17 |
Pu 240 |
0,007 |
1,09 |
Pu 241 |
2,01 |
2,44 |
Pu 242 |
0,04 |
0,98 |
Le cas du plutonium 240 est éclairant à cet égard. En
spectre thermique, le nombre de neutrons quil réémet pour un neutron capturé est
de 0,007. Autrement dit, cet isotope absorbe les neutrons et compromet la poursuite de la
réaction en chaîne. Il en est de même pour les autres isotopes pairs. Les isotopes
impairs, au contraire, fissionnent en nombre suffisant et réémettent des neutrons,
participant ainsi au processus de la réaction en chaîne et en parallèle générant de
lénergie.
Les réacteurs à neutrons rapides sont en conséquence souvent
décrits comme des réacteurs " mange-tout ". Ceci vaut pour
les actinides mineurs mais bien évidemment et au premier chef pour le plutonium. Mais la
fermeture de Superphénix, décidée sans explications par le Gouvernement, signifie
labandon pour une cinquantaine dannées de la filière des réacteurs à
neutrons rapides, technique où la France se trouvait à la pointe mondiale de ce type de
réacteurs. Le phénomène de la montée des isotopes pairs du plutonium sous la double
action de laccroissement des taux de combustion et du nombre de recyclage pèse donc
de tout son poids sur les réacteurs à eau pressurisée actuel (REP paliers CP1-CP2) et
sur les réacteurs à eau pressurisée du futur, en particulier le " European
Pressurized Reactor " (EPR).
1.3. le plutonium considéré comme déchet et son
immobilisation dans des matrices à longue durée de vie
Le plutonium est considéré à juste titre comme une matière à haut
potentiel énergétique en France comme dans certains pays en raison de ses
caractéristiques fissiles. A linverse, dautres pays le considèrent comme un
déchet au demeurant dangereux en raison de son utilisation militaire potentielle mais
aussi en raison de sa radiotoxicité. Limmobilisation et la dénaturation du
plutonium viennent aujourdhui au premier plan des préoccupations, en raison de
labondance des stocks de plutonium militaire. Des travaux de plus en plus nombreux
portent sur ce thème. La problématique de lusage ou du non-usage du plutonium
civil pourrait en être modifiée.
- le plutonium militaire issu du démantèlement des armes, un sujet brûlant mais bloqué
aux Etats-Unis
Le démantèlement des armes nucléaires opéré suite aux accords de
limitation des armements stratégiques, ainsi que laugmentation de leurs puissances
unitaires et la miniaturisation ont divisé par deux le nombre de têtes nucléaires. Au
milieu des années 1980, le nombre darmes sélevait à 70 000 environ.
Aujourdhui, des estimations concordantes font état de 36 000 têtes dont 14 000
sont en attente dêtre démantelées.
La neutralisation du plutonium est un sujet de préoccupation croissant
aux Etats-Unis. Ceux-ci doivent en effet non seulement traiter leur propre stock mais ont
également signé en 1994 un accord avec la Russie aux termes duquel ils doivent lui
acheter des quantités importantes de plutonium dans un premier temps 500 tonnes
. En janvier 1997 l'administration américaine annonçait sa politique pour traiter
son propre plutonium : d'une part le recyclage en Mox et d'autre part son immobilisation
dans des matrices de céramique. Depuis 15 mois, le " Department of
Energy " (DOE), responsable de la gestion de toutes les matières
nucléaires, n'a toutefois pas pris de position.
- Le WIPP ou le tabou brisé du plutonium en stockage géologique
Sauf blocage de dernière minute, le premier centre de stockage
souterrain de déchets contenant du plutonium doit être opérationnel aux Etats-Unis à
la mi-98. Il sagit du Waste Isolation Pilot Plant (WIPP). Même sil ne
sagit pour linstant que de déchets faiblement contaminés, c'est un
précédent important qui pourrait ouvrir la voie au stockage souterrain de matrices à
longue durée de vie contenant du plutonium en quantités importantes.
En loccurrence, 150 000 m3 de déchets nucléaires de la guerre
froide actuellement stockés sur 23 sites aux Etats-Unis devraient être stockés dans le
WIPP, sur le site de Carlsbad au Nouveau-Mexique. L' "Environmental
Protection Agency " (EPA) a donné son feu vert au " Department
of Energy " (DOE).
Cest une évolution considérable dans un pays qui , après avoir
lancé la problématique des déchets en avance, sétait bloqué non pour des
raisons techniques mais pour des raisons dopinion publique, dans un immobilisme du
pouvoir politique qui pouvait se prolonger.
Ce résultat est obtenu après un affrontement aigu entre le Congrès
et lEPA. Cette agence avait fixé des normes de radioprotection à long terme
particulièrement sévères. Il sagissait de garantir quun forage, même
pratiqué après la disparition de toute archive concernant le site, nentraînerait
pas de contamination de lenvironnement. Le Congrès na pas hésité en 1995
dune part à fixer lui-même une norme de radioprotection et, dautre part, à
menacer lEPA de lui retirer toute responsabilité dans le domaine du nucléaire.
Les transports devraient commencer en juin 1998. Les déchets sont des
outils, des vêtements et des objets contaminés par du plutonium lors de la fabrication
ou du démantèlement des armes nucléaires. Le stockage est effectué dans une couche de
sel souterraine déposée par un ancien océan il y a 225 millions d'années, ce qui donne
une échelle de la durée. Cette couche située à 650 m est considérée comme
géologiquement stable.
Dans la même ligne, il semblerait que la décision pourrait être
prise aux Etats-Unis de stocker en profondeur 50 tonnes de plutonium militaire après
lavoir immobilisé dans des matrices de céramique.
- de nouvelles matrices dimmobilisation à très long terme pour le plutonium
Les techniques de piégeage dun élément lourd comme le
plutonium font à lheure actuelle de nombreux progrès. Linsertion dans une
matrice de verre est une technique industrielle démontrée chaque jour par Cogema à La
Hague. En complément à ce procédé, apparaissent dautres techniques comme celles
des céramiques, qui semblent particulièrement prometteuses pour le plutonium.
Ainsi, en France, des chercheurs de l'IN2P3 ont réussi à synthétiser
un phosphate de thorium de formule Th4(PO4)4P2O7
dans lequel on peut remplacer une partie des ions thorium par des ions uranium ou
plutonium, sans que la structure cristalline du phosphate de thorium change. On crée
ainsi une solution solide dans laquelle des atomes de plutonium remplacent de 25 à 41 %
des atomes de thorium.
Des équipes australiennes et américaines développent quant à elles
des composés à base de silicate et de titanate qui présentent des propriétés
similaires à celles des roches trouvées dans la nature.
Ces techniques sinspirent de ce que lon trouve dans la
nature où de nombreuses roches conservent à létat de trace de luranium ou
thorium. On a en effet mis en évidence à Oklo (Gabon) des piles atomiques spontanées
qui ont fonctionné pendant 500 ans et ceci il y a 2 milliards dannées. Un
confinement efficace des sous-produits des réactions nucléaires a été réalisé,
naturellement, par des roches du même type que celles étudiées, pendant la même
durée, soit la moitié de l'âge de la Terre.
Les matrices cristallines synthétiques actuellement étudiées
phosphates diphosphates de thorium, silicates de zirconium, monazites, apatites
devraient être assez stables pour immobiliser des matériaux radioactifs jusqu'à
des milliards d'années.
Le tableau suivant présente une évaluation des performances
comparées des différentes matrices.
Tableau 14 : performances de différents matériaux vis-à-vis de
la lixiviation
matrice |
fraction de masse dissoute
en g par m2 et par jour |
Diphosphate de thorium |
10-7 |
Monazites (CaPO4) |
10-6 |
Zircon (ZrSiO4) |
10-5 |
Synroc |
10-5 à 10-4 |
Les chiffres ci-dessus sont relatifs à la dissolution
dans de leau distillée, un milieu beaucoup plus oxydant et corrosif que les eaux
basiques et réductrices que lon trouve en sous-sol. Ils peuvent sembler décevants,
dans la mesure à la durabilité des matrices doit se compter en millions dannées.
En réalité, dans le cas du diphosphate de thorium, le mécanisme de dissolution
porterait en lui-même un auto-blocage. En effet, le passage en solution du solide est
rapidement contré par la très faible solubilité du phosphate. A peine dissout, le
diphosphate de thorium précipite rapidement à la surface de la matrice. Une sorte de
réparation automatique de lattaque initiale se produit donc. Des expériences sont
en cours pour vérifier la portée de ce mécanisme et estimer la durabilité à long
terme.
Dans ce créneau prometteur, la France, grâce au CNRS, qui a bien sûr
déposé les brevets nécessaires, semble avoir une avance sur les autres pays. Selon
certaines informations, les Etats-Unis testeraient le procédé français.
En tout état de cause, des céramiques des types ci-dessus devraient
être préférées aux verres pour piéger des déchets radioactifs à haute activité,
dès lors que les éléments sont séparés. La technique du verre sappliquerait
mieux aux mélanges déléments différents. De plus les céramiques semblent mieux
résister dans la durée à la lixiviation que les verres.
Il est donc vraisemblable que la voie inaugurée par lIN2P3
débouche sur des applications. La condition en est évidemment que ses coûts de mise en
uvre deviennent compétitifs. Les verres, compte tenu des volumes actuellement
fabriqués, garderont toutefois longtemps une avance à cet égard. Une autre condition,
fondamentale, est aussi que lon ne puisse facilement récupérer le plutonium une
fois celui-ci placé en solution solide. Différents stratagèmes peuvent être imaginés
à cet égard, comme la pollution du plutonium par des poisons radioactifs. Ces poisons
pourraient être introduits au moment de la fabrication ou au contraire être fabriqués
par irradiation neutronique.
En tout état de cause, des résultats complémentaires sont
nécessaires pour éventuellement confirmer que lon peut immobiliser des quantités
importantes de plutonium pour des durées très longues, avec efficacité et sûreté,
notamment en prévenant toute possibilité dextraction du plutonium des céramiques.
Si cette possibilité était avérée, cest toute la
problématique du plutonium déchet ou combustible qui pourrait être
déplacée.
1.4. le plutonium considéré comme un combustible et
son recyclage dans le Mox : contraintes techniques
Le Mox, mélange doxyde duranium et de plutonium, constitue
un combustible utilisable dans les réacteurs à eau pressurisée moyennant quelques
adaptations des réacteurs et sous certaines limites. Le bilan dintroduction du Mox
en France est positif. Cest pourquoi EDF entend létendre progressivement à
un nombre accru de tranches nucléaires. La poursuite de cette introduction conditionne
léquilibre économique de laval du cycle.
- plusieurs types de Mox et plusieurs configurations de cur contenant du Mox
Le Mox (Mixed Oxide Fuel) est composé doxydes duranium et
de plutonium. Des variantes existent tant pour le ratio uranium 235 fissile / uranium 238
fertile de loxyde duranium que pour la teneur globale de loxyde de
plutonium et sa composition isotopique. Par ailleurs, il faut noter que le nombre
dassemblages combustibles contenant du Mox varie, selon les cas, par rapport au
nombre total dassemblages du cur dun réacteur.
Le minerai duranium comprend en moyenne 0,1 à 0,5 %
duranium. La composition isotopique de cet uranium naturel est de 0,7 % en uranium
235 fissile. Après enrichissement, lon aboutit à une teneur de 3,5 % en uranium
235. Luranium appauvri résultant de lenrichissement comprend quant à lui 0,2
% duranium 235. Loxyde duranium utilisé pour fabriquer le Mox était
traditionnellement luranium naturel. Luranium appauvri produit en aval des
usines denrichissement lui est de plus en plus souvent préféré.
Labaissement de 0,7 % à 0,2 % de la teneur en uranium 235 ainsi réalisé permet en
effet daugmenter la concentration en oxyde de plutonium, donc sa consommation
globale.
Le Mox est placé dans des crayons qui eux-mêmes sont assemblés de
différentes façons. Les réacteurs à eau bouillante utilisaient dans le passé des
assemblages à îlot de plutonium. Au sein de chaque assemblage, les crayons Mox étaient
placés dans une zone centrale et les crayons à uranium enrichi à la périphérie. Au
contraire, les réacteurs à eau pressurisée " moxés " contiennent
des assemblages " tout Mox " qui ne contiennent que des crayons
Mox. Les réacteurs REP 900 MW du palier CP1-CP2 se caractérisent par des assemblages
tout Mox. Au sein de chaque assemblage, lon fait varier la teneur en oxyde de
plutonium. La périphérie, le centre et la zone moyenne comportent des crayons de teneurs
différentes en plutonium selon le schéma ci-après .
Figure 7 : exemple dassemblage de combustible
Mox utilisé dans des REP français de 900 MWe
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
O |
|
|
O |
|
|
O |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
légende : |
|
zone 1 : périphérie - 64 crayons à faible teneur
3,35 % de plutonium
|
|
|
zone 2 : 100 crayons à teneur moyenne 5,10
% de plutonium
|
|
|
zone 3 : centre - 100 crayons à forte teneur
6,75 % de plutonium
|
|
O |
tubes guides et tubes dinstrumentation
|
Globalement, deux paramètres peuvent être utilisés pour faire varier
le contenu global en Mox dun réacteur à eau pressurisée : dune part la
teneur en oxyde de plutonium de chacun des assemblages et dautre part le nombre
dassemblages de Mox par rapport au nombre total dassemblages présents dans le
coeur. Ces deux paramètres permettent, dans des limites précises fixées par la
sûreté, de faire varier le tonnage de plutonium recyclé dans un REP.
- un maximum de 12 % de plutonium dans le Mox
Au cours de lirradiation dun combustible classique à
loxyde duranium, il se crée, on la déjà mentionné, du plutonium sous
différents isotopes. En réalité, la proportion de plutonium 239 se stabilise
globalement dans lensemble du cur. En effet, le taux de transformation de
luranium 238 en plutonium 239 équilibre la disparition de celui-ci par fission. En
revanche, apparaissent au fur et à mesure du fonctionnement du réacteur et de plus en
plus, les isotopes Pu 240, Pu 241 et Pu 242. Comme on la vu plus haut, la part
des isotopes pairs est dautant plus importante que lirradiation du combustible
est plus élevée.
Or les propriétés neutroniques des différents isotopes du plutonium
diffèrent de celles de luranium. Elles diffèrent également les unes des autres.
En particulier, les isotopes pairs du plutonium empoisonnent la réaction de fission dans
les réacteurs à eau pressurisée. On considère quune réaction en chaîne peut
avoir lieu pour un nombre de neutrons émis par neutron absorbé supérieur ou égal à
1,3. Les isotopes pairs du plutonium Pu 238, Pu 240 et Pu 242 avec des
valeurs très inférieures en spectre thermique, sont donc des poisons de la réaction en
chaîne.
Sur un plan général, la fission dun noyau duranium 235
produit deux fragments qui réémettent deux à trois neutrons de haute énergie (environ
2 MeV). Dans un réacteur à eau pressurisée, ces neutrons perdent rapidement leur
énergie à la suite de chocs contre les noyaux dhydrogène de leau. En tout
état de cause, cela est nécessaire à un bon entretien de la réaction en chaîne.
Si la fission de luranium 235 se produit sous laction des
neutrons de tout type dénergie, la probabilité de fission est plus importante
lorsque le neutron incident est faiblement énergétique. Grâce à leau, les
neutrons sont ralentis par chocs élastiques. Leur énergie diminue jusquà
atteindre un niveau, inférieur à 0,5 eV, où la probabilité dabsorption par
le noyau et donc de fission est plus importante.
La présence de plutonium dans le combustible Mox modifie la situation.
Les isotopes 239 et 241 du plutonium présentent une résonance dabsorption pour des
valeurs dénergie voisines de 0,5 eV. Ceci veut dire que labsorption de
neutrons peut être multipliée par 10 ou 100. En conséquence, les neutrons susceptibles
de voir diminuer leur énergie jusquau niveau optimal sont moins nombreux. Le
spectre est dit durci. Il y a moins de neutrons de basse énergie et plus de neutrons
dénergies intermédiaires, dits épithermiques. Les poisons de contrôle le
bore dans les réacteurs à eau pressurisée sont moins efficaces. Les grappes de
commande le sont également.
Par ailleurs, le plutonium produit moins de neutrons retardés que
luranium 235. On constate donc que le cur est plus nerveux.
Pour toutes ces raisons, une limite à la teneur en plutonium du
combustible Mox doit être fixée. Pour ce faire et pour chaque concept de cur
envisagé, des calculs complexes doivent être réalisés en examinant les conséquences
des différents incidents et accidents potentiels de fonctionnement du réacteur. Pour
simplifier, les résultats de ces calculs montrent que le pourcentage maximal admissible
de plutonium par rapport à luranium est denviron 12 %.
- la modification du design initial des réacteurs 900 MWe et la limitation du pourcentage
dassemblages Mox à 30 % du total
La limitation à 12 % de la teneur en plutonium du Mox nest pas
la seule contrainte portant sur le recyclage du plutonium dans les réacteurs à eau
pressurisée. En réalité, lutilisation du Mox impose des modifications de la
conception et des investissements complémentaires sur les REP des tranches CP1-CP2. Ainsi
que la indiqué Framatome à vos Rapporteurs, ces modifications sont dampleur
limitée mais incontournables .
Du fait de la présence de plutonium fissile dans le combustible, des
neutrons à haute énergie non ralentis provoquent un nombre de fissions plus important
que dans le combustible classique. La première conséquence en est que les moyens de
contrôle de la réactivité qui agissent principalement sur les neutrons lents sont moins
efficaces. Il faut donc les renforcer. Des grappes de contrôle supplémentaires sont donc
installées dans ce but sur les réacteurs et les teneurs en bore sont augmentées. Dans
le cas particulier des réacteurs 900 MWe, ce sont quatre grappes noires supplémentaires
qui ont été rajoutées.
Par ailleurs, les réacteurs " moxés " se
caractérisent par une diminution des contre-réactions de vide et lon peut
atteindre avec des quantités moindres, en dehors de la présence deau, la
criticité. En outre, un nombre plus réduit de neutrons retardés étant émis après une
fission, le combustible est plus sensible à des variations rapides de réactivité. Ces
phénomènes sont prévenus par des exigences précises sur la maîtrise de certains
transitoire et par un renforcement des capacités de refroidissement à long terme.
Cest ainsi que, sur les réacteurs 900 MWe, la concentration en bore et les volumes
disponibles des réservoirs dappoint en bore sont augmentés, de même que la
concentration du réservoir de stockage de la piscine.
Une fois effectués ces changements mineurs déquipement et de
modes de conduite, le réacteur présente des caractéristiques intéressantes pour
lexploitation, comme une perte de réactivité moindre quavec le combustible
classique.
Dans tous les cas, la pratique actuelle française est que les
assemblages combustibles confectionnés avec du Mox ne représentent que 30 % du total.
Par ailleurs, des contraintes de gestion particulières sont assignées au combustible Mox
qui ne peut séjourner aussi longtemps en réacteur que le combustible à loxyde
duranium. Un réacteur 900 MWe fonctionnant au combustible standard à loxyde
duranium est rechargé par quart de cur, avec une longueur de campagne de 12
mois, cest-à-dire tous les ans. Un réacteur " moxé " continue
dêtre rechargé par quart de cur pour le combustible UO2, mais est rechargé
par tiers de cur avec du combustible Mox, la durée de la campagne restant de 12
mois .
Tableau 15 : caractéristiques actuelles
dexploitation du Mox dans les réacteurs 900 MWe
caractéristiques |
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre dassemblages
en % du total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
5,3 % |
- |
équivalent enrichissement
en U 235 |
- |
3,25 % |
épuisement maximal de
décharge autorisé |
39 000 MWj/t |
48 000 MWj/t |
nombre de cycles en
réacteur |
3 |
4 |
La montée des taux de combustion des combustibles à luranium
que lexploitant appelle de ses vux pour augmenter la rentabilité, induit une
nouvelle contrainte en aval. En effet, le combustible ultérieurement retraité comporte
du plutonium de qualité dégradée, ainsi quon la vu plus haut. En termes
techniques, on parle dune dégradation du vecteur isotopique du plutonium, ce qui
veut dire que le plutonium retraité comporte une proportion accrue disotopes pairs.
En conséquence, il est nécessaire daugmenter la teneur en plutonium du Mox.
Un dossier en cours dinstruction par les autorités de sûreté
depuis 1996 sollicite en conséquence laugmentation de la teneur en plutonium. Le
tableau suivant présente les caractéristiques de la gestion projetée si les
autorisations demandées sont accordées.
Tableau 16 : gestion du Mox fabriqué avec du plutonium provenant
des combustibles fortement irradiés
|
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre dassemblages en
% du total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
7,08 % |
- |
nombre de cycles en
réacteur |
3 |
4 |
Par ailleurs, la gestion séparée des assemblages Mox 3 cycles
et des assemblages standards 4 cycles complique lexploitation
pour EDF. En conséquence, un projet a été lancé par EDF, intitulé " Parité
Mox ", pour saffranchir de cette contrainte. Le tableau suivant
indique quelles pourraient alors être les caractéristiques dexploitation des
réacteurs ainsi moxés.
Tableau 17 : objectifs du projet " Parité
Mox " à horizon 2002
caractéristiques |
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre dassemblages
en % du total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
8,65 % |
- |
nombre de cycles en
réacteur |
4 |
4 |
Létude de faisabilité a récemment conclu que la teneur en
plutonium du Mox doit être de 8,65 % et que quatre grappes darrêt supplémentaires
sont nécessaires ainsi quune augmentation du réservoir de stockage de la piscine.
Compte tenu des rapports de sûreté à élaborer et des modifications à réaliser sur
les tranches, cette gestion pourrait être mise en service à la fin de lannée
2002.
Quant aux perspectives daugmenter le pourcentage
dassemblages de Mox, elles sont peu encourageantes. Framatome écrit : " pour
utiliser le Mox à des taux supérieurs à 30 %, des modifications devront être faites,
dont la mise en uvre sur les tranches existantes sera coûteuse avec des délais
dintervention importants. En tout état de cause, un taux de recyclage supérieur à
40 % nest pas envisageable sans une refonte complète de ces tranches et une nette
remise en cause de leur capacité de suivi du réseau ".
- lintroduction du Mox dans les réacteurs de 1300 MWe envisageable à
lhorizon 2005
Lintroduction du Mox dans les réacteurs des paliers P4-P4
de 1 300 MWe est envisageable sur un plan technique, même si son opportunité nest
pas actuellement discutée.
Les réacteurs de 1 300 MWe présentent huit emplacements disponibles
pour des grappes de contrôle supplémentaires. Ce facteur favorable est en partie
compensé par labsence dans ces réacteurs de réservoir de bore concentré dans le
système dinjection de sécurité. Selon Framatome, il est vraisemblable que cet
inconvénient puisse être compensé par laugmentation de la concentration en bore
des réservoirs pour des quantités de plutonium modérée.
Des études sont en cours pour déterminer les conditions dune
introduction du Mox dans les réacteurs du palier 1300 MWe. Le tableau suivant en résume
les grandes lignes.
Tableau 18 : conditions et perspectives
dintroduction du Mox dans le palier 1 300 MWe
|
% dassemblages Mox
|
taux de plutonium total
|
horizon
|
projet à court terme
|
20-30 %
|
9,4 %
|
2005
|
projet à moyen terme
|
100 %
|
9,6 %
|
2010-2015
|
Il apparaît que le recyclage du plutonium dans les REP 1 300 MWe
devrait être possible à un taux modéré de lordre de 20 à 30 %, moyennant une
conclusion positive sur les situations accidentelles de refroidissement.
Le passage à 100 % dassemblages Mox nécessiterait selon toute
vraisemblance un redimensionnement de certains systèmes après des études poussées et
donc des modifications coûteuses et des temps darrêt importants.
- le Mox dans les réacteurs de 1 450 MWe : un problème analogue à celui des
réacteurs 1 300 MWe
Les réacteurs du palier N4 sont équipés dun schéma de grappes
renforcé. Des marges importantes existent en conséquence pour larrêt en cas
daccident de refroidissement. Lajout de grappes supplémentaires permettrait
de répondre à la question. Le palier N4 se présente en conséquence de façon voisine
de celle du palier P4-P4.
- le Mox et lEPR : une question stratégique
Le réacteur du futur EPR peut-il servir à recycler en masse le
plutonium issu du retraitement ? Telle est la question fondamentale pour les 50
prochaines années du nucléaire sur laquelle il convient de se pencher en détail.
Il importe en particulier de savoir si de nouvelles tranches en
loccurrence des EPR , venant en supplément du parc actuel, pourraient
contribuer à la consommation du plutonium issu du retraitement.
Si lon considère lavenir à plus long terme, il
sagit aussi de déterminer si les tranches venant en renouvellement des premiers
réacteurs du palier CP0 pourraient modifier léquilibre du cycle du combustible.
La définition du réacteur européen à eau pressurisée du futur a
commencé en 1992. NPI, filiale commune de Framatome et de Siemens créée en 1989 en
assume la maîtrise. Les principales dates de la progression de ce projet sont les
suivantes. A la fin 1993, un document relatif aux concepts de sûreté retenus est
adressé aux autorités de sûreté françaises et allemandes. En 1994, le groupe
permanent réacteur étudie le document correspondant. Une lettre cosignée par les
autorités de sûreté française et allemande manifeste lapprobation pour les
orientations initiales. La conception de base " Basic Design " commence
alors. Les études sont terminées en juin 1997. Le rapport résultant intitulé " Basic
Design Report " est déposé en octobre 1997 auprès des autorités de
sûreté en octobre 1997. Lannée 1998 est employée à loptimisation des
conditions dexploitation du futur réacteur, notamment sur le plan des coûts.
Ce réacteur évolutionnaire devrait avoir une puissance de 1 525 MWe,
encore quon étudie à lheure actuelle dans quelles conditions celle-ci
pourrait être portée à 1 700 1750 MWe. La durée de vie de lîlot
nucléaire devrait être portée à 60 ans contre 40 ans initialement prévus pour les
réacteurs actuels. Le premier objectif est celui de laugmentation de la sûreté
par rapport à celle déjà remarquable des réacteurs actuels les plus avancés. Parmi
les dispositifs devant y conduire, figurent le renforcement de lenceinte,
lintroduction dun système de refroidissement dédié par aspersion, des
systèmes de dépressurisation, des recombineurs catalytiques dhydrogène et un
dispositif étanche de récupération du corium. Un deuxième objectif est celui
daccroître la simplicité dexploitation. Elle sera obtenue grâce à une
amélioration de la fiabilité des composants, un fonctionnement et une maintenance
facilités, une réduction des marges derreur humaine et une radioprotection
meilleure.
Au plan de son architecture technique, lEPR serait relativement
proche du réacteur N4. A ce titre, le circuit primaire principal comprendrait 4 boucles
comprenant chacune un générateur de vapeur et un système de pompes associées. Les
réserves deau seraient accrues pour des motifs de sûreté. Le cur
comprendrait 245 assemblages combustibles contre 205 pour le réacteur N4.
La question du recyclage du plutonium, fondamentale pour létude
de laval du cycle, est à lheure actuelle en cours dapprofondissement.
La version de base de lEPR permet le monorecyclage du plutonium au taux de 50 % dans
des gestions de 18 mois. La teneur moyenne en plutonium est de 11 %. Le vecteur isotopique
correspond à un combustible uranium déchargé à 60 000 MWj/t. Fort opportunément et
dune certaine manière en contrepartie, les systèmes de lEPR sont conçus
pour utiliser du bore enrichi en bore 10.
Cette option apporte une souplesse importante vis-à-vis de
lutilisation du Mox. En conséquence, pour aller au-delà de 50 % dassemblages
Mox, seules quelques modifications mineures devraient être apportées aux systèmes de la
chaudière.
Vos Rapporteurs ont pu obtenir des précisions supplémentaires de
Framatome, sur les études en cours relatives à un recyclage accru du plutonium dans
lEPR, à propos duquel les études CAPRA menées sur Superphénix auraient été
fort utiles. Le tableau suivant récapitule les différentes possibilités qui devraient
être offertes par ce réacteur du futur.
Tableau 19 : lEPR et le recyclage du plutonium
performances attendues
EPR |
% dassemblages
de Mox |
teneur moyenne en
plutonium |
durée
des cycles |
taux dépuisement
de décharge |
nombre de crayons par
assemblage |
rapport
de modération |
version de base |
50 % |
11 % |
18 mois |
60 000 MWj/t |
" 17x17 " |
2 |
version
à létude |
100 % |
11 % |
18 mois |
60 000 MWj/t |
" 17x17 "-36 |
2,2 |
Les études en cours montrent quun arbitrage sera
vraisemblablement nécessaire entre laugmentation de puissance, telle quelle
est projetée, et le passage à 100 % de Mox dans le réacteur.
