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ART. 27
N° 22
ASSEMBLÉE NATIONALE
13 juin 2006

SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS
(Deuxième lecture) - (n° 3095)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 22

présenté par

M. de Rocca serra

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ARTICLE 27

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« VI. - La majorité des deux tiers des droits indivis requise pour effectuer les actes prévus aux alinéas 1, 2, 3 et 4 du premier alinéa de l’article 815-3 du code civil, jusqu'à la date de cessation des activités du groupement d'intérêt public dont la création est autorisée par l'article 26 ter, ramenée à la majorité simple de ces mêmes droits pour les indivisions, constituées depuis dix ans et plus à la date de la promulgation de la présente loi, comportant des biens fonciers ou immobiliers situés en Corse dépourvus, à cette même date, de titres de propriété régulièrement constitués ou dont les titres de propriété ne sont pas à jour de la consistance réelle des droits indivis. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le projet de loi relatif aux successions et aux libéralités, dans son article 2 traitant du régime légal de l'indivision, modifie l'article 815-3 du code civil en ouvrant aux indivisaires la possibilité de prendre des décisions de gestion et d'administration à la majorité des deux tiers des droits indivis. L'unanimité des indivisaires reste cependant la règle pour les actes de disposition.

Cette avancée est importante car elle peut permettre de débloquer des situations provoquées par le comportement d'un seul indivisaire, qu'il soit taisant ou en opposition franche avec les autres co-indivisaires.

Pour les indivisions situées en Corse, compte tenu de leur ancienneté, de la forte proportion de propriétés en indivision (foncier et immobilier), de la multitude de co-indivisaires sur celles-ci et de leur dispersion géographique, cette règle des deux tiers ne sera pas suffisante, car constituer une telle majorité dans ces circonstances reste difficile voire impossible.

Ces cas seraient, sans nul doute réglés en plus grand nombre si les actes de gestion étaient, dans les circonstances particulières à la Corse, décidés à la majorité simple.

Cette majorité simple requise dans les décisions de gestion alliée à la facilitation dans la constitution des titres de propriété par l'Agence foncière de Corse, contribuerait à résoudre puissamment bon nombre de situations bloquées depuis fort longtemps.

L'insuffisance de titre de propriété a été prise en compte pour mettre en œuvre un outil spécifique de remise en ordre juridique que sera l'Agence foncière. Dès lors, il serait logique que cette avancée essentielle soit confortée par une mise en œuvre de la majorité simple pour les décisions relatives à la gestion des indivisions, que l'on pourrait aussi considérer comme un outil spécifique au service de la Corse.

D'autant plus que pour bénéficier de la mesure d'assouplissement de majorité pour la gestion des biens indivis, les droits indivis eux-mêmes doivent pouvoir être déterminés. Or comment le faire sans titre de propriété définissant ces mêmes droits ?

La mesure d'abaissement de majorité, alliée à celles procurées par le GIP (prise en charge financière des charges les plus lourdes de la constitution des titres notamment), constituerait un levier déterminant dans l'objectif de titrisation et dans la mise en valeur des biens de façon rapide.

Cependant, il ne conviendrait pas que toutes les indivisions portant sur des biens situés en Corse soient indifféremment concernées par la majorité simple.

Il ne serait pas, en effet, très rigoureux, de faire bénéficier de cette mesure celle des indivisions qui, récentes et/ou réglées (notamment titrées), ne présentent pas de difficultés de gestion particulières.

Dès lors, cette mesure incitative serait réservée aux indivisions constituées depuis dix ans et plus à la date de promulgation de la loi dont les indivisaires ne possèdent pas d'actes de propriété, ou ces mêmes actes, lorsqu'ils existent, ne sont pas à jour de la consistance réelle des droits indivis.

De plus, elle n'aurait cours que pendant l'existence du GIP, le droit commun de la majorité des deux tiers s'appliquant ensuite.

Sur la constitutionnalité d’une telle disposition :

L’éventualité du problème de l'égalité des citoyens devant la loi peut être écartée.

En effet, le Conseil constitutionnel pose un principe qui pourrait soutenir la différence de traitement entre les indivisions en Corse et celles sur le reste du territoire national :

« Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » (Décision n° 2005-516 DC, 7 juillet 2005, JO du 14 juillet 2005, page 11589).

Ainsi, une différence de traitement est justifiée par une différence de situation, ce qui est bien le cas entre la situation des indivisions en Corse et celle qui s'observe sur le continent.

Par ailleurs, la remise en ordre juridique de la propriété en Corse au travers de l'action de l'Agence foncière, dont la création est en voie d'autorisation par la loi a bien été considérée d'intérêt général, ce que traduit la nature juridique de la structure comme groupement d'intérêt public. Le règlement des indivisions traduit aussi cet intérêt général, par l'initiation d'une démarche allant vers la cessation d'une situation qui conduit à l'abandon physique, patrimonial et économique d'une large part des biens de Corse.

Par ailleurs, cette mesure particulière est bien en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, celle-ci portant diverses mesures concernant l'indivision au plan général.

Fondée sur des critères objectifs et rationnels, la différence de traitement entre les deux situations ne semble pas aller à l'encontre de l'égalité devant la loi selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Cependant, si cette égalité paraissait devoir être rompue, le bénéfice de la mesure spécifique à la Corse pourrait permettre de la justifier s'il était limité dans le temps, car lié à une situation particulière.

Ainsi, lier la mesure à la durée de fonctionnement de l'Agence foncière, dont la vie du GIP a obligatoirement un terme (20 ans), entrerait dans cet objectif.

Le dispositif serait ainsi cohérent et serait fortement incitatif pour les héritiers à la fois de régler l'indivision et de constituer les titres de propriété s'ils n'en disposaient pas.

Sur l’éventuelle objection d’atteinte aux droits de propriété :

Le risque d'atteinte aux droits de propriété si la majorité était abaissée des deux tiers à la moitié a pu être invoqué.

Cet argument est discutable car la majorité simple proposée, ne s'applique pas aux actes de disposition, mais seulement aux actes de gestion afin de renforcer la valeur et la productivité des biens, ce qui ne peut qu'apporter une plus value à la propriété elle-même.