N° 258
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230),
TOME VIII
ÉCONOMIE, FINANCES et INDUSTRIE
POSTE et TÉLÉCOMMUNICATIONS
PAR M. PIERRE MICAUX,
Député.
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Voir le numéro : 256 (annexe 18)
Lois de finances.
INTRODUCTION 7
PREMIÈRE PARTIE : LES TÉLÉCOMMUNICATIONS 9
I. - LA PORTÉE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE 9
A. LE CHAMP DU CONTRÔLE 9
B. UN EFFET DE LEVIER IMPORTANT 13
1. La fonction cruciale des autorités administratives 13
2. L'importance des actions d'avenir 15
3. Le rôle moteur de France Télécom 16
II. - UN SECTEUR STRATÉGIQUE 16
A. LE C_UR DE LA RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE 16
B. UN VECTEUR DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 18
III. - L'ORGANISATION DE LA RÉGULATION 23
A. LE RÔLE DES DIFFÉRENTS ACTEURS 23
B. LES NORMES INTERNATIONALES 26
IV. - UNE MAUVAISE PASSE ÉCONOMIQUE 31
A. DES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES 32
B. UNE RELATIVE STABILITÉ ÉCONOMIQUE 36
1. Une croissance moins rapide de la demande finale 36
2. L'effondrement du marché des équipements 37
V. - LA SITUATION DE FRANCE TÉLÉCOM 38
A. UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE COHÉRENTE 38
1. Une diversification sur les segments nouveaux du même métier 39
2. Les contraintes liées au statut d'entreprise publique 41
B. L'ATOUT DES RESSOURCES HUMAINES 43
BILAN DE LA PREMIÈRE PARTIE 46
SECONDE PARTIE : LES POSTES 48
I. - LA PORTÉE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE 48
A. UNE EMPRISE BUDGÉTAIRE DÉSORMAIS LIMITÉE 48
B. UN CADRE DE CONTRÔLE ÉN COURS D'ÉVOLUTION 50
II. - UN ACTEUR DU DÉVELOPPEMENT LOCAL 51
A. LA PRÉSENCE POSTALE 52
1. Un réseau globalement stabilisé 52
2. La gestion des rameaux extrêmes 53
3. L'implantation en zone urbaine sensible 54
B. UNE ENTREPRISE DE MAIN D'OEUVRE 55
III. - UN CONTEXTE DE PLUS EN PLUS CONCURRENTIEL 61
A. LA PRESSION DE LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE 61
1. L'état de la transposition de la directive 97/67/CE de 1997 61
2. La nouvelle directive 2002/39/CE du 10 juin 2002 63
B. LA SITUATION DE LA POSTE 65
C. LES STRATÉGIES COMPENSATOIRES 68
1. La recherche de gains de productivité 69
2. Le développement contesté des activités financières 71
3. L'expansion internationale 74
BILAN DE LA SECONDE PARTIE 76
CONCLUSION 77
EXAMEN EN COMMISSION 85
ANNEXE : PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES 87
MESDAMES, MESSIEURS,
« PTT », « P&T », « Poste et Télécommunications », ou « Postes et Télécommunications » : les deux activités semblent liées l'une à l'autre depuis si longtemps qu'on a peine à imaginer qu'elles puissent avoir chacune leur vie propre.
Et pourtant quelles différences entre elles aujourd'hui !
- l'une est fortement capitalistique, nécessitant pylônes, câbles, satellites ; l'autre mobilise surtout une main d'_uvre importante ;
- l'une fraye avec le monde débridé du virtuel numérique ; l'autre travaille en symbiose avec les grands réseaux de transport ;
- l'une dépend vitalement du marché des particuliers, l'autre fait la plus grande partie de son chiffre d'affaires avec les entreprises.
Elles se ressemblent pourtant, vu de loin, avec cette présence centrale d'un grand opérateur historique, qui domine un marché désormais ouvert à la concurrence. Et les deux grands opérateurs historiques, pour se mettre à la mode de la Communauté européenne, ont tous deux troqué leurs vieux uniformes du « service public » pour enfiler l'habit neuf du « service universel ».
Il leur reste une tutelle commune, avec le ministère de l'Industrie, et surtout cette précieuse institution qu'est la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, une petite structure sans beaucoup de moyens en propre, mais qui constitue un refuge de l'esprit de la République, où députés et sénateurs se concertent avec quelques personnalités qualifiées pour éclairer le Gouvernement et le Parlement de leur sagesse, lorsqu'il faut modifier les normes encadrant l'un ou l'autre des deux secteurs d'activité.
Il leur reste aussi en commun cette tradition d'être englobée dans un même budget lors de la discussion du projet de loi de finances devant l'Assemblée nationale.
Ce budget comporte certaines caractéristiques un peu atypiques, bien qu'il constitue véritablement un budget au sens profond du terme, c'est-à-dire un ensemble de moyens au service d'une politique.
D'abord, il ne correspond pas directement à un département ministériel, mais renvoie à l'une des nombreuses compétences du ministre de l'industrie.
Ensuite, il ne renvoie pas, au sein du vaste budget de l'économie, des finances et de l'industrie, à un agrégat cohérent, mais plutôt à un ensemble de lignes éparses, qu'il faut avoir la patience de repérer au fil de la lecture des tableaux.
Enfin, il ne mobilise pas d'importantes masses financières, puisqu'au total, il concerne moins de 500 millions d'euros.
Pourtant, il s'agit d'un véritable budget, puisqu'il donne effectivement les moyens de piloter la politique qui est menée dans ces deux secteurs stratégiques.
Il s'appuie sur des « effets » de levier, car les crédits qui le constituent permettent de financer des organismes qui eux-mêmes contrôlent les évolutions des deux secteurs des postes et télécommunications. Il s'agit là d'un schéma de pilotage indirect, qui résulte logiquement de ce que ces deux secteurs sont désormais ouverts à la concurrence.
L'élaboration de ce budget s'est faite dans un contexte un peu particulier en cet automne 2002, car les deux principales entreprises concernées, France Télécom et La Poste, ont été soumises à d'importants soubresauts au cours des dernières semaines, conduisant, dans les deux cas, au remplacement de leurs dirigeants. Des évolutions importantes s'annoncent donc, qui n'ont pas pu encore trouver une traduction dans le projet de loi de finances pour 2003.
Avant d'entrer dans ces deux univers véritablement différents que sont les télécommunications et les postes, quelques remarques s'imposent sur trois lignes budgétaires qui leur sont communes.
D'abord, l'article 30 du chapitre 43-01 rappelle, par un crédit d'annulation, que la fin de l'année 2002 marquera la disparition définitive de l'Ecole nationale supérieure des PTT, car La Poste, et surtout France Télécom, n'ont plus désormais vocation à recruter des fonctionnaires, fussent-ils de haut niveau. On peut saluer les efforts qui ont été faits pour permettre aux administrateurs des postes et télécommunications de poursuivre leur carrière au sein du corps des administrateurs civils.
Ensuite, l'article 10 du chapitre 41-10 enregistre une réduction en 2003 pour les « Contributions aux organismes de postes et télécommunications dans les territoires d'outre-mer », dont le montant est ramené de 950.000 à 730.000 euros.
Enfin, le crédit de fonctionnement de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (article 33 du chapitre 34-98) est maintenu en 2003 à 241.235 euros. Il convient de souligner que cet organisme ne dispose d'aucune ressource budgétaire propre pour ses moyens en personnel, y compris pour le poste de secrétaire général.
PREMIÈRE PARTIE : LES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Le secteur des télécommunications connaît aujourd'hui une crise manifeste, qui s'étend à l'ensemble des pays industrialisés. Elle concerne toutes les parties de la filière, et frappe les équipementiers plus fortement encore que les opérateurs.
L'aspect systématique de cette crise, sa coïncidence avec le ralentissement de l'économie mondiale et l'effondrement des marchés financiers, semblent dresser le tableau d'un retournement cyclique, contrepartie de l'impulsion donnée par le développement des nouvelles technologies à la fin des années quatre-vingt-dix.
C'est dans ce contexte qu'il convient de resituer les difficultés actuelles de France Télécom, qui par ailleurs dispose d'évidents atouts économiques pour retrouver le chemin de l'assainissement.
Cependant, l'évolution récente dans le secteur des télécommunications en France ne se résume pas seulement à ce contexte conjoncturel défavorable. La régulation du marché s'est poursuivie en vue d'y renforcer la concurrence. Par ailleurs, l'adoption d'un nouveau « paquet » de directives européennes sur la « communication électronique » annonce la discussion prochaine d'un texte de transposition.
I. - LA PORTÉE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE
L'avis de la Commission des affaires économiques sur les crédits des télécommunications peut sembler de prime abord un exercice bien théorique puisque le secteur des télécommunications a été rendu presque en totalité aux règles du marché. En effet, il ne reste au budget, depuis l'époque maintenant lointaine du monopole, que quelques lignes d'un montant sans commune mesure avec les 35 milliards d'euros de chiffre d'affaires qui se réalisent désormais chaque année dans ce secteur. Cependant ces quelques dizaines de millions d'euros de crédits conservent toute leur importance, car le secteur en question, loin d'être soumis au droit commun de la concurrence, continue en raison de ses caractéristiques particulières à faire l'objet d'une régulation spécifique, nécessitant l'intervention d'autorités administratives spécialisées, dont les moyens dépendent du budget de l'Etat. Par ailleurs, le secteur concerné joue plus que jamais, à l'heure des nouvelles technologies de l'information, un rôle stratégique dans l'économie française. C'est pourquoi ces quelques crédits doivent être considérés sous l'angle de l'effet de levier grâce auquel ils permettent au Parlement de conserver une influence sur le secteur des télécommunications.