Pour passer à 100 % dassemblages Mox, il faudra en effet
utiliser des assemblages à rapport de modération légèrement accru. Ceci sera obtenu
par suppression de 36 crayons combustible de lassemblage standard de
lassemblage standard 17x17. Ainsi que lécrit Framatome : " lutilisation
de ces assemblages efface en partie la perte defficacité que subissent le bore et
les grappes de contrôle dans un coeur Mox par rapport à un coeur UO2. La possibilité
denrichir le bore en bore 10 vient encore augmenter lefficacité de ce moyen
de contrôle. Le résultat est que vis-à-vis du contrôle de la réactivité, le
cur 100 % Mox nest pas plus pénalisant quun cur 50 % Mox. Par
ailleurs, lintroduction de 36 trous deau par suppression des crayons
combustible correspondant a pour conséquence une augmentation de la puissance linéique,
ce qui se traduit par une perte de marges sur le cur. Cela est acceptable pour le
niveau de puissance actuel de lEPR, mais ne permettrait vraisemblablement pas une
augmentation de 15 % de puissance envisagé aujourdhui. La pénalité pourrait
être de lordre de 5 %, pour des curs 100 % Mox. "
Un autre arbitrage devrait par ailleurs être effectué entre le
passage à 100 % Mox et la durée de vie de la cuve, qui devrait en tout état de cause
être diminué par la présence accrue dassemblages Mox.
Il reste que lEPR moxé permettrait, ainsi que le montre le
tableau ci-après, une consommation nette de plutonium, avec toutefois comme conséquence
un accroissement des quantités produites dactinides mineurs (américium, neptunium
et curium), ce qui accroît les difficultés du stockage à long terme.
Tableau 20 : estimation des consommations ou des productions de
plutonium et dactinides dans lEPR, suivant ses versions
type dEPR |
EPR UO2 60
GWj/t |
EPR 50 % Mox 60
GWj/t |
EPR 100 % Mox
60 GWj/t |
Plutonium total (kg/Twhe) |
+ 26,4 |
- 24,8 |
- 67,5 |
Américium (kg/Twhe) |
+ 0,8 |
+ 3,7 |
+ 4,8 |
Neptunium (kg/Twhe) |
+ 2,1 |
+ 1,1 |
+ 0,3 |
Curium (Kg/Twhe) |
+ 0,4 |
+ 2,5 |
+ 4,0 |
En première approximation, on peut considérer quune tranche EPR
moxé à 100 % serait susceptible de consommer environ 3 tonnes de plutonium par an.
- la faisabilité et lopportunité du retraitement du Mox
Le combustible Mox irradié contient davantage de plutonium et
dactinides mineurs que le combustible standard. Toutefois, la démonstration a été
faite que le procédé Purex sadapte sans grandes difficultés au Mox irradié.
En 1991-1992, le CEA, dans son atelier pilote de Marcoule, retraitait
avec succès 2,1 tonnes de Mox provenant de la centrale allemande de Graffenheinfeld. La
COGEMA, quant à elle, retraitait en 1992 à La Hague-UP2 4,7 tonnes de Mox issu
dObrigheim-Neckar-Unterweser.
Deux et peut-être trois recyclages du plutonium semblent en tout état
de cause possibles, ainsi que lexpose le document Mandil-Vesseron. La durée des
opérations de stockage et de traitement est toutefois à prendre en considération.
Compte tenu de la lenteur relative de la décroissance radioactive et
thermique du Mox irradié, un recyclage du plutonium dans le Mox prendrait une douzaine
dannées. Deux à trois recyclages sétendraient sur une durée de 24 à 36
ans. En tout état de cause, les actuelles installations de retraitement pourraient
convenir, à condition toutefois que leur fonctionnement et en particulier leur niveau de
sûreté permettent den prolonger lusage.
Lun des problèmes restant à examiner a trait à limpact
de la composition du Mox irradié sur les déchets, les rejets et les effluents. Il est à
létude.
Le deuxième problème à résoudre probablement le plus
important porte sur la modification de la composition du Mox quil faudrait
introduire au fur et au mesure des recyclages.
Le Mox actuel comprend 5,3 % de plutonium. Au fur et à mesure de
lirradiation, les isotopes pairs du plutonium, notamment le plutonium 242, voient
leur concentration augmenter dans le combustible. Or leur neutronique dans les REP est
beaucoup moins favorable à la réaction en chaîne que les isotopes impairs. Deux
réponses sont alors possibles. La première consiste à augmenter la teneur en plutonium
au-delà des 5,3 % actuels. Cette solution présente une limite en termes de nombre de
recyclages possibles. Lautre réponse consiste à accroître non pas la teneur en
plutonium mais celle de luranium 235 fissile.
Le recours à un uranium davantage enrichi est considéré par le CEA
comme à la fois plus novateur et plus prometteur. Limpact de cette solution sur les
déchets radioactifs à haute activité reste à mesurer.
Mais dans la mesure où lensemble du combustible à loxyde
duranium ne serait pas retraité, il paraît inutilement compliqué de recycler le
Mox.
- le combustible Mix : une solution coûteuse et peu efficace vis-à-vis du plutonium
Lon a vu précédemment que laugmentation de la teneur en
plutonium du Mox est limitée par la physique neutronique. La deuxième solution consiste
à préparer des curs à 100 % dassemblages Mox. Mais ceci ne peut se faire
actuellement. Les combustibles existants ne peuvent convenir. Les systèmes de commande
des réacteurs les grappes de contrôle sont quant à eux insuffisants.
Une autre solution peut être en conséquence imaginée, celle du
combustible Mix. Lidée est de diluer du plutonium dans tous les assemblages
combustibles des réacteurs à eau pressurisée. Cette solution est possible à condition
que lon augmente la teneur en uranium 235. Les calculs montrent que des taux de
combustion de 55 000 MWj/t pourraient être atteints pour des teneurs de 2% en plutonium
et de 3,8 % en uranium 235.
Un premier inconvénient de cette solution est que lensemble des
réacteurs à eau pressurisée devraient être adaptés pour utiliser ce combustible. La
viabilité économique du combustible Mix reste ainsi à démontrer. Framatome évalue le
surcoût total de passage à ce combustible à 3 milliards de francs par an.
Par ailleurs, les stocks de plutonium seraient bien stabilisés avec le
Mix. Mais ceci narriverait quau bout de 50 ans, alors que dans
lintervalle une croissance du stock net de plutonium se produirait.
On peut signaler également un autre inconvénient. Selon toute
vraisemblance, la technique du Mix conduirait certes à stabiliser le plutonium mais
parallèlement à augmenter inévitablement la proportion dactinides mineurs dans le
combustible irradié.
1.5. EDF bloquée à 16 tranches
moxées mais candidate pour 12 autorisations supplémentaires
La France ne fait pas cavalier seul pour le recyclage du plutonium dans
le Mox. Bien au contraire, elle nest venue quen deuxième ligne sur cette
question, par rapport à lAllemagne. Pour autant, la détermination dEDF est
claire. Il sagit pour lexploitant dintroduire du Mox dans tous les
réacteurs du palier CP1-CP2 pour lesquels cela peut se faire sans modification majeure
des réacteurs. Au total, lobjectif est donc bien de moxer 28 tranches dans les
meilleurs délais. Pour les paliers P4-P4, la question nest pas à
lordre du jour. Quant au futur EPR, EDF lappelle de ses vux, sous
certaines conditions toutefois.
La politique dEDF dintroduction du Mox sinscrit dans
une démarche responsable vis-à-vis de lensemble du cycle du combustible. Il est
cependant clair que louverture du marché de lélectricité début 1999,
après transposition de la directive européenne, devrait renforcer limpératif de
compétitivité du prix du kWh, ce qui risque de lui faire évoluer à la marge sa
stratégie nucléaire.
- une stratégie globale de laval du cycle
Ainsi que M. Pierre Daurès, son directeur général la exposé
à vos Rapporteurs, la stratégie daval du cycle dEDF repose sur deux choix
fondamentaux.
Le premier choix est relatif au plutonium quEDF considère
actuellement comme une matière première énergétique. Lobjectif est donc de le
recycler dans les réacteurs REP 900 MWe. Pour ce faire, EDF recourt au retraitement
proposé par Cogema. Mais, en tout état de cause, cest la capacité
dabsorption recyclage du plutonium dans les réacteurs du palier CP1-CP2 qui
conditionne le volume des combustibles retraités. EDF entend ainsi respecter le " principe
dégalité des flux ", afin de ne pas accumuler du plutonium sur " étagères ",
ce qui paraît être de bonne gestion.
Le deuxième choix fondamental a trait à la composition des déchets
finaux. En premier lieu, lors du retraitement, une extraction maximale du plutonium est
recherchée afin de minimiser sa présence résiduelle dans les stockages finaux et de
tirer le meilleur des installations de séparation. En deuxième lieu, EDF se fixe comme
objectif de minimiser les volumes des déchets ultimes.
- EDF soucieuse dobtenir lautorisation de moxer 28 tranches
Le flux annuel de combustibles usés et déchargés des réacteurs EDF
est denviron 1 200 tonnes par an. Ce flux baisse légèrement dune
année sur lautre en raison de laugmentation régulière de la performance des
combustibles qui peuvent rester plus longtemps en réacteur. Mais lordre de grandeur
ne change pas.
Sur ces 1 200 tonnes par an, lutilisation optimale des capacités
de retraitement de La Hague a conduit EDF à retenir une part de combustibles retraités
" rapidement " denviron 850 tonnes par an. Ceci correspond, avec
la gestion hybride UO2/Mox, à la fabrication de 21 à 22 " recharges "
de combustibles Mox par an. Aucun stock tampon nexiste sur les sites. EDF souhaite
donc disposer dune certaine souplesse dans la gestion du parc et donc dun
nombre de tranches autorisées un peu plus élevé que le strict nombre de recharges.
Doù le souhait dEDF dêtre autorisé à moxer les 28 tranches des
paliers CP1-CP2. Le tableau suivant indique la situation administrative et opérationnelle
des 28 tranches de ce palier.
Tableau 21 : état davancement du moxage du palier EDF 900
MWe CP1-CP2
tranches |
autorisées |
chargées |
Tricastin 1 4 |
oui décret dautorisation de
création incluant le Mox |
Tri 2 et 3 en 1996
Tri 1 et 4 en 1997 |
Dampierre 1 4 |
oui décret dautorisation de
création incluant le Mox |
Dam 1 en 1990
Dam 2 en 1993
Dam 3 en 1998 |
Gravelines 1 4 |
oui décret dautorisation de
création incluant le Mox |
Gra B3 et B4 en 1989
Gra B1 en 1997
Gra B2 en 1998 |
Le Blayais 1 & 2 |
oui décret dautorisation de
création incluant le Mox |
Bla 2 en 1994
Bla 1 en 1997 |
Saint Laurent des Eaux B1 & B2 |
oui décret dautorisation de
création incluant le Mox |
StL B1 en 1987
StL B2 en 1988 |
total tranches
autorisées |
16 |
16 à lété
1998 |
Chinon 1 4 |
décret dautorisation nincluant pas le Mox
enquête publique réalisée en 1997
avis CIINB en 1998
décret en attente depuis début 1998
|
- |
Le Blayais 3 & 4 |
décret dautorisation de création nincluant pas le
Mox
autor. denquête publique en attente
|
- |
Cruas 1 4 |
décret dautorisation de création nincluant pas le
Mox
autor. denquête publique en attente
|
- |
Gravelines 5 & 6 |
décret dautorisation de création nincluant pas le
Mox
autor. denquête publique en attente
|
- |
total tranches en
attente |
12
|
|
TOTAL général tranches
Moxables |
28
|
16 |
Début janvier 1998, le décret dautorisation de chargement de
Mox dans les 4 tranches de Chinon 1-4 est déposé à la signature des ministres de
lindustrie et de lenvironnement, après que lenquête publique a été
réalisée en 1997 et que la CIINB a donné son avis favorable en décembre 1997.
Quant aux tranches de Gravelines 4 et 5, Le Blayais 3 et 4 et Cruas 1
à 4, les demandes dautorisation de lancement de lenquête publique ne sont
pas accordées pour linstant, bien que de lavis dEDF, aucun problème
technique ne se pose.
- en cas de limitation à 16 tranches, labandon du principe dégalité des
flux ou la diminution des quantités retraitées et donc des suppressions demploi
Selon EDF, le nombre maximal de recharges Mox que lon peut
charger chaque année avec 16 tranches est de 14. Pour fabriquer ces 14 recharges, il faut
retraiter 550 tonnes par an, sil sagit de combustible à faible taux de
combustion ou 650 tonnes par an sil sagit de combustible avec un fort taux de
combustion.
En conséquence, EDF se verrait contrainte dadopter lune
des solutions suivantes : labandon du principe dégalité des flux ou la
réduction du flux annuel de retraitement.
Labandon du principe dégalité des flux ne paraît pas
souhaitable à EDF. Laccumulation de plutonium inutilisé nest pas prévue
dans lorganisation actuelle de laval du cycle. La quantité du stock de
plutonium appartenant à EDF correspond à un stock outil, nécessaire dans la perspective
de la fabrication du Mox. Ce stock outil est limité à son minimum et se stabilise à une
vingtaine de tonnes.
En cas de non-autorisation de moxage de 28 tranches, pour des raisons
qui échappent à la sagacité des auteurs du rapport et de continuation du retraitement
au rythme actuel, comme limpose le contrat passé avec Cogema, le stock augmenterait
annuellement de 2,7 tonnes, ce qui serait à tous égards regrettable.
Lentreposage pour un éventuel réemploi ultérieur de cet
excédent de plutonium ne serait pas en tout état de cause une solution satisfaisante. En
effet, le plutonium subit une dégradation spontanée et progressive, avec la formation
daméricium 241 à partir de plutonium 241. Au-delà de 3 à 4 ans, il est
nécessaire de le traiter à nouveau pour extraire laméricium. Une opération de ce
type se fait à des coûts voisins de ceux du retraitement. Enfin, lentreposage
dune quantité accrue de plutonium poserait par ailleurs dévidents problèmes
de sécurité et de sûreté coûteux à résoudre.
La deuxième solution pour faire face à une limitation à 16 tranches
consiste à diminuer la quantité de combustible usé retraitée à La Hague. Le contrat
actuellement en vigueur entre EDF et Cogema vient à expiration en 2 000. Dès lors,
deux situations se profileraient à lavenir.
La première serait que les conditions financières du nouveau contrat
de retraitement soient inchangées, en dépit dune diminution de 200 tonnes environ
des quantités retraitées. Dans ce cas de figure, Cogema répartirait ses frais fixes sur
une quantité moindre, pour sassurer un revenu identique. Le coût du Mox pour EDF
risquerait de devenir alors prohibitif et dentraîner une perte de compétitivité,
compromettant ainsi son intérêt.
La deuxième éventualité serait que Cogema maintienne ses tarifs
unitaires aux niveaux actuels afin que son offre reste concurrentielle par rapport à son
concurrent britannique BNFL. Dans ce cas, Cogema serait obligée de réduire son outil
industriel de La Hague. Dans la mesure où une baisse des contrats de retraitement
étrangers est anticipée, il est probable quune seule des deux usines serait alors
nécessaire pour satisfaire tant la demande nationale que la demande extérieure. EDF
chiffre à 1 500 le nombre de suppressions demploi direct chez Cogema et à
1 500 emplois supplémentaires les suppressions chez les sous-traitants.
EDF nest favorable à aucune de ces solutions. Cest
pourquoi la montée à 28 tranches moxées autorisées lui paraît une décision
indispensable et urgente.
- une attitude prudente pour le reste du parc
Lintroduction du Mox nest pas, en revanche, à lordre
du jour pour les réacteurs des paliers CP0 (900 MWe de première génération),
P4-P4 (1 300 MWe) et N4 (1 450 MWe). EDF ne la souhaite pas pour le
moment. Pour accroître la rentabilité des réacteurs précités, Electricité de France
privilégie en effet lallongement des campagnes à 18 mois. Cest
lamélioration des performances des combustibles qui permet la présence accrue des
combustibles dans le cur, avec comme conséquence heureuse une meilleure
rentabilité du combustible et une diminution des frais de déchargement-rechargement.
Cette politique dallongement de la durée des cycles
dexploitation est déjà largement mise en uvre pour les tranches 1 300 MWe.
Elle doit faire lobjet dun accord de lautorité de sûreté à la mi-98
pour les tranches CP0. Une réflexion est en cours à ce sujet pour les 4 tranches N4.
EDF souligne les avantages dun parc " bicolore ",
dans lequel une partie du parc est " moxée " avec des
campagnes annuelles, et lautre partie est chargée uniquement en combustibles UO2,
avec des campagnes à 18 mois.
Pour EDF, cette configuration constitue, " dans les
conditions actuelles ", une sorte doptimum entre la nécessité de
garantir léquilibre du réseau par une répartition judicieuse des arrêts de
tranche sur lannée, le souci de baisser les coûts de maintenance, la performance
des combustibles et la stratégie de laval du cycle.
Pour avoir une vision à long terme de laval du cycle, il est
évidemment nécessaire dinclure dans les réflexions lEPR.
LEPR quEDF semble appeler de ses vux serait moxé à
15 %. Comme on la vu précédemment, Framatome estime quil est possible de
monter beaucoup plus haut en pourcentage dassemblages de Mox. Mais cette solution ne
semble pas retenir lattention dEDF qui insiste sur le fait que
lexploitation ne doit pas être sensiblement modifiée par lintroduction du
Mox.
Les projections effectuées par EDF sur le long terme indiquent
quun parc de deuxième génération entièrement constitué de réacteurs EPR moxés
à 15 % serait en mesure de ramener à zéro vers 2075 le stock de plutonium provenant du
combustible à loxyde duranium.
- lurgence de prendre une décision sur lEPR
EDF a manifesté un soutien constant au projet de réacteur européen
à eau pressurisée (EPR). A la mi-98, ce projet paraît tout aussi important pour
lavenir de la production nucléaire délectricité en France.
La position dEDF est la suivante : daccord sur le
principe pour commander une tête de série, mais à la condition quil y ait
effectivement une série ultérieure.
Depuis le début de son recours au nucléaire, EDF met en uvre
avec constance une politique de paliers. Les effets en sont bien connus : économies
déchelle, retour dexpérience maximal et, au final, rentabilité optimale. Il
ne saurait en être différemment pour lEPR.
Les premières tranches du palier CP0 arrivent en fin de vie. Avec une
durée de vie dune quarantaine dannées, cette échéance se profile vers
2015. Il est donc indispensable davoir accumulé une expérience significative sur
la tête de série.
En conséquence, la décision pour la commande du premier EPR en
tant que tête de série - ne saurait tarder. Pour avoir un calendrier optimal, il
sagit de passer commande de la cuve en 1999-2000, et de couler le premier béton en
2003. Plusieurs centrales existantes pourraient accueillir le nouveau réacteur dans le
cadre normal dune tranche de centrale supplémentaire. Les préférences actuelles
vont vers Penly et dans une moindre mesure vers Flamanville.
Bien évidemment, à la volonté clairement affichée dEDF, doit
correspondre un engagement tout aussi clair des industriels, en loccurrence
Framatome et Siemens.
- adaptations stratégiques et transposition de la directive européenne sur
louverture du marché de lélectricité
Alors que louverture du marché de lélectricité entrera
en vigueur dès le début 1999, il paraît dommageable à EDF de prendre du retard dans la
mise en uvre dune stratégie économiquement viable, celle du recours au Mox
comme moyen dépuisement des quantités de plutonium.
Le renchérissement de loption Mox par limitation du nombre de
tranches moxées nuirait à sa position concurrentielle. La remise en cause de
loutil industriel de La Hague parait totalement inopportune pour les mêmes motifs.
Il convient que lorganisation prévue de longue date se mette en place et produise
des résultats en régime stationnaire. Toute décision contraire conduirait à prendre
parti prématurément sur des questions qui doivent rester ouvertes jusquau terme de
2006 prévu par la loi du 30 décembre 1991.
1.6. Le plaidoyer de Cogema en faveur de léquilibre
économique du cycle du combustible
Cogema, acteur majeur du cycle du combustible nucléaire dans le monde,
plaide pour la généralisation du Mox, en faisant valoir que seul ce combustible permet
de stabiliser linventaire de plutonium. Cette considération sassortit du fait
que les performances du combustible Mox saméliorent constamment. Le respect de la
contrainte du plutonium ne pénalise donc pas lexploitation. Cogema souligne le fait
que le dimensionnement de toute la boucle du retraitement et de la fabrication du Mox
repose sur le passage à 28 du nombre de tranches autorisées à charger du Mox.
- la solution au problème du plutonium : le retraitement et le Mox à 100 %,
selon Cogema
Une recharge de Mox à 30 % avec une teneur de 5,3 % en plutonium
comprend environ 350 kg de plutonium. Après irradiation, on retrouve la même quantité
globale de plutonium. Le bilan est donc nul. Si lon considère le plutonium présent
dans le combustible usé, aucune quantité supplémentaire de plutonium nest donc
créée. Au contraire, dans le cas dun réacteur chargé en combustible standard à
loxyde duranium, linventaire en plutonium saccroît de 200 kg. Le
tableau suivant résume ces résultats incontestables.
Tableau 22 : la non-création de plutonium par un réacteur moxé
pour un réacteur |
réacteur fonctionnant à
loxyde duranium |
réacteur fonctionnant avec
30 % de Mox |
Plutonium dans le
combustible neuf |
0 kg |
350 kg |
Plutonium présent dans le
combustible irradié |
200 kg |
350 kg |
bilan final |
+ 200 kg |
0 kg |
Si lon étend ce raisonnement à un parc théorique de 50
réacteurs de 1000 MWe, lon constate également que seuls un parc de 100 % de
réacteurs moxés 30 % permet de ne pas augmenter linventaire de plutonium.
Tableau 23 : bilan plutonium pour un parc théorique de 50
réacteurs de 1000 MWe
part des réacteurs à oxyde
duranium |
part des réacteurs moxés
à 30 % |
quantités nettes de
plutonium produites |
100 % |
0 |
10 t/an |
60 % |
40 % |
6 t/an |
0 |
100 % |
0 |
Cogema ajoute que la généralisation du Mox peut être envisagée à
terme, en raison de laugmentation des performances de ce type de combustible (voir
tableau ci-après).
Tableau 24 : les performances du Mox bientôt équivalentes à
celles du combustible standard
type de combustible |
UO2
(1985) |
UO2
(1995) |
Mox
série |
Mox
prototype |
taux de combustion MWj/t |
35 000 |
47 000 |
37 000 |
46 500 |
suivi de charge |
oui |
oui |
oui |
oui |
tendance du taux de
combustion |
en hausse |
en hausse |
en hausse |
en hausse |
Ce raisonnement ne recouvre toutefois pas les souhaits dEDF, qui,
pour le moment, nenvisage en aucune façon un parc tout Mox.
- léquilibre global de laval du cycle selon Cogema
Le dimensionnement de la chaîne de retraitement et de recyclage du
combustible irradié repose, selon Cogema, sur un nombre de tranches
" moxées " égal à 28. EDF est tout à fait daccord, ainsi que
cela a été vu plus haut. Un examen attentif des délais qui saccumulent dans ce
cycle montre toutefois un effet " retard " très important entre le
déchargement du combustible et le recyclage en réacteur du plutonium formé.
Le dimensionnement de lusine UP2-800 correspond à une capacité
de retraitement de 850 à 1100 t/an. Le tonnage de plutonium récupéré est alors de
lordre de 8,5 à 11 tonnes par an. Ceci permet à lusine Melox de fabriquer
110 à 135 tonnes de combustible Mox par an. Ce qui correspond aux besoins de 28 tranches
autorisées à fonctionner avec du Mox. Le schéma suivant synthétise, selon Cogema,
larchitecture du cycle, telle quelle a été pensée et réalisée dans sa
cohérence initiale.
Figure 8 : schéma de synthèse sur laval du cycle vu par
Cogema

Lexamen des durées de chacune des étapes de ce cycle est utile
pour chiffrer leffet retard inhérent au cycle du combustible. Entre le moment où
le combustible est déchargé dune centrale et celui où le Mox résultant est
fabriqué, il sécoule en effet 15 ans. Ceci explique quil ait été
nécessaire danticiper les autorisations de chargement de Mox. Ceci implique
quil soit difficile car mettant en uvre des constantes de temps très
longues de modifier le système actuel, alors que la montée en régime
seffectue. Selon la Cogema, lindustrie française se trouve " au
milieu du gué ".
Une orientation a été prise. Sa cohérence et sa rentabilité
imposent que lon atteigne létat stationnaire. Toute modification dune
partie de laval du cycle ruinerait lensemble du système.
- Cogema en attente des autorisations de dimensionnement optimal des ses installations de
fabrication de Mox
Pour Cogema, le Mox est incontestablement un créneau davenir.
Ses clients ne sont pas seulement français. Bien au contraire, Cogema fournit des
producteurs délectricité allemands, belges, suisses et japonais. Les perspectives
commerciales du Mox sont brillantes. Le tableau suivant indique quelles sont les
anticipations de Cogema sur ce marché.
Tableau 25 : perspectives de production de Mox par le groupe Cogema
pays |
société |
localisation |
production de Mox en 1997 |
production de Mox prévue en
2000 |
consommation de plutonium en
2000 |
France |
Melox |
Marcoule |
102 t/an |
250 t/an |
10 à 12 t/an |
France |
Cogema |
Cadarache |
28 t/an |
40 t/an |
2 à 3 t/an |
Belgique |
Belgonucléaire |
Dessel |
37 t/an |
40 |
2 à 3 t/an |
Cogema, qui prévoit une augmentation de ses marchés en France et à
létranger pour le Mox, est en attente de deux décrets relatifs à lusine
Melox. Le premier décret concerne la possibilité dutiliser les lignes de
production actuelles pour la fabrication de combustibles Mox commandés par des clients
étrangers. Le deuxième décret porte sur lautorisation de capacité globale de
lusine.
1.7. la nécessité de prendre parti pour le Mox mais
aussi daugmenter les marges disponibles pour lentreposage du combustible
irradié non retraité
Lextension des autorisations de chargement en Mox à 28
réacteurs semble indispensable à vos Rapporteurs. Les avantages en sont dune part
le freinage des quantités de plutonium séparé sur étagères et dautre part le
recyclage à un coût compétitif dune matière énergétique précieuse. Mais, à
linverse, la question de lentreposage des combustibles irradiés non
retraités, que votre Rapporteur avait en mars 1996 mise en pleine lumière.
- la France dans la ligne internationale pour le recours au Mox
Cest au début des années 1970 que les premiers programmes de
recyclage de Mox dans des réacteurs nucléaires à objet commercial ont débuté. Siemens
a en effet introduit des assemblages combustibles comprenant du plutonium dans le
réacteur KWO de la centrale dObrigheim et dans la centrale suisse de Beznau-2 sur
la période 1972-1993. La France, quant à elle, a commencé en 1987, avec un premier
chargement de 16 assemblages Mox dans la tranche B1 de Saint Laurent des Eaux.
Aujourdhui, le Mox est mis en uvre non seulement par la
France et lAllemagne mais aussi par la Belgique et la Suisse. Le tableau suivant
présente la situation dans chacun des pays.
Tableau 26 : les réacteurs nucléaires utilisant le Mox dans le
monde à fin 1997
pays |
nombre de réacteurs
nucléaires |
capacité installée (MWe) |
nombre de tranches
autorisées à charger du Mox |
nombre de tranches chargées
en Mox |
France |
56 |
58 500 |
16 |
16 (été 1998) |
Belgique |
7 |
5712 |
2 |
2 |
Suisse |
5 |
3 079 |
4 |
3 |
Japon |
54 |
43 850 |
1 |
1 (en 2 000) |
Allemagne |
20 |
22 282 |
11 |
8 |
Sagissant des Etats-Unis, il faut noter une
évolution sensible des responsables et du Congrès et en particulier de Pete Domenici,
sénateur du Nouveau Mexique, Président de la Commission du Budget, Président de la
Sous-Commission des appropriations pour l'énergie et l'eau ; Président de la Commission
de la politique énergétique et de la R&D. Les Etats-Unis ont renoncé au
retraitement et à la fabrication de Mox : c'est une erreur selon Pete Domenici. Pour
celui-ci, le cycle ouvert comporte au moins deux inconvénients : c'est un gaspillage
du contenu énergétique de luranium et du plutonium. Cette option entraîne en
outre l'obligation de stocker le combustible irradié en site profond alors que le site de
Yucca Mountain nest pas prêt à entrer en service. En outre linterdiction du
Mox prive dune solution qui pourrait être précieuse pour épuiser les stocks de
plutonium militaire.
le Mox promu aux Etats-Unis par les négociations stratégiques avec la
Russie
Le démantèlement dogives nucléaires américaines et russes
résulte du traité de limitation des armes stratégiques. Les deux parties cherchent un
strict parallélisme dans la démilitarisation du plutonium de récupération.
La position de la Russie est que le plutonium constitue une matière
première énergétique de grande valeur. Son recyclage sous forme de Mox simpose
donc. Pour autant, la construction dusines de Mox et la modification des réacteurs
existants nécessitent des investissements financiers importants.
En réalité, la Russie est en situation dimposer, par souci de
symétrie, la Moxification comme méthode de démilitarisation du plutonium. Elle pourrait
imposer aux Etats-Unis dutiliser le Mox. Elle pourrait aussi obliger les Etats-Unis
à financer ses propres dépenses relatives à lutilisation du Mox.
Ironie de lhistoire, les Etats-Unis ont renoncé depuis la
présidence Carter au retraitement et, subséquemment, à lusage civil du plutonium
sous forme de Mox. Est-ce à dire que le Mox pourrait être désormais imposé par les
obligations prioritaires du désarmement ?
