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APRES L'ART. 16
N° I -24 Rect.
ASSEMBLEE NATIONALE
14 octobre 2005

LOI DE FINANCES POUR 2006 - (N° 2540)
(Première partie)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° I - 24 Rect.

présenté par

M. Bourg-Broc

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRES L'ARTICLE 16, insérer l'article suivant:

« I. – Les entreprises qui engagent des frais pour l’enseignement du français dispensé au profit des membres non francophones du personnel de leurs établissements stables et de leurs filiales détenues à 50 % et plus, situés hors de France dans des pays ayant signé une convention fiscale avec la France, bénéficient d’un crédit d’impôt déterminé dans les conditions suivantes.

« Pour que les frais soient éligibles à ce crédit d’impôt, l’enseignement délivré doit remplir des critères de qualité attestés par la délivrance d’un agrément. Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’éducation nationale et du ministre chargé de la francophonie définit les critères en cause et les conditions de délivrance de l’agrément.

« Les frais ne sont retenus par année que dans la limite de 1 500 euros par personne pour un nombre de bénéficiaires de l’enseignement au plus égal à 2 % de l’effectif de l’entité étrangère plafonnés à 100 personnes, étant précisé que, pour les entités de moins de 50 personnes, il est admis la prise en compte des frais d’enseignement pour une personne. La somme de 1 500 euros est actualisée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

« Le crédit d’impôt est égal à 90 % des frais tels que définis ci-dessus. Ce crédit d’impôt est imputable sur le montant de l’impôt sur les sociétés. Il peut être reporté sur 3 ans, mais n’est pas restituable.

« Le présent dispositif est applicable aux frais engagés à compter du 1er janvier 2006.

« II. – La perte de recettes pour l’Etat est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés à l’article 150 V bis du code général des impôts. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Tout le monde est conscient que le français est sinon une langue menacée, du moins une langue insuffisamment enseignée ou pratiquée dans le monde. Son exclusion de facto des diverses organisations internationales (ONU, OCDE et même UE), sans évoquer les institutions sportives..., au profit de la langue anglaise est patente.

À l’inverse, les entreprises françaises ont su s’internationaliser et ont une présence très forte (trop forte même selon certains qui évoquent les délocalisations) hors de France sous la forme de filiales ou de succursales. Du rapprochement de ces deux phénomènes, on pourrait ressentir une sorte de contradiction. En réalité, ce constat purement théorique, voire nostalgique ou amer, nous paraît dépourvu d’intérêt.

En revanche, constater que cette expansion économique internationale ne s’accompagne pas d’un certain développement de nos langue et culture est plus préoccupant. Observer même que cette expansion internationale aboutit à introduire l’anglais, comme langue quasi unique, au sein des équipes, bureaux et sièges sociaux en France ne l’est pas moins.

Au-delà de ce mouvement puissant et profond, n’est-il pas temps au moins de s’appuyer sur cette expansion internationale des groupes français, grands, moyens et petits, pour maintenir, voire faire progresser l’enseignement et donc la pratique du français auprès des membres non francophones du personnel des entités étrangères de ces groupes ? En tout cas, ne pas essayer de le faire ne serait pas seulement regrettable, ce serait tout à fait coupable. D’ailleurs, le développement de la langue française est aussi, à terme, de l’intérêt des entreprises françaises. On se doit de les sensibiliser sur ce sujet et de les responsabiliser (certains oseraient écrire de les culpabiliser).

Cependant leurs entreprises locales, établissements stables ou filiales, ne sont pas motivées pour engager des frais à cet égard. Le bien-fondé de ceux-ci peut même leur paraître, ainsi qu’aux autorités fiscales locales, comme très discutable par rapport à l’enseignement directement utilitaire de la langue du pays (cas des expatriés français notamment...), et à celui de la langue anglaise. À l’inverse la société mère française a, elle, un intérêt et une responsabilité.

Le projet de texte joint vise justement à lever l’obstacle fiscalo-financier. Ceci paraît un préalable afin de supprimer le prétexte de coût pour ne pas engager la dépense. Cette suppression doit, compte tenu des obstacles, être totale.

En autorisant une telle déduction par des sociétés françaises de dépenses faites hors de France au profit de collaborateurs d’entités non taxables en France, il est clair que l’on crée une exception aux principes fiscaux et notamment à celui de la territorialité. Toute la question est donc de savoir si, comme nous le pensons, l’enjeu vaut cette exception. Notons d’ores et déjà qu’elle est très spécifique et peu susceptible de créer un précédent contagieux pour d’autres dépenses.

Cela étant, il ne s’agit pas d’instituer un guichet ouvert sans contrôle de pertinence et sans limite budgétaire.

C’est pourquoi l’enseignement déductible doit répondre à des critères de qualité attestés par un agrément préalable qui pourrait, sous le contrôle du ministère de l’Éducation Nationale et de celui chargé de la Francophonie, être délivré par les écoles françaises locales, les attachés culturels, voire le réseau de l’Alliance Française...

En outre, les frais ne doivent être déductibles fiscalement que dans certaines limites. Le projet de texte fixe ainsi un plafond annuel pour les dépenses d’enseignement par personne et un nombre maximum de bénéficiaires par entité. Les chiffres retenus apparaissent très raisonnables respectivement 1 500 euros et 2 % du total de l’effectif de l’entité dans la limite de 100 personnes par entité. À ce dernier égard, il est clair que la population effectivement ciblée est prioritairement celle des cadres locaux.

Enfin, la couverture du coût n’est pas tout à fait totale puisque la déduction des frais n’économise que le 1/3 de la dépense et si l’on ajoute le crédit d’impôt de 60 % des frais déduits, la couverture du coût atteint 93,33 % de la dépense. Il reste donc un coût résiduel. La question se pose de savoir si l’on doit en rester là ou aller plus loin ? Un coût modeste effectif peut paraître sain et souhaitable, il ne faudrait pas qu’il détourne les entreprises du dispositif.

En effet, tout le pari de réussite de l’opération est fondé sur l’espoir que la prise en charge des frais (ou de l’essentiel) rendra difficile pour les entreprises de refuser de proposer au moins ce type d’enseignement. Il permettra d’en faire la promotion auprès d’elles et de procéder à des « piqûres de rappel » sans hésitation.

Du côté des collaborateurs locaux, on peut penser qu’ils examineront avec soin cette proposition (réitérée régulièrement) en provenance de leur maison mère, et à laquelle celle-ci attacherait une réelle importance. Ils ne manqueront pas non plus de se persuader de l’intérêt pour eux d’apprendre le français, ce qui constituerait un élément de valorisation appréciable de leurs contacts avec le siège et, au-delà, faciliterait leur carrière au sein du groupe dans leur pays ou dans d’autres pays ou en France. L’apprentissage du français passerait de perte de temps coûteux et inutile à un facteur de promotion et en plus gratuit.

La dépense fiscale devrait être modérée en définitive. C’est ainsi que si 5 000 personnes suivaient un enseignement du français, le coût serait de :

5 000 x 1 500 euros x 0,9333 = 6 999 750 euros.