Le budget consacre quelques lignes spécifiques au secteur des télécommunications. Mais la discussion budgétaire est aussi l'occasion de faire le point sur la situation de l'entreprise publique France Télécom.
Le secteur des télécommunications n'apparaît de façon spécifique dans le budget de l'Etat que sous trois intitulés :
- l'Agence nationale des fréquences ;
- l'Autorité de régulation des télécommunications ;
- le Groupe des écoles des télécommunications.
L'Agence nationale des fréquences est le seul de ces trois postes de dépenses à disposer à la fois de crédits de fonctionnement (dépenses ordinaires) et de crédits d'investissement (crédits de paiement pour les dépenses en capital).
CRÉDITS DU BUDGET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
En euros
Chapitre |
LF 2002 |
nouveau |
PLF 2003 | |
Agence nationale des fréquences | ||||
· Fonctionnement |
36-10 |
27.288.373 |
411.627 |
27.700.000 |
· Investissement |
63-04 |
5.183.000 |
2.600.000 | |
Autorités de régulation des télécommunications | ||||
· Fonctionnement |
37-06 |
16.082.151 |
757.332 |
16.850.483 |
Groupe des écoles des télécommunications (GET) | ||||
· Fonctionnement |
36-10 |
52.518.698 |
1.000.000 |
53.518.698 |
GET. Recherche | ||||
· Fonctionnement |
36-10 |
37.350.000 |
37.350.000 | |
Total |
138.422.222 |
138.019.181 |
Pour être complètement exhaustif, il faudrait encore citer les crédits de soutien à la recherche mis à la disposition du Réseau national de recherche en télécommunication : 36 millions d'euros en 2002, dont 25 millions sont apportés par le ministère de l'Industrie sur les projets pré-compétitifs, et 11 millions par le ministère de la Recherche pour les projets exploratoires.
On peut enfin observer que le montant total des crédits alloués au budget des télécommunications est du même ordre de grandeur que la principale contribution du secteur aux « voies et moyens » : il s'agit des recettes collectées par le canal des redevances d'usage des fréquences radioélectriques (ligne 339), dont le produit est évalué pour 2003 à 118,9 millions d'euros.
A côté de l'examen des crédits budgétaires proprement dit, la discussion de la loi de finances est un rendez-vous annuel avec le Gouvernement à l'occasion duquel l'Assemblée nationale est amenée à faire un bilan de la situation de l'entreprise France Télécom. L'intérêt du Parlement résulte de ce que France Télécom reste une composante de la sphère publique. A l'occasion du projet de loi de finances pour 2003, l'entreprise suscite en outre une attention particulière en raison de son retour au régime commun pour les taxes locales.
En effet, cette entreprise appartient à la sphère publique à plusieurs titres :
- d'abord, France Télécom, bien que cotée en bourse depuis 1997, demeure une propriété de l'Etat, qui possède encore 55,5 % de son capital. A ce titre, France Télécom est redevable d'un versement de dividende ; celui-ci, évalué à 641 millions d'euros pour l'année 2002, a été payé sous la forme d'actions ; aucun versement n'est attendu pour l'année 2003, en raison de la situation financière de l'entreprise ;
- ensuite, sur les 146 000 salariés de l'entreprise en France, 112 000 ont un statut de fonctionnaires ;
- France Télécom est l'opérateur désigné pour fournir les prestations de service universel définies à l'article L. 35-1 du Code des postes et télécommunications : « Le service universel des télécommunications fournit à tous un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Il assure l'acheminement des communications téléphoniques en provenance ou à destination des points d'abonnement, ainsi que l'acheminement gratuit des appels d'urgence, la fourniture d'un service de renseignements et d'un annuaire d'abonnés, sous formes imprimée et électronique, et la desserte du territoire national en cabines téléphoniques installées sur le domaine public. » ;
- France Télécom est également tenue, en vertu de l'article L. 35-5 du Code des postes et télécommunications, de fournir les services obligatoires : « Les services obligatoires comprennent une offre, sur l'ensemble du territoire, d'accès au réseau numérique à intégration de services, de liaisons louées, de commutation de données par paquet, de services avancés de téléphonie vocale et de service télex. » ;
- France Télécom doit enfin assurer, en vertu de l'article L. 35-6 du Code des postes et télécommunications, des missions en matière de défense et de sécurité. En pratique, ces missions concernent essentiellement les interceptions d'appel réalisées à titre judiciaire ou sur autorisation du Premier ministre, et la maintenance des sirènes du Réseau national d'alerte.
C'est le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie qui remplit, au nom de l'Etat, le rôle d'actionnaire majoritaire au sein du Conseil d'administration de France Télécom, et qui, par ailleurs, exerce la tutelle sur le service public des télécommunications, composé du service universel, des services obligatoires et des missions de défense et de sécurité.
Il est donc naturel que l'Assemblée nationale, au titre de sa fonction de contrôle de l'action du Gouvernement, effectue un point régulier sur la manière dont la tutelle s'exerce vis-à-vis de France Télécom, et la discussion de la loi de finances en fournit l'occasion.
La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a mis en place un système particulier d'assujettissement de France Télécom aux impôts directs locaux, consistant en un prélèvement centralisé au profit de l'Etat, qui le reversait en partie au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ().
Ce système fonctionnait à l'avantage de l'Etat, qui conservait en pratique les deux-tiers des recettes, et de France Télécom, dont la charge au titre des impôts locaux, compte tenu du mode de calcul adopté, s'en trouvait diminuée. Pour cette raison, une procédure précontentieuse a même été engagée en 2001 par la Commission européenne contre ce régime fiscal spécial, assimilable à une aide d'Etat.
En fait, France Télécom elle-même soutenait de moins en moins ce dispositif, qui la lésait lorsqu'elle se trouvait en concurrence avec d'autres opérateurs pour une implantation nouvelle, car la collectivité locale concernée avait naturellement tendance à accorder la préférence à une entreprise payant normalement les taxes locales, et qui avait perdu son sens avec la création des filiales Orange et Wanadoo, qui étaient, elles, soumises au droit commun.
Toute la difficulté de la disparition du régime dérogatoire tenait en ce qu'elle devait se traduire financièrement par une transition indolore pour l'Etat, et qu'elle ne devait pas accroître les inégalités de ressources entre les collectivités locales, au profit de celles bénéficiant d'une implantation de France Télécom sur leur territoire.
C'est la suppression de la part attachée aux salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle qui en a fourni l'occasion, en profitant de ce que cette suppression donne lieu à versement d'une compensation par l'Etat.
En effet, un prélèvement sera effectué sur cette compensation, pour toutes les collectivités bénéficiaires du produit des taxes désormais acquittées par France Télécom, à compter du 1er janvier 2003, au niveau local.
Ce prélèvement est calculé de manière qu'il soit équivalent, globalement, au montant total des taxes locales payées jusqu'en 2002, par France Télécom.
Une part de ce prélèvement alimentera le budget de l'Etat (sous la forme d'une moindre charge de compensation), l'autre, fixée à 271 millions d'euros, est destinée au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, afin que les ressources de ce fonds se retrouvent inchangées.
De même, globalement, les ressources des collectivités locales ne seront ainsi pas sensiblement modifiées.
Bien que s'exerçant sur un champ relativement restreint, le contrôle du Parlement n'en a pas moins une portée réelle, en raison de la dimension stratégique, pour le secteur des télécommunications, des éléments sur lesquels portent ce contrôle.
Les autorités administratives qui prennent en charge la régulation du secteur, à savoir l'Autorité de régulation des télécommunications, et l'Agence nationale des fréquences, assurent le travail courant d'encadrement de l'activité des entreprises, dans le respect du Code des postes et télécommunications.
En outre, du fait de leur position de superviseur, elles ont, de manière plus ou moins formelle, une fonction essentielle de veille à la fois économique et technologique, qui leur permettent d'émettre des avis informés sur tous sujets relatifs au secteur. Elles jouent de ce fait un rôle précieux de conseiller auprès des pouvoirs publics, et pas seulement dans les domaines où leur avis est juridiquement requis.
Il est donc essentiel, dès lors qu'elles remplissent leurs missions à la satisfaction générale, qu'elles continuent à disposer des moyens de leur action.
L'Agence nationale des fréquences dispose du plus gros budget parmi les organismes de l'Etat qui s'occupent des télécommunications, près de 28 millions d'euros. Ses moyens de fonctionnement se trouvent confortés, puisqu'il est prévu qu'ils augmentent de 1,5 % en 2003.
Ce renforcement est cohérent avec l'extension des missions de l'Agence, car celle-ci a pris en charge depuis 2000 le contrôle radiomaritime, assuré autrefois par France Télécom ; elle est en passe d'exercer des missions touchant à la gestion des positions orbitales des satellites ; mais surtout elle a été désignée, dans le cadre de la directive 1999/5/CE du 19 mars 1999, dite directive R&TTE, comme l'autorité administrative devant recevoir les déclarations de mise sur le marché des équipements radioélectriques. A ce titre, elle est chargée d'exercer une vigilance en matière de protection de la santé publique sur les installations d'émetteurs radio.
Quant à ses dépenses en capital, elles s'inscrivent en diminution, puisque ses autorisations de programme passent de 5,8 millions d'euros en 2002 à 5,5 millions d'euros en 2003, et ses crédits de paiement de 5,2 millions d'euros en 2002 à 2,6 millions d'euros en 2003.
