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N° 1496

 

N° 285

____

 

___

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

   

ONZIÈME LÉGISLATURE

 

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

___________________________________

 

___________________________________

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 mars 1999

 

Annexé au procès-verbal de la séance
du 25 mars 1999

















________________________

RAPPORT

________________________

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

________________________

RAPPORT

SUR
LE CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ ET DE LA SÉCURITÉ
DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

Deuxième partie :
Le bilan et les perspectives de la politique de sûreté des installations nucléaires

par
M. Claude BIRRAUX,
Député

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Jean-Yves LE DÉAUT,
Vice-Président de l'Office.

 

Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.

______________________________________________________________

Énergie et carburants

 

Ne parle et n’agis point
sans avoir réfléchi.
Sois juste.

Pythagore
Les Vers Dorés

 

Table des matières

Saisine *

Avant-propos *

Titre I : Les domaines où des progrès plus rapides sont souhaitables *

Chapitre I : LA SÛRETÉ ET LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS CIVILES NUCLÉAIRES AU NIVEAU INTERNATIONAL *

I - L’AGENCE INTERNATIONALE DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE (AIEA) :
DES PROGRÈS CERTAINS ET UN FORUM IRREMPLAÇABLE
*

A. La convention internationale sur la sûreté nucléaire est entrée en vigueur *

B. Les programmes d'évaluation et d'amélioration de la sûreté nucléaire dans les pays
de l'Est
*

1. Les moyens dégagés : la France ne réalise pas l’effort qui devrait être le sien *

2. La mise en place de la politique de sûreté des centrales d’Europe de l’Est *

a) Les défauts des réacteurs des centrales des PECO demeurent rédhibitoires *

b) Le positionnement de l'AIEA : diagnostic et conseils aux autorités de sûreté *

c) Une amélioration de la sûreté qui doit s'inscrire dans la refonte du secteur énergétique *

1) La fermeture des réacteurs, impossible aujourd'hui, n'empêche pas la recherche de solutions alternatives ou complémentaires *

2) Les obstacles majeurs sur lesquels butaient la coopération internationale indispensable sont-ils levés ? *

C. La participation de la France aux activités de l’AIEA *

1. Les activités de l’AIEA et la collaboration de la France *

2. La participation française aux missions d’inspection *

II - LE RÔLE DE L’UNION EUROPÉENNE *

A. Le cadre d’action général *

1. La Charte européenne de l'Energie *

2. Les initiatives européennes communautaires *

B. Les critiques de la Cour des Comptes européenne *

1. Appréciation d’ensemble *

2. Efficacité *

3. Efficience *

C. Analyse de la situation *

1. Une réforme des mécanismes internes de la Commission est nécessaire *

2. Il est nécessaire que la Commission délègue sa compétence à l’association des autorités de sûreté *

Chapitre II : LA RADIOPROTECTION *

I - LE DÉBAT SCIENTIFIQUE SUR L’EFFET DE LA RADIOACTIVITÉ SUR LA SANTÉ HUMAINE *

A. L’importance de la radioactivité naturelle *

B. Les effets des rayonnements ionisants sur la santé *

1. Les effets certains *

2. L’impact sur la santé de l’exposition à de faibles doses radioactives *

a) L’approche épidémiologique *

b) La radiobiologie permet-elle de trancher ce débat ? *

c) Les principes qui guident la radioprotection *

d) La révision des normes de radioprotection *

1) Un contexte français plutôt tendu *

2) Un débat complexe et touffu *

3) Un débat tronqué, qui laisse de côté les véritables questions *

II - L’IMPACT DES ANALYSES ET DES RECOMMANDATIONS DE L’OFFICE PARLEMENTAIRE SUR LA PROTECTION RADIOLOGIQUE DES PERSONNES *

A. L’évolution des structures : une satisfaction formelle *

1. La radioprotection peut-elle être une priorité pour le ministère de la Santé ? *

2. Une évolution en trompe-l’œil *

3. Les propositions du rapport au Premier ministre de Jean-Yves LE DÉAUT *

B. Les réseaux *

C. Les études *

D. La définition des normes *

E. Les hommes : le problème de la sous-traitance et du respect de la réglementation *

F. La gestion de la dosimétrie *

Titre II : Les évolutions satisfaisantes *

Chapitre I : L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ *

I - L’ANALYSE DU RAPPORT DE 1990 …   *

II -   ... A ÉTÉ ENTENDUE *

III - FAUT-IL RÉFORMER LA DSIN ? *

Chapitre II : L’ORGANISATION DE LA SÛRETÉ AU SEIN DES ORGANISMES PUBLICS ET PARMI LES EXPLOITANTS *

I - LE COMMISSARIAT A L’ÉNERGIE ATOMIQUE : DES PROGRÈS
INDÉNIABLES
*

A. Des réformes profondes au début des années 90 *

B. L’évolution du CEA *

1. Une profonde mutation *

2. Des résultats au niveau des sites correspondant aux recommandations de
l’Office parlementaire
*

II - EDF : LES DANGERS DE L’AUTOSATISFACTION *

A. Les conclusions du rapport pour 1998 de la DSIN *

1. Les termes du rapport de la DSIN *

2. L’analyse du rapporteur *

B. Les améliorations apportées à la sûreté, suite aux interventions de l’Office parlementaire *

1. Un apport indéniable de l’Office parlementaire : l’amélioration de la
maintenance
*

2. Un meilleur respect de la législation du travail *

Titre III : Les problèmes en suspens *

Chapitre I : LE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES *

I - DÉMANTÈLEMENT IMMÉDIAT OU DIFFÉRÉ ? *

II - QUE FAIRE DES DÉCHETS DU DÉMANTÈLEMENT ? *

III - LE COÛT DU DÉMANTÈLEMENT *

Chapitre II : LES EFFLUENTS RADIOACTIFS *

I - LES EFFLUENTS RADIOACTIFS DES CENTRALES : POURQUOI ET COMMENT ? *

II - LES RÉPONSES DES EXPLOITANTS AUX RECOMMANDATIONS DE
L’OPECST
*

Chapitre III : LES RÉSIDUS MINIERS *

I - UN PROBLÈME DIFFICILE *

A. L'extraction et le traitement de l'uranium génèrent des résidus variés *

B. Il faut s'efforcer de mettre en place les garanties d'une protection pérenne *

II - LA RÉPONSE DE LA COGEMA *

Conclusion *

Examen du rapport par l’Office *

Annexes *

Annexe I : LISTE DES AUDITIONS OUVERTES À LA PRESSE ORGANISÉES
PAR LE RAPPORTEUR
*

Annexe II : LISTE DES CONFÉRENCES ET MANIFESTATIONS QUI ONT
DONNÉ LIEU À UNE PRESTATION ACTIVE DU RAPPORTEUR
*

Annexe III : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR *

Annexe IV : LEXIQUE *

Annexe V : AVIS DU GROUPE PERMANENT CHARGÉ DES RÉACTEURS NUCLÉAIRES SUR L’EXAMEN DE LA SÛRETÉ DU RÉACTEUR PHÉNIX 203

 

 

Saisine

 

Avant-propos

Depuis 1990, j’ai présenté, dans le cadre de l’Office parlementaire, huit rapports sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Ils totalisent 15 volumes, 4 587 pages et 118 propositions. Ils ont permis à l’Office parlementaire d’aborder l’ensemble des questions touchant à la sûreté et à la sécurité nucléaire.

Les thèmes suivants ont été abordés :

    • Problèmes internationaux

    • Le rôle de l’AIEA et de l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire (90)
    • Le contrôle de l’énergie nucléaire en Finlande (90), en Suède (90), en Belgique (90), en Allemagne (90, 94), au Royaume-Uni (94), dans les pays d’Europe orientale, en voie de développement et les nouveaux pays industrialisés (92)
    • Le service central de sûreté des installations nucléaires (90)
    • L’Autorité chargée de la radioprotection (91)
    • Les CLI (91)
    • La communication et l’information (90)
    • Sécurité nucléaire et sécurité civile (92)
    • Le contrôle de la sûreté des transports de matières radioactives (94)

    • Les organismes publics

    • Le CEA (90), l’organisation de la sûreté au CEA (91)
    • L’IPSN (90)
    • EDF (90)

    • Le fonctionnement des centrales nucléaires

    • Maintenance et sûreté des installations nucléaires à EDF (91)
    • La réforme de la maintenance à EDF (97)

    • La technologie des réacteurs

    • Les réacteurs du futur (91)
    • Le contrôle de la sûreté et de la sécurité autour des réacteurs à neutrons rapides (91)
    • Le dossier Superphénix (94),
    • Le projet de réacteur hybride du Pr Carlo Rubbia (97)
    • Le projet de réacteur nucléaire franco-allemand, EPR (98)

    • Le cycle du combustible et la gestion des déchets

    • Le MOX et MELOX (90)
    • L’organisation de la sûreté à la COGEMA (91)
    • La gestion des déchets nucléaires de très faible activité (96)
    • La gestion des résidus issus de l’extraction et du traitement des minerais d’uranium (96)
    • La gestion des effluents au CEA (96)
    • Les effluents radioactifs des installations nucléaires (94)

    • Le démantèlement des installations nucléaires (95)

    • La radioprotection

    • Le débat sur les faibles doses (90)
    • La radioprotection des travailleurs extérieurs des centrales nucléaires (94)
    • Les fondements scientifiques des normes de radioprotection (96)
    • La protection radiologique des travailleurs extérieurs au nucléaire (97)

Le rapport que je présente aujourd’hui correspond à la seconde partie de la saisine de l’OPECST, la première ayant traité du réacteur franco-allemand EPR.

La démarche de l’Office est originale et innovante. En effet, c’est la première fois que des rapports parlementaires traitent sur une longue période un thème aussi précis que controversé, en essayant d’être dans une démarche de fond, scientifique, technologique et de prospective.

C’est aussi la première fois que l’évaluateur tente une évaluation des suites données à ses rapports.

L’exercice est difficile, car on pourrait croire au premier abord qu’il s’agit d’une auto-évaluation. Or, ce sont les suites données aux recommandations de l’Office qui sont examinées, c’est-à-dire la mesure de l’impact de ces recommandations.

La seconde question que l’on peut se poser est celle de l’indépendance de l’évaluateur. J’ai conduit personnellement ces études avec la seule assistance de fonctionnaires parlementaires pour m’assurer une indépendance totale.

Ce débat est toujours controversé car faussé par une vision sectaire de l’indépendance des experts. De plus en plus, pour ne pas dire toujours, un expert " indépendant " est celui qui est d’accord avec vous quand vous êtes contre quelque chose.

Déjà, dans le second rapport, je traçais les lignes directrices de mon action, lignes dont je n’ai pas dévié, quelles que soient les circonstances ou les majorités parlementaires. J’en rappelle les principes :

    • je suis le regard extérieur du nucléaire, celui qui contrôle le contrôle. Je n’ai ni la vocation, ni l’envie de me substituer à qui que ce soit ;
    • je conduis ma mission au plus près du terrain en observant sur pièce et sur place ;
    • j’organise des auditions ouvertes à la presse –contribution majeure à la transparence- où toutes les parties concernées peuvent se faire entendre. Le compte rendu intégral est publié.

La pérennité de la mission a changé la nature de mes relations avec mes interlocuteurs. Ces derniers ont compris que je ne me contenterai jamais d’une approche superficielle et d’une argumentation d’affichage et de façade. Aller au fond des thèmes, faire sortir les réponses que l’on voudrait garder plus ou moins cachées, pour faire émerger les paramètres des choix, éclairer et motiver les décisions, tels ont été mes objectifs constants. La difficulté des thèmes ou la technicité des débats n’ont jamais été un frein à ma volonté de conduire à leur terme mes études, bien au contraire.

Je pense même que le débat a changé d’âme. L’Office est devenu le lieu où l’on peut débattre d’une manière sereine et posée des problèmes nucléaires. Lors de l’audition sur l’EPR, nos invités allemands ont été stupéfaits que le dialogue ait pu se dérouler aussi sereinement entre les industriels, les politiques, les écologistes et les syndicalistes.

Conscient et confiant dans mon rôle de rapporteur, j’ai veillé scrupuleusement à ce que chacun puisse s’exprimer librement et que les questions posées ne restent pas sans réponse.

Si je suis resté sourd aux critiques feutrées disant que ce n’était pas le rôle du Parlement de traiter de ces sujets, je constate que, sans l’avoir demandé, l’Office figure dans tous les organigrammes de la sûreté nucléaire -y compris à la NRC américaine. On lui reconnaît une mission d’audit permanent de la sûreté nucléaire.

Cette reconnaissance est marquée par la participation de scientifiques de haut niveau et de renom aux auditions publiques –Prix Nobel, Académie des sciences, Commission internationale de protection radiologique (CIPR)….

Elle s’est aussi traduite par des invitations à des conférences scientifiques, nationales, européennes ou internationales, où j’ai présenté des communications, participé à des débats ou présidé des sessions. J’ai ainsi représenté l’Office dans 34 de ces conférences.

Cette reconnaissance s’est enfin traduite par la consécration de la communauté scientifique, puisque votre Rapporteur s’est vu décerner le Prix de la 4ème Journée de médecine nucléaire, de l’Institut Gustave-Roussy.

Le rapport qui vous est présenté aujourd’hui est bâti à partir des réponses à mes recommandations, en essayant de construire un travail qui évite l’écueil du catalogue et dégage des perspectives d’amélioration et d’approfondissement.

Ce rapport montre l’évolution de l’industrie électronucléaire. Il mesure les progrès de la transparence en ce domaine, en grande partie sous l’influence des travaux conduits par l’Office parlementaire, soit par moi-même, soit par d’autres rapporteurs, Christian BATAILLE, Jean-Yves LE DÉAUT, Robert GALLEY, Franck SÉRUSCLAT.

Nous avons eu récemment un exemple de preuve de ce travail de transparence réalisé par l’Office avec les étangs de Saclay, où une polémique n’a pu se développer car tous les éléments se trouvaient dans le rapport 1996 de l’OPECST.

Les résultats de ma démarche apparaîtront au fil des chapitres qui suivent, où vous verrez apparaître mes principaux soucis, en particulier la radioprotection, son organisation, le suivi radiologique des travailleurs du nucléaire, la sûreté des centrales de l’Est. Certaines de mes recommandations pointaient déjà des sujets sensibles, qui sont toujours d’actualité, faute d’avoir eu un traitement approprié et efficace.

Un tableau récapitulatif des recommandations, des réponses synthétiques correspondantes et de mon appréciation sur le degré de satisfaction de leur mise en œuvre, avec renvoi à la page de commentaire détaillé, permettra un survol synthétique.

Alors que la base législative de l’activité nucléaire est dans notre pays extrêmement ténue, contrairement à nos voisins, alors qu’aucun règlement ne confiait un rôle à l’OPECST dans ce domaine, l’Office a su se créer une voie et une place originale dans le domaine du contrôle de la sûreté nucléaire. Il a su aussi créer une voie originale et profondément novatrice dans les méthodes de travail parlementaire.

Je remercie les présidents successifs de nos assemblées, les présidents successifs de l’Office et tous les collègues membres de l’Office de leur confiance renouvelée.

Au moment où cette législature, comme les précédentes, se pose des questions existentialistes sur le rôle du Parlement et son évolution, la confiance de ses collègues et de nos assemblées a permis à votre Rapporteur d’être le modeste serviteur du Parlement, expression de la Démocratie où, grâce à l’Office parlementaire, se rencontrent Science, Technologie et Citoyen.

RECOMMANDATIONS de l'OPECST
relatives à la SÛRETÉ NUCLÉAIRE 
*

 

Appréciation

Réf.

I – RADIOPROTECTION

   

1ère recommandation 1/1/94 L'autorité de radioprotection est invitée à réfléchir aux moyens de mettre en œuvre l'ensemble des recommandations de l'Office parlementaire relatives à l'organisation de la radioprotection, en particulier la création de groupes permanents d'experts.

Ý

97

2ème recommandation 2/19/95 L'OPRI est invité à poursuivre ses actions visant à constituer dans les services extérieurs de santé de l'Etat un réseau de compétences en expertise radiologique.

Þ

102

A/ Recommandations d'ordre général

   

3ème recommandation 3/29/95 Le Bureau de radioprotection est invité à poursuivre et élargir sa réflexion sur la méthodologie d'évaluation des impacts sanitaires. Sur l'ensemble des dossiers relatifs aux déchets radioactifs de toutes sortes, il est souhaitable de rechercher les conditions d'une meilleure cohérence dans la définition des options techniques, en particulier dans les scénarios retenus pour évaluer les impacts des installations.

Ý

105

4ème recommandation 4/20/95 Le ministère de l'Environnement est invité à contribuer au développement des capacités d'expertise de contrôle, en s'appuyant sur un réseau de laboratoires agréés.

Ý

105

 

B/ Radioprotection des travailleurs extérieurs

   

5ème recommandation 5/5/96 L'ensemble des partenaires du nucléaire (administrations, exploitants, prestataires, chercheurs, syndicats, CHSCT) est invité à organiser une enquête destinée à préciser de façon exhaustive, sur une base individuelle, le statut des travailleurs extérieurs intervenant sur les installations nucléaires, le lien avec leur exposition professionnelle et la stabilité de leur emploi.

Ý Ý

110

6ème recommandation Les administrations concernées et l'OPRI sont invités à poursuivre dans les meilleurs délais les projets d'informatisation de la carte de suivi médical et des fichiers dosimétriques.

Ý Ý Ý

115

7ème recommandation 7/7/96 En attendant, l'OPRI est invité à instituer un numéro unique pour la carte de suivi médical sous sa forme actuelle.

Þ

118

8ème recommandation 8/8/96 Le Bureau de Radioprotection et l'OPRI sont invités à mettre en place, à titre expérimental, sur certains sites, une limite de dose calculée au prorata de la durée des contrats de travail.

Ý Ý

116

9ème recommandation 9/6/93 L'Office parlementaire rappelle au Gouvernement la teneur de la 17ème recommandation du rapport sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire pour 1991, relative à la création au ministère de la Santé d'une autorité de la radioprotection. Cette recommandation est jointe en annexe aux présentes recommandations.

ß ß

97

10ème recommandation 10/7/93 L'autorité de radioprotection veille à ce qu'une éventuelle intégration explicite de la notion de secret médical dans les normes de base européennes actuellement en cours de révision ne contribue pas à stériliser la nécessaire ouverture des données dosimétriques vers d'autres personnes que des médecins.

Ý

110

11ème recommandation 11/8/93 Le SCPRI, les exploitants, les employeurs de travailleurs extérieurs, le Conseil de l'Ordre des Médecins, l'Inspection du Travail, les organisations syndicales, le Conseil supérieur de la Prévention des Risques professionnels, l'Inspection médicale du Travail... sont invités à réfléchir à la notion de " partage de la confidentialité médicale ".

Ý

110

12ème recommandation 12/9/93 L'Office parlementaire rappelle au Gouvernement la teneur de la 9ème recommandation du rapport sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire pour 1991 : " des études sont engagées par le ministère de la Santé et le SCPRI (OPRI) sur la faisabilité d'un système électronique de dosimétrie fiable, permettant une centralisation des données et comprenant l'équipement en terminaux des médecins du travail des exploitants et des entreprises sous-traitantes ou de ceux dont elles dépendent. "

Ý

110

13ème recommandation 13/10/93 Afin de mener à bien la précédente recommandation, les pouvoirs publics sont invités à doter le SCPRI de moyens informatiques adéquats, afin d'y constituer un fichier centralisé, conçu d'abord pour satisfaire aux besoins de la médecine du travail puis recueillir les données dosimétriques nationales, puis servir de base à des études épidémiologiques d'ampleur nationale.

Þ

110

14ème recommandation 14/11/93 L'autorité de radioprotection attribue à chaque travailleur affecté à des travaux sous rayonnements ionisants un numéro national d'identification permanent et intangible, numéro porté sur sa carte de suivi médical et les divers documents nécessaires au suivi médico-réglementaire de tous les travailleurs de catégorie A.

Ý

110

15ème recommandation 15/12/93 L'autorité de radioprotection veille à ce que toute distribution de films dosimétriques non nominatifs soit immédiatement et définitivement arrêtée.

Ý Ý Ý

110

16ème recommandation 16/13/97 Les pouvoirs publics sont invités à intégrer la dosimétrie opérationnelle dans un cadre juridique mieux défini et plus structuré, qui définisse les conditions de coordination avec la dosimétrie réglementaire. Ces réflexions devront être conduites avec les exploitants et le GIIN.

Ý Þ

110

17ème recommandation 17/14/93 Les pouvoirs publics sont invités à engager un programme de recherches visant à définir la réalité et la portée d'une corrélation entre dosimétrie film et dosimétrie électronique.

Ý Ý Ý

97

18ème recommandation 18/15/95 L'un des groupes permanents placés auprès du Directeur de la Radioprotection définit les règles d'harmonisation des pratiques de médecine du travail, sous l'égide d'une Association des médecins du travail compétents en radioprotection.

Ý

117

19ème recommandation 19/16/93 Les pouvoirs publics sont invités à mettre en œuvre une politique plus volontariste destinée à la formation des médecins du travail des entreprises extérieures en radioprotection. A cette fin, ils sont invités à solliciter le concours des exploitants.

Ý Ý Ý

117

20ème recommandation 20/17/93 Les pouvoirs publics sont invités à renforcer l'action de l'Inspection médicale du Travail, autorité de contrôle de la médecine du travail.

Ý

117

C/ Révision des normes de radioprotection

   

21ème recommandation 21/1/95 Le gouvernement est invité à effectuer avec rapidité et sans états d'âme la traduction rapide dans notre droit national de la très prochaine directive communautaire sur les normes de base EURATOM, en tant que cette directive ne dépasse pas les objectifs fondamentaux contenus dans la CIPR 60.

Ý Ý

107

22ème recommandation 22/2/95 Les organisations françaises intéressées aux questions de protection radiologique sont invitées à développer leurs relations avec les organismes étrangers d'expertise en radioprotection (en particulier le NRPB britannique et le NCRP américain).

Ý Ý Ý

107

23ème recommandation 23/3/95 L'autorité de radioprotection, en liaison avec les organismes d'expertise, est invitée à réfléchir aux modalités d'introduction effective du principe d'optimisation dans la pratique réglementaire française.

Ý

108

24ème recommandation 24/4/95 Les organismes d'expertise en radioprotection sont invités à engager ou poursuivre des travaux relatifs :

  • aux conditions d'acceptabilité du risque radiologique ;
  • à la clarification des concepts trop obscurs inscrits dans la CIPR 60 (en particulier la contrainte de dose).

Ý

105

25ème recommandation 25/5/95 L'autorité de radioprotection est invitée à réfléchir aux modalités d'application de la CIPR 60 pour les professions qui pourraient justifier d'un régime autre que celui de la limite dérivée de 20 mSv par an en moyenne, tout en respectant la limite fondamentale de 1 Sv sur la vie entière (mineurs d'uranium par exemple).

Þ

107

II - COOPERATION INTERNATIONALE

A/ AIEA

   

26ème recommandation 26/9/92 Le Gouvernement encourage l'inscription dans le budget de l'AIEA des actions relatives aux pays d'Europe centrale et orientale, concernant d'une part le diagnostic du niveau de sûreté, d'autre part l'assistance aux autorités de sûreté nationales.

ß

44

27ème recommandation 27/10/92 La Communauté européenne accorde une contribution financière spéciale, tant que les actions correspondantes ne sont pas budgétées, pour les actions de l'AIEA d'aide aux pays d'Europe centrale et orientale en matière de sûreté nucléaire.

Ý

60

28ème recommandation 28/11/92 L'AIEA est appelée à produire une information complète et détaillée sur les projets d'équipement en centrales nucléaires des pays en voie de développement.

Ý Ý

54

29ème recommandation 29/13/90 Il est demandé à l'AIEA que les méthodes utilisées soient d'une rigueur égale pour l'ensemble des pays concernés, pays développés ou pays en développement.

ß Þ

54

30ème recommandation 30/14/90 Le Gouvernement assure dans les équipes OSART et ASSET de l'AIEA une présence importante des experts français, appartenant tant à l'autorité de sûreté qu'aux exploitants.

Ý Ý

56

31ème recommandation 31/15/90 Les groupes d'experts de l'AIEA ont un noyau dur d'experts rodés aux méthodes AIEA et le Gouvernement français dégage pour sa part les moyens nécessaires.

ß Þ

44

32ème recommandation 32/16/90 Le SCSIN est chargé de mettre en place une assistance d'urgence aux pays qui en font la demande, en matière de sûreté des installations nucléaires. Le SCSIN coordonne son action avec l'AEN et l'AIEA, forum de rencontre, autorité morale et lieu de compétences dans le domaine des interventions sur la sûreté de centrales existantes.

Ý Ý Ý

56

33ème recommandation 33/17/90 Le SCSIN est le maître d’œuvre de l’action française en ce domaine, l’ensemble des entreprises françaises, notamment EDF et Framatome, étant placées sous son autorité directe pour leur action internationale d’expertise dans le domaine de la sûreté.

Ý Ý

56

34ème recommandation 34/18/90 La France prend la tête d'un puissant mouvement de solidarité dans le domaine de l'assistance à l'amélioration de la sûreté des centrales existantes, en vue non seulement d'une assistance technique mais aussi de la recherche des financements nécessaires à la mise à niveau.

Þ Ý Ý

43

B/ Sûreté nucléaire dans les pays de l'Est

   

35ème recommandation 35/12/92 La France intervient au Conseil européen et au Conseil des Ministres des Communautés européennes pour que des procédures de financement accélérées soient mises en place à destination des programmes d'assistance aux pays d'Europe centrale et orientale.

Ý Ý Ý

64

36ème recommandation 36/13/92 La France intervient pour qu'une expertise technique de haut niveau composée d'experts nationaux spécialement détachés par leurs gouvernements respectifs soit mise en place auprès de la Commission européenne, afin de l'aider à évaluer les dossiers d'assistance.

Ý Ý Ý

68

37ème recommandation 37/14/92 La France favorise le regroupement des divers organismes du monde nucléaire dans des consortiums européens.

Ý Ý Ý

64

38ème recommandation 38/15/92 La France intervient auprès du Conseil européen et du Conseil des Ministres de la Communauté européenne afin que les financements communautaires soient attribués aux consortiums internationaux visés à la recommandation précédente, charge à eux de rendre compte a posteriori de l'utilisation de ces fonds à la Commission.

Ý Ý Ý

64

39ème recommandation 39/16/92 La France encourage au niveau européen la réalisation de jumelages entre centrales de l'Est et de l'Ouest.

Ý Ý Ý Ý

55

III – Démantèlement

40ème recommandation 40/17/94 L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées à préciser leurs objectifs de sûreté et de sécurité vis-à-vis des différents scénarios de démantèlement susceptibles d'être proposés par les exploitants.

Ý Ý

150

41ème recommandation 41/18/94 Dans cette perspective, l'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées à réfléchir à la possibilité de mettre en œuvre un calendrier accéléré pour le démantèlement de Brennilis.

Ý Ý Ý Ý

150

42ème recommandation 42/19/94 L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées à discuter avec le Haut Commissaire à l'Energie atomique -autorité de sûreté des installations nucléaires de base classées secrètes- afin d'éviter à l'avenir que des matériaux issus du démantèlement d'installations nucléaires de base civiles soient traités dans des INBS.

Ý Ý Ý Ý

145

IV - Transports de matières radioactives

43ème recommandation 43/20/93 Les pouvoirs publics patronnent la mise au point d'une Charte des Transports des matières radioactives par les professionnels du transport et les utilisateurs de leurs services.

Þ

137

44ème recommandation 44/21/93 L'autorité compétente entreprend la publication d'un tiré à part de la réglementation " transports " spécifique aux transports de matières radioactives, présenté sous forme didactique et pratique, dans l'esprit du document édité par l'IATA (Association internationale des Transporteurs aériens).

Ý Ý Ý

137

45ème recommandation 45/22/93 L'autorité compétente étudie, en liaison avec l'IPSN, la possibilité de développer des méthodes et moyens de suivi des grandes sources (à usage médical par exemple).

Þ

137

46ème recommandation 46/23/93 L'autorité compétente du ministère des Transports est invitée à agir dans les instances internationales, en particulier l'AIEA, pour que la réglementation des transports garde son caractère multilatéral et ne soit pas soumise à des surenchères nationales.

Þ

137

47ème recommandation 47/24/93 L'IPSN est invité à engager des coopérations internationales avec d'autres organismes de recherche afin d'accroître la connaissance des marges de sécurité des transports actuels de matières radioactives par rapport aux prescriptions techniques définies par l'AIEA pour les colis.

Ý Ý

137

V – DECHETS

A/ Gestion des déchets de très faible activité

   

48ème recommandation 48/25/95 L'administration doit mettre en place les moyens d'une plus grande participation des publics concernés au processus de décision pour la gestion des déchets TFA.

Þ

151

49ème recommandation 49/26/95 L'autorité de radioprotection est invitée à modifier la rédaction du décret de 1966 de façon à éliminer toute ambiguïté sur les modalités de gestion des déchets TFA. La nature des seuils doit être clairement définie et la distinction entre " entrée " et " sortie " du système de radioprotection doit être mise en évidence.

Þ

151

50ème recommandation 50/27/95 La DSIN est invitée à rappeler aux exploitants qu'ils doivent être une force de proposition et que, en matière de déchets TFA comme pour les autres questions nucléaires, il appartient à l'administration d'approuver et non pas de définir les solutions envisagées par l'exploitant.

Ý

151

51ème recommandation 51/28/95 L'inventaire national des déchets TFA devra être complété (éventuellement dans un chapitre spécial) par tous les établissements susceptibles de générer ou d'avoir généré des déchets TFA.

Ý Ý Ý

151

52ème recommandation 52/29/95 Les autorités françaises sont invitées à faire admettre à nos partenaires européens la nécessité d'adopter des principes de gestion des déchets TFA aussi rigoureux que ceux en cours de mise en place, sous l'égide de la DSIN.

Þ

151

B/ Effluents radioactifs

   

53ème recommandation 53/5/94 L'autorité de radioprotection est invitée, avec l'aide des appuis techniques compétents, à établir et publier un modèle standard national pour le calcul des équivalents de dose reçues du fait des effluents.

Þ

162

54ème recommandation 54/6/94 L'autorité de radioprotection est invitée à réfléchir à la possibilité d'introduire dans la réglementation des rejets d'effluents radioactifs une limite dérivée exprimée en équivalent de dose, sur le modèle de la plupart de nos voisins européens.

Þ

162

55ème recommandation 55/7/94 En tout état de cause, l'autorité de radioprotection est invitée à asseoir les fondements sanitaires des rejets d'effluents sur les limites de dose applicables au public et non pas aux travailleurs, même si l'impact direct sur les autorisations effectivement accordée est nul.

ß

162

56ème recommandation 56/8/94 L'autorité de radioprotection est invitée à intégrer à la réglementation l'obligation pour l'exploitant de présenter dans les documents soumis à enquête publique les équivalents de dose reçues par la population du fait des rejets radioactifs de l'installation nucléaire objet de l'enquête.

Þ

162

57ème recommandation 57/9/94 L'autorité de radioprotection est invitée à intégrer à la réglementation l'obligation pour l'exploitant de présenter dans les documents soumis à enquête publique les évolutions probables des rejets radioactifs d'une installation nucléaire dus à son vieillissement.

Þ

162

58ème recommandation 58/10/94 L'autorité de radioprotection est invitée à examiner les moyens par lesquels les exploitants pourraient publier dans les plaquettes mensuelles d'information sur la surveillance radiologique de l'environnement, les doses reçues du fait des rejets constatés sur des périodes déterminées.

Ý

162

59ème recommandation 59/11/94 L'autorité de radioprotection est invitée, avec l'aide d'appuis techniques compétents, à établir et publier un protocole standard national pour les prélèvements d'échantillons dans l'environnement.

Ý Þ

162

60ème recommandation 60/12/94 L'autorité de radioprotection est invitée à relancer et développer le processus d'agrément des laboratoires indépendants prévu par la réglementation.

Ý Ý

102

61ème recommandation 61/13/94 L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées à relancer ou achever le processus réglementaire d'autorisation de rejet d'effluents radioactifs pour les établissements qui n'en sont pas encore pourvus.

Ý Ý Ý

164

62ème recommandation 62/14/94 L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées à engager un processus de réévaluation des anciennes autorisations de rejet pour les établissements où elles sont manifestement dépassées par les performances des techniques actuelles, en particulier à Marcoule.

Ý Ý

165

63ème recommandation 63/15/94 L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées, selon un schéma identique à celui de la 4ème recommandation, à discuter avec le Haut Commissaire à l'Energie atomique afin d'éviter à l'avenir que des effluents radioactifs issus de l'exploitation d'installations nucléaires de base civiles soient traités dans des INBS.

Ý Ý Ý

165

64ème recommandation 64/16/94 L'autorité de radioprotection est invitée à discuter avec les autorités compétentes des moyens d'améliorer la communication publique sur les rejets d'effluents radioactifs issus des INBS, dans le respect nécessaire du secret défense.

Ý Ý Ý

166

65ème recommandation 65/17/94 Le ministère de la Santé est invité à organiser une étude épidémiologique autour de Marcoule.

Ý Ý Ý Ý

165

66ème recommandation 66/18/94 L'autorité de radioprotection est invitée à réfléchir aux moyens de formaliser l'introduction et le développement du principe d'optimisation, dont le respect est exigé par la réglementation française.

Ý

115

C/ Gestion des résidus de l'extraction et du traitement du minerai d'uranium

   

67ème recommandation 67/11/95 Les réaménagements des sites de stockage de résidus doivent prendre en compte dès aujourd'hui les recommandations de la CIPR 60.

Þ

173

68ème recommandation 68/12/95 Les ambiguïtés du décret 66-450 du 20 juin 1966 relatives au régime des " substances radioactives naturelles " doivent être supprimées, en particulier pour la définition de ces substances et le régime juridique applicable à la radioactivité des " têtes de chaîne ".

Þ

173

69ème recommandation 69/13/95 L'autorité de radioprotection est invitée à préciser la notion d' " impact radiologique " acceptable, inscrite dans le décret 90-222 du 9 mars 1990.

Þ

173

70ème recommandation 70/14/95 L'autorité de radioprotection, avec ses appuis techniques, est invitée à examiner la pertinence de la limite actuellement utilisée pour les " émetteursErreur! Signet non défini. à vie longue de la chaîne de l'U238 présents dans les poussières en suspension dans l'air et inhalés ", au cas des résidus miniers.

Þ

173

71ème recommandation 71/15/95 Le ministère de l'Environnement est invité à réfléchir à la mise en place, dans la législation des installations classées, d'une évaluation relative à l'état initial du site indépendante de celle pratiquée par l'exploitant, notamment pour les ICPE importantes (en particulier le niveau naturel de radioactivité dans l'environnement pour les ICPE nucléaires). Le ministère de l'Industrie est invité à se joindre à cet effort, pour les parties du RGIE qui concernent la protection radiologique de l'environnement.

Þ

173

72ème recommandation 72/16/95 Le ministère de l'Environnement, avec l'aide des appuis techniques ad hoc, est invité à préciser quels éléments doivent traduire dans les faits les conclusions du rapport BARTHELEMY, qui avait pour objectif de permettre l'élaboration de prescriptions générales applicables par les préfets aux sites de stockages de résidus, dans le cadre de la législation sur les installations classées.

Þ

173

73ème recommandation 73/17/95 L'IPSN est invité à développer ses capacités d'expertise et d'évaluation sur les dossiers de réaménagement, en s'appuyant en particulier sur les expériences étrangères et sur les évaluations effectuées par ses homologues.

Ý

173

74ème recommandation 74/18/95 Les DRIRE sont invitées à développer leurs échanges et contacts sur les dossiers relatifs aux réaménagements de sites miniers et de traitement d'uranium, pour mettre en œuvre (avec les appuis techniques adéquats) une approche commune et cohérente des dossiers soumis à leur examen.

Þ

173

75ème recommandation 75/21/95 Il appartient aux administrations concernées de veiller à ce que, dans tous les dossiers soumis à leur approbation, les conséquences inévitables du noyage des mines soient correctement évaluées et surveillées (quelle que soit la nature du minerai extrait), et que les possibilités d'intervention soient préservées pour assurer si nécessaire la protection sanitaire des populations.

ß

173

76ème recommandation 76/22/95 L'ANDRA est invitée à se joindre rapidement aux réflexions entreprises sur l'avenir des stockages de résidus, dans la perspective d'une prise en charge future de ces sites au nom de la puissance publique.

Ý

173

77ème recommandation 77/23/95 Les autorités et COGEMA sont invitées, en liaison avec les publics concernés en Limousin et sur financement partagé, à mettre en place quelques sites pilotes " sur-instrumentés " pour l'évaluation in situ des évolutions d'un stockage de résidus, avec le concours de laboratoires agréés.

Þ

173

78ème recommandation 78/24/95 COGEMA pourrait utilement déposer auprès du ministère de l'Environnement un document comparant les pratiques internationales en matière de couverture des résidus, justifiant ainsi dans une perspective très large les options envisagées ou retenues pour les sites français.

Ý

173

D/ Gestion des effluents au CEA

   

79ème recommandation 79/25/95 L'OPRI et le CEN Saclay sont invités à régler rapidement la divergence d'appréciation relative aux activités volumiques maximales autorisées pour les effluents liquides en sortie de la station de traitement.

Ý Ý

162

80ème recommandation 80/26/95 L'OPRI est invité à engager avec le CEA des discussions pour une meilleure comptabilisation de rejets liquides de très faible activité volumique (surtout activitéErreur! Signet non défini.).

Ý Ý

166

81ème recommandation 81/27/95 L'OPRI est invité à demander au CEA de fournir une explication claire et convaincante des teneurs en tritium relevées dans la nappe phréatique des sables de Fontainebleau sous le site de Saclay, ainsi qu'une évaluation de ses éventuelles répercussions sur la qualité radiologique des eaux de consommation de la région.

Ý Ý Ý

164

82ème recommandation 82/28/95 L'OPRI est invité à poursuivre l'effort de transparence manifesté pour le centre de Saclay, en publiant régulièrement le résultat de ses mesures effectuées dans les nappes phréatiques situées sous les sites nucléaires les plus significatifs (y compris les sites dépendant d'exploitants autres que le CEA).

Ý Ý Ý

166

VISITES DU TRICASTIN

83ème recommandation 83/4/92 La publication du " point zéro " du site nucléaire du Tricastin est assurée avant la fin 1992.

Ý Ý Ý

162

84ème recommandation 84/5/92 Le département de la Drôme et les services de sécurité civile étudient et réalisent l'équipement en matériels de décontamination de ses échelons de détection.

Ý

162

85ème recommandation 85/6/92 Le Plan particulier d'Intervention du site du Tricastin est complété par un chapitre concernant les incidents ou accidents chimiques, un autre chapitre traitant des incidents ou accidents à caractère mixte : nucléaire et chimique.

Ý Ý

162

86ème recommandation 86/7/92 Le Préfet de la Drôme veille à ce que la Commission locale d'Information et les professions de santé aient les moyens d'apporter une contribution adéquate à la révision du Plan particulier l'Intervention.

Ý

162

87ème recommandation 87/8/92 L'information de la population sur les mesures à prendre en cas de mise en œuvre du Plan particulier d'Intervention est réalisée au moyen de supports " grand public ".

Ý Ý

162

VII - Projet du Professeur Carlo Rubbia

88ème recommandation 88/9/96 Le ministère de la Recherche est invité à renforcer son rôle d'incitation, de coordination et de pilotage, dans le cadre des actions à engager pour poursuivre les travaux sur les voies explorées par le Pr. RUBBIA.

Ý Ý Ý

179

89ème recommandation 89/10/96 Le ministère de la Recherche est invité à inscrire cette démarche nationale dans un programme européen qui rassemble toutes les parties concernées.

Ý Ý Ý

179

VIII – Maintenance des réacteurs d'EDF

90ème recommandation 90/1/96 EDF est invitée à supprimer toute sous-traitance pour les tâches qui relèvent directement de la responsabilité de l'exploitant nucléaire, en particulier dans les services de radioprotection.

Ý Ý

140

91ème recommandation 91/2/96 EDF est invitée à appliquer dans toutes ses conséquences l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, en demandant à ses prestataires de faire connaître de façon exhaustive et à chaque instant les sous-traitants intervenant sur les sites, à quelque " niveau " de sous-traitance que ce soit.

Ý Ý Ý

140

92ème recommandation 92/3/96 EDF est invitée à prendre des mesures efficaces pour assurer le respect des dispositions légales concernant la durée du travail, y compris pendant les arrêts de tranche.

Ý Ý Ý

141

93ème recommandation 93/4/96 Les DRIRE sont invitées à renforcer la présence des inspecteurs du travail sur les sites lors de leurs inspections en arrêt de tranche, afin de veiller au respect par tous les intervenants de la législation sociale et de la radioprotection.

Ý

141

IX – Expertise extérieure

94ème recommandation 94/20/93 La Conférence nationale des Commissions locales d'Information est invitée à établir un fichier d'experts, tenu à la disposition des CLI pour leurs besoins éventuels.

Ý

128

95ème recommandation 95/21/93 Les pouvoirs publics définissent en liaison avec la Conférence nationale des Commissions locales d'Information les conditions de réalisation d'expertises extérieures par les CLI.

Þ

128

96ème recommandation 96/22/93 L'Office parlementaire recommande qu'en tout état de cause l'institution d'une expertise extérieure ne remette pas en cause les prérogatives actuelles des pouvoirs publics en matière de procédures d'investigation et de décision, y compris à la DSIN pour la sûreté.

Ý Ý Ý

123

X – Enquêtes publiques

97ème recommandation 97/18/93 Les pouvoirs publics sont invités à mettre en œuvre une réforme de l'enquête publique. Cette réforme devra viser à définir deux catégories au moins d'enquêtes, en fonction de l'enjeu de l'opération projetée. Pour les enquêtes les plus importantes, un découplage entre le niveau local et le niveau national est défini. Les procédures applicables à l'enquête locale prévoient une information spécifique aux élus et renforcent les conditions d'information des citoyens. Les procédures applicables au niveau national prévoient l'institutionnalisation d'auditions publiques.

Ý Ý

177

98ème recommandation 98/19/93 Sous l'égide des organisations représentatives au plan national, des programmes de formation sont mis en œuvre pour constituer un vivier de commissaires enquêteurs disposant de compétences dans le domaine nucléaire.

Ý

177

XI – Organisation en temps de crise : mesures d'ordre général

99ème recommandation 99/9/92 Un financement de l'Etat est assuré pour l'organisation régulières d'exercices de mise en œuvre des Plans particuliers d'Intervention, y compris des exercices de grande ampleur, allant au delà de l'exercice Jacques Cœur (1990).

Ý Ý

177

100ème recommandation 100/10/92 Les départements voisins des départements d'implantation des installations nucléaires sont invités à prévoir des mesures minimum pour accompagner les plans d'urgence. Ils sont associés aux exercices de protection civile.

Ý

177

101ème recommandation 101/11/92 Des directives nationales sont élaborées afin de définir le rôle éventuel des employés des exploitants nucléaires dans l'application des Plans particuliers d'Intervention.

Ý Ý

177

102ème recommandation 102/12/92 Une directive nationale adressée aux Préfets établit leurs obligations en matière d'organisation d'exercices d'application des Plans particuliers d'Intervention.

 

177

103ème recommandation 103/13/92 Le Gouvernement assure une information précise et régulière sur les enseignements tirés en matière d'incidents ou accidents de type chimique et sur les exercices destinés à lutter contre eux.

Ý Ý Ý

177

104ème recommandation 104/14/92 La Direction de la Sécurité civile édite des fiches simplifiées à destination des différents intervenants potentiels (professions médicales, enseignants, transporteurs...).

Ý Ý

177

105ème recommandation 105/15/92 La Direction de la Sécurité civile met au point des mémos didactiques adressés aux familles leur rappelant les réflexes élémentaires à mettre en œuvre lors d'un confinement ou d'une évacuation, et leur indiquant comment fournir aux administrations les renseignements indispensables à une bonne évacuation.

Ý Ý

177

XII - MEILLEURE LISIBILITE DE L’ORGANISATION ACTUELLE DU NUCLEAIRE ET RENFORCEMENT DE SES INSTITUTIONS

A/ Autorités de sûreté et soutien technique

   

106ème recommandation 106/1/90 Le Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN) est rattaché directement au ministre de l'Industrie, en tant que nouvelle Direction générale du ministère de l'Industrie.

