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APRES L'ART. 8
N° 33
ASSEMBLEE NATIONALE
8 octobre 2005

TRAITEMENT DE LA RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES
(Deuxième lecture) - (n° 2093)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 33

présenté par

M. Garraud

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRES L'ARTICLE 8, insérer l'article suivant :

Après l’article 763-14 du code de procédure pénale, il est inséré un titre VII quater intitulé : « de l’évaluation de la dangerosité des condamnés » comprenant six articles 763-15 à 763-20 ainsi rédigés :

« Art. 763-15. – Tout condamné à une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement ferme et en état de récidive légale peut faire l’objet d’une évaluation de sa dangerosité par le tribunal de l’application des peines saisi à cet effet par le juge de l’application des peines en charge du condamné ou par le Procureur de la République agissant soit d’office soit à la demande des parties au procès.

« Art. 763-16. – Pour procéder à cette évaluation, le tribunal de l’application des peines doit s’entourer de tous les avis d’experts utiles et ordonnera toutes les mesures indispensables destinées à appréhender la personnalité du condamné.

« Art. 763-17. – En cas de dangerosité avérée et selon son degré de gravité, une mesure de sûreté en milieu ouvert ou en milieu fermé est ordonnée par le tribunal de l’application des peines selon les modalités prévues au dernier alinéa de l’article 712-7.

« Art. 763-18. – En milieu ouvert, toutes les mesures de contrôle et d’assistance prévues dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire peuvent être ordonnées, ainsi qu’un placement sous surveillance électronique.

« En milieu fermé, la mesure de sûreté s’exerce dans un centre fermé de protection sociale créé à cet effet.

« Art. 763-19. – La durée d’exécution de la mesure de sûreté est fixée par le tribunal de l’application des peines.

« Cette durée ne peut en aucun cas dépasser le maximum de la peine prononcée par la juridiction de jugement.

« La levée de cette mesure peut intervenir à tout moment sur décision du tribunal de l’application des peines, saisi par le Procureur de la République ou à la demande du condamné, lorsqu’il est établi que celui-ci ne présente plus de dangerosité pour autrui.

« Art. 763-20. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente section. Ce décret précise notamment les conditions relatives à l’organisation et au fonctionnement du centre de protection sociale. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La proposition de loi qui nous est soumise ne tire pas toutes les conséquences de l'évaluation de la dangerosité d'un condamné.

En effet, si le placement sous surveillance électronique est indispensable à mettre en œuvre dans les conditions posées par le présent texte, le système ne suffira pas pour ceux qui sont solidement ancrés dans la délinquance, pour les grands criminels, pour les prédateurs sexuels.

Heureusement peu nombreux, il est donc possible de les traiter efficacement en les traitant différemment des autres délinquants.

Pierre MÉHAIGNERIE, alors ministre de la justice, avait commencé à trouver la solution en instaurant une période de sûreté incompressible de 30 ans.

Tout repose à mon sens sur la notion de dangerosité de l'individu.

Actuellement, dans notre droit pénal, il n'est fait quasiment jamais référence à cette dangerosité et donc ... on en tire nécessairement aucune conséquence !

J'insiste depuis des mois sur l'absolue nécessité de prise en compte de cette dangerosité dont l'évaluation doit s'effectuer avant la libération du délinquant.

Il faut tirer toutes les conséquences quand il est établi que l'individu est toujours dangereux à l'issue de sa peine et que sa réinsertion est vouée à l'échec.

Certains pays voisins de la France comme la Suisse, l'Allemagne ou les Pays-Bas ont instauré depuis longtemps des mesures destinées à garder en détention des individus qui, bien qu'ayant purgé leur peine, demeurent dangereux pour autrui.

Le Canada en fait de même. La notion de délinquant dangereux est inscrite dans la loi, depuis 1977, suite à l'abolition de la peine de mort.

Le tribunal peut déclarer une personne « délinquant dangereux » quand elle a été reconnue coupable de « sévices graves à la personne » et « constitue un danger pour la vie, la sécurité, le bien-être physique ou mental de qui que ce soit ».

Après la condamnation, tout un programme d'exécution de la peine est mis en place en fonction des risques présentés par l'individu.

Ce programme peut durer tant que la dangerosité est avérée.

Il repose sur des grilles d'évaluation, le détenu est passé au crible de plusieurs centaines de questions. Ce système très perfectionné a ainsi fait chuter le taux de récidive en matière sexuelle entre 50 et 59 % par rapport aux autres délinquants qui n'étaient pas astreints à ce programme.

En France, rien de cela.

À partir du moment où il sera décidé d'évaluer la dangerosité d'un individu, un nouveau système sera mis en place qui s'ajoutera à toutes les autres mesures qui existent et dont certaines doivent être renforcées.

Les nouvelles dispositions basées sur l'évaluation de la dangerosité seraient exclusivement de la compétence du tribunal de l'application des peines saisi par le juge de l'application des peines ou par le procureur de la République.

Des mesures de sûreté graduées seraient prononcées en fonction du degré de dangerosité du délinquant. Elles pourraient s'exercer tant en milieu ouvert à la libération du condamné qu'en milieu fermé et, dans ce dernier cas, dans la limite de la durée de la peine prononcée par la juridiction de jugement.

Cet enfermement s'effectuerait dans un centre fermé de protection sociale (Terme emprunté aux conclusions du rapport de la commission santé-justice).

Un tel établissement sera susceptible à la fois de protéger la société par la neutralisation et la mise à l'écart des grands criminels ainsi que de favoriser néanmoins toutes les mesures de réinsertion qu'il ne faut évidemment pas négliger pour laisser, même aux plus dangereux, des perspectives.

Je suis persuadé que, tôt ou tard, un tel dispositif sera mis en place. Chaque affaire dramatique relancera le débat tant que cela ne sera pas réalisé.