Mais cette diminution s'explique à la lumière de ce qui motive ce besoin de crédits en capital : en fait, ils servent à construire et maintenir un maillage de stations de contrôle du spectre sur le territoire, en liaison avec la mission première de l'Agence, et ce maillage est désormais terminé. Il reste à le compléter par quelques stations transportables, et aussi par des matériels de mesure adaptés aux bandes de fréquence de la boucle locale radio (BLR).
En 2002, l'Agence dispose, en incluant les emplois mis à disposition par le ministère de la Défense, de 202 fonctionnaires, 140 contractuels et 23 mises à disposition. Sur cet effectif total de 365, 228 agents travaillent dans les services centraux ou les pôles techniques de Brest et Saint-Dié, et 137 agents dans les services régionaux.
L'Autorité de régulation des télécommunications ne dispose que de crédits ordinaires. Leur total représente désormais près de 17 millions d'euros.
Comme le met en évidence le tableau suivant, cet organisme ne cesse de voir ses moyens renforcés, en raison du rôle déterminant qu'il joue dans la régulation du secteur des télécommunications.
Il convient de remarquer que l'augmentation prévue des crédits pour 2003 est conséquente, près de 5 %, et concerne aussi bien les crédits de rémunération que les crédits de fonctionnement proprement dits. Cela ouvre la possibilité, soit d'élargir les pouvoirs de l'ART dans le cadre de la transposition des directives européennes sur la « communication numérique », soit d'assurer une extension des compétences de l'ART au domaine postal, en réponse aux pressions exercées sur ce terrain par la Commission européenne.
BUDGET DE L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
En euros
LF 2002 |
Ajout |
Total 2002 |
Nouveau |
PLF 2003 | |
Rémunérations principales |
5.488.955 |
7.000 |
5.495.955 |
154.302 |
5.650.257 |
Indemnités et allocations |
2.517.659 |
3.000 |
2.520.659 |
75.555 |
2.596.214 |
Cotisations sociales |
981.996 |
1.000 |
982.996 |
25.349 |
1.008.345 |
Prestations sociales |
117.058 |
|
117.058 |
2.126 |
119.184 |
Fonctionnement |
6.976.483 |
|
6.976.483 |
500.000 |
7.476.483 |
Total |
16.082.151 |
11.000 |
16.093.151 |
757.332 |
16.850.483 |
Ce renforcement des moyens en 2003 ne correspond que très partiellement à une augmentation de l'effectif, puisque celui devrait passer de 149 en 2002 à 151 en 2003. Le nombre des contractuels s'accroît d'une unité, pour passer à 23.
L'évolution du total des rémunérations enregistre l'impact de l'intégration des administrateurs des postes et télécommunications en poste à l'ART dans le corps des administrateurs civils, puisqu'il est prévu, dans le projet de loi de finances pour 2003, une création de 16 emplois d'administrateurs civils contrebalancée par la disparition de 16 emplois d'administrateurs des postes et télécommunications.
La loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom a restitué à l'Etat les tâches d'enseignement auparavant dévolues à l'exploitant public France Télécom : « Les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom nécessaires aux missions de service public d'enseignement supérieur des télécommunications sont transférés à l'Etat ».
Quant à la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996, elle a rendu à l'Etat la responsabilité en matière de recherche : « Les missions de recherche publique et de développement dans le domaine des télécommunications sont exercées par l'Etat ou pour le compte de l'Etat et sous sa responsabilité dans le cadre de contrats qui définissent les programmes et en précisent les modalités de réalisation ainsi que de financement. »
Des articles budgétaires sont donc spécialement affectés à ces deux types de missions de service publique. Elles apparaissent notamment sous l'intitulé : « Groupe des écoles de télécommunications ».
Le projet de budget pour 2003 renforce avec un certain volontarisme les moyens du Groupe des écoles de télécommunications, en lui accordant un million d'euros supplémentaires, tout en maintenant le niveau des crédits qui sont attribués spécifiquement pour la recherche.
Par ailleurs, l'effort de soutien au Réseau national de recherche en télécommunication (RNRT), qui représente 36 millions d'euros, sera poursuivi en 2003.
On sent là l'impact de la mise en _uvre du schéma de services collectifs de l'information et de la communication, qui a prévu une augmentation de 25 % entre 2001 et 2005 des effectifs de la recherche publique consacrés aux sciences et technologies de l'information et de la communication. On sent, là aussi, la volonté ferme du nouveau ministre des Finances de renforcer le potentiel technologique de la France.
France Télécom exerce une influence déterminante sur l'évolution du secteur des télécommunications en France, car :
- elle est la seule entreprise française présente à la fois sur les quatre segments du téléphone fixe, du téléphone mobile, de l'Internet, de la fourniture aux entreprises de services sur les réseaux;
- elle se trouve en première position sur chacun de ces différents segments en France. Pour l'année 2001, le groupe France Télécom a revendiqué 64 % du trafic longue distance, 48 % du parc des mobiles, 44 % des accès Internet, 70 % du marché des transmissions de données.
Le secteur des télécommunications apparaît doublement stratégique, car son développement contribue à assurer les conditions d'une croissance plus forte et plus harmonieuse : plus forte, parce qu'il participe de l'accélération du progrès technique; plus harmonieuse, parce qu'il contribue à l'attractivité économique de l'ensemble du territoire.
La révolution technologique mêle l'impact sur l'économie des deux secteurs connexes que sont, d'une part, l'informatique, dans ses deux composantes matérielle et logicielle, et, d'autre part, les télécommunications. S'il est possible d'analyser isolément le rôle des télécommunications dans le progrès technique, en revanche, les données quantitatives quant à l'impact sur la croissance ne sont disponibles qu'au niveau agrégé de l'ensemble des technologies de l'information et de la communication (TIC).
Les télécommunications stimulent la croissance de trois manières, dont deux, pour être plus indirectes, n'en ont pas moins leur importance.
C'est la contribution la plus évidente, qui se traduit par une production nouvelle avec, au niveau de la demande finale, la mise en place d'un réseau de vente et de maintenance, et au niveau des biens d'équipement, la création d'une infrastructure d'antennes relais et d'une industrie de terminaux.
Des services complémentaires à la téléphonie peuvent être offerts sur la base des mêmes équipements : la messagerie (SMS), l'information (météo), le divertissement (musique).
Une liaison par télécommunication constitue un moyen de transmettre une information, voire un véritable contenu audiovisuel (en vidéo-conférence, par exemple), en faisant l'économie d'un transport physique du message et du messager. Les progrès des techniques de communication, comme ceux réalisés avec le téléphone mobile, multiplient les circonstances où cette substitution à un système physique d'échange d'information peut avoir lieu.
Globalement, l'économie de ressources réalisée, répétée sur une vaste échelle, rend possible un investissement supplémentaire dans d'autres activités productives, ce qui va stimuler la croissance.
Les progrès dans les télécommunications permettent une meilleure coordination de l'action des agents économiques, qui se traduit par une plus grande efficacité du système productif dans son ensemble. C'est évident dans les métiers de service itinérant (médecins, taxis, voire plombiers), qui peuvent, grâce au téléphone portable, optimiser en permanence leur plan de travail, mais cet impact en termes de meilleure coordination peut se manifester aussi dans des contextes de production industrielle, en permettant par exemple un plus rapide ajustement des comportements collectifs à toutes les perturbations qui peuvent survenir (pannes, ruptures d'approvisionnement, accidents).
Ce surcroît d'efficacité par la coordination tend à augmenter lorsque l'usage des télécommunications se répand, car plus le nombre des utilisateurs est grand, plus les occasions d'une meilleure coordination sont nombreuses.
Des estimations effectuées par la Banque de France sur la période 1980-2000 () montrent qu'en France, la contribution à la croissance des TIC est demeurée d'un ordre de grandeur limité, bien qu'en accélération sur les années récentes : 0,3 % à 0,35 % par an à partir de 1995, contre 0,2 % auparavant. La moitié de cette contribution serait imputable aux matériels informatiques, les deux quarts restants étant dus respectivement aux logiciels et aux matériels de communication.
De son côté, l'OCDE a fait, pour la même période 1980-2000, une évaluation comparative pour neuf pays développés (), dont il ressort qu'en moyenne la contribution des TIC à la croissance varie, selon le pays, de 0,2 % à 0,5 % par an. A partir de 1995, cette contribution s'élève pour atteindre, selon le pays, 0,3 % à 0,9 % par an. Globalement, la France aurait donc connu une évolution semblable à celle des pays de l'OCDE. Cependant, elle serait demeurée dans la partie basse de cette fourchette, avec le Japon, l'Allemagne et l'Italie, alors que les Etats-Unis auraient bénéficié de l'effet de stimulation le plus fort, suivis dans l'ordre par l'Australie, la Finlande et le Canada.
Ces chiffres tendraient à mettre en évidence un avantage pour les pays où la diffusion des nouvelles technologies s'est effectuée de manière plus rapide.
L'offre en infrastructures en télécommunications fait désormais partie des éléments fondamentaux dont tient compte toute entreprise dans ses décisions de localisation. Dans le contexte de forte concurrence qui prévaut aujourd'hui, cet élément de décision joue d'ailleurs aussi bien pour les implantations nouvelles que pour le maintien d'installations anciennes. Des politiques de couverture nationale ont donc été engagées ; mais elles ne sont pas sans susciter certaines réactions à l'échelon local.