Ý Ý Ý Ý

123

107ème recommandation 107/2/90 Pour l'ensemble des installations nucléaires de base, le SCSIN direction générale du ministère de l'Industrie dispose par délégation du ministre d'un pouvoir de décision en matière de suspension provisoire d'autorisation de fonctionnement.

Ý Ý Ý

126

108ème recommandation 108/3/90 Les effectifs du SCSIN sont doublés au terme d'un programme pluriannuel de 5 ans.

Þ

126

109ème recommandation 109/4/90 Les effectifs des divisions nucléaires des Directions Régionales de l'Industrie et de la Recherche (DRIR) sont doublés au terme d'un programme pluriannuel de 5 ans.

Þ

126

110ème recommandation 110/5/90 La politique de transparence du SCSIN confirmée dans ses principes est renforcée dans ses moyens afin qu'il joue le rôle qui lui est dévolu dans l'information du public.

Ý Ý Ý

126

111ème recommandation 111/6/90 Il est créé immédiatement une sous-direction supplémentaire au SCSIN, chargée des relations internationales et des programmes d'assistance aux exploitants nucléaires des autres pays.

Ý Ý Ý Ý

126

112ème recommandation 112/7/90 Conformément à la proposition du Sénateur SÉRUSCLAT, il est proposé la mise en place immédiate d'une double tutelle pour le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI), qui conserve la tutelle du ministère de la Santé et se voit ajouter celle du ministère de l'Environnement (transformation ultérieure en établissement public industriel et commercial proposée par M. SÉRUSCLAT).

Þ Þ Þ

126

113ème recommandation 113/8/90 Il est demandé la création d'une ligne budgétaire individualisée dans les crédits du ministère de l'Industrie, pour le financement du seul Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire.

Ý Ý

126

B/ Exploitants

   

114ème recommandation 114/9/90 Il est demandé au Gouvernement de s'engager à ce que l'ensemble des exploitants français fassent l'objet d'audits OSART et d'examens ASSET de l'AIEA réguliers.

Ý Ý Ý

56

115ème recommandation 115/10/90 Les OSART et ASSET pratiqués en France sont complets, c'est-à-dire prolongés par une mission de suivi (follow-up), pour démontrer qu'un grand pays nucléaire comme la France accepte le jugement de ses pairs et pour permettre à la communauté nucléaire internationale de bénéficier de cet enrichissement de connaissances.

Ý Ý Ý

56

116ème recommandation 116/11/90 Il est demandé à EDF de créer une structure responsable des rapports avec le SCSIN et en particulier de la mise en œuvre de ses recommandations.

Ý Ý Ý

127

117ème recommandation 117/12/90 La procédure de permis de construire et la procédure d'autorisation de création de l'installation nucléaire de base sont liées, le permis de construire ne pouvant être donné qu'après obtention de l'autorisation de création.

Þ Þ Þ

177

C/ Proposition D’action legislative

   

118ème recommandation 118/19/90 Il est demandé au Gouvernement d'étudier la possibilité d'une loi-cadre relative à l'énergie nucléaire qui énoncerait les principes du droit du nucléaire, reprendrait certaines dispositions des lois précédentes en les actualisant et définirait les principes d'organisation des autorités de contrôle.

Ý Ý

177

 

Titre I :
Les domaines où des progrès plus rapides sont souhaitables

Votre Rapporteur a choisi d’aborder ce rapport par ses insatisfactions, qui se polarisent sur deux domaines : les questions internationales et la radioprotection.

Dans le domaine international, notre pays ne fait pas un effort suffisant pour tenir son rang au sein des organisations internationales et l’Union européenne est gravement défaillante dans son action vis-à-vis des pays de l’Est.

Sur le plan intérieur, les structures en charge de la radioprotection doivent être revues car il semble pour le moins paradoxal que le Gouvernement ait engagé une réforme de la structure la plus crédible dans le domaine de la sûreté, la DSIN, et ne " pousse pas les feux " sur celle qui a un besoin urgent de crédibilité : la radioprotection.

 

Chapitre I :
LA SÛRETÉ ET LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS CIVILES NUCLÉAIRES AU NIVEAU INTERNATIONAL

Il nous faut aborder ce rapport par le problème de très loin le plus inquiétant, la sûreté de l’ensemble de la filière nucléaire, civile et militaire en Europe de l’Est.

Les questions militaires ne seront pas abordées dans ce rapport qui n’est consacré qu’à la sûreté et à la sécurité des installations civiles, mais il convient d’avoir à l’esprit que l’état des sous-marins russes de la péninsule de Kola constitue une question autrement plus vitale que les quelques dépassements ponctuels de normes constatés dans les centrales des pays occidentaux.

Dès le premier rapport qui m’a été confié par l’OPECST, j’ai été amené à me pencher sur la situation des pays occidentaux, de l’Europe de l’Est et des organisations internationales.

Il ne saurait être question bien sûr qu’un rapport parlementaire s’ingère dans les affaires intérieures d’autres pays.

L’analyse de la situation des pays occidentaux réalisée dans mes précédents rapports correspondait à la nécessité de disposer de points de comparaison. Il est évident pour tous qu’elle est globalement satisfaisante et il n’appartient pas au Parlement français de porter des jugements.

Par contre, c’est peu de dire que la situation s’est dégradée à l’Est et que la coopération occidentale n’est pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être.

Je m’interroge lorsque je constate que les fonds mis à la disposition de ces pays ne sont pas, ou mal, utilisés sur le mode de gestion des aides.

Européen convaincu, je suis consterné d’apprendre à la lecture d’un rapport de la Cour des Comptes des Communautés Européennes que la Commission n’arrive pas à dépenser les crédits qui lui ont été accordés par le Conseil car elle se perd dans les méandres d’une bureaucratie qui ne sait pas intégrer la notion de risque vital et son corollaire, l’urgence.

Aussi la sûreté nucléaire dans les centrales des pays de l'Est est-elle une préoccupation majeure exprimée à plusieurs reprises avec force par l'Office parlementaire d'évaluation.

Tout d'abord, la catastrophe de Tchernobyl nous a montré que la radioactivité n'a pas de frontières et qu'un accident survenant à des milliers de kilomètres de chez nous peut avoir des conséquences graves sur notre environnement et sur notre santé.

En second lieu, il apparaît de plus en plus clairement que l'avenir de l'énergie nucléaire dans chaque pays dépend très étroitement de l'évolution et de la stratégie suivies dans les pays voisins. Tout nouvel accident grave dans une centrale de l'Europe de l'Est aurait immanquablement des répercussions immédiates sur l'opinion publique et risquerait de remettre en question cette forme d'énergie dans l'ensemble des pays industrialisés.

Or, il n’est pas besoin d’épiloguer longuement sur la situation intérieure des anciens pays communistes pour y trouver les motifs d’une profonde inquiétude.

Si je ne doute pas de la bonne volonté des responsables de la sûreté des pays de l’Est à tous niveaux, je m'interroge parfois sur la possible survivance des anciens schémas de pensée en particulier au moment où un réacteur de la centrale de Tchernobyl est remis en service malgré les réserves des experts occidentaux.

Le présent chapitre ne pourra pas examiner la situation de chaque pays de l’ex-bloc soviétique car un traitement sérieux de cette question imposerait d’y consacrer l’intégralité d’un rapport et de se rendre sur place. Aussi limiterai-je mon propos à l’appréciation du rôle joué par les organisations internationales dans cette question et plus particulièrement celui de l’ONU, à travers l’AIEA,et de l’Union européenne.

I - L’AGENCE INTERNATIONALE DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE (AIEA) : DES PROGRÈS CERTAINS ET UN FORUM IRREMPLAÇABLE

Votre Rapporteur s’est rendu à Vienne en septembre 1998 pour apprécier le rôle de l’AIEA après une première visite effectuée en 1992.

L'action de l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) concernant la sûreté et la sécurité des installations nucléaires a été examinée par votre Rapporteur dans plusieurs de ses rapports, en particulier celui de 1992, à travers plusieurs prismes : la mise au point d'une convention internationale dans le domaine de la sûreté nucléaire, la poursuite d'actions concrètes en faveur de l'amélioration de celle-ci dans les pays de l'Est et l'aide aux pays désireux de recourir à l'énergie nucléaire.

A. La convention internationale sur la sûreté nucléaire est entrée en vigueur

La mise au point d'une convention internationale sur la sûreté des installations nucléaires a fait l'objet de nombreux travaux qui ont abouti en février 1992, à un projet de convention énonçant les principes de la répartition des responsabilités en matière de sûreté et définissant les principales méthodes à utiliser dans la pratique, qui a été ouvert à la signature en septembre 1994.

La question de la mise au point d'une convention internationale a pris évidemment une acuité particulière à la suite de l'effondrement des régimes socialistes d'Europe de l'Est et du démantèlement de l'URSS. Aussi son intervention est-elle apparue comme une occasion à la fois de répondre aux craintes légitimes des opinions publiques vis-à-vis de la sûreté des installations des pays de l'Est et de sensibiliser les nouveaux régimes à l'urgence de traiter ces questions avec tout le sérieux nécessaire.

L'ordre des principes de sûreté adoptés va, comme il est naturel, du général, " l'Etat en l'occurrence ", au particulier, à savoir les personnels directement en charge de la sûreté.

Elle laisse aux Gouvernements le soin de promulguer à l'échelon national des standards de sûreté harmonisés avec ceux de la communauté internationale, par le biais d'une réglementation adéquate, ainsi que la mise en place d’une organisation de la sûreté, par le biais d'autorités de sûreté, dotées des compétences et des moyens nécessaires à l'instauration d'une situation satisfaisante au regard de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.

La responsabilité de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires appartient en premier ressort aux exploitants eux-mêmes. Ce principe de base ne souffre évidemment aucune contestation ni exception.

Toutefois, la notion de responsabilité connaît des extensions successives -santé à court et à long terme du personnel et des populations environnantes, respect de l'environnement- qui sont également visées par la convention.

La sûreté nucléaire, comme toute discipline issue des connaissances scientifiques et techniques, est en constant progrès. La question se pose de savoir quelle est la contrainte qui s'exerce sur les exploitants et les autorités de sûreté, en terme d'incorporation -nécessairement coûteuse- des progrès de la technologie aux installations existantes.

La convention de l'AIEA est nécessairement imprécise à cet égard. Il est indiqué que " safety is the best achievable ". En terme de principe, il est en effet nécessaire d'affirmer que l'état de sûreté visé est le meilleur possible.

En réalité, il est sans doute plus réaliste de parler d'optimisation de la sûreté, en fonction des moyens disponibles, autonomes ou résultant de la solidarité internationale.

La sûreté est liée aux caractéristiques des installations nucléaires. Ces caractéristiques doivent elles-mêmes résulter de techniques d'ingénierie correspondant au meilleur de l'état de l'art. Autrement dit, la responsabilité des ingénieurs est de viser la meilleure qualité possible des installations, en mettant toujours en première priorité la recherche du meilleur niveau de sûreté possible.

Ce principe est évidemment aussi complexe à définir dans le détail que le précédent dans la mesure où des arbitrages sont toujours nécessaire entre les facteurs économiques et les choix techniques.

Enfin, la convention traite de ce qui apparaît depuis quelques années comme l'un des déterminants essentiels de la sûreté, à savoir la culture de sûreté de tous les intervenants : concepteurs, constructeurs, exploitants, sous-traitants.

De tous les principes énoncés dans la convention, la culture de sûreté en représente sans doute la clé. Œuvre de longue haleine, l'harmonisation par le haut de la culture des intervenants du nucléaire est le garant d'une sûreté maximale et la condition la plus fondamentale du développement de l’énergie nucléaire.

L’importance de cette convention qui pose les principes du corpus mondial de sûreté nucléaire a conduit la Commission de l’Union européenne à vouloir y adhérer. Le Conseil des Ministres y a consenti dans le domaine de sa compétence, la radioprotection ; or, la Commission conteste cette décision, pourtant évidente, devant la Cour de Justice de l’Union européenne bien que le Conseil se soit prononcé à l’unanimité sur ce point.

Cette situation s’explique probablement par la volonté de la Commission de dégager un corpus de règles de sûreté pour l’Union européenne, démarche d’essence technocratique dans un domaine qui ne relève pourtant pas de sa compétence. La sécurité des installations nucléaires repose d’abord sur une culture de sûreté qui par nature ne se codifie pas, et votre Rapporteur -mais cela est un autre débat- n’acceptera d’envisager un éventuel élargissement des compétences de l’Union dans le domaine nucléaire que lorsque cette dernière sera en mesure d’exercer correctement celles qui lui sont déjà attribuées.

B. Les programmes d'évaluation et d'amélioration de la sûreté nucléaire dans les pays de l'Est

L'AIEA, en tant qu'organisation spécialisée de l'ONU, constitue l'enceinte où un consensus respectueux des prérogatives nationales a pu être trouvé en matière de sûreté des installations nucléaires.

Le recrutement plurinational des cadres de l'AIEA, donc la possibilité pour chaque pays membre d'y avoir des représentants de sa nationalité, ont favorisé l'émergence de l'AIEA comme centre d'expertise et de diagnostic en matière de sûreté des installations des pays de l'Est et cette organisation est aujourd’hui un forum irremplaçable.

Les limites du rôle assigné à l'AIEA ont toutefois été clairement posées par les Etats membres. En premier lieu, les ressources données à l'organisation ont été mesurées avec parcimonie, obligeant l'AIEA à obtenir des financements extrabudgétaires non assurés d'une quelconque pérennité. En deuxième lieu, le rôle de l'AIEA est d'établir un diagnostic des niveaux de sûreté, les opérations d'amélioration de celle-ci lui échappant totalement, les intérêts économiques sous-tendant ces opérations concrètes étant par hypothèse ni multilatéraux ni délégables.

1. Les moyens dégagés : la France ne réalise pas l’effort qui devrait être le sien

A travers ma 34ème recommandation, je proposais que la France prenne la tête d'un puissant mouvement de solidarité dans le domaine de l'assistance à l'amélioration de la sûreté des centrales existantes, en vue non seulement d'une assistance technique mais aussi de la recherche des financements nécessaires à la mise à niveau des centrales des PECO.

Or, le budget ordinaire total de l’AIEA, prévu pour 1998, est d’environ 220 millions de US $, dont environ 14 M de US $ pour le Département de la Sûreté Nucléaire.

La contribution française à ce budget global s’élève à 6,4 %, ce qui place la France au quatrième rang des contributeurs derrière les Etats-Unis (25 %), le Japon (15,6 %) et l’Allemagne (9 %), ce qui aux yeux de votre Rapporteur est très insuffisant.

En complément, l’Agence dispose d’un fonds complémentaire pour le financement de l’ensemble des actions d’assistance et de coopération technique, dont l’objectif fixé pour 1998 est de 71,5 M US $ et pour lequel la contribution française devrait être de plus de 4,5 M US $.

En plus, la France a apporté une contribution aux activités d’assistance technique de l’Agence aux pays en développement : de 1989 à 1996, elle a offert une contribution volontaire de 3 M de francs, ce qui a permis le financement d’un certain nombre de projets concrets dans des pays de notre choix.

Vu l’importance stratégique de l’énergie nucléaire pour la France, il me semble que notre pays pourrait accroître son effort, ne serait-ce que pour être au niveau de l’Allemagne.

Dans cette perspective, je ne peux pas me satisfaire de la réponse à ma 26ème recommandation par laquelle je souhaitais que le Gouvernement encourage l'inscription dans le budget de l'AIEA des actions relatives aux pays d'Europe centrale et orientale, concernant d'une part le diagnostic du niveau de sûreté, d'autre part l'assistance aux autorités de sûreté nationales.

Il s’avère, en effet, que les actions vers les pays de l’Est se sont déroulées jusqu’en 1998 dans un cadre extrabudgétaire. La France n’a pas fourni de contribution financière, mais a détaché gratuitement deux experts d’Electricité de France.

Certaines défaillances ont été mises en évidence et des propositions d’action ponctuelles ont été soumises au Secrétariat de l’AIEA. Il est à craindre toutefois que des positions trop compréhensives et tolérantes de la part du Secrétariat de l’AIEA vis-à-vis de certains pays ne soient considérées comme un alibi, voire une caution, par certains Etats concernés pour justifier de leur manque d’initiative. Mais ce n’est pas une raison suffisante aux yeux de votre Rapporteur pour que la France renonce à être un aiguillon au sein de l’AIEA et, pour être crédible, notre pays doit dégager des moyens financiers et humains correspondant à sa place au sein de l’industrie nucléaire mondiale.

Or, notre présence au sein de l’AIEA n’est pas suffisante. Je m’en étais déjà inquiété par ma 31ème recommandation aux termes de laquelle je soulignais la nécessité pour les groupes d'experts de l'AIEA de disposer d’un noyau dur d'experts rodés aux méthodes AIEA et je demandais au Gouvernement français de dégager pour sa part les moyens nécessaires.

En effet, la présence française à l’AIEA est assurée d’une part par le personnel français employé par l’Agence, d’autre part par la participation des experts aux activités de l’AIEA.

A ce jour, le personnel français à l’AIEA comprend près de 70 personnes (sur un total de plus de 2 200), dont une quarantaine de cadres : une dizaine d’experts " à titre gracieux ", quelques cadres exerçant des fonctions de traduction, et 25 cadres (sur un ensemble d’environ 750) soumis à répartition géographique, ce qui représente la moitié environ du quota budgétaire de la France.

Parmi les postes de haute responsabilité, on ne relève aucun des six postes de Directeur Général Adjoint, mais on doit noter la présence de deux Directeurs de Division : Sûreté des installations nucléaires et information Scientifique et Technique, ainsi qu’un Directeur de Laboratoire.

Il est évident que la France, qui est l’un des pays qui dispose du vivier de spécialistes de l’énergie nucléaire parmi les plus importants, n’occupe pas au sein des organisations onusiennes la place qui devrait lui revenir.

Or, il paraît important à votre Rapporteur d’affirmer la place de la France et de son industrie nucléaire.

Votre Rapporteur regrette que, sur ce sujet d’importance, les recommandations de l’OPECST n’aient pas été suivies.

2. La mise en place de la politique de sûreté des centrales d’Europe de l’Est

a) Les défauts des réacteurs des centrales des PECO demeurent rédhibitoires

Le début des investigations sur les réacteurs de type RBMK n’a pas été aisé.

En mars 1992, quinze réacteurs RBMK étaient encore en fonctionnement dans les pays de l'Est, et deux étaient en construction.

La lenteur avec laquelle ces réacteurs ont fait l'objet d'audits de sûreté par l'AIEA est due au secret dont ils ont longtemps été entourés, en raison de leur rôle dans la production de plutonium à usage militaire.

Or les réacteurs RBMK souffrent de plusieurs défauts majeurs en ce qui concerne la sûreté. Le premier défaut est l'absence d'enceinte de confinement. L'accident de Tchernobyl a souligné le caractère tragique d'une dispersion, faute d'enceinte, de produits radioactifs. Leur deuxième défaut majeur est la faiblesse des tubes de force. Le troisième défaut concerne l'insuffisante protection des dispositifs de mesure et de contrôle contre les incendies. Enfin, l'AIEA souligne que la culture de sûreté des opérateurs est largement insuffisante.

L'AIEA a lancé en avril 1992 un programme d'évaluation de la sûreté des centrales RBMK. Des ressources financières lui ont été fournies par le Japon pour un million de dollars par an. Une mise à disposition d'experts a été envisagée par Wano et EDF.

En 1992, le contexte de la sûreté des réacteurs RBMK semblait évoluer défavorablement selon l'AIEA. En effet, du fait de l'éclatement de l'URSS, les liens, autrefois très serrés entre l'Institut Kortchatov et les centrales, sont distendus. Il serait d'autant plus difficile de faire des transformations importantes, étendues à l'ensemble du parc.

En 1999, je crains que la situation dans certains pays tels que l’Ukraine, où les employés de Tchernobyl ne sont plus payés, ne se soit encore dégradée et, en tous cas, du fait du non-paiement de leur électricité par les consommateurs, les exploitants de centrales ne disposent pas des moyens de les gérer comme elles devraient l’être.

L'attention de l'AIEA s'est portée en priorité sur les réacteurs VVER 440-230, en ce qu'ils constituent les réacteurs à eau pressurisée de la première génération dans les pays de l'Est.

L'amélioration de leur sûreté supposait en premier lieu des investissements financiers et humains importants. Elle était conditionnée également par la mise en place d'un cadre réglementaire et d'autorités de sûreté compétentes et dotées de réels moyens d'intervention.

Sur ce dernier point, il semble que des progrès réels aient été enregistrés, même s’ils ne sont pas aussi rapides que le souhaiterait votre Rapporteur.

Les experts de l'AIEA s'accordent à dire qu'il reste un champ d'action considérable pour améliorer la sûreté des VVER 440-230. Mais ils reconnaissent également que, sans certains choix de conception très favorables à la sûreté, les incidents enregistrés auraient pu dégénérer et auraient eu en tout état de cause des conséquences plus dramatiques sur des matériels occidentaux de conception différente -en supposant bien sûr contre toute évidence que les phénomènes initiateurs aient pu se produire sur ces derniers.

Mais les défauts de conception rédhibitoires subsistent.

La liste des défauts de conception est longue. Elle est bien évidemment minimisée dans son importance, par les ingénieurs des pays de l'Est, du fait de la stabilité intrinsèque des réacteurs telle qu'elle a été obtenue par les choix précédents. Mais elle fait apparaître clairement que des améliorations sont nécessaires.

Les principaux défauts des réacteurs VVER 440-230 sont les suivants :

    • absence d'enceinte de confinement ; c’est de loin le plus grave ;
    • absence de système autonome de refroidissement du cœur en cas d'urgence ;
    • instrumentation de mesure et de contrôle du cœur insuffisante ;
    • protection contre l'incendie insuffisante.

b) Le positionnement de l'AIEA : diagnostic et conseils aux autorités de sûreté

L'AIEA, de par sa nature d'organisation onusienne et son organisation, semble à votre Rapporteur particulièrement compétente pour assumer deux tâches fondamentales dans l'amélioration de la sûreté.

La première tâche est celle du diagnostic. Difficile à accepter pour les Gouvernements nationaux, le diagnostic technique est également difficile à poser, en raison des différences de culture et de choix techniques.

La composition plurinationale des équipes d'experts et l'existence d'un corpus de principes de sûreté acceptés et mis au point par l'AIEA sont à même de garantir la meilleure objectivité et, par là même, la meilleure acceptabilité des recommandations de l'AIEA.

Cet axe est donc à développer, avec les ressources correspondantes, soit par augmentation des crédits alloués à l'AIEA, soit par redéploiement des ressources de cette dernière.

La deuxième tâche fondamentale de l'AIEA semble être l'aide à la mise en place d'une organisation efficace de la sûreté. Cette organisation doit bien entendu comprendre à la fois une réglementation et des autorités administratives de sûreté dotées de compétences et de moyens suffisants pour s'imposer.

Certains pays financent les programmes correspondants.

On sait que les liens bi- ou trilatéraux se sont multipliés entre l'IPSN ou le GRS  par exemple et les Gouvernements des pays de l'Est.

Si ces processus directs et rapides peuvent être utiles à la fois à la sûreté et aux industries nationales, il n'en demeure pas moins que l'AIEA a vocation à superviser la mise en place de ces organisations nationales, de manière à assurer une cohérence globale et à ne pas laisser de côté la sûreté dans des pays dénués de toute ressource ou de toute perspective de développement.

En tout état de cause, une tendance aux financements extrabudgétaires se fait jour pour les activités de l'AIEA en matière de sûreté des installations nucléaires des pays de l'Est.

Tel pays accepte de financer tel programme, tel autre, telle activité. Ce mode de financement présente un avantage, celui de forcer l'organisation à une efficacité démontrable et à des comptes clairs. L'inconvénient est celui de menacer la cohérence globale de l'organisation et celle de ses missions. Mais, avec le recul, et même si elle n’est pas totalement satisfaisante, elle permet d’agir.

c) Une amélioration de la sûreté qui doit s'inscrire dans la refonte du secteur énergétique

1) La fermeture des réacteurs, impossible aujourd'hui, n'empêche pas la recherche de solutions alternatives ou complémentaires

Comme je le soulignais dans mon rapport de 1992, personne aujourd'hui ne réclame plus la fermeture immédiate des centrales nucléaires de l'Est. Après les affolements légitimes des débuts, des appréciations plus raisonnables et plus nuancées se font jour, mais le paragraphe qui suit est également extrait du rapport susvisé et nous pouvons constater, ce qui est très inquiétant, que ce constat demeure largement d’actualité car les moyens de production d’électricité susceptibles de se substituer aux installations en services n’ont toujours pas été mis en œuvre.

" Un arrêt immédiat aurait en effet des conséquences redoutables dans tous les domaines :

— " dans des pays où la part d'électricité provenant de l'énergie nucléaire représente 10 à 20 % (Russie, Tchécoslovaquie, Ukraine) ou 30 à 40 % (Hongrie, Bulgarie), voire près de 100 % (Lituanie), l'incapacité du système énergétique à compenser au pied levé cette perte de production provoquerait des pénuries insupportables pour la population ;

— " l'énergie étant un facteur stratégique de l'activité économique, les pénuries frappant également le secteur productif paralyseraient l'activité économique normale ainsi que le très difficile processus de restructuration engagé à l'Est ; arrêter immédiatement le nucléaire, ce ne serait pas seulement provoquer des situations dramatiques provisoires, ce serait aussi hypothéquer gravement l'avenir et refuser à ces pays désormais libres et démocratiques la possibilité d'obtenir un jour un niveau de vie comparable au nôtre ;

— " les démocraties de l'Est sont encore fragiles : il ne manque pas de forces politiques hostiles prêtes à profiter de difficultés sérieuses sur le plan économique ou énergétique pour menacer les régimes récemment installés. Yanko YANEV, président du Comité d'Etat pour l'Utilisation pacifique de l'Energie nucléaire en Bulgarie, mentionnait dans une interview à la revue Préventique (juillet-septembre 1992) l'existence d'un risque politique. On ne peut lui donner tout à fait tort.

" Pour autant le principe d'une fermeture n'est pas abandonné totalement, mais adapté aux divers types de réacteurs fonctionnant actuellement. Un consensus s'est ainsi progressivement dessiné au sein des instances occidentales (instances gouvernementales ou industrielles) pour :

— " fermer dans un laps de temps aussi bref que possible les réacteurs RBMK (filière utilisée à Tchernobyl) et les plus anciens modèles de réacteurs à eau sous pression VVER, les VVER-230 (440 MW de puissance électrique) ;

— " utiliser les réacteurs plus récents VVER-213 (440 MW de puissance électrique également) jusqu'à la fin de leur durée de vie industrielle prévue ;

— " mettre l'accent sur les réacteurs VVER-1000 (1 000 MW de puissance électrique), que l'on estime être plus proches des réacteurs occidentaux (en particulier les réacteurs VVER-1000 sont contenus dans une réelle enceinte de confinement).

" Dans ce schéma, les réacteurs VVER-230 destinés à un arrêt " prochain " sont susceptibles de subir des petites reconstructions (selon le jargon en cours) conçues en vue de leur faire passer le cap des quelques mois ou quelques brèves années qui leur sont encore alloués.

Si l'on ne construit plus à l'Est de modèles VVER-230, plusieurs réacteurs VVER-213 et VVER-1000 étaient en chantier en 1992 et pour certains ont pu être mis en service en 1998 dans des conditions satisfaisantes de sécurité, sous le contrôle très approfondi de l’AIEA.

Il nous faut donc gérer une situation transitoire pendant laquelle l'Europe devra accepter que fonctionnent des unités dont la sûreté de conception et / ou d'exploitation laisse fortement à désirer. Cela n'empêche pas de rechercher des solutions alternatives ou complémentaires, dont on ne doit pas cependant attendre des miracles " tant que la situation politique et économique de ces états ne s’est pas redressée.

" Il ne faut toutefois pas se montrer non plus exagérément pessimiste ; la situation de la sûreté, en particulier dans les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne, s’est considérablement améliorée même si, pour d’autres, elle demeure inquiétante. Pour des pays candidats à l’adhésion tels que la Lituanie, votre Rapporteur a pu noter des progrès sensibles qui le conduisent à s’interroger sur la légitimité des exigences de fermeture de centrales formulées par la Commission.

2) Les obstacles majeurs sur lesquels butaient la coopération internationale indispensable sont-ils levés ?

Les initiatives d'assistance en direction des pays d'Europe centrale et orientale n’ont pas manqué, elles concernent au premier chef les Européens, mais proviennent d'horizons beaucoup plus variés.

Au départ, l'amélioration de la sûreté nucléaire dans les pays d'Europe centrale et orientale passait par des études préalables qui ont été largement subventionnées et réalisées, ce qui n’est pas le cas des investissements devant permettre aux installations de disposer d'équipements performants.

Il est vrai que, pendant longtemps, les chiffres les plus divers ont circulé sur l'importance des sommes nécessaires. De multiples évaluations ont été formulées, qui reposent toutes sur des hypothèses différentes. Cette diversité n'a pas peu contribué à troubler les débats sur l'aide à apporter aux pays de l'Est.

Lors des auditions organisées par le Congrès américain en juin 1992, le président de la NRC américaine M. SELIN ne donnait d'estimation que pour les améliorations immédiates qu'il serait possible de réaliser, comme de meilleures procédures d'exploitation ou les actions fondamentales pour la protection contre les incendies : ces estimations s'élevaient à 10 M$ par réacteur soit près de 600 M$ pour l'ensemble du parc.

Pour les actions de plus grande envergure, M. SELIN s'en remettait à la restructuration économique et à la fixation des prix de l'électricité par les mécanismes du marché. Dans ces conditions, selon lui, les ressources des opérateurs seraient susceptibles de couvrir le coût de la fermeture des réacteurs les plus anciens et l'achèvement des réacteurs dont la construction a été arrêtée. M. SELIN estime cependant que la " mise à niveau " des VVER-213 et VVER-1000 coûterait de 150 à 200 M$ par réacteur.

Ces analyses, dont je me suis fait l’écho en 1992, péchaient par optimisme sur les bienfaits de l’économie de marché qui n’est pas encore véritablement installée car la situation économique dégradée a conduit à une insolvabilité des clients des exploitants, qui obère la capacité d’investissement des opérateurs locaux qui pour certains ne sont même plus en mesure de rétribuer leur personnel.

En avril 1992, M. ATTALI estimait au nom de la BERD que la fermeture des 15 réacteurs RBMK encore en service coûterait 4 Md$ sur cinq ans.

Quant au ministre français de l'Industrie, M. STRAUSS-KAHN, il déclarait, à l'issue d'une réunion conjointe des autorités de sûreté occidentales et orientales tenue à Paris en mai 1992, que 28 Md$ seraient nécessaires pour atteindre un niveau satisfaisant de sûreté.

Pendant ce temps, le groupe de travail préparatoire au sommet du G 7 de Munich mettait au point un plan prévoyant une aide d'urgence de 720 M$ (dont 320 M$ destinés aux VVER-230 et aux RBMK, et 20 M$ au soutien aux autorités de sûreté), assortie d'actions à moyen terme coûtant 2,5 Md$ pour les VVER-213 et 3,2 Md$ pour les VVER-1000. Quant au coût d'achèvement des VVER-1000 actuellement en chantier mais arrêtés, il était contenu dans une très large fourchette de 3 à 15 Md$.

En définitive, le sommet du G 7 de Munich (6-8 juillet 1992) s'est arrêté sur le chiffre de 700 M$ pour une aide d'urgence, en précisant que cette somme était un " objectif " et non un engagement, mais sans déterminer la clef de répartition entre les pays de la CEI et les pays d'Europe centrale et la BERD s’est avérée un outil décevant de mise en œuvre de la politique décidée par le G 7 du fait d’une conception de son rôle plus proche de celle d’une banque d’affaire que d’un organisme public.

Certes, au départ, les Etats-Unis et le Japon étaient opposés au principe d'une aide massive multilatérale, qu'ils estiment contraire aux intérêts de leurs firmes nationales. Par ailleurs, ils craignent la mise en place de structures bureaucratiques alors que des financements bilatéraux uniquement éviteraient cet écueil.

Il n'est point de bon système de sûreté qui ne définisse précisément les rôles et fonctions de chaque acteur. Mesurées à cette aune, les organisations des responsabilités à l'Est ont longtemps recelé de graves déficiences.

En particulier pour les pays où une désagrégation des structures étatiques est survenue, comme dans l'ex-URSS, en particulier l’Ukraine, ces relations et responsabilités sont encore plus bouleversées : certains pouvoirs restent très forts, comme en Ukraine les directions des centrales, d'autres n'arrivent pas (encore) à s'affirmer, comme l'autorité de sûreté.

Au cœur de cet écheveau, il sera bien difficile d'imprimer une définition juridique précise et sanctionnée à la responsabilité de l'exploitant. C'est pourtant une pièce maîtresse dans l'édifice de la sûreté, et diverses actions sont en cours pour que le concept prenne corps . Elles sont indispensables, mais supposent une certaine sophistication et stabilité juridique dans le pays d'accueil. Les efforts des institutions occidentales -autorités de sûreté comme exploitants- ne doivent pas se démentir.

La crédibilité de l'autorité de sûreté est le deuxième pilier de la sûreté nucléaire. Cette crédibilité repose d'abord sur l'indépendance juridique de l'autorité vis-à-vis de toute structure liée à la production d'électricité ou à l'utilisation de l'énergie nucléaire. Force est de constater que des progrès très importants ont été réalisés depuis 1992 mais de manière très contrastée selon les pays. Trop souvent, les schémas du passé survivent, qui conduisent à une organisation de niveau administratif chargée à la fois de la promotion et du contrôle du nucléaire. Une séparation intégrale de ces deux fonctions, plus conforme aux standards internationalement reconnus, permettrait un arbitrage de niveau politique.

Pareillement, l'indépendance doit être matérielle. Il n'est pas pensable que perdurent depuis 1990 des situations où les inspecteurs et les agents de l'autorité de sûreté ont des moyens financiers trop faibles pour assurer correctement leurs missions. Soit l'exploitant prend en charge une partie de l'organisation matérielle des opérations, soit il " écrase " l'autorité de sûreté par les ressources dont bénéficient ses personnels, provoquant par là une fuite des cerveaux de l'autorité vers l'exploitant.

Mettre à niveau les conditions de travail de l'autorité de sûreté ne nécessite en général pas un effort financier excessif. C'est pourtant un prélude indispensable à l'accroissement de son influence.

Enfin, l'autorité de sûreté doit disposer de capacités d'expertise suffisantes pour analyser de façon critique les dispositions présentées par l'exploitant. Il faut partout favoriser le renforcement d'un appui technique indépendant.

Le dialogue entre l'autorité de sûreté et l'exploitant, sur cette base saine et équilibrée, est une pièce tout aussi essentielle pour l'amélioration de la sûreté. Cela implique la mise au point de règles précises concernant les exigences de sûreté ainsi que les documents et procédures requis.

L'action des organismes occidentaux peut ici jouer à deux niveaux :

    • la mise au point de protocoles précis répondant directement aux points qui viennent d'être évoqués ;
    • à un degré second, l'apprentissage par chacun des partenaires d'une méthodologie de l'interrogation : il faut apprendre aux divers intervenants à se poser de bonnes questions.

La détermination dans tous leurs détails des exigences de sûreté me paraît moins importante que cette affirmation conjointe des deux " personnalités " en présence et les modalités de leur dialogue obligé.

Je dois souligner que la conclusion que je vous livrais en 1992 demeure toujours d’actualité. La plupart des gouvernements des pays d'Europe centrale et orientale ont adopté cette attitude à propos de leurs VVER-230 respectifs. Leur choix a d'ailleurs souvent porté sur une " petite reconstruction " provisoire sous un régime d'autorisation transitoire renouvelé tous les ans, et les décisions sur l'arrêt définitif ou la poursuite de l'exploitation moyennant des améliorations complémentaires de plus grande ampleur qui devaient intervenir aux environs de 1995 ne l’ont pas été faute d’alternative à la production électronucléaire ou de risque de trop grande dépendance vis-à-vis d’un voisin.

Même si elle reporte à une date ultérieure la décision définitive, cette attitude est un choix politique. En tant que telle, elle doit être respectée.

Il n'est pas question pour autant de se laisser dicter les choix des pays de l'Est. En matière d'assistance, dès lors que les pays occidentaux sont les payeurs, il est nécessaire que les programmes d'action précis soient discutés et négociés mais dans le respect des compétences locales. L’assistance doit permettre de rétribuer les ingénieurs locaux et non être gâchée en sur-rémunérant des bureaux d’étude occidentaux.

Au delà, c'est aussi en s'appuyant sur une autorité politique déterminée que les organismes de sûreté anciennement ou nouvellement créés pourront affirmer leur présence et exercer leur pouvoir. Beaucoup sont encore trop fragiles, et il importe au plus haut point de faciliter leur inscription dans le paysage politico-économique du monde nucléaire.

Leurs relations avec les organismes similaires des pays occidentaux, l'accroissement de leurs compétences techniques, leur insertion dans les institutions et mécanismes internationaux peuvent donner aux autorités de sûreté la stature qui leur permettra de s'affirmer chez elles.

C'est donc en traitant leurs homologues est-européens en égaux que les institutions occidentales feront le plus progresser l'idée de sûreté, et par là même la sûreté. Il ne faut négliger ni les compétences scientifiques, ni les compétences techniques qui sont nombreuses à l'Est, et de qualité. Les pays de l'Est ne sont pas une terra incognita où nos entreprises " assoiffées de business " pourraient aller chasser impunément. Les meilleures collaborations seront celles qui sauront valoriser à sa juste valeur ce potentiel.

Mais la situation des centrales d’Europe de l’Est ne peut pas être distinguée de la situation politique et économique générale qui interdit de voir traduites les promesses en actes : par exemple, il est évident que Tchernobyl ne sera pas fermé en l’an 2000 alors que le G 7 de Naples de juillet 1994 avait permis d’aboutir avec l’Ukraine à un protocole le 20 décembre 1995 qui comportait une liste de projets pour l’amélioration de la sûreté nucléaire et la mise sur pied d’un secteur efficace en Ukraine.


Un type de coopération intéressant :
le jumelage des centrales

J’avais, dans ma recommandation n° 39, insisté sur l’intérêt des jumelages pour développer la culture de sûreté et je dois dire que les résultats tels qu’ils apparaissent dans le tableau suivant me paraissent intéressants :

39ème recommandation

La France encourage au niveau européen la réalisation de jumelages entre centrales de l'Est et de l'Ouest.

I – La France (EDF) a mis en place neuf jumelages entre des centrales françaises et des centrales de l’Est :

 

Centrales de l’Ouest

Centrales de l’Est

RUSSIE

Penly

Paluel

Novovoronej

Balakovo

UKRAINE

Golfech

Chinon

Bugey

Rovno

Khmelnitski

Zaporojhe

HONGRIE

Blayais

Paks

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Saint-Alban

Dukovany

SLOVAQUIE

Nogent-sur-Seine

Bohunice

BULGARIE

Bugey

Kozloduy

 

C. La participation de la France aux activités de l’AIEA

Une des actions les plus originales de l’AIEA et des plus nécessaires à l’établissement d’un climat de confiance est constituée par l’inspection mutuelle des centrales. Votre Rapporteur avait souhaité, à travers ses 30ème et 33ème recommandations, que la France s’implique le plus activement possible dans les activités de l’AIEA.

Si les moyens dégagés par la France pour l’AIEA sont trop faibles, la participation de notre pays à ses activités est beaucoup plus satisfaisante.

1. Les activités de l’AIEA et la collaboration de la France

Les actions de l’Agence en matière de sûreté consistent en :

    • l’établissement de guides de sûreté et de code de bonne conduite dans le cadre du programme NUSS (Nuclear Safety Standard Program). Ce programme, lancé à l’origine à l’intention des pays en développement, a permis l’élaboration de recommandations en ce qui concerne les principes généraux de sûreté qui servent de référence effective pour les constructeurs ;
    • la constitution d’équipes d’évaluation et d’analyse composées de spécialistes de l’Agence et d’experts mis à la disposition par les Etats. Ces missions sont réalisées à la demande d’un Etat et ont pour objet de donner un avis sur la sûreté d’installations nucléaires (OSART), sur les événements significatifs sur le plan de la sûreté (ASSET) ou bien en matière de radioprotection (RAPAT), ou de gestion des déchets.

Lors de l’élaboration des documents, codes, guides ou autres, l’Agence fait appel aux experts des pays membres, ses propres agents jouant un rôle de coordinateur ou de secrétaire technique.

Dans les cas de missions de type OSART, le chef d’équipe est un fonctionnaire de l’AIEA, les autres membres étant en majorité des experts extérieurs qui doivent avoir reçu l’agrément du pays demandeur.

Plus de 200 experts français dûment recensés, nommés par la direction des relations internationales du CEA sur proposition de leur organisme d’appartenance, participent aux réunions (environ 250 par an pour l’ensemble des domaines d’activité de l’AIEA) des Groupes de Travail chargés d’élaborer en commun les publications de l’Agence, qui vont des rapports techniques aux guides et recommandations de sûreté et de radioprotection.

A ces activités et à celles concernant les " OSART " et " ASSET " évoquées plus haut (cf. 30ème recommandation), s’ajoutent :

    • Des cours à l’Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN) financés pour moitié ou en totalité par la France dans l’enveloppe du budget CEA/DRI (environ 700 kF en moyenne par an) ;
    • L’envoi d’experts sur sites pour des missions d’assistance technique à raison d’une quarantaine chaque année pour des durées d’une à deux semaines ;
    • L’octroi de bourses et accueil de stagiaires.

De même que la France est représentée dans tous les Groupes Consultatifs de haut niveau institués par le Directeur Général pour conseiller l’Agence dans ses orientations, la DSIN est, dans le domaine de la sûreté, le maître d’œuvre de cette représentation, composée des groupes suivants :

    • Sûreté : INSAG,
    • ACSS, chargé de coordonner les activités de caractère normatif, et ses sous-comités :

    • NUSSAC (sûreté des installations nucléaires),
    • RASSAC (protection radiologique),
    • TRANSSAC (transport de matières radioactives),
    • WASSAC (déchets radioactifs)

    • Coopération technique : SAGTAG,

    • Garanties : SAGSI.

2. La participation française aux missions d’inspection

A travers ma 30ème recommandation, je souhaitais que " le Gouvernement assure dans les équipes OSART et ASSET de l’AIEA une présence importante des experts français, appartenant tant à l’autorité de sûreté qu’aux exploitants ". Il s’avère que la France participe activement à ces éléments essentiels de la coopération et de l’assistance en matière de sûreté que sont les missions :

    • OSART (examen par des experts recrutés par l’Agence, à la demande d’un pays membre, de la sûreté d’exploitation de ses centrales). Cette participation s’effectue tant au travers des OSART menées en France même (Tricastin, 1985, St-Alban, 1988 ..., et récemment Cattenom, 1995 et Dampierre, 1996), que par la participation d’experts d’EDF et de la DSIN à celles qui sont menées à l’étranger (Quinshan, Chine, et Yonggwang, Corée, 1997) ;
    • ASSET (structures de la même façon, ces missions d’audit sur le déroulement des opérations après un incident peuvent aussi être demandées par l’Etat membre concerné ; en France même (Paluel) ou à l’étranger (Paks, Hongrie, 1995).

En conclusion, il semble à votre Rapporteur qu’avec les moyens qui sont les siens, l’AIEA remplit un rôle précieux en contribuant à la définition de standards de sûreté qui constituent un guide précieux et son action, en particulier grâce à ses inspections, a permis d’améliorer la culture de sûreté, ce qui est tout à fait fondamental. Mais il est regrettable que notre pays ne s’implique pas d’avantage dans ces actions, même si l’effort français est loin d’être négligeable.

II - LE RÔLE DE L’UNION EUROPÉENNE

Il est à noter que les analyses qui suivent ont été rédigées avant la crise qui vient de secouer la Commission européenne.

En dehors de la définition du cadre d’action général, les résultats de l’action de l’Union européenne sont profondément décevants malgré l’attention portée aux recommandations de l’Office par le Gouvernement et l’action efficace de notre Représentation permanente. Mais, surtout, au-delà des mises en cause de personnalités auxquelles nous assistons, ce sont les mécanismes institutionnels qui se révèlent être inadaptés.