Le DOE, quant à lui, tente de populariser la démilitarisation du
plutonium par immobilisation définitive dans des matrices indestructibles du type
céramiques. Le Mox lui paraît difficile à imposer aux compagnies délectricité.
La symétrie Etats-Unis Russie lui semble nécessaire dans le résultat la
démilitarisation définitive plutôt que dans ses modalités.
En vérité, lutilisation du Mox aux Etats-Unis dépendra de la
volonté de la Russie dimposer ce combustible pour dénaturer le plutonium
militaire.
- le Mox irradié : une bonne matrice dimmobilisation du plutonium
Or le combustible Mox, non seulement permet de recycler le plutonium,
mais au final délivre après irradiation un plutonium disséminé dans la matrice du
combustible et moins propre à lutilisation militaire, en raison de la présence
dune part importante disotopes pairs, ainsi que le montre le graphique
suivant.
Figure 9 : teneurs comparées en plutonium fissile du combustible
standard et du Mox irradiés, selon Cogema

Toutes ces raisons militent donc en faveur dune montée en
régime du combustible Mox dans les 28 tranches prévues à cet effet. Selon vos
Rapporteurs, il importe de porter à son équilibre économique le système initialement
prévu. Ses avantages sont supérieurs en termes écologiques à toute solution
prématurée darrêt. Sa viabilité économique est par ailleurs démontrée. Il
paraîtrait dangereux de bouleverser la gestion actuelle alors que des solutions
opérationnelles de remplacement ne seront prêtes quà léchéance de 2006.
- la nécessité daugmenter les marges dentreposage du combustible irradié
Un éventuel blocage des autorisations de chargement du Mox à 16
tranches naurait pas pour seule conséquence une remise en cause de
léquilibre économique de laval du cycle. Il entraînerait aussi, selon EDF,
une saturation rapide des capacités dentreposage des combustibles irradiés. Ceci
illustre le fait que le système actuel dentreposage du combustible irradié, en
attente de retraitement ou non, atteint ses limites.
Il est clair que le blocage actuel des autorisations aurait des
conséquences graves sur toute la filière avec la saturation des piscines et un
accroissement inévitable des stocks de plutonium. Cest peut-être une autre
stratégie de blocage de la filière nucléaire dont on voit se dessiner les contours.
Les capacités totales dentreposage du combustible irradié en
piscine sélèvent à 4 000 tonnes sur les sites des centrales nucléaires
dEDF. Les capacités actuellement libres sont de 1 100 tonnes. En cas darrêt
immédiat des évacuations de combustibles irradiés vers La Hague, par exemple à la
suite dun blocage des transports, ces capacités dentreposage sur site
seraient saturées en un an.
Les piscines de La Hague présentent quant à elles une capacité de
18 000 tonnes. Ces piscines ne peuvent accueillir que des combustibles en
attente de retraitement, quils proviennent dEDF ou de clients étrangers. Les
piscines de La Hague ne sont agréées quà ce titre. Il ne sagit pas in fine
dun centre dentreposage. La capacité réservée à EDF est de
14 000 tonnes.
Le chargement en Mox de 28 tranches correspond au retraitement effectif
de 850 tonnes par an. EDF indique que les 350 tonnes non retraitées sont en réalité
considérées comme en attente dun retraitement différé. Elles sont donc
entreposées à La Hague. Avec les flux correspondant aux 28 tranches, la saturation des
emplacements réservés à EDF ninterviendrait quen 2018. Des solutions de
stockage à sec seront alors vraisemblablement disponibles. Le système actuel est donc
bien calibré.
Au contraire, avec le passage à un retraitement de 550 tonnes par an,
correspondant à 16 tranches ""moxées ", la saturation des espaces
piscine réservés à La Hague pour EDF interviendrait en 2008. Dans le cas extrême
dun arrêt du retraitement à lexpiration du contrat actuel dEDF avec
Cogema, cest en 2004 que les piscines seraient " bouchées ".
Alors que les études de lentreposage à moyen terme des
combustibles commencent seulement, vos Rapporteurs estiment quil nest pas
opportun de modifier léquilibre dun cycle qui semble, au demeurant, fondé
sur le plan économique.
2. Les limites probables de la séparation et de la transmutation et le dilemme
transmutation-stockage
La transmutation se présente comme la solution idéale en matière de
gestion des déchets. Il sagit, par des réactions nucléaires appropriées
déclenchées par des bombardements de neutrons, de transformer des éléments fortement
radioactifs en des éléments peu radioactifs et si possible stables ou au moins à courte
période, donc à faible durée de vie.
La loi du 30 décembre 1991 a introduit cet axe de recherche en un
temps où la solution qui semblait la plus adéquate à lensemble des acteurs de la
filière était celle du stockage définitif en couches géologiques. Un peu plus de 7
années plus tard, il semble bien que la transmutation soit devenue à son tour une sorte
de solution magique pour régler la question des déchets nucléaires.
Pour certains experts, il est en effet très probable que la science
trouve une solution à cette question. La base de cette conviction est la rapidité de
développement des sciences et techniques nucléaires. En un demi-siècle, lon est
en effet passé de la connaissance de la matière, avec en particulier la découverte de
la structure du noyau atomique, à une application industrielle -
lélectricité dorigine nucléaire - qui peut
fournir jusquà 400 TWh par an dans le cas de la France. Il serait en conséquence
pessimiste de penser que lon ne puisse pas, au cours du prochain demi-siècle,
trouver la méthode idoine et économique pour casser les noyaux lourds des actinides
mineurs en autant de noyaux de plus petite taille, radioactifs à courte période pour
donner in fine des produits cette fois stables et inoffensifs et pour transformer les
noyaux légers des produits de fission. Le corollaire de cette position est que dans
lintervalle qui nous sépare de cet idéal, toute décision doit être réversible
ou ne pas être.
En réalité, la loi du 30 décembre 1991 a fixé un rendez-vous
2006 pour faire le point sur les résultats de recherches, qui dans
lintervalle, doivent concerner aussi bien la séparation et la transmutation que le
stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes et que
les procédés de conditionnement et dentreposage de longue durée en surface.
A bien considérer lavancement de la recherche sur ces questions,
force est de constater quen létat actuel des choses, les deux voies de la
séparation-transmutation et du stockage paraissent plus complémentaires
quopposées. Les résultats acquis à ce jour indiquent que la transmutation est
probable pour certains éléments et semble difficile pour dautres. Sans doute
sagit-il dun état transitoire dans une démarche scientifique et
technologique où les progrès ne sont pas souvent linéaires. Mais il apparaît probable
quil faudra le moment venu sortir du dilemme transmutation-stockage en utilisant des
critères sur la définition desquels la réflexion devrait commencer. Parmi ces
critères, figurent bien évidemment les coûts absolus et relatifs des différentes
méthodes disponibles.
Dans le présent chapitre, vos Rapporteurs traitent du dilemme
transmutation-stockage tel quon peut en deviner les contours aujourdhui. Dans
un premier temps, leurs réflexions portent sur létape préalable - et indispensable - à la transmutation
quest la séparation des différents radioéléments présents dans les combustibles
irradiés. Cette séparation pose des problèmes techniques difficiles et devra
probablement seffectuer dans des installations complexes dont le coût ne sera pas
négligeable.
Quant à la transmutation, si elle apparaît théoriquement fondée, il
reste à en explorer la faisabilité spécifique sans doute pour chaque élément en
utilisant Phénix, la seule installation existante après la fermeture de Superphénix,
mais aussi en imaginant des installations plus durables et plus appropriées aux études.
Parallèlement, il faut initier la réflexion sur des incinérateurs dédiés à la
transmutation des déchets.
Quant au stockage en couche géologique profonde, il pourrait
représenter une solution de rattrapage en cas déchec de la recherche et en cas
durgence.
Jusquoù aller dans la transmutation ? A quelles conditions
faudrait-il admettre le recours à la solution de rattrapage quest le
stockage ? La réflexion proposée ci-après a pour but déclairer cette
problématique, en commençant à proposer des critères qui pourraient servir à mettre
le curseur sur lune ou lautre des extrémités de léchelle - ou à mi-distance - .
2.1. les difficultés de la séparation
Les recherches sur la séparation sont conduites principalement par le
CEA à Marcoule où elles mobilisent environ 230 chercheurs, et concernent la faisabilité
scientifique et technique de la séparation.
Dune manière générale, les recherches sur la séparation ont
été, au départ, focalisées sur les actinides mineurs. Elles portent désormais aussi
sur la séparation des produits de fission à vie longue en raison de leur mobilité
potentielle dans le sol. Lapprofondissement des recherches se poursuit par la prise
en compte de produits de fission et dactivation présents à des concentrations de
moins en moins élevées.
Cest la spécificité de la recherche sur les actinides mineurs
et les produits de fission que de devoir fragmenter toujours avant les morceaux dun
puzzle que lon croyait plus grossier au départ.
Pourquoi ce grossissement progressif du microscope et pourquoi cette
volonté daller toujours plus loin dans la séparation des éléments ? Pour
une raison essentielle : pour étudier, à létape ultérieure, la
transmutation, il faut pouvoir disposer déléments individualisés, sous peine de
ne pouvoir distinguer les différences de comportement.
- la séparation du neptunium et du technétium, un problème réglé
Le procédé PUREX permet la séparation à 99,8 % de luranium et
du plutonium. Lutilisation du tributylphosphate lors du même procédé permet aussi
de séparer le neptunium sans modification importante des installations techniques
actuelles.
Ce résultat est très appréciable. Le neptunium 237 est en effet
présent à hauteur de 430 g par tonne de combustible UO2 irradié et sous
cette seule forme isotopique. Par ailleurs, sa période est de 2 100 000 années. Il
sagit dun émetteur a .
Le neptunium est présent sous le seul isotope 237, quel que soit le
taux dirradiation du combustible et ceci aussi bien pour le combustible à
loxyde duranium que pour le Mox . La figure ci-après indique lorigine
et lévolution du neptunium présent dans le combustible irradié.
Figure 10 : formation et décroissance radioactive du neptunium
ß a
Pu 241 Am 241 Np 237
13 ans 458 ans
a 2,1.106
ans
a ß
Th 229 U 233 Pa 233
1,6.106 ans 27 jours
Le technétium 99 est également extrait par le même procédé.
Toutefois, le résultat nest que partiel. Cet élément est en effet présent, non
seulement en solution, mais aussi sous forme de résidus solides représentant quelques
dizaines de pour cents, que lon ne sait pas traiter pour linstant.
Mais la séparation du neptunium 237 ne suffit pas. En effet, il est
lui-même formé par la décroissance a de laméricium
241, ce dernier résultant aussi de la décroissance b du
plutonium 241. Il importe donc dextraire aussi ces éléments, faute de quoi celle
du neptunium serait inutile.
- laméricium et le curium : deux actinides mineurs particulièrement
encombrants
Les figures suivantes indiquent le processus de formation des
différents isotopes de laméricium.
Figure 11 : formation et décroissance radioactive de
laméricium 242 présent dans le combustible irradié
? ß-
Am 242m Am 242 Cm 242
152 ans 458 ans
a 163 jours
a
U 234 Pu 238
86 ans
Figure 12 : formation et décroissance de laméricium 243
présent dans le combustible irradié
ß- a
Pu 243 Am 243 Np 239
7 370 ans
ß- ,35 jours
a
U 235 Pu 239
24 400 ans
Les deux isotopes 241 et 243 de laméricium voient leur
proportion inchangée, quel que soit le taux dirradiation. Laméricium 242
nest présent, et encore à létat de trace, que dans le combustible irradié.
Tableau 27 : composition isotopique de laméricium présent dans
le combustible irradié
Les figures suivantes présentent les chaînes de décroissance des différents
isotopes du curium.
Figure 13 : formation et décroissance radioactive du curium 242
? ß-
Am 242m Am 242 Cm 242
152 ans 458 ans
a 163 jours
a
U 234 Pu 238
86 ans
Figure 14 : décroissance radioactive du curium 243
a
Cm 243 Pu 239
32 ans
Figure 15 : formation et décroissance radioactive du curium 244
ß- a
Am 244 Cm 244 Pu 240
17,6 ans
Le tableau suivant indique que le curium est lisotope
prépondérant dans le combustible irradié, seul le Mox irradié contenant des isotopes
243 et 244 dans des proportions dailleurs très réduites.
Tableau 28 : composition isotopique du curium présent dans le combustible irradié
- le bloc difficile à entamer de laméricium et du curium
Il est possible dextraire en bloc laméricium et le curium
avec les lanthanides et les produits de fission. Le procédé DIAMEX, dont la faisabilité
technique est aujourdhui démontrée, permet daller au-delà et de
récupérer, dun côté, les produits de fission et, de lautre, un mélange
daméricium, de curium et de lanthanides.
Au-delà, dans une étape ultérieure, le procédé SANEX permet, dans
une étape ultérieure, de séparer lensemble américium-curium des lanthanides.
Toutefois, les performances du procédé semblent jusquici inférieures aux
espérances. Dans létat actuel des choses, pour une unité dactinides
mineurs, lon extrait 50 fois plus de lanthanides.
En pratique, la séparation des actinides mineurs dune part, et
des lanthanides dautre part, revêt une grande importance et une grande difficulté.
Les propriétés physico-chimiques de lensemble de ces éléments sont en effet
voisines. Lingéniérie moléculaire permettra de préparer et de tester différents
types de molécules de séparation. Selon toute vraisemblance, une ou plusieurs molécules
seront disponibles en 2001, pour isoler laméricium et le curium des lanthanides.
Mais il faudrait aller plus loin. La séparation de laméricium
par rapport au curium, même si elle paraît difficile, semble également indispensable.
La présence de curium compliquerait la transmutation ultérieure de laméricium, en
dépit de sa concentration faible dans les solutions. Le curium est présent sous la forme
de trois isotopes, comme cela apparaît dans le tableau suivant.
Tableau 29 : caractéristiques des actinides mineurs présents dans
les combustibles UOx irradiés à 33 000 MWj/t, 3 ans après le déchargement
Isotope |
Période (années) |
Abondance (g/t) |
Teneur isotopique |
Radioactivité spontanée |
Neptunium 237 |
2,1.106 |
430 |
100 % |
a
|
Curium 242 |
|
0,003 |
|
|
Curium 243 |
28 |
0,3 |
1 % |
a
, neutrons |
Curium 244 |
18 |
21,4 |
94 % |
a
, neutrons |
Curium 245 |
8 500 |
1,2 |
5 % |
|
Curium 246 |
|
0,2 |
|
|
Américium 241 |
430 |
220 |
67 % |
a
, g mous |
Américium 242 |
|
0,7 |
|
|
Américium 243 |
7 400 |
100 |
31 % |
a
, g mous |
Soumis à des flux de neutrons, le curium 243 et le curium 244 se
caractérisent par des comportements neutroniques très différents de ceux des isotopes
de laméricium. La séparation de ces deux éléments paraît donc nécessaire.
Selon le CEA, une molécule pour la séparation du curium de
laméricium devrait être disponible en 2006. Il restera à évaluer les coûts de
sa mise en uvre.
- la séparation des produits de fission
La séparation des produits de fission revêt une importance nouvelle
dans les travaux relatifs à laxe 1 de la loi du 30 décembre 1991. Dune
manière générale, les produits de fission, émetteurs b et g sont globalement moins radiotoxiques que les actinides mineurs.
Mais leur mobilité par lixiviation par les eaux de ruissellement paraît potentiellement
plus critique que celle des actinides.
Les efforts les plus importants pour la séparation des produits de
fission doivent donc porter sur les éléments à vie longue dont les composés sont
solubles dans leau. A cet égard, liode et le césium constituent les cas les
plus préoccupants.
Toutefois, le paradoxe de la séparation est là encore que liode
et le césium ne sont pas les éléments les plus abondants dans le combustible irradié,
ainsi que le montre le tableau suivant.
Tableau 30 : concentrations des différents produits de fission
dans le combustible irradié de référence (UO2 enrichi à 3,5 % - 33 000 MWj/t
gaine zircalloy 3 ans après le déchargement)
élément
ensemble des isotopes |
concentration en
g pour 1 tonne de combustible irradié |
Zirconium (Zr) |
4392,5 |
Césium (Cs) |
2672,7 |
Palladium (Pd) |
1617 |
Samarium (Sm) |
871,7 |
Technétium (Tc) |
810 |
Iode (I) |
208,2 |
Sélénium (Se) |
54,5 |
Etain (Sn) |
42,3 |
Comme pour les actinides mineurs, lobjectif est disoler les
radioéléments à vie longue manifestant une radioactivité spontanée dangereuse. On
trouvera page suivante un tableau général présentant les caractéristiques de
radioactivité des différents produits de fission.
Tableau 31 : concentrations des différents isotopes
des produits de fission dans le combustible irradié
Élément |
Période (années) |
Abondance (g/t) |
Teneur isotopique |
Radioactivité spont. |
Césium 133 |
Stable |
1144 |
42,8 % |
- |
Césium 134 |
2,1 |
38,7 |
1,4 % |
g
durs |
Césium 135 |
2 300 000 |
360 |
13,5 % |
|
Césium 137 |
30 |
1130 |
42,3 % |
g
durs |
Césium total |
- |
2672,7 |
|
|
Iode 127 |
Stable |
38,2 |
18,3 % |
- |
Iode 129 |
16 000 000 |
170 |
81,7 % |
b
-, g mous |
Iode 131 |
8 jours |
- |
|
b
-, g durs |
Iode total |
|
208,2 |
|
|
Palladium 104 |
Stable |
198 |
12,2 % |
- |
Palladium 105 |
Stable |
382 |
23,6 % |
- |
Palladium 106 |
Stable |
288 |
17,8 % |
- |
Palladium 107 |
6 500 000 |
200 |
12,4 % |
b
- |
Palladium 108 |
Stable |
129 |
8,0 % |
- |
Palladium 109 |
0,0001 |
|
0 |
- |
Palladium 110 |
Stable |
420 |
26,0 % |
- |
Palladium total |
|
1617 |
|
- |
Sélénium 77 |
stable |
0,7 |
1,3 % |
- |
Sélénium 78 |
stable |
2,5 |
4,6 % |
- |
Sélénium 79 |
65 000 |
4,7 |
8,6 % |
b
- |
Sélénium 80 |
stable |
13,8 |
25,3 % |
- |
Sélénium 82 |
stable |
32,8 |
60,2 % |
|
Sélénium total |
|
54,5 |
|
|
Samarium 147 |
1,1. 1011 |
186 |
21,3 % |
|
Samarium 148 |
8. 1015 |
118 |
13,5 % |
|
Samarium 149 |
4. 1014 |
3,7 |
0,4 % |
|
Samarium 150 |
stable |
275 |
31,5 % |
- |
Samarium 151 |
90 |
16 |
1,8 % |
b
- |
Samarium 152 |
stable |
143 |
16,4 % |
- |
Samarium 153 |
0,005 |
100 |
11,5 % |
|
Samarium 154 |
stable |
30 |
3,4 % |
- |
Samarium total |
|
871,7 |
|
- |
Etain 115 |
stable |
0,1 |
0,2 % |
- |
Etain 116 |
stable |
2 |
4,7 % |
- |
Etain 117 |
stable |
4,2 |
9,9 % |
- |
Etain 118 |
stable |
3,6 |
8,5 % |
- |
Etain 119 |
stable |
3,7 |
8,7 % |
- |
Etain 120 |
stable |
3,6 |
8,5 % |
- |
Etain 121 |
55 |
0,3 |
0,7 % |
- |
Etain 122 |
stable |
4,8 |
11,3 % |
- |
Etain 124 |
stable |
|
|
|
Etain 126 |
100 000 |
20 |
47,3 % |
b
, g |
Etain total |
|
42,3 |
|
|
Technétium 99 |
210 000 |
810 |
100 % |
b
|
Zirconium 90 |
stable |
58,5 |
1,6 % |
- |
Zirconium 91 |
stable |
602 |
16,8 % |
- |
Zirconium 92 |
stable |
644 |
18,0 % |
- |
Zirconium 93 |
1 500 000 |
713 |
19,9 % |
b
- |
Zirconium 94 |
stable |
765 |
21,4 % |
- |
Zirconium 95 |
0,02 |
|
0 |
g
durs |
Zirconium 96 |
stable |
800 |
22,3 % |
- |
Zirconium total |
|
4392,5 |
|
- |
Le problème de la séparation du technétium et de liode semble
convenablement résolu par le procédé Purex. Au contraire, le cas du césium est
particulièrement difficile.
Lextraction de lensemble des isotopes du césium devrait
être possible avec des molécules telles que les calixarènes. Mais le césium est
présent dans les solutions sous quatre formes isotopiques qui présentent des
propriétés de radioactivité très différentes.
Les isotopes 134 et 137 du césium pourraient justifier dun
stockage en surface, parce que leur période est courte. Lisotope 135 est quant à
lui à vie longue et devrait être entreposé en profondeur. Une complication du problème
apparaît avec lisotope 133 du césium qui, lui, est stable. En effet, par
irradiation neutronique, il donne naissance au césium 135. Par conséquent, si lon
ne parvenait pas à extraire le césium 133, lirradiation neutronique conduirait à
renforcer la teneur en césium 135, compromettant le rendement global de
lopération.
La séparation des différents isotopes du césium constitue donc un
objectif théorique essentiel. Mais elle sera très difficile. Les molécules utilisées
pour lextraction différencient les composés en fonction de leur cortège
électronique qui sont identiques pour les isotopes dun même élément.
Cest pourquoi on étudie également limmobilisation du
césium dans des réseaux cristallins. Les verres pourraient convenir. Les matrices du
type de celles présentées dans le précédent chapitre pour limmobilisation du
plutonium : phosphates de calcium apatites , titanates ou zircons
pourraient également servir. Leur durabilité se compte sur plusieurs millions
dannées comme la montré lanalyse des roches présentes dans le
réacteur naturel formé dans les roches à Oklo au Gabon.
- une connaissance de plus en plus fine des combustibles irradiés
Lavancement des études sur la séparation des produits de
fission saccompagne dune prise en compte de plus en plus fine de la réalité.
Ce sont à la fois les techniques danalyse et les modèles chimiques qui progressent
et permettent de traiter le cas de produits de fission ou dactivation à vie longue
présents en solution à des concentrations de plus en plus faibles.
Le tableau suivant présente cette définition de plus en plus fine de
la connaissance que lon a du combustible irradié.
Ainsi des radioéléments comme le carbone 14 ou le chlore 36 provenant
de la fission sont désormais étudiés. De même, les produits dactivation des
gaines et des embouts comme le manganèse 53, le nickel 59 ou 63 sont eux aussi compris
dans les études.
Tableau 32 : inventaire en Produits de Fission et Produits
dActivation à Vie Longue combustible UOx irradié à 45 000 MWj/t
radionucléide |
provenance |
période |
radioactivité
spontanée |
inventaire |
|
combustible |
structures |
(années) |
|
(g/tMLi) |
Carbone 14 |
98 % |
2 % |
5 730 |
|
0,16 |
Calcium 41 |
100 % |
0 |
80 000 |
|
0,36 |
Chlore 36 |
91 % |
9 % |
300 000 |
g mous |
2,4 |
Césium 135 |
100 % |
0 |
2 300 000 |
|
480 |
Iode 129 |
100 % |
0 |
15 000 000 |
|
230 |
Manganèse 53 |
10 % |
90 % |
1 000 000 |
|
4. 10-7 |
Molybdène 93 |
59 % |
41 % |
3 500 |
|
0,1 |
Niobium 94 |
5 % |
95 % |
20 000 |
|
1,9 |
Nickel 59 |
4 % |
96 % |
75 000 |
|
50 |
Nickel 63 |
5 % |
95 % |
100 |
|
9,5 |
Palladium 107 |
100 % |
0 |
6 500 000 |
|
320 |
Sélénium 79 |
100 % |
0 % |
65 000 |
|
6,2 |
Samarium 121 |
100 % |
0 |
90 |
|
18 |
Etain 121m |
95 % |
5 % |
60 |
g durs |
0,5 |
Etain 126 |
100 % |
0 |
100 000 |
|
30 |
Technétium 99 |
100 % |
0 |
210 000 |
|
1 100 |
Zirconium 93 |
94 % |
6 % |
1500000 |
g durs |
1 000 |
Les recherches correspondantes sont à la frontière de la recherche et
du développement de procédés. Il est normal que des paramètres de coût ne soient pas
introduits dans la décision de poursuivre dans cette voie. Mais, en cas de pénurie de
ressources budgétaires, des arbitrages pourraient être inévitables, vu lextrême
dilution de certains éléments.
- le coût probablement important de la séparation
Sur le plan industriel, la séparation du neptunium nécessitera des
modifications relativement simples des installations de La Hague. Celles-ci pourraient
être réalisées dans les dix ans. En revanche, la séparation des actinides mineurs ne
se pourra se faire que dans des chaînes datelier complexes nouvelles. Elle sera
sans doute onéreuse.
La raison essentielle en est que les actinides mineurs ont une
radioactivité a spontanée telle quil faut prendre des
précautions pour les manipuler.
Le neptunium 237 est un émetteur a qui en
tant que tel ne présente pas de danger à manipuler. Une faible épaisseur de matière
suffit à arrêter ce type de rayonnement. Mais dans sa chaîne de décroissance
radioactive, le neptunium 237 donne naissance à un isotope du protactinium qui, lui, est
un émetteur g . Doù la nécessite de prévoir une
protection plus forte contre ce rayonnement parasite.
Quant à laméricium 241 et à laméricium 243, ce sont des
émetteurs a et g . Le curium 243 et
le curium 244, pour leur part, sont des émetteurs a mais le
bombardement des atomes doxygène proches par ces noyaux dhélium génère des
neutrons, de sorte quil faut aussi prendre en compte le flux neutronique associé.
La question de la criticité de laméricium et du curium ne
préoccupe pas le CEA outre mesure. Si le neptunium peut être manipulé en boîte à
gant, laméricium et le curium doivent lêtre dans des installations plus
protégées. On sait résoudre les problèmes de criticité afférents. La forte
radioactivité de ces corps préviendra dailleurs tout risque.
Il nen reste pas moins quen raison des protections à
prendre contre les rayonnements, le coût de la séparation risque dêtre élevé,
aussi bien en investissements quen fonctionnement.
Le coût dinstallation dun atelier pilote comme ceux de
Marcoule sélève à 450 millions de F. Le coût unitaire dun atelier
industriel hautement protégé comme ceux de La Hague est de lordre du milliard de
francs. Plusieurs ateliers étant nécessaires selon toute probabilité, le coût de la
séparation des actinides mineurs et des produits de fission devrait atteindre 5 milliards
de F, en termes dinvestissement initial.
Ces coûts prévisibles sont à mettre en rapport avec les quantités
concernées. La figure suivante rappelle que pour une tonne de combustible irradié,
lon récupère 3 kg de radionucléides à vie longue, soit 0,3 %.
Figure 16 : les radioéléments à vie longue ou des coûts de
séparation très importants pour 0,3 % du combustible usé
Il pourrait y avoir à lévidence, dans létat actuel des
choses, une difficulté à expliquer la pertinence de tels investissements, par rapport à
lentreposage de combustibles irradiés ou par rapport à la situation actuelle où
les actinides mineurs et les produits de fission sont immobilisés de concert dans des
verres.
Lorsque les recherches auront abouti, il faudra sans aucun doute poser
la question du coût. Pour minimiser les déchets ultimes ceux qui ne pourraient
être transmutés- , faudra-t-il investir dans des
installations de séparation très coûteuses.
- La diminution des volumes des rejets et des déchets B
Le programme SPIN comprend deux volets. Le premier intitulé ACTINEX vu
plus haut concerne la séparation des radionucléides à vie longue en vue de leur
transmutation. Le second intitulé PURETEX est relatif à la réduction de
lactivité et du volume des déchets B ainsi quà celle de
lactivité rejetée sous la forme de rejets atmosphériques et deffluents
liquides.
Les progrès enregistrés dans ce domaine sont dores et déjà
considérables. Le programme PURETEX qui entrera en service en 2000 donnera un élan
supplémentaire.
En 1980, les volumes destinés à un stockage de sécurité en
profondeur sélevaient à 3 m3 par tonne de combustible irradié
retraité, comprenant les déchets bitumés, les déchets technologiques coulés dans des
blocs de béton, les ciments des coques et embouts et les verres comprenant les actinides
mineurs et les produits de fission.
En 1995, le total natteignait plus qu1 m3 par
tonne de combustible UOx. Il est prévu de descendre à 0,5 m3 en
fin de période 1996-2000. Par comparaison, le volume des déchets à stocker en
profondeur dans lhypothèse du non-retraitement sétablit à 2 m3.
Il reste, semble-t-il, à déterminer limpact du retraitement
poussé, sur les volumes des déchets technologiques. Ce point semble fondamental pour
lacceptation par le public de la séparation et la transmutation. Une diminution
significative de la période des déchets ultimes sera dautant plus convaincante
quelle ne saccompagnera pas dune augmentation importante des déchets
générés par les opérations de séparation.