Les télécommunications sont devenues un enjeu essentiel de l'aménagement du territoire, puisqu'elles constituent une composante de son « attractivité ». C'est pourquoi les pouvoirs publics se sont mobilisés depuis un an en vue de créer des mécanismes compensant les failles laissées par la dynamique propre du secteur privé dans l'installation d'infrastructures : le CIADT () de Limoges du 9 juillet 2001 a consacré toute une partie de ses travaux à cette question ; un des « schémas de services collectifs » prévu par l'article 16 de la loi n° 99-553 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire porte sur « l'information et la communication » ; le Conseil économique et social s'est saisi du sujet le 28 mai 2002 en confiant un rapport à M. André Marcon intitulé « Les technologies de l'information et de la communication : une chance pour les territoires ?» ; enfin, à l'Assemblée nationale, la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a, le 10 juillet 2002, désigné M. Nicolas Forissier comme rapporteur sur « La desserte du territoire en téléphonie mobile et en haut débit ».
Pour ce qui concerne le téléphone mobile, le Gouvernement a pris le parti de négocier la couverture des « zones blanches » directement avec les trois opérateurs concernés, Orange, SFR, Bouygues Telecom, dans une démarche consistant à mobiliser une aide budgétaire limitée qui ferait « effet de levier » par rapport aux investissements que les trois opérateurs seraient eux-mêmes prêts à effectuer. En effet, au-delà des analyses en termes de rentabilité locale, ceux-ci n'ignorent pas que le produit qu'ils offrent devient commercialement plus attractif lorsque sa portée d'utilisation s'étend.
En pratique, les deux premiers dispositifs envisagés pour la prise en charge des « zones blanches » sont restés caducs : celui imaginé lors du CIADT du 9 juillet 2001, fondé exclusivement sur une « itinérance locale » ; et celui du 30 novembre 2001, reposant uniquement, au contraire, sur un « partage des sites » entre les réseaux Orange et SFR.
Le nouvel accord conclu entre les trois opérateurs, le 23 septembre 2002, s'appuie sur les deux solutions techniques, en distinguant deux cas :
- les points isolés, qui seraient couverts par une utilisation physique conjointe, en « site partagé », de l'infrastructure passive, par les trois opérateurs ;
- les zones cohérentes, qui seraient couvertes par l'implantation physique d'un seul opérateur ouvrant localement son réseau à « l'itinérance » (c'est à dire, à une utilisation logique par les deux autres opérateurs).
Le déploiement de la solution en « site partagé » pourrait s'effectuer « sans délai » sur au moins 200 sites ; en revanche, le déploiement de l'itinérance est subordonné au résultat d'une « phase expérimentale ». Le nombre des communes concernées s'élèverait, selon les dernières estimations de la DiGITIP en fin 2001, à 1638.
Les trois opérateurs se partageraient à égalité l'avantage d'assurer localement l'itinérance sur les zones cohérentes. Ils supporteraient, en « site partagé » comme « en itinérance », une part égale des investissements. Le montant total pour chacun n'a pas été précisé, mais compte tenu des sommes évoquées lors des deux précédents accords, il se situerait entre 50 et 75 millions d'euros.
Quant à l'Etat, il aurait à prendre en charge, en partage pour moitié avec les collectivités locales, le coût des pylônes nécessaires, que ce soit dans l'un ou l'autre cas. Là encore, aucun chiffre n'a été annoncé officiellement, mais les estimations des précédents accords rendent probables une charge pour l'Etat comprise entre 44 et 76 millions d'euros (avec un apport du même montant pour les collectivités locales). Ces crédits seraient pris sur les moyens d'interventions de la DATAR.
L'accès haut débit à Internet repose encore largement sur la mise en place d'infrastructures coûteuses, dont la rentabilisation impose aux opérateurs privés de focaliser leur offre sur les zones les plus densément peuplées ou industrialisées. Pour les particuliers, le raccordement par câble (188 500 abonnés à la fin 2001 d'après l'ART) ou par l'ADSL (413 000 abonnés à la fin 2001) reste encore un privilège des villes importantes. Pour les entreprises, le raccordement en réseau est plus facile dans les grandes zones industrielles, ou les quartiers d'affaires.
L'Etat et les régions ont certes mis en place avec RENATER et ses réseaux locaux de collecte (les plaques locales ou régionales) une architecture publique de raccordement qui irrigue tout le territoire. Mais cette structure est dédiée plus spécifiquement au raccordement des universités et des centres publics de recherche. Dans le meilleur des cas, les entreprises ne peuvent y avoir accès que lorsqu'elles font partie de pépinières, c'est à dire dans les toutes premières années de leur existence, et à condition qu'elles développent des technologies nouvelles.
La modification, par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, a visé à donner aux collectivités locales les moyens d'une action incitative pour l'installation de fournisseurs d'accès à haut débit, en les autorisant à créer des infrastructures « passives » de télécommunications (canalisations, chambres de tirage ou fibres noires destinées à supporter des réseaux filaires, pylônes et alimentation électrique pour les infrastructures de boucle locale radio ou de téléphonie mobile). L'article L. 1511-6 précise néanmoins que les collectivités locales ne peuvent pas exercer elles-mêmes le métier d'opérateur.
La Caisse des dépôts et consignations, lors du CIADT du 9 juillet 2001, a reçu mission de soutenir financièrement cette opération, en mobilisant, d'une part ses fonds propres, à hauteur de 230 millions d'euros, pour des participations en capital, et d'autre part les fonds d'épargne adossés au Livret d'épargne populaire, à hauteur de 1,5 milliards d'euros, pour des prêts à taux préférentiels sur 30 ans, en cofinancement avec les établissements de crédits. En juin 2002, 117 projets d'infrastructures étaient en cours d'instruction, émanant de 14 conseils régionaux, 44 conseils généraux, 46 structures intercommunales, 9 communes et 4 autres instances locales.
Cependant, ce dispositif ne saurait suffire, lorsque le point de raccordement à l'artère à haut débit se trouve vraiment très éloigné, ou lorsque la clientèle locale n'est pas suffisante pour justifier de la part des opérateurs un investissement, même réduit aux équipements techniques. C'est pourquoi un mécanisme de subvention a été prévu par le nouvel article L. 1511-6, afin d'abaisser le seuil de rentabilité d'exploitation. Mais sa mise en place dépend d'un décret en Conseil d'Etat, qui n'a pas été pris pour l'instant.
En fait, le développement de l'Internet à haut débit dans les zones peu denses devrait probablement recevoir une impulsion avec l'arrivée à maturité de deux technologies qui minimisent le coût local d'infrastructures spécifiques :
- le raccordement par fibre optique véhiculé par le Réseau de transport d'électricité (RTE), en faveur duquel une action d'évaluation et de prospective a été décidée lors du CIADT du 9 juillet 2001 ;
- mais surtout la liaison par satellite, qui est devenue commercialement viable en 2001 avec l'apparition d'une offre bidirectionnelle, alors que le marché n'offrait auparavant que la possibilité d'une connexion en réception seulement. L'avantage évident d'une distribution d'accès Internet par satellite est qu'elle s'effectue à un coût unitaire marginal très faible, que le nouvel abonné se trouve en plein coeur d'une agglomération ou qu'il vive en zone rurale peu dense.
Pour permettre le déploiement de la technologie de l'Internet haut débit par satellite, il conviendrait néanmoins de rectifier une malencontreuse redevance de gestion annuelle de 305 euros « par site », qui a été imposée par le décret n° 2001-626 du 17 juillet 2001, et qui rend l'abonnement non viable économiquement pour le particulier ou la petite entreprise.
Comme toutes les avancées de la technologie dans la vie quotidienne, le développement des équipements de télécommunication suscite un débat social, qui paraît a priori quelque peu contradictoire avec l'intérêt économique des populations. Ce débat se focalise en particulier sur l'intégration dans l'environnement, et les risques d'atteinte à la santé et à la tranquillité.
La multiplication des équipements collectifs de télécommunication déclenche une double demande sociale convergente, quoiqu'au départ d'inspiration très différente : la dissimulation pour préserver l'environnement ; l'enfouissement pour assurer une plus grande sécurité des liaisons.
Le débat sur les atteintes à l'environnement a été ravivé par le déploiement des antennes du téléphone mobile. La société Bouygues Telecom, qui a appuyé au départ son développement sur une licence GSM à 1800 MHz, donc sur une technologie de portée plus courte nécessitant plus de relais, a adopté une démarche plus particulièrement en pointe dans ce domaine. Les solutions consistent à « habiller » les antennes de panneaux décoratifs, ou à les installer dans des endroits où elles s'intègrent naturellement dans le paysage, comme les clochers. Les trois opérateurs du téléphone mobile se sont conjointement engagés, le 12 juillet 1999, au respect d'une « Charte nationale environnementale ».
L'enfouissement, qui concerne les liaisons par téléphonie fixe, et donc principalement France Télécom, est devenu une préoccupation de sécurité publique pour de nombreuses collectivités locales, à la suite des tempêtes de décembre 1999.
France Télécom a un intérêt direct à participer financièrement à ces opérations, qui évitent les interventions coûteuses de remise à niveau après des intempéries. C'est pourquoi, si elles sont conduites le plus souvent en partenariat avec les collectivités locales, elles sont aussi parfois, lorsque les impératifs de l'exploitation le commandent, prises entièrement en charge sur les fonds propres de France Télécom.