A. Le cadre d’action général

L'idée d'une Charte européenne, a été exprimée au sommet européen de Dublin de juin 1990 : il s'agissait de diversifier l'approvisionnement énergétique du continent européen afin d'éviter que de nouvelles murailles ne divisent l'Europe après la chute du Mur de Berlin.

1. La Charte européenne de l'Energie

La Charte repose sur une certitude, un pari et une vision :

    • la certitude qu'une bonne utilisation des complémentarités énergétiques en Europe bénéficiera à celle-ci et à l'économie mondiale ;
    • le pari que l'URSS, principal détenteur des réserves énergétiques, pourra (re)devenir d'ici quelques années un exportateur important d'énergie, avec l'aide d'investissements européens ; l'énergie paraît être le seul secteur où ces investissements privés sont susceptibles d'atteindre une masse critique ;
    • la vision que les pays d'Europe centrale et orientale, y compris l'URSS, ne pourront mener à bien leur transition vers l'économie de marché et le renforcement de la démocratie sans une certaine stabilité économique et énergétique.

Au-delà des accents lyriques de M. Charles RUTTEN, Ambassadeur des Pays-Bas auprès des Communautés européennes et président de la Conférence sur la Charte , celle-ci se positionnait résolument sur le terrain politique, puisque le texte se plaçait -entre autres- sous les auspices de la Charte de Paris pour une Nouvelle Europe signée le 21 novembre 1990 lors du sommet de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe.

D'emblée, la question de la sûreté des installations nucléaires fait partie des priorités officielles de la Charte et de ses promoteurs. Les perspectives adoptées tendent à obtenir un accord général entre tous les signataires pour de strictes normes internationales de sûreté à la conception et en exploitation pour tous les réacteurs nucléaires du continent .

La Charte européenne de l'Energie fut adoptée à La Haye le 17 décembre 1991 par 48 signataires  dont l'Australie, le Canada, les Etats-Unis, le Japon ainsi que la Communauté européenne.

2. Les initiatives européennes communautaires

A partir de cette prise de conscience certaines initiatives initialement financées sur fonds propres des institutions concernées se sont constituées sous financement communautaire.

Par exemple, Framatome et EdF ont réalisé une étude sur la centrale arménienne d'Oktemberyan (à 30 km d'Erevan), qui abrite deux tranches VVER-230. Bien qu'elle ait reçu des aménagements spéciaux tendant à diminuer le risque sismique, la centrale a été arrêtée par précaution au premier trimestre 1989 à la suite du tremblement de terre qui a ravagé l'Arménie le 7 décembre 1988. En mars 1991, le gouvernement arménien demande à Framatome de procéder à une évaluation de sûreté de l'installation. Durant l'été 1991, une mission d'experts de Framatome et d'EdF se rend sur place, accompagnée d'experts soviétiques. Un rapport est remis aux autorités arméniennes, qui contient des observations et recommandations techniques. Cette étude financée par Framatome et EdF s’est poursuivie par un contrat (300 000 Ecus) décroché dans le cadre du programme communautaire TACIS.

Le soutien de la Communauté à la sûreté nucléaire dans les pays d'Europe centrale et orientale s'effectue grâce aux programmes TACIS (Technical Assistance for the CIS) et PHARE (Poland and Hungary Assistance to the Reconstruction of the Economy). Une partie de chacun de ces programmes est dévolue à l'amélioration de la sûreté nucléaire. La contribution financière de la Communauté est la plus importante au monde à ce jour.

Lancé en 1990 à destination de la Pologne et la Hongrie, PHARE a été étendu progressivement à la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, l'ex-RDA, la Yougoslavie, la Roumanie et la Lituanie. La Yougoslavie et l'ex-RDA n'émargent plus à PHARE aujourd'hui pour des raisons évidentes.

    • l'assistance aux autorités de sûreté (6 MEcus) ;
    • des études concernant les centres de stockage des déchets et les réglementations afférentes (2 MEcus) ;
    • des études de pré-investissement pour évaluer les besoins des pays concernés en électricité et les moyens de les satisfaire ; ces études s'attacheront en particulier à évaluer le coût d'une éventuelle remise à niveau des centrales électriques en fonction de leur type et de leur état général (12 MEcus au total).

Le programme TACIS est spécifiquement destiné aux pays issus de l'ex-Union soviétique. L'intervention de TACIS dans le domaine de la sûreté nucléaire repose sur le protocole d'accord négocié avec les autorités soviétiques et signé en décembre 1991. 54,5 MEcus étaient inscrits au budget 1991, soit 14% du budget total de TACIS ; 50 MEcus ont été inscrits au titre de 1992, 30 MEcus sont demandés pour 1993. D'après les services de la Commission, il semble que cette diminution doive s'expliquer par le fait que les résultats des études commandées sous le budget 1991 ne seront disponibles pour la plupart qu'après le second trimestre 1993 ; dans ces conditions, certaines sommes budgétées pour 1992 pourraient être reportées sur le budget 1993 et leur destination adaptée en conséquence.

TACIS poursuit deux objectifs généraux : améliorer la sûreté des centrales nucléaires en exploitation et des autres installations civiles de fabrication de combustible ou de traitement des déchets ; promouvoir la coopération régionale en matière de sûreté nucléaire parmi les pays qui exploitent des installations nucléaires de conception soviétique.

Les programmes de TACIS ont été définis dans une perspective de trois ans afin de faciliter les opérations comptables et ont été recentrés sur trois grands domaines :

    • l'amélioration de la sûreté en exploitation : les activités entreprises sous ce label sont conçues comme la prolongation et le complément des études génériques financées par le budget TACIS 1991. Elles se fondent sur l'idée que les accidents les plus sérieux qui sont survenus ont été provoqués par des installations de contrôle-commande insuffisamment performantes, des procédures d'exploitation "sous-optimales"  et des difficultés dans la gestion de l'interface homme-machine. Ces activités seront synchronisées avec les arrêts programmés des tranches concernées. Elles se concentreront sur :

    • l'aide à l'amélioration du facteur humain et de l'interface homme-machine, à travers la mise au point de procédures pour l'exploitation en régime permanent et en régimes transitoires (normal, anormal ou accidentel), l'évaluation de la gestion des ressources humaines, la formation des opérateurs et de l'encadrement ;
    • l'aide à l'amélioration des matériels liés à la sûreté, qui pourra inclure l'inspection des équipements existants ainsi que l'acquisition de matériels destinés à améliorer directement et substantiellement la sûreté de l'installation (équipements de surveillance, dispositif d'examens non destructifs, protection incendie, revêtements étanches et ininflammables...). Les fonds utilisés pour acquérir du matériel ne pourront dépasser 40 % du total des financements accordés aux actions d'amélioration de la sûreté en exploitation ;

    • l'évaluation de la sûreté dans la conception : Les quatre types fondamentaux de réacteurs sont concernés (RBMK, VVER-230, VVER-213, VVER-1000) ainsi que les installations du cycle du combustible ; pour ces dernières des " missions de reconnaissance " devraient permettre de développer un plan à moyen terme ;
    • le soutien aux autorités de sûreté, dans la continuation exacte des actions mises en œuvre sur les budgets 1991.

Enfin, un Plan directeur à horizon de 4 à 5 ans devrait établir un cadre cohérent pour les politiques de sûreté nucléaire. Il sera élaboré conjointement avec les pays récipiendaires. Il devra :

    • mettre en avant des objectifs sectoriels ;
    • indiquer des priorités précises associées à ces objectifs ;
    • définir les mécanismes de réalisation et leur programmation dans le temps ;
    • prévoir des révisions périodiques permettant d'intégrer les résultats des actions entreprises et ceux des programmes bilatéraux développés par ailleurs.

Je soulignais déjà dans mon rapport de 1992 que " Les programmes financés par la Communauté appellent une appréciation nuancée : autant leur ampleur devrait attirer les éloges, autant leur lenteur doit susciter la réprobation. Cette lenteur confine parfois à l'arrêt total : à la mi-octobre 1992, la Communauté devait encore lancer 23 appels d'offres sur des projets TACIS budgétés sur les enveloppes 1991...

" A la décharge des services de la Commission, on doit mentionner une relative désorganisation du côté russe, ainsi que parfois une certaine mauvaise volonté à fournir des informations de base alors que cela est la règle pour la définition technique des projets et l'octroi des financements. "

Il n'empêche que l' " intégrisme procédurier " dont a fait preuve la Commission est la cause essentielle de ces retards. " Les péripéties du financement des programmes WANO pour la centrale de Kosloduy […] sont une illustration que l'on voudrait croire caricaturale. Je ne suis pas sûr qu'elle soit si caricaturale que cela... Le 12 novembre, lors de la discussion du budget du ministère de l'Environnement à l'Assemblée nationale, Mme ROYAL déclarait que le Commissaire européen à l'Energie M. CARDOSO E CUNHA s'était engagé à modifier les procédures d'ici l'hiver. " Malheureusement, aucune modification n’a depuis 1992 permis de remédier à cette situation.

Il est certain que la machinerie communautaire, efficace lorsqu'il s'agit de trouver de subtils compromis entre des Etats membres soucieux de défendre leur pré carré, est moins efficace lorsqu'il s'agit de financer des actions d'urgence. C'est pourquoi des groupements, consortiums, et autres associations ont cherché à faire profiter les services de la Commission de leurs compétences dans le domaine technique.

Au début de 1991, sept exploitants européens  se sont rassemblés de façon informelle dans TPEG, Twinning Program Engineering Group, dans le but d'aider la Commission à établir des priorités pour les projets d'améliorations consacrés aux VVER dans le cadre du programme PHARE, sur la base des travaux effectués par l'AIEA. En attente d'un " signal positif " de la Commission qui ne venait pas, TPEG a été mis en sommeil jusqu'en juin 1992. Au mois de mai 1992, en effet, la Commission a demandé officiellement aux exploitants de l'aider à établir un programme d'amélioration de la sûreté nucléaire pour la CEI, sous l'égide du programme TACIS. TPEG s'est alors concrétisé en un Groupement Européen d'Intérêt Economique regroupant les mêmes électriciens. TPEG est chargé désormais de rédiger les spécifications techniques des appels d'offres lancés par la CEE pour les 23 projets TACIS concernant les réacteurs VVER et en 1999 les autorités de sûreté de l’Union viennent de se regrouper dans une association, initiative qui doit être saluée.

Le cadre technique de l'aide communautaire dans le domaine de la réglementation de la sûreté nucléaire au titre des programmes PHARE et TACIS est incarné dans le RAM Group (Regulatory Assistance Management Group) et le groupe CONCERT.

Le premier est une émanation du Groupe de travail GT 1A de la Commission : " Sûreté des réacteurs thermiques : méthodologie, critères, codes et normes ", qui rassemble les autorités de sûreté des Etats membres de la Communauté, de Suède et de Finlande. Travaillant à l'harmonisation des normes de sûreté dans la Communauté, le GT 1A s'est trouvé assez naturellement au premier plan lorsque les questions concernant les régimes réglementaires des pays de l'Est se sont posées avec acuité.

Le RAM Group fait office de conseil auprès de la Commission pour la réalisation des programmes d'aide en matière de réglementation. Il a mis au point rapidement des modalités spécifiques de financement avec la Commission, échappant aux procédures d'appels d'offres du fait du caractère public et non concurrentiel de son objet. Le RAM Group propose ses initiatives à la DG I, responsable de l'attribution des contrats PHARE et TACIS ; réciproquement, la DG I peut demander au RAM Group quelles sont ses idées pour réaliser tel ou tel type d'opération. 6 MEcus devraient être dépensés ainsi sur le budget 1992, fournis essentiellement par la DG XI.

Enfin, en septembre-octobre 1992, a été créé l'ENAC, consortium des fabricants qui rassemble entre autres Framatome, Siemens, NNC, Ansaldo, Empresarios Agrupados... La formule semble attrayante puisqu'un consortium des entreprises européennes du cycle du combustible est en projet ; il rassemblerait Cogema et BNFL (British Nuclear Fuel Limited). La CEE éprouve quelques inquiétudes avec ces deux derniers consortiums : elle craint en effet d'être attaquée devant la Cour de Justice des Communautés européennes si elle emploie avec ceux-ci les méthodes " dérogatoires " de financement accordées au RAM Group .

En 1992, conscient des difficultés je soulignais que :  " Pourtant la formule du consortium, doté par un contrat global de moyens financiers dont il disposerait à sa guise, permettrait de supprimer bien des rigidités et autoriserait une accélération sensible des financements. Bien entendu, il conviendrait que le consortium rende compte a posteriori à la Commission de l’usage des fonds. "

Il me semble en tous cas que la Commission, comme nous le verrons dans la suite de cette section, a fait la preuve de son inefficacité depuis suffisamment longtemps pour que la gestion des programmes d’assistance en matière de sûreté nucléaire lui soit retirée.

Je l’avais demandé dans mes 37ème et 38ème recommandations de 1992 :

37ème recommandation :

La France favorise le regroupement des divers organismes du monde nucléaire dans des consortiums européens.

38ème recommandation :

La France intervient auprès du Conseil européen et du Conseil des ministres de la Communauté européenne afin que les financements communautaires soient attribués aux consortiums internationaux visés à la recommandation précédente, charge à eux de rendre compte a posteriori de l'utilisation de ces fonds à la Commission.

En effet, je pressentais déjà ce qui allait se produire : si de nombreuses tentatives ont été faites pour adapter les procédures de gestion de PHARE et TACIS aux spécificités des volets nucléaires, la lourdeur des procédures budgétaires communautaires (appel d’offres au-dessus de 300 kEcus) reste un frein important. Le seul consortium avec lequel ce dispositif fonctionne bien, le TSOG, n’est pas un consortium industriel, mais un groupement de fait des supports techniques des autorités de sûreté de l’Union européenne.

S’agissant de l’application des deux recommandations qui précèdent, votre Rapporteur reconnaît bien volontiers que les gouvernements français successifs, relayés efficacement par notre Représentation permanente, ont fait tout leur possible pour œuvrer dans ce sens.

B. Les critiques de la Cour des Comptes européenne

La mise sur pied d’une coopération de qualité avec des pays profondément désorganisés n’est pas une chose aisée, mais le Rapport spécial n° 25 /98 de la Cour des Comptes européenne relatif aux opérations engagées par l’Union européenne dans le domaine de la sûreté nucléaire en Europe centrale et orientale et dans les nouveaux états indépendants incite à se poser quelques questions.

Par souci d’objectivité, il m’est apparu préférable de vous livrer les conclusions de la Cour des Comptes préalablement à ma propre analyse. (J’ai toutefois pris la liberté de mettre en caractères gras des termes essentiels).

1. Appréciation d’ensemble

" L’intervention de l’UE dans le domaine de la sûreté nucléaire dans les pays de l’Est avait pour motivation de protéger les populations contre les conséquences d’un accident de type Tchernobyl, et aussi, dans le cadre des programmes PHARE et TACIS, d’établir entre les industries du secteur nucléaire de l’UE et celles des pays de l’Est un partenariat intégré dans une économie de marché. C’est dans cette double perspective que la Commission a affecté près de 850 Moi ECU entre 1990 et 1997 à des programmes d’appui à la sûreté nucléaire des PECO et des NEI , dont 786 Moi ECU engagés par les programmes PHARE et TACIS et payés à hauteur de 307 Moi ECU.

" Bien que des avancées aient été réalisées dans un secteur d'intervention nouveau pour l’UE et jusqu'alors peu ouvert à la coopération internationale, l'examen des opérations montre que les résultats sont obtenus trop lentement et que les objectifs à court terme des programmes n'étaient pas atteints à la fin de l'année 1997, tant en raison d'ambiguïtés au plan stratégique que de procédures de mise en œuvre mal adaptées à un environnement spécifique et particulièrement complexe. De plus, aucune méthodologie ne permettait, à fin 1997, de formuler une appréciation globale des progrès de la sûreté dans chaque centrale. L'AIEA organisera en 1999 une conférence internationale visant à apprécier les progrès réalisés, et travaille par ailleurs à la formulation d'indicateurs de sûreté qui actuellement font défaut. Dans ces conditions, il n'est pas possible aujourd'hui de dégager un état objectif des progrès réalisés. C'est ainsi que des mesures concrètes doivent être envisagées pour renforcer l'efficacité, l'efficience, l'économie et la clarté de l'action communautaire.

2. Efficacité

" Le manque de clarté et de réalisme de la stratégie, le développement en circuit fermé des programmes PHARE et TACIS et un transfert excessif des responsabilités de la Commission au profit de tiers se sont traduits par des tergiversations quant aux actions à entreprendre, un manque de cohérence dans l'affectation des ressources et des lenteurs qui ont dévalorisé les actions de l'UE. La réalité économique des pays bénéficiaires doit être mieux prise en compte dans la reformulation de la stratégie, notamment à propos de la question du devenir des centrales de conception ancienne. Une coopération renforcée devrait être engagée avec les autres acteurs, en particulier avec 1'AIEA et la BERD, mais aussi avec les Etats bénéficiaires. Le développement d'une coopération confiante demande une clarification du cadre stratégique et conventionnel, mais aussi que les objectifs poursuivis aient au préalable été définis en commun par l'UE et les bénéficiaires. En outre, l'élaboration et l'utilisation, en collaboration avec 1'AIEA, d'indicateurs permettant de mesurer l'efficacité des programmes et l'évolution de la sûreté dans chaque centrale doivent faire l'objet d'une attention prioritaire.

3. Efficience

Les services chargés de l'exécution des programmes devraient être regroupés et dotés de capacités de gestion et de ressources humaines adaptées à la complexité et à fournir des indications quant aux performances atteintes et d'éviter un gel inutile de fonds pour des actions non définies ou déjà dépassées par les événements. L'affectation des crédits non mobilisés par des contrats (294 Mio ECU) devrait être globalement examinée et actualisée en tenant compte des besoins et des résultats.

" La question de la sous-traitance de certaines actions auprès d'institutions ou d'entreprises des pays bénéficiaires devrait être réappréciée, car il y a un risque que les contractants occidentaux, en faisant réaliser à façon dans les pays de l'Est certains des travaux qui leur sont confiés, puissent réaliser au détriment du budget communautaire, des marges dépassant les normes commerciales dans leur secteur d'activité. Par ailleurs, une collaboration directe de l'UE avec certaines de ces institutions ou entreprises des pays bénéficiaires ne peut qu'affermir une confiance nécessaire entre les parties et qui fait encore souvent défaut.

Les procédures de mise en concurrence sont inexistantes pour les contrats avec les assistants sur site et rares pour les agences d'approvisionnement, ce qui se traduit par des honoraires élevés. Elles sont par contre excessivement lourdes pour les contrats de fournitures, ce qui conduit à des retards de mise en œuvre. Dans ce domaine, la Commission devrait s’inspirer des meilleures pratiques des autres donateurs pour s'assurer que les prix obtenus sont raisonnables, que les règles d'origine ne sont pas utilisées au détriment de la célérité.

" En effet, comme le note la Commission, les procédures suivies pour la négociation des honoraires dans les contrats conclus par entente directe illustrent les risques de dérapage inhérents au cadre dérogatoire. Les honoraires des experts chargés de l’assistance sur site ont été fixés dès 1993 au taux particulièrement élevé de 18 000 ECU par homme/mois à l’issue d’une négociation entre la Commission et l’oligopole formé pour la circonstance par les principaux électriciens concernés (Belgique, France, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne). Lors de la conclusion de l’un de ces contrats en 1994, aucune analyse sérieuse n’a été produite pour expliquer et justifier ces tarifs, présentés comme comprenant les coûts salariaux directs ainsi qu’une quote-part de frais généraux. Ils ont été acceptés par la Commission en raison de " sa faible position de négociation, et des retards dans la mise en œuvre " qu’une investigation de sa part aurait engendrés. S’agissant de la mise en œuvre en 1994 du programme 1992, l’invocation de l’urgence pour justifier l’abandon de toute discipline financière n’est pas acceptable. "

Mais l’appréciation qui a le plus consterné votre Rapporteur est l’appréciation du suivi des opérations par la Commission.

" Le système d’information de gestion de la DG IA ne permet pas le recensement des opérations relatives à la sûreté nucléaire. Il ne permet pas non plus le suivi et la présentation des décisions et de leur mise en œuvre pays par pays, par type de réacteur, par domaine d’intervention et par centrale bénéficiaire avec la précision nécessaire à une gestion rigoureuse des opérations. Les enveloppes par pays et domaine d’action prévues dans les décisions n’ont pas toujours été fidèlement retranscrites dans le système de gestion et le classement comptable des contrats et paiements associés ne correspond pas toujours à leur nature ou à l’engagement prévoyant la dépense. Pour permettre une comparaison avec les décisions, les opérations individuelles doivent être entièrement reclassées pour les programmes TACIS 1991 (répartition par domaine d’action) et TACIS 1992 (analyse par pays). Le système ne permet pas non plus d’établir de lien entre les opérations comptabilisées et la nomenclature détaillée des projets, ni avec celle utilisée par le NUSAC.

" Dans Desiree, le fichier des tiers (contractants) est géré sans rigueur. Les mêmes contractants sont enregistrés sous plusieurs noms différents. Pour 30 des 43 contrats examinés, les dates de signature, de début et de fin de contrat ne correspondent pas à la réalité. Pour deux des 43 contrats examinés (94-0116 et 95-2151), le montant contractuel enregistré était erroné. Les opérations locales PHARE sont enregistrées avec retard […] "

Je crois que ce bilan parle de lui-même…

C. Analyse de la situation

Dès 1990, l’incapacité de la Commission à conduire la mission d’aide à la sûreté des centrales de l’Est était évidente. C’est pour cette raison que j’avais souhaité voir la réalisation de cette tâche confiée à un consortium d’industriels sous la surveillance et le contrôle de la Commission européenne car je suis convaincu que l’efficacité de l’Union européenne passe par une profonde réforme de structures. Aussi l’analyse qui suit doit-elle être regardée comme le point de vue de votre Rapporteur en l’absence des réformes structurelles qu’il appelle de ses vœux. J’ai en effet choisi de me placer dans un premier temps dans l’optique de la Commission pour indiquer des réformes susceptibles d’améliorer la situation actuelle mais ces analyses que votre Rapporteur se doit, par souci d’honnêteté, de vous présenter ne remettent pas en cause le fonds de ses convictions ; dans ce domaine, l’Union européenne doit déléguer l’exercice de sa compétence à l’Association des autorités de sûreté, qui regroupe l’ensemble des administrations en charge du contrôle des installations nucléaires de l’Union européenne.

Il faut aujourd’hui avoir le courage d’en tirer les conséquences et déléguer à un organisme ad hoc les compétences que la Commission est incapable d’exercer.

Cette politique lui rendrait d’ailleurs service car elle lui permettrait de se recentrer vers le noyau dur de ses missions d’élaboration des textes.

En tout cas, il est évident que la situation actuelle ne peut pas durer dans la mesure où la Commission est aujourd’hui entre les mains des consultants.

Or, une approche libérale ne doit pas exclure une stratégie globale, mais la Commission n’a été capable d’élaborer un tel document qu’en 1996.

A la décharge de la Commission, il faut reconnaître, mais cela est un problème général, que ses missions s’alourdissent sans qu’en contrepartie elle puisse à due concurrence étoffer ses services. Par exemple, deux fonctionnaires ont en charge 137 projets.

D’autre part, la tradition du secret de certains pays n’a pas facilité la coopération avec l’Union européenne.

Il n’est pas acceptable, pour ne pas dire plus, que la Commission ne soit pas en mesure d’informer les Etats membres du suivi des engagements et de la liquidation des programmes PHARE et TACIS.

Il est clair pour votre Rapporteur qu’il convient d’évoluer fondamentalement pour atteindre les objectifs du programme TACIS.

Le programme TACIS visait trois objectifs :

    • le transfert de la " culture de sûreté " ouest-européenne ;
    • l’amélioration du niveau global de sûreté des installations nucléaires dans les NEI ;
    • l’établissement d’un régime réglementaire de sûreté conforme aux conceptions admises au niveau international (cf. Convention internationale de Sûreté Nucléaire).

Cet objectif n’a pas été entièrement atteint pour plusieurs raisons :

1. Une réforme des mécanismes internes de la Commission est nécessaire

Une réforme des mécanismes de fonctionnement de la Commission est une œuvre de très longue haleine, qui devra être poursuivie longtemps, éventuellement sous d’autres formes.

    • Le présent règlement TACIS est inadapté à la nature, à la taille et à l’urgence du problème, d’où des difficultés considérables dans la définition, la programmation et la mise en œuvre des actions. En fait, il semble que la décision de placer l’assistance aux pays de l’Est en matière de sûreté nucléaire dans le cadre des programmes PHARE et TACIS soit la conséquence d’une sous-estimation des dimensions du problème. En 1993, un rapport du Parlement européen (rapport HERVÉ,reprenant en partie les idées exprimées par votre Rapporteur) préconisait la création d’une " task force " spécifique. Cette idée est reprise dans le rapport HAYNS-HICKEN-TANGUY de 1996.
    • Les caractéristiques et le comportement des bénéficiaires ajoutent des difficultés supplémentaires.
    • L’absence de stratégie et de plan d’ensemble ont longtemps nui à la cohérence et à l’efficacité du programme.
    • Les moyens de la Commission sont nettement insuffisants.

    • Les moyens en personnels sont largement en-dessous du raisonnable : est-il normal, par exemple, qu’un gestionnaire de projets ait à en gérer plus de cent?
    • Du fait de cette insuffisance de moyens, la Commission a dû confier à des consultants extérieurs des tâches qu’elle n’aurait pas dû abandonner : identification des besoins, définition de la stratégie, programmation, voire rédaction des termes de références, etc…
    • Les moyens ont été mal utilisés. Exemple : ingénieurs nucléaires occupés une grande partie de leur temps à des tâches administratives.

Aussi, si l’objectif essentiel reste le même, la nature de l’assistance doit maintenant changer.

TACIS devrait accroître son effort dans les domaines suivants :

    • Le cycle du combustible
    • La gestion des déchets
    • L’assainissement des zones contaminées
    • La radioprotection

Mais surtout, à l’origine, l’assistance sous forme " d’études papier " s’est trop prolongée, aux dépens des actions sur site. Ce défaut a été corrigé.

L’assistance devrait prendre progressivement la forme d’une coopération ou de partenariats.

Tout a été dit sur la lourdeur et la rigidité des procédures TACIS. Dans le secteur de la sûreté nucléaire, la situation est encore plus dramatique du fait de l’inadaptation du règlement aux caractéristiques de ce domaine. Faute d’un règlement et d’une gestion spécifiques, des aménagements particuliers devraient être introduits dans le nouveau règlement.

Quelques propositions peuvent être formulées en se plaçant dans le cadre du raisonnement actuel de la Commission de l’Union européenne et avec toutes les réserves exprimées précédemment :

    • Reprise en mains par la Commission de tâches essentielles : identification des besoins, élaboration de la stratégie, programmation, définition des projets. Pour ce faire, la Commission peut se faire assister par des experts et consultants, mais en aucun cas leur déléguer ces tâches.
    • Introduire davantage de souplesse dans la mise en œuvre des projets, afin de s’adapter aux changements du contexte intervenant en cours d’exécution ou de rectifier les erreurs lors de la définition des projets.
    • Faciliter la gestion pluriannuelle des projets, y compris sur le plan financier.
    • Favoriser la passation d’accords cadres, facteurs de souplesse, mais aussi permettant de fondre en un seul de nombreux " petits " projets.
    • Elaborer des règles et procédures appropriées aux différents types de contrats : étude, engineering, prestations sur site, contrats " clé en mains ", fourniture d’équipements, etc…
    • Trouver une solution définitive au problème de la responsabilité civile.
    • Le secteur particulier de l’assistance aux autorités de sûreté et à leurs appuis techniques doit faire l’objet d’un traitement spécifique. Il s’agit, en effet, davantage d’une assistance inter-institutionnelle (sur le modèle du programme " Démocratie "), à laquelle l’actuel règlement TACIS est particulièrement inadapté, voire inapplicable. Ceci implique notamment l’élaboration de règles adaptées (les procédures d’appel d’offres sont un non-sens dans ce cas précis), avec pour corollaire une attention particulière portée au statut des intervenants de l’UE.

2. Il est nécessaire que la Commission délègue sa compétence à l’association des autorités de sûreté

Les pays de l’ex-URSS ont longtemps privilégié la production par rapport à la sûreté et à la sécurité. En outre, les particularités du système soviétique ne formaient pas un terrain favorable au développement d’une " culture de sûreté " telle que nous la concevons en Occident. Il n’y aura pas de bonne sûreté nucléaire dans les NEI s’il n’y a pas, au niveau des autorités de l’Etat, de réelle volonté de mettre les choses en ordre. La recherche de l’efficacité du programme TACIS dans ce secteur ne peut donc être dissociée de l’action au plus haut niveau politique. A cet égard, l’adhésion de ces pays à la convention Internationale de Sûreté Nucléaire ainsi que leur acceptation des principes définis par l’INSAG (International Nuclear Safety Advisory Group) et des NUSS (nuclear Safety Standards), à l’élaboration desquels leurs experts ont participé sous l’égide de l’AIEA, devrait pouvoir constituer un levier puissant.

Tout ne pourra être conduit dans le cadre des consortiums, et la Commission doit garder une capacité de décision en propre dans les domaines qui sont strictement de sa compétence. Cependant elle ne doit pas vouloir faire tout elle-même : qu'elle laisse à ceux qui disposent des compétences scientifiques et techniques le soin de définir les critères auxquels doivent répondre les contrats et les contractants. En mettant en place auprès d'elle des groupes de conseil constitués de personnalités reconnues du monde nucléaire, disposant d'une vue d'ensemble et d'une expérience certaine, la Commission disposerait en tant que de besoin du cadrage technique sur les projets à financer, charge à ses services de débloquer ensuite le plus rapidement possible les fonds correspondants.

En conclusion de ce chapitre, je crois qu’il est utile de lancer un cri d’alarme sur la sûreté des centrales d’Europe orientale.

Mais il faut d’abord se garder d’une approche trop générale d’un problème qui est loin de se poser dans les mêmes termes dans les pays de l’ancien bloc soviétique.

Tout d’abord, le débat sur la conception est largement vicié : je n’ai pas connaissance que les réacteurs finlandais de Loviisan " relooké "avec une enceinte de confinement et un contrôle-commande occidental, bien que de conception soviétique, ne présentent pas un degré de sûreté suffisant, les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne sont également sur la bonne voie. Par contre, la situation de la centrale de Tchernobyl dont l’un des réacteurs vient de redémarrer et dont les employés ne sont plus rétribués m’inquiète au plus haut point.

Par contre, j’estime anormal que l’Union européenne, au nom d’une approche théologique des questions nucléaires, veuille imposer à la Lituanie l’abandon d’une centrale nucléaire en voie d’amélioration de sa sûreté par principe et sans analyse du danger objectif généré par cette dernière, comme par exemple les conditions supplémentaires que la Commission veut imposer à la Lituanie : avoir résolu le problème du stockage de ses déchets et combustibles usagés.

Mais, surtout, je regrette que les interventions françaises aux Comités de Gestion PHARE et TACIS n’aient pas été suivies d’effet. Les règlements et la procédure de ces deux programmes d’assistance restent inadaptés à nature et à l’ampleur du problème.

Il est clair que la Commission n’est pas apte à " porter " la politique d’assistance aux pays d’Europe de l’Est. Une association des autorités de sûreté vient d’être créée ; votre Rapporteur est convaincu que l’Union européenne doit lui déléguer la conduite des programmes PHARE et TACIS.

 

Chapitre II :
LA RADIOPROTECTION

La question de la radioprotection est essentielle dans l’analyse du contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, elle représente 25 des 117 recommandations formulées par l’Office. Elle est également centrale du fait de l’inquiétude du public qui, trop souvent, croit que toute radioactivité, si infime que soit la dose, est nocive.

Mon rôle n’est pas de défendre une thèse mais de présenter le plus honnêtement possible les termes d’un débat scientifique qui comporte des certitudes mais également des doutes. Je l’ai fait d’une manière approfondie dans mon rapport de 1996 (n° 2651 A.N. et 278 Sénat), en particulier dans le chapitre premier consacré aux fondements scientifique des normes de radioprotection, aussi cette présentation rapide ambitionne-t-elle de cibler les problématiques plutôt que de rentrer véritablement dans le fond du débat scientifique, pour lequel nous pouvons utilement nous référer au rapport précité.

Une approche facile, mais intellectuellement malhonnête, consiste au nom du principe de précaution, mal compris, à affirmer que  " tout becquerel est nocif car la radioactivité est néfaste pour la santé". Il s’agit de présupposés qui méritent que nous nous interrogions sur leur réalité. Mais il est vrai que l’affaire du sang contaminé par le virus du sida a profondément décrédibilisé le discours officiel qui dans le domaine nucléaire, tout particulièrement, fait l’objet d’une suspicion a priori.

Aussi, avant d’aborder le bilan de la politique de radioprotection, est-il nécessaire d’examiner succinctement le débat scientifique sur l’effet de la radioactivité sur la santé humaine et la détermination des normes afin de pouvoir situer dans leur contexte les questions de sûreté radiologique sur lesquelles nous nous pencherons dans une deuxième section, où je vous livrerai l’analyse des réponses fournies par l’administration aux recommandations de l’Office parlementaire.

I - LE DÉBAT SCIENTIFIQUE SUR L’EFFET DE LA RADIOACTIVITÉ SUR LA SANTÉ HUMAINE

Avant d’aborder le fond du débat, il me semble nécessaire, pour pouvoir disposer de points de repère, de situer l’importance respective des radioactivités naturelle et artificielle.

A. L’importance de la radioactivité naturelle

Plus des deux tiers de l’exposition des êtres humains à la radioactivité est d’origine naturelle (67 %). L’essentiel provient du radon (40 %), gaz émanant du sol ou des matériaux de construction, qui peut parfois poser un problème sanitaire lorsque les logements ne sont pas assez ventilés (effet de cloche), 12 % est le fait du rayonnement tellurique, 9 % provient du rayonnement cosmique et 6 % du rayonnement humain interne.

Mais combien de personnes sont conscientes du fait qu’à chaque rencontre avec un être vivant, elles subissent une exposition à la radioactivité car l’organisme humain contient environ 4 500 Bq de potassium 40 et 3 700 Bq de carbone 14 ?

De même, combien de nos compatriotes mesurent lorsqu’ils vont à la montagne le fait qu’à 1 500 mètres d’altitude, la radioactivité naturelle est le double de celle qui existe au niveau de la mer (0,6 mSv/an contre 0,3 mSv/an). Personne ne considère qu’il existe un danger lorsqu’il pleut sous prétexte que l’eau de pluie génère une radioactivité de 0,5 becquerel par litre, ou à se baigner dans l’eau de mer bien que sa radioactivité s’élève à 10 becquerel par litre, à bêcher son jardin malgré une radioactivité de 900 becquerel par kilogramme de terre, à boire du lait bien que sa radioactivité s’élève à 40 becquerel et à vivre " dangereusement "en mangeant des pommes de terre d’une radioactivité de 150 Bq.

Il est d’ailleurs à noter que, pour la première fois, des seuils officiels viennent d’être fixés en France pour la contamination radioactive naturelle. Il s’agit du radon, gaz radioactif naturel cancérigène. A partir des recommandations émises en 1998 par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique, une circulaire signée des secrétaires d’Etat à la Santé et au Logement fixe à 1 000 becquerels par mètre cube (Bq/m3) le seuil d’alerte et à 400 Bq/m3 pour les bâtiments existants et à 200 Bq/m3 pour les édifices neufs le seuil de précaution. Or, il existe en France quelques 60 000 habitations individuelles qui dépassent ce seuil d’alerte.

Il est important de retenir le fait que l’essentiel de la radioactivité que nous subissons est d’origine naturelle et qu’elle est consubstantielle à la vie.

B. Les effets des rayonnements ionisants sur la santé

Il existe deux catégories d’effets des rayonnements ionisants sur la santé humaine, des effets certains (ou déterministes) et des effets incertains (ou probabilistes).

1. Les effets certains

L’exposition d’un être humain à de très fortes doses de radioactivité est néfaste pour la santé, car nous savons depuis la découverte de la radioactivité que l’exposition de tout être humain à de fortes doses de radioactivité provoque des altérations cellulaires à l’origine de maladies plus ou moins graves allant de radiodermite à la leucémie. Par exemple, une exposition à une dose de 20 000 mSv entraîne la mort en quelques heures mais inversement une dose très élevée de 1 000 mSv provoque l’apparition rapide de troubles limités à des nausées et des vomissements ; il est nécessaire d’être exposé à une dose de 3 000 à 5 000 mSv pour être exposé à une mortalité de 50 % en l’absence de soins.

Les doses que je viens de citer sont extrêmement importantes, très éloignées de la dose maximale admise pour les travailleurs du secteur nucléaire (50 mSv/an) ou le public (5 mSv/an), selon la CIPR 26.

Il n’est peut être pas très utile de s’attarder longuement sur le danger des très fortes doses car il n’existe pas de débat sur la réalité du danger pour l’organisme à être exposé à de fortes doses de radioactivité.

Toutefois, cette certitude du danger des très fortes doses n’autorise pas à franchir un pas en considérant par extrapolation que tout becquerel est néfaste pour la santé : il ne faut pas confondre un repas équilibré avec l’indigestion qui résulte d’un excès. La radioactivité provoque des cancers mais elle les guérit également et l’ensemble constitué par la radioactivité naturelle et médicale représente 97 % du total des rayonnements reçus par l’homme, les utilisations industrielles ne représentent que 1 % du total.

Comme le note l’Académie des sciences (rapport n° 34, 1995), l’effet cancérigène ou leucémique est observable de manière importante et le lien de causalité est clairement établi pour des doses situés à 200 mSv en irradiation aiguë ou 400 mSv en irradiation chronique.

L’expérience accumulée à l’occasion des explosions nucléaires de Hiroshima et Nagasaki permet de situer aux environs de 200 mSv un seuil de dose à partir duquel l’augmentation du risque de cancer est significatif ; par contre, " il n’existe pas de preuve de survenue de pathologie en dessous de 100 mSv ".

En outre, le suivi des survivants des explosions nucléaires de 1945 a montré que, même en cas d’exposition à des doses massives de rayonnement, il n’existe pas d’automaticité dans le processus de développement des cancers puisque la moitié des survivants des explosions d’Hiroshima et de Nagasaki vit encore.

Il est simplement établi qu’à partir des seuils précités, les rayonnements ionisants provoquent dans l’organisme des réactions qui libèrent des ions et des radicaux libres qui peuvent endommager les molécules d’ADN ; les conséquences sont très variables selon les individus car il semble que le système enzymatique complexe qui permet la réparation des molécules d’ADN varie considérablement d’un individu à l’autre mais, à un certain niveau d’irradiation, il y a mort cellulaire.

Le débat sur l’effet des fortes doses de radioactivité sur la santé n’est pas clos mais il porte plus sur l’évaluation des conséquences des expositions que sur le danger intrinsèque qui est parfaitement admis. Par exemple, les résultats du suivi sanitaire des populations irradiées lors de l’accident de Tchernobyl ont apporté des éléments nouveaux dans deux domaines : le nombre de cancers de la thyroïde d’enfants exposés apparaît nettement plus important que prévu et les personnes les plus exposées, en particulier les liquidateurs, sont atteint d’une morbidité, c’est-à-dire une fréquence et une gravité de maladies non spécifiques de la radioactivité, nettement supérieures à la moyenne de leurs concitoyens. Les premières explications liées au stress ne sont pas complètement satisfaisantes et les chercheurs russes envisagent l’hypothèse d’une baisse radio-induite des défenses immunitaires qui permettrait le développement de différentes pathologies non spécifiques. Mais, pour d’autres chercheurs, ces phénomènes n’ont été constatés que par un meilleur suivi de la population consécutif à l’accident de Tchernobyl. Effectivement, si la démarche épidémiologique permet de constater les phénomènes, elle ne permet pas de déterminer les causalités qui peuvent être liées à de multiples facteurs environnementaux.

Comme nous l’examinerons plus loin, l’effort de recherche français dans le domaine de la radiobiologie n’est pas suffisant et nous ne connaissons pas encore toute les pathologies générées par ces très fortes expositions accidentelles.

 

Les grandeurs utilisées dans l'étude des effets

des rayonnements ionisants

Comme toute science, l'étude des effets des rayonnements ionisants a son langage et ses codes, parfois abscons, souvent difficiles. Mais c'est le gage de la rigueur et d'une expression universelle et univoque. C'est pourquoi je tiens à rappeler ici quelques définitions fondamentales :

— la grandeur première est la dose absorbée, quantité d'énergie absorbée par kilogramme de matière soumise au rayonnement ionisant ; son unité courante est le Gray (abréviation : Gy) ; la dose absorbée mesure l'effet physique brut du rayonnement sur la matière ;

— la dose équivalente prend en compte les différences d'efficacité entre les divers types de rayonnements ; elle est le produit de la dose absorbée par un facteur de pondération dépendant du rayonnement considéré ; son unité courante est le Sievert (Sv) ; la dose équivalente mesure l'effet biologique du rayonnement sur un tissu déterminé ;

— la dose efficace prend en compte à la fois la qualité du rayonnement et les différences de sensibilité entre les tissus ; elle est le produit de la dose équivalente par un facteur de pondération dépendant du tissu exposé ; son unité courante est également le Sv ; la dose efficace permet de déterminer une mesure de l'effet global sur l'individu causé par des expositions non uniformes entre différents organes ou tissus ;

En toute rigueur il faudrait à chaque fois que l'on parle de "dose" préciser lequel de ces trois indicateurs on entend évoquer. Dans la pratique c'est rarement le cas et il faut alors se reporter au contexte du discours.

Les concepts de dose absorbée, dose équivalente et dose efficace doivent être complétés par celui de débit de dose, qui comme les autres " débits " rencontrés dans la vie courante, rapporte la dose considérée à l'unité de temps.

— lorsque des radionucléides sont inhalés ou ingérés par un individu, ils délivreront une dose non seulement à l'instant où l'événement se produit mais aussi pendant toute la durée de rétention dans l'organisme ; les concepts de dose équivalente engagée et dose efficace engagée prennent en compte cet étalement de la dose dans le temps et mesurent la dose totale qui sera reçue par l'individu dans le futur à partir de l'instant de l'inhalation ou de l'ingestion ;

— enfin, lorsque des groupes de populations de caractéristiques similaires sont exposés à des rayonnements, il peut être pertinent d'utiliser la dose collective (équivalente ou efficace), somme des doses reçues par l'ensemble des individus formant la population exposée.

2. L’impact sur la santé de l’exposition à de faibles doses radioactives

Nous abordons ici un sujet qui prête à controverse pour lequel je vais m’efforcer de tendre à l’objectivité, en tous cas essayer de présenter honnêtement les termes du débat. Pour résumer le propos qui va suivre, il n’existe pas d’étude permettant de conclure que l’exposition d’un être humain aux doses prévues par la législation comporte un risque pour sa santé, mais la preuve d’une innocuité absolue n’est pas pour autant apportée. A partir de ce constat, se pose le problème central de l’interprétation du principe de précaution par les pouvoirs publics.

a) L’approche épidémiologique

Dans son acception la plus large, l'épidémiologie est une discipline scientifique qui a pour objet a l'étude des problèmes de santé dans les populations.

L'épidémiologie a traditionnellement trois objectifs : elle peut tout d'abord chercher à décrire les phénomènes sanitaires apparaissant au sein d'une population déterminée (fréquence, répartition géographique, évolution temporelle...) ; elle peut également chercher à préciser qualitativement et quantitativement les causes d'apparition, d'aggravation ou d'atténuation de la fréquence des pathologies ; enfin, elle peut être utilisée pour évaluer l'efficacité des interventions publiques visant à améliorer la santé des populations. L'étude des effets des rayonnements ionisants relève de la deuxième catégorie.

