Accueil > Documents parlementaires > Amendements
Version PDF
APRES L'ART. 10
N° 217 (2ème rect.)
ASSEMBLEE NATIONALE
30 novembre 2005

PARCS NATIONAUX - (n° 2347)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 217 (2ème rect.)

présenté par

le Gouvernement

----------

ARTICLE ADDITIONNEL

APRES L'ARTICLE 10, insérer l'article suivant :

Chapitre I bis

Parc amazonien en guyane

Article…

Après la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III du code de l’environnement, est insérée une section 3 bis intitulée « Parc amazonien en Guyane » comprenant six articles L. 331-15-1 à L. 331-15-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 331-15-1. – Les dispositions générales relatives aux parcs nationaux et celles particulières aux départements d’outre-mer sont applicables en Guyane sous réserve des dispositions dérogatoires qui suivent.

« Art. L. 331-15-2. – Les travaux, à l’exception des travaux d’entretien et, pour les équipements d’intérêt général, de grosses réparations, sont interdits dans le ou les cœurs du parc national sauf autorisation spéciale de l’établissement public du parc national.

« Cette autorisation spéciale peut notamment être accordée pour des installations ou constructions légères à usage touristique, ainsi que pour des activités, travaux, constructions ou installations d’intérêt général, lorsque des contraintes techniques ou topographiques rendent techniquement ou financièrement inacceptable une autre localisation, dans les conditions précisées par le décret prévu par l’article L. 331-7.

« Lorsque ces travaux sont soumis à une autorisation d’urbanisme, l’avis conforme de l’établissement public tient lieu d’autorisation spéciale.

« Les règles prévues au présent article valent servitude d’utilité publique et sont annexées aux plans locaux d’urbanisme dans les conditions prévues par l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme.

« Art. L. 331-15-3. – Sans préjudice de la réalisation des objectifs du parc, et compte tenu notamment des particularités de la Guyane, la réglementation mentionnée à l’article L. 331-4-1 et la charte peuvent prévoir des dispositions plus favorables au bénéfice :

« 1° Des communautés d'habitants qui tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt, pour lesquelles des droits d’usage collectif sont reconnus pour la pratique de la chasse, de la pêche et de toute activité nécessaire à leur subsistance ;

« 2° Des résidents permanents dans le ou les cœurs du parc ;

« 3° Des personnes physiques ou morales résidant dans le parc et exerçant une activité agricole, pastorale ou forestière de façon permanente dans le ou les cœurs ou prélevant, à titre occasionnel, leurs moyens de subsistance personnels dans ces espaces.

« Art. L. 331-15-4. – La charte du parc doit être compatible avec le schéma d’aménagement régional. Ces deux documents sont mis en révision simultanément.

« Art. L. 331-15-5. – Le président du conseil régional, le président du conseil général, les maires des communes et les présidents des groupements de communes concernés sont membres de droit du conseil d’administration de l’établissement public du parc national.

« Les autorités coutumières sont représentées au sein de ce conseil.

« Art. L. 331-15-6. – I. – L’établissement du parc national a pour mission de préserver, gérer, mettre en valeur et assurer un rayonnement national et international de la diversité biologique de la Guyane, de contribuer au développement des communautés d’habitants qui tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt, en prenant en compte leur mode de vie traditionnel et de participer à un ensemble de réalisations et d’améliorations d’ordre social, économique et culturel dans le cadre du projet de développement durable défini par la charte du parc national.

« Il délivre les autorisations d’accès aux ressources génétiques situées dans le parc et définit les conditions de leur utilisation, notamment les conditions financières au bénéfice des populations vivant dans le parc. Pour ce faire, un accord majoritaire des membres de droit du conseil d’administration et des autorités coutumières est requis préalablement.

« II. – L’établissement public du parc national participe, le cas échéant avec les collectivités territoriales et leurs groupements intéressés, en rapport avec ses compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, à des actions de coopération transfrontalière, en matière de conservation du milieu naturel et de la diversité biologique, de développement durable et d’éducation à l’environnement. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’amendement proposé comprend une série d’adaptations indispensables au bénéfice du département d’outre mer de la Guyane, pour tenir compte du contexte très particulier du point de vue social, culturel et géographique de l’Amazonie. Elle se caractérise par un très vaste espace forestier, une densité de population très faible, de grandes difficultés de circulation et l’existence de populations, amérindiennes et noir-marrons, qui entretiennent un rapport à la nature très différent de celui de notre société occidentale. Ces dernières tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt. Leur mode de vie est étroitement associé à la forêt et à sa préservation et il est particulièrement adapté aux conditions exceptionnelles du milieu.