Jusqu'en 1996, l'action en ce domaine était encadrée par un protocole signé le 19 janvier 1993 avec les ministères respectivement chargés des télécommunications et de l'environnement. Depuis 1996, France Télécom a poursuivi ses efforts dans l'esprit du protocole. L'effort global en matière d'enfouissement a représenté une part sans cesse croissante du budget total d'investissement et de maintenance des lignes.
BILAN DES OPÉRATIONS DE « DÉPÔTS » PAR FRANCE TÉLÉCOM
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 | |
Poteaux |
28300 |
28000 |
23000 |
23000 |
43400 |
42800 |
41500 |
42000 | |
Câbles (en km) |
2000 |
3000 |
2800 |
2500 |
1700 |
1900 |
1850 |
1800 |
1850 |
Budget (1) |
5,7 |
6,9 |
8,1 |
8,7 |
11,0 |
15,3 |
15,6 |
15,6 |
17,4 |
(1) En pourcentage du budget total consacré à l'installation et la maintenance des lignes
Aujourd'hui, le réseau de transmission de France Télécom est enterré à 100 %, et le réseau de transport à environ 97 %. Les lignes de distribution et de branchement sont, pour les deux tiers, souterraines.
La participation des collectivités locales aux travaux d'enfouissement bénéficient paradoxalement d'un régime peu incitatif sur le plan fiscal, dans la mesure où ces opérations sont comptabilisées comme des dépenses de fonctionnement, et ne sont donc pas éligibles à un remboursement de TVA par le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Cette difficulté a notamment été soulevée par une question écrite au Gouvernement de M. Michel Grégoire du 21 février 2000, à laquelle il a été répondu le 2 avril 2001. L'instruction n° 01-114-M0 du 10 décembre 2001 a rappelé les règles applicables.
Le basculement des dépenses d'enfouissement en section de fonctionnement résulte fondamentalement de ce que les lignes téléphoniques relèvent de la propriété de France Télécom, et non du patrimoine des collectivités concernées. Il n'y a guère que lorsque ces collectivités se placent en situation d'entrepreneur de travaux pour le compte de France Télécom qu'elles peuvent récupérer une partie de la TVA, celle qui grève les prestations des fournisseurs auxquels elles ont alors recours.
Mme Nicole Fontaine, ministre de l'Industrie, a indiqué lors d'une audition devant la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, le 17 juillet 2002, qu'elle était favorable à ce qu'une réflexion d'ensemble soit lancée sur ce dossier, en concertation avec le ministère de l'Intérieur.
Bien que les équipements de téléphonie mobile utilisent des signaux similaires à ceux de la radio ou de la télévision, et de surcroît à des puissances très inférieures, leur soudaine profusion a provoqué des interrogations d'ordre sanitaire dans l'opinion publique. Par ailleurs, leur utilisation désordonnée a suscité des inquiétudes quant au risque d'atteinte à la tranquillité, notamment dans les salles de spectacle.
Les risques d'atteinte à la santé liés au déploiement du téléphone portable font l'objet d'une grande attention de la part des pouvoirs publics, comme en témoigne le rapport de Denis Zmirou, réalisé en 2001 à la demande du Secrétaire d'Etat à la santé. Des programmes de recherche ont été engagés par l'OMS (projet EMF, en 1996) et par les ministères de la Recherche et de l'Industrie (projet COMODIO, en 1999).
Les risques de danger sont analysés au niveau des antennes, comme au niveau des combinés. Pour les antennes, une recommandation européenne a été formulée le 12 juillet 1999, dont la mise en oeuvre en France a été précisée par une circulaire interministérielle du 16 octobre 2001, et qui a été transposée en droit français par le décret n° 2002-6775 du 3 mai 2002. Ce dispositif définit les conditions de mise en place d'un périmètre de sécurité autour des antennes.
Pour les combinés, les effets physiologiques en jeu ne sont pas bien identifiés, et c'est donc un simple principe de précaution qui prévaut : il est recommandé de ne pas téléphoner en conduisant, d'éviter la multiplication des communications très longues, ou sinon d'utiliser un « kit mains libres » qui présente l'avantage d'éloigner l'antenne du crâne.
S'agissant des atteintes à la tranquillité, elles ont trouvé surtout à se manifester de façon systématique dans des salles de cinéma. L'amendement des sénateurs Pierre Hérisson, Philippe Richert et Rémi Herment, adopté le 31 mai 2001 dans le cadre de la discussion de ce qui allait devenir la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, a donné la liberté d'utiliser des « brouilleurs » dans les salles de spectacles.
Cette solution n'a cependant pas emporté l'unanimité, car le « brouilleur » empêche aussi les appels d'urgence, et risque indûment de perturber les communications dans les alentours du lieu de spectacle. En outre, une autorisation partielle des « brouilleurs » risque d'enclencher une prolifération difficile à contrôler. L'ART a donc initié un groupe de travail sur cette question en mai 2002.
La loi nº2002-1138 d'orientation et de programmation sur la justice du 9 septembre 2002 a autorisé l'usage des « brouilleurs » dans les centres pénitenciers.
III. - L'ORGANISATION DE LA RÉGULATION
Le secteur des télécommunications, quoique rendu au secteur privé en 1998, ne relève néanmoins pas du droit commun de la concurrence, car en raison de ses particularités liées notamment à l'existence d'un opérateur historique « puissant », seul détenteur d'un réseau de téléphonie fixe couvrant tout le pays, il est apparu indispensable d'organiser une régulation spécifique. Les contours de cette régulation sont d'ailleurs en constante évolution, sous l'effet notamment de l'enrichissement des normes internationales auxquelles adhère la France.
La régulation s'effectue en fait à deux niveaux, pris en charge respectivement par l'Agence nationale des fréquences, et l'Autorité de régulation des télécommunications, deux autorités administratives instituées par la loi 66-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications.
Elle relève de l'Agence nationale des fréquences (ANF). Selon l'article L. 97-1 du code des postes et télécommunications :
« L'agence a pour mission d'assurer la planification, la gestion et le contrôle de l'utilisation, y compris privative, du domaine public des fréquences radioélectriques sous réserve de l'application de l'article 21 de la loi nº 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que des compétences des administrations et autorités affectataires de fréquences radioélectriques.
Elle prépare la position française et coordonne l'action de la représentation française dans les négociations internationales dans le domaine des fréquences radioélectriques.
Elle coordonne l'implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature afin d'assurer la meilleure utilisation des sites disponibles. A cet effet, les décisions d'implantation ne peuvent être prises qu'après avis de l'agence lorsqu'elles relèvent de la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel et qu'avec son accord dans tous les autres cas. »
Pour mener à bien ses missions de planification du spectre, l'ANF s'appuie sur une large concertation, qui s'effectue dans le cadre de trois commissions, au sein desquelles s'articulent respectivement les dimensions nationale, internationale et prospective de la planification du spectre :
· la Commission de planification des fréquences (CPF) ;
· la Commission des Conférences de radiocommunications (CCR) ;
· la Commission de synthèse et prospective en radiocommunications (CSPR).
Elle prépare et soumet à l'approbation du Premier ministre la répartition des bandes de fréquences entre catégories de services et entre administrations et autorités affectataires. Elle établit et tient à jour le tableau national de répartition des bandes de fréquences.
Des bandes de fréquence sont réservées d'une part aux activités de communication audiovisuelle, d'autre part aux activités de télécommunications, dont le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et l'Autorité de régulation des télécommunications sont respectivement attributaires.
L'utilisation d'une fréquence radioélectrique constituant un mode d'occupation privatif du domaine public de l'Etat, elle fait l'objet d'une redevance, dont l'ANF gère la liquidation et l'ordonnancement.
Cette redevance s'applique aux opérateurs de télécommunications. Les sociétés de communication audiovisuelle en sont exemptées.
En ce domaine, l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) dispose de compétences propres, et de compétences partagées avec le ministre chargé des télécommunications.
· L'ART est consultée sur les projets de loi ou de règlements relatifs au secteur des télécommunications et participe à leur mise en oeuvre.
· L'ART peut préciser certaines règles à caractère technique en matière d'exploitation de réseaux et de services, d'interconnexion et de terminaux; ses décisions sont ensuite homologuées par le ministre.
· L'ART instruit, pour le compte du ministre chargé des télécommunications, les demandes de licences d'établissement et d'exploitation de réseaux ouverts au public, ainsi que les demandes de licences de fourniture du service téléphonique au public. Elle instruit aussi les demandes de licences nécessaires à la fourniture au public de services utilisant des fréquences hertziennes. Elle transmet les dossiers instruits au ministre, qui est chargé de délivrer les autorisations. Depuis sa création, l'ART a instruit 144 dossiers pour près de 90 opérateurs autorisés.
· L'ART propose l'évaluation du coût net du service universel et le montant des contributions des opérateurs au ministre, qui les constate.
· L'ART émet des avis sur les tarifs et les objectifs tarifaires pluriannuels du service universel, ainsi que sur les tarifs des services pour lesquels il n'existe pas de concurrents sur le marché.
· S'agissant des aspects internationaux, l'ART veille au respect de l'égalité de traitement des opérateurs autorisés à fournir des services internationaux. Elle est également associée, à la demande du ministre, aux négociations communautaires et internationales.
· L'ART délivre les autorisations d'ouverture et d'exploitation des réseaux indépendants, qui sont destinés à la fourniture de services de télécommunications réservés à des groupes fermés d'utilisateurs (réseaux internes à des entreprises ou à des administrations, par exemple).