Nous ne sommes pas égaux devant le risque de maladie. Chacun peut constater qu'il existe des différences de sensibilité entre individus au sein d’une population donnée. L'étude épidémiologique a pour but d'identifier l'existence et l'influence des facteurs de différenciation vis-à-vis du risque de maladie, appelés " facteurs de risque ". Le problème fondamental de l'épidémiologie est d'interpréter l'éventuelle association statistique entre le facteur de risque et la maladie étudiée pour pouvoir conclure sur l'existence d'une relation de causalité entre ce facteur de risque et la maladie. C’est à ce niveau que se sont situées les polémiques les plus aiguës de ces dernières années.

Un aspect important de l'étude épidémiologique consiste donc à détecter la situation existante puis éliminer l'influence de ces facteurs de confusion. Cela est facile pour des déterminants simples comme l'âge, le sexe, mais est beaucoup plus complexe pour les maladies comme le cancer qui peuvent être liés à des facteurs environnementaux.

C'est l'élimination correcte de ces éventuels facteurs de confusion qui permet de réfuter ou de mettre en évidence de façon qualitative, et si possible quantitative, le lien causal entre le facteur de risque et l'effet étudié (maladie).

Les affections les plus graves induites par la radioactivité sont les cancers ; or, ce sont des maladies dégénératives qui mettent plusieurs années pour se développer. De ce fait, les études épidémiologiques conduites à partir d’échantillonnage statistique n’ont de sens qu’avec un recul minimal de l’ordre d’une dizaine d’années, aussi ne faut-il pas demander aux épidémiologistes de fournir des réponses rapides à une question précise car cela ne correspond pas à leur démarche.

Cette réserve étant faite, de très nombreuses études ont été conduites ces dernières quarante années et nous pouvons avancer avec un recul et un échantillonnage de population suffisant l’hypothèse que la plus faible dose associée à une augmentation significative du risque de cancer est de l’ordre de 100 mSv/an.

Or, l’application des normes européennes devrait ramener les doses admissibles à 20 mSv/an pour les travailleurs exposés et à 1 mSv/an pour la population générale, augmentation due à une exposition involontaire à la radioactivité induite par les activités nucléaires.

Cette situation signifie-t-elle pour autant qu’il n’existe pas de danger à subir une exposition inférieure aux doses réglementaires ?

Il est difficile de répondre à cette question par des études épidémiologiques car le taux de mortalité moyen dû au cancer dans les pays développé est de l’ordre de 20 à 30 % et nous comptons en France environ 130 000 décès pour lesquels le cancer est la cause identifiée, avec des fluctuations qui peuvent atteindre 3 % d’une année sur l’autre, sans que les raisons en soient facilement identifiables. Or, pour observer l’effet d’une dose de 10 mSv, qui reste supérieure à l’irradiation naturelle moyenne, il faudrait deux cohortes équivalentes de dix millions de personnes ce qui n’est pas réaliste.

Comme le note Jacques LIBMANN : " Deux groupes témoins peuvent présenter des taux de cancers dans les causes de décès de 25 % pour l’un et de 23 à 27 % pour l’autre sans que cela puisse être précisément expliqué.

" Ceci empêche l’observation significative des effets de doses inférieures à 0,5 Sv même dans des groupes de taille importante. La seule exception concerne évidemment les études suivant les explosions japonaises dans lesquelles les groupes irradiés et témoins sont issus d’une population homogène. A l’inverse, l’absence de différence entre deux groupes ne permet pas d’affirmer l’innocuité de doses inférieures à 0,5 Sv. "

A cette incertitude scientifique s’ajoute la faiblesse des moyens mis à la disposition des épidémiologistes français qui ne disposent dans ce domaine que, partiellement, de trois unités de recherche de l’INSERM, un nombre équivalent de laboratoires universitaire et un laboratoire au sein de l’IPSN de douze personnes. Le rapport entre ces moyens et l’ampleur des échantillons nécessités par les études illustre les difficultés de l’exercice.

Comme le note le Professeur SPIRA :  " La dose minimale n’est pas connue avec certitude. D’après les observations disponibles, en particulier celles concernant la survenue de cancers chez les enfants survenus à la suite d’irradiations in utero, elle est en fait comprise entre 10 mSv et 200 mSv. Bien que ceci fasse l’objet d’un intense débat scientifique, rien ne prouve à l’heure actuelle qu’il existerait un seuil en deçà duquel il n’existerait plus d’effet. Au contraire, la plupart des auteurs pensent plutôt qu’il existe un continuum entre les effets des fortes doses et des faibles doses. Le débat est cependant particulièrement vif en ce qui concerne la forme de l’extrapolation vers les faibles doses à partir des effets observés pour les fortes doses. En effet, si l’on connaît la forme de liaison entre le niveau d’exposition et les effets observés pour les fortes doses (au delà de 200 mSv), tel n’est absolument pas le cas pour les doses plus faibles. "

Malgré la concordance des études qui n’ont pas permis de mettre en évidence un danger pour la santé publique de l’exposition à de faibles doses radioactives, il n’est pas possible, du fait des insuffisance statistiques et du trop faible recul dans la tenue des registres de cancer, de conclure à une totale innocuité des faibles doses. Comme l’a souligné le Président de l’OPRI, le Professeur LACRONIQUE, auditionné par votre Rapporteur, s’il est nécessaire de bâtir un système d’information car la radioprotection implique la confrontation des données entre elles, c’est une hérésie de vouloir faire de l’épidémiologie la discipline centrale car nous ne pouvons pas attendre vingt à trente ans les résultats ; aussi est-il nécessaire d’avoir des indicateurs biologiques plus fins et plus précoces pour analyser les effets des rayonnements ionisants sur l’homme.

Toutefois, au niveau d'une population déterminée, les légères différences de sensibilité entre les divers individus font qu'il n'existe pas de seuil unique au-dessous duquel toutes les personnes seraient saines et au-dessus duquel toutes manifesteraient un état pathologique. L’épidémiologie nous apprend qu’il existe en revanche une fourchette étroite de dose au-dessous de laquelle on est sûr qu'aucune personne ne développera d'état pathologique et au-dessus de laquelle toute la population exposée sera affectée. A l'extérieur de cette étroite fourchette, il est donc possible de prévoir avec une totale certitude la conséquence d'une exposition aux rayonnements pour la fonction tissulaire ou organique concernée.

Il est ainsi possible de montrer que les organes les plus sensibles sont les gonades, le cristallin et la moelle osseuse et la peau :

    • le seuil pour une stérilité masculine temporaire est de 0,15 Gray ; il est compris entre 3,5 et 6 Gy pour une stérilité masculine définitive ;
    • pour les femmes, le seuil de stérilité (définitive) est compris entre 2,5 et 6 Gy, les femmes approchant de la ménopause étant plus sensibles ;
    • pour le cristallin, le seuil d'apparition d'opacités détectables résultant en des troubles de la vision est de 2-10 Gy pour des rayonnements faiblement ionisants, de 1-2 Gray pour des rayonnements fortement ionisants ;
    • pour la moelle osseuse, le seuil d'apparition d'une défaillance dans la formation des globules rouges, significative au plan clinique, est d'environ 0,5 Gy ;
    • pour la peau, le seuil d'apparition des érythèmes et de la desquamation sèche est dans la fourchette 3-5 Gy, les symptômes apparaissant environ 3 semaines après l'exposition ; la desquamation humide apparaît au-dessus de 20 Gy, environ 1 mois après l'exposition ; enfin la nécrose des tissus apparaît 3 semaines après l'exposition pour des doses excédant 50 Gy ;
    • par ailleurs, pour une exposition au corps entier, le " syndrome aigu d'irradiation ", dû à une dose unique d'environ 4 Gray en un temps court, débute par des nausées accompagnées pendant quelques jours d'asthénie et de dépression ; puis se succèdent des événements de plus en plus critiques : chute des poils, hémorragies, anémie, infection, diarrhée, déperdition liquidienne, dénutrition et mort ; la DL 50 (dose létale, c'est-à-dire provoquant la mort de la moitié d'une population irradiée à cette dose) est d'environ 4 à 5 Gray pour l'espèce humaine.

Il faut également noter que des effets relatifs au développement cérébral et intellectuel ont été mis en évidence. Par ailleurs, les enfants présentent des seuils d'effets plus faibles que les adultes ; ceci est expliqué principalement par le fait que les tissus des enfants sont le siège de divisions cellulaires plus fréquentes puisque leur croissance n'est pas achevée. Or, les cellules en division sont plus radiosensibles que les cellules au repos. Globalement, l'enfant est donc plus radiosensible que l'adulte. Ce phénomène a pu être vérifié à l’occasion du suivi des victimes d’Hiroshima.

Les conséquences en matière de politique de protection radiologique sont donc très claires : pour éviter l'apparition des effets déterministes, il suffit de limiter l'exposition des personnes de façon que les doses et/ou les débits de dose reçues par le corps entier ou par chacun des organes sensibles restent en deçà des seuils déterminés par l'expérience.

Il me paraît important de relever ici un fait d'évidence mais trop souvent oublié : ce n'est pas parce qu'une dose reçue est inférieure au seuil que le tissu concerné ne subit aucun dommage... L'individu exposé n'est pas indemne !

L'évaluation quantitative du risque causé par les rayonnements ionisants repose ainsi sur l'utilisation de l'outil mathématique des probabilités. On parlera de la probabilité d'induction d'un cancer (ou de la probabilité de mort par cancer radioinduit, ou de la probabilité d'apparition de troubles héréditaires...) dans telle ou telle population exposée. Cette probabilité s'accroît avec la dose de rayonnement reçue par les individus composant la population étudiée : il existe ainsi une véritable relation dose-effet, notion centrale dans l'évaluation du risque.

Comme je le notais en 1995, " la seule notion réellement pertinente au plan scientifique en matière de quantification des effets est celle de population exposée et non d'individu exposé. Si M. DUPONT reçoit une dose donnée, il est rigoureusement impossible de dire s'il développera ou non un cancer et il est scientifiquement inexact de dire que M. DUPONT a une probabilité de % de développer un cancer : cette dernière appréciation n'a aucun sens. En revanche, il sera tout à fait correct de dire que parmi l'ensemble des personnes exposées à la dose considérée, % développeront un cancer et M. DUPONT pourrait être de ceux-là. " La présentation délibérément alarmiste que certains font des études épidémiologiques oublie ces nuances et je le regrette.

En matière de protection radiologique, et dans le cadre de l'hypothèse selon laquelle toute exposition est susceptible de provoquer un cancer, les dispositions à prendre ne peuvent donc avoir pour objectif que de limiter la probabilité d'apparition des effets chez les individus exposés.

L'extrapolation des fortes doses-forts débits vers les faibles doses-faibles débits reste une question toujours aussi difficile et propice au débat scientifique. Elle a donné lieu à des échanges nourris lors de la réunion organisée par l'IPSN le 21 juin 1995 et lors de l'audition organisée par l'Office parlementaire le 23 novembre 1995. Ces échanges ont été sommairement résumés dans le rapport précité. Le schéma ci-dessous illustre les thèses en présence.

Ce schéma met en évidence le principal débat qui porte sur le fait de savoir si les doses de radioactivité ont un effet identique ou un effet croissant sur la santé des individus.

Seule la radiobiologie pourrait permettre de trancher un jour cette controverse, fondamentale car elle conditionne le débat sur l’innocuité des faibles doses.

b) La radiobiologie permet-elle de trancher ce débat ?

Au sein des thèses qui s’affrontent, il y a une totale opposition sur les phénomènes fondamentaux gouvernant les " lois " des effets des rayonnements. Il est manifeste que les avancées des connaissances scientifiques en ce domaine n'ont pas réussi à clarifier ces " lois " et il est peu probable que l’épidémiologie permette de répondre à cette question.

Dans sa publication n° 60, la CIPR recommande des limites de doses efficaces à ne pas dépasser :

    • 20 mSv par an sur 5 ans pour les travailleurs sans dépasser 50 mSv pour aucune des années ;
    • 1 mSv pour le public.

A ces niveaux de doses, il est difficile de soutenir en s’appuyant sur des données objectives de caractère scientifique qu’une exposition à des rayonnement est de nature à avoir des conséquences sur la santé humaine. Certaines des personnalités que j’ai auditionnées soutiennent que ces normes vont même trop loin eu égard aux seuils à partir desquels il est démontré que la radioactivité est néfaste pour la santé.

Il est évident que seules les disciplines liées à la radiobiologie permettront d’apporter des réponses scientifiques aux interrogations posées qui sont les seules de nature à pouvoir rassurer l’opinion.

Comme je le notais en 1996, " le débat scientifique est réel et difficile. A-t-il véritablement un intérêt pratique ? J'en doute fort. "

" En premier lieu, l'Académie (des sciences) reconnaît que les doses effectivement reçues par les travailleurs sont dans la quasi-totalité des cas inférieures à la limite recommandée par la CIPR . En second lieu, je ne m'explique pas les controverses touchant à la limite de dose pour le public. L'Académie estime, par la voix du Pr. TUBIANA, que les conséquences psychologiques d'une limite de dose fixée à 1 mSv par an seraient désastreuses ; elle estime d'autre part que sa divergence d'appréciation avec la CIPR ne porte plus que sur un facteur 2. Malgré toute ma bonne volonté, je ne comprends pas très bien les raisons pour lesquelles le public, dont on dit qu'il serait affolé par l'annonce qu'une dose de 1 mSv est dangereuse , serait beaucoup moins affolé par l'annonce qu'une dose de 2 mSv est dangereuse. "

" En fait, chacun est d'accord pour reconnaître que la CIPR ne peut faire que les choix allant dans le sens de la prudence. Tout jugement sur la pertinence de ces choix amène à se poser successivement deux questions avant de déterminer si les pouvoirs publics interprètent correctement le principe de précaution en s’appuyant sur ces recommandations.

" Tout d'abord, les choix de la CIPR sont-ils illégitimes sur le plan scientifique ? Personne, pas même les détracteurs les plus acerbes de la publication CIPR 60, ne l'a jamais prétendu. La CIPR effectue ses choix dans la seule latitude des possibilités que lui offre la science du moment, ses flous artistiques et ses zones d'ombre. Or, entre 1988 et 1995, la science n'a pas été capable de réduire les marges d'erreur, même si elle suggère. "

Pour les besoins de la radioprotection, pour les hommes chargés de définir ses principes généraux, pour ceux chargés de l'appliquer sur le terrain comme pour les responsables politiques chargés de l'endosser vis-à-vis du corps social, la véritable question ne consiste pas à savoir si le débat scientifique peut être clos aujourd'hui, ni si la science peut apporter une réponse définitive. Il s'agit bien plutôt de savoir si l'on peut gérer correctement le risque radiologique à partir des connaissances actuelles.

c) Les principes qui guident la radioprotection

Le principe de précaution guide aujourd’hui l’action des pouvoirs publics mais le risque zéro, comme la ligne d’horizon, ne peut pas être atteint, il faut donc savoir définir une politique et des procédures qui permettent d’aller vers cet objectif à des conditions économiques raisonnables qui permettent d’assurer le primat de la santé publique.

Le système de radioprotection défini au niveau international par la CIPR est fondé sur les trois grands principes suivants :

    • Le principe de justification, aucune pratique ne doit être adoptée si elle n’apporte pas un bénéfice suffisant par rapport aux nuisances radiologiques.
    • L’optimisation, toute source de radioactivité doit être maintenue au niveau le plus bas possible.
    • La limitation des doses individuelles

Or, il me paraît certain que l'on en sait suffisamment aujourd'hui pour mettre en place un système solide de radioprotection.

En ce sens, le débat scientifique sur les effets biologiques des faibles doses occulte celui autrement plus important sur les critères d'acceptabilité du risque et les modalités de gestion du risque, qui sont le fondement essentiel de la politique de protection radiologique. En ce domaine, il faut convenir que, par rapport à la CIPR 26, les évolutions conceptuelles proposées par la CIPR dans sa publication 60 fondent un système de protection radiologique robuste dont la " sensibilité " aux facteurs purement scientifiques a été considérablement réduite.

La CIPR 60 a introduit des modifications dans le concept de " limite de dose " mais a surtout développé la prévention du risque radiologique, en renforçant considérablement la place de l'optimisation dans le système de protection. Elle a également largement étendu le champ d'application des principes de radioprotection. Ce faisant, elle a renforcé tout autant les obligations pesant sur les autorités de radioprotection que celles pesant sur les exploitants.

Chacun en est aujourd'hui d'accord : une bonne protection radiologique passe par l'application du principe d'optimisation. Ceci se décline parfois en " principe ALARA " (" As Low as Reasonably Achievable " : Aussi bas que raisonnablement possible), que les Britanniques modulent fréquemment en " As Low as Reasonably Practicable ". Peu importe le nom, la religion est faite et chacun se doit d'optimiser.

A deux reprises en 1998 et en octobre 1994, j'ai eu l'occasion de constater avec plaisir au congrès organisé à La Rochelle par la SFRP que les Français avaient adopté sans réserve le principe d'optimisation. Je me félicite en particulier de l’amélioration considérable de la sensibilité du corps médical à ces questions que j’ai pu constater en 1998.

Les choses changent radicalement dans la CIPR 60 par rapport à la situation antérieure. La Commission cherche d'abord explicitement à battre en brèche certaines idées reçues, dont celle qui voudrait que la limite soit le seul instrument rigoureux de la radioprotection et celle qui voudrait que la limite soit un moyen simple et efficace de diminuer les doses reçues.

Plus fondamentalement, la Commission a saisi la difficulté née de la promotion accordée au principe d'optimisation. Celui-ci est relatif aux sources de rayonnement ; il impose que les expositions découlant de ces sources soient réduites autant que raisonnablement possible en tenant compte de la multiplicité des sources, il pourrait être possible qu'un individu soumis à l'influence de plusieurs sources soit amené à supporter un risque trop important.

Comme je le soulignais en 1996 : " Qu'il était simple le temps où l'autorité de radioprotection pouvait se contenter de décliner en version nationale les limites recommandées par la CIPR ou d'autres organismes s'en inspirant ! Qu'il était simple le temps où l'autorité de radioprotection pouvait limiter son action à vérifier que les limites n'étaient pas dépassées ! Cet heureux temps n'est plus : la CIPR 60 l'a fait s'envoler...

" Aujourd'hui, on ne peut plus se contenter de mettre en œuvre une " radioprotection notariale ". Certes, il est toujours nécessaire de comptabiliser et cumuler les doses reçues par les individus. Certes, il est toujours nécessaire d'avoir dans notre réglementation des limites clairement énoncées et numériquement définies, qui fixent non pas la ligne de démarcation entre le dangereux et le bénin mais la frontière entre ce qui est sanctionnable ou non au plan infractionnel. Mais l'essentiel n'est plus là.

" Il me paraît clair que l'autorité de radioprotection ne devrait pas échapper à une implication plus grande dans la mise en place effective et le respect du principe d'optimisation par les institutions provoquant des expositions aux rayonnements... "

" J'ai bien conscience qu'une telle évolution sera difficile. Elle se heurte d'abord à une tradition administrative bien établie -en France comme à l'étranger- qui trouve dans la limite l'instrument miroir de la frontière entre infractionnel et non infractionnel. Elle se heurte aussi -et c'est un handicap beaucoup plus lourd- au nécessaire renforcement des capacités d'expertise de l'autorité de radioprotection. Son intervention dans le processus d'optimisation nécessite en effet d'avoir la capacité de mener à bien un dialogue technique serré avec l'exploitant, comme cela peut se faire dans le domaine de la sûreté. Quelles compétences sont nécessaires pour discuter -au plan de la radioprotection- d'un programme d'arrêt de tranche pour une centrale nucléaire ? de la conception d'une nouvelle installation destinée à effectuer des recherches sur tel ou tel domaine d'intérêt ? des procédures d'exploitation envisagées dans une installation industrielle à construire ?

" Je sais que l'on pourra me rétorquer : pourquoi vouloir impliquer l'autorité de radioprotection dans un processus d'optimisation que les exploitants maîtrisent déjà fort bien tout seuls ? N'a-t-on pas pu constater, sans qu'une quelconque autorité intervienne, des diminutions de doses tout à fait significatives lors de l'exploitation courante des installations nucléaires comme d'ailleurs lors de diverses opérations exceptionnelles (changements de générateurs de vapeur, remplacements de couvercle de cuve...) ?

" Je reconnais volontiers que les exploitants n'ont pas attendu cette éventuelle implication des autorités pour engager des efforts significatifs visant à réduire les doses reçues par leurs employés. Je suis le premier à me féliciter de cette impulsion venant de l'intérieur.

" Je conviens que la France n'est pas (pas encore ?) un pays à procès, mais indépendamment de cet aspect même, il me paraît de toute façon peu logique que l'autorité réglementaire inscrive dans les textes l'obligation de respecter le principe d'optimisation sans se donner ni les moyens de le faire respecter a priori, ni les moyens de le contrôler a posteriori. "

" Dans ces conditions, accepter l'introduction de la CIPR 60 dans le droit français ne relève plus seulement de la faculté mais de l'obligation. Dans le cadre de mes fonctions de rapporteur, si je suis reconduit, je maintiendrai une vigilance extrême pour que les autorités de notre pays contribuent loyalement à une intégration rapide et complète de la CIPR 60 et participent avec leurs partenaires aux développements et clarifications nécessaires.

Il faut saisir sans tarder cette opportunité de passer d'un système de protection radiologique archaïque  à un système résolument moderne, " pour des activités dont la plupart ont une origine récente et qui doivent de ce fait constituer un exemple. ".

d) La révision des normes de radioprotection

Pour bien saisir les termes de ce débat, en particulier lorsque je vais aborder la traduction dans notre droit des principes évoqués ci-dessus, il est utile de vous livrer la synthèse de mon rapport de 1996 sur la révision des normes de radioprotection.

1) Un contexte français plutôt tendu

La partie de mes travaux consacrée aux " fondements scientifiques de la révision des normes de radioprotection " s'est déroulée dans un climat français plutôt tendu. En 1989, un premier rapport de l'Académie des sciences avait déjà fait état des réserves émises par cette institution sur l'opportunité d'une modification des normes. A l'époque, la Commission internationale de Protection radiologique préparait une révision de ses recommandations fondamentales, fixées depuis 1958 et confirmées en 1977 à 50 mSv par an pour les travailleurs et 5 mSv par an pour le " groupe critique ", qui représente les personnes les plus exposées du public.

En 1990, la CIPR publiait ses nouvelles recommandations, qui portaient la limite de dose pour les travailleurs à 20 mSv par an en moyenne et 1 mSv par an en moyenne pour le public. Les grandes organisations internationales, dont l'Agence internationale pour l’énergie atomique, entamaient alors un long processus pour traduire dans leurs " Tables de la loi " respectives ces nouvelles valeurs.

A l'été 1994, la France bloquait l'adoption des Basic Safety Standards de l'AIEA pour des motifs que je trouve encore obscurs, avant d'effectuer quelques jours après une spectaculaire volte-face. Elle suscitait ainsi une polémique internationale desservant le crédit de notre pays à l'étranger. Le Gouvernement demandait alors à l'Académie des sciences un nouveau rapport sur les effets des faibles doses et l'opportunité d'une révision des normes de radioprotection.

De son côté, l'IPSN passait avec le National Radiological Protection Board britannique un contrat portant sur l'évaluation des effets des faibles doses. Ce contrat a suscité l'irritation profonde d'une partie de la communauté scientifique française. Cependant, après quelques péripéties, l'IPSN a pu organiser une réunion où le NRPB d'un côté, l'Académie des sciences de l'autre, ont pu discuter de leurs positions respectives et apprendre à mieux se connaître.

Enfin, le 23 novembre 1995, l'Académie des sciences rendait public son rapport à l'occasion de l'audition organisée par l'Office parlementaire. Un débat pouvait s'engager avec le président de la CIPR, convié lui aussi à l'audition de l'Office.

2) Un débat complexe et touffu

Le débat scientifique est assurément complexe et touffu. Il prend sa source dans les incertitudes qui affectent la détermination numérique du risque radiologique causé par l'exposition aux rayonnements ionisants. En effet on est actuellement incapable de déterminer directement et de façon précise le risque radiologique dans les conditions de la radioprotection, c'est-à-dire à faible dose et à faible débit de dose. Il faut procéder de façon indirecte : 1/ évaluer le risque à forte dose et fort débit ; 2/ extrapoler ce risque aux situations de faibles doses et faibles débits.

L'Académie des sciences a présenté dans son rapport de novembre 1995 une série d'arguments qui vont à l'encontre des conclusions retenues par les principales instances internationales : l'UNSCEAR (Comité scientifique des Nations unies sur les effets des rayonnements) et la CIPR (Commission internationale de Protection radiologique). L'UNSCEAR effectue périodiquement une revue de tous les travaux concernant les rayonnements ionisants et publie de volumineux rapports, qui représentent l'opinion de la communauté scientifique internationale sur les effets des radiations. La CIPR utilise ces rapports pour faire sa propre évaluation du risque radiologique et mettre au point des recommandations de radioprotection.

L'Académie estime que l'évaluation du risque effectuée par la CIPR est excessive, et que le risque réel est inférieur à celui qui est retenu aujourd'hui :

    • elle conteste certains choix effectués pour l'évaluation du risque à fortes doses et forts débits : prépondérance donnée à l'étude des survivants des bombardements japonais, mode d'évaluation prospective du risque pour les années à venir (ce qu'on appelle la projection du risque) ;
    • elle conteste également certains choix effectués pour l'extrapolation vers les faibles doses et faibles débits ; en particulier l'Académie estime que l'UNSCEAR et la CIPR ne prennent pas en compte un certain nombre de résultats issus des travaux de biologie fondamentale, qui tendraient à montrer que les effets des rayonnements sont plus réduits en cas de faibles débits de dose ; selon l'Académie, à faible débit de dose, les capacités de réparation de l'ADN dans les chromosomes peuvent fonctionner de façon correcte alors qu'elles sont " débordées " lorsque le débit de dose devient trop élevé.

L'étude des arguments des uns et des autres est difficile mais passionnante. J'ai tenté d'en faire une présentation précise et synthétique à la fois dans le texte du rapport, qui malheureusement dépasse largement le cadre de cette présentation résumée.

Il ne m'appartient pas de prendre position sur un sujet aussi complexe. Je me pose cependant quelques questions :

a/ le première porte sur la forme du débat : l'Académie dit que les avancées les plus récentes de la science infirment les positions de la CIPR et elle suggère ainsi que la CIPR est " en retard " sur les connaissances scientifiques actuelles. Je suis tout prêt à reconnaître que la science a progressé entre 1990 et 1995. Je dois cependant constater que l'UNSCEAR a publié en 1993 et 1994 un nouveau rapport où il réexamine des thèmes aussi importants que la qualité des études épidémiologiques retenues dans l'évaluation du risque, les mécanismes biologiques des rayonnements, la radiotolérance induite (" les rayons qui font du bien "...), etc. L'UNSCEAR a estimé que rien dans les avancées scientifiques les plus récentes ne l'incite pour l'heure à modifier ses évaluations. Les dernières années ont simplement confirmé des tendances déjà perceptibles en 1988.

b/ la seconde question que je me pose porte sur la finalité du débat :

1/ s'agit-il, dans une optique modeste, de montrer qu'il n'y a pas de vérité unique et que l'on peut interpréter de façon différente les données scientifiques disponibles aujourd'hui ? rappeler qu'il n'existe pas de dogme est en soi un objectif louable, mais les moyens utilisés sont-ils légitimes ? les controverses scientifiques ont vocation à être évoquées au sein de l'enceinte discrète et feutrée de l'UNSCEAR plutôt que sur la place publique ;

2/ s'agit-il, dans une optique maximaliste, de bloquer l'adoption de la directive CEE traduisant en langage communautaire la CIPR 60 ? peine perdue puisque le gouvernement a fait savoir plusieurs fois qu'il était prêt à l'intégrer dans notre droit national ; la directive doit être très prochainement approuvée de façon définitive par le Conseil des ministres de l'Union ;

3/ s'agit-il, dans une motivation un peu plus occulte, d'éviter la peur irraisonnée, dans le public, de l'utilisation médicale des rayonnements (examens radiodiagnostics, radiothérapie...) ? certaines remarques m'incitent à penser que cette préoccupation n'était peut-être pas absente... est-ce un motif suffisant pour engager une telle bataille ?

3) Un débat tronqué, qui laisse de côté les véritables questions

Mais de telles considérations s'éloignent assez largement d'un débat que l'on dit être scientifique uniquement. En fait, la controverse entre l'Académie des sciences et la CIPR est biaisée dès l'origine. L'Académie critique les recommandations de la CIPR en assurant n'utiliser que des arguments scientifiques, alors que la CIPR ne fait pas de la science !

A l'intérieur du flou laissé par les incertitudes scientifiques, la CIPR fait des choix. Elle DOIT faire des choix, et ceux-ci sont la première étape dans la gestion du risque radiologique. Si l'UNSCEAR (instance scientifique) peut proposer des fourchettes pour les évaluations du risque, il n'est pas possible à la CIPR de proposer des fourchettes de limites de dose ! On ne peut pas dire que la vitesse sera limitée de façon impérative sur les autoroutes à une valeur comprise entre 95 et 165 km/h ; il faut fixer une valeur précise : 130 km/h.

Prétendre critiquer une limite de dose sur des fondements uniquement scientifiques, c'est se tromper de combat et faire d'emblée une erreur de jugement.

D'autant que le véritable débat devrait plutôt concerner les modalités de gestion du risque radiologique, en particulier les critères d'acceptabilité du risque radiologique. L'examen attentif des textes de la CIPR montre que les limites proposées en 1990 sont en fait moins sévères, moins protectrices que celles proposées en 1977, bien qu'elles semblent avoir été diminuées de façon substantielle !

a/ La CIPR a abandonné la comparaison avec les industries les plus sûres pour déterminer la limite de dose applicable aux travailleurs. En choisissant une valeur de 20 mSv par an, elle offre aux travailleurs le même niveau absolu de protection sanitaire qu'en 1977. En revanche, elle fait l'impasse sur les progrès qui ont été réalisés par ailleurs dans la maîtrise des conditions de travail dans l'industrie. Si elle avait retenu la même approche comparative qu'en 1977, elle aurait dû recommander une limite de dose de 10 mSv par an environ.

b/ La CIPR avait déjà considéré que la limite pour le public était 1 mSv par an en 1977. Elle n'avait pas exprimé très clairement cette position, mais avait préféré dire qu'une limite de 5 mSv par an au groupe critique fournissait ce niveau de protection. En 1990, la CIPR maintient cette limite de dose de 1 mSv, qui correspond donc à un risque sanitaire 4 fois plus élevé qu'en 1977. Je rappelle au demeurant qu'une limite de dose est essentiellement relative à des expositions involontaires et continues, qu'elle concerne les expositions dues aux activités humaines venant en supplément des expositions naturelles, et qu'elle ne concerne pas les expositions médicales. Pour justifier sa position, la CIPR a également changé sa référence de jugement. Le point de comparaison n'est plus, comme en 1977, l'exposition aux risques publics de la vie courante (utilisation de transports en commun) ; les progrès effectués dans ce domaine comme la réévaluation du risque radiologique auraient alors conduit la CIPR à retenir comme limite une fraction de mSv, valeur tout à fait impraticable. Le point de comparaison devient en 1990 la fluctuation du niveau naturel de radioactivité, de l'ordre de grandeur du mSv : une exposition du public à 1 mSv par an procure un risque supérieur à ceux couramment acceptés par ailleurs dans la vie courante, mais n'est pas pour autant inacceptable puisqu'elle correspond aux fluctuations de la radioactivité naturelle. C'est tout l'intérêt des notions d'inacceptable, tolérable et acceptable qui ont été introduites par la CIPR à cette occasion.

Quels doivent être les critères qui permettent de juger de l'acceptabilité ou de l'inacceptabilité d'un certain niveau de risque ? Les " pirouettes " de la CIPR en 1990 montrent que le véritable lieu du débat est bien là. Elles ne doivent pas non plus faire oublier qu'en 1990, la CIPR a construit un système de protection radiologique qui n'accorde plus à la limite de dose que la portée résiduelle d'un garde fou ultime. L'accent doit désormais porter, en amont, sur les efforts d'optimisation, qui concernent autant les autorités que les exploitants.

En ce sens, la portée des débats portant sur les fondements scientifiques de la révision des normes de radioprotection se trouve ramenée à de plus justes proportions.

Aussi vais-je maintenant aborder le bilan des 25 recommandations de l’OPECST car l’intérêt de la définition de normes est très limité si ces dernières ne sont pas correctement mises en œuvre. Comme le lecteur l’aura compris, l’introduction des recommandations de la CIPR 60 dans notre droit et son application effective sous le contrôle de structures performantes constitueront le guide de mon évaluation.

II - L’IMPACT DES ANALYSES ET DES RECOMMANDATIONS DE L’OFFICE PARLEMENTAIRE SUR LA PROTECTION RADIOLOGIQUE DES PERSONNES

Assurer la sécurité et la sûreté des personnes constitue, bien évidemment, le premier des objectifs des politiques suivies et la principale de mes préoccupations. Elle explique l’importance que j’ai accordée dans mes travaux à la sûreté des centrales d’Europe orientale -un nouvel accident majeur après Tchernobyl serait dramatique- ainsi qu’à la protection des travailleurs du secteur nucléaire et du public.

Cette action m’a conduit, dans le cadre de mes fonctions de rapporteur, à prendre des positions qui ont bousculé des habitudes mais il s’avère au final que l’action de l’OPECST a été positive et que ses idées, iconoclastes au moment où elles ont été formulées, sont aujourd’hui admises, en particulier en matière de protection radiologique des personnes.

Le premier rapport de l’Office sur la sûreté abordait en 1990 le thème de la radioprotection, sujet aujourd’hui au centre de toutes les préoccupations, auquel j’ai également consacré des développements fournis dans mes rapports de 1991, 1993 et 1996.

Pour en dresser le bilan, nous aborderons cette question à partir de trois grands thèmes : les structures, les normes, les hommes.

A. L’évolution des structures : une satisfaction formelle

L’analyse que j’ai développée dans ce domaine repose sur une idée simple : il est temps de rétablir l’autorité de l’Etat ; la politique conduite en matière de radioprotection doit relever de l’autorité politique et non de la cogestion avec l’exploitant. Cette idée va bien au-delà de la pétition de principe car elle conditionne la crédibilité de la filière électronucléaire aux yeux de l’opinion publique.

Or, l’autorité de contrôle est éclatée entre deux pôles : un industriel et un sanitaire. Le premier, qui s’occupe des installations nucléaires industrielles, repose sur la Direction de la Sûreté Nucléaire (DSIN) et son appui technique, l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN). Il jouit de moyens assez exceptionnels sur le plan financier, mais aussi et peut-être surtout sur les plans technique et humain, qui font apparaître le pôle sanitaire auquel est consacré ce chapitre comme le parent pauvre du système, d’autant qu’il est éclaté entre les ministères du Travail et de la Santé, ce dernier disposant comme appui technique d’un établissement public, l’Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI).

1. La radioprotection peut-elle être une priorité pour le ministère de la Santé ?

Même si les analyses que j’ai pu développer sur le ministère de la Santé peuvent apparaître sévères, je n’oublie pas la difficulté de sa tâche et la nécessité devant laquelle il se trouve de devoir hiérarchiser les priorités en matière de santé publique. Aussi je comprends tout à fait que confronté à l’urgence d’une épidémie, par exemple le SIDA, il consacre ses moyens aux actions les plus prioritaires sur le plan sanitaire, ce qui fréquemment peut le conduire à négliger la prévention des risques, dont la radioactivité n’est qu’une composante. Mais est-ce au ministère de la Santé de gérer les risques environnementaux ? La question mérite assurément un débat ; d’autres ministère comme celui de l’Environnement revendiquent cette compétence avec, à l’appui, des arguments respectables. Votre Rapporteur se tiendra à l’écart de ce débat " théologique " -qui passionne peut-être quelques fonctionnaires mais dont l’intérêt est des plus limités- pour vous proposer une démarche pragmatique consistant à soutenir la solution la plus efficace pour préserver la santé publique.

Nous pouvons aujourd’hui nous poser sérieusement la question de savoir s’il ne faudra pas créer une agence de la radioprotection. Les réformes récentes du ministère de la Santé donnent le sentiment que lorsque, faute de moyens, ce dernier n’arrive pas à régler un problème, les gouvernements, quelle que soit leur étiquette, créent une agence pour résoudre cette question (agences du sang, du médicament, de l’hospitalisation...).

Je suis réservé sur cette politique qui délite les responsabilités et les missions ; à mes yeux, la vocation essentielle du ministère de la Santé est de lutter contre les maladies infectieuses et de définir les normes sanitaires ; s’agissant des risques extrinsèques, en particulier ceux liés à l’environnement, qui relèvent de plusieurs ministères, la revendication d’un monopole sur ces questions par la Santé, alors que des aspects essentiels relèvent d’autres structures telles que le Travail où l’Environnement, parait plus de nature à embrouiller qu’à clarifier le débat et ne facilite pas la coordination des actions.

En outre, les dangers objectifs des rayonnements ionisants sont dans l’ensemble correctement pris en compte, ce qui explique que, légitimement, le ministère de la Santé n’en fasse pas une priorité de santé publique, d’où ma conviction de la nécessité de disposer d’une structure adaptée à l’approche particulière de la question de la radioactivité.

L’évolution des structures, due en partie aux rapports de l’Office parlementaire, illustre avec acuité cette problématique : tant que le débat qui vient être évoqué ne sera pas tranché, c’est-à-dire que la politique de radioprotection ne sera pas soumise à une autorité unique, il sera difficile de se satisfaire d’une situation caractérisée par l’absence de responsable, contrepartie de la dispersion des moyens génératrice de coûts et d’une moindre efficacité.

2. Une évolution en trompe-l’œil

En 1990, je proposais la création d’une Direction de la Protection contre les rayonnements ionisants directement rattachée au ministère de la Santé chargée de la définition de la réglementation et de son application, dont le service central de protection contre les rayonnements ionisants (le SCPRI est depuis devenu l’OPRI) aurait constitué l’appui technique.

En 1993, j’ai été au-delà et j’ai proposé dans mon rapport la création d’une véritable autorité de la radioprotection à travers la 9ème recommandation (9/6/93) suivante : " L'Office parlementaire rappelle au Gouvernement la teneur de la 17ème recommandation du rapport sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire pour 1991, relative à la création au ministère de la Santé d'une autorité de la radioprotection... "

Cette réforme aurait permis de disposer d’un pôle sanitaire cohérent qui n’existe toujours pas.

Je ne peux pas considérer que la création d’un simple bureau au sein de la Direction Générale de la Santé constitue une réponse suffisante à mon attente car un chef de bureau, quelles que soient ses compétences et ses qualités, n’a pas l’autorité d’un directeur d’administration centrale, d’autant que la radioprotection ne constitue pas la première priorité d’une direction générale de la santé qui, prise par l’urgence, n’a pas les moyens suffisants pour doter convenablement le bureau de la radioprotection.

Je dois toutefois reconnaître que le Directeur Général de la Santé s’est efforcé lors de son audition d’apaiser mes craintes : si le bureau de la radioprotection avait vu ses effectifs tomber à deux personnes au mois de juin dernier, il en occupe aujourd’hui six, signe, peut être, d’un intérêt nouveau porté par le nouveau Directeur Général à ces questions.

Il est clair que le bureau de la radioprotection ne peut pas être comparé à la DSIN ; l’OPRI n’a pas les moyens de l’IPSN et, si les évolutions enregistrées ont été dans le sens que je souhaitais, les autorités sanitaires n’ont pas été jusqu’au bout de la logique que je défends. Il n’existe toujours pas le pôle sanitaire de radioprotection dont l’OPRI serait le bras séculier, que j’appelle de mes vœux.

Sur ce point très précis, la réponse du ministère de la Santé à mes première et neuvième recommandation ne peut pas me satisfaire, elle est la suivante :

L'autorité de radioprotection est invitée à réfléchir aux moyens de mettre en œuvre l'ensemble des recommandations de l'Office parlementaire relatives à l'organisation de la radioprotection, en particulier la création de groupes permanents d'experts pluridisciplinaire de ce sujet.

Réponse du ministère de la Santé : " Le renforcement de la radioprotection en France, souligné par plusieurs rapports parlementaires, passe nécessairement par une augmentation des moyens qui lui sont consacrés :

- sur le budget 1999, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et le secrétaire d'Etat à la Santé ont obtenu un renforcement des moyens de l'Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI) à hauteur d'environ 12 M.F. (22 emplois).

- cette question a été placée au centre des recommandations formulées par M. LE DÉAUT dans son rapport remis au Premier ministre en juillet 1998. Ces recommandations ont été examinées en Conseil des ministres, le 9 décembre 1998, et ont conduit le Gouvernement à soutenir le principe de ce renforcement, en décidant d'affecter à l'OPRI une fraction de la redevance perçue sur les installations nucléaires de base, pour un montant d'environ 100 millions de francs.

Pour répondre à la demande de la création de " groupes permanents d'experts ", préconisée par l'OPECST, il convient de mentionner la création en 1997 (arrêté du 5 août 1997) d'une nouvelle section Radioprotection au sein du Conseil supérieur d'hygiène publique de France. Cette instance consultative, placée sous l'autorité du ministre chargé de la Santé, a pour vocation de traiter toute question relative à la radioprotection des populations, quel que soit le contexte de l'utilisation des radioéléments. Elle peut décider de mettre en place des groupes de travail, permanents ou non, sur des sujets particuliers. Le programme de travail 1999 prévoit la mise en place de 4 groupes de travail thématiques. "

Cette réponse suscite un sentiment ambivalent : elle témoigne, nous devons le reconnaître, d’une volonté d’améliorer une situation qui n’est pas satisfaisante, mais cette attitude ne permettra pas, malheureusement, de sortir d’une logique étriquée où le ministère de la Santé veut conserver des prérogatives qu’il n’a pas les moyens d’exercer. D’autre part, la formule retenue est à mes yeux trop lourde et ne permet pas d’associer comme il conviendrait de le faire le tissu associatif comme le fait plus volontiers le ministère du Travail, habitué à associer les partenaires sociaux à ses décisions.

Cette suggestion se heurte à mes yeux à l’attitude trop " classique " de la technostructure du ministère de la Santé, qui ne veut pas donner le sentiment qu’il imite celui de l’Industrie. Pour elle, la radioprotection est fondamentalement différente de la sûreté nucléaire qui est limitée à un champ industriel précis ; elle ne s’intéresse pas au champ plus vaste des risques extrinsèques à l’homme dont la radioprotection n’est qu’un aspect. Par exemple, pour le ministère de la Santé, le principe ALARA ne constitue qu’un principe général de sécurité sanitaire et une vision panoramique, intégrant l’ensemble des risques environnementaux, est indispensable, la spécificité du risque radiologique n’étant pas dans cette perspective reconnue, et je suis en désaccord avec cette approche.

Je ne suis pas satisfait non plus de l’arbitrage du Premier ministre, rendu le 9 décembre 1998, qui, en plaçant la radioprotection hors du champ de la réforme de la gestion de la sûreté nucléaire, semble s’être rallié à la thèse du ministère de la Santé.

Certes, je comprends la position du ministère de la Santé qui ne veut pas se dessaisir de ses prérogatives et considère qu’il lui appartient de gérer l’ensemble des risques extrinsèques, mais nous ne devons pas rentrer dans ce débat au nom du pragmatisme : le problème est que la radioprotection soit assurée le mieux possible, le débat sur le ministère de tutelle est indifférent mais je suis convaincu qu’un organisme s’occupant spécifiquement de cette question sera plus efficace en termes de santé publique et que la dispersion des efforts actuelle n’est pas satisfaisante, en particulier le partage des rôles entre les deux établissements publics, l’OPRI et l’IPSN, mérite d’être clarifié.

Aussi, si l’attitude du ministère de la Santé, qui reconnaît avoir une vision encore trop marquée par les problèmes infectieux, et la volonté du nouveau Directeur Général de la Santé de créer au sein de sa direction un pôle environnemental constituent certainement des avancées à encourager, je n’ai enregistré avec la création du bureau de la radioprotection qu’une réponse très partielle à mes suggestions.

Je suis parfaitement conscient que le ministère de la Santé répugne à décalquer les structures mises en place par la DSIN car il considère que l’autorité appartient à la DGS et que l’OPRI n’est qu’un laboratoire de métrologie, ce qui me paraît pour le moins réducteur, et qu’en conséquence il n’a pas à se couler dans le moule de la DSIN et à créer des groupes permanents ; les réponses à mon questionnaire ont été, comme nous venons de le voir, de ce point de vue tout à fait édifiantes.

