Accueil > Documents parlementaires > Amendements
Version PDF
APRÈS L'ART. 26 bis
N° 454
ASSEMBLÉE NATIONALE
20 novembre 2006

PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE - (n° 3338)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 454

présenté par

M. Courtial et Mme Morano

----------

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 26 bis, insérer l'article suivant :

Après l’article 222-13 du code pénal, sont insérés deux articles 222-13-1 et 222-13-2 ainsi rédigés :

« Art. 222-13-1. – Le fait d’enregistrer par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à l’agression d’une personne ou d’un groupe de personnes en vue de leur diffusion, publique ou non, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« Encourt les mêmes peines celui qui assure, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, la seule diffusion d’images relatives à l’agression d’une personne ou d’un groupe de personnes.

« Les infractions prévues aux alinéas précédents ne sont pas constituées lorsque l’enregistrement ou la diffusion :

« 1° résultent de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ;

« 2° sont réalisés afin de servir de preuve en justice. »

« Art. 222-13-2. – L’infraction prévue par l’article 222-13-1 est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsque la victime de l’agression enregistrée en vue de sa diffusion ou diffusée est :

« 1° un mineur ;

« 2° une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur ;

« 3º un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un gardien assermenté d'immeubles ou de groupes d'immeubles ou un agent exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation en application de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;

« 4º un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute autre personne chargée d'une mission de service public ainsi qu’un professionnel de santé, dans l'exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;

« 5º un témoin, une victime ou une partie civile dans une autre procédure, soit pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;

« 6º agressée à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;

« 7° agressée à raison de son orientation sexuelle ;

« 8º le conjoint ou le concubin de l’auteur ou le partenaire lié à l’auteur par un pacte civil de solidarité ;

« 9º une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;

« 10º agressée par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

« 11º agressée avec usage ou menace d'une arme ;

« 12º un élève, un membre du corps enseignant ou un fonctionnaire de l’Éducation Nationale dans l'exercice de ses fonctions, lorsque sa qualité est apparente ou connue de l'auteur  et lorsque les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif, ou aux abords d’un tel établissement, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves ou dans un temps voisin de celles-ci ;

« 13º agressée dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs.

« Les peines encourues sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsque l'infraction visée au premier alinéa est commise dans au moins deux des circonstances prévues aux 1º et suivants du présent article. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La pratique récente, connue sous le nom de « happy slapping », se développe dans des proportions inquiétantes.

Elle consiste à filmer à l’aide de moyens « vidéo » divers comme les téléphones mobiles équipés de caméras ou les smartphones (téléphones de nouvelle génération offrant les vraies fonctions d’un mini ordinateur) une personne ou un groupe de personnes se précipitant sur une victime qui ne soupçonne pas l’imminence d’un assaut. L’objectif final est de diffuser les images ainsi enregistrées.

Si l’idée de filmer une infraction n’est pas nouvelle, la banalisation et la disponibilité de caméras vidéo encouragent la planification des agressions et les rendent facilement diffusables.

Les actes de violence perpétrés dans le cadre du « happy slapping » débordent la simple gifle. Ils peuvent, dans certains cas, aboutir au décès de la victime ou concerner des viols.

En avril 2006, l’agression d’une enseignante de Porcheville dans les Yvelines a été filmée avec un téléphone portable et les images ont ensuite circulé parmi les élèves. En septembre dernier, un élève s’est fait agresser dans les mêmes conditions à Strasbourg.

Le présent amendement ne concerne pas les agresseurs physiques de la victime dans la mesure où il existe déjà des textes réprimant les infractions liées aux actes violents intrinsèques.

En revanche, il tend à incriminer le comportement de celui qui se borne à filmer la scène violente lorsqu’il ne peut pas être considéré comme l’instigateur de l’agression à laquelle il ne participe pas directement. Il ne saurait dès lors être poursuivi en qualité de complice. Tout au plus pourrait-on lui reprocher de n’avoir pas empêché la commission de l’infraction, dans la mesure où il était capable de le faire.

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à criminaliser le comportement de celui qui filme une telle agression et qui est le plus souvent « complice » au sens populaire du mot mais non au sens juridique.

On observe, en outre, que ce type d’agression filmé est de plus en plus souvent dirigé vers des victimes dont la profession est le symbole de l’autorité ou de l’enseignement. Afin de prévenir, un développement de cette tendance, il est justifié que des peines aggravées prenant en compte la qualité de la victime soient envisagées.