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TEXTE ADOPTÉ no 599

« Petite loi »

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

20 décembre 2000

RÉSOLUTION

sur la communication de la Commission
sur les
services d'intérêt général en Europe
(COM [2000] 580 final/n° E 1560).

Est considérée comme définitive, en application de l'article 151-3 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

Voir les numéros : 2752 et 2786.

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Union européenne.

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission « Les services d'intérêt général en Europe » (COM [2000] 580 final/n° E 1560),

Vu l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne relatif aux services d'intérêt économique général,

Considérant que les services publics sont un élément indispensable à la cohésion sociale et territoriale des Etats membres en fournissant des biens et services de qualité essentiels à tous les usagers dans le respect des principes d'égalité - se traduisant dans divers secteurs par l'application de péréquations géographiques tarifaires -, de continuité et de mutabilité ;

Considérant que la construction européenne a trop longtemps privilégié les principes de libre concurrence et de libre circulation des personnes et des biens au détriment du service public ;

Considérant toutefois que, dès l'origine, la construction de l'Europe communautaire a admis, parallèlement à l'établissement d'un grand marché et à l'affirmation des principes de libre concurrence et de libre circulation des personnes et des biens, l'existence de situations permettant à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général de déroger à ces principes ;

Considérant que le développement ultérieur de l'Union européenne a conduit les Etats membres à reconnaître, parmi les « valeurs communes de l'Union », les services d'intérêt général et « le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » ; que la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe, qui définit la doctrine actuelle de cette dernière sur le sujet, appelle, de ce fait, une attention particulière ;

Considérant que la notion de services d'intérêt général repose sur une philosophie fondée sur l'intérêt du consommateur et s'inscrit dans une analyse exclusivement économique ;

Considérant, en revanche, que la notion française de service public défend l'intérêt du citoyen et a, de ce fait, une dimension politique et sociale se traduisant, entre autres, par la prise en compte de l'intérêt national ;

Considérant que la Commission n'apporte pas la preuve que la généralisation du principe de libre concurrence dans les services publics permet de satisfaire efficacement les besoins et les droits fondamentaux de l'ensemble des citoyens, notamment en matière de logement, d'éducation, de transports, de justice, de communication ou encore d'accès à l'énergie, à la culture ou à l'information et qu'il convient donc d'évaluer les effets et les résultats de l'application des directives sectorielles adoptées à ce jour ;

Considérant que la définition des services d'intérêt général, de leurs missions et de leurs modes de fonctionnement et de financement relève de la compétence des Etats membres et qu'en conséquence il est possible, comme l'ont montré notre loi de transposition de la directive 96/92/CE du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et l'adaptation du code des postes et télécommunications aux objectifs fixés par la directive postale 97/67/CE du 15 décembre 1997, d'organiser un secteur selon des modalités conformes à la conception française du service public ;

Considérant que le rôle des services d'intérêt général doit être envisagé de manière autonome par rapport à l'établissement du marché unique et de manière globale et non sectorielle ;

Considérant que la prise en compte effective des services d'intérêt général par l'ensemble des Etats membres de l'Union passe prioritairement par la reconnaissance, dans l'ordre juridique communautaire, d'obligations de service public dans différents domaines, au regard desquelles sont ensuite définies, sans exclusive et dans un esprit d'adaptation aux demandes des citoyens de l'Union, les modalités d'exécution des différents services d'intérêt général ;

1. Souhaite que soient effectués un bilan de l'application des directives sectorielles adoptées et une étude sur l'état des services publics en Europe, dont l'analyse ne reposerait pas uniquement sur les critères libéraux de profitabilité ou de rentabilité, mais intégrerait aussi les critères d'efficacité sociale.

2. Souhaite l'élaboration, sur la base de l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne, d'un projet de directive fixant des règles générales applicables à l'ensemble des services d'intérêt général et servant de cadre à l'établissement de directives sectorielles.

3. Demande que le droit commun, ainsi constitué, des services d'intérêt général en Europe soit fondé sur les principes suivants : l'accès pour tous aux biens et services de première nécessité, l'égalité de traitement des usagers garantie par la péréquation tarifaire, la qualité des prestations, la continuité et l'adaptabilité aux besoins de la société.

4. Considère que l'accomplissement des missions des services d'intérêt général implique que l'organisation de ces derniers déroge aux règles de la concurrence ; estime que le financement de ces missions requiert des modalités spécifiques telles que subventions et compensations.

5. Déplore que l'adaptation des services publics aux règles communautaires s'accompagne d'un développement excessif d'autorités administratives indépendantes, chargées de la régulation des marchés, au détriment d'autorités politiques responsables devant le Parlement.

6. Demande que l'exercice des missions de service public soit soumis à des règles de transparence et de démocratie, les élus et les représentants des salariés étant étroitement associés à la définition et au contrôle de l'accomplissement de ces missions.

7. Demande au Gouvernement de prendre toutes initiatives utiles pour la réalisation des orientations ainsi définies.

A Paris, le 20 décembre 2000.

Le Président

Signé : Raymond FORNI.