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ART. PREMIER
N° 216
ASSEMBLEE NATIONALE
8 décembre 2005

DROIT D’AUTEUR ET DROITS VOISINS
DANS LA SOCIÉTE DE L’INFORMATION - (n° 1206)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 216

présenté par

MM. Mathus, Bloche, Christian Paul, Caresche, Migaud, Dumont, Balligand, Cohen, Habib,

Mme Andrieux, MM. Vidalies, Jean-Marie Le Guen, Le Déaut et Bateux

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ARTICLE PREMIER

Après le quatrième alinéa de cet article, insérer les cinq alinéas suivants :

« 8° la reproduction intégrale ou partielle, dans un but d’information, d’une œuvre d’art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse, écrite, audiovisuelle ou en ligne :

« a lorsqu’il s’agit de rendre compte d’événements d’actualité, dans la mesure justifiée par le but d’information poursuivi et sous réserve d’indiquer, à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur ;

« b lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’œuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans les lieux publics ;

« c lorsqu’il s’agit de l’inclusion fortuite d’une œuvre ou d’un autre objet protégé dans un autre produit ;

« d lorsqu’il s’agit d’utilisation visant à annoncer des expositions publiques ou des ventes d’œuvres artistiques, dans la mesure nécessaire à la promotion de l’événement en question et à l’exclusion de toute autre utilisation commerciale. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Certains exemples de jurisprudence ont porté préjudice à la qualité de l’information par voie de presse écrite et audiovisuelle, en application du code de la propriété intellectuelle.

En effet, à plusieurs reprises des supports d’information ont été condamnés qui à l’occasion de reportages, avaient diffusé des reproductions d’œuvres protégées.

On retrouve de tels exemples dans les cas de « courte citation » des œuvres d’art (représentation accessoire de ces dernières), dans les cas où l’œuvre constitue l’objet même de l’information ou dans les cas où l’œuvre est située en permanence dans le domaine public.

– La courte citation adaptée aux œuvres d’art : faute de dispositions spécifiques en ce sens, la chaîne de télévision France 2 a été condamnée pour avoir diffusé, dans le cadre d’un reportage consacré au théâtre des Champs-Elysées, 49 secondes d’images représentant les œuvres de Vuillard, remises en place par le théâtre quelques jours auparavant. Pourtant, tant par le sujet du reportage que par le calendrier, les œuvres ainsi reproduites se trouvaient parfaitement justifiées par le contexte d’information et à l’évidence aucun préjudice économique sérieux (ni moins encore moral) ne pouvait être allégué par les ayants droit de Vuillard dans de telles circonstances (Cass.aiv 1 - 04/07/1995 Sté nationale déprogrammes A2 c/Spadem).

– L’œuvre constitue l’objet même de l’information : faute de dispositions spécifiques en ce sens, France 2 s’est vu condamnée sur le terrain de la contrefaçon pour avoir diffusé au cours du journal télévisé de 20 heures, un reportage de 2 minutes sur une exposition consacrée à Maurice Utrillo au musée de Lodève montrant quelques-unes des œuvres exposées. La Cour de cassation a considéré que « France 2 avait la possibilité d’informer les téléspectateurs de l’existence de l’exposition sans qu’il fût indispensable de représenter les œuvres du peintre dans les conditions critiquées » (Ccass 13 nov 2003). Dans le même esprit, la Cour de cassation vient de condamner pour contrefaçon le magazine Maison Française qui avait publié la photographie d’un manteau de Sonia Delaunay, fournie par le Musée de la mode dans un article annonçant son ouverture (Ccass - 25 janvier 2005).

L’œuvre est située à titre permanent dans l’espace public : les œuvres placées sur la voie publique, soit par la volonté de leur auteur, soit par leur destination même, présentent la particularité d’être offertes à la vue de chacun. Pourtant le code de la propriété intellectuelle interdit leur reproduction. La jurisprudence récente – 15 mars 2005 – de la Cour de cassation (dite de la Place des Terreaux à Lyon) est à cet égard sans portée réelle, car liée à la configuration particulière de l’endroit (intrication de l’oeuvre contemporaine et du patrimoine).

Les législations de nombreux autres pays membres de l’Union européenne (et notamment l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, l’Espagne ou la Grèce) ont prévu de telles exceptions afin d’éviter que les supports d’information ne soient en permanence mis en cause alors même que la reproduction des œuvres présentées dans leurs reportages ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. Un équilibre a ainsi été trouvé entre la légitime protection du droit des auteurs et les nécessités de l’information.

La directive relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins prévoit, dans son article 5 des exceptions et limitations aux droits d’auteurs parmi lesquelles celles liées à l’information par voie de presse, écrite audiovisuelle ou en ligne.

C’est pourquoi, il vous est proposé de reprendre certaines de ces exceptions (5 c, h, i, j) prévues pour la presse et de donner ainsi une sécurité juridique aux supports de presse dans la transmission de leurs informations. Faute de quoi, il sera toujours impossible, en application des textes et comme l’illustre la jurisprudence de Cassation UTRILLO ou DELAUNAY, d’illustrer des reportages par des images des œuvres qu’ils présentent au public, quelles fassent, ou non, l’objet d’un commentaire. C’est ainsi toute une partie de la richesse de l’information – mais aussi le savoir-faire en matière de qualité graphique et iconographique de la presse française, notamment magazine, pourtant mondialement reconnue – qui viendrait à disparaître.