L’article L. 331-15-1 précise, pour éviter toute ambiguïté, que les dispositions générales relatives aux parcs nationaux, prévues par le code de l’environnement et d’autres textes législatifs, ainsi que leurs textes d’application, s’appliquent en Guyane, ainsi que du reste les dispositions particulières aux départements d’outre-mer, sous réserve des dispositions particulières prévues à la présente section dédiée à la Guyane.

Par dérogation à l’article L. 331-3 I, l’article L. 331-15-2 prend en compte la spécificité du régime foncier de la Guyane. Le ou les cœurs définis dans le projet de parc national de Guyane ne comprennent pas de propriétés privées ni d’espaces urbanisés, par conséquent le dispositif particulier à l’ensemble des parcs nationaux mis en place à l’article L. 331-4 § I n’a pas vocation à s’appliquer à la Guyane. Le dispositif spécifique proposé pour la Guyane laisse une souplesse adéquate, nécessaire et indispensable, pour organiser par exemple l’aménagement temporaire de villages lié au mode de vie traditionnel au sein de la forêt Guyanaise des populations tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt.

Par dérogation à l’article L. 331-4-2, l’article L. 331-15-3 prend en compte les spécificités du peuplement humain en milieu forestier, pour reconnaître et consacrer dans les espaces protégés du parc national les droits d’usages collectifs des communautés d’habitants qui tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt et, de façon plus générale, les besoins des résidents.

Dans un souci de lisibilité de la loi, l’article L. 331-15-4 rappelle que la disposition particulière aux schémas d’aménagement régionaux prévue pour les départements d’outre-mer s’applique en Guyane.

Par dérogation à l’article L. 331-8, l’article L. 331-15-5 prévoit une consultation des « autorités coutumières », présentes au conseil d’administration, correspond en Guyane, comme en Nouvelle-Calédonie, à une réalité sociale, politique et culturelle que ne recouvre pas la notion traditionnelle de « représentants des collectivités territoriales ». Le rôle de ces autorités, notamment en matière de protection de la diversité biologique dans la forêt tropicale de Guyane, est d’ailleurs à juste titre déjà reconnu par le Gouvernement par exemple pour la gestion de la réserve naturelle de l’Amana. La ratification de la convention de Rio, montre du reste le souhait de la France à faire ici une place particulière aux communautés locales qui incarnent des modes de vie traditionnels particuliers et sont dépositaires de connaissances reconnues sur le plan international. Au même titre que la représentation des collectivités territoriales, il est par conséquent nécessaire de permettre à ces communautés de participer à la gestion quotidienne du parc de Guyane et plus particulièrement des espaces à protéger en faisant une place à leurs représentants traditionnels, qualifiés d’« autorités coutumières ».

Enfin, l’article L. 331-15-6 prévoit des missions particulières de l’établissement public en Guyane. Celui-ci sera notamment chargé de prendre en compte les modes de vie traditionnels qui contribuent à la conservation du milieu naturel et de la diversité biologique, en valorisant les cultures des communautés d’habitants et en les accompagnant dans les évolutions qu’elles peuvent connaître ; et de favoriser l’amélioration des conditions d’existence des populations locales dans une perspective de développement durable, avec les partenaires publics, parapublics et privés concernés.

Le dernier alinéa du premier paragraphe revêt un enjeu international certain pour la Guyane. Il permet d’organiser en effet un contrôle de l’accès aux ressources génétiques et ainsi un contrôle de la bioprospection. Ce dispositif permet, à l’instar des Etats limitrophes, de lutter contre toute forme de spoliation (bio piratage) et d’organiser un retour, en cas d’exploitation commerciale, au bénéfice des populations dépositaires de ces ressources et savoirs. La convention de Rio reconnaît sur ce point à l’Etat français un droit de souveraineté sur les ressources naturelles situées sur son territoire et, en conséquence, le pouvoir de déterminer l’accès aux ressources génétiques, définies comme « le matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle ». En confiant cette responsabilité à l’établissement public du parc, la loi fait le choix d’une gouvernance locale et offre la garantie, notamment, d’une participation des collectivités territoriales et des autorités coutumières à la prise de décision et au contrôle.

Le deuxième et dernier paragraphe de l’article L. 331-15-6 permet une coopération transfrontalière en Amérique latine, limitée à la relation de voisinage, qui doit se réaliser dans le respect des principes régissant la coopération transfrontalière, notamment les principes d’indivisibilité de la République, de la souveraineté nationale, et du respect des engagements internationaux de la France.