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APRÈS L’ART. 2
N° 13
ASSEMBLEE NATIONALE
11 avril 2005

RÉFORME DE L'ADOPTION - (n° 2231)

AMENDEMENT N° 13

présenté par

M. NICOLIN

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L’ARTICLE 2, insérer l’article suivant :

« L’article L. 344 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé : “L’écart d’âge maximum entre l’enfant qu’ils se proposent d’adopter et le plus jeune des adoptants est de 45 ans. ” »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L'amendement qu'il vous est demandé d'approuver a pour objet la fixation d'un écart d'âge maximum entre l'enfant et l'adoptant, et le plus jeune d'entre eux en cas d'adoption par deux époux. Il permet par exemple d'interdire l'adoption d'un nouveau né par un couple dont le plus jeune des parents a 50 ans mais permettrait à ceux-ci d'adopter un enfant âgé d'au moins 5 ans. Il n'est pas rare que certains des candidats à l'adoption aient un âge avancé comme l'illustre ce cas de deux époux âgés de 77 et 65 ans qui ont récemment obtenu un agrément. Un tel écart d'âge entre l'adopté et ses parents adoptifs n'est pas souhaitable et il convient de le limiter. Trois raisons principales plaident dans ce sens.

La première raison réside dans la forte probabilité que le décès des parents adoptifs intervienne au cours des années qui suivent l'accueil du jeune enfant, et fasse de lui un orphelin. Or, l'adoption a d'abord pour but de donner une famille à un enfant privé de famille et il convient de prendre toutes les dispositions afin que la nouvelle vie de cet enfant soit la plus propice à son épanouissement dans la famille (ou dans le foyer familial) qui lui est donnée par l'adoption. Cela suppose de faire prévaloir son intérêt sur toute autre considération, notamment celle selon laquelle une personne de 70 ans aurait, au nom des libertés individuelles le droit d'adopter un enfant de très jeune âge.

De plus, il convient de noter que l'enfant accueilli par des parents âgés n'aura pas forcément la joie de connaître ses grands-parents ce qui le prive d'une affection dont les autres enfants bénéficient normalement. Or, il est primordial que l'enfant adopté ait le sentiment que la famille qui l'accueille est une famille comme les autres et qu'à la souffrance d'avoir perdu ses parents d'origine ne s'ajoute pas celle de vivre dans une famille en décalage avec ce qui peut être vécu par les autres enfants. En d'autres termes, nous pensons qu'un écart d'âge trop important n'offre pas les meilleures conditions pour le bien-être de l'enfant. Les conseils généraux, conscients qu'un écart d'âge trop important entre les candidats à l'adoption et l'adopté ne va pas dans le sens de l'intérêt bien compris de l'enfant, ont le plus grand mal à motiver un refus d'agrément à des candidats âgés. Ils se heurtent en effet au principe selon lequel le droit d'adopter serait une liberté individuelle. C'est la raison pour laquelle la limitation légale de cet écart d'âge permettrait de donner une base juridique claire à un refus d'agrément dont l'octroi doit en principe être toujours gouverné par l'intérêt supérieur de l'enfant.

La seconde raison est que l'absence de limite dans l'écart d'âge entre les enfants et les candidats à l'adoption suscite régulièrement l'incompréhension de la plupart des Etats d'origine dont les autorités découvrent des agréments délivrés à des personnes de cinquante, soixante, voire soixante-dix ans. Les pays d'origine ne connaissent pas le phénomène d'augmentation de l'espérance de vie propre aux pays occidentaux, phénomène qui pourrait motiver le maintien de notre législation actuelle. Pour cette raison, ils sont peu enclins à confier des enfants à des personnes dont l'âge est habituellement celui des grands-parents. L'établissement d'un écart d'âge limite permettrait donc non seulement de veiller plus rigoureusement aux conditions d'épanouissement de l'enfant adopté mais aurait également pour vertu de rassurer les pays d'origine.

Il convient de souligner que les autorités colombiennes en charge de l'adoption veillent depuis le milieu des années 80 à faire respecter un écart d'âge situé entre 35 et 40 ans lors de l'élaboration du projet d'apparentement et refusent toute candidature de parent potentiel qui serait trop âgé par rapport à la limite ainsi fixée. Il en est de même des autorités du Sri Lanka.

Enfin, l'introduction d'un écart d'âge maximal dans le code civil rapprocherait notre législation de celles des autres Etats d'accueil européens. Il est à noter en effet que nombre d'Etats imposent une telle condition à l'adoption d'enfants. Ainsi, en Italie, la loi prévoit un écart d'âge maximal de 45 ans entre l'adoptant et l'adopté. De même, la loi croate indique que cet écart d'âge ne doit pas excéder 45 ans. Enfin, la législation danoise comporte un écart d'âge de 40 ans. La France est l'un des rares Etats européens à ne pas imposer cette limite. Il conviendrait de mettre fin à un particularisme qui ne peut que contribuer à rendre plus difficile l'épanouissement de l'enfant.

Voici les raisons pour lesquelles il vous ait demandé, Mesdames et Messieurs les Députés, de bien vouloir approuver cet amendement.