· L'ART établit et gère le plan de numérotation national; elle attribue les ressources en fréquences et en numérotation aux opérateurs et aux utilisateurs, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
· Les opérateurs de réseaux ouverts au public dont la part de marché est supérieure à 25 % sont déclarés « puissants » et doivent à ce titre publier un catalogue d'interconnexion. L'ART en établit chaque année la liste et approuve leur catalogue d'interconnexion. Elle peut aussi demander la modification des conventions d'interconnexion conclues entre deux opérateurs, lorsque cela est nécessaire pour garantir l'égalité des conditions de concurrence ou l'interopérabilité des services.
· L'ART assure, dans l'attente des mesures complémentaires de transposition de la directive 1999/5/CE « R&TTE » du 19 mars 1999, la responsabilité du dispositif d'évaluation de conformité des équipements terminaux (postes téléphoniques, télécopieurs, répondeurs, modems, etc.) connectés aux réseaux. Dans ce cadre, l'ART désigne les laboratoires d'essai habilités à effectuer des tests sur les produits. Elle est aussi chargée de délivrer les attestations de conformité.
· L'ART est chargée du règlement des différends entre opérateurs dans trois domaines :
- le refus d'interconnexion, la conclusion et l'exécution des conventions d'interconnexion et les conditions d'accès à un réseau de télécommunications;
- la mise en conformité des conventions comportant des clauses excluant ou apportant des restrictions de nature juridique ou technique à la fourniture de services de télécommunications sur les réseaux câblés;
- les possibilités et les conditions d'une utilisation partagée des installations existantes situées sur le domaine public ou sur une propriété privée;
· L'ART peut être saisie d'une demande de conciliation pour régler les litiges qui ne relèvent pas de la procédure de règlement des différends. Outre le ministre chargé des télécommunications, toute personne morale ou physique, toute organisation professionnelle ou association de consommateurs peut ainsi saisir le régulateur, qui en informe le Conseil de la concurrence.
L'ART peut enfin sanctionner tout manquement des opérateurs aux dispositions législatives et réglementaires. Elle peut ainsi prendre des mesures de suspension temporaire ou définitive d'une licence ou infliger une amende pouvant aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires de l'opérateur en cas de récidive.
Le dispositif de régulation des télécommunications s'inscrit, en France, dans le cadre des directives européennes, dont un nouveau « paquet » a été adopté le 7 mars 2002, qui doit faire l'objet d'une transposition avant fin juillet 2003. Mais le dispositif français doit aussi tenir compte plus généralement des normes négociées au sein des instances internationales des télécommunications.
Depuis l'adoption des deux directive 90/387/CEE et 90/388/CEE du 28 juin 1990, relative respectivement « à l'établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en _uvre de la fourniture d'un réseau ouvert de télécommunications » et «à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications », la Communauté européenne n'a cessé d'affiner sa démarche de réglementation en vue d'instituer un véritable marché intérieur dans ce secteur monopolisé au départ par le groupe restreint des opérateurs historiques nationaux. Une vingtaine de directives et recommandations sont venues compléter ou modifier le dispositif initial, en partie pour l'adapter aux développements des technologies survenus entre-temps.
Un nouveau « paquet » de directives a été adopté le 7 mars 2002, qui pour l'essentiel, se substitue à l'ensemble des textes précédents, dans une démarche de mise en ordre, qui s'apparente à celle d'une codification. Cependant, ce « paquet » comporte aussi des orientations nouvelles qui méritent d'être analysées. Par ailleurs, il survient alors que le processus de transposition des textes précédents n'est qu'imparfaitement achevé, ce qu'il convient de ne pas perdre de vue au cours de la transposition en préparation.
Le 1er janvier 1998, les marchés des télécommunications ont été totalement libéralisés dans presque tous les États membres. Après un bilan effectué au travers d'une consultation publique, la Commission a proposé le 12 juillet 2000 un « paquet » de textes à adopter selon la procédure de codécision par le Parlement européen et par le Conseil.
Ce « paquet » visait à adapter la réglementation au nouveau contexte technologique créé par la convergence entre les télécommunications, les technologies de l'information et les médias, qui permet de plus en plus de fournir les mêmes services via des plates-formes techniques différentes, et à destination de terminaux très variés. Il s'agissait de définir un cadre permettant de soumettre à des règles communes de concurrence l'ensemble de ce qui s'appellent désormais, de manière globale, les « services de communications électroniques ».
Le « paquet » visait en outre à simplifier et clarifier sensiblement le cadre réglementaire actuel en ramenant le nombre d'instruments législatifs de vingt-huit à huit.
Ce « paquet », qui a été adopté définitivement par le Conseil et le Parlement européen, est finalement constitué de sept textes :
· La directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;
· La directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») ;
· La directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
· La directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») ;
· La directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques ») ;
· La décision n° 676/2002/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire pour la politique en matière de spectre radioélectrique dans la Communauté européenne (décision « spectre radioélectrique ») ;
· La directive 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques, prise par la Commission en application de ses compétences propres en matière de règles de concurrence (directive « concurrence »).
Ce nouveau cadre réglementaire européen pour les « communications électroniques » doit être transposé d'ici juillet 2003. Il rendra caduques une vingtaine de textes préexistants.
D'autres textes resteront en vigueur, et notamment :
· La directive 1999/5/CE du 19 mars 1999 du Parlement européen et du Conseil concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications (directive dite « R&TTE »)
Cette directive harmonise et libéralise la mise sur le marché d'équipements hertziens, même lorsque les bandes de fréquences qu'ils sont susceptibles d'utiliser ne sont pas harmonisées en Europe. Les « exigences essentielles » que les équipements entrant dans le champ d'application de la directive sont tenus de respecter, pour pouvoir être mis sur le marché communautaire, sont principalement des exigences en matière de protection de la santé et de la sécurité des personnes, de compatibilité électromagnétique et, pour les équipements hertziens, de non perturbation lorsqu'ils sont utilisés conformément à l'usage pour lequel ils ont été prévus.
La directive 1999/05/CE est entrée en application le 8 avril 2000. Certaines de ses dispositions nécessitant des mesures spécifiques de transposition en droit national, des textes législatifs et réglementaires sont actuellement en cours d'adoption.
Afin d'assurer une transition sans heurt pour les industriels du secteur, un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été prises par les autorités françaises. De plus, compte tenu de particularités techniques propres au réseau de France Télécom, la mise sur le marché et l'utilisation en France d'équipements téléphoniques ne régulant pas le courant de ligne était susceptible de provoquer une détérioration inacceptable du service de téléphonie vocale accessible dans le cadre du service. Afin de prendre en compte ce risque, la Commission, par sa décision C (2000) 1390 du 29 mai 2000, a autorisé la France à maintenir des exigences supplémentaires à la mise sur le marché des équipements concernés pour une période maximale de 30 mois, conformément aux dispositions de l'article 18 paragraphe 3 de la directive.
· La directive 99/64 de la Commission du 23 juin 1999 modifiant la directive 90/388/CEE en vue de garantir que les réseaux de télécommunications et les réseaux câblés de télévision appartenant à un seul et même opérateur constituent des entités juridiques distinctes.
Cette directive prévoit l'obligation pour les opérateurs de séparer juridiquement leurs activités de téléphonie fixe de l'exploitation des réseaux câblés. Elle concerne essentiellement les opérateurs historiques, seuls à posséder un réseau téléphonique commuté et un réseau câblé.
Conformément aux dispositions de cette directive, la France a communiqué à la Commission les informations permettant de vérifier le respect de cette disposition qui a été inscrite dans le droit national par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001.
Les points clefs du nouveau cadre réglementaire sont les suivants :
· Confirmation de l'objectif d'établir une concurrence effective sur l'ensemble du marché des communications électroniques ;
· Renforcement de la régulation sectorielle du secteur des communications électroniques et confirmation du rôle clé joué par les autorités réglementaires nationales (ARN) dans sa mise en _uvre ;
· Rapprochement des principes de la régulation et de ceux du droit de la concurrence, notamment à travers le recours aux notions de « position dominante » et de « position dominante conjointe » pour la définition des opérateurs puissants sur le marché ;
· Cadre réglementaire harmonisé pour l'ensemble des réseaux de « communications électroniques » (audiovisuel et télécommunications), les services fournis sur ces réseaux restant soumis à des régimes distincts ;
· Renforcement des mécanismes de coordination de l'action des ARN ;
· Introduction de mécanismes de flexibilité dans la législation pour faire évoluer la réglementation au rythme des changements technologiques et commerciaux futurs et la supprimer progressivement à mesure que les marchés deviennent concurrentiels ;
· Création pour les acteurs de l'ensemble de l'Union de conditions d'égalité en facilitant l'accès au marché par une simplification des règles et en assurant leur application harmonisée grâce à des mécanismes de coordination efficaces à l'échelon européen ;
· Adaptation de la réglementation à une concurrence qui se renforce en limitant l'application de l'essentiel de la réglementation fondée sur le concept de puissance sur le marché aux opérateurs considérés comme dominants selon le droit communautaire de la concurrence ;
· Maintien des obligations de service universel afin d'éviter d'exclure quiconque de la société de l'information ;
· Protection du droit à la vie privée sur l'Internet.
Une consultation publique vient d'être organisée dans le cadre de la préparation des travaux de transposition. Compte tenu de son impact sur les activités de l'audiovisuel, elle a été placée sous le double parrainage du ministère de l'Industrie et du ministère de la Culture.