2.2. les limites des études sur la transmutation avec
Phénix
La transmutation de noyaux lourds sopère avec des flux
neutroniques de grande intensité. En réalité, soumis à un flux de neutrons, ceux-ci
réagissent de deux façons. Certains dentre eux absorbent purement et simplement un
neutron et se transforment en un noyau plus lourd : cest le phénomène de la
capture. Dautres sont cassés en divers produits par hypothèse moins lourds :
cest le phénomène de la fission.
La transmutation sopère principalement par fission dans le cas
de noyaux lourds, comme les actinides mineurs. En revanche, la transmutation
seffectue par capture pour les produits de fission à vie longue.
Pour que la fission intervienne, il faut que les neutrons aient une
énergie suffisante. La physique neutronique démontre deux faits essentiels. Plus les
neutrons incidents sont énergétiques et plus lon fait de fission et moins
lon fait de capture. Plus les neutrons sont énergétiques et plus la réaction
globale de fission est rapide.
Implicitement, ces résultats posent la question de la source de
neutrons à utiliser pour les expériences de transmutation. En particulier, celle-ci doit
être assez puissante pour permettre des expériences pas trop longues à réaliser. Mais
il faut aussi que cette source de neutrons soit dune puissance modulable afin que
lon puisse traiter à la fois le cas des actinides mineurs et celui des produits de
fission.
Les produits de fission à vie longue sont des éléments dont les
noyaux sont de masse atomique moyenne. Etant eux-mêmes le fruit de réactions de fission
de noyaux lourds, ce sont déjà en quelque sorte des " cendres ".
Pour les transmuter, il sera nécessaire de disposer de neutrons
dénergie intermédiaire entre celle des neutrons rapides et celle des neutrons dits
thermiques ; en dautres termes, il faudra disposer de neutrons épithermiques.
Considérant ces résultats, certains auteurs ont proposé dans le
passé dutiliser pour la transmutation des systèmes hybrides produisant des
neutrons lents. Ceux-ci pourraient servir à la transmutation des produits de fission. La
durée dexposition aux flux de neutrons serait allongée pour que lon
parvienne aussi à transmuter les actinides mineurs.
En réalité, pour le CEA, cette solution est à proscrire. Un
consensus existe dans la communauté scientifique pour recommander lusage exclusif
des sources de neutrons rapides. Il sagit au premier chef de disposer des neutrons
rapides pour transmuter rapidement et efficacement les noyaux lourds des actinides
mineurs. Pour casser les produits de fission, il suffira de ralentir les neutrons rapides,
ce que lon sait faire sans difficulté.
Après la fermeture de Superphénix, Phénix est désormais le seul
réacteur à neutrons rapides disponible pour soumettre à des irradiations les actinides
mineurs et les produits de fission et examiner plus avant les caractéristiques des
réactions de transmutation. Doù limportance extrême de sa remontée en
puissance autorisée récemment et prévue pour la fin du 1er semestre 98 et le
caractère stratégique des programmes détude SPIN et CAPRA.
- la remontée en puissance de Phénix
Lautorisation de création de Phénix, réacteur à neutrons
rapides dune puissance de 250 MWe, provient du décret du 31 décembre 1969. La
première divergence du réacteur intervient en août 1973, le premier couplage au réseau
EDF en décembre de la même année et la mise en service industriel en juillet 1974.
Pendant la période 1974-1989, Phénix fonctionne 3 800 jours équivalents pleine
puissance. Linstallation démontre que le cycle du combustible peut être fermé par
recyclage du plutonium à trois reprises. La surgénération de plutonium est démontrée,
avec un facteur de 1,15. Certains assemblages combustibles ont pu atteindre 144 000 MWj/t,
à comparer avec les 43 000 MWj/t moyens des réacteurs à eau pressurisée. Sur 170 000
crayons de combustibles utilisés, seules 15 ruptures de gaines sont enregistrées. La
première phase dexploitation de Phénix est donc un remarquable succès. Une
deuxième phase plus difficile intervient à partir de 1990, phase qui devrait se clore
cette année après que dimportants travaux de modernisation, de jouvence et
damélioration de la sûreté ont été réalisés.
A compter de la mise en évidence en 1989 et en 1990 de baisses de
puissance inexpliquées, lexploitation de Phénix continue au ralenti. Dune
part linstallation est maintenue en température, en raison de lutilisation du
sodium comme fluide caloporteur, et dautre part la DSIN autorise pour des durées
limitées la divergence du réacteur, la dernière autorisation étant intervenue en
février1997.
Le CEA met à profit cette période pour se livrer à des travaux de
jouvence de linstallation, notamment en ce qui concerne les circuits de
refroidissement, les échangeurs et les collecteurs sodium des générateurs de vapeur.
Les systèmes darrêt du réacteur sont également complétés. La tenue au séisme
du bâtiment réacteur est renforcée pour être conforme aux normes antisismiques
révisées depuis la construction de linstallation. Le bâtiment annexe comprenant
les composants du système dultime secours est lui aussi renforcé. Le CEA met au
point une méthode dinspection in situ et à laveugle des soudures des
structures de supportage du cur.
Lensemble de ces programmes de modernisation représente une
dépense de 600 millions de F. Début 1998, 350 millions sont déjà investis.
Le 9 avril 1998, la DSIN autorise la remontée en puissance de Phénix
pour un 50ème cycle dexploitation qui devrait durer environ 6 mois. A
lissue de ce 50ème cycle, un arrêt dun an sera observé.
Lannée 1999 sera consacrée à la révision décennale programmée, aux travaux
dinspection des structures du cur et de renforcement sismique de la salle des
machines et du bâtiment des générateurs de vapeur.
Le début de lannée 2000 verra le début du 51ème
cycle dexploitation. Linstallation doit alors décrire 7 cycles
dexploitation qui se termineront fin 2004. La centrale Phénix devrait alors être
arrêtée définitivement.
- les conséquences de la fermeture de Superphénix sur les études relatives à la
transmutation
Le réacteur à neutrons rapides Phénix est un réacteur de recherche
dont lutilisation est particulièrement souple. Il ne faut que 72 heures pour
changer un assemblage combustible contre 7 jours pour un réacteur à eau pressurisée du
parc EDF. Dans la conception initiale des programmes de recherche sur la transmutation, la
commission Castaing avait donné une place prépondérante à Superphénix, Phénix ne
venant que comme un outil détudes préliminaires. La séquence imaginée par le CEA
était de faire le tri des expériences à conduire avec Phénix et de passer à une
démonstration industrielle avec Superphénix.
La décision de fermeture de Superphénix a conduit le CEA à opérer
dès juin 1997 le rapatriement de lensemble des expériences qui devaient être
conduites à Creys-Malville.
Les conséquences de la fermeture de Superphénix sur le programme de
recherches relatives à laxe 1 sont les suivantes. Le CEA estime que la totalité
des expériences du programme SPIN relatives à la transmutation pourront être conduites
valablement avec Phénix. En revanche, le programme CAPRA (Consommation Accrue de
Plutonium) ne pourra être réalisé dans sa totalité, sauf à changer tout le cur
de Phénix ce qui nest aucunement envisagé -.
- les conditions techniques des expériences de transmutation
La première expérience de transmutation dactinide mineur
en loccurrence le neptunium 237 réalisée par le CEA date de 1986. Il
sagissait de lexpérience Superfact qui a montré la faisabilité de la
transmutation non seulement du neptunium mais aussi de laméricium. Une première
expérience de transmutation de neptunium avait été prévue pour Superphénix. Elle
devait être réalisée lorsque la décision darrêt est intervenue. Les
références expérimentales sont donc au total peu nombreuses. Mais la faisabilité ne
fait pas de doute.
Phénix est en effet une installation parfaitement adaptée à la
recherche. Ses cycles courts permettent un renouvellement fréquent des expériences. Il
dispose dun système très efficace de détection et de localisation des ruptures de
gaine. La manutention est rapide. Les dispositifs dirradiation les capsules
sont très pratiques. Par ailleurs, linstallation dispose dune cellule
chaude attenante qui permet deffectuer sur place de nombreux examens après
irradiation.
Lintérêt dun réacteur à neutrons rapides comme Phénix
est que son bilan neutronique est favorable. Il y a plus de neutrons mobilisables pour la
transmutation que dans un réacteur à neutrons thermiques. Ainsi, le flux neutronique est
dix fois plus élevé dans Phénix que dans les REP. Ceci se traduit par des temps de
destruction proportionnellement plus réduits. Par ailleurs, lénergie des neutrons
produit dans Phénix peut être ajustée ou optimisée localement pour obtenir, isotope
par isotope, la transmutation la plus efficace.
Pour conduire les expériences de transmutation, on utilise
dautre part deux techniques alternatives, selon les cas. La première est le
recyclage " homogène " : le radioélément cible est
dispersé au sein des pastilles combustibles. La deuxième technique est le recyclage " hétérogène " :
le radioélément est incorporé à une matrice non fissile.
- les expériences CAPRA utiles pour létude du recyclage du plutonium
Le programme CAPRA a pour objectif létude de la consommation
massive de plutonium dans les réacteurs à neutrons rapides.
Le recyclage du plutonium dans les REP avec le Mox, entraîne une
dégradation continue de la qualité isotopique du plutonium qui limite le nombre
envisageable de recyclages successifs. Les réacteurs à neutrons rapides ne provoquent
pas la même dégradation et peuvent toujours brûler du plutonium devenu impropre à la
consommation en REP. Pour obtenir une consommation massive de plutonium, il faut optimiser
le cur des RNR et les assemblages combustibles qui le constituent. Ceci est
lobjet du programme CAPRA.
Ce programme comprend deux volets principaux : lirradiation
de combustibles à forte teneur en plutonium (>30 %) et le test de combustibles très
innovants ne contenant plus duranium (oxyde de plutonium sur matrice inerte).
- les expériences SPIN pour la transmutation des actinides mineurs et des produits de
fission à vie longue
Pour le neptunium 237, cest un recyclage homogène qui sera
utilisé. Lirradiation CAPRIN doit vérifier la compatibilité dun tel
recyclage avec les pastilles à haute teneur en plutonium optimisées pour CAPRA.
Lirradiation METAPHIX vise à tester la transmutation du neptunium en mélange
homogène au sein dun combustible uranium-plutonium-zirconium. Dans ce programme
dirradiation, seront aussi présentes quelques cibles daméricium et de
petites quantités de curium.
La transmutation hétérogène sera utilisée pour laméricium
241 et 243. Il faut donc au préalable sélectionner la matrice la mieux adaptée aux
conditions dirradiation, identifier le composé daméricium le plus compatible
avec cette matrice, en optimiser la teneur et mettre au point les procédés
dincorporation. Ces tâches sont rendues complexes par la radioactivité de
laméricium. Il faudra aussi qualifier sous irradiation les matériaux modérateurs.
Le programme dexpérience prévu pour les produits de fission à
vie longue comprendra principalement lévaluation du technétium 99. Des
irradiations consacrées à liode 129 et au césium 135 sont à létude. Le
CEA semble estimer, en tout état de cause, que la transmutation des produits de fission
à vie longue nest pas prioritaire. Même si les solubilités des produits de
fission à vie longue sont supérieures à celles des actinides mineurs, les activités
atteintes par de tels produits à lexutoire sont très inférieures aux limites
admissibles.
Au total, les expériences de transmutation avec Phénix seront riches
denseignement, même si elles seront réalisées avec de quantités faibles. Mais il
reste que la fermeture de Superphénix ne permettra pas la validation industrielle des
résultats et compromet la réalisation à 100 % du programme CAPRA.
La figure suivante présente le planning des expériences liées à la
transmutation que le CEA compte réaliser pour préparer les décisions de 2006. On
remarquera que la plupart dentre elles aura lieu avec Phénix mais que quelques
autres sont programmées sur les réacteurs des partenaires étrangers du CEA.
Figure 17 : planning des expériences du CEA liées à la
transmutation

2.3. le réacteur Jules Horowitz et les études sur la
transmutation : un lien hypothétique
Les travaux de recherche et développement conduits par le CEA dans le
domaine de lélectronucléaire ont comme objectifs généraux lamélioration
de la compétitivité et de la sûreté des réacteurs en fonctionnement, ainsi que la
préparation de lavenir à long terme du nucléaire, en incluant dautres
filières que celle des REP.
Pour laccomplissement de tous ces travaux, le CEA a disposé de
deux réacteurs dirradiation, Siloe et Osiris. Depuis larrêt en décembre
1997 de Siloe, cest à Osiris de fournir les capacités dirradiation dont le
CEA a besoin pour létude des matériaux et des combustibles utilisés dans les
réacteurs nucléaires.
Or le réacteur Osiris aura 40 ans en 2005. Même si la durée de vie
de cette installation pourrait, compte tenu de son bon état de fonctionnement et de
sûreté, être prolongée, il convient de commencer les études dun nouveau
réacteur détude destiné à le remplacer. Ce futur réacteur dirradiation
porte le nom de " réacteur Jules Horowitz " (RJH). Sa construction
est dautant plus importante quà partir de 2010-2015, le réacteur Jules
Horowitz devrait être lun des seuls, sinon le seul réacteur dessai de
matériaux en Europe.
Avec lannonce de labandon de Superphénix, et la
perspective de larrêt fin 2004 de Phénix, un défi est lancé à léquipe de
projet chargée de la conception : comment réaliser un programme dirradiations
à la fois pour les réacteurs à eau pressurisée et pour les réacteurs à neutrons
rapides, de façon à pouvoir continuer les recherches pour ces deux filières ?
Deux projets sont donc étudiés par le CEA. Le premier est un
réacteur piscine à cur ouvert, similaire à celui du réacteur Osiris mais dont
les performances sont poussées au voisinage des limites théoriques. Le deuxième projet
consiste à disposer dans 2 piscines séparées, une configuration à cur ouvert
pour les études relatives aux REP et une configuration à cur pressurisé pour les
besoins des études relatives aux RNR.
Létude de faisabilité du réacteur RJH est en cours et devrait
déboucher à la fin de lannée 1998. A cette date, il sera possible dévaluer
le coût de linstallation. Lordre de grandeur, non validé par le CEA, serait
de 2 à 3 milliards de F. Le planning actuel prévoit lentrée en service en 2006 de
ce réacteur, qui sera installé à Cadarache.
2.4. Le réacteur hybride, médaille dor du
marketing scientifique
Le réacteur hybride est une idée ancienne. L'idée d'utiliser les
accélérateurs de particules comme le cyclotron pour faire des essais de matériaux ou
produire du plutonium a été proposée dans les années 50 par E. Lawrence au laboratoire
de Livermore. Ces idées ont ensuite été approfondies par les équipes de Chalk River au
Canada et dans les années 70-80 aux Etats-Unis au laboratoire national de Brookhaven.
Depuis 5 ans, ces techniques sont réévaluées à Los Alamos. Carlo Rubbia, ancien
directeur général du CERN, prix Nobel de physique, les a remises sur le devant de la
scène en proposant son amplificateur dénergie à neutrons rapides de haute
puissance fondé sur lutilisation dun accélérateur de protons et sur le
cycle thorium-uranium en réacteur.
Une convergence didées et de stratégies de recherche se produit
en France sur ce thème comme on la vu plus haut. Cette convergence est en train de
donner naissance à un projet comportant une multiplicité dobjectifs. Le
démonstrateur serait ainsi le dénominateur commun déquipes le CEA et le
CNRS - jusqualors peu accoutumées à travailler ensemble sur la conception des
réacteurs. Il est vrai que la réinscription de lénergie nucléaire dans un cadre
de recherche pluraliste vaut bien quelques investissements.
La démarche actuelle est certes prudente en prévoyant des études
préalables à la définition du démonstrateur. Le projet lui-même est poli avec soin de
manière à avoir une acceptabilité maximale auprès des organismes dispensateurs de
crédits. Mais en tout état de cause, il semble important de soulever quelques questions
clé, même si laspect lisse et consensuel que prend le thème des réacteurs
hybrides, les décourage a priori.
- de nombreux projets diversifiés et à objectifs multiples, proposés dans le monde
entier
Le principe du réacteur hybride a été exposé en première partie du
présent rapport. Rappelons que la partie nucléaire du réacteur est constituée
d'assemblages fertiles et fissiles. A ce titre, il ressemble à un réacteur nucléaire
dans la mesure où c'est la fission qui fournit de l'énergie. Mais ce réacteur est
sous-critique : il ne peut entretenir la réaction en chaîne sans les neutrons provenant
de la cible où se produit la spallation sous laction des protons accélérés.
En réalité, le réacteur hybride est une sorte de " meccano ",
dont les composants peuvent être divers et dont la finalité peut varier du tout au tout.
Les réacteurs hybrides peuvent être classés en fonction de leur
structure. Alors les critères utilisables peuvent être les suivants :
- les réacteurs à cyclotron (accélérateur circulaire) avec une intensité du
courant de protons limitée à 10-15 mA, ce qui limite la puissance possible du réacteur
à 200 MWe ou les réacteurs mettant en jeu un accélérateur linéaire, avec une
intensité du courant de protons et une puissance électrique pouvant atteindre
respectivement 100-200 mA et 1200 MW
- le type de cible utilisée pour la spallation
- le spectre d'énergie neutronique : neutrons rapides, neutrons thermiques, neutrons
de résonance
- la forme du combustible utilisé : solide, liquide, ou quasi-liquide (lits de
boulets)
- la nature du réfrigérant et de l'éventuel modérateur
- le type de cycle du combustible
Mais ils peuvent aussi être classés par rapport à leur finalité. On distingue
alors :
- les réacteurs électrogènes
- les réacteurs dédiés à la destruction du plutonium ou à lincinération des
actinides mineurs et des produits de fission.
Les deux tableaux suivants présentent les caractéristiques
essentielles des projets les plus avancés. Il sagit dans tous les cas de projets
" papier ", dont aucun pays na entamé la réalisation. La
raison en est que des études poussées et des expériences portant sur chaque pièce du
" meccano " sont encore indispensables.
Tableau 33 : principaux concepts de réacteurs
hybrides à neutrons thermiques
nom du projet |
objectifs du projet
|
caractéristiques techniques
|
ATW (Accelerator for Transmutation of
Waste)
Los Alamos, Etats-Unis |
· production dénergie
· destruction du plutonium militaire (variante ABC)
· fabrication de tritium (variante APT)
|
· intensité du courant de protons :
250 mA
· énergie du flux incident de protons : 1,6 GeV
· production dénergie nette : 1000 MWe
· cible : tungsten et plomb
· modérateur : deutérium
· thorium et sels fondus LiF-BeF2
|
AMSB (Accelerator Molten Salt Breeder)
- Jaeri (Japon) |
· réacteur électrogène de démonstration
|
· intensité du courant de protons :
300 mA
· énergie du flux incident de protons :
1 GeV
· modérateur : sels fondus
· utilisation de luranium 233 dans le cycle du
thorium ; sels fondus 7LiF-BeF2
|
ABB - Institut
radiotechnique de Moscou |
· réacteur électrogène de démonstration
|
· intensité du courant de protons :
300-350 mA
· énergie du flux incident de protons : 1-1,5 GeV
· modérateur : deutérium et béryllium
· cible : Pb-Bi liquide
|
ADFFT - Jülich,
Allemagne |
· réacteur de recherche
|
· intensité du courant de protons : 25
mA
· énergie du flux incident de protons : 1,6 GeV
· cible : plomb solide
· modérateur : graphite
· uranium et thorium en sels fondus
|
EA (Energy Amplifier)
- C. Rubbia |
· réacteur électrogène de démonstration
|
· utilisation dun cyclotron
· intensité du courant de protons : 6,25 mA
· énergie du flux incident de protons : 0,8 GeV
· cibles : alliage Pb-Bi ou Bi métal
· modérateur : graphite, eau, béryllium ou
deutérium
· cycle du thorium (fluorure de Li, Bi, Th)
· caloporteur : hélium, CO2 ou mélange
des deux
|
Le réacteur hybride est par nature composé dun grand nombre de
composants et peut viser différents objectifs. Il nest donc pas étonnant de
constater, de par le monde, un foisonnement de " design " et
dobjectifs.
Pour le compte de lOffice, M. Claude Birraux,
député de Haute-Savoie, sest penché, en particulier au cours de lannée
1996, sur le projet Rubbia. Une audition publique et contradictoire a été organisée le
21 novembre 1996, en présence du père du système. Ce projet se présentait alors dans
sa version initiale de réacteur électrogène " plus sûr que les plus
sûrs " des réacteurs actuels par suite de sa dimension sous-critique.
Il est de constater que ce projet a pu être conçu initialement dans
le but datteindre un niveau de sûreté très supérieur aux actuels réacteurs à
eau légère, puis devenir un réacteur électrogène de puissance et adopter enfin sa
configuration actuelle dincinérateur dactinides mineurs, devenant ainsi une
sorte de grand équipement adaptable à la configuration politique du terrain.
Tableau 34 : principaux projets de réacteurs
hybrides à neutrons rapides
PHOENIX -
Brookhaven, Etats-Unis |
· réacteur électrogène de démonstration
|
· intensité du courant de protons :
104 mA
· énergie du flux incident de protons : 1,6 GeV
· caloporteur : sodium
· cible : combustible
|
ATP - Jaeri,
Japon |
· réacteur de recherche tourné vers la
destruction des actinides mineurs
|
· 1ère version : cible de
sel fondu (NaCl) à laquelle sont mélangés les actinides mineurs et le plutonium ;
intensité du courant de protons : 25 mA : énergie du flux incident de
protons : 1,5 GeV
· 2ème version : cible solide de tungsten
et alliages de plutonium, dactinides mineurs et de zirconium ; intensité du
courant de protons : 39 mA ; énergie du flux incident de protons : 1,5 GeV
|
FSMH (Fast Molten Salt Hybrid)
- CEA, France |
· réacteur de démonstration pour la
production délectricité et la destruction dactinides mineurs
|
· intensité du courant de protons :
270 mA
· énergie du flux incident de protons : 1,5 GeV
· 5 compartiments de combustibles de degré
dirradiation différents
· cur : a) sel fondu avec 35,5 t de thorium et
1,1 t de plutonium b) PbCl3 avec 1,85 t de Tc 99 ou dactinides
|
FEA (Fast Neutron Operated High Power Energy
Amplifier)
- C. Rubbia, CERN |
· réacteur électrogène reconverti en
incinérateur de déchets
|
· intensité du courant de protons :
12,5 20 mA
· énergie du flux incident de protons : 1 GeV
· cible et fluide caloporteur : plomb fondu
· coeur : cycle du thorium
· version à neutrons rapides du FEA à neutrons thermiques
|
- le projet français de réacteur hybride
Selon un groupe dexperts, le Comité de suivi des recherches sur
laval du cycle (COSRAC), rassemblé régulièrement par la direction générale de
la recherche et de la technologie, les choses sont mûres en France pour réaliser un
démonstrateur de réacteur hybride. De fait, le CNRS et le CEA se préparent à rendre
public dans quelques semaines un document commun dune quarantaine de pages lançant
les opérations.
Ce document-programme présentera :
- la vision française actuelle dun réacteur hybride
spécialisé dans la transmutation des déchets radioactifs à haute activité
- le programme immédiat de recherche et développement indispensable
pour préciser les options définitives et en particulier pour satisfaire les critères de
sûreté
- lan 2000 comme date de décision pour la construction dun
démonstrateur
- une mise en service partielle avant 2006 pour obtenir à cette date
des résultats significatifs
- un fonctionnement régulier à partir de 2008.
- un démonstrateur de réacteur hybride original
Pourquoi parler de démonstrateur et non pas de prototype de réacteur
hybride ?
Parce que les technologies de ces réacteurs ne sont pas encore
éprouvées, il ne peut être question pour le moment de choix industriel. De même, il
est impossible, pour le moment, de concevoir une installation dexploitation
régulière satisfaisant des critères de sûreté exigeants, critères quau
demeurant on ne saurait pas définir en létat actuel des choses.
Le dessin général du démonstrateur de réacteur hybride est
dores et déjà assez précis.
Comme tout réacteur hybride, le projet actuel comprend :
- un accélérateur de protons
- une cible où se produit le phénomène de spallation,
cest-à-dire lémission de neutrons par des noyaux lourds percutés par les
protons à haute énergie
- un conducteur du faisceau de neutrons
- un réacteur sous-critique fonctionnant à un taux de 0,95 à 0,97.
La première orientation fondamentale du projet est la modularité.
Afin de sérier les problèmes, chaque maillon du réacteur devra être indépendant et
distinct du restant de la machine. Par exemple, le projet Rubbia assigne un double rôle
au plomb fondu : celui de cible et de fluide caloporteur. Cette option ne sera pas
retenue.
Sagissant de laccélérateur de protons, le projet Rubbia
retenait un cyclotron délivrant un courant inférieur à 10 mA. Cest un
accélérateur linéaire qui sera choisi, selon toute vraisemblance. Sa longueur sera de
100 m. Le courant maximum sera de 100 mA. Il apparaît en effet indispensable de
pouvoir disposer de faisceaux de neutrons très énergétiques. Au fur et à mesure de la
transmutation, le contenu en produits fissiles du réacteur variera fortement. Il sera en
conséquence nécessaire de réguler la réactivité avec le flux de neutrons.
La partie réacteur du démonstrateur sera, quant à elle, un réacteur
à luranium voire au thorium ou un mélange des deux. Sa puissance sera de 200 MWe,
voisine de celle de Phénix (250 MWe). Son objectif ne sera pas la production
délectricité, bien que le bilan énergétique de linstallation complète
soit largement positif : seuls 20 à 40 MWe seront consommés par le fonctionnement
de laccélérateur et du réacteur.
Pour le fluide caloporteur, deux solutions sont possibles. Le sodium
présente des caractéristiques très favorables. Lexpérience acquise avec Phénix
et Superphénix est considérable. Mais son utilisation risque de ne pas être comprise de
lopinion publique. Limage du réacteur hybride pourrait en être altérée,
alors quil sagit dune technologie nouvelle et dune problématique
nouvelle, centrée sur la destruction de déchets jugés éminemment dangereux par le
public. Le plomb fondu et leutectique plomb-bismuth pourraient donc être
préférés. La France na aucune expérience en la matière mais pourrait
lacquérir auprès de la Russie, ainsi que viennent de le faire les États-Unis.
Faudrait-il enfin utiliser le plomb comme cible ? La solution
Rubbia est dune grande élégance, en ce que le caloporteur est aussi la cible.
Cette cible possède un rendement très élevé. Avec le plomb, pour un proton incident,
on récupère 80 neutrons. Mais confondre les deux rôles compromet à la fois
létude dautres cibles et celle dautres fluides. De toute façon,
lutilisation du plomb fondu comme caloporteur nécessiterait que lon sache
traiter les problèmes posés par les produits de fission du plomb.
Telles sont quelques-unes des décisions que le programme de recherche
à lancer dans les prochaines semaines devra permettre de prendre avec la plus grande
rationalité possible.
- un investissement international
Un comité dexperts regroupant MM. dEscatha, Dautray,
Charpak et Détraz a été constitué par le ministère de la Recherche afin
dapprofondir des coopérations internationales dans le domaine de lénergie,
et en particulier avec lItalie ou lEspagne pour la transmutation.
En réalité, lItalie pourrait être un partenaire immédiatement
disponible pour la France, au contraire de lEspagne déjà engagée
Selon certaines informations, le gouvernement espagnol est en effet
partie prenante dans une collaboration exclusive en première analyse avec
M. Rubbia. Pour autant, pour M. Détraz, lEspagne na pas la maîtrise
scientifique et technologique suffisante pour construire une telle installation. Un
revirement de lEspagne par abandon du projet Rubbia serait possible si une
initiative de grande ampleur était prise conjointement par la France et lItalie.
- quels intervenants pour la France ?
Ainsi quil la indiqué aux membres de lOffice le 4
février 1998, M. Claude Allègre, ministre de léducation nationale, de la
recherche et de la technologie souhaite donner une mission au CEA, qui, selon lui,
nen a plus. Une de ses missions pourrait être la recherche et le développement sur
les énergies, à lexception de celles relatives aux combustibles fossiles.
La débureaucratisation de la recherche que M. Allègre appelle de ses
vux et laction concrète de la direction générale de la recherche et de la
technologie autour du COSRAC laissent penser quune coopération institutionnalisée
entre le CNRS et le CEA pourrait être mise sur pied pour le démonstrateur de réacteur
hybride.
lattitude prudente des Etats-Unis oui à la spallation, non à un
réacteur hybride
Les réacteurs hybrides ont des adeptes aux Etats-Unis comme en Europe.
Le laboratoire national de Los Alamos et la société General Atomics ont essayé un temps
de populariser le concept dun réacteur sous-critique à haute température
commandé par un accélérateur via une source de neutrons. Un projet assez détaillé
avait même été élaboré en coopération avec le ministère russe de lénergie
nucléaire (Minatom).
Le Vice-président Al Gore a récemment annoncé le financement
dune nouvelle source de neutrons faisant appel au phénomène de spallation. Une
somme de 157 millions de dollars a été inscrite au budget pour 1998-1999. Parmi les
cibles utilisées, figurerait le tungsten.
Cette source de neutrons aura pour vocation la physique fondamentale et
en aucun cas létude préliminaire dun réacteur hybride. Le CEA a récemment
proposé au DOE une collaboration pour réaliser un réacteur hybride. La réponse a été
négative.