3. Les propositions du rapport au Premier ministre de Jean-Yves LE DÉAUT

Je note que les propositions formulées par le Président de l’Office parlementaire, Jean-Yves LE DÉAUT, dans le cadre de la mission que lui avait confiée le Premier ministre sur le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire, qui a fait l’objet d’un rapport remis le 7 juillet 1998, n’ont pas été suivies par le Gouvernement du moins sur l’organisation de la radioprotection.

Toutefois, il me semble utile de vous présenter ses propositions bien que mon analyse diffère de la sienne sur un point : je préfère une séparation entre le pôle sanitaire et le pôle industriel.

Un pôle d’expertise : l’agence de sûreté nucléaire et de radioprotection

" Une fois examiné la répartition IPSN-CEA, il est possible de regarder les rapprochements à effectuer entre l'IPSN et l'OPRI. Comme il a été indiqué ci-avant, il est souhaitable de consolider l'expertise en radioprotection. Celle de l'OPRI n'est pas suffisante aujourd'hui puisqu'elle se concentre essentiellement sur ses fonctions métrologiques, et l'expertise de l'OPRI ne communique pas parfaitement avec celle de l'IPSN, qui s'est beaucoup accrue durant les dernières années. Faut-il que l'OPRI et l'IPSN continuent à se " marcher sur les pieds " ? En outre, de nombreux pays qui ont tenté des rapprochements entre sûreté et radioprotection dans les installations nucléaires considèrent a posteriori que les deux volets sont très proches, voire plus proches que la radioprotection médicale par rapport à la radioprotection dans les installations nucléaires.

" L'IPSN et l’OPRI sont aujourd'hui assez complémentaires : expertise et recherche d'un côté, métrologie et surveillance des travailleurs et de l'environnement de l'autre.

" Tout conduit à vouloir rapprocher les deux. Restera à créer une place réelle pour l'épidémiologie, qui est étudiée parallèlement à ce rapport par le professeur SPIRA et qui devrait rester une compétence propre au ministère de la Santé, qui exercerait donc une tutelle sur les travaux d'épidémiologie menés par l'agence et à l'extérieur de cette dernière.

" Le rapprochement qui vient d'être évoqué conduit à créer un pôle d'excellence, qui couvre recherche et expertise en radioprotection, aussi bien qu'en sûreté.

" L'OPRI a aujourd'hui un statut d'établissement public administratif (EPA), et le CEA, auquel appartient l'IPSN, un statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC). Il me semble nécessaire que le statut du nouvel ensemble soit un statut d'EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial), afin de conserver la souplesse de gestion qu'a actuellement l'IPSN, et afin de la donner à l'OPRI.

" Par ce rapprochement pourrait être créée l'Agence française de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection. Le Président de cet EPIC pourrait être une personnalité scientifique reconnue, et le directeur de l'EPIC représenterait l'établissement dans tous les actes de la gestion. Nous reviendrons plus tard sur la tutelle de cet établissement.

" Il conviendrait de distinguer trois grands départements au sein de cette agence : expertise en sûreté nucléaire, expertise en radioprotection, recherche.

" Lors de ce rapprochement, il conviendra de veiller à remettre à niveau le statut des personnels de l'OPRl : l'OPRI n'est aujourd'hui autorisé à employer comme contractuels que des personnels A et B techniques. Les personnels de laboratoire de catégorie C et les personnels administratifs de catégorie B, aujourd'hui contractuels, ont été laissés de côté dans la définition du statut de l'OPRI.

" La réalité de l'OPRI est aujourd'hui en décalage total avec son statut : alors que le statut favorise l'emploi d'agents de la fonction publique, le personnel de l'OPRI est contractuel non titulaire à plus de 90 %. La mise à niveau des salaires des personnels de l'OPRI peut être évaluée à 10 MF par an, soit moins de 2 % du budget consacré à l'expertise en sûreté et radioprotection à l'IPSN et l'OPRI. C'est une des conditions de réussite de la réforme proposée.

" Le rapprochement devrait être l'occasion de repenser les missions : si l'OPRI doit rester un laboratoire de référence, il n'est pas obligé pour autant d'assurer à lui seul de nombreuses mesures de films, sans contrôler celles qui sont faites par d'autres. L'Agence Française de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection doit développer ses méthodes de mesure et doit s'assurer de leur diffusion et de la qualité de leur application sur l'ensemble du territoire, en mettant en place les intercomparaisons et les vérifications utiles...

" 5. Une autorité unique, crédible et indépendante de radioprotection et sûreté nucléaire

" Les ministères du Travail et de la Santé n'ont manifestement pas donné dans le passé la priorité à la radioprotection. Les nombreux rapports (IGAS, rapports parlementaires, Cour des Comptes, ...) qui ont suggéré de renforcer un pôle radioprotection au sein de ces ministères ont conduit à des échecs comme cela a été indiqué plus haut. Il n'y a donc aucun doute la nécessité de grouper les compétences de radioprotection et de sûreté pour les installations nucléaires au sein d'une même autorité. La question peut paraître moins évidente en ce qui concerne le petit nucléaire, c'est-à-dire le médical, l'industriel, toutes les installations qui comportent un risque réel de radioprotection mais peu de risques de criticité (sources scellées ou non, accélérateurs, ...).

" Ces installations sont trop mal prises en compte aujourd'hui pour que l'on puisse les laisser à l'abandon du système actuel. Malgré les bonnes volontés qui existent au Travail ou à la Santé, de nombreuses questions ne sont pas traitées...

" C'est pourquoi il me semble nécessaire de regrouper l'ensemble des compétences et attributions de radioprotection au sein d'une seule et même autorité de sûreté et de radioprotection, en y incluant le petit nucléaire et le médical. Les compétences en radioprotection du bureau de la radioprotection à la DGS et du bureau CT4 de la direction des relations du travail seraient ainsi transférées. Les compétences d'inspection du travail de la DIGEC relative aux industries nucléaires y seraient également transférées.

" La direction de la prévention des pollutions et des risques au ministère de l'Environnement pourrait garder ses compétences en matière de réglementation des sources considérées comme installations classées pour la protection de l'environnement... "

J’ai tenu à reproduire cette analyse dans ce rapport car elle me paraît parfaitement pertinente.

B. Les réseaux

Une politique sanitaire cohérente implique de fonctionner en réseau afin d’éviter les doublons. C’est pourquoi, afin de rendre le dispositif français plus cohérent, je me suis attaché à promouvoir la mise en réseau au sein des services de l’Etat et, si je me félicite de la bonne volonté de mes interlocuteurs, je ne suis pas totalement satisfait par les réponses de l’administration. Nous retrouvons également à ce niveau une des lacunes de l’organisation de la radioprotection, notre incapacité à faire travailler de concert les organismes publics en charge de ces questions.

Cette situation apparaît avec les réponses fournies à ma deuxième recommandation (2/19/95) par laquelle j’invitais L'OPRI à poursuivre ses actions visant à constituer dans les services extérieurs de santé de l'Etat un réseau de compétences en expertise radiologique.

Pour la Direction générale de la Santé :

" La définition des missions de l'Etat et notamment de celles confiées aux services déconcentrés placés sous l'autorité des Préfets dans le domaine de la santé appartient à la Direction Générale de la Santé, dans le cadre de la concertation interministérielle. La mise à jour de la réglementation nationale, entreprise depuis 1997 pour la transposition de la directive 96/29/CE fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire des populations et des travailleurs, constitue le cadre approprié pour procéder à une déconcentration de certaines procédures et préciser les missions de contrôle et de police sanitaire de l'Etat et de son appui technique (OPRI). Ainsi, la possibilité de confier des missions nouvelles en matière de radioprotection aux DRASS et aux DDASS est à l'étude dans le domaine hospitalier, pour ce qui concerne notamment l'utilisation des radioéléments à des fins médicales, et en matière de surveillance radioécologique de l'environnement autour des Installations Nucléaires.

" La mise à niveau des compétences des personnels des DDASS et des DRASS dans le domaine de la radioprotection a été initiée en 1997 et sera poursuivie. Environ une cinquantaine d'agents de catégorie A ont bénéficié d'une formation équivalente à celle reçue par toute personne désignée " personne compétente en matière de radioprotection ". Des stages de spécialisation (hôpital, installations nucléaires et radon) sont programmés en 1999. "

Dans sa réponse, le Président de l’OPRI considère qu’à travers ses réponses, il est bien entendu en phase avec son autorité de tutelle.

" Dans cette recommandation, vous invitez l'OPRI à " constituer dans les services extérieurs de santé de l'Etat -en l'occurrence les Directions Régionales et les Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS et DDASS) un réseau de compétence en expertise radiologique ".

" Sans préjudice de la réponse qui pourra vous être apportée sur ce point par le ministère de la Santé, seul habilité à préciser et à décliner les missions, les prérogatives et les moyens de ses services déconcentrés, l'OPRI s'est efforcé ces dernières années de développer avec les DRASS et les DDASS à l'occasion de dossiers ponctuels mais sensibles une collaboration fondée sur une approche pragmatique adaptée à chaque situation.

" Ce fut le cas notamment à Pargny/Saulx en Champagne avec l'affaire de la contamination par du thorium de l'environnement d'une ancienne usine de pierres à briquet, ce fut également le cas dans la Manche avec la surveillance radiologique renforcée pendant l'été des plages du Nord-Cotentin ou encore, tout récemment, lors de la caractérisation de la radioactivité des sédiments asséchés du lac de Saint-Pardoux dans le Limousin.

" Ces exemples, qui pourraient être multipliés, témoignent d'une volonté commune d'instaurer, sous l'égide de la Direction Générale de la Santé, un nouveau type de relation entre 1'OPRI et les services extérieurs de la Santé qui respecte les compétences de chacun et qui soit attentif aux besoins respectifs des uns et des autres dans l'accomplissement de leurs missions.

" Il n'est pas encore possible d'évoquer la notion de réseau telle qu'elle figure dans votre recommandation. Ces collaborations qui s'instaurent en constituent toutefois les prémisses et permettent d'entrevoir à terme une certaine formalisation. L'expérience acquise montre qu'en la matière, la motivation des personnes repose sur la part d'initiative qui leur est concédée La capacité d'expertise radiologique d'un tel réseau est directement dépendante -une foi satisfaites les conditions matérielles minimales- des contacts directs qui se nouent sur les objectifs définis en commun par les agents de l'OPRI et ceux des DDASS.

" Il me semble que le moment est venu de dresser un bilan critique de ces expériences. Le fait d'avoir privilégié l'approche de terrain en profitant des opportunités offertes par l'actualité de la; radioprotection peut être considéré comme un apprentissage réussi. Mais il faut sans doute aller plus loin et consolider les acquis.

" Pour ma part, afin de fournir aux autorités de tutelle des éléments propres à éclairer leurs futures décisions en ce domaine, j'envisage dans le courant de l'année 1999 d'organiser une journée d'étude avec les DRASS et les DDASS qui aurait pour objectif d’identifier les axes et les conditions d'une collaboration institutionnalisée en matière de radioprotection. "

" Comme nous l’avons analysé dans la section précédente, le domaine de la radioprotection repose d’abord sur des échanges d’information, même si les responsables de l’OPRI et du ministère ne souhaitent pas manifestement faire de l’épidémiologie une priorité de leur action, pour des raisons d’ailleurs parfaitement acceptables, il est important que ceux qui souhaitent s’y consacrer puissent avoir accès à des banques de données fiables et ouvertes reposant sur le réseau le plus large possible qui a également une fonction d’alerte. "

Nous avons bien vu avec les polémiques autour de l’usine de la COGEMA de La Hague que, faute de tenue de registre des cancers depuis l’ouverture de cette installation, des affirmations pouvaient être avancées sur la base de données trop restreintes pour être significatives, sans qu’il soit possible d’apporter rapidement des éléments de preuve pour étayer ou infirmer les allégations largement relayées par les médias.

Aussi ai-je souhaité que l’Office, à travers ses recommandations, pose cette question afin d’encourager les acteurs à développer leurs synergies.

Dans mon esprit, cet objectif ne se limite pas aux organismes officiels et je proposais dans la quatrième recommandation de mon rapport de 1995 que le ministère de l’Environnement contribue au développement des capacités d’expertise et de contrôle en s’appuyant sur un réseau de laboratoires agréés. Je dois dire que cela a été fait, il existe aujourd’hui des laboratoires agréés par le ministère mais le résultat ne me satisfait qu’à moitié dans la mesure -mais le ministère n’en est pas responsable- où il n’existe pas de véritables laboratoires indépendants ; ils sont liés aux exploitants pour la plupart ou font figurer le mot indépendant dans leur sigle pour mieux dissimuler leur militantisme écologique, ce qui n’est pas non plus synonyme d’indépendance. Leurs interprétations divergentes des résultats font ressortir avec d’autant plus d’acuité l’absence d’autorité de radioprotection.

Peut-être faudrait-il envisager une contribution des exploitants à une fondation qui ferait réaliser les études à caractère sanitaire et environnemental par un réseau de laboratoires universitaires présentant une véritable indépendance. Il est évident qu’une bonne partie des peurs entretenues par certains dans le domaine nucléaire provient de cette absence d’indépendance de l’expertise, explicable largement par les origines militaires de l’énergie nucléaire, mais qui n’est plus acceptée par l’opinion.

C. Les études

A travers les recommandations que j’ai proposées à l’Office, j’ai voulu encourager et inciter les divers acteurs à développer des études car ce n’est que par la connaissance que les peurs injustifiées pourront être traitées : par exemple, à travers la troisième recommandation du rapport pour 1995, j’invitais le Bureau de radioprotection à poursuivre et à élargir sa réflexion sur la méthodologie d'évaluation des impacts sanitaires, en particulier sur l'ensemble des dossiers relatifs aux déchets radioactifs de toutes sortes, car il est souhaitable de rechercher les conditions d'une meilleure cohérence dans la définition des options techniques, en particulier dans les scénarios retenus pour évaluer les impacts des installations.

EDF m’a répondu que : " Dès la fin de 1996, EDF a réalisé une enquête portant sur les 580 intervenants sur ses installations dont la dosimétrie avait dépassé 20 mSv sur les 12 derniers mois... Courant 1995, une enquête à l’initiative du ministère du travail avait fourni des éléments quant au statut des travailleurs du nucléaire. Cette enquête doit être réactualisée courant 1998 par le ministère. Néanmoins, les opérateurs ne sont pas invités à l’élaboration de cette enquête... Le bureau de la radioprotection de la DGS a constitué, en février 1995, un groupe de travail pour étudier la méthodologie d'évaluation de l'impact sanitaire des installations nucléaires en fonctionnement normal. Les conclusions de ce groupe, présentées en 1997, ont été évaluées par la Section Radioprotection du CSHPF qui a rendu son avis le 7 octobre 1998 (avis publié au bulletin officiel n° 98/48 du ministère de l'Emploi et de la Solidarité). Le document établi par la DGS sera diffusé largement et disponible à toute personne en faisant la demande.

" Sur la question des déchets radioactifs, un autre groupe de travail a été constitué par le bureau de la radioprotection en septembre 1996. Ses conclusions ont été déposées en décembre 1997 dans un rapport intitulé " les portiques de détection de la radioactivité ". Ces réflexions, qui visent la gestion des déchets radioactifs hospitaliers et les déchets industriels, seront prises en compte lors de la préparation des textes nationaux de transposition de la directive 96/29 EURATOM, en ce qui concerne notamment la fixation des seuils de libération. Une mise à jour des règles techniques de gestion des déchets radioactifs hospitaliers est attendue pour 1999.

" Enfin, le bureau de la radioprotection, en collaboration avec la Direction de la Prévention des Pollutions et des Risques du ministère chargé de l'Environnement, a inscrit dans son programme de travail 1999 la définition d'une méthodologie d'évaluation de la contamination de sites industriels contaminés par des déchets radioactifs et de fixation des seuils d'activité au dessus desquels des travaux d'assainissement sont nécessaires. "

Ces travaux, qui doivent être accompagnés d’une vaste diffusion dans le public, sont absolument nécessaires.

Nous n’éviterons pas bien sûr, même s’il existe une transparence et une unanimité sur les méthodes, la polémique mais l’expérience montre que la volonté de polémique peut faire long feu : je pense par exemple à la polémique engagée par la CRII-RAD à propos des étangs de Saclay. Comme l’a souligné la presse, toutes les données se trouvaient dans mes rapports et le " scoop " n’en était pas un.

D. La définition des normes

Comme nous l’avons examiné à travers la première section de ce chapitre, l’évolution des normes va dans le sens d’un renforcement de ces dernières.

De ce fait, le débat scientifique sur leur bien-fondé est déjà dépassé car le problème est tout simplement d’appliquer la loi.

La réponse apportée à mes questions par la Direction Générale de la Santé montre que ce sujet évolue favorablement même si je ne me satisfais pas du délai de mise en œuvre des directives européennes.

Votre Rapporteur a d’ailleurs l’intime conviction que ces délais s’expliquent plus par la dispersion des intervenants et la difficulté de dégager entre eux un consensus que par une volonté délibérée des autorités politiques ; il s’agit d’une illustration des dysfonctionnements liés à l’éclatement du pôle sanitaire et encore une fois à l’absence d’autorité de la radioprotection.

D’où la 21ème recommandation de l’Office (21/1/95) :

Le Gouvernement est invité à effectuer avec rapidité et sans états d’âme la traduction rapide dans notre droit national de la très prochaine directive communautaire sur les normes de base EURATOM, en tant que cette directive ne dépasse les objectifs fondamentaux contenus dans la CIPR 60.

Pour la DGS :

" Les travaux de transposition de la directive 96/29 EURATOM ont été initiés début 1997 au sein d'un Comité interministériel piloté par la DGS et la DRT.

" Un premier décret en Conseil d'Etat définissant les principes généraux applicables en matière de radioprotection a été élaboré et examiné en fin d'année 1998 par les instances consultatives prévues par les réglementations en vigueur (Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Professionnels, Comité Interministériel des Radioélément Artificiels). Il doit être présenté prochainement par le CSSIN.

" Il sera accompagné de quatre autres décrets particuliers : un décret concernant la protection des populations, un décret concernant la protection des travailleurs, un décret relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration et un décret relatif aux situations d'urgence radiologique.

" Un complément législatif préalable sera nécessaire pour disposer de toute la base législative nécessaire à la transposition de cette directive mais aussi de la directive 97/43 EURATOM concernant la protection des patients. Pour aller dans ce sens, la DGS a établi des propositions qui pourraient être inscrites dans un prochain projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS).

" Il n’est pas encore possible d'évoquer la notion de réseau telle qu'elle figure dans votre recommandation. Ces collaborations qui s'instaurent en constituent toutefois les prémisses et permettent d'entrevoir à terme une certaine formalisation. L'expérience acquise montre qu'en la matière, la motivation des personnes repose sur la part d'initiative qui leur est concédée. La capacité d'expertise radiologique d'un tel réseau est directement dépendante -une foi satisfaites les conditions matérielles minimales- des contacts directs qui se nouent et sur les objectifs définis en commun par les agents de l'OPRI et ceux des DDASS.

" Il me semble que le moment est venu de dresser un bilan critique de ces expériences. Le fait d'avoir privilégié l'approche de terrain en profitant des opportunités offertes par l'actualité de la radioprotection peut être considéré comme un apprentissage réussi. Mais il faut sans doute aller plus loin et consolider les acquis.

" Pour ma part, afin de fournir aux autorités de tutelle des éléments propres à éclairer leurs futures décisions en ce domaine, j'envisage dans le courant de l'année 1999 d'organiser une journée d'étude avec les DRASS et les DDASS qui aurait pour objectif d'identifier les axes et les conditions d'une collaboration institutionnalisée en matière de radioprotection. "

Au-delà de la transcription en droit des directives européennes, il m’est apparu important de promouvoir le principe d’optimisation qui a fait l’objet d’une vingt-troisième recommandation (23/3/95) :

L'autorité de radioprotection, en liaison avec les organismes d'expertise, est invitée à réfléchir aux modalités d'instruction effective du principe d'optimisation dans la pratique réglementaire française.

La réponse que m’a apportée l’IPSN est particulièrement intéressante.

Pour ce qui le concerne, I'IPSN est amené à examiner de façon plus approfondie que par le passé la mise en œuvre du principe d'optimisation par les exploitants d'installations nucléaires de base, dans le cadre des procédures d'autorisation relatives à ces installations ou dans le cadre de l'examen de l'expérience d'exploitation.

Ainsi, récemment, des difficultés sont apparues avant la mise en " actif " d'une nouvelle installation pour laquelle les indications présentées par l'exploitant concernant les doses prévisionnelles des travailleurs n'apparaissaient pas satisfaisantes ; le dossier fera, après réponses de l'exploitant, l'objet d'un nouvel examen.

De surcroît, I'IPSN prête une attention croissante aux conséquences que des décisions en termes de sûreté peuvent avoir sur la dosimétrie des travailleurs. Il en est ainsi par exemple du dossier concernant la remise à niveau des butées des puits de cuve des tranches de 900 MWe.

Pour ce qui concerne le projet EPR, les objectifs en matière de protection des travailleurs ont d'ores et déjà fait l'objet d'un examen commun par les groupes d'experts français et allemand (GPR et RSK) qui ont demandé que les industriels présentent une analyse approfondie de l'expérience d'exploitation.

Il est à souligner que l'examen de l'application du principe d'optimisation suppose un dialogue technique approfondi entre les parties concernées ; en effet, il ne s'agit pas d'appliquer des " contraintes " comme des " pseudo-limites " mais de regarder en détail les avantages et inconvénients de différentes variantes sous tous les aspects (sûreté, protection des travailleurs).

E. Les hommes : le problème de la sous-traitance et du respect de la réglementation

Réaliser des études générales et définir des normes est indispensable mais il est nécessaire de pouvoir disposer d’un mécanisme de collecte fiable qui implique un meilleur suivi des hommes et j’ai le sentiment que le rôle de l’Office, l’aiguillon qu’il a constitué, a joué un rôle tout à fait fondamental à plusieurs niveaux.

Votre Rapporteur est convaincu, en effet, que l’OPECST a joué un rôle crucial dans la prise de conscience de certains problèmes. Cela est particulièrement évident pour les travailleurs extérieurs, les rapports 1994 et 1997 ont sensibilisé les autorités à cette question insuffisamment prise en compte ; il en est de même pour les actions conduites en direction des médecins du travail.

Cette question tient particulièrement à cœur à votre Rapporteur qui a le sentiment que, dans ce domaine, l’action de l’OPECST a été particulièrement efficace. Les personnels temporaires et les intervenants extérieurs ne sont pas toujours bien protégés, il est donc légitime que le législateur se penche sur leur sort et plusieurs recommandations de l’Office se sont fait l’écho de ces préoccupations.

En particulier, l’OPRI a apporté la réponse suivante à la cinquième recommandation (5/5/96) :

L'ensemble des partenaires du nucléaire (administrations, exploitants, prestataires, chercheurs, syndicats, CHSCT) est invité à organiser une enquête destinée à préciser de façon exhaustive, sur une base individuelle, le statut des travailleurs extérieurs intervenant sur les installations nucléaires, le lien avec leur exposition professionnelle et la stabilité de leur emploi.

" Eu égard au développement important de la sous-traitance mais également de la précarisation du travail salarié, cette recommandation demandait à l'ensemble des " partenaires du nucléaire " -dont l'OPRI- de conduire des enquêtes ou des études afin de mesurer l'ampleur de ces phénomènes dans les installations nucléaires, de préciser les statuts professionnels des travailleurs extérieurs appelés à y intervenir et à évaluer les conséquences sur l'exposition des intéressés et donc, à terme, sur leur santé.

" Depuis 1991, plusieurs enquêtes de ce type ont été réalisées qui ont contribué à répondre aux questions posées. Pour ne citer que les plus importantes, rappelons l'enquête -publiée en décembre 1991- de médecine du travail sur le suivi médico-légal des salariés prestataires de service des installations nucléaires de base, réalisée conjointement par l'INSERM et l'inspection médicale du travail de la Région Centre. Citons également " l'analyse de l'exposition des travailleurs aux rayonnements dans l'industrie nucléaire " effectuée en 1991 par le Département de Protection de la Santé de l'Homme et de Dosimétrie de l'IPSN.

" Du côté des travaux du Parlement, il convient de citer, outre vos propres rapports et ceux de vos collègues de l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le rapport du Sénateur DESCOURS élaboré en 1996 à la demande du Premier ministre et relatif à " la sécurité des personnels utilisant des appareils à rayonnements ionisants dans les établissements de santé ".

" Pour sa part, l'OPRI a apporté sa contribution à cette expertise collective de deux manières :

    • d'une part, en participant, en animant et en présentant les travaux d'un groupe de travail du Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information Nucléaire (CSSIN) " sur la radioprotection des travailleurs des entreprises extérieures ". Le rapport correspondant assorti de propositions a été présenté par le Directeur Scientifique de l'OPRI et adopté par le CSSIN en mars 1995 ;
    • et, d'autre part, en demandant à son Conseil Scientifique de se saisir de ce dossier. Cette initiative s'est soldée par un rapport intitulé " Suivi dosimétrique des travailleurs intérimaires ou sous contrat à durée déterminée " en juillet 1997 et par l'adoption d'un avis par lequel le Conseil souhaitait une actualisation périodique des données ainsi collectées.

" Au total, il est possible d'affirmer que toutes les données concernant les travailleurs extérieurs du nucléaire sont assez bien connues, aussi bien en ce qui concerne les effectifs concernés, les métiers impliqués, la variété des statuts professionnels, le degré de précarité et, bien entendu, les expositions correspondantes ainsi que les inégalités en ce domaine.

" A des degrés divers, tous ces rapports montrent d'ailleurs que l'équation " précarité de l'emploi et augmentation des risques " est vérifiée dans le nucléaire comme ailleurs. Compte tenu des tendances structurelles du marché de l'emploi, cette caractéristique nécessite donc que des " discriminations positives " soient instaurées au bénéfice des travailleurs aux statuts les plus instables afin que l'inégalité sociale n'implique pas automatiquement un accroissement de leur exposition aux rayonnements.

" C'est dans ce contexte que s'inscrit l'adoption en février 1997 d'un décret (le décret n° 97-137 du 13 février 1997 modifiant le décret n° 75-306 du 28 avril 1975 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants dans les installations nucléaires de base). Ce texte met en place un dispositif particulier de surveillance médicale des travailleurs des entreprises extérieures en rendant obligatoire une habilitation nucléaire spécifique pour les services interentreprises de médecine du travail et en renforçant la collaboration et les échanges entre ces services et ceux des exploitants nucléaires donneurs d'ouvrage.

" C'est également dans ce cadre que doivent être interprétées les décisions du Premier ministre du 18 février 1998 tendant :

    • d'une part, à assurer 1a transposition rapide de la directive EURATOM du 4 décembre 1990 concernant la protection contre les rayonnements des travailleurs extérieurs ;
    • et, d'autre part, à prendre trois importantes mesures d'accompagnement consistant :

    1. " à fixer des limites d'exposition maximales des travailleurs à statut précaire proportionnelles à la durée de leur contrat ou de leur mission ",
    2. " à interdire l'accès des travailleurs à statut précaire dans les zones dites rouge et orange au sens de l'arrêté ministériel du 7 juillet 1977 " (c'est-à-dire dans les zones au sein desquelles les débits de dose sont susceptibles d'atteindre ou de dépasser 2 mSv/h),
    3. et, enfin, à obliger les entreprises de maintenance sous-traitantes à être certifiées.

" La transposition de la directive est aujourd'hui assurée par les deux décrets du 24 décembre 1998 qui modifient respectivement les décrets n° 86-1103 du 2 octobre 1986 et n° 75-306 du 28 avril 1975 (décret n° 98-1185 du 24 décembre 1998 et décret n° 98-1186 du 24 décembre 1998).

" Ces deux textes confèrent un statut réglementaire à la dosimétrie en temps réel dite " dosimétrie opérationnelle " et organisent un circuit d'information des données dosimétriques individuelles qui permet de concilier les exigences d'une certaine confidentialité et la nécessité d'améliorer collectivement les conditions de travail.

" La principale innovation de ces textes, qui bénéficient à tous les travailleurs extérieurs des établissements (industriels ou autres) mettant en œuvre des rayonnements ionisants, réside dans la possibilité pour la personne compétente en radioprotection d'accéder, comme le médecin du travail, aux données individuelles de l'exposition. Ces mêmes décrets introduisent la procédure et l'obligation de certification des entreprises justifiant de leur capacité à effectuer les tâches sous rayonnements pour lesquelles elles ont été contractées.

" L'interdiction d'accès aux zones les plus dangereuses est réalisée par l'arrêté du 12 mai 1998 modifiant l'arrêté du 8 octobre 1990 fixant la liste des travaux pour lesquels il ne peut être fait appel aux salariés sous contrat de travail à durée déterminée ou aux salariés des entreprises de travail temporaire.

" La proratisation de la limite d'exposition en fonction de la durée du contrat nécessite l'intervention du législateur mais, d'ores et déjà, un avant-projet en ce sens a été présenté en 1998 par le ministère chargé du Travail devant le Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Professionnels. Au total, il est possible d'affirmer que toutes les données concernant les travailleurs extérieurs du nucléaire sont assez bien connues, aussi bien en ce qui concerne les effectifs concernés, les métiers impliqués, la variété des statuts professionnels, le degré de précarité et, bien entendu, les expositions correspondantes ainsi que les inégalités en ce domaine.

" A des degrés divers, tous ces rapports montrent d'ailleurs que l'équation " précarité de l'emploi et augmentation des risques " est vérifiée dans le nucléaire comme ailleurs. Compte tenu des tendances structurelles du marché de l'emploi, cette caractéristique nécessite donc que des " discriminations positives " soient instaurées au bénéfice des travailleurs aux statuts les plus instables afin que l'inégalité sociale n'implique pas automatiquement un accroissement de leur exposition aux rayonnements. "

EDF a complété la réponse de l’OPRI en apportant les précisions suivantes :

EDF est partie prenante d’une telle enquête sous l’égide de l’Autorité de Tutelle. Sans attendre, dès fin 1996, EDF a réalisé une enquête portant sur les 580 intervenants sur ses installations dont la dosimétrie avait dépassé 20 mSv sur les 12 derniers mois. Cette enquête faisait ressortir les résultats suivants :

> 20 mSv

Nombre

Pourcentage

CDI

444

86,5 %

CDD (cette rubrique englobe également les contrats
à durée de chantier)

 47

9,2 %

 

13,5 %

Intérimaires

 22

4,3 %

 

TOTAL

513

100 %

> 30 mSv

Nombre

Pourcentage

CDI

49

92,5 %

CDD (cette rubrique englobe également les contrats
à durée de chantier)

 1

1,9 %

 

7,5 %

Intérimaires

 3

5,6 %

 

TOTAL

53

100 %

 

Courant 1995, une enquête à l’initiative du ministère du Travail (enquête STED) avait fourni des éléments quant au statut des travailleurs du nucléaire.

F. La gestion de la dosimétrie

En réponse à la 6ème recommandation de l’Office qui invitait les administrations concernées et l’OPRI à poursuivre -dans les meilleurs délais- les projets d’informatisation de la carte de suivi médical et des fichiers dosimétriques, l'OPRI a répondu qu’il centralise d'ores et déjà toutes les données de la dosimétrie à temps différé, dite dosimétrie film. De même, il archive les données concernant les cartes de suivi médical. Par ailleurs, les décrets récents du 24 décembre 1998 lui font obligation d'atteindre le même objectif en ce qui concerne la dosimétrie opérationnelle.

" L'idéal serait évidemment qu'à terme toutes ces données puissent, sinon être stockées dans une unique base de données, du moins être utilisées ensemble et par conséquent comparées entre elles. La réalisation de cet objectif s'est toutefois heurtée à plusieurs types de difficultés. Si l'on fait abstraction des moyens financiers, certaines de ces difficultés ont pu être résolues, d'autres sont en passe de l'être et d'autres encore nécessitent des études complémentaires.

" La première difficulté concerne la dosimétrie " film " dont les résultats sont collectés depuis les années soixante sous des formats différents selon les époques. Les plus anciennes données 9 présentent encore sous format " papier " et les plus récentes sont sous le format numérique propriété de l'OPRI (y compris les données " exploitants "). Pour surmonter ce qui constitue un véritable handicap notamment lorsqu'il s'agit de reconstituer l'exposition passée d'un travailleur souhaitant faire reconnaître une maladie professionnelle, il est prévu que les données les plus anciennes qui ont toutefois été récemment archivées par " Scannerisation ", soient saisies numériquement dans le courant de l'année 1999. Il convient à cet égard de noter que l'introduction par la loi du 27 janvier 1993 d'un système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles, fondé sur la mise en évidence par un comité médical d'une relation entre l'exposition et la maladie contribue à une demande de plus en plus fréquente de reconstitution dosimétrique.

" La seconde difficulté était d'ordre juridique mais elle a en partie -peut-être même totalement- été surmontée par l'intervention du décret n° 96-1104 du 17 décembre 1996, pris après avis de la CNIL, qui autorise l'OPRI à faire usage sans restriction du numéro INSEE pour l'identification des personnes dans la base de données dosimétriques. Cette autorisation constituait évidemment un préalable à la constitution d'une banque de données opérationnelle permettant d'identifier sans confusion les titulaires d'une carte de suivi médical et les bénéficiaires d'un suivi dosimétrique individuel.

" La troisième difficulté tient à l'évolution récente de la réglementation et, notamment, au statut réglementaire récemment conféré à la dosimétrie opérationnelle. Pour résoudre globalement la question posée, un projet de base de données/système d'information réalisant l'archivage numérique définitif de toutes les données dosimétriques et leur accès à ceux qui, conformément à la réglementation et munis d'un mot de passe, sont habilités à en disposer.

" L'accessibilité des données sur le Réseau Santé Social -hypothèse sur laquelle nous travaillons actuellement en raison de sa couverture assez large mais surtout de sa vocation en santé publique- suppose que des protections efficaces soient assurées.

Il n'est, en revanche, pas raisonnable de prétendre rendre totalement opérationnel ce système global d'information avant le début de l'an 2000.

Ma huitième recommandation va au-delà de l’étude et avait pour objet d’aider à améliorer le contrôle de la dosimétrie des travailleurs du nucléaire.

CONFIDENTIALITÉ DES DONNÉES DOSIMÉTRIOUES

Position d'Electricité de France et de ses médecins du travail

Comité de radioprotection du 17 février 1994

La connaissance de l'état dosimétrique des intervenants est un des fondements sur lesquels s'appuie l'optimisation par la mise en œuvre notamment du principe ALARA. Elle est bien entendu nécessaire pour contrôler le respect des limites réglementaires.

EDF, dans le " Livre blanc de la radioprotection ", prend clairement position pour que les résultats de la dosimétrie soient mis à disposition des personnes ayant à en connaître, à savoir l'intervenant lui-même, son employeur et son médecin du travail, et les responsables habilités de l'entreprise utilisatrice.

EDF reconnaît en outre que tout système de recueil des données dosimétriques doit inclure la définition des conditions d'accès à ces données, pour lesquelles une certaine confidentialité est nécessaire, sans aller jusqu'au secret médical pour la dosimétrie externe.

C'est sur ce dernier aspect que se poursuit aujourd'hui le débat. Tous reconnaissent qu'il est indispensable de préserver le droit individuel à l'emploi des salariés dont le cumul dosimétrique approche les limites ; EDF souhaite que ses partenaires et les Pouvoirs publics prennent une position commune apportant à tous une garantie suffisante.

EDF pour sa part considère qu'il convient d'adopter les dispositions suivantes :

L'employeur a accès à la dosimétrie individuelle dont il est responsable.

L'exploitant a également accès à la dosimétrie individuelle nominative des travailleurs intervenant sur ses installations.

EDF, dans les protocoles avec ses partenaires, rappelle le maintien de l'emploi des salariés en limite de dose ou proches de cette limite.

EDF fera figurer, dans les documents contractuels, l'obligation pour les prestataires de tenir compte de la dosimétrie pour la détermination de la durée des contrats de travail, y compris pour les travailleurs intérimaires. La solution consistant à alterner les chantiers en et hors zone contrôlée, aussi bien pour les intervenants que pour les entreprises, est à privilégier. En complément, EDF s'engage à régler, le cas échéant, les cas particuliers qui auraient échappé au dispositif précédent.

Un fichier national est géré sous le contrôle de l'autorité compétente. Il permet de s'assurer du respect de la réglementation (conservation sur 1 an puis sur 5 ans des résultats dosimétriques).

La conservation des résultats de l'exposition d'un salarié, sur l'ensemble de sa carrière, est assurée dans son dossier médical spécial.

Ces propositions sont conformes tant à la réglementation nationale existante qu'à celle en préparation au niveau européen. Il est sans doute possible de les formaliser dans les arrêtés prévus par les décrets relatifs à la protection contre les rayonnements ionisants et dans le texte réglementaire qui devrait transcrire la Directive européenne du 4 décembre 1990 sur la protection des travailleurs extérieurs (applicable au 31 décembre 1993).

Les recommandations qui suivent, qui toutes ont trait à la dosimétrie, ont un caractère plus technique mais il est clair que les réponses apportées à l’Office sont satisfaisantes.

7ème recommandation (7/7/96)

En attendant, l'OPRI est invité à instituer un numéro unique pour la carte de suivi médical.

L'OPRI a mis en œuvre cette recommandation en introduisant sur la carte de suivi médical le numéro INSEE. L'important, en effet, est que le salarié puisse être identifié à partir d'un numéro unique mais il n'y a pas d'inconvénient en revanche à ce que, pour des raisons pratiques liées à l'organisation propre à l'OPRI, la carte elle-même comporte en outre un numéro d'ordre qui peut varier à l'occasion de son renouvellement.

Mais, à travers d’autres réponses, certains acteurs estiment que sous sa forme actuelle, la carte de suivi médical a en principe un seul numéro. Cependant, à l’heure actuelle, cette carte ne remplit pas complètement sa fonction, le retour est estimé à 60 %. Une campagne de sensibilisation des médecins du travail pourrait améliorer ce pourcentage.

Votre Rapporteur demandait également que le Bureau de Radioprotection et l'OPRI soient invités à mettre en place, à titre expérimental, sur certains sites, une limite de dose calculée au prorata de la durée des contrats de travail.

La réponse d’EDF va paradoxalement plus loin que celle de l’OPRI : " En 1998 et pour un an, EDF expérimentera, en vue d'une évolution de la réglementation, une limite de dose calculée au prorata de la durée des contrats de travail, pour les travailleurs " non CDI ", sur la base suivante :

dose (mSv) < 2 durée (mois)

Cette expérimentation portera sur les contrats de logistique nucléaire.

En outre, les intervenants non CDI ne travailleront pas dans les zones considérées comme les plus dangereuses des installations, à savoir celles dont le débit de dose est supérieur à 2 mSv/heure (zones rouge et orange).

Pour l’OPRI, cette recommandation s'adresse d'abord à la Direction des Relations du Travail. Sur le fond, il apparaît difficile de mettre en place à titre expérimental des limites de dose au prorata des contrats sans faire intervenir la loi. Il vaut donc mieux, dans cette hypothèse, saisir le Parlement sur un projet définitif préalablement soumis pour avis aux partenaires sociaux. C'est ce à quoi s'emploie le ministère chargé du Travail comme il a été indiqué ci-dessus à propos de la cinquième recommandation.

D’autre part, il a été également indiqué à votre Rapporteur, qui s’inquiétait des problèmes liés au secret médical, que les décrets du 24 décembre 1998 précités répondent à la préoccupation exprimée par cette recommandation dans la mesure où ils ne réservent plus l'accès aux données dosimétriques individuelles aux seuls médecins tout en évitant l'écueil d'une diffusion sans réserve. Il convient toutefois d'ajouter qu'il ne s'agit pas ici de partager une confidentialité médicale qui n'a pas lieu d'être pour les mesures physiques de l'exposition externe, mais d'assurer de manière contrôlée des informations à caractère personnel dont la diffusion à quiconque pourrait avoir des conséquences sociales ou psychologiques néfastes.

En tout état de cause, l'objectif assigné par cette recommandation semble être aujourd'hui atteint.

En outre, la distribution de films dosimétriques non nominatifs continue à se réduire. L'amélioration de la fourniture de dosimètres nominatifs devrait permettre la suppression de cette pratique. En attendant, l'identification des porteurs de dosimètres non nominatifs est effectuée a posteriori dans la mesure du possible et les décrets du 24 décembre 1998 devraient aider à la mise en œuvre de la dosimétrie opérationnelle.

S’agissant de la corrélations dosimétrie film/dosimétrie électronique. De telles corrélations ont été réalisées. Elles sont bonnes dans l'ensemble. Cependant, comme pour toutes mesures physiques, les résultats obtenus par des méthodes différentes sont numériquement différents. Cela pose problème lorsque l'une des valeurs est en deçà des limites réglementaires et l'autre au-delà.

Une réflexion est en cours afin de proposer une " règle du jeu française " donnant une place claire, et adoptée par tous les partenaires, aux dosimétries films/passives et dosimétries électroniques/opérationnelles/actives.

Le décret n° 97-137 du 13 février 1997 modifiant le décret n° 75-306 du 28 avril 1975 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants dans les installations nucléaires de base répond à cette recommandation répond en partie à ma 19ème recommandation sur l’amélioration de la formation des médecins.

 

Titre II :
Les évolutions satisfaisantes

Depuis 1990, des progrès incontestables ont eu lieu dans le domaine de la sûreté nucléaire à la fois au niveau des structures et des comportements des exploitants.

Au niveau des structures, la DSIN, érigée en direction sous la pression de l’Office Parlementaire a incontestablement affirmé son autorité, rendant probablement inutile sa transformation en haute autorité envisagée par le Gouvernement, l’action des CLI s’est améliorée et la transparence est aujourd’hui une réalité bien que l’abondance d’information et la présentation trop technique des documents soient un réel obstacle à leur compréhension par le grand public.

Au niveau des exploitants, des progrès sensibles ont été enregistrés, qu’il s’agisse du fonctionnement des installations ou du provisionnement des opérations de démantèlement des installations devenues inutiles ; les conditions d’exploitation, en particulier, sont également devenues plus sûres. L’action particulièrement déterminée de l’Office parlementaire a certainement contribué à une meilleure prise en compte des problèmes de radioprotection et accéléré la réforme de la maintenance à EDF. Par contre, les événements les plus récents ont montré que les efforts importants réalisés ces dernières années ne doivent pas se relâcher car des négligences, par exemple en matière de transports, même sans effets sur la santé publique, peuvent avoir un impact désastreux dans le domaine de la communication.

D’autre part, si EDF et le CEA ont fait des progrès considérables en matière de communication, la COGEMA n’a pas su faire face à la pression qu’ont fait peser sur elle les organisations écologistes.

Dans cette perspective, les travaux de l’Office parlementaire ont prouvé leur utilité. Lorsque la CRII-RAD a voulu mettre en cause le CEA pour ses rejets d’effluents radioactifs dans les étangs de Saclay, le fait que ce " scoop " n’en était pas un, car l’information était analysée dans le rapport de 1996, a permis d’éviter que la polémique ne prenne de l’ampleur.

Votre Rapporteur tient également à souligner le contresens réalisé par la presse à l’occasion de chaque incident : l’industrie nucléaire est l’activité la plus surveillée du monde, les dépassements de normes, lorsque l’on reste dans le domaine des faibles doses et pour des durées limitées, ne sont pas dangereux pour la santé humaine, mais ils constituent les signaux d’alerte qui doivent être pris sérieusement en compte. Cela fait partie de la culture de sûreté, clé de voûte de notre système.

Chapitre I :
L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ

L’évolution de l’autorité de sûreté et de son appui technique appelle assez peu de commentaires dans la mesure où son poids s’est affirmé sur les exploitants. L’émergence d’une autorité de sûreté crédible fait partie des apports incontestables de l’Office parlementaire qui a efficacement et inlassablement plaidé pour le renforcement de son poids et l’indépendance de son appui technique, l’IPSN, entrée dans les faits à défaut de l’être en droit.

I - L’ANALYSE DU RAPPORT DE 1990 …  

Le 3ème chapitre du premier rapport de l’OPECST était intitulé " l’organisation française de la sûreté nucléaire : haut niveau technique mais insuffisante lisibilité ".

