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APRES L’ART. PREMIER A
N° 75
ASSEMBLEE NATIONALE
16 mars 2005

TEMPS DE TRAVAIL

(Deuxième lecture) - (n° 2147)

AMENDEMENT N° 75

présenté par

M. VIDALIES
et les membres du groupe Socialiste

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRES L’ARTICLE PREMIER A, insérer l’article suivant:

« L’article 69 de la loi n° 2000-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est abrogé. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’article 69 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale pose un quatrième alinéa Après le troisième alinéa à l’article L. 212-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’ils existent. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire. »

Cet article contredit pour le cas des chauffeurs routiers, qui sont visés par cet article comme tout autre salarié, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 18 janvier 2001 Skills Motor Coaches Ltd (affaire C-297/99) sur la définition du temps de travail effectif qui pose, dans ses points 23 et 24 : « un conducteur qui se rend à un endroit précis, qui lui est indiqué par son employeur et qui est différent du centre d’exploitation de l’entreprise, pour prendre en charge et conduire un véhicule satisfait à une obligation vis-à-vis de son employeur. Pendant ce trajet, il ne dispose, dès lors, pas librement de son temps.

En outre, la Cour a déjà jugé que la notion de temps de travail au sens de l’article 15 du règlement n° 3821/85 recouvre les moments d’activité réelle du chauffeur susceptibles d’influencer la conduite, y compris le temps de conduite (arrêt Michielsen et GTS, précité, point 14). »

L’article 69 susvisé conduit donc potentiellement à une croissance importante du contentieux relatif à la définition du temps de travail, alors qu’il est censé lutter contre une situation d’insécurité juridique.

Dans son mémoire en réplique à la saisine du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a excipé du fait que les dispositions adoptées par l’article 69 de la loi déférée modifient l’article L. 212-4 du code du travail afin de résoudre des difficultés qui seraient dues à la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour le Gouvernement, ces dispositions prévoient, de façon générale, que le temps de déplacement professionnel ne peut plus être décompté comme temps de travail effectif. « Sont ainsi visés les déplacements que fait le salarié pour se rendre depuis son domicile sur le lieu d’exécution de son travail ; en revanche, ne sont pas visés les déplacements accomplis entre différents lieux de travail pendant la période comprise dans l’horaire collectif ou individuel de travail qui, pour leur part, demeurent inclus dans le temps de travail effectif. »

Il y a bien là contradiction avec la jurisprudence Skills Motor Coaches qui fragilise le dispositif adopté au regard du droit européen.

En outre, dans l’exposé des motifs de l’amendement qui a introduit cet article 69 de la loi du 18 janvier 2005 (amendement n° 200 rect.), le promoteur de l’article expose que la « solution qui consiste à traiter tout le temps de déplacement en temps de travail effectif, aboutit à faire varier le temps de travail effectif, ce, en fonction de la situation géographique du domicile du salarié, critère profondément inégal ». L’article 69 de la loi susdite pose, lui, que la part du temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail est prise en compte.

Ainsi, si le promoteur de la disposition estime « inégal » de faire varier la notion de temps de travail au regard du domicile du salarié, il semble considérer comme non inégal la disposition qui consiste à prendre en compte le lieu du domicile pour fixer la contrepartie à ce même temps de déplacement, sous forme de repos par exemple, ou moyennant contrepartie financière du temps de déplacement visé par sa disposition. Il est donc possible d’affirmer, en paraphrasant le rédacteur de l’exposé des motifs susdit, que la solution qui consiste à traiter le temps de déplacement en temps de travail non effectif, aboutit à faire varier la contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, ce, en fonction de la situation géographique du domicile du salarié, critère profondément inégal.

Ce faisant, le législateur ne fait que remplacer une inégalité par une autre, qui ne semble guère plus justifiable au plan des principe défendus dans l’exposé des motifs de l’amendement cité.