- un projet dont la finalité et le coût doivent être précisés
La modularité de lavant-projet de démonstrateur nourri par le
CEA, le CNRS et EDF, au sein du groupement Gédéon, semble un choix adapté à la
nouveauté de linstallation. Ainsi pourront être identifiées les questions à
résoudre et peut-être même les coûts pourront-ils être estimés.
Mais la question de la taille du démonstrateur semble en elle-même
capitale. En tout état de cause, on ne peut donc tenir la dimension dune
installation comme celle du démonstrateur projeté comme allant de soi. Il sagit en
effet de construire, au final, léquivalent en puissance à peu de choses près du
réacteur à neutrons rapides Phénix auquel viendra sajouter un accélérateur
lourd.
Sur le plan financier, une coopération européenne voire
internationale est actuellement recherchée et sera peut-être trouvée, facilitant le
financement dun équipement ambitieux. Mais laccélérateur linéaire, à lui
seul, représente un investissement dont la rentabilité doit être établie. Certains
auteurs indiquent que le coût de laccélérateur avec les lignes de transfert, les
alimentations et les protections biologiques pourrait être trois fois plus élevé que
celui du système sous-critique. Rappelons, pour fixer les idées, quil sagit
au bas mot de fournir un courant de proton dintensité minimale de 10 à 15 mA. Lors
de laudition organisée par M. C. Birraux, dans le cadre de la préparation de son
rapport de mars 1997, M. Rubbia affirmait : " laccélérateur est
un des éléments les plus innovants de lamplificateur dénergie ".
On ne saurait le démentir : aucun accélérateur nest actuellement capable de
fournir un tel faisceau de protons. Le mieux que lon sait faire est datteindre
1mA pour 590 MeV (cyclotron de linstitut Paul Scherrer de Zurich) ou 1 mA pour 800
MeV (accélérateur linéaire de Los Alamos).
Sagissant par ailleurs des coûts globaux dinvestissement
et de fonctionnement des réacteurs hybrides, les évaluations publiées ou annoncées
varient à projets comparables - dans des proportions si considérables que
lon ne peut que douter de leur vraisemblance.
Lamplificateur dénergie proposé par C. Rubbia a fait
lobjet détudes chiffrées par son promoteur et par lIEPE de Grenoble.
Selon le CERN, le coût dinvestissement atteindrait 7417 F par kWh. Selon
lIEPE, ce coût serait de 8165 F par kWh, à comparer à lestimation
donnée par la même source pour un REP. Les coûts du kWh produit seraient du même ordre
que pour les REP, aux alentours de 16 cts/kWh, toute chose égale par ailleurs. Le CEA
écrit quant à lui : " on conçoit mal pourquoi on ferait leffort
(considérable) de développer ces systèmes très complexes, sans avoir clairement
identifié un créneau où ils ont des chances de se révéler significativement
supérieurs aux réacteurs critiques modernes, REP ou RNR. Aujourdhui, il ne
semble pas que ce créneau puisse être la production économique et sûre
délectricité ".
La version à neutrons rapides de lamplificateur dénergie
de C. Rubbia, de plus petite taille et qui pourrait voir le jour dans les cinq ans, aurait
un coût de 850 millions à 1,7 milliard de F.
En réalité, il sagit avant toute chose de déterminer quel est
lobjectif poursuivi. Sagit-il de concevoir un démonstrateur de réacteur
hybride électrogène auquel cas linvestissement risquerait dêtre
très élevé ? Au contraire envisage-t-on délaborer une machine
spécialisée dans la destruction des déchets alors le coût, sans être
négligeable, serait davantage compatible avec les budgets des organismes concernés
?
Loption retenue par la France semble être celle du
démonstrateur dincinération de déchets. Mais, même dans ce cas, la question de
sa puissance reste à régler. Si les spécialistes semblent saccorder sur une
puissance minimale dune centaine de mégawatts, il convient de déterminer une
puissance permettant de maîtriser les développements technologiques dont on sait
quils ne sont pas linéaires.
La réflexion sur la finalité et les dimensions du démonstrateur de
réacteur hybride est dautant plus capitale que de très nombreux problèmes, fort
importants, restent à examiner.
- des options techniques et une sûreté encore bien floues
Les études devraient permettre de choisir comme cycle du combustible
soit le cycle de luranium, soit celui du thorium, soit les deux. A cet égard, les
équipements existants et le retour dexpérience jouent en faveur du cycle de
luranium. Mais il faudra inclure dans les évaluations financières, les
investissements nécessaires pour mettre en uvre un autre cycle.
La question du fluide caloporteur est dautre part un point
particulièrement épineux. Pour des motifs dacceptabilité par lopinion, la
tentation est grande denvoyer le sodium au purgatoire des solutions techniques
jugées inadéquates pour des raisons qui nont rien à voir avec la rationalité
technique.
Or la France a accumulé un capital de connaissances et
dexpérience considérable au cours de lexploitation de Phénix et
Superphénix. Alors que la corrosion des aciers par le plomb fondu est connue comme étant
particulièrement violente, lachat à la Russie des technologies correspondantes -
plomb fondu ou eutectique plomb-bismuth - paraît davantage relever de la volonté de
subventionner la recherche de ce pays que dun choix raisonné.
Enfin, les questions de sûreté semblent être un point à ne pas
négliger. La première question est celle de la fenêtre, cest-à-dire le
dispositif séparant laccélérateur où règne le vide du milieu sous-critique à
haute température, fenêtre par laquelle passent les neutrons injectés dans le
réacteur.
Par ailleurs, une thèse récente indique que " la
sous-criticité en mode de fonctionnement normal du réacteur au cours du temps ainsi que
la sûreté du système à légard des hauts flux neutroniques mis en jeu méritent
dêtre revérifiées au niveau local dans le coeur. En effet les simulations
fournies par le code de calcul Géant indiquent que le système ne se trouve pas prémuni
contre les accidents de criticité ". Le même auteur ajoute plus loin :
" les moyens de couplage neutronique rapide entre laccélérateur et le
réacteur (rétroaction) demeurent imprécis. Quel sera le temps de réaction entre la
nécessité de rupture du faisceau et sa rupture effective ? Ainsi de nombreux
projets (de réacteurs hybrides) ne mentionnent pas les moyens de gestion neutronique du
coeur. Le risque daccident dû à un fonctionnement mal maîtrisé de
laccélérateur nest pas négligeable ".
- une application opérationnelle après la décision ?
Enfin, le calendrier de réalisation et dutilisation dun
éventuel démonstrateur reste nébuleux.
En fixant la date de 2006 pour une prise de décision sur la base de
résultats aussi larges et complets que possible, la loi du 30 décembre 1991 introduit
une incitation forte sur les milieux de la recherche. Mais celle-ci ne devrait pas se
transformer en pression pouvant conduire à des initiatives et surtout des décisions
hasardeuses.
A cet égard, comment ne pas relever le prudent réalisme du CEA :
" même en retenant des options relativement conservatrices, il ne faut pas
sous-estimer les délais de réalisation au plus tôt dun démonstrateur européen.
Il sagira dune installation nucléaire qui ne saffranchira pas des
procédures réglementaires de sûreté auxquelles doit se plier toute INB. Il est, en
particulier, évident quil ne faut attendre aucun résultat de transmutation pour
léchéance posée par la loi de 91. Au mieux, le démonstrateur pourrait être en
début de construction à cette date. Mais la loi de 91 demande douvrir toutes les
options et celle-ci est particulièrement prometteuse pour laxe 1
(transmutation) ".
Vos Rapporteurs estiment quen tout état de cause, il sagit
non pas de freiner la réflexion mais de définir des objectifs précis en matière de
réacteurs hybrides. Il ne peut sagir de concevoir un outil miracle et tous usages,
conçu sur le papier pour atteindre plusieurs objectifs, mais en réalité, tellement peu
spécialisé quil nen atteindrait aucun. La coopération internationale
actuellement recherchée pour des raisons defficacité dans la recherche et pour en
partager le financement, présente le risque de conduire à la confection dun
monstre technologique sans finalité claire, suite à des compromis entre écoles de
pensée différentes et au fond des choses rivales.
Il incombe aux responsables techniques dindiquer si oui ou non
une maquette de réacteur hybride dédié à la transmutation est envisageable et si oui
à quel coût. Il leur revient aussi de préciser le calendrier non seulement
détude mais aussi de réalisation. Au préalable, devra bien entendu être exposée
clairement lutilité dune telle installation, cest-à-dire son
rendement, dans le cadre dune politique globale de laval du cycle.
2.5. la question des quantités transmutables et le
problème du tout ou rien
Lintérêt dun éventuel recours à la transmutation
dépend essentiellement de trois paramètres physiques.
Le premier est la quantité dactinides mineurs et de produits de
fission à vie longue que lon peut introduire dans un réacteur, quel quil
soit. On peut à cet égard imaginer lintroduction des ces déchets dans un
réacteur électrogène, les quantités relatives étant alors limitées par les
contraintes de fonctionnement du réacteur. Au contraire, un réacteur dédié pourrait
épuiser des quantités plus importantes.
Le deuxième paramètre est constitué par la vitesse de la réaction
de transmutation. Une vitesse de transmutation lente devrait en effet être compensée par
un nombre important dinstallations, ce qui pourrait augmenter le coût de la
transmutation et rendre son acceptabilité difficile.
Le troisième paramètre est celui des quantités résiduelles
éventuelles, quantités quil serait impossible de parvenir à transmuter pour des
raisons physiques. Le rendement de la réaction de transmutation est donc aussi un
élément fondamental de loption transmutation. Ceci conduit inévitablement à la
question suivante : est-il utile de réduire de x % les quantités initiales si celles-ci
peuvent être stockées sans danger ?
Des résultats incontestables sont évidemment indispensables sur
toutes ces questions pour résoudre le dilemme transmutation- stockage. Il semble bien
quun long chemin reste encore à faire sur cette voie de recherche.
Mais en réalité, pour ce faire, on distinguera deux cas. Le premier
est celui des résultats expérimentaux, prolongés par des calculs, obtenus avec les
réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix. Le deuxième est celui des
prédictions tirées de la connaissance encore très floue des réacteurs hybrides.
- les ordres de grandeur des quantités transmutables
Les ordres de grandeur des quantités des divers radioéléments à vie
longue ont été donnés plus haut. Rappelons-en les grandes lignes, synthétisées dans
le tableau suivant. Le plutonium formé dans les REP exploité dans les conditions
actuelles représente environ 1 % du tonnage de combustible irradié. Les actinides
mineurs représentent un peu moins de 0,07 % et les produits de fission à vie longue
représentent 0,23 % En première approximation, on peut donc dire que les déchets
radioactifs de haute activité et à vie longue représentent 0,3 % du combustible
irradié.
Tableau 35 : Estimation des quantités de
radioéléments présents dans le combustible irradié ,
quantités en kg |
Uranium |
Plutonium |
Np+Am+Cm |
Prod. fission
(PF) total |
dont PF à vie
longue |
pour 21,5t de combustible |
20 400,0 |
209,0 |
16,0 |
745,0 |
50,0 |
pour 1t de combustible |
948,8 |
9,7 |
0,7 |
34,7 |
2,3 |
Ceci étant, quelle est la production dactinides avec le parc EDF
actuel ? Le tableau suivant donne des indications détaillées sur les quantités
produites.
Tableau 36 : production
annuelle de plutonium non séparé et dactinides mineurs par le parc EDF
radioélément |
quantité annuelle produite |
remarques |
plutonium résiduel dans
les déchets |
30 kg/an |
il sagit du plutonium non séparé lors
des opérations de retraitement |
neptunium |
800 kg/an |
une partie du neptunium provient du plutonium
241, de laméricium 241 et du curium 245 |
américium : |
|
|
américium 241
|
250 kg/an |
il apparaît par décroissance b - du plutonium 241 |
américium 242m
|
0,7 kg/an |
|
américium 243
|
150 kg/an |
la source principale provient du plutonium 239
dans les déchets à partir dun temps compris entre 10 000 et 100 000 ans |
curium : |
|
|
curium 242
|
|
il donne du plutonium 239 |
curium 243
|
|
il donne du plutonium 239 en quantité
négligeable par rapport à laméricium |
curium 244
|
|
il donne du plutonium 239 en quantité 5 fois
supérieure aux pertes de retraitement |
curium 245
|
|
il donne à terme du neptunium mais en
quantités faibles |
Le neptunium est donc le plus abondant des actinides mineurs avec
800 kg/an, dont une part non négligeable provient de la décroissance du plutonium
241, de laméricium 242 et du curium 245. Laméricium total représente en
première approximation 400 kg/an, en tenant compte des phénomènes de décroissance.
Quant au curium, on peut le considérer comme disparaissant dans la durée au profit des
deux autres actinides mineurs. Au total cest donc plus dune tonne
dactinides mineurs qui est formée dans le combustible.
En première approximation, on peut considérer que la quantité de
produits de fission et dactivation à vie longue est de 2 tonnes.
Par ailleurs, lon peut se poser la question légitime de savoir
si le recours au Mox augmente ou non la quantité dactinides mineurs. La réponse
est positive, ainsi que lindique le tableau ci-après.
Tableau 37 : production dactinides mineurs (kg/Twhé) pour un
réacteur chargé avec un combustible soit standard soit Mox
kg/Twhé |
après la
sortie du réacteur |
après 3 ans |
après 10 ans |
UOx |
Mox |
UOx |
Mox |
UOx |
Mox |
neptunium |
2 |
0,5 |
2 |
0,5 |
2 |
0,5 |
américium |
0,5 |
6,6 |
1,1 |
10 |
2,4 |
17 |
curium |
0,13 |
3,0 |
0,08 |
2,0 |
0,03 |
1,5 |
total |
2,6 |
10 |
3,2 |
13 |
4,4 |
19 |
Mais lévaluation des quantités produites ne saurait suffire
pour avoir une appréciation complète de la réalité. En effet, la radioactivité
contenue dans les actinides mineurs et les produits de fission et dactivation à vie
longue est phénoménale : ces éléments sont au total responsables de plus de 95 %
de la radioactivité totale, quelle soit a , b et g . Le tableau suivant présente la
décomposition de la radioactivité totale des déchets issus du retraitement des
combustibles, dans le cas de lusine UP3-800 de La Hague.
Tableau 38 : la radioactivité des différents types de déchets et
en particuliers des verres contenant les produits de fission et les actinides mineurs
contenu des déchets |
Produits de
Fission et Actinides mineurs |
Coques et embouts |
Déchets technologiques B |
Boues de précipitation |
Déchets
technologiques
A |
Forme physique |
verres |
ciments |
blocs de béton |
|
blocs de
béton |
Catégorie |
C |
B |
B |
B |
A |
volumes prévus à la conception (en litre par tonne duranium après conditionnement mais sans
surconteneur) |
30 |
600 |
1700 |
30 |
3800 |
volumes en 1995
(même unité que ligne précédente) |
130 |
600 |
150 |
0 |
? |
volumes prévus en 2000 (même
unité que ligne précédente) |
130 |
150 |
150 |
0 |
? |
pertes en uranium dans tous les déchets |
0,12
% |
pertes en plutonium dans tous les déchets |
0,12
% |
% activité a |
99,5 |
0,4 |
0,1 |
% activité b , g |
97,6 |
2,3 |
0,1 |
Sagissant de la toxicité, les données sont claires. Comme on
la vu dans le chapitre précédent, la contribution du plutonium est prépondérante
sur toute léchelle de temps. Quant à celle des produits de fission à vie longue
elle est très modeste, encore que leur solubilité et leur vitesse de migration soient
considérablement plus élevées que celles des actinides.
Le tableau suivant indique la radiotoxicité dun combustible REP
stocké dans létat, cest-à-dire dans lhypothèse du stockage direct.
Les radiotoxicités des différentes composantes sont indiquées en Sv. Il comprend
également les déchets générés dans le cycle du combustible : résidus miniers,
uranium appauvri issu des opérations denrichissement, uranium issu des opérations
de retraitement. Les chiffres sont données par Twhé, cest-à-dire quils sont
ramenés à la quantité délectricité produite. Pour avoir une évaluation
globale, il suffit de se souvenir que la production annuelle délectricité est
denviron 400 TWh.
Rappelons à titre indicatif et pour fixer les ordres de grandeur que
les limites de dose annuelle sont actuellement de 50 mSv/an pour les travailleurs du
nucléaire et de 5mSv/ an pour le public. La CIPR dans sa recommandation 60 souhaite
quà partir de mai 2000, ces limites passent à 20 mSv/an en moyenne sur 5 ans pour
les travailleurs du nucléaire et à 1 mSv/an pour le public.
Ce tableau, au demeurant fondamental, pose toute la question des
priorités dans la gestion des déchets radioactifs.
Tableau 39 : composantes de la source de
radiotoxicité potentielle et évolution avec le temps (pour un combustible REP UOx et un
taux de combustion de 33 000 MWj/t) daprès
Sv/Twhé |
1 000 ans |
10 000 ans |
100 000 ans |
1 000 000 ans |
résidus miniers |
720 000 |
660 000 |
260 000 |
65 |
uranium appauvri |
24 000 |
35 000 |
140 000 |
570 000 |
uranium de retraitement |
21 000 |
48 000 |
220 000 |
140 000 |
plutonium, neptunium, américium, curium et
produits de fission ensemble |
310 000 000 |
77 000 000 |
4 000 000 |
380 000 |
contribution en % de chacun des éléments à
la toxicité de la ligne précédente : |
|
|
|
|
· plutonium
|
90 % |
97 % |
93,6 % |
69,4 % |
· neptunium
|
- |
- |
1,4 % |
18,1 % |
· américium
|
9,2 % |
2,5 % |
2,9 % |
9,4 % |
· curium
|
0,3 % |
0,4 % |
- |
- |
· produits de fission à vie longue
|
0,0006 % |
0,0024 % |
0,034 % |
0,13 % |
Plusieurs remarques importantes doivent être faites sur la base de ce
tableau.
La première qui porte sur le plutonium, a déjà été faite dans ce
rapport mais mérite dêtre rappelée. Le plutonium contribuant pour plus de 90 % à
la radiotoxicité totale du combustible irradié, pendant une période de 100 000 ans, il
est absurde de se préoccuper de la transmutation des actinides mineurs si le plutonium
lui-même nest pas éliminé dans du Mox ou dans des RNR.
La deuxième remarque est que les produits de fission contribuent
potentiellement très peu à la radiotoxicité, à condition dêtre emprisonnés
suffisamment efficacement pour ne pas être emporté par les eaux souterraines.
La troisième remarque est quau-delà dun million
dannées, la radiotoxicité de luranium appauvri issu de lenrichissement
possède un impact supérieur à celui des actinides et des produits de fission à vie
longue. Si lon veut, par une ambition extrême, se préoccuper de cette échéance
du million dannées, alors le cercle des recherches doit sétendre à
dautres domaines non encore couverts.
La quatrième remarque est que lordre de grandeur de la toxicité
des produits de fission à vie longue est proche de celui des résidus miniers. Il y a
donc lieu de sinterroger sur lascension de ces derniers dans le palmarès des
priorités de recherche.
- deux questions difficiles : la vitesse et le rendement de la transmutation
7 ans après que la loi du 30 décembre 1991 a clairement indiqué
limportance des études sur la transmutation des déchets radioactifs de haute
activité et à vie longue, force est de constater la rareté des données chiffrées sur
les deux paramètres clés de lintérêt de cette solution que sont la vitesse et le
rendement probables de la transmutation. Or il sagit bien évidemment de données
fondamentales, puisquelles conditionnent en particulier le nombre
dinstallations à prévoir pour effectuer cette opération. Linterrogation de
base est la suivante : combien dincinérateurs faudra-t-il installer pour traiter
les déchets de lensemble du parc ?
- une dizaine dannées pour transmuter ?
Le tableau suivant donne les résultats de calculs neutroniques
effectués à la fin des années 70 pour éclairer la faisabilité de la transmutation en
recourant aux réacteurs à eau pressurisés et aux réacteurs à neutrons rapides. Les
résultats de ces calculs sont rien moins que décevants.
Tableau 40 : durée en années de transmutation
dactinides mineurs en réacteurs REP ou RNR, ,
filière/années |
Np 237 |
Am 241 |
Am 243 |
Cm 243 |
Cm 244 |
REP : |
|
|
|
|
|
90 % détruits |
6,4 |
1,7 |
4,2 |
2,6 |
14,2 |
90 % détruits par fissions
cumulées |
15 |
15 |
30 |
9 |
27 |
RNR : |
|
|
|
|
|
90 % détruits |
11 |
9 |
11 |
6 |
19 |
90 % détruits par fissions
cumulées |
24 |
30 |
30 |
15 |
27 |
On atteint en effet dans les réacteurs REP et RNR des rendements de
quelques pour cents à quelques dizaines de pour cents. La durée de séjour doit
atteindre une dizaine dannées pour atteindre un rendement de 90 % sur les actinides
initiaux et les corps lourds formés à partir deux.
- de 7 à 12 RNR pour réduire les flux dactinides mineurs
A la demande de vos Rapporteurs, le CEA a procédé à des évaluations
des réductions possibles des flux dactinides mineurs suivant la composition du parc
nucléaire. La référence des calculs correspond à une situation proche de
lactuelle, cest-à-dire un parc dune puissance de 60 MWe, produisant
annuellement 400 TWh mais fonctionnant entièrement avec le combustible standard à
loxyde duranium.
Par rapport à ce parc, le CEA construit dans ce raisonnement des parcs
fictifs comprenant une part de RNR allant de 14 % à 20 % du nombre total de réacteurs.
Tableau 41 : ordres de grandeur des réductions des flux
dactinides mineurs dans des parcs mixtes REP UOx REP Mox RNR
puissance
installée : 60 GW
production annuelle : 400 TWh |
Parc 1 |
Parc 2 |
type de réacteur |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
composition du parc |
100 % |
0 |
0 |
70 % |
16 % |
14 % |
taux de combustion en GWj/t |
55 |
55 |
140 |
mode de gestion |
cycle ouvert
(stockage direct) |
multirecyclage
du Pu : 2 passages en REP, multirecyclage en RNR |
|
Pu |
AM |
total |
Pu |
AM |
total |
flux annuel de déchets
(tonnes) |
11,6 |
1,5 |
13,1 |
0,03 |
3,2 |
3,23 |
facteur de réduction de
masse des déchets |
réf. |
4 |
Tableau 42 : ordres de grandeur des réductions des flux
dactinides mineurs dans des parcs mixtes REP UOx REP Mox RNR (suite et
fin)
puissance
installée : 60 GW
production annuelle : 400 TWh |
Parc 3-a |
Parc 3-b |
type de réacteur |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
composition du parc |
70 % |
10 % |
20 % |
70 % |
10 % |
20 % |
taux de combustion en GWj/t |
55 |
140 |
55 |
140 |
mode de gestion global du
combustible |
multirecyclage
du plutonium et incinération des actinides mineurs |
multirecyclage
du plutonium et incinération des actinides mineurs |
mode de traitement des
actinides |
recyclage
homogène du Np mélangé au Pu ; multirecyclage des cibles dAm et de Cm |
recyclage
homogène du Np mélangé au Pu ; monorecyclage des cibles dAm et de Cm
(retrait des cibles dès que taux de fission égal à 90 %) |
|
Pu |
AM |
total |
Pu |
AM |
total |
flux annuel de déchets
(tonnes) |
0,03 |
0,08 |
0,11 |
0,03 |
0,22 |
0,25 |
facteur de réduction de
masse des déchets |
120 |
50 |
On constate quil est possible de réduire dun facteur 4 le
flux annuel de plutonium et dactinides mineurs, avec 14 % de RNR et 16 % de REP
moxés (parc 2). En langage " décodé ", cela veut dire que lon
a une proportion dun RNR pour 5 REP, soit 7 à 8 RNR au total, en prenant comme
hypothèse que les réacteurs à neutrons thermiques ou à neutrons rapides sont
dune puissance de 1 000 MWe.
Avec un parc encore plus important de RNR, soit avec un RNR pour 3 à 4
REP, et avec un mode de traitement particulier des actinides, il est possible
datteindre un facteur de réduction des flux de plutonium et dactinides
mineurs allant de 50 à 120.
Deux remarques sont à faire sur ces premiers résultats, qui, comme
les précédents, sont décevants pour lavenir de la transmutation.
Dune part, même dans lhypothèse maximaliste (parc 3-a du
tableau précédent, cest-à-dire 12 RNR sur 60 réacteurs), il reste une quantité
incompressible dactinides mineurs, soit 80 kg/an : le rendement de la réaction
nest pas égal à 100 %.
Dautre part, même pour atteindre une réduction dun
facteur 4, il est nécessaire de mettre en place un parc dune configuration très
sensiblement différent de celui qua la France, surtout après la fermeture de
Superphénix. En effet, pour obtenir cette réduction dun facteur 4, on doit
recourir à 7 à 8 RNR pour récupérer au final deux fois plus dactinides que par
rapport à la situation de référence. Situation paradoxale, qui permet de douter de
lintérêt de la démarche.
Ces premières approches nécessitent bien entendu dêtre
confirmées. Si elles létaient, sans doute entendrait-on sonner le glas pour la
transmutation par les RNR. Le CEA entend continuer sa réflexion, en essayant notamment
dévaluer lapport des réacteurs hybrides.
- le miracle attendu des réacteurs " papier "
Les projets de réacteurs hybrides sont nombreux à prévoir pour la
plupart lincinération dactinides. Le tableau suivant présente les
consommations dactinides mineurs affichées par les concepteurs.
Tableau 43 : estimation des quantités
dactinides mineurs transmutables en réacteur hybride
nom du
projet |
type de
réacteur hybride |
quantités
de déchets transmutés par an |
ATW (Accelerator for Transmutation of
Waste)
Los Alamos, Etats-Unis |
système hybride thermique |
· actinides : 675 kg/an
· produits de fission : 75 kg/an
|
ADFFT - Jülich,
Allemagne |
système hybride thermique |
· actinides : 550 kg/an
|
ATP - Jaeri,
Japon |
système hybride rapide |
· actinides mineurs : 250 kg/an
|
FSMH (Fast Molten Salt Hybrid)
- CEA, France |
système hybride rapide |
· actinides mineurs et technétium :
|
FEA (Fast Neutron Operated High Power Energy
Amplifier)
- C. Rubbia, CERN |
système hybride rapide |
· plutonium
|
Les chiffres annoncés paraissent avoir une vocation autant
promotionnelle que scientifique. En tout cas, aucune expérimentation na pour le
moment démontré leur vraisemblance. Mais au-delà de ces considérations, certains
experts estiment que les rendements ne pourront dépasser une certaine limite. Dans
certains cas, linventaire dactinides en réacteur, cest-à-dire le stock
de ces produits ou de plutonium, pourrait augmenter en cours dexploitation.
Une autre opinion a été récemment donnée par M. Claude Détraz,
directeur de lIN2P3, à la commission denquête de lAssemblée nationale
sur Superphénix et la filière des neutrons rapide. Pour lui, un parc important de
réacteurs hybrides serait nécessaire pour transmuter les actinides mineurs et les
produits de fission issus des réacteurs à eau pressurisée. Lordre de grandeur de
la quantité dactinides mineurs transmutables serait dune tonne par an avec un
réacteur hybride dédié à lincinération. Par conséquent, lordre de
grandeur du parc de réacteurs hybrides quil serait nécessaire de construire,
serait de 10 à 15 réacteurs hybrides, soit un réacteur hybride pour 4 réacteurs à eau
pressurisée REP.
Pour autant, dautres voies sont aussi explorées, afin de
parvenir à des rendements acceptables. Pour Jean-Paul Schapira, il est clair que " la
présence duranium dans les combustibles conduit non pas à une destruction poussée
des actinides mais à leur stabilisation. La destruction poussée des actinides et
lamélioration des taux de transmutation requièrent la suppression de
luranium et laugmentation du produit de la section efficace par le flux ainsi
que laugmentation du rapport fission/capture ".
Deux types dinstallations seraient donc envisageables pour
détruire dune manière poussée les actinides : dune part des réacteurs
où le combustible serait constitué uniquement des actinides à détruire et donc sans
uranium et dautre part des réacteurs à haut flux.
Les incinérateurs dactinides présentent pour le moment des
performances médiocres : 18 % dactinides détruits par an environ. Les
réacteurs à haut flux quant à eux utilisent des combustibles à uranium hautement
enrichi mais produisent malgré tout du plutonium et des actinides mineurs, même si
cest en quantité réduite par rapport aux réacteurs classiques.
- la question du tout ou rien
Sil se confirmait que la transmutation ne peut être réalisée
à 100 %, la question se poserait de lopportunité de mettre en uvre des
processus coûteux, longs et eux-mêmes producteurs de déchets additionnels, le tout pour
atteindre une réduction de volumes, dont on sait par ailleurs quils sont en
réduction constante grâce aux progrès faits en matière de concentration des matières
radioactives et de compactage des conditionnements.
Un critère de décision, le moment venu, sera, sans conteste, le gain
attendu de la séparation-transmutation, par rapport à la situation de départ.
On a vu précédemment que la réduction de volume des déchets
concerne principalement les déchets B avec le compactage des coques et embouts et
lutilisation du béton pour les déchets technologiques. Seule une stabilisation des
volumes est probable à technologie constante avec les verres contenant les déchets C
(actinides mineurs et produits de fission). Toutefois, il nest pas exclu quà
lavenir dautres techniques dimmobilisation fassent leur apparition. De
toute façon, les volumes en cause sont faibles pour les déchets de haute activité à
vie longue : 5 000 m3 en 2020.