Cette transposition devrait être l'occasion de régler divers problèmes techniques posés par la législation française actuelle, comme par exemple celui du mécanisme de financement du service universel, qui suscite un débat tant quant au niveau global prélevé que sur les règles de prélèvement.
Elle devrait aussi permettre de faire disparaître certaines discordances juridiques résultant de la technique de transposition par voie d'ordonnance. En effet, l'ordonnance du 25 juillet 2001, prise en vertu de la loi d'habilitation du 3 janvier 2001, a permis d'introduire des ajouts à la partie législative du code des postes et télécommunications (divers alinéas de l'article L.36 notamment). Un projet de loi de ratification a certes été déposé dans les délais (le 16 octobre 2001), afin que l'ordonnance ne devienne pas caduque. Mais ce projet de loi n'a pas été discuté. Les mesures prises par ordonnance conservent de ce fait une valeur réglementaire, bien que présentées formellement comme étant de valeur législative.
Les risques de recours administratifs contre ces mesures sont faibles puisqu'elles transposent des normes européennes. Néanmoins, il conviendrait certainement de profiter de la transposition des nouvelles dispositions pour régulariser cette situation par une ratification législative en bonne et due forme.
L'Agence nationale des fréquences, et l'Autorité de régulation des télécommunications, servent de liens, chacune dans leur domaine, avec les grandes organisations internationales au sein desquelles s'effectue la coopération assurant la continuité transfrontière des télécommunications, ou encore l'élaboration des normes techniques du futur.
Les ondes ignorant les frontières des états, l'utilisation des fréquences dans chaque pays doit respecter des dispositions prises au niveau mondial. Celles-ci sont prises notamment dans le cadre de l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), dont les Conférences mondiales des radiocommunications (CMR) remettent régulièrement à jour le Règlement des radiocommunications qui s'impose ensuite à tout pays membre. La dernière CMR a eu lieu en mai-juin 2000, la prochaine aura lieu en 2003. C'est dans cette instance qu'est discutée par exemple l'attribution de bandes nouvelles à la navigation par satellite, déterminante pour le programme européen GALILEO. L'ANF y représente la France.
L'ART participe à la coordination interministérielle sur les questions internationales et européennes en matière de télécommunications, et entretient des contacts réguliers avec l'Union européenne et le Groupe des régulateurs indépendants, ainsi qu'avec d'autres institutions internationales, notamment la CEPT (Conférence européenne des postes et télécommunications), l'ECTRA (Comité européen pour les problèmes de régulation des télécommunications), l'OCDE et l'OMC.
L'institut européen des normes de télécommunications (ETSI), dont les 800 membres sont aussi bien des sociétés que des organisations, contribue à l'élaboration de normes, ou à la rédaction de textes techniques à vocation réglementaire, susceptibles d'être repris à son compte par la Commission européenne.
IV. - UNE MAUVAISE PASSE ÉCONOMIQUE
Le secteur des télécommunications, en se trouvant partie prenante de la « révolution numérique », a constitué l'un des moteurs de la « nouvelle économie » qui, à la fin de la décennie quatre-vingt-dix, semblait garantir une période durable de croissance vertueuse, non inflationniste, fondée sur la diffusion du progrès technique : les gains de productivité permettaient tout à la fois de distribuer des revenus plus importants, ce qui dynamisait la demande, et d'exercer une pression à la baisse sur les coûts de production, ce qui empêchait la montée des prix. Cependant la réalité a fini par rattraper cette illusion de mouvement perpétuel parfaitement harmonieux, pour faire redécouvrir la dure réalité d'une régulation cyclique : depuis la fin de l'année 2000, l'euphorie a fait place progressivement à la dépression. Frappé plus que le reste de l'économie, le secteur des télécommunications s'est retrouvé en proie à de graves difficultés financières; pourtant il ne faudrait pas perdre de vue que, derrière son apparence sinistrée, il a maintenu ses ressorts économiques pratiquement intacts.
Au terme de la phase de cycle qui vient de s'achever, le secteur des télécommunications se retrouve pénalisé par un endettement important, qui est aujourd'hui d'autant plus lourd à supporter que la valeur en bourse des entreprises s'est effondrée.
Le lourd endettement du secteur des télécommunications est une conséquence directe de sa montée en puissance au sein des économies développées depuis le milieu des années quatre-vingt-dix.
En effet, lorsque s'est déclenchée l'euphorie de la « nouvelle économie », tout s'est passé comme si le choc de productivité impulsé par la diffusion des nouvelles technologies s'était combiné avec un choc monétaire, selon un schéma semblable à celui décrit par Joseph Schumpeter, dans sa théorie du cycle économique () : l'année 1995 a marqué en effet tout à la fois l'arrivée à maturité commerciale de l'Internet et du GSM, et l'entrée dans une phase d'assouplissement des politiques monétaires en Europe et aux Etats-Unis.
La baisse des taux d'intérêt a facilité le financement des nouveaux projets industriels, et la très forte profitabilité de ceux-ci a suscité d'autres vagues d'initiatives technologiques. Le financement n'avait pas nécessairement besoin de passer par l'emprunt : comme les marchés financiers, et le Nasdaq en particulier aux Etats-Unis, étaient eux-mêmes dynamisés par la baisse du coût du crédit, les nouveaux entrepreneurs pouvaient y collecter directement de l'épargne publique.
L'ensemble du tissu industriel a profité de cet accès plus aisé au financement pour effectuer des investissements, notamment en vue d'intégrer les nouvelles technologies au processus productif. Cependant, dans le secteur des télécommunications, les besoins en capitaux se sont révélés particulièrement importants :
- au niveau des infrastructures tout d'abord, parce que les opérateurs ont dû créer de toute pièce les réseaux de GSM (pour un coût de l'ordre de 5 milliards d'euros par réseau, en France), et que, de leur côté, les équipementiers, confrontés à une demande en progression rapide d'antennes, de relais, et surtout d'appareils portables, ont dû créer d'importantes capacités de production ;
- en recherche et développement ensuite, afin de préparer l'avènement, prévu initialement en 2002, du téléphone mobile de « troisième génération » devant permettre de consulter l'Internet depuis un portable (UMTS en Europe). Les opérateurs ont été contraints d'acheter les licences à l'avance, vendues très chères par les Etats (jusqu'à plus de 10 milliards d'euros au Royaume-Uni, et près de 8,5 milliards d'euros en Allemagne) cherchant à tirer une rente de cette technologie prometteuse; les équipementiers ont été incités à investir massivement pour la mettre au point dans les délais
- enfin, les opérateurs ont dû aussi engager des coûts de mise à niveau de leur réseau (estimés à nouveau de l'ordre de 5 milliards d'euros, en France) pour les adapter à cette technologie de « troisième génération ».
En fin de compte, tous ces investissements se sont traduits par une augmentation généralisée de l'endettement. Une étude de la Banque de France sur « Le financement des entreprises de la nouvelle économie », parue dans le numéro de janvier 2002 (n° 97) de son Bulletin mensuel, donne une idée du montant des emprunts effectués par le secteur des télécommunications à l'échelle mondiale : les prêts bancaires syndiqués à ce secteur se sont élevés à 150 milliards de dollars en 1998, 240 milliards de dollars en 1999, et près de 320 milliards de dollars en 2000; quant aux émissions d'obligations, elles ont représenté 50 milliards de dollars en 1998, 80 milliards de dollars en 1999, et environ 100 milliards de dollars en 2000.
La Banque de France, dans l'éditorial du numéro de décembre 2000 de son Bulletin mensuel, la Banque d'Angleterre dans le numéro de décembre 2000 de Financial Stability Review, la Banque des règlements internationaux, dans son rapport annuel de juin 2001, ont alors exprimé une inquiétude quant aux niveaux d'endettement atteints dans l'industrie des télécommunications, craignant même qu'il n'entraîne un risque de déstabilisation pour le système bancaire.
Les banques et les acheteurs d'obligations en sont venus à imposer des primes de risque de plus en plus importantes aux entreprises des télécommunications, qui ont eu alors recours à deux stratégies de substitution pour se financer :
- d'une part, l'appel à l'épargne publique par l'introduction en bourse des filiales spécialisées dans l'Internet ou le téléphone mobile. Ainsi les filiales Wanadoo et T-Online de France Telecom et Deutsche Telekom ont été cotées en bourse à partir de 2000 ;
- d'autre part, la mise en place de crédits fournisseurs. Ces crédits accordés par les équipementiers aux opérateurs pour les inciter à poursuivre leur effort de mise en place des futurs réseaux de « troisième génération » ont atteint à leur tour des niveaux conséquents : 2 à 4 % du chiffre d'affaires pour Nokia, 7 à 8 % pour Ericsson et Alcatel, jusqu'à 27% pour Lucent, au point que ces crédits ont dû finalement être en partie refinancés auprès des banques. ()
Après le printemps 2000, les marchés financiers n'ont cessé d'évoluer à la baisse, dans un mouvement qui a particulièrement pénalisé le secteur des télécommunications. Ainsi, à la fin de septembre 2002, le titre de France Télécom est descendu à moins de 8 euros alors que l'introduction de la société en bourse en 1997 s'était faite au niveau de 28 euros, et que l'action avait culminé à près de 220 euros en mars 2000 ; le titre d'Alcatel a glissé, quant à lui, à moins de 3 euros, alors qu'il atteignait près de 100 euros en septembre 2000.
Ces baisses sont certainement tout aussi exagérées que l'ont été les valorisations boursières pendant la phase ascendante du cycle. Elles se combinent cependant objectivement avec l'endettement pour réduire les marges de man_uvre opérationnelles des entreprises concernées, dans la mesure où les possibilités d'emprunt diminuent avec la valeur de l'actif net, considéré comme un gage de remboursement.