Je crois que l’évolution enregistrée permet aujourd’hui d’éviter ce reproche.

Si je soulignais en 1990 le haut niveau technique de l’administration, j’insistais sur la nécessité de renforcer le poids des administrations de contrôle pour les ériger en véritable autorité de sûreté, d’où le titre suivant :

" LE SCSIN (DEVENU LA DSIN) : UNE AUTORITÉ RESPECTÉE POUR SA COMPÉTENCE ET SON ÉTHIQUE ET QU’IL FAUT ENCORE RENFORCER "

Je débutais mon analyse en soulignant que : " Le SCSIN et les DRIR jouent un rôle capital pour la sûreté des installations nucléaires en France.

" Ce rôle capital est bien entendu joué dans le cadre du système français de contrôle, ce qui veut dire que le SCSIN ne se substitue pas aux responsables, qui sont les exploitants, pour assurer la sûreté, mais qu’il aiguillonne ces derniers pour qu’ils fassent toujours davantage de progrès dans le domaine de la sûreté.

" Il faut ainsi renforcer le SCSIN, non pour qu’il change de rôle et vienne prendre en charge la sûreté au lieu et place des exploitants, mais

“   pour qu’il développe ses missions dans les domaines nouveaux de l’assurance qualité et de la maintenance, notamment en renforçant les contrôles chez les sous-traitants,

“   pour qu’il soit le pivot de l’assistance que la France doit donner aux pays qui le demandent, en matière de sûreté nucléaire et

“   pour qu’il impulse la pr¹paration de l’avenir.

Sur ce dernier point, le premier tome du présent rapport consacré au projet de réacteur EPR a largement traité du rôle important des autorités de sûreté française et allemande pour aider les industriels à préparer l’avenir, l’assistance aux pays de l’Est a pris une ampleur certaine, en particulier grâce à l’IPSN, et le poids des contrôles se fait sentir sur les exploitants.

Dès 1990, l’ensemble des experts rencontrés dans les enceintes internationales, ainsi que dans les quatre pays européens où les autorités de sûreté ont été rencontrées par votre Rapporteur, avaient étés unanimes pour reconnaître la haute compétence du Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires français.

D’après le décret n° 73-278 du 13 mars 1973, modifié par l’article 1er du décret n° 77-623 du 6 juin 1977, il appartient notamment au SCSIN " de proposer et d’organiser l’information du public sur les problèmes se rapportant à la sûreté ".

" Depuis l’accident de Tchernobyl où l’on a vu l’information nucléaire -dispensée par d’autres sources- être fortement contestée en France, le SCSIN s’est lancé dans une politique active de transparence et d’information sur l’énergie nucléaire en France.

" Cette politique a, comme toute politique de transparence, un premier effet qui tend à donner l’impression à l’opinion que les incidents sont plus nombreux dans le secteur nucléaire qu’à l’époque précédente.

" La politique d’information du SCSIN est la seule politique à autoriser la confiance dans les responsables de l’exploitation et du contrôle de l’énergie nucléaire, confiance qu’au demeurant leur action mérite totalement dans notre pays.

" En outre, à terme, la présence du nucléaire dans les moyens d’information ne peut que conduire à une appréciation plus juste de ses réalités.

" C’est pourquoi il faut encourager le SCSIN à continuer dans la voie qu’il a choisie et il faut même le doter des moyens nécessaires au renforcement de son action.

" En particulier, la politique dynamique du Service Central devrait être appliquée dans le DRIR de façon à permettre une meilleure information, directe et décentralisée sur le nucléaire. Ceci constitue une raison de plus de renforcer l’autorité de sûreté.

Tout un chacun conviendra que la présence de la DSIN dans les médiats s’est accru même si le recrutement de chargés de communication de valeur n’est pas une chose aisée dans le cadre statutaire d’une administration.

Par ailleurs, afin de parvenir à une efficacité encore accrue de l’action de l’autorité de contrôle et de dynamiser l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire en le plaçant dans une situation de concurrence minimale, il convient que le SCSIN élargisse ou puisse élargir le nombre de supports techniques différents.

" Aujourd’hui, la marche en avant de la sûreté nucléaire concerne désormais moins les matériels que les travailleurs du nucléaire, leur attitude face au travail, la pertinence des consignes qui leur sont données, au total, leur conscience de soi, leur fierté professionnelle et leur motivation. " Cette analyse demeure aujourd’hui toujours pertinente.

" Les supports techniques actuels de l’IPSN sont, on l’a vu :

    • l’IPSN
    • le BCCN du ministère de l’Industrie
    • les groupes techniques
    • les APAVE et autres associations techniques.

" Il est indispensable qu’à terme rapproché, de nouveaux pôles de recherche et d’enseignement émergent en France dans le domaine de l’ingénierie nucléaire. "

Sur ce dernier point, votre Rapporteur se doit de souligner que des progrès restent à accomplir car la France n’est pas encore dotée de structures d’expertises dont l’indépendance ne serait pas contestée. Nous rencontrons ici le débat lancé par le rapport de Jean-Yves LE DÉAUT sur la mise en place de l’indépendance juridique de l’IPSN par rapport au CEA.

L’expertise du nucléaire a été tenu dans les mains du CEA pendant près d’un demi-siècle, il faut créer de nouveaux pôles de compétence pour compléter son approche des problèmes et aussi pour réveiller le géant endormi mais, je crois, près de dix ans après qu’il s’est réveillé (cf. chapitre II).

II -   ... A ÉTÉ ENTENDUE

En 1993, le SCSIN est devenu la DSIN (Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires).

Depuis, l’organisation de la sûreté des installations nucléaires en France correspond à l’organigramme ci-dessous.

La DSIN a jugé utile d’y faire figurer l’Office parlementaire sans que ce dernier ait formulé la moindre demande en ce sens, ce seul fait illustre la place reconnue aujourd’hui à l’OPECST.

Incorporer ORGANIGRAMME

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : DSIN

Votre Rapporteur n’a pas aujourd’hui le même sentiment vis-à-vis de la DSIN que de l’OPRI qui n’a pas encore réussi, malgré sa transformation en établissement public, à obtenir les moyens nécessaire pour étoffer sa crédibilité.

S’agissant de la décision annoncée par le Gouvernement le 9 décembre dernier, il est clair pour votre Rapporteur que la création d’une Haute Autorité de la sûreté nucléaire n’a de sens que dans la mesure où elle inclut la radioprotection, faute de quoi il est difficile d’imaginer l’apport de la réforme envisagée par le Gouvernement.

La transformation préconisée par l’Office parlementaire a permis à la DSIN de s’affirmer en relativement peu de temps comme une autorité de sûreté indépendante. Elle dispose, à cette fin, de moyens importants -avec environ 60 inspecteurs habilités, à travers les DRIRE de 70 inspecteurs déconcentrés sur tout le territoire et d’un budget de 450 MF alimenté par une redevance sur les INB- toutefois il n’ont pas été augmentés dans les proportions demandées par l’Office parlementaire.

La seule véritable lacune à cet édifice réside dans le fait que les installations classées secrètes échappent au contrôle de la DSIN et relèvent du Haut Commissaire à l’énergie atomique.

Votre Rapporteur se félicite également de la politique de transparence de la DSIN, qui a accepté de lui communiquer l’avis du groupe permanent d’experts chargé des réacteurs nucléaires sur la remontée en puissance du réacteur Phénix qui est annexé au présent rapport.

La lecture de ce document a convaincu votre Rapporteur qu’en faisant abstraction de toute considération politique du strict point de vue de la sûreté des installations nucléaires, il était préférable de brûler le combustible déjà préparé avant de procéder à la fermeture de Superphénix plutôt que de remettre en service Phénix, mais il ne s’attardera pas sur cette question qui a fait l’objet d’un rapport parlementaire.

Votre Rapporteur avait également souhaité que les exploitants améliorent le suivi de leurs relations avec l’autorité de sûreté en demandant à EDF de créer une structure responsable des rapports avec le SCSIN et en particulier de la mise en œuvre de ses recommandations.

La réponse d’EDF se révèle satisfaisante : " la structure responsable des relations, au sens large, avec l'Autorité de Sûreté existe : c'est le département Sûreté Nucléaire.

" A ce titre, celui-ci est organisé pour :

" • être le représentant de l'exploitant dans les réunions du Groupe Permanent chargé des Réacteurs,

" • répartir, hiérarchiser et gérer les questions en provenance de l'Autorité de Sûreté et contrôler la teneur des réponses apportées (à la fois de cohérence entre dossiers connexes et de conformité à la doctrine de sûreté),

" • gérer les engagements pris par l'EPN vis-à-vis de l'Autorité de Sûreté et contrôler la teneur des réponses apportées (idem ci-dessus),

" • participer aux réunions importantes entre les différents départements techniques et l'Autorité de Sûreté afin de garantir la conformité à la doctrine de sûreté des positions affichées.

" Au niveau des CNPE, une structure similaire existe également : c'est la Mission Sûreté Qualité. Au niveau de la Direction de l'Equipement -notre concepteur- une structure similaire, avec des fonctions identiques, existe aussi : elle comprend le département Sûreté Nucléaire du SEPTEN et les Services Sûreté des Centres d'ingénierie.

III - FAUT-IL RÉFORMER LA DSIN ?

Une réforme de la DSIN s’impose : élargir sa compétence aux installations nucléaires secrètes.

Il est évidemment impossible d’ouvrir au public les installations qui participent à la force de frappe, mais les populations civiles ne doivent pas pour autant être exposées à un risque radiologique.

Au cours des auditions réalisées pour la rédaction de ce rapport, il m’est apparu que les relations entre la DSIN et le Haut Commissaire à l’énergie atomique étaient quasi journalières et que, depuis 1996, se tenait une réunion formelle par an entre les responsables des autorités de sûreté qui a d’ores et déjà permis d’obtenir des résultats.

Il ne doit plus y avoir de transfert de matière radioactive entre le civil et le militaire sans accord entre les deux parties.

Il existe un groupe de travail sur les déchets tritiés, mais si la France a produit 10 à 100 fois moins de rejets par tête nucléaire que les Américains, il existe sur les INBS une pollution chimique par les solvants plus préoccupante que celle provenant de la radioactivité.

En conclusion de ce chapitre, il me faut insister sur mon souhait de voir le projet de loi gouvernemental sur la transparence dans le secteur nucléaire ne pas venir remettre en cause le fonctionnement d’une structure qui a fait ses preuves.

Un certain nombre d’écueils devront être évités.

L’autorité de sûreté devra parler d’une seule voix, aussi l’articulation avec un appui technique indépendant devra-t-elle être conçue pour éviter que survienne ce type de problème.

Le Conseil Supérieur de la Sûreté et de l’Information Nucléaire devra être un organisateur de débat, mais pas une autorité.

La radioprotection devra voir également ses structures revues.

 

Chapitre II :
L’ORGANISATION DE LA SÛRETÉ AU SEIN DES ORGANISMES PUBLICS ET PARMI LES EXPLOITANTS

Il convient de ne pas perdre de vue que la sécurité des installations nucléaires repose d’abord sur les exploitants avant l’autorité de sûreté, d’où l’intérêt d’examiner la situation du CEA et d’EDF ; celle de la COGEMA, ayant fait l’objet des rapports de Christian BATAILLE et Robert GALLEY, ne fera pas en tant que telle l’objet de ce rapport.

I - LE COMMISSARIAT A L’ÉNERGIE ATOMIQUE :
DES PROGRÈS INDÉNIABLES

Depuis 1990, j’ai eu des contacts suivis avec les services du Commissariat à l’énergie atomique et j’ai pu mesurer l’évolution de cette institution. Aujourd’hui, le CEA a une réactivité qu’il n’avait pas il y a une dizaine d’années : je prendrai un exemple récent, après la disparition d’une source radioactive dans l’une de ses installations de Grenoble, il a su en moins d’un an recenser l’ensemble de ses sources et a accompli à cette occasion un travail remarquable.

Votre Rapporteur a la conviction que l’audit permanent de la sécurité de cet établissement qu’il a conduit depuis dix ans a joué un rôle d’aiguillon très précieux mais, surtout que les exigences de sûreté et de sécurité sont de mieux en mieux intégrées dans la " culture maison ", y compris dans sa partie militaire.

A. Des réformes profondes au début des années 90

Le CEA, en matière de sûreté, possède deux caractéristiques essentielles.

D'une part, c'est le CEA qui est à l'origine de l'ensemble de l'appareil de sûreté français. L'approche générale organisationnelle étant née dans ses cadres et les organisations dans ses structures, avant d'accéder à l'autonomie.

D'autre part, la multiplicité des installations nucléaires de types différents et d'un objet particulier -à savoir la recherche et le développement- ont conduit à une organisation spécifique, largement décentralisée et adaptée à des types de contraintes spécifiques, que, d'ailleurs, dans un mouvement inverse à celui des années passées, la direction du CEA tente de faire évoluer vers davantage de cohérence et d'unité.

Les observations qui suivent sur l’historique du CEA sont extraits de mon rapport de 1991.

La création d'une organisation de la sécurité nucléaire précède, en France comme dans beaucoup d'autres pays, celle de la sûreté.

La sûreté et la sécurité des installations nucléaires sont, depuis les origines du CEA, placées sous la responsabilité du Haut Commissaire qui, outre celles-ci, exerce celle de la lutte contre les nuisances.

Dès le début des années 50, une grande importance est donnée à la radioprotection. La création du Service de Contrôle des Rayonnements SCRGR intervient en conséquence.

C'est à partir de ce noyau de base que seront créés à la fois le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) et en interne le SPR (Service de Protection contre les Rayonnements).

En 1963, est publié le décret définissant les installations nucléaires de base et le régime de leur autorisation de création et de fonctionnement, comprenant la présentation de rapports de sûreté. Simultanément est créée la Commission interministérielle des installations nucléaires de base.

Electricité de France fait appel à la CSIA pour la surveillance de la sûreté de ses installations jusqu'en 1967.

En 1967, sont créés des groupes ad hoc d'experts, portant sur une centrale particulière, qui préfigurent d'une certaine manière les groupes permanents.

La création d'un département de la sûreté nucléaire (DSN) au CEA intervient en 1971.

Le Département de Sûreté Nucléaire (DSN) du CEA donnera naissance en 1973 au Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires. Simultanément sont créés les groupes permanents réacteurs et sûreté.

Sur le plan de l'organisation interne du CEA, le Département Protection (DPR) et le Département Sûreté Nucléaire (DSN) sont rassemblés au sein de I' IPSN -Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire.

Les autres dates importantes pour l'historique de l'organisation de la sûreté sont les suivantes :

    • la création en 1973 du Conseil Supérieur de la Sûreté Nucléaire (CSSN), qui deviendra en 1986 l'actuel CSSIN ;
    • la création en 1976 du secrétariat général de la Commission interministérielle de la sûreté nucléaire ;
    • la création d'un poste d'Inspecteur général pour la Sûreté Nucléaire à Electricité de France en 1981 ;
    • la création d'un même poste au CEA en 1990.

Ainsi donc, le Commissariat à l’énergie Atomique est à l'origine de l'organisation du contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires en ayant préfiguré les structures à l'intérieur de sa propre organisation, avant de les " dupliquer " à l'extérieur pour constituer l'organisation de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires de notre pays.

Afin de tirer les enseignements d'un certain nombre d'incidents et de moderniser les structures de la sûreté et de la sécurité, le CEA a engagé une réforme dans ces domaines, réforme qui est à mi-parcours.

L'organisation de la sûreté au CEA a subi des modifications au cours des années récentes. La complexité de la question fait que la réforme n'était pas terminée en mars 1991, date du premier rapport de l’Office.

L'esprit de la réforme est de créer auprès de chaque échelon décisionnel un échelon de contrôle de la sûreté.

Une première innovation a consisté en la création d'une inspection nucléaire à partir de l'inspection de la sûreté des installations atomiques dont le domaine d'action privilégié initial est constitué par les installations classées secrètes.

Par ailleurs, comme il a été dit plus précédemment, un poste d'inspecteur général de la sûreté nucléaire a été créé en 1990, qui rapporte directement des problèmes de sûreté à l'Administrateur général du CEA.

B. L’évolution du CEA

1. Une profonde mutation

Lors de son audition, l’Administrateur Général m’a indiqué qu’il redoutait que nous ne connaissions durant longtemps la poursuite des mini-crises contre lesquelles il n’est possible de lutter que par la transparence ; il est en particulier favorable à la création d’une CLI à Saclay, car cette structure joue à ses yeux un rôle très important. La partie civile du CEA a réalisé depuis 1993 un important travail de repositionnement, il n’a plus de liens avec les industriels autre que du portage d’actions. Il s’est recentré sur sa vocation d’établissement public de recherche chargé de développer l’expertise nationale sur la base d’un engagement de résultats, de ce fait il doit être soumis à une expertise extérieure et participer à un maillage avec les organismes de recherche et les universités. Cette expertise nationale doit être ouverte et à disposition, le rôle du CEA n’entend pas être un décideur mais de préserver la liberté de choix de ces derniers.

Le CEA a, pour lui, réalisé sa révolution interne en enregistrant sur les dix dernières années 10 000 départs en partie compensés par l’embauche de cinq mille jeunes.

Tous les engagements du CEA ont fait l’objet de contractualisation avec l’Etat. Le CEA emploie 16 000 personnes et travaille à 30 % pour la défense ; son budget s’élève à 18 milliards de francs, dont 11,2 milliards pour le civil, ventilés ainsi : 70 % pour le nucléaire, 15 % pour la recherche fondamentale et 15 % pour la recherche industrielle.

L’analyse atouts-atraits montre que le dispositif est assez compact, la mission centrale axée sur le nucléaire est simplement de maintenir l’option ouverte à l’horizon 2010 :

    • Dans cette perspective, le travail sur la nouvelle génération de réacteur (EPR) est important mais l’alliance germano-française doit être maintenue et une décision intervenir d’ici la fin de l’année.
    • Il lui apparaît également important de maintenir les recherches sur les neutrons rapides (réacteur Horowitz, à terme plus lointain les hybrides même s’il est difficile d’envisager la construction d’un démonstrateur avant 2010, les HTR ....).
    • S’agissant du combustible, les recherches autour du nouveau procédé SYLVA d’enrichissement par laser doivent être poursuivies.
    • Le recyclage plutonium sous forme de MOX est important surtout au regard des perspectives à long terme des RNR.
    • La loi de 1991 sur les déchets comporte trois axes : en ce qui concerne les axes 1 et 3 les moyens ont doublé depuis 1991.
    • Le démantèlement doit faire la preuve de son efficacité en vraie grandeur et le plan d’assainissement interne doit pouvoir être financé car le passif d’assainissement depuis 1945 s’élève à 20 milliards de francs, d’où l’idée de l’adosser à l’actif car le budget est très fragile, mais cela pose un problème de débudgétisation.
    • La radiobiologie : il faut approfondir les études sur la réparation de l’ADN et ce sujet est exemplaire de la collaboration souhaitable avec l’IPSN.

Dès 1993, la tendance a été inversée et le CEA s’est recentré sur ses missions en renonçant à une politique de diversification.

Le thème de la sûreté ne fait pas l’objet d’une place particulière car il est par nature transversal. L’Administrateur Général a également insisté sur la recherche fondamentale qui constitue une pouponnière concentrée sur le cœur du métier et sur les matériaux. Elle est indispensable même si elle ne représente que 15 % de l’activité. Les 15 % de recherche technologique, en particulier dans les domaines de l’électronique st des matériaux induisent une activité de transferts de technologies marquée par 1 200 contrats nouveaux, 600 millions de francs de recettes nettes, elle fait du CEA le troisième déposant de brevets et 70 sociétés ont été créées par essaimage.

Le secteur de défense qui emploie 4 500 personnes doit supporter une énorme reconversion puisque 40 % des effectifs sont concernés par la fermeture de trois centres sur sept et le passage à la simulation.

S’agissant des relations avec l’université et le CNRS, l’Administrateur Général m’a précisé que de nombreux laboratoires étaient concernés et que l’approche des compétences va dans le bon sens. Il existe un centre de calcul commun avec l’IN2P3. Pour lui, le travail doit plus porter sur les équipes que sur les organismes : il faut fusionner et rationaliser les équipes qui travaillent sur les mêmes sites.

2. Des résultats au niveau des sites correspondant aux recommandations de l’Office parlementaire

Les résultats enregistrés au niveau de la sûreté des sites sont particulièrement encourageants, en particulier en matière de rejet d’effluents.

L’analyse des réponses se trouvera dans les chapitres du titre III du rapport mais la politique de transparence initiée par le CEA a commencé à porter ses fruits (cf. Saclay) et pourrait inspirer d’autres acteurs du secteur nucléaire.

II - EDF : LES DANGERS DE L’AUTOSATISFACTION

La sûreté et la sécurité des installations d’EDF se situent à un très haut niveau, cela est indéniable, et les risques d’accident majeurs sont aujourd’hui parfaitement maîtrisés. Mais cette grande entreprise a trop tendance à se reposer sur ses lauriers, même si la conduite de la politique d’équipement du pays en outils de production conduit à une légitime fierté.

Il est à noter encore une fois que les principaux problèmes d’EDF sont des problèmes de radioprotection : L’absence d’une autorité de radioprotection n’y est probablement pas étrangère.

A. Les conclusions du rapport pour 1998 de la DSIN

A la lecture du rapport de la DSIN pour 1998, votre Rapporteur se doit de souligner le " relâchement " d’EDF et d’aller au delà pour comprendre les raisons qui conduisent cette entreprise, comme d’ailleurs la COGEMA, à réagir sous la pression des associations lors de dépassement de normes.

Il est exact que des dépassements de quelques dizaines de becquerels, inférieurs à la radioactivité naturelle d’un litre d’eau de mer, n’ont, selon toute vraisemblance, aucun impact sanitaire ; ils n’en constituent pas moins des signaux d’alarme qu’il ne faut pas négliger. L’énergie nucléaire est largement admise par l’opinion française mais l’accumulation d’incidents en donne une image fausse et contribue à entretenir des psychoses, ce qui n’est pas satisfaisant.

1. Les termes du rapport de la DSIN

Votre Rapporteur tient à vous livrer l’appréciation portée par la DSIN dans son rapport annuel de 1998 :

" L’actualité en 1998 a été riche, voire perturbante. En effet, si la sûreté des populations n'a jamais été mise en danger et si le nombre global d'incidents a même décru de 1997 à 1998, de nombreuses affaires ont connu des développements médiatiques et/ou techniques importants. Elles ont contribué à mettre en évidence des dysfonctionnements.

" La négligence est clairement à l'origine de l'affaire de la contamination surfacique des convois de combustibles irradiés. Parce que la contamination des convois était très faible, les techniciens (et pas seulement ceux d'EDF) ont systématiquement passé outre le respect de la réglementation sur la propreté des convois ;

- " l’endormissement a contribué aux problèmes rencontrés sur les enceintes de la centrale de Belleville. En effet, dès l’origine, c'est-à-dire dès la construction des deux réacteurs, il était apparu que le bétonnage des enceintes n'avait pas été réussi. Si la sûreté des populations en cas d'accident était garantie, la qualité de la construction restait, en dépit des réparations effectuées, inférieure à celle sur laquelle s'était engagée EDF.

Sachant que l'état des enceintes se dégraderait au cours du temps, EDF devait être capable de mettre en œuvre une méthode de réparation efficace au plus tard lors des travaux d’entretien prévus au bout de 10 ans de fonctionnement. L’année 1998 a montré qu'EDF n'était pas prêt à quelques mois de cette échéance, et que les injonctions de la DSIN avaient été insuffisantes, ce qui a entraîné un arrêt de ces deux réacteurs pendant plusieurs mois ;

- " le laisser faire est une des causes qui a conduit à la défaillance du circuit de refroidissement à l'arrêt (RRA) survenue le 12 mai 1998 à Civaux 1. En application de l'arrêté " qualité " du 10 août 1984, EDF devait vérifier les études menées par Framatome pour la conception et la réalisation du circuit RRA. Mais une insuffisance des moyens et de la politique de surveillance d'EDF dans ce domaine, ainsi que le recours à des " guides techniques de surveillance " élaborés par EDF sans prendre en compte les limites connues du code de conception et le retour d'expérience disponible, n'ont pas permis un contrôle satisfaisant ;

- " l’oubli de choses très simples a été observé ; 1 au moins à deux reprises au cours de l'incident de Golfech du 27 novembre 1998 qui a entraîné une contamination, heureusement peu importante, d'une dizaine de prestataires :

    • Alerté à la suite du déclenchement d’une balise d'alarme mobile qui venait de déceler un niveau de radioactivité anormal. le service de radioprotection de la centrale a décidé de vérifier les informations données par la balise avant de faire évacuer la trentaine de sous-traitants qui travaillait à ce niveau du bâtiment. ce qui a retardé leur évacuation de plus d'une heure. Il eût évidemment fallu faire l'inverse.
    • La contamination était due à l'emploi, Sur l'un des chantiers. d'un ventilateur-filtreur local équipé d'un mauvais filtre. Après enquête, il s'avère que ce système de filtration n'avait pas fait l'objet d'un contrôle de sa bonne efficacité lors de sa mise en place.

" Si, encore une fois, l'année 1998 n'a donné lieu à aucun événement grave, les problèmes de fond soulevés par ces incidents montrent qu'EDF devra poursuivre en 1999 ses efforts en matière de sûreté.

" Le souci global d'une plus grande efficacité a récemment conduit EDF à décider de passer d'un management très centralisé à un management plus moderne où des responsabilités accrues sont confiées aux entités proches du terrain, c’est-à-dire, dans le cas de l'exploitation du parc nucléaire, aux sites. Cela a entraîné, ou révélé, des difficultés de coordination entre les sites et les services centraux qui ont attiré l'attention de la DSIN en 1998. En effet, sans remettre en question le choix d'EDF de confier aux sites des responsabilités accrues, encore faut-il s'assurer notamment que :

" 1) les responsabilités respectives soient clairement définies. Par exemple, des discussions sont en cours depuis plus d'une année entre la DSIN et EDF pour que soient précisés les rôles des sites et des services centraux dans le traitement des " indications " (présomptions de défauts détectées lors des contrôles non destructifs des circuits) ;

" 2) des consignes claires soient données par les services centraux aux sites. Ainsi, dans le domaine de la prévention du risque d'incendie, la rédaction des " fiches d'action incendie " a été largement déléguée au niveau local, sans que des instructions précises soient données ni que la formation des agents de conduite chargés de rédiger ces fiches soit prévue. L'expérience prouve qu'une proportion importante des fiches rédigées ne sont pas opérationnelles ;

" 3) chaque entité d'EDF se sente globalement responsable du respect des prescriptions de sûreté même si leur mise en cause implique également d'autres entités. C'est le cas par exemple d'une modification du contrôle-commande des réacteurs de 1 300 MWe, décidée au niveau national pour mieux suivre l'endommagement par fatigue de la chaudière, qui ne sera efficace que lorsque les sites auront mis en couvre une modification complémentaire (analogue à un branchement) de leur responsabilité ;

" 4) le retour d'expérience permis par la standardisation du parc français fonctionne bien. Ainsi, à Fessenheim, une démonstration de sûreté sur l'acceptabilité d'un défaut a été présentée sur la base de l'hypothèse que la température du circuit concerné ne pouvait dépasser 60°C alors que 200°C avaient été mesurés sut le même circuit au Blayais...

" Ces quelques exemples sont révélateurs d'un problème, complexe, d'articulation entre les services centraux et les sites que l'Autorité de sûreté continuera d'examiner en 1999.

" L'Autorité de sûreté est favorable à la politique de déconcentration d'EDF, mais celle-ci doit être conduite de façon ordonnée et extrêmement rigoureuse. Les demandes de l'Autorité de sûreté ont un caractère prescriptif national, qui vient de la standardisation du parc : ni la sûreté, ni l'économie ne sortiraient renforcées d'une déconcentration insuffisamment encadrée ".

2. L’analyse du rapporteur

L’appréciation portée par la DSIN, que j’ai tenu à reproduire intégralement est assurément sévère. Toutefois, il ne faut pas confondre l’accroissement de la médiatisation des incidents et de leur exploitation politique avec une dégradation de la sécurité.

Contrairement à une idée solidement ancrée dans l’opinion, l’industrie nucléaire est aujourd’hui la plus contrôlée des industries lourdes et, à la différence d’autres, le moindre incident est médiatisé au-delà de son importance réelle.

L’honnêteté commande de rappeler que le nombre des incidents a fortement décru depuis une dizaine d’années.

Il y a eu 303 incidents de niveau 0 en 1998 contre 406 en 1996, 63 de niveau 1 en 1998 contre 86 en1997 et 79 en 1996 ainsi que 2 de niveau 3 en 1998 contre 3 en 1996.

Mais votre Rapporteur redoute que ces incidents de niveau 1, qui ne remettent pas en cause la sécurité et la santé publique, ne soient relativement banalisés alors qu’il s’agit de signaux d’alerte qui doivent être considérés comme tels.

Il est quand même, aux yeux de votre Rapporteur, à proprement parler assez ahurissant que, lors des incidents qui surviennent dans des centrales, l’autorité de sûreté se retrouve en première ligne quand, s’agissant de radioprotection, les autorités sanitaires ne sont pas capables de faire entendre leur voix.

B. Les améliorations apportées à la sûreté, suite aux interventions de l’Office parlementaire

1. Un apport indéniable de l’Office parlementaire : l’amélioration de la maintenance

Votre Rapporteur invitait en 1996 EDF à supprimer toute sous-traitance pour les tâches qui relèvent directement de la responsabilité de l'exploitant nucléaire, en particulier dans les services de radioprotection.

Dans sa réponse, l’entreprise me précise que : " Les activités de maintenance font l'objet d'une analyse permettant de déterminer celles qui relèvent directement de la responsabilité de l'exploitant nucléaire, et qui ne peuvent donc pas être sous-traitées. Dans le domaine de la radioprotection, cette analyse a conduit à identifier des activités relevant de la maîtrise d'ouvrage EDF, non sous traitables (exemple : les contrôles radioprotection en entrée/sortie de site), et des activités justifiant des compétences spécifiques en radioprotection (exemple: les contrôles radioprotection en entrée/sortie de zone contrôlée). Pour ces activités, les compétences des prestataires qui se les voient confier doivent faire l'objet d'un examen d'aptitude particulier. Dès 1998, EDF délivrera une qualification particulière aux entreprises qu'elle aura jugées aptes à réaliser ces activités, au vu d'un audit approfondi.

En outre, l’Office demandait à EDF d’appliquer dans toutes ses conséquences l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, en demandant à ses prestataires de faire connaître de façon exhaustive et à chaque instant les sous-traitants intervenant sur les sites, à quelque " niveau " de sous- traitance que ce soit.

Il apparaît aujourd’hui que : " Chaque CNPE conduit les actions nécessaires pour connaître de façon exhaustive et à chaque instant les sous-traitants intervenant sur les sites : ces informations sont obtenues lors des réunions d'enclenchement, ainsi que lors des réunions d'élaboration des Plans de Prévention (décret du 29 février 1992). Les CNPE valident la liste des sous-traitants proposés, conformément au CCA Prestations.

Une analyse a été réalisée courant 1997 sur quelques contrats nationaux, afin de connaître l'étendue du phénomène de " sous-traitance en cascade ". Il n'a pas été trouvé de niveau de sous-traitance supérieur à 2. En revanche, certains dysfonctionnements ont été mis en évidence dès le premier niveau de sous-traitance, concernant la retransmission des exigences d'EDF par le titulaire auprès de ses sous-traitants, et dans l'application de la Charte de Progrès par les sous-traitants. Les actions de redressement sont en cours.

2. Un meilleur respect de la législation du travail

D’autre part, il m’était apparu l’existence de problèmes pour assurer le respect des dispositions légales concernant la durée du travail, y compris pendant les arrêts de tranche.

Dans sa réponse, l’exploitant souligne qu’il  " contribue au respect des dispositions légales concernant la durée du travail pendant les arrêts de tranche (obligation incombant à l'employeur) en mettant en œuvre un ensemble d'actions :

    • désaisonnalisation partielle des arrêts de tranche, en limitant à 10 le nombre d'arrêts de tranche en parallèle,
    • lissage d'activités pour les prestataires sensibles (servitudes nucléaires notamment),
    • contrôles des carnets d'accès lors de l'accueil sur site permettant de s'assurer que l'intervenant a bien bénéficié du repos légal,
    • communication des Directeurs d'Unité, tant en interne (Chefs d'arrêt, préparateurs, chargés d'affaire ...) qu'en externe (entreprises prestataires) sur l'impérieuse nécessité de respecter la durée légale du travail,
    • prise en compte de ce critère dans l'évaluation du prestataire,
    • choix du prestataire au " mieux-disant " pour garantir que le prestataire retenu met en place les ressources humaines nécessaires pour réaliser l'activité demandée,
    • mise en place sur chaque CNPE " d'instances d'appel " permettant à tout intervenant qui s'estimerait contraint d'outrepasser les règles relatives à la sécurité (durée du travail, sécurité, radioprotection) de venir exposer sa situation en toute sérénité, sans que préjudice puisse lui être porté. Ces instances sont accessibles aux représentants du personnel.

Réalisation de différents contrôles par les CNPE :

    • contrôles d'attachements pour les commandes en dépenses contrôlées,
    • interview d'intervenants sur les chantiers,
    • dans certains cas de suspicion de dépassement d'horaires, ouverture des fichiers informatiques 3K, avec information des représentants du personnel.

Des réflexions sont en cours avec les professionnels les plus concernés visant à :

    • incorporer dans les contrats un délai de préavis en cas de prolongation d'intervention permettant à l'entreprise de trouver les renforts nécessaires,
    • demander contractuellement aux entreprises d'aménager l'horaire de travail de leurs intervenants de manière à prévoir un repos hebdomadaire par période de 7 jours.

Les recommandations de l’Office sur ce problème ont été largement médiatisées, elles ont conduit votre Rapporteur à être invité à l’émission de télévision " La Marche du Siècle " et nous devons reconnaître que les efforts d’EDF pour répondre à cette question, dans le sens des recommandations voulues par l’Office, sont indéniables.

Titre III :
Les problèmes en suspens

Aux yeux de votre Rapporteur, un certain nombre de problèmes, malgré les efforts réalisés, demandent une grande vigilance : il s’agit principalement du démantèlement (qui a été fort bien examiné par les rapports de Christian BATAILLE et Robert GALLEY, aussi votre Rapporteur se limitera-t-il à quelques aspects de cette question), des effluents radioactifs où les progrès enregistrés sont très sensibles bien que le respect de normes devenues extrêmement faibles pose des problèmes importants aux exploitants et du devenir des anciens sites miniers.

 

Chapitre I :
LE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

Le démantèlement ferait-il donc si peur qu'il en devienne bientôt un "problème de société " comme l'ont été -et le sont assurément encore- les programmes de gestion des déchets de haute ou de faible activité ?

La question de l’aval du cycle et du démantèlement appartient à ces thèmes récurrents où l’industrie nucléaire est soupçonnée de refuser le jeu de la transparence. Objet de polémiques, du fait de la volonté de certains de prouver la non-rentabilité de l’énergie nucléaire, il a donné lieu à des investigations très approfondies de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en 1994 pour lever certaines ambiguïtés, clarifier certains choix ou certaines stratégies, voire corriger certaines idées fausses. Ce rapport se situait donc à la croisée des chemins : au moment où l'expérience acquise aujourd'hui sur les réacteurs arrêtés doit servir à affiner les stratégies que l'on mettra en œuvre sur les réacteurs actuels, vers 2015.

Une des conséquences de ce rapport m’a surpris : la Cour des Comptes a recueilli mon témoignage en vue de l’insertion d’une étude du démantèlement des installations nucléaires dans son dernier Rapport Public et je me félicite de voir que cette haute juridiction partage une partie des analyses de l’Office Parlementaire et a essayé de répondre à certaine de mes questions.

Dans le rapport que j’ai présenté en 1994, je soulignais que le démantèlement des installations nucléaires est dès aujourd'hui une opération dont la faisabilité technique ne peut être contestée. L'obstacle principal réside plutôt dans le calendrier, les incertitudes qui entourent la gestion des déchets de très faible activité et le coût de ces opérations.

I - DÉMANTÈLEMENT IMMÉDIAT OU DIFFÉRÉ ?

Comme toute installation industrielle, les installations nucléaires ont une durée de vie limitée. Elles doivent être retirées du service lorsque leur exploitation n'est plus compatible avec les exigences du moment, en matière de sûreté ou de compétitivité économique. La France, à l’évidence, doit se préparer à faire face à de grands chantiers de démantèlement dans les années qui viennent.

Plusieurs réacteurs sont déjà définitivement arrêtés : les 6 exemplaires de la filière graphite-gaz ; le réacteur EL-4 situé à Brennilis (Finistère), prototype d'une filière abandonnée depuis ; le réacteur de Chooz-A (Ardennes), prototype de la filière française actuelle. Des travaux de démantèlement d'une ampleur conséquente y ont été entrepris ou vont l'être dans un proche avenir, en particulier à la centrale de Brennilis qui se veut le prototype des procédures de démantèlement des centrales. De même qu’au centre de Marcoule où a été lancé le programme CODEM qui regroupe, pour un montant de 37 milliards de francs sur 30 ans(1), toutes les opérations de démantèlement et d’assainissement de l’ancienne usine de retraitement UP1 et de ses installations annexes.

Lorsqu'une installation nucléaire est arrêtée définitivement, son exploitant reste soumis à un faisceau de contraintes :

    • industrielles : il doit remplacer son outil de production (EDF, COGEMA) ou de recherche (CEA) ;
    • techniques : il doit préserver l'intégrité physique de l'installation arrêtée pour éviter la dissémination de radioactivité ;
    • radiologiques : il doit assurer la sécurité des travailleurs et du public avant, pendant et après les opérations de démantèlement ;
    • réglementaires : il doit respecter les règles et prescriptions techniques qui lui sont imposées par les autorités ;
    • économiques : il doit faire en sorte que le démantèlement ne représente pas un fardeau financier insupportable ;
    • socio-politiques : il doit intégrer dans ses décisions le contexte local et national, en particulier en matière d’emplois.

L'Agence internationale de l’énergie atomique raisonne, par " niveaux" de démantèlement : le niveau 1 est très proche de la simple fermeture, le niveau 3 correspond à la suppression totale du risque radiologique, le niveau 2 est intermédiaire. Les autorités américaines ont préféré une approche plus dynamique, qui intègre le calendrier prévu des opérations : DECON (démantèlement immédiat), SAFSTOR (stockage sous surveillance), ENTOMB (enfouissement direct).

L'approche des stratégies de démantèlement proposée par l'AIEA est la plus communément acceptée -ce qui est normal puisque l'AIEA traduit dans les faits un certain consensus international.

Par " niveau ", on entend un ensemble déterminé de conditions de l'installation. Cette expression n'implique pas nécessairement que les différents niveaux doivent se succéder dans un ordre déterminé ou que tous doivent être réalisés successivement. Chacun des niveaux AIEA peut être caractérisé par l'état de l'installation et la nature du contrôle que celle-ci nécessite :

a. niveau 1 (" fermeture sous surveillance ") :

    • état de l'installation : pour les réacteurs, on laisse la première barrière contre la contamination telle qu'elle était pendant l'exploitation, mais les dispositifs mécaniques d'ouverture sont bloqués et scellés (vannes, bouchons...) ; le bâtiment réacteur est maintenu dans un état adapté au danger potentiel qui subsiste ; l'accès au bâtiment réacteur est limité et le personnel qui y pénètre fait l'objet d'une surveillance radiologique (exposition externe et exposition interne) ; pour les installations du cycle du combustible, certains des dispositifs mécaniques d'exploitation peuvent être conservés pour servir aux travaux ultérieurs ;
    • étendue du contrôle : l'installation est maintenue sous surveillance continue : les équipements nécessaires pour mesurer la radioactivité tant à l'intérieur que dans la zone avoisinante sont maintenus en état de marche et utilisés, s'il y a lieu, en conformité avec les prescriptions réglementaires en vigueur ; des inspections systématiques sont réalisées afin de vérifier que l'installation reste dans un état satisfaisant.

b. niveau 2 (" libération partielle et conditionnelle du site ") :

    • état de l'installation : dans le cas des réacteurs les volumes contaminés qu'il est nécessaire de confiner sont réduits à leur taille minimale (toutes les parties facilement démontables sont retirées et le reste de la barrière est scellé) ; le scellement de la barrière est renforcé par des moyens matériels et la protection biologique est étendue si nécessaire, de façon à entourer complètement la barrière ; une fois la contamination ramenée à des niveaux admissibles, le bâtiment réacteur et le circuit de ventilation peuvent être modifiés ou enlevés s'ils ne jouent plus aucun rôle dans la sûreté radiologique ; selon le démontage ou les décontaminations effectuées, on peut autoriser l'accès au bâtiment réacteur ; les parties non radioactives de l'installation (bâtiments ou équipements) peuvent être reconverties à d'autres fins ; pour les installations liées au cycle du combustible, certains équipements radioactifs peuvent être enlevés dès cette étape ;
    • étendue du contrôle : la surveillance exercée sur l'installation peut devenir plus restreinte et intermittente, mais il est souhaitable de continuer à procéder périodiquement à des vérifications ponctuelles et à surveiller l'environnement ;

c. niveau 3 (" libération totale et inconditionnelle du site ") :

    • état de l'installation : le démantèlement est alors total, puisque l'on retire les matériaux, équipements et parties de l'installation dont le niveau de radioactivité reste significatif malgré les opérations de décontamination ;
    • étendue du contrôle : toute surveillance, inspection ou vérification devient inutile ; s'il n'est pas réutilisé directement, le site est libéré sans restriction d'accès imputable à la radioactivité résiduelle.

Dans le cas des centrales REP standardisées, EDF retient comme scénario de base après l'arrêt le calendrier suivant :

    • un an pour les opérations de mise à l'arrêt (refroidissement du combustible, évacuation...) ;
    • 4 à 5 ans pour les travaux conduisant à un état assimilable au niveau 2 de l'AIEA, ne laissant subsister en tout état de cause que le bâtiment réacteur ;
    • une période d'attente d'une cinquantaine d'années ;
    • quelques années de travaux pour parvenir au niveau 3 de l'AIEA.

Dans les installations nucléaires où sont présents des radionucléides à vie longue (laboratoires, usines de retraitement...), il apparaît souhaitable de procéder rapidement aux opérations. Dans les réacteurs, où la majeure partie de la radioactivité provient d'éléments à vie plus courte (cobalt 60), il apparaît préférable d'attendre quelques années avant de commencer les travaux les plus importants. Cette attente permet une diminution de la radioactivité donc réduit les risques encourus par les travailleurs.

La politique du CEA et de la COGEMA consiste à commencer le démantèlement aussitôt que possible (c'est-à-dire à échéance de 2 à 5 ans). Au contraire, la politique de démantèlement d'EDF est elle tournée vers la réutilisation aussi poussée que possible de l'espace, aussi bien socio-économique (impact sur l'emploi local, les marchés, les revenus fiscaux...) que matériel (terrains, infrastructures environnantes : lignes de transport, voies de communication, équipements collectifs...). Le but est de pouvoir continuer d'assurer à la fois la production d'électricité par EDF sur les sites concernés ou du moins pour une partie d’entre eux qui accueilleront de nouveaux outils de production et l'activité industrielle induite pour le tissu environnant et d’éviter d’avoir à créer de nouvelles lignes à haute tension, sans que les conséquences en termes de coût ou d'impact sanitaire ne soient démesurées (Etats-Unis, Allemagne, Japon).

Il convient d'observer que la plupart des électriciens étrangers ont jusqu'ici opté pour un démantèlement rapide après l'arrêt des réacteurs

D’autre part, l’ampleur du démantèlement retenu se pose et, comme le souligne le ministre de l’Environnement dans sa réponse à la Cour des Comptes : " Il est fait allusion à une doctrine non explicite communément retenue dans l’ensemble de l’industrie" qui réserverait le démantèlement total (niveau 3) aux installations dont la vocation nucléaire du site n'est pas pérenne, tandis que celles qui sont situées sur des sites qui garderont une destination nucléaire ultérieure pourraient n’aller qu’au niveau 2.

" Si tant est que cette doctrine soit effectivement celle des opérateurs concernés, la ministre en conteste radicalement le bien-fondé.