Lintérêt de la transmutation est de diminuer la quantité de
déchets de ce type. Mais il faudra, à supposer que les techniques de séparation et de
transmutation soient opérationnelles, rapporter leur coût au gain obtenu en termes de
réduction de volume et du nombre de gigabéquerels. Il nest pas sûr alors que la
solution du stockage définitif ne lemporte.
3. Le choix de lentreposage ou du stockage et la
problématique de la réversibilité
Alors que lopinion dominante des acteurs de la filière
nucléaire était à la fin des années 80 de considérer le stockage définitif en
profondeur comme la seule solution rationnelle pour gérer les déchets radioactifs à
haute activité et à vie longue, la loi du 30 décembre 1991 a diversifié les approches
en introduisant non seulement lidée de la séparation-transmutation étudiée
précédemment mais aussi celle de la réversibilité du stockage en profondeur et enfin
celle du conditionnement et de lentreposage de longue durée en surface.
Lattention tant du Gouvernement que des cercles suivant de près
la gestion des déchets nucléaires se porte depuis peu mais avec un intérêt croissant
sur le stockage ou lentreposage en sub-surface et sur la notion connexe de
réversibilité.
En réalité, les efforts de réflexion sur cet axe de recherche, qui
avaient pris un retard dénoncé dès 1996 par lOffice, ne font que débuter.
Certaines difficultés de fond commencent à apparaître. Vos Rapporteurs ne prétendent
pas dans ce chapitre clore la recherche sur le sujet mais essayer de mettre en évidence
les arbitrages qui seront vraisemblablement nécessaires et introduire une réflexion sur
les critères de choix à mettre au point dans cette perspective.
La question de la sûreté du stockage en couche profonde est examinée
dans un premier temps, notamment à la lumière des résultats des modèles de dissolution
élaborés par le CEA et à laune des études réalisées sur les réacteurs
nucléaires naturels que lon peut trouver au Gabon.
Ces éléments sont ensuite comparés avec les contraintes générées
par la présence des dépôts de déchets en surface ou en sub-surface.
La notion de réversibilité est enfin abordée notamment au regard de
sa durée de mise en uvre et de son coût.
Introduction
Pour dégager la problématique de lentreposage et du stockage
des déchets, il est indispensable de rappeler la classification française des déchets
radioactifs et leur mode de conditionnement. Un récapitulatif des politiques de gestion
des déchets à létranger est également présenté ci-après.
- la classification française des déchets radioactifs
Pour resituer le problème des déchets à haute activité et à vie
longue dans un cadre densemble, on trouvera dans le tableau suivant la
classification française des déchets, ainsi que les volumes générés annuellement et
les stocks.
Tableau 44 : classification française des déchets
radioactifs et estimations des volumes
type de déchet |
nature, origine et conditionnement |
activité |
durée
de vie |
quantités/an
|
stocks
|
Déchets TFA (très faible act.) |
· gravats et ferrailles, démantèlement
(prochainement)
· pas de conditionnement spécifique
|
1 - 100 Bq/g |
|
4 000 m3/an
|
· 9 millions m3 en 2020 pas de
décision pour site
|
Déchets FA (faible activité) |
· déchets radifères issus du traitement de
luranium au sortir de la mine
|
100 100 000 Bq/g |
vie longue (30-10 000 ans) |
2 800 m3/an
|
· pas destimation précise pas
de décision pour site
|
Déchets A |
· résines, filtres, gants, etc. :
exploitation des centrales, des usines de retraitement, des labos médicaux ou
industriels, etc.
· blocs de béton
|
1 000 - X00 000 Bq/g |
vie courte (<30 ans) |
· 20 000 m3/an
dont 4 000 m3 issu du retraitement ;
· 90 % des déchets produits annuellement
|
· 520 000 m3 sur le centre de stockage de
surface de la Manche
· actuellement 50 000 m3 à Soulaines (capacité max :
1 million m3 ; saturé en 2045)
|
Déchets B |
· déchets produits lors du retraitement et
de la fabrication du plutonium
· coques et embouts provenant des gaines de combustible
· boues issues du retraitement
· matrice de béton, de bitume ou de verre enchâssée dans
du béton
· résidus métalliques compressés dans containers
dinox
|
X00 000 Bq/g |
vie longue |
3 000 m3/an
|
· selon le Gvt : 57 000 m3 en 2020
|
Déchets C |
· déchets du retraitement : PFVL et
AM
· par extension combustible irradié non retraité,
|
milliards de Bq/g |
vie courte ou longue |
· verres : 200 m3/an
· combustible irradié non retraité : 350 t/an
|
· verres : selon le Gvt :
5 000 m3 en 2020
|
Ainsi que cela a été vu plus haut, les déchets au centre des
attentions, sont ceux qui présentent la double caractéristique dêtre fortement
radioactifs et davoir une période longue. Les déchets C sont les " résidus
du retraitement ". Par extension voire abus de langage, si lon
considère quils ne seront " jamais " retraités, les
combustibles non retraités peuvent être considérés comme des déchets C, de par leur
radioactivité.
- le conditionnement des déchets
Le tableau précédent indique en particulier le type de
conditionnement utilisé pour chaque catégorie de déchets. On se contentera ici de
mettre laccent sur les points critiques et les évolutions en cours.
Sagissant du conditionnement des déchets B, une évolution se
produit à lheure actuelle, avec pour objectif daméliorer à la fois la
sûreté et la compacité des colis.
Le conditionnement dorigine pour les déchets B était le béton,
avec comme inconvénient des volumes relativement importants par unité de volume de
déchet. Le passage à un enrobage par du bitume a permis de réduire les volumes
résultants et daméliorer la résistance à la lixiviation, le bitume étant à la
fois étanche et très insoluble dans leau. Des difficultés existent pour le
bitumage de produits organiques car la température élevée des bitumes lors du coulage
peut échauffer et vaporiser déventuels produits organiques. Un incident a
dailleurs eu lieu en 1997 à lusine de Tokai Mura au Japon. Un feu sest
déclenché en phase chaude de lopération denrobage, avec dégagement
daérosols et explosion résultante.
Cogema a désormais pour objectif dabandonner le bitume des
déchets B et de recourir au même milieu denrobage que pour les déchets C,
cest-à-dire le verre ou la céramique. Ceci vaudrait aussi bien pour les déchets
technologiques que pour les boues de retraitement. Les coques et embouts seraient, eux,
compactés sous forme de galettes non enrobées et placées dans des containers
dinox de mêmes dimensions que les colis de verres.
Sagissant des déchets C, la pratique actuelle est de recourir au
mélange des solutions concentrées à du verre en fusion, qui est ensuite refroidi pour
donner un cylindre de verre. La vitrification est un procédé qualifié industriellement
qui permet datteindre des durabilités très importantes de 2 000 ans à 100
000 ans (voir ci-dessous) -. Mais dautres matériaux sont actuellement à
létude, notamment les céramiques.
- les politiques nationales de gestion des déchets radioactifs
Nombreux sont les pays de lOCDE à avoir opté dores et
déjà et résolument pour une politique de gestion des déchets.
Ainsi lAllemagne a pris le parti du stockage en profondeur pour
lensemble de ses déchets radioactifs. Les anciennes mines de sel ou de fer ont
été utilisées pour réaliser des études de comportement. Il est prévu, sauf
enseignement négatif de celles-ci, de passer ensuite à la phase de stockage. Recourant
à une politique mixte de retraitement et de stockage direct, lAllemagne na
toutefois pas encore réglé concrètement le problème des combustibles irradiés et
celui des déchets hautement radioactifs issus du retraitement. La Belgique a aussi opté
pour le stockage souterrain, en sub-surface pour les déchets A et B et à grande
profondeur pour les déchets C.
Sagissant des laboratoires détude du stockage en
profondeur, la plupart des pays en possèdent. La Suisse se signale par son souci
dexplorer en détail cette option, avec ses deux laboratoires de Grimsel en milieu
granitique et du Mont Terri en milieu argileux.
Tableau 45 : gestion des déchets dans certains pays de lOCDE
,
pays/stratégie |
Déchets de faible et moy. activité à vie courte
|
Déchets de haute
activité à vie longue |
Combustible irradié
|
Laboratoire souterrain |
Allemagne
21 réacteurs
retraitement et stockage direct
entreposage en vue du stockage à grande profondeur de tous les déchets
stockage direct des combustibles usés autorisé depuis 1994 |
stockage à Morsleben depuis 1981 dans ancienne mine de sel
(anciennement en RDA)
stockage en cours dautorisation à Konrad dans ancienne mine de fer ;
-800 1000 m ; date de démarrage : 2001
|
entreposage à sec des déchets provenant du retraitement à
Gorleben, Ahaus et Greifswald
|
entreposage en piscine sur les centrales
centres dentreposage de Gorleben définitivement autorisé début 1998 (à
sec), Ahaus en fonctionnement (à sec) et Greifswald (piscine)
stockage profond prévu
|
Konrad : mine de fer ; études depuis 1976
Asse : -1000m ; sel ; études depuis 1978
Gorleben : -900m ; sel sous couverture de gypse ; études depuis
1986
Morsleben : - 525m ; sel ; études dans les années 60
|
Belgique
7 réacteurs
retraitement du combustible |
entreposage sur les sites des centrales et entrepôt centralisé
en surface à Mol-Dessel
projet de stockage en sub-surface
|
entreposage à Mol-Dessel
stockage en profondeur dans largile prévu
|
entreposage sur le site des centrales, avant retraitement
|
Mol-Dessel : -230m ; argile de Boom ; depuis 1983
|
Canada
22 réacteurs Candu
pas de retraitement
importance des résidus des mines duranium |
entreposage à Bruce, Chalk River et Whiteshell
|
|
entreposage à sec sur le site des centrales
projet de stockage à 500/-1 000 m dans le bouclier canadien
|
Underground Research Laboratory au Lac du Bonnet
(Manitoba) : -240/-420 m ; granite ; depuis 1984
|
Etats-Unis
109 réacteurs
retraitement abandonné officiellement en 1992
typologie particulière : a) déchets de faible activité ; b)
transuraniens (matières contaminées par émetteur a ) |
déchets de faible activité
entreposage sur le site
|
transuraniens : a) entreposage de différents types
b) stockage géologique dans couche de sel : WIPP (Waste Isolation Pilot
Plant) : - 655m Nouveau Mexique ; entrée en service en 1998 ; caissons de
béton ; reprise possible
|
entreposage du combustible irradié des réacteurs commerciaux en
piscine et installation MRS en projet (centre de stockage réversible : piscines,
casemates modulaires, conteneurs scellés placés dans modules en béton
|
Yucca Mountain (Nevada) : ± 300 m ; tuf ; depuis
1983
|
Tableau 46 : gestion des déchets dans certains pays de lOCDE
, (suite)
pays/stratégie |
Déchets de faible et moyenne activité à vie courte
|
Déchets de haute
activité à vie longue |
Combustible irradié
|
Laboratoire souterrain |
Etats-Unis (suite) c) déchets de
haute activité stockés sous forme liquide d) combustibles irradiés |
|
|
entreposage des combustibles irradiés et des déchets de haute
activité du DOE sous forme liquide à Hanford, en Idaho et à Savannah River
stockage envisagé à Yucca Mountain (Nevada) : galeries accessibles par
rampes
|
|
Finlande 4 réacteurs : 2
BWR à Olkiluoto ; 2 VVER à Loviisa
abandon du renvoi du combustible en Russie en 1996 |
entreposage sur le site des centrales (Loviisa et
Olkiluoto) ;
stockage en sub-surface sur les sites des centrales : a) Olkiluoto (-60m
sous le niveau de la mer ; silos remblayés ; entrée en service en 1992) ;
b) Loviisa (-110m ; construction achevée en 1997)
|
|
entreposage sur le site des centrales
étude dun stockage irréversible à 600 m dans roches cristallines
; début de construction prévu pour 2010
|
études de caractérisation seulement pour 3 sites
études dans les centres de stockage en sub-surface dOlkiluoto et de
Loviisa
|
Japon 50 réacteurs
retraitement du combustible |
stockage des déchets à faible activité en sub-surface à
Rokkasho-Mura ; installation mise en service en 1992
|
entreposage des déchets liquides de haute activité à Tokai
|
entreposage en piscine sur le site des centrales et à
Rokkasho-Mura pour le combustible en attente de retraitement
projet de stockage en couche profonde des déchets C vitrifiés
|
projet de construction de labo souterrain à Horonobe
|
Tableau 47 : gestion des déchets dans les pays de lOCDE , (suite et fin)
pays/stratégie |
Déchets de faible et moyenne activité à vie courte
|
Déchets de haute
activité à vie longue |
Combustible irradié
|
Laboratoire souterrain |
Royaume-Uni 2 usines de
retraitement à Sellafield (Cumbria) : lune pour le combustible Magnox et
lautre (Thorp), pour le comb. AGR et REP |
déchets de moyenne activité :
a) entreposage sur le site
b) stockage envisagé à grande profondeur près de Sellafield (-650m)
|
|
|
|
Suède 12 réacteurs
abandon du retraitement après recyclage de 140 t |
entreposage sur les sites
stockage irréversible SFR en sub-surface de Forsmark (sous la Baltique et sous
60 m de soubassement rocheux) : silos et cavités remblayés
|
|
entreposage en piscine sur le site des centrales (1-5 ans) et sur
le centre de sub-surface CLAB (près Okarshamn ; -30m);
projet de stockage souterrain irréversible à 500m (assemblages
combustibles placés dans cylindres dinox eux-mêmes logés dans containers en
cuivre installés dans cavités remplies de bentonite)
|
construction du laboratoire souterrain dÄspö achevée en
1994 : 3,6 km de tunnel menant à 460m dans le granite ;
études sur le granite depuis 1977 dans une ancienne mine de fer à Stripa
|
Suisse 5 réacteurs
retraitement partiel (2/3) à létranger |
à terme stockage géologique
|
centre commun dentreposage à sec et en surface en
construction à Würenlingen (centre Zwilag) ;
à terme stockage géologique à -1200m dans socle cristallin ou à
500-800 m dans largile ; dépôt sous montagne accessible par tunnel
|
entreposage à sec et en surface pendant 40 ans à
Würenlingen ;
aucune décision définitive pour le combustible non retraité
étude dun stockage en profondeur accessible par puits
|
Grimsel : granite ; 1 km à lintérieur
dune montagne ; études depuis 1984
Mont Terri : argile, Jura suisse
|
3.1. la sûreté maximale est-elle apportée par le
stockage en couche profonde ?
Le problème posé par les déchets radioactifs à haute activité et
à vie longue est simple à formuler mais évidemment complexe à résoudre. Certains
radioéléments présents dans les déchets, émetteurs a
radiotoxiques ayant une période de 7 380 années comme laméricium 243 ou de 2
millions dannées comme le neptunium 237, comment concevoir un stockage assurant
leur immobilisation sur une telle durée dont léchelle dépasse en réalité notre
entendement ?
Le principe de sûreté du stockage profond est linterposition,
entre le colis de déchets et les populations environnantes, dune barrière dont la
dimension est telle que la migration des radioéléments est très peu probable vers la
surface.
Le sens commun veut que plus le stockage est profond et plus grande est
la sûreté. Avec un dispositif de stockage en couche géologique profonde, des durées
extrêmement longues, de plusieurs centaines de milliers dannées, peuvent être
envisagées, en termes de stabilité de la présence des radioéléments en profondeur.
Ceci est vrai à condition quaucun lien, artificiel ou naturel
nexiste ou napparaisse entre les cavités et la surface. Les eaux souterraines
peuvent éventuellement parvenir sur les longues durées étudiées à dissoudre les
radioéléments. La circulation naturelle ou provoquée par lHomme peut alors
assurer la diffusion ou la remontée de ces éléments toxiques. De même, des forages
intempestifs peuvent entraîner une rupture du confinement. Enfin, des mouvements
géologiques doivent être envisagés sur la durée de référence, entraînant une
remontée voire une mise à jour du centre de stockage.
En réalité, des techniques existent pour maximiser la sûreté des
colis. La première méthode est la multiplication des barrières. La deuxième consiste
en lutilisation de matrices dimmobilisation dune durabilité étendue.
- la multiplication des barrières
Les colis de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue
se présentent sous la forme de lingots de verre coulés dans un container en inox.
La méthode retenue est dopposer des barrières successives à la
migration éventuelle, par lixiviation, des radioéléments retenus dans les verres. La
figure suivante indique la forme physique dun dispositif étudié par le CEA.
Figure 18 : schéma simplifié du confinement
dun colis de verres contenant des déchets C

Pour piéger avec plus de sûreté les radioéléments, on place le
conteneur en inox dans une deuxième enveloppe, un cylindre extérieur en acier noir. Puis
cet ensemble est placé dans une enveloppe de béton de dimension largement supérieure,
le volume étant rempli avec de largile. Le schéma ci-après récapitule le
système de barrières.
Figure 19 : les barrières successives garantissant le confinement
des radioéléments à haute activité et à vie longue
colis de verre acier acier argile milieu
40 cm de diamètre inoxydable noir géologique
1m30 de hauteur épaisseur : épaisseur : épaisseur épaisseur :
» 2 cm » 7 cm » 30 cm
1m » centaine de m
1ère barrière 2ème barrière 3ème
barrière
Lapproche est de considérer quavec un tel dispositif,
lon dispose de 3 barrières. La première est celle du cylindre dacier noir ou
surconteneur. La 2ème est celle de largile remplissant lenveloppe
de béton. La troisième est celle du milieu géologique. Cette approche est très
conservative, puisquelle conduit à ne pas tenir compte du pouvoir
dimmobilisation des verres, de la barrière représentée par le conteneur
dinox, non plus que celle de lenveloppe de béton.
La même approche est retenue en Suède par les responsables de SKB
pour leurs études du confinement des combustibles irradiés non retraités. Les
assemblages combustibles sont en effet dans un conteneur en acier inox. Ce conteneur est
lui-même placé dans un surconteneur en cuivre dont les parois font 5 centimètres
dépaisseur. Le surconteneur est alors enfoui dans un trou que lon comble avec
de la bentonite, un matériau qui sexpanse rapidement en présence deau et
devient imperméable.
La multiplication des barrières permet de lutter efficacement contre
le phénomène le plus contraignant vis-à-vis de la sûreté, à savoir la corrosion par
les eaux souterraines. Celles-ci, basiques et réductrices dans la plupart des cas, ne
sont pas une source de corrosion majeure. La modélisation permet en tout état de cause
de vérifier létanchéité à très longue échéance du stockage.
- un confinement satisfaisant selon les modèles de cinétique de dissolution
Le CEA a mis au point des modèles mathématiques du comportement des
matrices de verres en situation de dissolution. On représente la matrice saine, la zone
de surface attaquée par la corrosion, la barrière de diffusion, ainsi que le site
environnant. La conclusion de ces études rejoint lappréciation intuitive que
lon peut avoir. Dune part, laltération de la matrice dépend fortement
de son environnement. Dautre part, linterposition dune barrière
ralentit fortement voire stoppe le phénomène.
Sous réserve de vérifications expérimentales, ces modèles montrent
que la durabilité dune matrice de verre en contact direct avec une eau basique et
réductrice est de 100 000 ans. La présence de la barrière ouvragée argileuse le
contenu de lenveloppe de béton selon le schéma simplifié ci-dessus permet
de multiplier la durabilité par 100 et datteindre 10 millions dannées. Avec
la barrière supplémentaire que constituent les couches profondes jusquà la
surface, et que lon peut considérer comme infinie, une durabilité de 1011
années est probable, garantissant, sauf événement accidentel ou géologique, le
piégeage sur la durée requise.
- limmobilisation naturelle de radioéléments sur des millions dannées
Le 7 juillet 1972, des chercheurs du CEA Cadarache découvrent une
anomalie dans le minerai d'uranium provenant d'Oklo au Gabon. Sa teneur en uranium 235 est
très inférieure, alors que le ratio uranium 235 / uranium 238 est toujours le même, aux
alentours de 0,7 %. Un mois plus tard, le CEA confirme que cette anomalie dans la
concentration isotopique résulte de l'existence d'une réaction nucléaire naturelle. De
fait, 16 réacteurs nucléaires sont découverts au Gabon, entre Oklo et Bangombé dans le
plus vieux bassin sédimentaire du monde, datant de 2 milliards dannées.
Aujourdhui, les 15 réacteurs naturels d'Oklo ont disparu ou sont en cours
d'exploitation. Les teneurs en uranium y étaient exceptionnelles - de 60 à 85 %
d'uranium. Reste celui de Bangombé.
Bangombé raconte l'histoire d'un stockage de déchets radioactifs,
réussi à 12 mètres sous terre, pendant 2 milliards d'années. Cette pile atomique
naturelle a fonctionné pendant 500 ans, il y a 2 milliards dannées, puis
sest éteinte. Les produits de fission radioactifs sont restés piégés quasiment
sur place. Létude du terrain permet de suivre leur évolution, leur migration dans
la roche et leurs mutations. Exemples inespérés donnés par la nature, les réacteurs
dOklo et de Bangombé démontrent quil existe des méthodes
dimmobilisation des actinides et des produits de fission. Doù lidée de
repliquer la nature.
En réalité, lon trouve à létat naturel de nombreuses
roches qui conservent à l'état de trace de l'uranium ou du thorium. Les matrices
cristallines correspondantes (silicates de zirconiums, monazites, apatites) sont des
structures stables aptes à immobiliser des matériaux radioactifs jusqu'à des milliards
d'années.
Ainsi quon la vu plus haut à propos du plutonium, des
chercheurs français de l'IN2P3 ont réussi à synthétiser un phosphate de thorium de
formule Th4(PO4)4P2O7 et à
remplacer une partie des ions thorium de ce phosphate par des ions uranium ou plutonium,
sans que la structure cristalline du phosphate de thorium change.
Cette voie de recherche dont lintérêt est confirmé par des
équipes australiennes et canadiennes, devrait déboucher sur la possibilité
dimmobiliser les radioéléments à haute activité et à vie longue.
- avec les céramiques, peut-être limmobilisation des actinides mineurs et des
produits de fission sur 2 milliards dannées, sauf accident naturel ou provoqué par
lHomme
Les nouveaux matériaux regroupés sous le nom générique de
céramiques regroupent en fait différentes matrices comme les apatites, déjà
présentées plus haut comme intéressantes pour limmobilisation du plutonium. Leur
intérêt est aussi grand pour limmobilisation des actinides mineurs et des produits
de fission à vie longue que pour celle du plutonium. La céramique à base de phosphate
de thorium mise au point par l'IN2P3 permettrait d'incorporer jusquà 40 % de
plutonium, 53 % de neptunium ou 75 % d'uranium sans que sa structure cristalline se
modifie.
En réalité, il sagit de vitro-céramiques préparées par
fusion des matières de départ, fusion suivie dun refroidissement qui conduit à la
formation dune solution solide. Ces (vitro-)céramiques sont beaucoup plus
résistantes à la corrosion que des simples céramiques fabriquées par frittage. Dans ce
dernier cas, on obtient en effet un réseau polycristallin constitué de cristaux
dune taille de 100 µ avec des joints de grain qui fragilisent la structure.
Compte tenu de limportance du sujet, il apparaît souhaitable à
vos Rapporteurs de voir ces techniques explorées résolument.
- la nécessité de construire au moins deux laboratoires souterrains profonds
Les thèmes de recherche qui nécessitent des expériences en
laboratoire souterrain sont nombreux. Parmi ceux-ci, on peut citer la durabilité des
conditionnements et des barrières dans les milieux géologiques profonds, la migration
des radioéléments, les procédés de manutention, de dépôt et de reprise des colis,
etc. Tout cela rend nécessaire la construction des deux laboratoires - au moins - prévus
par la loi du 30 décembre 1991. Au terme dun long parcours, le dossier déposé par
lAndra est complet et dispose des avis favorables nécessaires. Le temps de la
décision est venu.
En janvier 1994 sachève le processus de concertation entre les
élus, la population et lAndra, lopérateur clé dans le domaine des
laboratoires souterrains. Ce processus original a été animé par votre Rapporteur. Sur
la base de ses recommandations, le Gouvernement choisit 4 zones favorables, dans le Gard,
la Haute-Marne, la Meuse et la Vienne. Les travaux de reconnaissance géologique
subséquents menés par lAndra, conduisent au choix de 3 sites : un site
argileux à Bure aux confins de la Haute-Marne et de la Meuse, un autre site argileux à
Marcoule près de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, et le troisième site, cette fois
granitique, de la Chapelle-Bâton dans la Vienne.
Le 15 mai 1996, le Gouvernement autorise lAndra à déposer 3
Dossiers dAutorisation dImplantation et dExploitation de laboratoire
souterrain (DAIE), ce qui est fait au cours du 2ème semestre de lannée
1996. La DSIN envoie alors les dossiers aux préfectures concernées en vue du
déclenchement de lenquête publique prévue par le décret dapplication de la
loi de 1991. La DSIN fait aussi parvenir pour consultation les dossiers aux conseils
municipaux, généraux et régionaux concernés.
Les enquêtes publiques se concluent toutes les trois par des avis
positifs en 1997. Les préfets donnent également un avis positif. La très grande
majorité des collectivités concernées manifestent également leur accord aux projets.
Simultanément, à ces procédures locales, la DSIN transmet les
demandes de lAndra au groupe permanent dexperts, qui examine les dossiers les
10 et 24 mars, et le 2 avril 1997. Lanalyse poussée à laquelle se livrent ces
instances de conseil de la DSIN, sorte de " parlement de la sûreté
nucléaire " porte sur 3 points : dune part, le degré de
connaissance et de compréhension des sites au regard des règles fondamentales de
sûreté afférentes, dautre part la cohérence densemble du programme de
recherche et la stratégie de démonstration de sûreté globale du stockage et enfin la
méthodologie du programme de recherche.
Le groupe permanent compétent sur laval du cycle donne un avis
favorable pour les trois sites. Rappelons que M. Claude Birraux, député de Haute-Savoie,
a assisté en 1991 aux réunions dun autre groupe permanent, celui-là chargé des
réacteurs, et quil en a apprécié le sérieux.
Sagissant du site de La Chapelle-Bâton, le groupe permanent note
les caractéristiques positive du site en ce qui concerne les critères importants de la
Règle Fondamentale de Sûreté (RFS III 2 f). Il note quil existe selon toute
vraisemblance sur le site, des blocs de granite de faible perméabilité et de dimensions
hectométriques suffisantes pour y aménager un laboratoire détude. Il relève
aussi la présence daquifères exploités entre la surface et la couche de granite
visée, qui peuvent apporter des perturbations hydrauliques dans le granite et convient
que la difficulté de caractérisation des fracturations conductrices est en réalité une
difficulté commune à tous les milieux granitiques. Ce faisant, le groupe permanent donne
un avis positif à linstallation dun laboratoire souterrain à la
Chapelle-Bâton.
Le rapport conclusif de la DSIN remis au Gouvernement le 1er
décembre 1997 indique que les 3 projets de laboratoire souterrain ne présentent aucune
caractéristique rédhibitoire et conclut à la qualification des formations géologiques
spécifiques locales. La DSIN établit un ordre de priorité technique, en classant n°1
le site de Bure, n°2 le site du Gard et n°3 le site de la Chapelle-Bâton. A propos de
ce 3ème site, la DSIN précise " quun laboratoire
naurait que peu de chances de déboucher sur un stockage, compte tenu des réserves
techniques émises ".
Vos Rapporteurs estiment que le site de la Vienne ne doit pas être
écarté pour deux raisons essentielles.
La première est que les laboratoires sont considérés comme des
instruments détude par la loi de 1991. Certains veulent voir ces laboratoires comme
des outils de qualification dun stockage géologique répondant à limpératif
de la loi de 1991 à léchéance de 2006. Au contraire, lesprit de la loi veut
quil sagisse dabord dun instrument de recherche. Or le site de la
Vienne correspondant au granite apporte une diversité de milieu géologique face à
largile des deux autres sites. Il offre donc une option supplémentaire.
Par ailleurs, la majorité des laboratoires en profondeur 4 sur
7 construits par dautres pays se trouvent en milieu granitique. Les
comparaisons internationales notamment avec les pays étudiant le stockage direct des
combustibles usés seraient possibles et viendraient enrichir la connaissance du sujet.
- des investissements et des coûts dexploitation à la portée de la filière
Le coût de construction des 3 laboratoires est estimé par
lAndra à 2,694 milliards de F. Les dépenses déjà faites sélèvent à
1,73 milliard de F. Le tableau suivant indique les coûts annuels de fonctionnement et
dexpérimentation, coûts qui varient fortement selon la période considérée
étude, construction, expérimentation.
