Accueil > Documents parlementaires > Amendements
Version PDF
ART. PREMIER
N° 44
ASSEMBLEE NATIONALE
16 mars 2005

TEMPS DE TRAVAIL
(Deuxième lecture) - (n° 2147)

AMENDEMENT N° 44

présenté par

MM. LE GARREC, LIEBGOTT, GORCE, VIDALIES, Mme HOFFMAN-RISPAL
et les membres du groupe Socialiste

----------

ARTICLE PREMIER

Supprimer cet article.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le compte épargne-temps (CET) a été instauré par la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'intéressement et à la participation afin de favoriser la gestion du temps des salariés sur plusieurs années. Il a pour objet par voie d'accord collectif de permettre au salarié qui le désire, de différer la jouissance de périodes de repos et d'éléments de rémunération en les capitalisant dans un compte afin de les utiliser postérieurement pour financer une période de congé sans solde.

Les lois Aubry ont permis de diversifier les sources d'alimentation du CET et notamment d'affecter une partie des jours de repos issus d'un accord de réduction du temps de travail et de diversifier les modalités d'utilisation, notamment pour la rémunération de temps de formation effectués en dehors du temps de travail effectif, l'indemnisation de tout ou partie des heures non travaillées dans le cadre d'un temps partiel lors d'un congé parental ou la maladie ou handicap grave d'un enfant à charge, ou le financement de la cessation progressive ou totale d'activité des salariés âgés... Et la loi du 21 août 2003 réformant les retraites a étendu l'objet du CET à la prise en compte de période pour la retraite.

Le nouvel article L. 227-1 du code du travail relatif au compte épargne temps réécrit dans la proposition détourne de son objectif premier le CET. Il a pour objet essentiel d'accumuler des droits à congé en vue de bénéficier d'une rémunération ultérieure en contrepartie de périodes de congé ou de repos non prises. Déjà la loi Fillon du 17 janvier 2003 d'assouplissement des 35 heures avait introduit comme objet nouveau du compte épargne-temps, celui « de se constituer une épargne », les droits à congés payés pouvant être « valorisés en argent ». Le texte affirme clairement que les droits affectés au CET sont utilisés en premier pour compléter la rémunération du salarié.

La suppression des limites maximales de jours de congé par an pouvant être affectés au CET (limite en vigueur 10 jours de congé par an), de jours pouvant être cumulés (maximum de 22 jours en vigueur), et du délai dans lequel les jours cumulés doivent être pris (5 ans) est contraire à la nécessité de protection de la sécurité et de la santé des salariés.

En fait le nouveau compte épargne-temps devient un outil qui permet de différer et d'annuler les repos liés à la réduction du temps de travail à 35 heures et les repos compensateurs liés aux heures supplémentaires sans garantir leur rémunération horaire et majorée.

Pire la PPL introduit une novation contraire à la liberté de choix du salarié : le CET pourra être alimenté sur l'initiative de l'employeur. Jusqu'à présent, le compte épargne-temps est alimenté à la seule initiative du salarié. Or le texte prévoit en cas de variation de l'activité, l'employeur pourra décider d'affecter au compte épargne temps du salarié des heures effectuées par le salarié au lieu de les lui rémunérer selon les règles applicables aux heures supplémentaires.

L'employeur pourra intervenir de manière unilatérale dans l'affectation du compte épargne temps et pourra se dispenser de payer en temps les heures de travail effectuées en supplément. De même l'employeur pourra affecter des augmentations ou des compléments du salaire de base sur le CET du salarié. De plus les conditions d'utilisation des droits affectés au CET selon qu'ils le sont à l'initiative du salarié ou à l'initiative de l'employeur pourront être différentes !

Enfin le compte épargne temps pourra être utilisé pour alimenter un plan d'épargne entreprise ou interentreprises ou un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO). Dans ce dernier cas l'employeur pourra déduire de l'assiette des impôts sur les sociétés les droits ou sommes versées à son initiative sur le compte épargne temps du salarié, et ces sommes bénéficieront des exonérations sociales et fiscales appliquées aux sommes versées dans ce cadre. Cette disposition constitue un véritable détournement des droits des salariés pour alimenter les profits financiers des grands groupes à travers le système de fonds de pension français !

Donc, un compte épargne temps par accord collectif sera ouvert au salarié qui le désire ou non. L'employeur de sa propre initiative pourra y affecter les heures supplémentaires du salarié, ses augmentations de salaires, primes et indemnités et décider de l'utilisation de ces droits accumulés sur le CET à son initiative pour alimenter un plan épargne entreprise ou un PERCO, ce qui va lui permettre de se dispenser d'avoir une politique d'embauche, d'avoir une réelle politique des salaires, de réduire son imposition sur les bénéfices, et d'échapper au paiement des cotisations sociales, tout en confortant le dispositif des fonds de pensions sans que le salarié en ait le choix !

Les salariés n'auront pas le choix en cas de dépassement de la durée collective de travail, ils ne pourront pas utiliser, au moment où ils en auront besoin, les contreparties légitimes au travail qu'ils auront effectué, que ce soit en droit à congé ou en rémunération. C'est une traduction particulière du slogan « travailler plus, pour gagner plus » claironnée par le Medef et reprise par le Gouvernement. Mais pire, ils ne pourront pas choisir l'utilisation de ces droits qui serviront à alimenter des fonds de pensions aléatoires quant au financement de leur future pension de retraite, sans compter le manque à gagner pour la sécurité sociale. C'est un véritable détournement des droits des salariés, c'est une véritable escroquerie.

De plus cette PPL n'apporte aucune garantie pour les salariés en cas de départ de l'entreprise, concernant le transfert des droits confiés aux accords et supprime les dispositions minimales de transfert en cas de mutation d'un établissement à l'autre ou dans une filiale du même groupe. Il est à craindre que le salarié soit grugé en cas de départ de l'entreprise.

En réalité contrairement aux objectifs annoncés ce projet est libéral à sens unique pour le patronat. Ce dispositif relève plus de l'arnaque au nom de la liberté de choix des salariés !