" La vocation de toutes les installations nucléaires est d’être à terme, totalement démantelées au niveau 3, même sur les sites qui garderont une vocation nucléaire… "

Le fait que la question puisse se poser illustre le flou relatif qui entoure cette question du moins au niveau des centrales nucléaire.

Pour être à l'arrêt, une installation nucléaire n’en requiert pas moins de la surveillance et des précautions. A ce titre, l'exploitant ne peut prétendre échapper à ses obligations du fait de la fermeture définitive de son installation. Il reste responsable de ses inconvénients, nuisances ou dangers, et c'est à lui de prendre les mesures nécessaires pour les prévenir.

Si on doit effectivement reconnaître qu'une fois le combustible enlevé d'un réacteur, le risque d'accident radiologique grave est singulièrement réduit. Cependant, la vigilance doit rester de mise.

Un argument majeur plaide en faveur d'une période d'attente, pour les réacteurs. En effet une source importante de radioactivité provient du Co60 produit par activation neutronique. La période du Co60 étant de 5,7 ans, une attente de 50 ans permet de réduire d'un facteur 1000 environ l'activité due au cobalt. Ce radionucléide se trouve à la fois inclus dans les parties activées de la cuve et déposé sur les parois internes du circuit primaire du fait de la légère corrosion de ce circuit. Après une cinquantaine d'année cependant le cobalt n'est plus l'élément dominant de la radioactivité globale, qui est désormais contrôlée par d'autres radionucléides comme le nickel 63.

Il convient également de rappeler que le démantèlement n'a pas pour objet de réduire la radioactivité mais tout simplement de la déplacer afin de mieux la contrôler et d'en prévenir les dangers. On se trouve immédiatement plongé au cœur de la réflexion sur les transferts de risques, dont l'analyse conditionne dans une certaine mesure le choix de la stratégie adoptée.

Quel arbitrage en effet réaliser entre le maintien sur place de l'installation arrêtée et son démantèlement, partiel ou total ? A la première solution l'avantage de minimiser les doses reçues immédiatement par les travailleurs et le public, au risque d'une maîtrise de la radioactivité moins assurée dans l'avenir. A la seconde l'avantage de préparer un contrôle plus sûr des radioéléments pour une durée plus importante (dans un centre de stockage adapté par exemple), au risque d'exposer certaines catégories de la population.

Plus largement, je relève que la DSIN ne cesse depuis quelque temps de relancer les exploitants sur la pertinence de la stratégie " 50 ans " dans le cas des réacteurs.

En effet, cette stratégie de démantèlement différé, généralement admise au niveau international, pose un autre problème d’importance : quels documents garder pour conserver la mémoire de l’installation et qui soient pertinents au moment voulu ? D’autre part, la décroissance de l’activité de la cuve due au Co60 doit-elle attendre 50 ans ? Cette affirmation n’est pas impérative puisqu’après 25 ans, on ne peut plus faire de mesures surfaciques d’activité et il faut avoir recours à des contrôles destructifs.

Enfin, les exemples de démantèlement immédiat (comme à Fort Saint Vrain et Gundremmigen) montrent que cette technique a quelques atouts :

    • la mémoire de l’installation est vivante, puisque ceux qui ont construit ou travaillé sont présents et la connaissent bien ;
    • le coût du démantèlement est à quelques dollars près tout à fait comparable au coût estimé du démantèlement différé ;
    • les technologies mises en œuvre sont innovantes et permettent d’assurer une optimisation de la radioprotection des travailleurs. A Grundremmingen par exemple, on a congelé les GV avant de découper le bloc de ferraille emprisonné dans la glace, ce qui évite les poussières, les copeaux dispersés etc…

Il me semble que le frein au démantèlement immédiat n’est ni technologique, ni radiologique, ni de coût, mais doit être réglementaire (quelle politique pour les déchets) et financier.

II - QUE FAIRE DES DÉCHETS DU DÉMANTÈLEMENT ?

Les déchets de haute activité (combustible irradié) doivent être évacués du site dans les mêmes conditions que lors de l'exploitation. Les déchets d'activité " intermédiaire" devront être l'objet d'une gestion spéciale ; il s'agit par exemple des structures de réacteurs soumises à une forte irradiation (cuve et pièces internes, couche superficielle intérieure du bouclier biologique...) ou des équipements fortement contaminés en éléments transuraniens. Le démantèlement produira aussi ses propres déchets : vêtements de protection, outils, filtres à poussières, résidus du traitement des effluents.... Cependant, le volume de tous ces déchets sera limité, par rapport à celui des déchets similaires issus de l'exploitation.

Les principales interrogations viennent de la gestion des déchets de faible et très faible activité. Les estimations des volumes produits sont délicates ; en particulier, elles dépendent beaucoup du cadre réglementaire qui régit les substances et déchets radioactifs. Cependant, on estime que :

    • le volume de déchets issus du démantèlement d'un réacteur est du même ordre de grandeur que celui produit au cours de sa vie active ;
    • en valeur absolue, ce volume est d'environ 10-15 000 m3 pour un réacteur de 1 000 MW.

De certaines évaluations effectuées par le CEA, il apparaît cependant que, par réacteur et pour un démantèlement de niveau 2, le volume des gravats dont l'activité massique serait d'environ 1 becquerel par gramme s'élèverait en fait à 70 000 m3. Il importe donc que ces évaluations soient affinées.

Deux conceptions s'opposent à l'heure actuelle pour la gestion de ces déchets de faible et très faible activité. La première, avancée par les exploitants, repose sur le faible risque sanitaire de cette catégorie de déchets. Il serait alors utile de définir des seuils de radioactivité, " seuils d'exemption " au-dessous desquels les déchets ne seraient plus considérés comme radioactifs. Ils pourraient ainsi être remis dans le domaine public sans précautions particulières, soit pour être réutilisés (ferrailles) soit pour être mis en décharge (gravats).

La seconde conception, qui semble recueillir actuellement la faveur des autorités, tendrait à mettre en place des filières spécifiques de traitement (recyclage ou élimination) pour tous les déchets sortant des installations nucléaires, quel que soit leur niveau de radioactivité, même très faible. Cette conception repose sur un constat : la sensibilité socio-politique à la question des déchets radioactifs est trop forte pour qu'une autorité quelconque puisse définir des seuils d'exemption, donc légaliser la dissémination incontrôlée de substances radioactives.

Ces déchets issus du démantèlement peuvent être utilement répartis en trois catégories :

1. Les matériaux activés apparaissent dans les zones soumises à de fortes irradiations pendant le fonctionnement du réacteur. Ce sont essentiellement la cuve et les structures internes de celle-ci (déflecteurs de fluide de refroidissement, cuvelage interne, structures de support, tubes de guidage des barres de contrôle...), ainsi que la couche superficielle intérieure du bouclier biologique. Si le réacteur n'a pas été exploité très longtemps, le principal radionucléide sera le cobalt 60 (période de demi-vie = 5,27 ans) ; si le réacteur a eu une exploitation normale en mode commercial, des activités significatives en nickel 59 (période de demi-vie = 8.104 ans) et niobium 94 (période de demi-vie = 2.104 ans) seront observées. D'autres radionucléides de vie courte sont présents à l'arrêt du réacteur, mais leur contribution à l'activité totale des structures métalliques concernées devient infinitésimale dès les premières années qui suivent l'arrêt (niobium 95, zirconium 95...).

2. Les matériaux contaminés tirent leur nom du dépôt à leur surface de particules actives. Ces particules peuvent contenir soit des produits d'activation arrachés à leur matériel d'origine par la corrosion, soit des produits de fission provenant de " fuites " dans les éléments combustibles ou de la destination normale de l'installation (usines de retraitement). Les principaux radionucléides sont le Co60 et le Cs137.

3. Les déchets technologiques résultent des opérations de démantèlement. Ce sont par exemple les résidus du traitement des solutions de décontamination et de l'eau contaminée (résines échangeuses d'ions, filtres à poussières, résidus d'évaporateurs et de concentrateurs...). Ce sont également les déchets " secs " comme les câbles, cordes, outils, vêtements de protection...

Ces déchets ne se différencient guère de ceux qui apparaissent lors des opérations de maintenance en exploitation.

En définitive, il semble que l'on puisse retenir comme résultant du consensus des experts internationaux les enseignements suivants :

Sur l'ensemble de ces indications, il conviendrait de lever rapidement les incertitudes. Le volume effectif des déchets aura en effet des répercussions importantes sur le coût total du démantèlement.

D’autant que le sort des déchets de faible activité est une question toujours aussi passionnée

Les déchets issus du démantèlement sont principalement des déchets de faible activité et peuvent être envoyés dans les mêmes installations que les déchets issus de l'exploitation normale. Notons que le déversement en mer de tous les déchets radioactifs est désormais interdit par une décision des organes de la Convention sur la Prévention de la Pollution marine (Convention de Londres de 1972). C'est donc à terre que seront stockés les déchets du démantèlement.

Certains d'entre eux seront cependant des déchets intermédiaires (structures activées des cuves de réacteurs, installations de retraitement) ou contenant des éléments transuraniens qui nécessiteront une gestion spéciale. Les installations destinées à recevoir les combustibles usagés ou les déchets de retraitement pourront aisément accueillir les faibles volumes correspondants.

C'est bien autour des déchets de faible activité que se focalise le débat public, et plus précisément autour de l'éventualité de voir introduire ces matériaux dans le circuit public, exposant ainsi " en catimini " des populations sans protection n’est-il supportable ? Son financement peut-il être garanti de façon satisfaisante ?

III - LE COÛT DU DÉMANTÈLEMENT

La réponse à cette question est fondamentale dans la mesure où l’un des procès permanents fait à l’industrie nucléaire est son manque de compétitivité : le coût du KWh affiché serait trompeur faute de prise en compte des coûts induits, particulièrement de celui du démantèlement.

Deux méthodes permettent d'établir les estimations de coûts :

    • les études d'ingénierie, qui sont fondées sur des examens approfondis de chaque installation et sur les coûts estimés de certaines opérations élémentaires (couper un tuyau, conditionner des matières, décaper du béton...) ;
    • les comparaisons rétrospectives avec des démantèlements similaires.

Le rapport que j’ai rédigé présente, pour chacune de ces méthodes, des exemples significatifs. Ils montrent en particulier que les comparaisons sont très délicates à établir, surtout entre différents pays. De nombreux facteurs viennent biaiser les chiffres : nature de la filière technologique, variations des taux de change, contexte réglementaire... Les organismes internationaux -comme l'Agence pour l’énergie nucléaire de l'OCDE- mènent un travail indispensable mais dont les conclusions sont limitées.

En France, EDF évalue à 15 % du coût complet d'investissement le coût du démantèlement d'un réacteur. Cette valeur semble tout à fait prudente au regard des pratiques des électriciens étrangers. Ceci représente 1 593 F par kW installé (prix de 1993), soit 1,4 MdF pour un réacteur de 900 MW et 2 MdF pour un réacteur de 1 300 MW. Il existe malgré tout une forte incertitude sur le coût final du démantèlement dans la mesure où, si les évaluations sont effectuées avec les coûts et les méthodes d’aujourd’hui, méthode de calcul indispensable, les opérations les plus lourdes auront lieu dans plusieurs dizaines d’années avec des méthodes qui auront évolué, ce qui est susceptible d’alourdir ou plus vraisemblablement d’alléger le coût final.

Il faut avoir en effet à l’esprit que la première tranche de la centrale de Fessenheim, tête de série du programme français, a été mise en service en 1977, si sa durée de vie est portée à 40 ans le démantèlement devrait commencer en 2017, le niveau 3 serait atteint en 2060.

La Cour des Comptes qui m’a auditionné à ce propos vient d’insérer dans son dernier rapport public une analyse détaillée des coûts du retraitement. Elle fait état d’un coût de 102 milliards de francs pour les centrales d’EDF auquel il convient d’ajouter 16 milliards pour les installations du CEA, 17 milliards pour l’usine UP 1 de retraitement de Marcoule(il s’agit en fait de 37 milliards) et 36 milliards de francs pour les sites de la COGEMA (hors Marcoule et Pierrelatte).

Pour financer de telles sommes à des échéances de quelques dizaines d'années, il faut mettre en place des méthodes de financement adéquates. Le rapport présente un panorama international, d'où se dégagent essentiellement deux pratiques :

    • les versements effectués par l'exploitant dans un fonds externe à ses comptes (Finlande, Espagne, Suède, Etats-Unis...) ;
    • la constitution de provisions comptables internes (Royaume-Uni, France...).

Le rapport rappelle la nature exacte des provisions comptables, qui ne sont pas -comme on le dit souvent- une " tirelire " dans laquelle on viendra puiser le moment venu... EDF procède à la constitution progressive d'une provision pour chaque réacteur, soit 3,3 MdF par an environ sur l'ensemble du parc. Le montant total de la provision pour démantèlement s'élevait à 26 MdF à la fin de 1993. Depuis 1993, le CEA procède également à la constitution de " provisions " pour les programmes de recherche facturés à ses partenaires ; avant cette date, le financement du démantèlement était effectué par des prélèvements sur le budget courant des dépenses civiles. La COGEMA provisionne 1 MdF par an environ.

Quel que soit le mode de financement retenu, aucune certitude ne peut être donnée sur la pérennité des sommes destinées au démantèlement. Les fonds externes sont soumis au risque d'instabilité des marchés financiers, difficilement maîtrisable sur plusieurs décennies. Les fonds internes sont liés à la solidité financière de l'entreprise : sont-ils bien protégés des créanciers en cas de faillite de l'exploitant  ou soustraits à la " convoitise " des ministres des Finances ? ne risquent-ils pas d'être " perdus " si l'entreprise est séparée en plusieurs entités distinctes ? L'exemple britannique donné à l'occasion de la privatisation du système électrique en 1989-1990 montre que la taille et le statut public d'un exploitant ne sont pas une garantie suffisante.

Il n'existe pas de méthode unique et universelle pour financer le démantèlement. Chaque pays met en place des dispositions spécifiques qui répondent au contexte local et sont fonction de ses propres modes de régulation économique. A cet égard, la politique adoptée par le principal exploitant français, EDF, correspond bien à la tradition et l'esprit du " modèle économique " national. Il faudra prendre garde que la loi sur la libéralisation de l’électricité qui vient être adoptée ne conduise pas à un démantèlement de la structure financière d’EDF, une telle perspective qui, je l’espère, ne se produira pas impliquerait une gestion par un fonds d’état de ces provisions, qui ne sont pas individualisées par rapport à celles qui serviront à financer un régime de retraite amené à connaître une situation difficile.

Mais, comme le souligne la Cour des Comptes, " le volume des actifs financiers spécifiquement destinés à la couverture des charges futures du parc nucléaire est jusqu’à présent limité, et le lien établi avec ces charges est fort tenu ", car les provisions d’EDF devront également financer d’importantes charges de retraite, la situation de la COGEMA serait plus satisfaisante si ce n’est que le conseil d’administration de la société n’a aucune obligation de dédier les provisions de la société aux opérations de démantèlement mais la situation la moins satisfaisante est celle du CEA qui doit financer des charges d’assainissement, qui représentent selon les années entre 400 et 800 millions de francs, en grande partie sur des ressources budgétaires négociées chaque année avec le ministère du budget...

En conclusion de cette trop brève présentation, je crois qu’il est important de souligner que le sujet du démantèlement est d’importance car nous devons assumer les nuisances créées par les centrales nucléaires sans en reporter le poids sur les générations futures. Pour autant, nous nous situons dans des perspectives de très long terme qui impliquent une grande vigilance et du sérieux, non de la passion car, s’il faut présenter honnêtement les termes du débat, je n’y ai pas trouvé les éléments de diabolisation de l’énergie nucléaire que certains y trouvent.

Chapitre II :
LES EFFLUENTS RADIOACTIFS

Plusieurs chapitres de mes rapports 1994 et 1995 ont été consacrés à la question délicate des rejets des installations nucléaires.

Si je pouvais souligner en 1994 que, curieusement, il ne semble pas que les effluents radioactifs des installations nucléaires aient fait en France l'objet d'une mobilisation particulière, je tiendrais plus aujourd’hui les mêmes propos.

En effet, les organisations écologistes font aujourd’hui du respect des normes leur cheval de bataille. La difficulté de cette question est double : la France a une conception infractionnelle du respect des normes alors que ces dernières sont d’abord des signaux d’alerte. En effet, dans le domaine nucléaire, elles se situent à des niveaux suffisamment bas pour qu’un dépassement, peu important bien sûr, ne soit pas synonyme de danger pour la santé humaine. Cette approche a des vertus dans la mesure où elle permet de disposer de signaux d’alerte et devrait conduire à remettre en cause les pratiques de certaines entreprises qui communiquent sur les moyennes de leurs rejets et non sur les pics enregistrés alimentant par là inutilement bien des soupçons.

Les limites de ce durcissement des normes existent quand, en s’appuyant sur l’Union européenne et à l’occasion de la définition de normes sanitaires, certains essayent, hors de toute considération de santé publique, d’entraver l’industrie nucléaire en posant des seuils extrêmement bas, par exemple pour le tritium où l’Organisation Mondiale de la Santé estime que le seuil d’alerte se situe à 7 800 becquerels quand des groupes d’experts de l’Union européenne veulent placer la barre à 400 becquerels.

Comme je le notais en 1994, il valait peut-être mieux, justement, réfléchir à froid, hors de la pression d'événements, incidents ou accidents éventuels toujours susceptibles d'égarer les sens et de brouiller le jugement.

Les effluents radioactifs sont une conséquence inévitable et inéluctable de la production d'électricité nucléaire ou des activités nucléaires en général, et leur impact potentiel sur l'environnement et la santé justifient un encadrement juridique rigoureux. L'exploitant a accompli ces dernières années des progrès remarquables, qui n'empêchent pas cependant la persistance d'interrogations ou de polémiques. Mais les réponses au questionnaire que j’ai adressé aux divers intervenants montrent que la situation s’est améliorée mais auparavant il est indispensable, pour bien comprendre les données du problème, de rappeler l’analyse que j’ai livrée dans mes précédents rapports sur les effluents radioactifs.

I - LES EFFLUENTS RADIOACTIFS DES CENTRALES :
POURQUOI ET COMMENT ?

Une vision globale est toujours utile. Les origines de ces effluents sont très variées :

    • les effluents provenant des bâtiments nucléaires : ils contiennent essentiellement les produits de conditionnement de l'eau primaire (lithine) ainsi que l'acide borique utilisé pour la maîtrise de la réaction nucléaire ; toutes les dispositions sont prises pour recycler cet acide et en limiter les rejets ;
    • les effluents provenant de la salle des machines : il s'agit de fuites ou de vidanges de capacités du circuit secondaire ; ces effluents ne sont normalement pas radioactifs mais peuvent le devenir légèrement en cas de fuite sur les générateurs de vapeur entre circuit primaire et circuit secondaire ; ils contiennent essentiellement les produits de conditionnement anticorrosion du circuit secondaire (hydrazine et morpholine utilisées à faible concentration) ; la destruction rapide de l'hydrazine en présence d'oxygène (air ou eau) donne de l'eau, de l'azote et de l'ammoniaque ;
    • les effluents de décontamination de matériels : ils contiennent notamment de l'acide oxalique et des phosphates ; les substances chimiques utilisées en centrale ne contiennent plus d'EDTA ;
    • les lessives : ce sont des produits commerciaux utilisés dans les laveries ainsi que pour le lavage des sols des locaux contaminables ;
    • les vidanges exceptionnelles de certains circuits contaminables : il s'agit notamment du circuit de réfrigération intermédiaire pour les auxiliaires de la chaudière nucléaire ; ces vidanges (assez rares) conduisent à des rejets de phosphates.

Indépendamment de tout effluent radioactif, les centrales nucléaires rejettent également des produits chimiques, dont le contrôle relève de la réglementation des installations classées et des textes régissant la gestion et la protection des eaux. Les valeurs des autorisations en matière de rejets chimiques spécifiques à chaque site ont été respectées sur l'ensemble du parc en 1993. Cependant, le site de Nogent a rencontré cette année encore des difficultés à respecter la limite de rejet de sulfate. Ces rejets résultent des traitements nécessaires pour éviter l'entartrage des aéroréfrigérants. Les difficultés ont conduit la centrale à réaliser quelque 150 GWh de baisse de charge, soit 420 GWh au total depuis 1990. EDF a entamé une procédure tendant à modifier l'arrêté préfectoral de 1987 fixant les limites de rejets autorisés.

Le circuit primaire est normalement étanche. Il est d'ailleurs présenté comme la seconde barrière de confinement des matières radioactives (après la gaine du combustible et avant l'enceinte de confinement). Il s'agit pourtant d'une barrière un peu " poreuse " ! des facteurs volontaires et involontaires amènent certaines quantités d'eau à s'échapper du circuit primaire.

En marche normale, on constate en permanence des fuites sur le circuit primaire. Il ne faut pas oublier que ce circuit est truffé de tuyauteries, de piquages destinés à prélever des échantillons ou faire passer des sondes de mesures. De même, il existe une multitude de robinets et vannes destinés à raccorder et isoler les circuits auxiliaires qui sont susceptibles d'être utilisés à des phases différentes dans le cycle de fonctionnement.

La limite réglementaire fixée par les autorités pour les fuites primaires est de 230 litres par heure. Les fuites " normales " sont de l'ordre de 50 litres par heure. Les règles d'exploitation et les dispositifs matériels autorisent un recyclage maximal des effluents produits par ces fuites.

Cependant, l'accumulation du tritium au cours du cycle de fonctionnement oblige périodiquement l'exploitant à procéder au renouvellement d'une partie de l'eau du circuit primaire. L'objectif est de stabiliser la concentration en tritium de façon à faciliter les interventions ultérieures sur le réacteur et la gestion des mouvements d'eau lors des phases d'arrêt. Les volumes d'eau primaire évacués à cette occasion sont à placer au rang des effluents.

La majeure partie des effluents est cependant produite lors des phases d'arrêt et de redémarrage ainsi que lors de certaines opérations d'entretien. Ces phases nécessitent en effet des mouvements d'eau primaire et des connexions de circuits inutilisés lors du fonctionnement. Rappelons que le circuit primaire contient environ 400 tonnes d'eau lorsque celle-ci est à la température de 300°C.

Les réacteurs français fonctionnent en général en suivi de charge. Cela signifie que la puissance électrique qu'ils fournissent au réseau varie en fonction des besoins nationaux, répercutés sur les différentes centrales par les centres de répartition. En conséquence, la puissance thermique dans la cuve varie également, donc la température et la pression de l'eau primaire. Or, les lois de la thermodynamique impliquent que varie également le volume de cette eau primaire. Un réservoir spécial, qui recueille également l'eau primaire lors des phases d'arrêt, permet d'accueillir provisoirement les volumes d'eau lors des transitoires de fonctionnement.

Tous les effluents radioactifs gazeux hydrogénés ou aérés de chaque tranche, ainsi que l'air des circuits de ventilation des locaux contaminables, sont épurés par des installations de filtration équipées de filtres à haute efficacité.

En revanche, les effluents gazeux aérés ne sont pas stockés. Dans tous les cas, le rejet s'effectue par la cheminée du BAN, à 80 m au-dessus du sol. Cette cheminée rejette en permanence l'air de ventilation des différents bâtiments. Les débits sont tels qu'une dilution importante est assurée dans la cheminée elle même.

Les valeurs numériques de limites de rejets sont complétées par un arsenal de dispositions tendant à maîtriser les conditions de ces rejets. Parmi elles, citons :

    • l'interdiction de procéder à des rejets non contrôlés ou continus ;
    • l'obligation de procéder à des stockages provisoires pour profiter de la décroissance radioactive ;
    • l'obligation de disposer de capacités de réserve au cas où il serait impossible de procéder aux rejets envisagés (crues de fleuves par exemple) ;
    • l'obligation de dilution des rejets ; elle peut se faire dans la cheminée pour les effluents gazeux (les débits sont spécifiés dans les arrêtés) ;
    • l'interdiction de procéder à des rejets d'effluent liquides si le débit du fleuve est inférieur ou supérieur à des valeurs déterminées par l'OPRI.

Pour ce qui est du contrôle, il n'est pas faux de dire que l'exploitant est soumis à un feu croisé d'exigences. Le chef d'établissement est, vis-à-vis de l'OPRI, le représentant de l'exploitant. Il doit contrôler les effluents de son installation avant tout rejet et transcrire les résultats des analyses sur des registres ad hoc. Il doit mettre en œuvre des moyens de contrôle déterminés par l'OPRI, selon des procédures déterminées par l'OPRI. Il doit effectuer des analyses dans l'environnement, disposer d'au moins une personne qualifiée en radioanalyse, envoyer périodiquement des échantillons à l'OPRI, soumettre ses moyens d'analyse aux intercomparaisons que l'OPRI juge nécessaire.

    • Enfin, les agents de l'OPRI peuvent faire des inspections à l'intérieur des centrales, en collaboration avec les services départementaux de santé publique.

On remarque dans l'économie générale de ces prescriptions, obligations et interdictions l'empreinte du SCPRI " ancienne manière " : un foisonnement réglementaire qui laisse peu d'initiative à l'exploitant, une philosophie juridique qui fait reposer sur l'autorité administrative l'intégralité du système de radioprotection. L'exploitant n'a plus qu'à exécuter servilement le rituel immuable de cette religion révélée, inscrit dans les directives du SCPRI.

Or, en matière de mesure et de contrôle, l'exploitant met en œuvre des moyens propres qui vont au-delà du simple respect des exigences réglementaires. Deux raisons à cette présence accrue sur le front de l'environnement : 1/ des retombées en termes d'image, sur le thème de l'entreprise citoyenne ; 2/ la volonté de pouvoir prouver le moment venu -c'est-à-dire quand il faudra renouveler les réacteurs- que l'impact des centrales sur l'environnement a été minime et sans danger significatif pour le public.

Cela explique la mobilisation de l'exploitant autour de la réduction des rejets, qui a conduit à une amélioration sensible des performances du parc ces dernières années. Pour autant, les rumeurs et polémiques sont toujours susceptibles de resurgir à l'improviste.

Logique d'abaissement, logique d'affrontement

Pourquoi ne pas abaisser les normes de rejets autorisés pour les centrales ? Les normes allemandes sont bien 5 fois inférieures aux nôtres et leurs exploitants ne semblent pas s'en émouvoir outre mesure... L'argument est fort : comment justifier en effet que, de part et d'autre d'une frontière, on estime qu'une centrale nucléaire pourra rejeter 5 fois plus que si elle était située de l'autre côté ? Le problème se pose avec encore plus d'acuité pour les centrales situées sur des fleuves qui sont soit frontaliers (Fessenheim sur le Rhin), soit destinés à parcourir le territoire d'un autre Etat avant de trouver leur exutoire maritime (Cattenom sur la Moselle).

L'argument est d'autant plus fort que l'exploitant fait d'ores et déjà beaucoup mieux que cet objectif potentiel de norme : avec en moyenne 1 % de l'autorisation effectivement rejetée, il y a de la marge pour abaisser cette limite maximale !

Bien entendu, l'exploitant rejette cette idée. Mes interlocuteurs au DSRE m'ont ainsi affirmé que ce serait donner une sorte de " prime à l'immobilisme ". Les efforts seraient condamnés à n'être jamais reconnus car toujours susceptibles d'être contestés. En l'occurrence, une diminution des limites autorisées reviendrait à jeter le discrédit sur ce qui était fait auparavant, sans que l'opération ne profite à personne puisque le niveau réel des rejets ne changerait pas.

II - LES RÉPONSES DES EXPLOITANTS AUX RECOMMANDATIONS DE L’OPECST

Les exploitants ont répondu avec précision à mes interrogations et nous pouvons constater que, malgré quelques réserves, l’effort de réduction des effluents radioactifs est réel et doit être poursuivi.

* Saclay

En ce qui concerne Saclay, j’avais invité par ma 79ème recommandation L'OPRI et le CEN Saclay à régler rapidement la divergence d'appréciation relative aux activités volumiques maximales autorisées pour les effluents liquides en sortie de la station de traitement :

L'article 4 de l'arrêté d'autorisation de rejets d'effluents liquides du 21/11/1978 fixe ainsi les conditions de rejet des effluents radioactifs liquides du centre de Saclay :

" Les effluents radioactifs liquides sont déversés dans le réseau d'effluents chimiques du centre. Ils ne peuvent être déversés directement à partir des cuves de stockage des installations que si l'analyse préalable confirme, pour chacune d'elles, que leur activité volumique est inférieure à :

" 5.104 picocuries par litre (1 850 Bq/l) en activité totale à l'exclusion du tritium ;

" 3.106 picocuries par litre (1,11.105 Bq/l) pour le tritium.

" Dans le cas contraire, ils sont dirigés vers la station de traitement des effluents." La divergence d'appréciation, qui porte sur l'application ou non de ces limites d'activités volumiques aux rejets d'effluents ayant été traités par l'INB 35, avait fait l'objet en 1979 et 1980 de courriers entre le SCPRI et le CEN/Saclay. Le CEA, considérant que ces limites ne s'appliquent pas aux rejets d'effluents issus de la station de traitement des effluents, effectue en compensation un fractionnement de ces rejets sur plusieurs jours afin que l'activité volumique des effluents chimiques reste inférieure au dixième des limites fixées à cet article 4 (quotas journaliers de 11 Gbq en tritium et 74 Mbq en radionucléides autres que le tritium, correspondant au 400ème des limites annuelles d'autorisation de rejet).

En décembre 1996, l'OPRI, ayant constaté des dépassements de limites de l'article 4, enregistrés lors de rejets d'effluents après traitement à la station de traitement des effluents, a demandé au CEA de prendre des mesures pour que cette situation ne se renouvelle pas. L'origine de ces dépassements est principalement liée au traitement d'évaporation d'effluents chargés en carbone 14 et en tritium pour stabilisation avant leur envoi à Marcoule. Ce traitement laisse dans le circuit procédé des incondensables qui étaient recyclés à l'occasion d'évaporation ultérieure d'effluents moins chargés en tritium et carbone 14 dont les distillats étaient transférés dans les cuves avant rejet.

Après l'arrêt des envois d'effluents à Marcoule et en l'absence de tout traitement d'effluents chargés en tritium et carbone 14, ces dépassements n'ont plus été observés depuis juillet 1997.

Cependant, du fait de la poursuite de la production d'effluents primaires chargés en carbone 14 et en tritium non rejetables à Saclay, il est possible qu'à l'avenir, de tels effluents soient distillés pour stabilisation avant entreposage et génèrent à nouveau un dépassement des activités volumiques des effluents " non tritiés " envoyés dans les cuves avant leur rejet, malgré l'objectif de l'installation de minimiser le recyclage des incondensables.

L'objectif à atteindre est d'éviter la mise en œuvre d'évaporations supplémentaires de distillats qui n'apporteraient pas de diminution significative de leurs activités volumiques en tritium, ainsi que la dilution des effluents distillés par de l'eau avant leurs rejets.

En cas de nécessité de rejeter des effluents issus de la station de traitement des effluents dont les activités volumiques dépasseraient les limites, il est donc envisagé d'utiliser auprès de l'OPRI une procédure de demande spécifique de rejet concerté.

Il est important que cette procédure fasse l'objet d'une concertation préalable entre l'OPRI et le Centre de Saclay, portant notamment sur le fractionnement de ces rejets, les contrôles complémentaires exigés par l'OPRI, afin d'éviter des délais de traitement de ces demandes préjudiciables à l'exploitation de la station de traitement des effluents de Saclay

Mes recommandations étaient complétées par la suivante :

L'OPRI est invité à demander au CEA de fournir une explication claire et convaincante des teneurs en tritium relevées dans la nappe phréatique des sables de Fontainebleau sous le site de Saclay, ainsi qu'une évaluation de ses éventuelles répercussions sur la qualité radioactive des eaux de consommation de la région. L'origine de cette présence de tritium dans les eaux souterraines est certainement due à des infiltrations d'eaux issues d'installations, d'eaux de surface réceptrices des rejets d'effluents liquides autorisés, voire d'eaux de pluies chargées en tritium à l'occasion de rejets atmosphériques autorisés. (81ème recommandation)

L'évolution depuis 1980 de l'activité en tritium des eaux de la nappe phréatique des sables de Fontainebleau, relevée dans cinq piézomètres sous le site de Saclay, montre des valeurs atteignant, parfois et localement, jusqu'à1 300 Bq/l en 1982, puis une tendance générale à la décroissance des activités volumiques des eaux les plus chargées avec, ces dernières années, une stabilisation à des valeurs de l'ordre de 50 à 200 Bq/l, valeurs à comparer à la limite de 7 800 Bq/l citée dans les recommandations de l'OMS (Directives de qualité pour l'eau de boisson - 1994).

Le CEA/Saclay publie semestriellement une brochure dans laquelle sont présentés notamment les résultats de mesure du tritium dans les eaux de pluie, les eaux de surface et les eaux souterraines.

Tritium Saclay : deux hypothèses sont évoquées, soit une contamination ancienne qui décroît de manière régulière dans le temps, soit une fuite à partie de l'étang de Villiers qui contamine la nappe. Des mesures sont faites régulièrement dans les eaux de consommation de la région, elles sont inférieures au niveau de détection (20 Bq/l).

* Valduc

L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées à relancer ou achever le processus réglementaire d'autorisation de rejet d'effluents radioactifs pour les établissements qui n'en sont pas encore pourvus (61ème recommandation).

En ce qui le concerne, le CEA a revu en 1995 les autorisations de rejets de Valduc et de B3 et a lancé en 1997 celles de Pierrelatte. Une demande de réévaluation tenant compte de la contribution du démantèlement a été faite à COGEMA Marcoule.

* Marcoule

L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées à engager un processus de réévaluation des anciennes autorisations de rejet pour les établissements où elles sont manifestement dépassées par les performances des techniques actuelles, en particulier à Marcoule.

En ce qui le concerne, le CEA a revu en 1995 les autorisations de rejets de Valduc et de B3 et a lancé en 1997 celles de Pierrelatte. Une demande de réévaluation tenant compte de la contribution du démantèlement a été faite à COGEMA Marcoule.

Le ministère de la Santé est invité à organiser une étude épidémiologique autour de Marcoule (65ème recommandation).

Une étude a été faite et présentée par la CLI de Marcoule au public en octobre 1997.

* Les installations nucléaires secrètes (INBS)

L'autorité de sûreté et l'autorité de radioprotection sont invitées, selon un schéma identique à celui de la 4ème recommandation, à discuter avec le Haut Commissaire à l'Energie atomique afin d'éviter à l'avenir que des effluents radioactifs issus de l'exploitation d'installations nucléaires de base civiles soient traités dans des INBS.

Il faut éviter que les matériaux issus du démantèlement d'INB civiles soient entreposés dans les INBS, sauf dérogation (cas de Marcoule, par exemple) autorisée conjointement par le Directeur de la sûreté des installations nucléaires et le Haut Commissaire, qui ont récemment passé une convention et pris des décisions relatives aux transferts de matières et déchets entre INB et INBS. Il ne faudrait pas interdire systématiquement le traitement des déchets civils dans les INBS -et réciproquement- pour éviter des duplications d'installations lourdes (qu'il faudra démanteler ultérieurement). De telles opérations doivent être autorisées conjointement par le Directeur de la sûreté des installations nucléaires et le Haut Commissaire et faire l'objet d'une information publique (Commissions locales d'information).

L'autorité de sûreté des INBS et la DSIN ont signé une convention réglementant les transferts de matières radioactives, en particulier quand des nécessités de sûreté ou des raisons de bonne utilisation des fonds publics le justifient. Elles concernent bien entendu les rejets. Ainsi, CENTRACO (INB) verra ses rejets retraités à la STEL de Marcoule (INBS) à la demande de l'exploitant et avec l'accord de la DSIN.

L'autorité de radioprotection est invitée à discuter avec les autorités compétentes des moyens d'améliorer la communication publique sur les rejets d'effluents radioactifs issus des INBS, dans le respect nécessaire du secret défense. (64ème recommandation)

Le décret sur les rejets du 4 mai 1995 prévoit que les INBS seront soumises aux mêmes règles que les INB, en particulier la procédure d'enquête publique (en préservant la confidentialité, art. 4 du décret.

* Cadarache

L'OPRI est invité à engager avec le CEA des discussions pour une meilleure comptabilisation de rejets liquides de très faible activité volumique (surtout activité). (80ème recommandation)

Des discussions sont déjà engagées à l'initiative des centres CEA avec l'OPRI, en particulier avec Cadarache.

A Cadarache, le service de protection contre les rayonnements examine la possibilité d'établir des bilans des rejets au niveau des cuves des installations et non plus en sortie de site. Cette modification entraînerait une diminution des volumes d'effluents d'un facteur supérieur à 20, et par voie de conséquence des rejets en émetteurs a .

Pour Saclay, le problème se pose différemment compte tenu de la capacité tampon que constitue l'étang de Villiers dans lequel se déversent les effluents chimiques et les eaux usées après traitement. Une meilleure comptabilisation des rejets liquides passe donc par un abaissement des limites de détection des eaux en sortie de site, en particulier pour les émetteurs a .

A Fontenay comme à Grenoble, la comptabilisation est faite au niveau des cuves d'installation.

L'OPRI est invité à poursuivre l'effort de transparence manifesté pour le centre de Saclay, en publiant régulièrement le résultat de ses mesures effectuées dans les nappes phréatiques situées sous les sites nucléaires les plus significatifs (y compris les sites dépendant d'exploitants autres que le CEA). (82ème recommandation)

Les résultats des mesures des nappes phréatiques sont publiées régulièrement dans les rapports trimestriels de l'OPRI.

A la lecture des réponses faites à votre Rapporteur, il apparaît que les exploitants ne sont pas restés inertes et ont agi dans le sens souhaité par l’Office mais il est clair que dans ce domaine la faiblesse des structures de la radioprotection impose une grande vigilance.

 

Chapitre III :
LES RÉSIDUS MINIERS

Votre Rapporteur s’est inquiété dans son rapport de 1995 des problèmes liés à l’extraction et au traitement des minerais d’uranium qui n’ont pas encore trouvé de solution. Le ministère de l’Environnement lui a indiqué que l’élaboration d’un corps de doctrine sur la base des travaux de l’IPSN était en cours et devrait voir le jour à la fin du premier semestre de cette année. Acceptons-en l’augure…

I - UN PROBLÈME DIFFICILE

Quarante années d'extraction de minerai en France. Un peu plus de 200 chantiers miniers sur 170 sites principaux d'extraction couvrant des superficies qui s'étagent de 1 à 100 hectares. 33 stockages de résidus de traitement regroupés en 22 sites dont la surface unitaire varie entre 1 et 82 hectares. 50 millions de tonnes de résidus, qui contiennent des radioéléments à vie longue comme le thorium 230 (75 000 ans) et le radium 226 (1 600 ans).

L'accélération par COGEMA de la fermeture des installations minières et des usines de traitement associées, la perspective d'un arrêt prochain -d'ici quelques années- de toute la production d'uranium à partir du sous-sol national, ont renforcé la sensibilité générale aux " restes " de toute nature, dont la présence est d'autant moins bien tolérée que l'activité qui les a générés a disparu. Les résidus de l'extraction minière et du traitement de l'uranium cumulent trois handicaps : 1/ ce sont des déchets ; 2/ ils sont issus du secteur nucléaire ; 3/ leur durée de vie radioactive en fait une menace potentielle pendant plusieurs siècles. Circonstance atténuante cependant : leur radioactivité massique est faible, comparable à celle des déchets TFA

C'est ce mélange subtil de faible danger intrinsèque, de volumes importants et de durée de vie plus que centenaire ou millénaire qui fait la spécificité des résidus miniers.

La maîtrise à moyen terme des risques sanitaires semble devoir être convenablement assurée.

La détermination exacte de l'impact sanitaire des résidus semble soulever quelques difficultés pratiques. Cependant la similarité des réponses apportées par les exploitants pour la gestion de leurs divers résidus dénote une certaine confiance dans les dispositions techniques qu'il convient de prendre.

A. L'extraction et le traitement de l'uranium génèrent des résidus variés

Les mines génèrent des stériles... et du radon.

Les travaux de réaménagement doivent prendre en compte dès aujourd'hui les recommandations de la CIPR 60 qui s'imposent aujourd'hui comme la référence naturelle des réaménagements.

Lors de l'audition du 16 novembre 1995, M. HENRY, directeur-adjoint de la Direction de la Prévention de la Pollution et des Risques (ministère de l'Environnement) a clairement pris position : le ministère de l'Environnement, responsable de l'application de la loi de 1976 sur les Installations classées pour la protection de l'environnement, demandera aux services extérieurs placés sous son autorité (DRIRE) d'appliquer les recommandations de la CIPR 60 en matière de limite de dose pour le public.

Je ne peux qu'approuver cette démarche. Elle est à la fois politiquement incontournable et tactiquement indispensable : les quelques mois (ou éventuellement années) qui nous séparent de l'introduction en droit français de la CIPR 60 sont peu de choses au regard de l'horizon temporel des stockages.

Les stockages actuels de résidus suscite des inquiétudes pas toujours injustifiées

Il ne semble pas exister de réelle polémique sur l'efficacité des couvertures destinées à faire barrière aux émanations de radon. En effet, la sûreté du stockage et la sécurité des populations et de l'environnement sur le long terme doivent reposer de préférence sur des protections passives plutôt qu'actives. Dans cette perspective, l'objectif du " confinement " apporté par l'exploitant à ses résidus vise non pas à supprimer tout relâchement de radionucléides dans le milieu extérieur, mais seulement à réduire ces flux de façon à ce que les capacités de dilution de l'environnement assurent la protection radiologique des personnes. Cette protection doit être garantie durant toute la durée de la nuisance potentielle.

B. Il faut s'efforcer de mettre en place les garanties d'une protection pérenne

A l'évidence, la protection repose en premier lieu sur les mesures techniques mises en œuvre par l'exploitant pour la conception, la réalisation et la surveillance du stockage de résidus. Ceci est conforme au principe général selon lequel seul l'exploitant est responsable de la sûreté de ses installations. Cependant il serait illusoire de vouloir se passer de la protection apportée par un certain degré de " contrôle institutionnel ".

Les dispositifs assurant la protection des stockages de résidus sont essentiellement constitués de matières " naturelles " : blocs rocheux (à l'exception des blocs de minerais ayant subi une lixiviation en tas), terre, sables... On ne doit pas s'attendre à une dégradation de leurs qualités physiques intrinsèques comparable à celle que l'on peut attendre des matières artificielles telles que les bétons ou les plastiques... L'espérance de vie de ces dispositifs résulte surtout de considérations mécaniques : la capacité de résistance à l'érosion d'une part, la stabilité mécanique générale d'autre part. La question de la stabilité mécanique n'est pas une hypothèse d'école.

On peut difficilement envisager de reprendre les résidus pour les replacer dans leur lieu d'origine, les tréfonds de la terre. Cela supposerait le dégagement des accès aux travaux miniers (donc le pompage des eaux ayant envahi les galeries) et la reprise parallèle de travaux de consolidation des excavations dénoyées. Cela ne résoudrait aucunement certains problèmes incontournables : le manque de place disponible (puisque certaines mines sont remblayées par du béton ou d'autres matériaux) ; les possibilités d'interaction avec les eaux, qui seraient ici souterraines et non plus de surface ; les risques professionnels inhérents à toute manipulation de matières radioactives (même de faible activité intrinsèque) ; les risques de perturbation supplémentaire de l'environnement local auprès du site à reprendre, dès lors que justement la reprise serait motivée par des dangers jugés inacceptables. Le principe du " retour aux origines " est déjà appliqué avec le remplissage des MCO par des résidus, avec les critiques que l'on sait par ailleurs.

COGEMA n'a manifestement pas forgé sa doctrine, peut-être parce qu'elle sent que tous les atouts ne sont pas dans sa manche. Lors de l'audition publique, au tout début des échanges relatifs aux résidus miniers,

Il est vrai que la France est privilégiée dans la mesure où les sites d'extraction et de traitement ainsi que les stockages de résidus sont désormais propriété d'un unique gestionnaire : COGEMA.