Tableau 48 : budget dinvestissement et de
fonctionnement des 3 laboratoires de lAndra
|
1994-1997 |
1998-2001 |
2002-2006 |
total |
durée (année) |
4 |
4 |
4 |
12 |
coûts
annuels (millions de F) |
|
études préliminaires |
433,5 |
|
|
1734 |
exploitation technique |
|
|
345,0 |
1380 |
études |
|
|
418,3 |
1673 |
expérimentations |
|
|
359,8 |
1439 |
communication |
29,1 |
29,1 |
29,1 |
349 |
mesures d'accompagnement |
136,8 |
136,8 |
136,8 |
1641 |
conseil scientifique et commission
nationale d'évaluation |
1,5 |
1,5 |
1,5 |
18 |
coût de fonctionnement annuel |
600,8 |
167,3 |
1 290,3 |
- |
cumul sur la période |
2 403,3 |
669,3 |
5 161,3 |
8234 |
construction (millions de F) |
|
2 694 |
|
|
total général en millions de F
pour période 1994-2006 |
|
|
|
10 928 |
Les coûts du tableau précédent sont à comparer avec les budgets des
laboratoires souterrains construits et exploités dans dautres pays. Des données
fragmentaires existent pour la Suède, la Belgique et le Canada. Il semble que le coût
moyen annuel dinvestissement et de fonctionnement dun laboratoire proposé par
lAndra soit au milieu de la fourchette des coûts affichés dans ces trois pays.
3.2. les contraintes de sûreté de la surface ou de la
sub-surface
Ainsi quil a été dit plus haut, les travaux de réflexion
approfondie sur lentreposage en surface ou en sub-surface ont réellement commencé
en France au milieu de lannée 1997, avec un retard certain par rapport à ceux
menés sur les deux premières voies de recherche.
Toutefois, ces réflexions sont loin de partir de zéro. Lon
dispose en effet dune expérience de lentreposage en surface avec les
installations Cascad du CEA Cadarache et EVT7 de Cogema La Hague. Différentes
problématiques apparaissent dores et déjà avec netteté.
- le retour dexpérience de Cascad, installation dentreposage de combustibles
irradiés
Linstallation Cascad, mise en service en 1990, assure
lentreposage à sec pour une durée maximale de 50 ans des combustibles EL4 de
Brennilis et des combustibles des réacteurs embarqués de propulsion navale. Le retour
dexpérience de Cascad est pertinent pour lentreposage à sec des combustibles
irradiés mais aussi pour celui des colis de verres contenant des déchets C (actinides
mineurs et produits de fission). Sa capacité est de 315 puits dont un tiers environ
seulement est occupé à la mi-98. Les trois priorités de construction de
linstallation ont été le confinement des produits, lévacuation de la
puissance thermique et la tenue des équipements au séisme. La ventilation
seffectue par convection naturelle auto-régulée.
Le bilan de cette installation est largement positif : aucun
problème sérieux de sûreté ou de manutention nest apparu au cours des 7
premières années dexploitation, mis à part les trois pannes de la ventilation
nucléaire qui ont été sans gravité compte tenu du large délai large pour intervenir,
donné lors de la conception. Lautorisation de fonctionnement est donnée pour 50
ans. Il ne paraît pas impossible quelle puisse être étendue le moment venu.
En tout état de cause, lexpérience Cascad nourrit la réflexion
des équipes chargées au CEA du projet " Entreposage de Très Longue
Durée " (ETLD). Avec les premières ébauches élaborées par le CEA et
exposées à vos Rapporteurs, apparaissent les lignes de force des difficultés à
résoudre et des arbitrages à prendre.
- des précautions multiples pour assurer la sûreté en surface et en sub-surface
Plusieurs concepts dentreposage sont à létude au CEA.
Lentreposage en surface ou en sub-surface nest un problème simple quà
moyen terme. Au-delà des 50 années correspondant à lexercice actuel de Cascad, la
durabilité exige des approches et des techniques nouvelles. Les figures suivantes
présentent divers concepts retenus comme base de travail. Ces schémas sont utiles pour
toucher du doigt la complexité de la problématique du " provisoire de
longue durée ".
Figure 20 : divers concepts dentreposage de très longue
durée en surface

Figure 21 : divers concepts dentreposage de très longue
durée en sub-surface


La première contrainte de la surface et de la sub-surface provient de
la nécessité dune surveillance permanente, même à distance, des installations.
Le risque dintrusion est évidemment plus élevé quen stockage profond. Les
conséquences dun éventuel relâchement de radioactivité sont plus immédiates.
Cette surveillance doit porter à la fois sur la sécurité physiques des installations et
sur leur sûreté.
La circulation des eaux de surface ou des eaux souterraines est un
exemple de paramètre fondamental pour la sûreté et dont il faut pouvoir anticiper les
évolutions à long terme. Lobjectif est double en la matière : il faut
éviter linondation des locaux dentreposage et à linverse, garantir la
récupération des effluents qui pourraient se former dans linstallation.
La sûreté de lentreposage dépend évidemment de la qualité
des équipements mais aussi de lenvironnement de ceux-ci. Dans le cas de
lentreposage en surface, avec une casemate type Cascad (cas B), lobturation
des entrées ou des sorties dair empêche lévacuation de la chaleur
résiduelle et compromet la sûreté. Dans le cas dune piscine en sub-surface, il
est nécessaire de prévoir, comme dans linstallation CLAB dOkarshamm en
Suède, la tenue au séisme du bassin dimmersion, ce qui peut conduire à des
dépenses considérables. La surveillance de linstallation doit donc comprendre la
surveillance de lenvironnement utile, ce qui doit conduire à identifier et à
équiper en instruments de contrôle les zones ayant un impact sur la sûreté du centre
dentreposage.
Au reste, la surveillance des paramètres physiques de
lentreposage pose en elle-même des questions scientifiques difficiles. En effet,
pour surveiller, il faut définir des seuils dalerte. Or, par exemple, pour le
moment, on ne connaît pas le comportement à long terme des combustibles et des gaines.
Quels gaz sont susceptibles de se former dans les assemblages à long terme ? Quelle
sera la diffusion de ces gaz dans les gaines et quel sera leur impact sur la tenue de
celles-ci ? Il faudra donc connaître avec précision le schéma dévolution de
ces divers matériaux irradiés. Par ailleurs, linstrumentation de détection devra
avoir une longévité certaine, ce qui obligera à recourir à des solutions éprouvées.
- lopposition ou la complémentarité surface - sub-surface
Lentreposage en sub-surface prend deux acceptions principales à
létranger. Dune part lutilisation dune anfractuosité naturelle
ou non dans un relief préexistant à laquelle on accède par une rampe horizontale.
Dautre part une cavité artificielle située à une profondeur variant dune
dizaine à une centaine de mètres.
On peut rajouter une autre variante de la sub-surface. Cette variante
est proche de la configuration des centres de stockage de déchets de faible et moyenne
activité. Il sagirait dune tranchée, que lon saturerait
progressivement et que lon recouvrirait en fin dexploitation dune couche
de terre dépaisseur significative.
Par rapport à la surface, la sub-surface présente évidemment une
sûreté accrue vis-à-vis des risques dintrusion ainsi que de destruction des
infrastructures. Ses contraintes dexploitation ne sont pas pour autant nulles.
3.3. le prix de la réversibilité
La réversibilité est une notion séduisante en ce quelle laisse
ouvert le champ du possible.
La reprise des combustibles usés et des déchets peut en effet être
nécessaire dans différents cas. Le premier cas est celui dune perte de confinement
dangereuse pour lenvironnement qui obligerait à reprendre les colis pour mieux les
conditionner, par exemple.
Le deuxième cas est celui où la mise au point de nouvelles techniques
de destruction des déchets rendrait possible une diminution de la radiotoxicité des
déchets.
Le troisième cas est celui où les déchets ou plutôt les
combustibles irradiés dans cette hypothèse pourraient voir leur contenu
énergétique valorisé parce que les conditions de marché les rendraient alors
compétitifs.
La réversibilité a donc son prix. Mais elle a aussi un coût
important car elle oblige à renforcer les conditions de sécurité et de sûreté et
impose une durabilité inhabituelle à un ensemble de technologies et déquipements.
La réversibilité apparaît comme compliquant la sécurité, sinon
comme contraire à celle-ci. La réversibilité signifie possibilité de désentreposer
les colis, de réouvrir ces derniers et den extraire les matières radioactives. Des
techniques dinterdiction de toutes ces étapes aux cas non autorisés devraient
pouvoir être imaginées mais leur coût viendra alourdir les coûts dentreposage.
La réversibilité rend plus complexe également le maintien dun
niveau de sûreté satisfaisant. Les matrices immobilisant les radioéléments dans la
masse, comme les verres ou mieux les céramiques, devraient, en bonne logique, être
abandonnées, alors quelles sont un puissant élément de sûreté. La
multiplication des barrières serait toujours envisageable, avec toutefois des risques de
contournement de celles-ci ou de fuites, puisque ces barrières devraient être amovibles.
La réversibilité oblige par ailleurs à une pérennité des
équipements de manutention. Cette pérennité peut résulter de la robustesse et de la
simplicité des appareils de départ. Elle peut aussi être obtenue par une maintenance
attentive et régulière qui viendrait obérer les coûts dexploitation.
Si la réversibilité était considérée comme une priorité, il
faudrait alors délaisser les solutions sophistiquées et les équipements spécialisés,
sauf à accroître les coûts dentreposage. Mais dans cette hypothèse, il apparaît
clairement que la simplicité et le caractère standard des équipements de transport ou
de levage ne militent pas en faveur de la sécurité.
Au final, la réversibilité pourrait favorablement être limitée dans
le temps. Un compromis pourrait être trouvé avec le coût et la sûreté.
Si lon prend le cas dun entreposage en sub-surface avec
linsertion des colis dans des puits verticaux ou horizontaux, lon peut
imaginer que la réversibilité soit fonction du taux de remplissage. Dès quun
puits serait saturé, il serait obstrué, par exemple avec de la bentonite. Il en serait
de même pour une galerie puis pour un niveau de stockage, etc. En fonction des dimensions
de lentrepôt, on pourrait optimiser la réversibilité avec le coût et la sûreté
de linstallation.
En réalité, un optimum devrait pouvoir être dégagé, pour chaque
type dinstallation, entre la durée de la réversibilité, le coût de
lentreposage et le niveau de sûreté de celui-ci.
3.4. la charge pesant sur les générations futures
Le débat sur la réversibilité a comme fondement la question de la
charge que la mise en uvre de lénergie nucléaire fait peser sur les
générations futures.
Faut-il résoudre définitivement le problème de la gestion des
déchets, en les stockant dune manière aussi sûre que possible -
et en tout cas irréversible - de façon que les générations
futures naient, sauf accident, aucune obligation de gestion, de contrôle et de
surveillance ?
Faut-il au contraire préférer une gestion consciente et donc un suivi
permanent de génération en génération pour surveiller, contrôler et éventuellement
reprendre les déchets si cela présente un avantage ?
La discussion sur ces questions ressort de léthique mais elle
gagnerait à être nourrie par une évaluation des coûts des solutions alternatives. Des
calculs de probabilité devraient en outre pouvoir éclairer la décision en la matière,
bien que ce genre dexercice soit particulièrement complexe et périlleux.
En définitive, compte tenu des durées moyennes dactivité des
radioéléments présents dans les déchets, il reste de toute façon à inventer, les
moyens de transmettre une information complète sur les installations dentreposage
ou de stockage et sur leurs contenus, à lhorizon de plusieurs dizaines de milliers
dannées.
3.5. la nécessité déviter des décisions
hâtives
La tentation est grande pour les intervenants ou les observateurs de
laval du cycle de se livrer au jeu de lordonnance " minute "
du docteur ès déchets, en affectant telle catégorie de déchets à tel type de dépôt,
sur la base danalyses au demeurant incomplètes en létat actuel des
connaissances.
Vos Rapporteurs en tout cas sy refusent. Les réflexions
sérieuses sont engagées depuis peu. Il manque encore des pans entiers de connaissances,
notamment sur les durabilités, la sûreté et les coûts.
Certes, de nombreux pays ont déjà fait des choix clairs en la
matière. Mais lintervalle de temps qui nous sépare du rendez-vous de 2006 fixé
par la loi du 30 décembre 1991 est précisément fait pour accumuler les données et
dégager les critères de décision qui permettront une décision rationnelle à cette
date, et seulement à cette date.
4. Le jeu institutionnel : réussites et débordements
La mise en uvre des axes de recherche définis par la loi de 1991
exige des efforts continus de la part dun nombre important dopérateurs de la
filière nucléaire. Il semble essentiel important à vos Rapporteurs de faire le point
sur les stratégies individuelles en la matière et sur la coopération indispensable
entre les acteurs. A cet égard, vos Rapporteurs notent avec satisfaction davantage de
réussites que de débordements ou dinsuffisances.
4.1. La commission nationale dévaluation : du
jury de thèse au gouvernement mandarinal
La commission nationale dévaluation a été instituée par la
loi du 30 décembre 1991. Dans la préparation de cette loi, lOffice parlementaire
dévaluation des choix scientifiques et technologiques a joué un rôle clé qui a
été reconnu unanimement par tous les observateurs du dossier de la gestion des déchets
nucléaires. LOffice parlementaire, par la voix de vos Rapporteurs, est
dautant plus libre aujourdhui de signaler une certaine dérive des pratiques,
dérive qui nest pas, au minimum, compatible avec lesprit de la loi.
La loi impose un certain type de rapports entre la commission nationale
dévaluation, le Gouvernement et le Parlement. Un glissement des pratiques semble
sêtre produit, au détriment de lesprit de la démarche globale qui a
présidé à lélaboration de la loi de 1991. Il semble également que la
répartition des rôles des différents acteurs de la filière nucléaire
sinfléchit dans un sens qui nest pas souhaitable.
Ce sont ces points qui sont soulignés dans la suite, sans, bien
entendu, quil entre dans les intentions de vos Rapporteurs de mésestimer en quoi
que ce soit les apports de la commission nationale dévaluation.
- la mission fixée par la loi : aider le Gouvernement à informer le Parlement
Dans son article 4, la loi n° 91-1381 dispose que :
" Art. 4. - le Gouvernement adresse chaque année au
Parlement un rapport faisant état de lavancement des recherches sur la gestion des
déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et des travaux qui sont
menés simultanément pour :
- la recherche des solutions permettant la séparation et la
transmutation des déchets radioactifs à vie longue présents dans ces déchets ;
- létude des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la
réalisation de laboratoires souterrains ;
- létude de procédés de conditionnement et dentreposage
de longue durée en surface de ces déchets.
A lissue dune période qui ne pourra excéder quinze ans à
compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera au Parlement un
rapport global dévaluation de ces recherches accompagné dun projet de loi
autorisant, le cas échéant, la création dun centre de stockage des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue et fixant le régime des servitudes et des
sujétions afférentes à ce centre.
Le Parlement saisit de ces rapports lOffice parlementaire des
choix scientifiques et technologiques.
Ces rapports sont rendus publics.
Ils sont établis par une commission nationale dévaluation,
composée de :
- six personnalités qualifiées, dont au moins deux experts
internationaux, désignées, à parité par lAssemblée nationale et par le Sénat,
sur proposition de lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques
et technologiques ;
- deux personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, sur
proposition du Conseil supérieur de la sûreté et de linformation
nucléaires ;
- quatre experts scientifiques désignés par le Gouvernement, sur
proposition de lAcadémie des sciences. "
La loi est donc claire sur le processus dinformation. Le
Gouvernement doit informer chaque année le Parlement sur les recherches relatives à la
gestion des déchets nucléaires à haute activité et à vie longue. La commission
nationale dévaluation établit à cet effet un rapport dinformation pour le
compte du Gouvernement. Le Gouvernement transmet ce rapport au Parlement. Le Parlement
saisit lOffice parlementaire.
- une solennité et une séquence symboliques
Première et unique loi - pour le moment - faisant intervenir le
Parlement dans le processus de décision sur lénergie nucléaire, la loi du 30
décembre 1991 instaure une répartition des rôles à lintérieur dun
calendrier précis.
Le contexte du vote de la loi doit être rappelé. La France, tous
responsables confondus, sétait fourvoyée à la fin des années 80 dans un
processus volontariste de création de centres de stockage souterrains, processus
incompatible avec la volonté de transparence de lopinion. Le Gouvernement de
lépoque avait sollicité lintervention du Parlement pour débloquer la
situation et trouver une solution de réconciliation.
Lesprit de la loi du 30 décembre 1991, cest de dire que,
jusquen 2006, cest le temps de la recherche. Jusquà cette date, la
mission des acteurs de la filière est douvrir le plus grand nombre possible
doptions. Mais lesprit de la loi, cest aussi dinstaurer un
dialogue permanent et une information mutuelle constante entre le Gouvernement et le
Parlement.
Cest le Gouvernement dans sa plénitude qui est concerné et non
une commission dexperts, même créée par la loi.
La loi ne prévoit pas expressément une transmission officielle
semblable à celui du rapport de la Cour des Comptes. Mais son esprit est exactement le
même. Vos Rapporteurs regrettent à cet égard que les Gouvernements successifs
naient pas pris linitiative dune transmission solennelle du rapport
annuel davancement des recherches, selon une procédure qui aurait facilement pu
être élaborée.
Un deuxième constat doit être fait. Une séquence est introduite par
la loi. Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement le rapport davancement
des recherches. Le Parlement saisit lOffice parlementaire. Ce rapport est rendu
public. Il y a donc lieu de respecter cette séquence. En toute logique, cest à la
fin de ce processus que la publication du rapport est autorisée. On peut même y voir la
responsabilité de lOffice parlementaire de publier ce rapport et ceci sous son
timbre.
Comment ne pas voir dans la pratique des choses une dérive par rapport
à la loi quand on lit dans le rapport n° 3 de septembre 1997 la phrase suivante :
" La Commission a également consacré 9 séances
plénières ou partielles à la rédaction de ce document qui est présenté aux
Ministères et à lOffice parlementaire des choix scientifiques et technologiques,
le 10 septembre 1997, puis aux acteurs de la loi et à la presse ".
- laffaire du site granitique : information, évaluation ou décision ?
La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des
déchets radioactifs dispose que des études seront menées sur létude des
possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques
profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains.
Le processus devant aboutir au choix dau moins deux laboratoires - comme le spécifie la loi en utilisant le pluriel - est désormais achevé. La DSIN a remis le 1er décembre
1997 le rapport final qui rend possible la prise de décision par le Gouvernement.
Il faut bien constater que la commission nationale dévaluation
a, par son intervention non prévue par les textes, restreint le choix du possible. Son
raisonnement est contesté par lAndra qui y décèle une prudence excessive et non
fondée et qui restreint a priori la dimension de la recherche. Ainsi apparaît posée la
grave question de la définition des responsabilités. LAndra est-elle maîtresse de
ses choix, sur la base dune responsabilité de sa direction ou au contraire est-on
insensiblement passé à une situation de cogestion voire à une mise sous tutelle des
organismes du nucléaire ?
Quelle est lintervention de la commission nationale
dévaluation sur ce dossier ?
Ni la loi de 1991 ni son décret dapplication n° 93-940 du 16
juillet 1993 ne prévoient son intervention directe. Selon la loi de 1991, la mission de
la commission nationale dévaluation est délaborer pour le Gouvernement, un
rapport sur létat davancement des recherches destiné au Parlement.
Mais dans son rapport n° 2 de juin 1996, la commission émet des
réserves sur le site de la Vienne. Dans son rapport n° 3 de septembre 1997, la
commission note que " en labsence de concept de stockage propre à ce
site précisant notamment le rôle de la barrière géologique, les risques de circulation
de fluides entre le granite et les aquifères exploités augmentent considérablement la
difficulté de qualifier ce site particulier pour un éventuel stockage. [...]
Lévaluation de ce site conduit donc à constater lexistence daspects
négatifs paraissant aujourdhui incontournables et qui amènent la commission à
aller au-delà des réserves quelle avait exprimées dans le rapport
n°2 ".
Trois questions se posent :
- La vérité scientifique est-elle établie en ce qui concerne les
éventuelles connections entre les eaux souterraines et les nappes phréatiques ?
- La DSIN est-elle fondée à invoquer dautres avis que ceux du
groupe permanent dexperts quelle a placée auprès delle ?
- Lavis de la commission repose-t-il sur des bases scientifiques
objectives ou sur linsuffisante préparation du dossier présenté par
lAndra ?
- un jury de thèse souverain
Les exemples sont nombreux de rapports tendus entre la commission
nationale dévaluation et les responsables des recherches sur la loi de 1991.
Dans le cas du choix des sites des laboratoires souterrains,
lAndra, constatant les réserves émises sur le site de la Vienne - réserves quelle estime non fondées et cest sa
responsabilité et son droit le plus strict - essaie sans
succès de dialoguer avec la commission pendant un semestre entier.
Dune manière générale, la communication spontanée de nombre
dacteurs de la filière se focalise sur la commission, alors que lOffice doit
solliciter les documents, qui lui sont au demeurant fournis bien volontiers, il faut
ladmettre. La formulation des rapports écrits de la commission revêt un ton abrupt
sinon comminatoire. Enfin, ainsi que cela a été confié à vos Rapporteurs par de
multiples chercheurs, les comparutions devant la commission se déroulent comme devant un
jury de thèse, avec un esprit de jugement et non pas la volonté de dialogue ou de
conseil quil conviendrait de trouver et qui aurait sans doute une efficacité plus
grande.
En vérité, pour sarroger ce rôle de censeur, la commission
sappuie non pas sur lesprit de la loi de 1991 mais sur la lettre de sa
dénomination et sur une interprétation abusive du concept dévaluation.
- limpossibilité dun gouvernement mandarinal de la recherche sur les déchets
radioactifs
La loi du 30 décembre 1991 a soigneusement évité lerreur qui
aurait été de faire intervenir la représentation nationale dans les décisions
quotidiennes de la recherche sur les déchets radioactifs de haute activité. Trois grands
axes ont été fixés, à charge pour les organismes du secteur de prendre leurs
responsabilités. Compte tenu de limportance des enjeux, le Parlement doit
seulement, chaque année, être informé de la progression des recherches par le
Gouvernement.
Le découpage la plupart du temps recommandé pour lorganisation
de la recherche comprend trois catégories : limpulsion, la décision et le
contrôle. La confusion entre les mêmes mains de deux ou trois domaines connexes est
toujours contre productive. Mais la mission fixée par la loi à la commission
nappartient à aucun des trois. Le texte de la loi et son esprit attestent
quil sagit seulement pour elle, en dépit de sa dénomination, non pas de
décider ni même de contrôler mais de participer à laction dinformation du
Parlement qui incombe au Gouvernement.
Comment ne pas voir dans la pratique une contradiction quand on lit que
le rapport de la commission sintitule " rapport
dévaluation ", alors quil sagit pour le Gouvernement de
transmettre au Parlement un " rapport faisant état de lavancement des
recherches " établi par cet aréopage ?
Par laudition des responsables de la recherche sur la gestion des
déchets, par la confrontation des idées et la suggestion de pistes de recherche, la
commission nationale dévaluation a certainement eu un apport positif ces dernières
années. Mais son intervention sur la conduite des programmes de recherche semble
dépasser sa stricte mission. Il est vrai quil ny a jamais loin du pouvoir
dinformer au pouvoir de décider, en passant par le pouvoir dinfluencer.
Il convient donc que la commission sen tienne au seul rôle
denquête et dinformation que la loi lui confère.
4.2. le nouvel engagement du CEA
Tout au long de leurs entretiens avec ses représentants et lors des
visites de ses installations, vos Rapporteurs ont perçu le dynamisme, la compétence et
lengagement presque vibrant de linstitution en faveur des recherches sur
laval du cycle. La ligne tracée au CEA est claire et ferme. Si cet organisme
incomparable possède une compétence et une réactivité exemplaires, il faudrait ni le
surcharger par des demandes trop nombreuses ni le priver de sa marge daction par des
exigences trop pressantes.
- un réel effort intellectuel et budgétaire
Les moyens financiers et humains alloués par le CEA à la recherche
sur les 3 axes de la loi du 30 décembre 1991 ont été presque multipliés par deux
depuis le vote de cette loi. En 1998, 616 chercheurs travaillent sur ces domaines. Le
budget total de 1998 atteint 770 millions de F, dont 129 pour les investissements. Le
tableau suivant illustre limportance relative des trois axes.
Tableau 49 : évolution des moyens humains et financiers du CEA
consacrés aux recherches de la loi de 1991
nbre de chercheurs millions
de F |
effectifs |
budget total |
investissements |
1991 |
1998 |
1991 |
1998 |
1991 |
1998 |
Axe 1 :
séparation-transmutation |
102 |
265 |
132 |
359 |
31 |
90 |
Axe 2 : stockage
réversible ou irréversible en couche profonde |
49 |
102 |
53 |
113 |
9 |
8 |
Axe 3 :
conditionnement et entreposage de longue durée en surface |
176 |
250 |
201 |
298 |
28 |
31 |
Total |
327 |
616 |
385 |
770 |
68 |
129 |
La faiblesse des moyens alloués à laxe 2 sexplique par le
fait que cest lAndra qui pilote les recherches dans ce domaine.
- une surcharge et une urgence préjudiciables à de bonnes décisions
Il paraît important de souligner le fait que le CEA se trouve
aujourdhui pressé, sans doute trop pressé, de prendre des décisions dans des
délais très courts sur des sujets au demeurant complexes et importants pour son avenir.
Ainsi, en ce qui concerne le futur réacteur dirradiation Jules Horowitz (RJH), le
CEA pourrait être tenté de vouloir atteindre des objectifs trop nombreux, à savoir de
disposer grâce à ce même réacteur dune source de neutrons thermiques mais aussi
dune source de neutrons rapides. Le CEA pourrait dès lors être conduit à choisir
une configuration complexe qui ferait déraper le coût de cet équipement lourd. Le coût
du RJH est situé pour le moment situé dans une fourchette de 2 à 3 milliards de F.
Sur un autre plan et du fait dune accélération du processus de
décision, le CEA semble être obligé de prendre parti sur les réacteurs hybrides dans
des délais trop restreints. Il est vrai que larrêt de Phénix à la fin de
lannée 2004 privera la France de sa dernière source de neutrons rapides, source
indispensable pour les études de transmutation. Mais de toute façon léchéance
dun éventuel réacteur hybride est 2010.
Même si le calendrier des opérations devant conduire à la décision
dun démonstrateur prévoit que le choix des options ninterviendra quen
2000, on peut se demander non seulement si le sujet peut valablement mûrir en deux ans
mais surtout sil sera possible, dans lintervalle, dévaluer correctement
son apport pour les études de transmutation. Enfin, la question peut être posée de
savoir, du fait dune accélération du processus de décision, si le CEA a les
moyens humains et financiers dentreprendre simultanément la réalisation de deux
réacteurs de cette taille, même si le projet de réacteur hybride doit sinscrire
dans une coopération internationale.
4.3. lAndra, un organisme qui doit affirmer sa
compétence scientifique
En créant lAgence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs (Andra), le législateur a voulu officialiser limportance de ce sujet
pour lavenir de laval du cycle et créer un organisme responsable destiné à
devenir linterlocuteur de lensemble des opérateurs de la filière.
Pour atteindre les objectifs que la loi lui a fixés, lAndra
assume la responsabilité de maître douvrage scientifique. A ce titre,
lagence définit et contrôle les programmes de recherche nécessaires à
lévaluation des possibilités de stockage sur les sites géologiques étudiés.
LAndra mobilise des compétences scientifiques externes par exemple pour réaliser
des reconnaissance géologiques, pour élaborer des concepts de stockage ou préparer des
programmes expérimentaux pour les futurs laboratoires souterrains.
LAndra se présente ainsi comme un maître douvrage
scientifique qui confie la responsabilité de contrats de recherche à des organismes tels
que le CNRS, le BRGM et le CEA. Pour autant, lAndra compte parmi son personnel plus
de 70 chercheurs et ingénieurs, spécialistes des sciences de la terre, de la sûreté ou
de lingéniérie.
Il est évident que lAndra ne peut avec ses propres moyens
couvrir tout léventail des compétences scientifiques. Sa position de " maître
douvrage scientifique " est donc la seule viable pour cet organisme au
demeurant récent dans le paysage technique français. Il semble toutefois que pour
renforcer la crédibilité des solutions quil propose et quil proposera à
lavenir, il lui soit nécessaire de développer une compétence propre dans un
domaine scientifique et technique.
Peut-être faudrait-il que lAndra définisse un champ de
recherche en ligne avec ses points forts actuels et développe un savoir-faire sans
équivalent, ce qui lui permettrait de débattre dans de meilleures conditions avec ses
partenaires.
5. Optimiser la durée et les coûts
Alors que les opérateurs du cycle du combustible sétaient mis
dans une impasse à la fin des années 80, en supposant acquis le consentement des
populations à lenfouissement des déchets radioactifs à haute activité et à vie
longue, la loi du 30 décembre 1991 a permis de donner un temps de respiration et de
réflexion à la collectivité nationale pour choisir le meilleur mode de gestion des
déchets nucléaires.
Le laps de temps de 15 ans introduit pour pousser les recherches et
informer le public pourrait paraître, en première analyse, comme un temps darrêt
ou dindécision prononcée, alors que certains pays ont progressé rapidement dans
la recherche et ladoption dune organisation particulière de laval du
cycle du combustible.
En réalité, il nen est rien. Lunité de temps du
nucléaire, cest le demi-siècle. Cette durée correspond à la durée de vie
probable des centrales nucléaires de la première génération. Cest le temps
quil aura fallu attendre entre la conception des premiers réacteurs à eau
pressurisée et la mise au point du réacteur européen du futur EPR.
