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AVANT L'ART. 27
N° 413
ASSEMBLÉE NATIONALE
20 novembre 2006

PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE - (n° 3338)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 413

présenté par

M. Dubernard

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ARTICLE ADDITIONNEL

AVANT L'ARTICLE 27, insérer l'article suivant :

Le livre III de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre VI intitulé : « Injonction thérapeutique », comprenant deux articles L. 3361-1 et L. 3361-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 3361-1. – Le procureur de la République peut enjoindre à la personne faisant une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques et ayant conduit un véhicule terrestre à moteur sous l’influence de l’alcool dans les conditions sanctionnées par les I et II de l’article L. 234-1 du code de la route de se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique, sous réserve qu’aucun délit d’atteinte à l’intégrité d’une personne humaine ne soit relevé à l’encontre de ce conducteur.

« La mesure d’injonction thérapeutique prend la forme d’une mesure de soins ou de surveillance médicale. Elle est prononcée dans les conditions prévues par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4.

« L’action publique n’est pas exercée à l’égard des personnes concernées par une mesure d’injonction thérapeutique dans les conditions prévues par les deux derniers alinéas de l’article L. 3423-1. Toutefois, par dérogation aux dispositions de l’article L. 224-2 du code de la route, le permis de conduire reste suspendu jusqu’au terme de la mesure d’injonction thérapeutique. Le représentant de l’Etat dans le département lève la suspension du permis de conduire au terme de la mesure d’injonction thérapeutique qui lui est notifiée par le procureur de la République. »

« Art. L. 3361-2. – Les personnes visées au premier alinéa de l’article L. 3361-1 jugées pour avoir commis exclusivement le délit prévu par l’article L. 234-1 du code de la route peuvent être astreintes, à titre de peine complémentaire, par la juridiction de jugement à se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique dans les conditions prévues par les articles L. 3425-1 et L. 3425-2. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La consommation habituelle et excessive d’alcool constitue un danger aussi grand, si ce n’est plus, pour la sécurité des personnes que l’usage de stupéfiants. Comme pour les usagers de stupéfiants, la société doit avoir pour objectif prioritaire de soigner ces personnes et non uniquement d’appliquer une répression pénale, afin d’éviter les situations de récidive qui pourraient déboucher sur des atteintes aux personnes d’une particulière gravité.

Le présent amendement tend donc à appliquer la procédure de l’injonction thérapeutique mise en place pour les usagers de drogues illicites aux conducteurs faisant une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques lorsqu’ils sont contrôlés avec au moins 0,8 gramme d’alcool dans le sang. L’injonction thérapeutique ne doit être mise en œuvre que si ces conducteurs sont coupables du seul délit de consommation excessive d’alcool ou d’état d’ébriété manifeste. Il ne saurait, en effet, être question de permettre de ne pas engager des poursuites pénales à l’encontre de ces conducteurs s’ils ont porté atteinte à l’intégrité d’une personne humaine (blessures ou homicide involontaires notamment).

Le dispositif proposé n’affaiblit pas la répression pénale actuellement en vigueur puisque dans la majorité des cas de première condamnation pour simple délit de conduite en état alcoolique, la juridiction prononce une peine d’amende et le retrait du permis de conduire. Pour récupérer son permis, le conducteur doit se présenter devant une commission administrative et prouver qu’il s’est soigné de son intoxication alcoolique. Il n’y a donc pas à proprement parler d’obligation de soins. La personne condamnée peut ne pas aller en cure et renoncer à récupérer son permis. On constate d’ailleurs le nombre croissant de personnes conduisant sans permis.

Le présent amendement permet de ne pas infliger une amende ou une peine de prison (presque jamais prononcée en cas de première infraction simple) au conducteur se soumettant à la mesure d’injonction thérapeutique. Mais il veille à maintenir la suspension du permis de conduire de la personne concernée tant que la mesure d’injonction thérapeutique n’a pas été menée à son terme. Le terme de cette mesure est apprécié par le médecin relais et le procureur de la République ou, en cas de décision prise par la juridiction de jugement, par le juge de l’application des peines. Elle offre ainsi les meilleures garanties sanitaires et judiciaires.

La procédure de l’injonction thérapeutique a l’avantage de garantir le suivi de ces personnes malades. La contrainte pesant sur elles est forte aussi bien en termes de suivi sanitaire que de menace pénale si la mesure d’injonction thérapeutique n’est pas menée à son terme : l’action publique est alors engagée contre elles avec la menace d’une d’amende et d’un emprisonnement.

Le présent amendement offre donc au procureur de la République l’opportunité d’imposer une obligation de soins dès la première infraction pour simple abus de boissons alcooliques. Cette action à visée thérapeutique immédiate doit avoir pour but d’éviter à tout prix la récidive qui pourrait s’accompagner de blessures ou de mort d’hommes.

Par ailleurs, le dispositif d’injonction thérapeutique figurant dans le nouvel article L. 3361-2 du code de la santé publique reprend une faculté dont dispose le juge au titre de la composition pénale en application du 17° de l’article 41-2 du code de procédure pénale créé par l’article 30 du présent projet de loi.