En France, c'est donc à l'ANDRA qu'il incombera de prendre le relais de COGEMA pour assurer la surveillance et la prise en charge d'éventuelles interventions qui s'avéreraient nécessaires ultérieurement pour assurer la protection des personnes et de l'environnement. Dans son rapport, J.Y. LE DÉAUT demandait que soient étudiées dès aujourd'hui les modalités financières de ce transfert de responsabilité. De même le rapport BARTHELEMY-COMBES note que " cette surveillance à très long terme représente une charge financière pour l'ANDRA. En application du " principe pollueur-payeur ", cette charge devrait être compensée par le versement lors du transfert de responsabilité par l'ancien exploitant, soit à l'ANDRA directement soit à un fonds ad hoc, d'une somme couvrant l'ensemble des dépenses à courir aussi bien pour la surveillance programmée que pour d'éventuelles interventions qui pourraient être nécessaires à terme. "

La première ligne de protection institutionnelle porte sur les personnes supportant la charge de la responsabilité. Les considérations précédentes m'incitent à recommander de la compléter par une ligne de protection portant sur les biens. Le droit français a institué à cet égard un outil fort efficace : les servitudes. Restriction légale à l'exercice du droit de propriété , elles peuvent être d'utilité privée (droit de passage...) ou publique (besoins de certains services publics ; sûreté, sécurité, salubrité publiques ; voirie, urbanisme...).

Dans le cas des stockages de résidus, il s'agirait évidemment de servitudes d'utilité publique. Leur caractère légal découlerait de l'application des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée par les lois n° 87-565 du 22 juillet 1987 et n° 92-646 du 13 juillet 1992. La loi de 1987 a introduit dans le texte initial la possibilité d'instituer des servitudes d'utilité publique " concernant l'utilisation du sol, ainsi que l'exécution de travaux soumis au permis de construire ". Il ne s'agit cependant ici que de protéger les environs d'une installation classée " susceptible de créer, par danger d'explosion ou d'émanation de produits nocifs, des risques très importants pour la santé ou la sécurité des populations voisines et pour l'environnement. " C'est la loi du 13 juillet 1992, d'ailleurs largement inspirée par un rapport de l'Office parlementaire , qui a étendu la possible institution de servitudes aux sites de stockages de déchets : " ces servitudes peuvent, en outre, comporter la limitation ou l'interdiction des modifications de l'état du sol ou du sous-sol et permettre la mise en œuvre des prescriptions relatives à la surveillance du site. Dans le cas des installations de stockage des déchets, elles prennent effet après l'arrêt de la réception des déchets ou après la réalisation du réaménagement du site. Elles cessent d'avoir effet si les déchets sont retirés de la zone du stockage. "

L'antidote à l'oubli et l'abandon passe évidemment par l'affirmation de la présence constante de l'autorité publique. Une grande partie de la prévention qui anime les opposants à COGEMA pourrait être simplement évitée, ici en Limousin comme ailleurs. Cela ne veut pas dire pour moi qu'il faille " étouffer " l'exploitant : la souplesse du régime des ICPE est aussi indispensable que la rigueur de ce même régime . J'ai proposé quelques pistes, qui ne prétendent ni à l'exhaustivité ni à une efficacité sans faille. Leur mise en œuvre nécessitera une humilité et une ténacité conjuguées.

Puisse mon action au sein de l'Office contribuer à ressouder des liens et éviter des fractures dommageables pour tous. Je reste vigilant et attentif.

II - LA RÉPONSE DE LA COGEMA

Il est apparu utile à votre Rapporteur de vous communiquer le texte de la réponse que lui a apporté la COGEMA.

Les principaux objectifs que s'est fixé COGEMA pour le réaménagement des sites miniers sont les suivants :

    • Assurer une stabilité pérenne, en termes de sécurité et de salubrité publiques,
    • Réduire autant que possible les impacts résiduels,
    • Prévenir tout risque de remise en cause par intrusion intempestive,
    • Réduire la surface des terrains soumis à servitudes d’usage,
    • Favoriser la reconversion du site soumis ou son ouverture à des activités de surface
    • Réussir pleinement l’intégration paysagère, en concertation avec les intervenants locaux.

Pour atteindre ces objectifs, COGEMA applique les principes suivants :

    • respecter strictement la réglementation en vigueur,
    • tenir ses engagements,
    • informer et consulter tous les intervenants potentiels en temps utile,
    • préférer les mesures préventives aux mesures curatives,
    • rechercher les solutions présentant le meilleur rapport qualité/coût.

Depuis 1994, dans le cadre de sa démarche d'amélioration continue de la gestion des résidus miniers, et suite aux recommandations des rapports de MM. BARTHELEMY, LE DÉAUT et BIRRAUX, COGEMA a entrepris les actions de progrès suivantes :

    • Amélioration de la connaissance des " termes sources " que sont les stockages de résidus de traitement des minerais d'uranium, de leur fonctionnement et de leur évolution. Des études sont menées dans le cadre de programmes communautaires sous forme de thèses, en collaboration avec des laboratoires spécialisés. Elles ont permis de mettre en évidence l'évolution minéralogique des résidus, les spéciations des éléments polluants tels que les radionucléides et métaux associés. Elles conduisent au constat d'une faible mobilité de ces éléments qui sont fixés sur des minéraux néoformés stables. L'évolution favorable du chimisme des eaux issues des résidus confirme les résultats obtenus. Les modélisations sur l'évolution à long terme, actuellement en cours, s'inscrivent en tant que prolongement direct de ces études.
    • Etude sélective des différents flux d'eau circulant sur les sites, et de leur évolution ; elle conduit à une conception optimisée de leur gestion et à l'adaptation, le cas échéant, des procédés de traitement.
    • Remodelage systématique et confortement, si nécessaire, des ouvrages de confinement (digues) après expertises géotechniques par des cabinets spécialisés.
    • Optimisation de la couverture des stockages (épaisseur et nature des matériaux). Elle est basée sur des essais réalisés sur site, sur des périodes représentatives, permet de mesurer l'effet atténuateur de différentes configurations sur l'impact radiologique résiduel. Ces tests sont complétés par des modélisations visant à définir la morphologie de couverture offrant la meilleure résistance à l'érosion, et prenant en compte les tassements prévisionnels des résidus recouverts. La végétalisation fait également l'objet d'études par des organismes spécialisés.
    • Amélioration de l'appréciation de l'impact résiduel des stockages réaménagés, basée sur des études menées par COGEMA, en collaboration avec l'IPSN, sur des modes de propagation du radon dans les résidus, au travers des couvertures, et sur la possibilité de discrimination entre le radon naturellement présent dans les zones uranifères, et le radon issu des stockages de résidus. Ces études s'appuient sur des instrumentations spécifiques de " sites pilotes " du Limousin. Elle est complétée en interne par une réflexion sur la qualité des mesures dans l'environnement, le positionnement des stations de contrôle, et la définition des groupes de référence des populations 1es plus exposées (CIPR 60 - DE 96/29).
    • Participation de COGEMA aux " Consultation Technical meetings " de l'AIEA sur la gestion des résidus miniers et des produits de démantèlement des inflations, la modélisation des voies de transfert de 1a radioactivité vers l'homme (BIOMASS) et aux groupes de travail nationaux sur la définition de la gestion des déchets de très faible activité (contribution régulière à l'inventaire ANDRA).
    • Etude commune avec le CEPN de l'évaluation des impacts radiologiques (radon) associés aux stockages de résidus de traitement de minerai, dans le cadre des études comparatives des coûts externes des filières énergétiques (" étude externe "). Les résultats confirment ceux obtenus par SENES lors de l'étude commanditée par l'Uranium Institute en 1998.
    • Proposition d'un concept de stockage unique qui regroupe en un même lieu les produits à gérer, radiologiquement comparables, que sont les résidus de traitement, les boues résiduaires du traitement des eaux, et les produit de démantèlement non valorisables des installations industrielles (trois réalisations concrètes Ecarpière, Brugeaut, Hérault).

    • Selon le souhait de la DPPR, élaboration avec l'lPSN-DPRE (qui expertise régulièrement les sites réaménagés de COGEMA) d'une doctrine sur la gestion des stockages de résidus miniers, dont l'objet est la présentation des options actuelles de réaménagement, ainsi que des principes et méthodes permettant de bien apprécier l'efficacité afin de garantir la protection de l'homme et de l'environnement en suivant les recommandations de la CIPR 60 et de la Directive Européenne 96/29.

    • Mise en place (en cours) sur les unités minières de COGEMA, en France et à l'étranger, de Systèmes de Management Environnementaux (cadre ISO 14001) qui permettront la comparaison des pratiques internationales en matière de gestion des résidus miniers.

    • Enfin, outre la communication régulière aux riverains des résultats des contrôles environnementaux (lettres d'information, rapports annuels environnement, exposés aux élus, aux conseils municipaux...) et sa participation aux commissions locales d’information, COGEMA organise des visites de sites (journées portes ouvertes ou réponses à des demandes spécifiques), et contribue à faciliter la réalisation des expertises indépendantes qui peuvent être demandés. "

Cette réponse se veut bien sûr rassurante mais, comme le souligne elle-même la COGEMA, les interventions de votre Rapporteur ont hâté ses décisions. Je suis convaincu que, dans un domaine où la gestion s’opère sur une longue période, l’Office parlementaire doit ancrer son travail dans la durée.

Conclusion

Au terme de ce rapport, il convient de dresser un bilan de l’action de l’Office parlementaire dont l’action s’inscrit dans le cadre des pouvoirs du Parlement, c’est-à-dire du contrôle et non de la décision ; il n’appartient pas au Parlement de délivrer des injonctions à l'administration, c’est le rôle du Gouvernement.

Cette situation rend difficile l’identification des décisions ; il est certes possible de dire qu’une décision résulterait directement et exclusivement des opinions émises par un organe parlementaire.

Il serait puéril de prétendre que les décisions intervenues dans le sens souhaité par l’Office parlementaire résulteraient uniquement de la volonté de ce dernier car les processus de décision de l’Etat sont complexes. Le rôle de l’OPECST est d’abord de délivrer une vision prospective permettant d’éclairer les décideurs en leur assurant une information de qualité.

L’exercice auquel s’est livré votre Rapporteur est donc difficile ; il ne s’agit pas pour lui de se livrer à un exercice d’autosatisfaction mais d’apprécier l’influence d’un travail au regard des décisions prises. Alors que la base législative de l’activité nucléaire est dans notre pays extrêmement ténue, contrairement à nos voisins, et qu’aucun règlement ne confiait un rôle à l’OPECST dans ce domaine, l’Office parlementaire a su se créer une voie et une place originale dans le domaine du contrôle de la sûreté nucléaire. Il a su aussi créer une voie originale et profondément novatrice dans les méthodes de travail parlementaire.

L’Office parlementaire figure, sans qu’aucune demande n’ait été formulée en ce sens, dans tous les organigrammes des autorités de sûreté nucléaire où une mission d’audit permanent de la sûreté nucléaire lui est attribuée. Cette reconnaissance s’est traduite par des invitations à de nombreuses conférences, la désignation des parlementaires de l’Office dans les conseils d’administrations d’organismes publics en charge des questions nucléaires et, plus récemment, par une mission de réflexion confiée au Président de l’OPECST par le Premier ministre.

La démarche engagée par l’OPECST s’est en effet voulue profondément novatrice publique il est sain qu’un organisme essaye d’évaluer le rôle qui est le sien même si aujourd’hui la place qui lui est reconnue est indéniable.

Il apparaît à travers ce rapport que l’action de l’Office a été doublement utile par sa méthode de travail et par ses propositions.

Par sa méthode de travail

Le seul lieu où, à la stupéfaction de nos invités allemands, nous puissions parler sereinement du projet EPR est l’OPECST, où les écologistes aussi bien que les syndicalistes et les dirigeants arrivent à dialoguer.

Le travail de transparence, de dialogue, de connaissance, réalisé ces dix dernières années à lui seul a permis avec peu de moyens d’apporter une pierre essentielle au débat. Nous en avons eu récemment un exemple avec les étangs de Saclay où une polémique n’a pu se développer car tous les éléments du débat se trouvaient déjà dans le rapport 1996 de l’OPECST.

Pour être crédible, la méthode de travail retenue implique un important travail de terrain, qui a permis de faire des propositions qui ne sont pas simplement la synthèse de l’opinion des dirigeants.

Cette méthode empreinte de pragmatisme a permis de déboucher sur des propositions qui ont contribué au renforcement de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.

    • Dans le domaine des structures, l’érection en direction de la DSIN, la création d’un bureau de la radioprotection et la transformation en établissement public de l’OPRI sont intervenus sous la pression de l’OPECST, dont l’action a permis de passer outre à l’opposition de certaines administrations.
    • En matière d’études, la quasi-totalité de celles qui ont été demandées par l’OPECST ont été réalisées (cf. liste annexée).
    • Les modifications réglementaires intervenues en 1997 (décret n°97-137 du 13 février 1997) pour améliorer la sécurité des travailleurs intérimaires résultent directement de l’impact médiatique et politique des rapports de l’Office Parlementaire.
    • L’amélioration des processus de maintenance des centrales électronucléaires a permis la mise en œuvre des recommandations de l’Office de 1990, 1991 et 1992 sur des points aussi essentiels que la suppression de la sous-traitance des tâches relevant directement de l’exploitant nucléaire, l’application de la loi du 31 décembre 1975 sur le contrôle des sous-traitants, le respect de la législation du travail.
    • Les travaux de l’Office parlementaire ont permis de clarifier des problèmes tels que le niveau des provisions nécessaires au démantèlement des installations nucléaires.
    • De même, les informations synthétisées par les rapports sur le effluents radioactifs ou les résidus miniers ont permis de prévenir des crises et convaincu EDF et le CEA de poursuivre une politique de réduction des effluents en les dissuadant de se satisfaire du fait que le niveau des effluents était inférieur aux normes autorisées.
    • Dans le domaine de la communication, les auditions ouvertes à la presse réalisées par l’Office parlementaire ont constitué ces dix dernières années le forum le plus authentiquement pluraliste pour aborder les questions scientifiques et de sûreté liées à l’énergie nucléaire.
    • Ces auditions se sont traduites par des résultats concrets : par exemple, l’étude attentive du projet de réacteur hybride du Professeur Carlo RUBBIA a été engagée par le CEA à la suite de son audition par l’Office parlementaire.

Au-delà de l’analyse des propositions formulées par l’Office parlementaire, le rapport qui vous est soumis dégage trois enseignements :

– Une insatisfaction vis à vis de deux problèmes majeurs le manque d’efficacité de l’aide occidentale, en particulier européenne, vis à vis des PECO.

I - Des investigations demeurent nécessaires, en particulier dans les domaines de la radioprotection et de la sûreté des centrales des PECO.

Tout au long de ce rapport, nous constatons que les principales crises rencontrées par les installations nucléaires sont des problèmes liés à la radioprotection, je dois avouer que je n’ai pas pour le moment réussi à obtenir que les structures sanitaires suivent la même évolution que celles de la sûreté. La transformation du SCPRI en OPRI et la création d’un bureau de la radioprotection sous la pression de l’Office, n’ont pas donné à ces organismes l’autorité qui devrait être la leur. L’analyse que je développe dans ce domaine repose sur une idée simple : il est temps de rétablir l’autorité de l’Etat ; la politique conduite en matière de radioprotection doit relever de l’autorité politique et non de la cogestion avec l’exploitant. Cette idée va bien au-delà de la pétition de principe car elle conditionne la crédibilité de la filière électronucléaire aux yeux de l’opinion publique.

– Au niveau international, une grande inquiétude s’est fait jour sur l’état de la sûreté des centrales des PECO et je suis convaincu de la nécessité de réaliser rapidement des investigations complémentaires. Dès 1992, j’avais plaidé pour qu’une action de grande ampleur soit conduite au niveau international mais en insistant sur le fait qu’il ne fallait pas laisser la gestion des programmes d’assistance à la Commission européenne, qui s’est lancée dans un mécanisme permanent de revendication d’un élargissement de ses compétences alors qu’elle n’a pas les moyens de les exercer. Hélas ! le récent rapport de la Cour des Comptes européenne est venu confirmer le bien-fondé de mes analyses car, dès 1990, l’incapacité de la Commission à conduire la mission d’aide à la sûreté des centrales de l’Est était évidente. C’est pour cette raison que j’avais souhaité voir la réalisation de cette tâche confiée à un consortium d’industriels sous la surveillance et le contrôle de la Commission européenne ; aussi, je persiste et propose que l’association des autorités de sûreté soit délégataire de la gestion des programmes d’aide aux centrales nucléaires des pays de l’Est. Cette position est d’autant plus logique que la sûreté nucléaire ne relève pas des compétences de l’Union européenne mais de la coopération intergouvernementale.

II - Par contre, la crédibilité de l’autorité est établie et les efforts des exploitants en matière de sûreté réels.

III - Mais il existe des domaines où la vigilance doit subsister, en particulier le démantèlement. Cette question de l’aval du cycle et du démantèlement appartient à ces thèmes récurrents où l’industrie nucléaire est soupçonnée de refuser le jeu de la transparence. Objet de polémiques, du fait de la volonté de certains de prouver la non-rentabilité de l’énergie nucléaire, elle a donné lieu à des investigations très approfondies de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en 1994 pour lever certaines ambiguïtés, clarifier certains choix ou certaines stratégies, voire corriger certaines idées fausses. Quel que soit le mode de financement retenu, aucune certitude ne peut être donnée sur la pérennité des sommes destinées au démantèlement. Comme le souligne la Cour des Comptes, " le volume des actifs financiers spécifiquement destinés à la couverture des charges futures du parc nucléaire est jusqu’à présent limité, et le lien établi avec ces charges est fort ténu ", car les provisions d’EDF devront également financer un régime de retraite amené à connaître une situation difficile à compter de 2015.

Une clarification s’impose pour s’assurer de la bonne fin des provisions.

La situation de la COGEMA serait plus satisfaisante, mais la situation la moins satisfaisante est celle du CEA qui doit financer des charges d’assainissement sur des ressources budgétaires négociées chaque année avec la tutelle.

Même si la perspective du démantèlement est à long terme, nous devons y consacrer une grande vigilance et du sérieux, présenter honnêtement les termes du débat. Je n’y ai personnellement pas trouvé les éléments de diabolisation que certains y trouvent.

- Les effluents radioactifs

Si, en 1994, ils ne faisaient pas l'objet d'une mobilisation particulière, il n’en est plus de même aujourd’hui.

J’observe que les recommandations de l’Office concernant l’agrément de laboratoires, la clarification des relations avec les INB et le Haut Commissaire, l’épidémiologie, la gestion des effluents au CEA, l’information du public et la transparence, ont reçu une suite positive comme la publication du point zéro de Tricastin.

J’observe également que la révision à la baisse des autorisations de rejet est bien engagée.

Si, pour les effluents radioactifs, des progrès très sensibles ont été enregistrés, le problème qui se pose est celui de la nature des normes de rejet : doivent-elles être un signal d’alarme ou revêtir un caractère infractionnel ?

Certaines organisations font du respect strict des normes leur cheval de bataille et elles ont raison de le faire.

La difficulté de cette question est double : la France a eu une conception infractionnelle du respect des normes alors que ces dernières sont d’abord des signaux d’alerte. En effet, dans le domaine nucléaire, elles se situent à des niveaux suffisamment bas pour qu’un dépassement, peu important bien sûr, ne soit pas synonyme de danger pour la santé humaine. Cette approche, bien sûr, a des vertus dans la mesure où elle permet de disposer de signaux d’alerte et devrait conduire à remettre en cause certaines pratiques comme certaines entreprises, qui communiquent sur les moyennes de leurs rejets et non sur les pics enregistrés, alimentant par là inutilement bien des soupçons.

Les limites de ces actions existent quand, en s’appuyant sur l’Union européenne et à l’occasion de la définition de normes sanitaires, certains essaient, hors de toute considération de santé publique, d’entraver l’industrie nucléaire en posant des seuils extrêmement bas, par exemple pour le tritium où l’Organisation Mondiale de la Santé estime que le seuil d’alerte se situe à 7 800 becquerels quand des groupes d’experts de l’Union européenne veulent placer la barre à 400 becquerels.

La question à se poser est celle des conséquences sanitaires pour la population.

L’absence d’autorité de radioprotection se fait là encore cruellement sentir, pour arbitrer, dire le droit et la manière d’interpréter les normes.

Je demeure persuadé que si, en face des normes de rejet, comme des mesures effectives, on calculait et publiait la dose dérivée, on s’épargnerait bien des polémiques stériles.

L’originalité de la procédure de contrôle engagée par l’Office parlementaire réside dans son caractère dynamique ; il ne s’agit pas de faire simplement un travail d’inspection ; le travail de terrain considérable effectué par votre Rapporteur permet également à l’OPECST d’être un aiguillon, une force de proposition et un forum où tout peut être dit.

Examen du rapport par l’Office

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’est réuni le mardi 23 mars 1999 pour examiner la deuxième partie du rapport de M. Claude BIRRAUX sur le bilan et les perspectives de la politique de sûreté des installations nucléaires.

Après que le président Revol a tenu à souligner que le rapporteur avait effectué un travail colossal illustrant la vocation de l’Office : éclairer les choix, M. Claude Birraux a présenté son rapport qui constitue une synthèse de l’ensemble des rapports précédemment soumis à l’OPECST.

Claude Birraux a fait observer que le rapport sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires constitue cette année un exercice d’introspection sur le rôle d’un organisme parlementaire : l’évaluation de l’influence de l’évaluateur.

Depuis 1990, huit rapports ont été publiés. Ils totalisent 15 volumes, 4 587 pages et 118 propositions. Ils ont permis à l’Office parlementaire d’aborder l’ensemble des questions touchant à la sûreté et à la sécurité nucléaire.

La démarche de l’Office est originale et innovante. En effet, c’est la première fois que des rapports parlementaires traitent sur une longue période un thème aussi précis que controversé, en essayant d’être dans une démarche de fond, scientifique, technologique et de prospective.

Le rapporteur a rappelé qu’il était le regard extérieur du nucléaire, et n’avait pas la vocation, ni l’envie de se substituer à qui que ce soit ; d’autre part, la pérennité de la mission a changé la nature de ses relations avec ses interlocuteurs qui ont compris qu’il ne se contenterait jamais d’une approche superficielle et d’une argumentation d’affichage et de façade.

L’Office est devenu le lieu où l’on peut débattre d’une manière sereine et posée des problèmes nucléaires. Lors de l’audition sur l’EPR, nos invités allemands ont été stupéfaits que le dialogue ait pu se dérouler aussi sereinement entre les industriels, les politiques, les écologistes et les syndicalistes.

Conscient et confiant dans son rôle de rapporteur, il a veillé scrupuleusement à ce que chacun puisse s’exprimer librement et que les questions posées ne restent pas sans réponse et le rapporteur a pu constater que sans l’avoir demandé, l’Office figure dans tous les organigrammes de la sûreté nucléaire, y compris à la NRC américaine.

Cette reconnaissance est marquée par la participation de scientifiques de haut niveau et de renom aux auditions publiques -Prix Nobel, Académie des sciences, Commission internationale de protection radiologique (CIPR) .... Elle s’est aussi traduite par des invitations à des conférences scientifiques, nationales, européennes ou internationales, où il a présenté des communications, participé à des débats ou présidé des sessions ; il a ainsi représenté l’Office dans 34 de ces conférences.

Cette reconnaissance s’est enfin traduite par la consécration de la communauté scientifique, puisque le rapporteur s’est vu décerner le Prix de la 4ème Journée de médecine nucléaire de l’Institut Gustave Roussy.

Le rapport présenté aujourd’hui est bâti à partir des réponses à ses recommandations, en essayant de construire un travail qui évite l’écueil du catalogue et dégage des perspectives d’amélioration et d’approfondissement.

Il mesure les progrès de la transparence en ce domaine, en grande partie sous l’influence des travaux conduits par l’Office parlementaire, soit par lui-même ou par d’autres rapporteurs, Christian Bataille, Jean-Yves Le DÉaut, Robert Galley, Frank SÉrusclat.

Nous avons eu récemment un exemple de preuve de ce travail de transparence réalisé par l’Office avec les étangs de Saclay, où une polémique n’a pu se développer car tous les éléments se trouvaient dans le rapport 1996 de l’OPECST.

Certaines de ses recommandations pointaient déjà des sujets sensibles, qui sont toujours d’actualité, faute d’avoir eu un traitement approprié et efficace. Sur les 118 propositions formulées par Claude Birraux depuis 1990, 73 sont entrées ou en train d’entrer dans les faits.

Il serait puéril et présomptueux de prétendre que les décisions positives résulteraient uniquement de la volonté de l’OPECST, car les processus de décision de l’Etat sont complexes. Néanmoins, les interventions de l’Office ont participé à des décisions favorables à la sûreté : création de la DSIN, transformation du SCPRI en OPRI, bureau de radioprotection à la DGS, protection radiologique et suivi médical des travailleurs intérimaires, orientation des recherches pour l’incinération et le projet Rubbia....

Et même lorsque les recommandations de l’Office n’ont pas été suivies, comme pour les pays d’Europe centrale et orientale, la pertinence et la justesse des analyses ont été confirmées par les faits. Les critiques formulées par la Cour des Comptes européenne en 1998 étaient déjà contenues dans le rapport de l’OPECST de 1992.

Pour le rapporteur, ce bilan se répartit en 3 catégories :

– Les évolutions satisfaisantes :

L’autorité de sûreté : la DSIN et son appui technique l’IPSN ont assis leur autorité, leur indépendance et renforcé la transparence. Les réformes en préparation ne doivent pas fragiliser cet édifice qui a fait ses preuves. En fait, la véritable question à se poser est la suivante : ne faut-il pas compléter son domaine d’activité, en étendant ses compétences aux INB secrètes ? La quasi-totalité des recommandations concernant la DSIN ont été mises en œuvre. S’agissant du CEA, les résultats enregistrés au niveau de la sûreté des sites sont encourageants, ainsi qu’en matière de rejet d’effluents. De plus, la réactivité récente du CEA et la manière dont il a su, en un an, remettre de l’ordre dans le recensement de ses sources radioactives est remarquable. Le CEA s’est également recentré sur ses missions, donnant une meilleure lisibilité de son rôle. Toutefois, pour EDF, l’honnêteté commande de rappeler que le nombre d’incidents a fortement décru depuis une dizaine d’années. Le récent rappel à l’ordre de l’autorité de sûreté montre que le retour d’expérience, l’entretien d’une culture de sûreté nécessitent une attention et une vigilance de tous les instants qui doivent bannir l’autosatisfaction dont EDF a été victime. Cela démontre une fois encore que la sûreté n’est pas ce nirvana qu’on atteint et où on demeure, mais qu’elle se reconstruit chaque jour.

Pour ce qui est des recommandations de l’OPECST, une suite positive a été donnée, en particulier dans la maintenance avec une clarification de la relation avec les sous-traitants.

Néanmoins, si EDF a revu les tâches qui relèvent de l’exploitant et ne peuvent être sous-traitées dans les activités maintenance, EDF n’a pas poussé au maximum l’analyse : il y avait là les prémisses de la faiblesse plus générale concernant la propreté radiologique.

Il serait injuste de nier les progrès réalisés dans le domaine de la radioprotection. Si le rapporteur a souvent été désagréable pour le ministère de la Santé et la DGS, leur approche nouvelle de la radioprotection n’a pas été spontanée, il faut rendre justice des progrès accomplis (la création du bureau de radioprotection, la création de l’OPRI et le renforcement de ses moyens, un meilleur suivi des travailleurs, des dispositions pour protéger les intérimaires, une prise en compte sérieuse de la traduction des directives européennes -normes de base et protection des travailleurs des entreprises extérieures, une tentative de créer des groupes d’experts, avec la création d’une section radioprotection au Conseil Supérieur d’Hygiène Publique).

– Les évolutions insuffisantes ou non satisfaisantes où des progrès plus rapides sont souhaitables :

En 1992, le rapporteur avait plaidé pour une action de grande ampleur conduite au niveau international, en demandant à ce que la Commission européenne mette en œuvre des procédures spécifiques qui répondent à l’urgence d’une action déterminée.

A ses yeux, le récent rapport de la Cour des Comptes est venu confirmer le bien-fondé de ses analyses et l’incapacité de la Commission à conduire la mission d’aide à la sûreté des centrales de l’Est. S’il est vrai que ses services ne sont pas assez étoffés, il s’étonne qu’elle revendique en permanence un élargissement de compétences qu’elle n’a pas les moyens d’exercer. Pour lui, la situation actuelle ne peut perdurer, la Commission étant entre les mains des consultants.

Pour lui, des procédures spécifiques, plus rapides et plus efficaces doivent être mises au point -divergence avec la Cour des Comptes, il ne propose pas de revenir au droit commun- le rôle de la Commission est d’impulser, de fédérer et de coordonner. Elle doit s’entourer et s’appuyer sur des compétences existantes regroupées en consortium.

Enfin, sur le plan international, il a tenu également à souligner qu’il ne fallait pas oublier que la place occupée par des Français dans les organisations internationales -en particulier l’AIEA- est indigne du rang et de la place du nucléaire en France.

Pour le rapporteur, nous constatons que les principales crises rencontrées par les installations nucléaires sont des problèmes liés à la radioprotection (Golfech, Tricastin par exemple).

Or, il ne peut pas considérer que la création d’un simple bureau au sein de la DGS constitue une réponse suffisante à son attente.

Faut-il dès lors s’étonner que, lors de l’incident sérieux de Tricastin, la première autorité à s’exprimer fut la DSIN ? Qu’en est-il dans le domaine de la radioprotection ?

Qui peut parler haut et fort, être le juge de paix en radioprotection, ou en rejets d’effluents ?

La logique défendue par le rapporteur, c’est celle d’un pôle sanitaire de radioprotection, dont l’OPRI serait le bras séculier et qui s’appuierait aussi sur la recherche pour affiner son expertise.

 Pour Claude Birraux, d’autres points demeurent en suspens tel que le démantèlement des installations nucléaires : le rapport rappelle la nature exacte des provisions comptables, qui ne sont pas -comme on le dit souvent- une " tirelire " dans laquelle on viendra puiser le moment venu ...

Quel que soit le mode de financement retenu, aucune certitude ne peut être donnée sur la pérennité des sommes destinées au démantèlement. Les fonds externes sont soumis au risque d’instabilité des marchés financiers, difficilement maîtrisable sur plusieurs décennies. Les fonds internes sont liés à la solidité financière de l’entreprise : sont-ils bien protégés des créanciers en cas de faillite de l’exploitant ou soustraits à la "convoitise " des ministres des Finances ? ne risquent-ils pas d’être "perdus " si l’entreprise est séparée en plusieurs entités distinctes ? Comme le souligne la Cour des Comptes, " le volume des actifs financiers spécifiquement destinés à la couverture des charges futures du parc nucléaire est jusqu'à présent limité, et le lien établi avec ces charges est fort ténu ". Une clarification s’impose, pour s’assurer de la bonne fin des provisions.

S’agissant des effluents radioactifs, si, en 1994, ils ne faisaient pas l’objet d’une mobilisation particulière, il n’en est plus de même aujourd’hui.

Pour le rapporteur, les recommandations de l’Office concernant l’agrément de laboratoires, la clarification des relations avec les INB et le Haut Commissaire, l’épidémiologie, la gestion des effluents au CEA, l’information du public et la transparence, ont reçu une suite positive, comme la publication du point zéro de Tricastin.

Toutefois si, pour les effluents radioactifs, des progrès très sensibles ont été enregistrés, le problème qui se pose est celui de la nature des normes de rejet : doivent-elles être un signal d’alarme ou revêtir un caractère infractionnel ?

La difficulté de cette question est double : la France a une conception infractionnelle du respect des normes alors que ces dernières sont d’abord des signaux d’alerte. En effet, dans le domaine nucléaire, elles se situent à des niveaux suffisamment bas pour qu’un dépassement, peu important bien sûr, ne soit pas synonyme de danger pour la santé humaine. Toutefois, les limites de ces actions existent quand, en s’appuyant sur l’Union européenne et à l’occasion de la définition de normes sanitaires, certains essayent, hors de toute considération de santé publique, d’entraver l’industrie nucléaire en posant des seuils extrêmement bas, par exemple pour le tritium où l’Organisation Mondiale de la Santé estime que le seuil d’alerte se situe à 7 800 becquerels quand des groupes d’experts de l’Union européenne veulent placer la barre à 400 becquerels.

La question à se poser est celle des conséquences sanitaires pour la population.

L’absence d’autorité de radioprotection se fait là encore cruellement sentir, pour arbitrer, dire le droit et la manière d’interpréter les normes.

Claude Birraux demeure persuadé que si, en face des normes de rejets, comme des mesures effectives, on calculait et publiait la dose dérivée, on s’épargnerait bien des polémiques stériles.

En outre, le rapporteur s’est inquiété du respect des normes des transports où l’absence d’une autorité de la radioprotection explique en partie les problèmes rencontrés, ainsi que des résidus miniers où il faut espérer que le plan global qui est en cours d’étude sera mis en œuvre d’ici la fin de l’année, le ministère de l’Environnement en s’appuyant sur un rapport de l’IPSN lui a en effet indiqué qu’un plan global de traitement des résidus des mines d’uranium devrait être présenté d’ici la fin du mois de juin mais, à ses yeux, le ministère de l’Environnement ne manifeste pas une célérité exceptionnelle.

Alors que la base législative de l’activité nucléaire est dans notre pays extrêmement ténue, contrairement à nos voisins, alors qu’aucun règlement ne confiait un rôle à l’OPECST dans ce domaine, l’Office a su se créer aux yeux du rapporteur une voie et une place originale dans le domaine du contrôle de la sûreté nucléaire. Il a su aussi créer une voie originale et profondément novatrice dans les méthodes de travail parlementaire.

Après que le président Revol eut insisté sur le caractère de longue haleine du travail de M. Claude Birraux, M. Robert Galley a interrogé le rapporteur sur l’intérêt éventuel d’aller plus loin dans l’organisation européenne de la radioprotection. Pour ce dernier, il est à craindre que, par le biais de la radioprotection, ne soit engagée une stratégie de contournement du traité EURATOM. Le débat européen est en effet difficile entre les pays ne disposant pas d’énergie nucléaire. Or, la sûreté nucléaire n’est pas un nirvana et il est nécessaire d’accroître les compétences dans chaque pays. Pour le rapporteur, l’Union européenne a une conception en termes de papier de la sûreté et ne sait pas participer à un processus interactif, or l’association des autorités de sûreté présente toutes les garanties. Citant l’exemple de la Lituanie, il a regretté le manque de lisibilité de l’action de l’Union européenne qui ne prend pas en compte les progrès réalisés, il a sur ce dernier point rappelé que les autorités de ce pays souhaitaient l’arbitrage d’experts internationaux.

En réponse à M. Serge Poignant, qui s’inquiétait de l’absence de loi cadre, M. Claude Birraux a souligné que l’absence de base législative constitue un problème sérieux qui obligeait par exemple à recourir à un texte portant diverses mesures d’ordre social pour opérer la transcription des directives européennes sur les normes de protection radiologique, d’autant que le projet de loi annoncé par le Gouvernement n’inclut pas la radioprotection, contrairement aux propositions formulées par M. Jean-Yves Le DÉaut, propositions avec lesquelles il est en désaccord sur la gestion du nucléaire médical qu’il souhaite voir demeurer sous la tutelle du ministère de la Santé.

Le président Revol s’est inquiété des tentatives " d’auto-réforme " du Conseil Supérieur de l’Information Nucléaire, sentiment partagé par le rapporteur qui considère que cet organisme doit être le forum des commissions locales d’information et qu’il convient de se garder de toute confusion des rôles.

M. Jean-Yves Le DÉaut a tenu à rappeler que pour lui, le contrôle et la sûreté devaient être organisé au mieux et l’expertise indépendante, aussi pense-t-il que la sûreté et la radioprotection doivent être liées et que le pouvoir régalien de l’Etat ne doit pas disparaître. A ses yeux, une autorité indépendante serait moins exposée aux pressions.

A l’issue du débat, la deuxième partie du rapport de M. Claude BIRRAUX a été adoptée à l’unanimité et sa publication autorisée.

 

Annexes

 

Annexe I :
LISTE DES AUDITIONS OUVERTES À LA PRESSE
ORGANISÉES PAR LE RAPPORTEUR

  • L’organisation de la sûreté (1990)
  • Les Commissions Locales d’Information (1991)
  • La Sûreté nucléaire à l’Est (1991)
  • Maintenance et Sûreté nucléaire (1991)
  • Les réacteurs du futur (1991)
  • Superphénix (1992)
  • Sécurité Civile et nucléaire : organisation en temps de crise (1992)
  • Transports de matières radioactives (1993)
  • Radioprotection et suivi radiologique des travailleurs (1993)
  • Superphénix (1993)
  • Le démantèlement des installations nucléaires (1994)
  • Les déchets de très faible activité (1995)
  • La radioprotection, bases scientifiques de révision des normes, présentation du rapport de l’Académie des Sciences (1995)
  • Le projet de réacteur accélérateur du Professeur Carlo RUBBIA (1996)
  • Le projet de réacteur franco-allemand EPR (1998)

 

soit un total de 15 auditions ouvertes à la Presse, qui ont rassemblé, ou cumulé, environ 1 000 personnes.

 

Annexe II :
LISTE DES CONFÉRENCES ET MANIFESTATIONS
QUI ONT DONNÉ LIEU À UNE PRESTATION ACTIVE
DU RAPPORTEUR

1992 :

  • communication devant un groupe de travail international de l’OCDE sur : " la participation du public à la prise de décision dans le domaine nucléaire ".

  • participation à une audition du Conseil de l’Europe sur la sûreté des centrales nucléaires de l’Est.

  • communication lors d’un colloque à Fribourg (Suisse) consacré à " l’impact des centrales nucléaires sur l’environnement ".

  • discours inaugural du colloque " Fiabilité et maintenabilité " à Grenoble.

  • intervention lors du colloque de la SFEN sur " Démocratie et nucléaire ".

  • intervention au colloque " Démocratie et Environnement " organisé par l’Entente Européenne pour l’Environnement.

 

1993 :

  • intervention au colloque de l’Association des Amis de Passage.

  • et à celui du Centre d’Etudes et de Prospective Stratégique sur la " sûreté nucléaire à l’Est ".

 

1994 :

  • présidence de la table ronde de synthèse du séminaire franco-suisse sur la gestion de crise à Paris.

  • participation à la table ronde de synthèse des journées sur " l’optimisation de la radioprotection des travailleurs dans le domaine électronucléaire, industriel et médical " organisées par la SFRP et le CEPN à La Rochelle.

  • présidence d’une table ronde au Forum International " Travail et Santé " organisé par le Ministère du Travail à Paris.

  • communication aux Assises Européennes sur la Prévention des Risques et la Sécurité dans les conditions de vie et de travail à La Rochelle.

  • présidence d’une table ronde lors du colloque " Rayonnement et société : comment appréhender le risque radiologique " organisée par l’AIEA et l’IPSN au Carrousel du Louvre.

  • présidence du " Séminaire international sur l’information des parlementaires et autres élus sur l’Energie Nucléaire " organisé par l’Agence pour l’Energie Nucléaire de l’OCDE à Prague.

 

1995 :

  • conférence devant le groupe régional SFEN " Science et Démocratie ".
  • communication à la séance de clôture du Congrès Nucléaire International Global 95 à Versailles.
  • communication devant le Haut Comité pour la Défense Civile sur " les effluents radioactifs ".
  • présidence de la Conférence de la SFEN consacrée aux " Effluents des Centrales Nucléaires ".

 

1996 :

  • présidence du colloque de la Société Française d’Energie Nucléaire (SFEN) sur les déchets de très faible activité.
  • présidence d’un colloque consacré aux risques technologiques.
  • communication sur " le scientifique, l’expert et le politique " lors du colloque organisé pour le 100ème anniversaire de la découverte de la radioactivité.
  • conférence " l’Europe et la Suisse ont-elles peur du progrès scientifique ? " devant la Fédération Romande de l’Energie à Lausanne.

 

1997 :

  • présentation introductive du rôle de l’OPECST dans le nucléaire lors du séminaire des cadres de l’IPSN.

  • communication à la Conférence Internationale ICONE 97 à Nice.
  • communication à la Conférence de l’Association Internationale de Droit Nucléaire à Tours.
  • conférence au CERN, pour la 1ère manifestation d’Euroscience.
  • communication devant la CLI (Commission Locale d’Information) de la centrale de Civaux à Poitiers.
  • présidence d’une session des Entretiens Scientifiques de Brest.

 

1998 :

  • présidence de la session de clôture et de la table ronde, de la Conférence organisée par la SFEN (Société Française d’Energie Nucléaire) et ses homologues européenne (ENS) et américaine (ANS) à Avignon sur le démantèlement des installations nucléaires.

  • présidence de la session de clôture de la table ronde finale des journées de la SFRP à La Rochelle sur l’optimisation de la radioprotection.

  • présidence de la séance de clôture et animation de la table ronde, lors du séminaire de l’Ecole de Physique des Houches, consacré aux systèmes innovants.

  • communication et participation à une table ronde, lors de la conférence organisée à Vienne par l’AIEA sur : " Nuclear, radiation, transport and waste safety ".
  • participation au séminaire organisé par l’Union Européenne à Bruxelles sur " Le nucléaire dans un monde changeant ".
  • communication à la Conférence de l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) sur l’avenir du Nucléaire.

 

Annexe III :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

Ministère des Affaires étrangères :

Mme Caroline CHEVASSON, conseiller chargé des questions nucléaires

M. ETIENNE, représentant permanent adjoint

Commissariat à l’Energie Atomique :

M. Yannick d’ESCATHA, administrateur général

M. Philippe GARDERET, directeur de la Stratégie et de l’Evaluation

M. MICHAUX, directeur délégué à la Sûreté nucléaire

M. LAVENIE, directeur de la Sûreté et de la Qualité

M. JAMPSIN, conseiller auprès du directeur des Relations internationales

M. POULARD, directeur central de la Sécurité

IPSN :

Mme SUGIER, directeur délégué

M. OUDIZE, adjoint au directeur

M. LECOMTE

Ministère de la Santé :

M. MENARD, directeur général de la Santé

M. COQUIN, sous-directeur à la DGS

M. GAUDER, chef du bureau de la Radioprotection

Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires :

M. André-Claude LACOSTE, directeur

Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants :

M. Jean-François LACRONIQUE, président

Commission européenne :

M. François LAMOUREUX (F), directeur général adjoint, DG IA (Relations extérieures : Europe et nouveaux Etats indépendants, politique étrangère et de sécurité commune, service extérieur)

M. James CURRIE (UK), directeur général, DG XI (Environnement, sécurité nucléaire et protection civile)

Mme Suzanne FRIGREN (S), directeur, DG XI / C (Sécurité nucléaire et protection civile)

M. Pablo BENAVIDES SALAS (E), directeur général, DG XVII (Energie)

M. Fabriccio CACCIA DOMINIONI (I), directeur, DG XVII (Energie)

M. Christian WAETERLOOS (B), chef d’unité, DG XVII / C (Energie nucléaire)

M. Jorma ROUTTI (Finl), directeur général, DG XII (Sciences, recherche et développement)

M. Ezio ANDRETA (I), directeur, DG XII / F (actions de RDT : énergies)

M. Umberto FINZI (I), directeur, DG XII (programme fusion)

Framatome :

M. Hervé FRESLON, directeur des réalisations nucléaires

M. Michel FONDEVIOLE, directeur des Offres et Projets

Annexe IV :
LEXIQUE

AIEA : Agence internationale de l’énergie atomique

Asset : Assessment of safety significative event team

BRP : Bureau de la radioprotection

CEA : Commissariat à l’énergie atomique

CIPR : Commission internationale de protection contre les rayonnements

CSSIN : Conseil supérieur de l’information et de la sûreté nucléaire

DRIRE : Direction régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement

DSIN : Direction de la sûreté des installations nucléaires

INB : Installation nucléaire de base

IPSN : Institut de protection et de sûreté nucléaire

OSART : Operating safety analysis review team

PPI : Plan particulier d’intervention

RBMK : initiale des mots russes signifiant : réacteur bouillant de grande puissance

SCPRI : service central de protection contre les rayonnements ionisants devenu l’OPRI (Office de protection contre les rayonnements ionisants)

 

Annexe V :
AVIS DU GROUPE PERMANENT CHARGÉ DES RÉACTEURS NUCLÉAIRES
SUR L’EXAMEN DE LA SÛRETÉ DU RÉACTEUR PHÉNIX

Pour des raisons techniques, il n’a pas été possible de reproduire cette annexe dans le document mis en ligne.