A lintérieur de létape de 15 ans fixée par la loi de
1991, des progrès considérables ont déjà été faits non pas tellement sur la mise au
point de solutions opérationnelles que sur le recensement des enjeux, des problématiques
et sur la définition de lapproche quil faudra retenir le moment venu.
Vos Rapporteurs estiment toutefois que le temps est venu
daccélérer lallure. Il convient doptimiser lintervalle de temps
qui nous sépare du rendez-vous de 2006 fixé par la loi.
Pour ce faire, les dates fondamentales des prochaines décennies
doivent être connues de tous. Le temps restant de 7 années doit être utilisé à plein
pour poser les problèmes fondamentaux. Un recensement des dates clés est effectué dans
la suite pour contribuer à la transparence du futur.
Par ailleurs, une démarche novatrice doit être introduite dans le
domaine de laval du cycle.
Il fut un temps où, pour se rapprocher de lindépendance
énergétique, le recours à lénergie nucléaire a été décidé dans
lurgence. Cette situation est derrière nous. Lélectricité nucléaire,
ressource nationale inespérée, a donné à la France une marge de manuvre
économique précieuse pour la bonne tenue de son commerce extérieur. Aujourdhui,
louverture du marché de lélectricité oblige à un nouvel effort de
compétitivité lélectricien national. Il est temps dintroduire avec un poids
accru les raisonnements économiques pour valider des choix techniques et industriels du
nucléaire.
Les développements qui suivent ne constituent quune esquisse
débauche de la démarche que vos Rapporteurs voudraient développer dans une future
étude.
5.1. les rendez-vous essentiels
Lavenir dun outil industriel de la taille et de
limportance économique du nucléaire se prépare en anticipant de très loin
cest-à-dire une dizaine dannées en avance les évolutions
nécessaires. La démarche de la loi de 1991 est progressive. Elle vise à préparer les
décisions par la mise au point dun corpus de connaissances et de méthodes qui
permettront des décisions non seulement rationnelles mais aussi respectueuses des
attentes souvent contradictoires de nos concitoyens. Il sagit de se préparer à
résoudre des problèmes incontournables comme la mise à disposition doutils de
recherche, léventuel renouvellement du parc nucléaire ou la saturation des
entreposages.
- la démarche progressive de la loi de 1991 :
La démarche de la loi de 1991 est une démarche progressive voire
progressiste. La loi a recensé, avec laide des scientifiques, lensemble des
pistes de recherche susceptibles dapporter une solution au problème de la gestion
des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue. La loi oblige ensuite la
collectivité à un effort programmé de recherche. Il sagit sans doute dun
exemple unique où la foi dans la recherche est inscrite concrètement dans la loi.
Lesprit de la loi, vos Rapporteurs ne le répéteront jamais
assez, est de ne fermer aucune porte, y compris celle du stockage profond. Cette dernière
ne saurait désormais être considérée comme la solution satisfaisante entre toutes. Au
contraire, cest la solution de rattrapage dont il faut pouvoir disposer, au cas où
toutes les autres savéreraient trop coûteuses ou trop aventureuses.
Vos Rapporteurs insistent sur le fait quau contraire de ce que
quelques-uns veulent laisser croire, rien ne démontre pour linstant que le stockage
profond représente une solution obscurantiste, à laquelle on opposerait les voies
iréniques de la transmutation intégrale ou du " provisoire
définitif ".
Mais pour vos Rapporteurs, se préoccuper des générations futures ne
signifie pas quil faut prendre des décisions immédiates dès lors quelles ne
seraient pas fondées. Il ne sagit pas non plus de ne rien faire et dopter
pour un immobilisme qui, paradoxe, serait considéré avec plus de faveur quune
démarche responsable. Selon la formule classique, dans le domaine de la gestion des
déchets radioactifs à haute activité et à vie longue comme dans toute activité
humaine, lavenir sinventera en marchant, cest-à-dire au fur et à
mesure des échecs et des avancées des travaux menés, comme cest le cas en France,
avec talent et détermination par des chercheurs et ingénieurs dévoués à leur mission.
- quelques défis incontournables à relever en temps et en heure
Les échéances capitales ou les périodes critiques sont nombreuses
pour les cinquante prochaines années dans le domaine de lélectricité nucléaire.
Les deux schémas suivants recensent quelques dates dun basculement possible vers
une lincohérence ou la faillite programmée dune filière qui a contribué
dune manière décisive à lamélioration du niveau de vie des Français. On
distingue les dates clés concernant les réacteurs de celles relatives au cycle du
combustible.
Figure 22 : principales échéances pour les réacteurs nucléaires
2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040
RNR
début
PX
pleine
charge
entrée
REP
Calendrier EPR selon projections EDF
Pour les recherches sur laxe 1 de la loi de 1991, lenjeu
majeur des 7 années qui nous séparent du rendez-vous de 2006, cest larrêt
définitif de Phénix programmé pour la fin de lannée 2004. Le CEA indique
quil recourra alors aux sources de neutrons rapides de ses partenaires étrangers et
aux services de son nouveau réacteur dirradiation, le RJH, pour continuer ses
études sur la transmutation. On peut toutefois estimer quil y aura alors, à
compter de 2006, suite à larrêt de Superphénix, un vide de 4 ans au minimum pour
continuer des recherches ou valider des résultats, à condition toutefois quun
futur réacteur hybride optimisé pour lincinération des déchets voit
effectivement le jour à la date prévue de 2010.
Une autre échéance fondamentale pour laval du cycle est celle
de la construction dune tête de série EPR. Cest en effet tout
léquilibre de laval du cycle qui est conditionné par la capacité de
lEPR à utiliser le stock de plutonium en en produisant moins quil nen
consomme. Il est en loccurrence indispensable quune décision soit prise dès
lannée prochaine afin quun EPR non seulement soit opérationnel mais aussi
ait accumulé un retour dexpérience suffisant, au moment, en 2010, où commencera
le processus dinstruction du renouvellement éventuel du parc nucléaire.
Mais dautres décisions constituent des échéances capitales
pour laval du cycle. Les observateurs avertis voient la période 2020-2030 comme la
période névralgique des prochaines années. Cest à partir de cette année en
effet que les réflexions sur un éventuel renouvellement des installations de La Hague
devront prendre un tour très concret.
En effet, cest à cette occasion que sera éventuellement
amendée la règle structurante pour tout laval du cycle, du rendement de
lextraction du plutonium dans les solutions de retraitement.
Que la décision soit prise dadmettre un certain pourcentage (par
exemple 2 à 3 %) de plutonium dans les déchets de retraitement, et cest tout
léquilibre économique du cycle qui serait à terme modifié, avec une baisse
corrélative du coût du retraitement, donc du plutonium et du Mox, dont lintérêt
croîtrait pour EDF en termes de fournisseur dénergie.
Enfin la rétroaction des décisions sur les quantités retraitées est
manifeste sur les marges dentreposage, avec des échéances très précises, selon
les cas (voir figure suivante).
Figure 23 : échéances importantes concernant laval du cycle
2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040
5.2. remettre à lhonneur la rationalisation des choix dinvestissement
Lanalyse de la rentabilité de dépenses de recherche est un
exercice par essence délicat. La recherche a pour but douvrir de nouvelles voies et
pour ce faire, il est indispensable dinvestir des moyens dans des travaux dont on ne
peut savoir à lavance sils déboucheront sur des résultats valorisables.
Lévaluation économique directe des efforts conduits pour
lapplication de la loi de 1991 est dautant plus difficile que lon se
trouve actuellement à mi-parcours du temps imparti. De surcroît, la pratique française
dans la recherche et le développement sont souvent de considérer le chiffrage a priori
des dépenses nécessaires et lévaluation a posteriori de leur utilité comme une
question dintendance sans intérêt par rapport aux progrès à apporter à la
connaissance.
Cest pourquoi, bien quils aient trouvé, auprès de leurs
interlocuteurs, le meilleur accueil à leurs demandes de précisions budgétaires, vos
Rapporteurs ne se risqueront pas dans le cadre du premier tome de ce rapport à donner des
chiffres définitifs, cest-à-dire précis et exhaustifs, sur les dépenses
actuellement faites. Mais quelques ordres de grandeur peuvent néanmoins être fournis, en
précisant quil sagit de données fragmentaires et dont les bases
nécessiteraient dêtre explicitées et vérifiées.
Le tableau suivant donne à cet égard les coûts de fonctionnement et
dinvestissement approximatifs de quelques programmes relatifs à la loi de 91.
Tableau 50 : éléments financiers relatifs aux recherches sur
laval du cycle
installation |
fonctions-modalités
|
budget annuel
|
coût
dinvestissement études et construction |
Axe 1 : séparation- transmutation
|
budget CEA |
· recherches sur la séparation et la
transmutation
|
359 millions de F (1998)
|
90 millions de F (1998) |
Atalante |
· laboratoire de recherche et développement
de procédés sur la séparation
|
· une part substantielle du budget CEA axe 1
correspond aux travaux conduits les 212 chercheurs
|
· investissement cumulé de 1,5 milliard de
F sur la période 1984-1998
· investissements additionnels de 0,6 milliards sur la
période 1996-2008
|
démonstrateur européen de réacteur hybride |
· réacteur spécialisé dans les études
sur la transmutation
|
nd
|
· 2 à 3 milliards de F, dont 50 % à la
charge de la France
|
réacteur Jules Horowitz |
· réacteur dirradiation pour la
recherche adapté aux études sur la transmutation
|
nd
|
· ¼ du montant total dun
investissement de 2 à 3 milliards de F
|
Axe 2 : stockage profond réversible ou
irréversible
|
budget CEA |
|
113 millions de F (1998)
|
8 millions de F (1998)
|
budget Andra |
|
323 millions de F (1997)
|
|
Laboratoires souterrains de lAndra sur
les 3 sites de Bure, Marcoule et La Chapelle-Bâton |
· laboratoires détude du stockage
réversible ou irréversible en couches géologiques
|
· 728 millions de F par an en moyenne sur la
période 1998-2006 pour les 3 laboratoires
|
2,694 milliards de F
|
Axe 3 : conditionnement et entreposage de longue
durée en surface ou en sub-surface
|
budget CEA |
· conditionnement et entreposage en surface
|
298 millions de F (1998)
|
31 millions de F (1998)
|
base de référence : Cascad
CEA Cadarache |
· entreposage à sec de combustibles
usés
· capacité :
· durée de vie : 50 ans
|
· 8 millions de F (frais de personnel
inclus)
|
· 100 millions de F
|
base de comparaison : CLAB (Suède) |
· entreposage en sub-surface de
combustibles irradiés
· capacité : 8000 tonnes de métal lourd
· durée de vie : 60 ans
|
· 9,3 millions de F par an
|
· 5, 5 milliards de F
· 400 millions de F prévus pour le démantèlement
|
Ces éléments partiels doivent être mis en regard des
évaluations globales dont on dispose sur le coût de laval du cycle. Selon
certaines sources, au demeurant bien peu nombreuses, lordre de grandeur du coût
dinvestissement pour laval du cycle serait pour les quatre prochaines
décennies de la centaine de milliards de francs. La marge dincertitude serait très
grande, dépendant des options qui seront ouvertes par la recherche. Les incertitudes
majeures sont les suivantes : louverture ou non dun centre de stockage en
profondeur, le renouvellement ou non des installations de La Hague, la construction ou la
non-construction de réacteurs dincinération des actinides mineurs. La base de
référence reste toutefois le coût de production des 400 TWh produits annuellement en
France, qui est aussi de lordre de la centaine de milliards de F.
On estime à lheure actuelle que le coût de gestion de
laval du cycle représente 5 à 10 % du coût du kilowattheure. Avec une gestion
intégrée et complète de lensemble du cycle, la dépense devrait passer à environ
20 % du coût total.
Ce coût est évidemment à comparer à celui de la gestion des
déchets produits dans dautres filières énergétiques.
On ne dispose évidemment pas, pour le moment, de chiffres relatifs au
coût de la nuisance occasionnée par le gaz carbonique. Ce chiffrage essentiel pour
évaluer la compétitivité globale de lélectricité nucléaire reste à faire et
restera sans doute longtemps dans lombre, compte tenu de la puissance des intérêts
pétroliers en jeu.
La seule base de comparaison dont on peut faire état est celle du
coût de désulfuration dune centrale thermique à charbon qui est de lordre
de 10 à 20 % du coût du kWh produit. Laval du cycle nucléaire représenterait
donc une dépense dun ordre de grandeur parfaitement acceptable.
En tout état de cause, vos Rapporteurs estiment que des études
économiques complètes doivent désormais être inscrites au premier rang des priorités
de tous les acteurs de laval du cycle, et bien entendu, souhaitent les encourager.
Conclusion
Comment produire lélectricité sans le nucléaire, en France et
en Europe ? Pour nos pays, la question na pas de solution à court terme. Elle
nen a pas non plus à moyen terme, si lon veut respecter les engagements pris
à Kyoto de réduire de 8 % à lhorizon 2008-2012 les émissions de gaz à effet de
serre. Car la montée en régime des énergies renouvelables va prendre du temps et
plafonner en raison des leurs contraintes techniques et de leurs coûts. Indispensable
dans nos pays développés, lélectricité nucléaire le deviendra également dans
les pays en développement, où les besoins en énergie vont exploser avec le
développement économique. Pour vos Rapporteurs, le dilemme est le suivant :
déchets nucléaires ou changement climatique.
Cest dans ce contexte que des échéances capitales se profilent
à lhorizon pour la filière nucléaire française : le rendez-vous de 2006
fixé par la loi du 30 décembre 1991 pour décider de lorganisation de la gestion
des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et le renouvellement du parc
nucléaire.
Dans son rapport de mars 1996 sur les déchets civils, votre
Rapporteur insistait sur le besoin de cohérence dans laval du cycle. Il semble que,
dans la droite ligne de cette recommandation, il soit nécessaire de rappeler, à la
mi-temps du délai instauré par la loi, les règles du jeu aux différents protagonistes.
Il est malheureusement clair quaujourdhui les acteurs de la
filière nucléaire sont soumis à des influences trop nombreuses.
Pendant des décennies, les grands choix de la filière nucléaire ont
été faits sous lemprise de lurgence par des cercles restreints, sans
consultation de la représentation nationale, voire sans transparence vis-à-vis de
lopinion.
Voici venu le temps de la sollicitation tous azimuts des organismes de
la filière nucléaire. Pressés de toute part de répondre à des demandes provenant de
cercles divers - habilités ou non à recueillir linformation ou à orienter des
programmes - il ne faudrait pas quils naient plus le temps de faire leur
métier ou quils cèdent à des fausses urgences.
Le cas du CEA est à cet égard éclairant. Il vient dencaisser,
avec la fermeture de Superphénix, un coup darrêt sur son programme
dexpérimentation sur les réacteurs à neutrons rapides de grande puissance. Le
voici maintenant pressé de définir dans lurgence son futur réacteur
dirradiation, destiné à la recherche fondamentale, en essayant den faire
aussi une machine à neutrons rapides, ce qui nétait pas du tout prévu au départ.
Simultanément, le soufflé médiatisé des réacteurs hybrides prend une ampleur telle
quil lui faut aussi prendre parti sur les caractéristiques dun réacteur
hybride européen dont les contours et le coût sont aussi flous que sont nombreuses les
écoles de pensée ou les stratégies budgétaires des organismes concernés.
Le temps de la recherche nest pas celui de lannée
calendaire ou de lexercice comptable. Les coups de barre à intervalles trop
rapprochés, surtout quand ils sont peu ou totalement non fondés, sont nuisibles au bon
déroulement dun programme de recherche fondamentale et même de recherche
appliquée.
La confusion des rôles est aussi un grand danger qui guette la
deuxième mi-temps de la période de 15 ans instaurée par la loi du 30 décembre 1991.
Les glissements progressifs de la commission nationale dévaluation dans
lexécution de la partition qui lui est confiée, en sont un exemple.
Lopacité des décisions a été longtemps la règle dans le
nucléaire et est uniment dénoncée et regrettée. La transparence sinstalle peu à
peu, grâce en particulier à laction persévérante et même inlassable de
lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques.
Il ne faudrait pas quaprès le temps de lopacité, vienne
le temps de lobscurité, où, sous laction de quelques conseillers et de
lobbies occultes tout aussi simplificateurs que ne létaient les nucléocrates en
leur temps, sélaborent des choix tronqués déconnectés des responsabilités
concrètes et de la nécessaire transparence démocratique.
Laissons les acteurs de la recherche jouer leur rôle. Informons
clairement nos concitoyens sur les enjeux de la gestion des déchets, au fur et à mesure
quils sont dévoilés par des études aussi complètes que possible.
Réfléchissons aussi dès aujourdhui sur les critères de
décision, en particulier économiques, dont la représentation nationale devra disposer
en 2006 pour faire face à sa responsabilité écrasante mais assumée avec courage de
décider de lorganisation de la gestion des déchets radioactifs à haute activité
et à vie longue.
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS
Les Rapporteurs insistent sur la nécessité de :
1. Autoriser le passage à 28 tranches de centrales moxées dans des
délais rapides
2. Etudier les coûts du stockage profond
3. Mettre en place une procédure assurant la reprise par les
électriciens étrangers de leurs stocks de plutonium dans les meilleurs délais
4. Eviter les solutions hâtives pour le réacteur Jules Horowitz et le
projet de réacteur hybride
5. Concevoir un EPR fonctionnant au combustible Mox
6. Préciser le concept et les coûts dentreposage des
combustibles irradiés non retraités
EXAMEN DU RAPPORT PAR LOFFICE
Le présent rapport a été examiné par les députés et les
sénateurs membres de lOffice lors de la réunion qui sest tenue à
lAssemblée nationale le mercredi 10 juin 1998.
A lissue de lexposé par M. Christian Bataille et M. Robert
Galley des conclusions de leur rapport, M. Jean-Yves Le Déaut, député et président de
lOffice a félicité les Rapporteurs de traiter des questions nouvelles relatives à
la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et de montrer
quelles sont les réflexions et les décisions prises à létranger. M. Jean-Yves Le
Déaut a insisté sur le parallélisme nécessaire entre la démarche de création de
laboratoires souterrains et la reprise par les électriciens étrangers des déchets issus
du retraitement de leurs combustibles.
Mme Michèle Rivasi, députée, a remercié les Rapporteurs
davoir obtenu la transparence sur les flux de plutonium et souhaité que leur étude
soit approfondie dans le domaine des coûts, de façon à permettre des choix pertinents,
non seulement sur le plan technique mais aussi sur le plan économique. Mme Rivasi a
également insisté sur la nécessité de porter en pleine lumière le problème des
réexpéditions du plutonium et des déchets correspondant aux combustibles étrangers.
Mme Rivasi a proposé une réflexion portant sur la création
dune structure pluripartite qui aurait pour mission de dégager les implications
financières déventuelles décisions sur le cycle du combustible.
M. Bataille a alors rappelé que lOffice nest pas une
structure de décision mais de proposition.
M. Yves Cochet, député, a indiqué quil ne pourrait voter en
faveur du rapport, en raison des prises de position en faveur du nucléaire énoncées
dans lavant-propos. Pour autant, de son point de vue, les Rapporteurs ont eu raison
de se pencher sur la question du plutonium, qui est actuellement une question décisive,
en raison de ses implications militaires et diplomatiques. Il sest également
interrogé sur lintérêt de continuer à retraite le combustible irradié et sur
les possibilités réelles de transmutation des déchets.
M. Cochet, député, a également relevé que le rapport soulève
nombre de questions pertinentes sur les chances de succès de certains travaux de
recherche menés en application de la loi du 30 décembre 1991.
En réponse à une remarque de M. Cochet, M. Bataille a précisé
quil navait jamais caché dans ses rapports successifs que les formations
géologiques étudiées dans les laboratoires souterrains pourraient devenir, si le
Parlement le décidait en 2006, des sites daccueil pour les centres de stockage des
déchets nucléaires.
M. Claude Gatignol, député, a souligné lintérêt du rapport
et a souligné son opportunité, alors que lindustrie nucléaire civile aborde un
moment important de son histoire.
M. Gatignol a estimé que si le stockage en couches géologiques
savérait inévitable, ce serait, somme toute, un inconvénient limité par rapport
aux effets très positifs de lénergie nucléaire quant à la lutte contre
leffet de serre.
M. Bataille précise alors que cest grâce aux laboratoires
souterrains prévus par la loi du 30 décembre 1991 que lon pourra évaluer
lintérêt et les limites du stockage souterrain.
M. Serge Poignant, député, a noté que le rapport contribue à
lémergence dune vision densemble de la problématique de laval du
cycle. Il approuve lidée selon laquelle, malgré limportance des décisions
à prendre, des décisions trop rapides sont à éviter.
Les Rapporteurs ayant indiqué que le temps leur avait manqué pour
approfondir lanalyse des coûts des recherches et des ébauches de solution pour la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, lensemble des
membres de lOffice présents donnent leur approbation à la poursuite de
létude et à la publication dun deuxième tome.
En application de larticle 32 du Règlement intérieur de
lOffice, les membres de la Délégation ont décidé à la majorité
dautoriser la publication du présent rapport.
ANNEXE 1
PERSONNALITES AUDITIONNEES
Secrétariat dEtat à lIndustrie :
M. C. MANDIL Directeur général de l'Énergie et des Matières Premières,
Secrétariat d'État à l'Industrie
M. P. KAHN Chef du Service des Affaires Nucléaires
Ministère de lAménagement du Territoire et de lEnvironnement :
M. B. LAPONCHE Conseiller technique
M. P. VESSERON Directeur de la Prévention des Pollutions et des Risques, Ministère de
l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement
ANDRA :
M. Y. KALUZNY Directeur général
M. E. BOISSAC Directeur de la Communication
CEA :
M. Y. dESCATHA Administrateur général
M. B. BARRÉ Directeur des Réacteurs Nucléaires
M. N. CAMARCAT Directeur du Cycle du Combustible
M. P. BERNARD Directeur du Programme loi du 30 décembre 1991
M. B. BOULLIS Responsable du programme SPIN et du programme Retraitement à moyen-long
terme
M. J-C PERRAUDIN Direction de la Communication
M. R. PELLAT Haut Commissaire à lEnergie Atomique
CEA-Marcoule :
M. GUILLAMOT Directeur du CEA-Marcoule
M. COURTOIS Directeur du DRRV
M. LHOMME Directeur adjoint de la DRN
M. ELIE Chef du département de la centrale Phénix
CEA-Cadarache :
M. de la GRAVIERE Directeur du CEA Cadarache
M. MARTIN-DEIDIER Chef du DSD
M. IRACANE Chef du projet ETLD
M. COSTA Adjoint au directeur de la DRN
M. BONNET Chef du DEC
M. BATTESTI Chef de lINB Cascad
CNRS - IN2P3 (Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des
Particules - institut national du CNRS) :
M. C. DÉTRAZ Directeur
COGEMA :
M. J. SYROTA Président-Directeur général
M. J-L RICAUD Directeur de la Branche Retraitement et de la Branche Industrie
M. PRADEL Directeur adjoint de la Branche Retraitement
DSIN :
M. A-C LACOSTE Directeur de la Sûreté des Installations Nucléaires
M. P. SAINT RAYMOND Directeur-Adjoint
EDF :
M. P . DAURES Directeur général
M. B. DUPRAZ Directeur adjoint de la Production et du Transport, Responsable
de lexploitation du parc nucléaire
M. ESTÈVE Sous-Directeur délégué aux Combustibles, chef du service Combustible
M. G. MENJON Directeur des Etudes et de la Recherche
M. B. TINTURIER Contrôleur général
M. E. EUGENE Direction de la Communication
FRAMATOME :
M. J-P LANNEGRACE Directeur général adjoint et Directeur du combustible
nucléaire
M. A. VALLÉE Directeur technique et Qualité Groupe
M. J-M FRANKEL Adjoint du Directeur du Combustible
ANNEXE 2
Glossaire des sigles et termes techniques utilisés
actinides mineurs |
éléments de numéro atomique compris entre 89 et 103 de la
classification de Mendeleiev. Les actinides majeurs sont luranium et le plutonium.
Les autres actinides sont dits actinides mineurs et comprennent notamment
laméricium, le neptunium et le curium formés dans les combustibles irradiés. |
activité |
nombre de désintégration par unité de temps qui à un
instant donné se produit dans une source radioactive unité : becquerel |
AEN-OCDE |
Agence de lénergie nucléaire de lOCDE |
AGR |
Advanced Gas cooled Reactor : réacteur de conception
anglais le Royaume Uni en possède 14 en fonctionnement |
AIEA |
Agence internationale de lénergie nucléaire
située à Vienne, cette agence intergouvernementale fait partie de la galaxie de
lONU |
ANDRA |
Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs |
Becquerel |
unité dactivité pour un élément radioactif :
nombre de désintégration par seconde |
CNE |
Commission Nationale dEvaluation créée par la loi du
30 décembre 1991 " le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un
rapport faisant état de lavancement des recherches sur la gestion des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue [...]. Le Parlement saisit de ces rapports
lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques.
Ces rapports sont rendus publics. Ils sont établis par une commission nationale
dévaluation composée de ... " |
DOE |
Department of Energy équivalent de ce que serait en
France un Secrétariat dEtat à lEnergie |
dose absorbée |
énergie cédée par le rayonnement à lunité de masse
de la matière exposée unité : le gray |
EPR |
European Pressurized Reactor : projet franco-allemand de
réacteur à eau pressurisée du futur développé par Framatome et Siemens réunis au
sein de la société NPI |
équivalent de dose |
produit de la dose absorbée par un facteur Q tenant compte
à faible dose de la nocivité relative des rayonnements unité : Sievert
(Sv) ; autre unité utilisée auparavant : le rem (1 Sv = 100 rem) |
équivalent de dose efficace |
somme des équivalents de dose reçus par les organes et les
tissus pondérés pour obtenir le risque sanitaire global unité : le Sievert |
Gray |
unité de dose : quantité dénergie absorbée par
la matière : 1 joule par kilogramme |
GW |
unité de puissance installée exemple : la
France a un parc installé de 60 GW environ |
h.Sv |
unité de dose collective : exprime le total des doses
de radioactivité reçues par une population donnée |
limite annuelle dincorporation de dose |
la réglementation fixe pour chaque radioélément des
limites annuelles dincorporation par ingestion ou inhalation (LAI). Elles sont
exprimées en becquerels |
mSv/an |
unité de débit déquivalent de dose |
Mox |
Mixed Oxide Fuel |
MWj/t |
mégawattjour par tonne : unité exprimant le taux de
combustion dun combustible nucléaire |
période |
la période radioactive est le temps nécessaire pour
quune quantité donnée de matière radioactive perde la moitié de sa
radioactivité. En 2 périodes, la radioactivité tombe à ¼ de son niveau initial. En 10
périodes, elle tombe à 1/1000 ème. En 20 périodes, elle tombe à
environ 1/1 000 000 ème. |
produits dactivation |
radioéléments formés par irradiation des gaines de
combustible, des embouts et autres matériaux de structure des réacteurs nucléaires |
produits de fission |
les deux noyaux formés après la fission de luranium
ou du plutonium ainsi que leurs descendants sont appelés produits de fission |
réacteur hybride |
réacteur nucléaire sous-critique dans lequel un flux
extérieur de neutrons additionnels est inséré ; ce flux de neutrons est créé par
spallation |
REN |
réacteur à eau naturelle par opposition au réacteur à eau
lourde |
REP |
réacteur à eau pressurisée exemple : les
réacteurs du parc EDF |
RJH |
projet de réacteur dirradiation du CEA |
séparation |
opération chimique consistant à isoler les corps simples
dun mélange |
sievert |
unité de dose absorbée pondérée dun facteur Q et
exprimant le risque relatif correspondant à la qualité du rayonnement qui la
délivré. Q est fonction du nombre de paire dions créés par unité de longueur le
long de la trajectoire de la particule provoquant lionisation. On a
lexpression suivante : H (dose exprimée en
Sievert) = D (exprimé en gray) x Q. En pratique, on prend Q=1 pour les
électrons, les rayons g et les rayons X, Q=20 pour les rayons a et Q=10 pour les neutrons |
spallation |
phénomène de libération de neutrons par un faisceau de
particules à haute énergie, par exemple des protons, percutant une cible constituée
dun métal lourd, par exemple le plomb |
transmutation |
dans le cas des déchets radioactifs à haute activité,
opération de transformation des radionucléides à vie longue dans des noyaux stables, en
transitant éventuellement par des corps à durée de vie nettement plus courte |
TWh |
térawattheure : unité de production
délectricité ; 1 TWh = 1012 wattheure ou 109
kilowattheure ; exemple : la production annuelle française délectricité
nucléaire est de lordre de 400 TWh |
UNGG |
uranium naturel graphite gaz : première génération
des réacteurs nucléaires français fonctionnant avec de luranium naturel comme
combustible, du graphite comme modérateur et du gaz carbonique comme caloporteur |
vie longue |
un radioélément est considéré comme étant à vie longue
lorsque sa période est supérieure à 30 ans et inférieure à 1 milliard dannées.
En dessous de 30 ans, il est considéré comme étant à vie courte. Au-dessus dun
milliard dannées, il est considéré comme stable. |
© Assemblée nationale
|