De même que la montée de l'endettement, elles apparaissent rétrospectivement comme étroitement liées au mouvement cyclique impulsé par le choc des nouvelles technologies. Car les fluctuations boursières récentes semblent pouvoir s'interpréter plus comme des « sur-réactions » par rapport à l'évolution conjoncturelle que comme des mouvements complètement erratiques.
Alors que le modèle de la « nouvelle économie », intégrant les analyses sur le mécanisme de la croissance « endogène », qui tient compte du fait que l'efficacité de la production s'accroît avec le volume de la production, prévoyait le maintien durable d'une activité soutenue, la phase d'expansion enclenchée par la diffusion des nouvelles technologies contenait en elle-même, conformément aux analyses de Joseph Schumpeter sur le cycle économique, son propre frein.
Patrick Artus a mis en évidence dans une analyse de l'économie américaine () que la profitabilité des entreprises, après avoir crû fortement de 1992 à 1997, a diminué à partir de 1998 pour revenir en 2001 à son niveau de 1992. Cette diminution a été provoquée par une montée des coûts des facteurs de production : le salaire réel s'est mis à progresser plus vite que la productivité, et le taux d'intérêt réel a crû progressivement sous l'effet des primes de risque.
Or, c'est justement dans cette montée des coûts des facteurs, induite par la « course aux moyens de production » entre les secteurs d'innovation technologique et les secteurs anciens, que Schumpeter a aperçu l'une des causes profondes du retournement de la conjoncture, dans son analyse du cycle « technologique » (). En effet, la chute de la profitabilité finit par interrompre les vagues successives d'investissements liés aux innovations, qui ont stimulé la croissance pendant la phase d'essor.
Cependant l'évolution de la profitabilité a eu aussi une incidence sur la bourse, en vertu du principe d'arbitrage selon lequel la valeur fondamentale d'une action est égale à la somme des valeurs actualisées des dividendes futurs anticipés. Car, dès lors que les agents ont pris conscience de cette baisse de profitabilité des entreprises, ils ont anticipé des dividendes futurs moindres, et le prix des titres a baissé. Pour illustrer la sensibilité du cours des actions à ces anticipations, Pierre-Noël Giraud, dans une étude effectuée pour le Centre d'économie industrielle (CERNA) de l'Ecole des Mines de Paris, a montré qu'un fléchissement de 5 % à 3 % du taux de croissance des dividendes pouvait aboutir à une division par trois du cours ! ()
Si cette inversion des comportements a pu se produire avec un temps de décalage, au début de l'année 2000 aux Etats-Unis, lors de l'annonce de pertes par la société Lucent, alors que la baisse de profitabilité a commencé dès 1998, c'est peut-être en raison de la plus grande difficulté d'apprécier la rentabilité effective des projets dans les domaines véritablement innovants : des investissements ont pu continuer à être financés, alors qu'ils reposaient déjà, compte tenu de l'évolution des coûts des facteurs et de la saturation de la demande solvable, sur des bases économiques non viables, tout simplement parce que les références habituelles d'appréciation, à savoir des séquences passées de résultats pour des activités équivalentes, ou le positionnement au sein d'un groupe d'entreprises comparables, n'étaient, par définition, pas encore disponibles. Du reste, certains financements accordés à des « jeunes pousses » se sont appuyés plus sur la valorisation d'un concept (un « business model ») que sur un tableau de financement prévisionnel détaillé. ()
La chute des cours sur les marchés financiers a été finalement générale. Néanmoins, certains éléments ont conduit à ce que les titres du secteur des nouvelles technologies soient particulièrement touchés :
- d'abord, en raison des stratégies de croissance externe qu'elles ont conduit pour élargir leur marché, et ainsi mieux exploiter les économies d'échelle inhérentes à leur activité, les entreprises des nouvelles technologies se sont retrouvées dans une situation de forte interdépendance financière. Le processus de fusions-acquisitions a eu en effet pour résultat de lier le sort des entreprises entre elles, puisqu'il amenait les unes à détenir un portefeuille d'actions des autres, que cette détention d'actifs résulte de prises de participation, ou qu'elle résulte du paiement par remise de titres. La chute des cours a été dès lors d'autant plus irrésistible qu'elle s'est aggravée d'une réaction en chaîne, puisqu'en touchant une entreprise, elle entraînait la dépréciation du portefeuille d'actifs d'autres entreprises qui étaient alors contraintes de provisionner des pertes pour dépréciation, et donc de dégrader leur niveau de rentabilité, suscitant ainsi à leur tour la défiance des agents boursiers ;
- en second lieu, lorsqu'au fléchissement des résultats économiques s'est ajoutée, à cause des fraudes révélées par la faillite d'Enron en décembre 2001, une crise de confiance à propos de la sincérité des comptes. Car le secteur des nouvelles technologies, en raison de ses antécédents moins solides, a été plus particulièrement victime de la défiance des agents boursiers. Schumpeter l'a souligné : « les entreprises nouvelles qui sont contrôlées avec minutie et méfiance, qui n'ont pas de réserves, mais seulement tout au plus des restes de crédit inutilisés, au moindre signe d'embarras, sont considérées comme des escroqueries . (...) Pour cette raison, la modification de la conjoncture frappe les nouvelles entreprises de façon plus visible, plus soudaine et plus sensible que les anciennes entreprises.» () La découverte des fraudes comptables de WorldCom en juin 2002 n'a pu qu'accentuer cette défiance à l'encontre des « nouvelles entreprises », et donc accélérer la dépréciation de leur titre.
Si le secteur des télécommunications connaît d'évidentes difficultés financières, sa situation d'un point de vue économique est plus contrastée, car si les équipementiers voient effectivement leur chiffre d'affaires se réduire, les opérateurs continuent à bénéficier de la croissance de la demande pour les services associés aux nouvelles technologies.
L'IDATE (), organisme indépendant spécialisé dans le suivi du marché des nouvelles technologies, prévoit, à l'échelle mondiale, dans le secteur des télécommunications, une progression du marché des services de 8,3 % en 2002, et un recul du marché des équipements de 5,3 %.
MARCHÉ MONDIAL DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
(en milliards de dollars)
1995 |
2000 |
2001 |
2002 | |
Services |
507,2 |
1098,5 |
1192,2 |
1290,8 |
Equipements |
173,0 |
307,1 |
303,3 |
287,1 |
Source : IDATE, DigiWorld 2002.
Cette poursuite de la progression du marché des services s'explique par un double phénomène conjoncturel et structurel :
- au niveau conjoncturel, la consommation des services suit l'évolution de l'activité économique, puisque l'accès aux moyens de communications téléphoniques constitue un « bien supérieur », dont l'usage augmente plus que proportionnellement au revenu ;
- au niveau structurel, la demande reste tirée par la poursuite de la montée des taux d'équipement même si, dans certains pays, ce taux dépasse déjà 70 % pour le téléphone mobile. Ce mouvement est irrésistible, car l'attrait des outils qui fonctionnent en réseau, par un effet de « club », augmente avec le nombre des individus déjà connectés.
Globalement, le ralentissement de la croissance mondiale, et l'arrivée à saturation de l'équipement des consommateurs, provoque en 2002 un léger ralentissement, mais sur une tendance qui reste très dynamique.
TAUX D'ABONNEMENT
(en pourcentage de la population)
fin 2000 |
fin 2001 |
mi 2002 | |
Téléphone mobile |
|||
Etats-Unis |
39,4 |
49,8 |
58,3 |
Europe de l'Ouest |
62,9 |
70,6 |
76,4 |
Japon |
45,8 |
57,4 |
66,7 |
Accès Internet |
|||
Etats-Unis |
52,9 |
61,8 |
Nd |
Europe de l'Ouest |
22,2 |
31,2 |
Nd |
Japon |
20,6 |
26,7 |
Nd |
Source : IDATE, DigiWorld 2002.
En revanche, ce léger tassement de la demande finale au niveau des services a des effets négatifs démultipliés au niveau du marchés des équipements, en raison du phénomène de « l'accélérateur » , car la demande annuelle de biens d'investissement adressée par les opérateurs aux équipementiers varie comme le différentiel, d'une année sur l'autre, de la demande des consommateurs.
Les grands équipementiers mondiaux ont ainsi connu de très forts taux de croissance en 1999 et 2000, de l'ordre de 30% l'an, au moment du décollage des technologies du téléphone portable et de l'Internet. Mais, désormais, les réseaux de relais sont en place, et n'appellent plus que des besoins de maintenance sur les installations techniques; et l'arrivée progressive à saturation de l'équipement des ménages provoque une diminution corrélative du nombre annuel des abonnés supplémentaires, et donc de la demande annuelle de téléphones portables ou de modems, ce qui rend indispensable d'ajuster les capacités de production de ces appareils à la baisse.
L'effondrement des commandes touche donc aussi bien les entreprises fournissant surtout des équipements de réseaux, comme Alcatel ou Ericsson, que celles plus spécialisées dans les équipements terminaux, comme Nokia, qui détient plus du tiers du marché mondial dans ce domaine selon l'IDATE (DigiWorld 2002). Les premières se trouvent cependant plus particulièrement touchées.
Ainsi, l'entreprise Alcatel devrait connaître un recul de 10 % de son chiffre d'affaires en 2002. Pour surmonter cette situation, elle tente une stratégie d'abaissement de son « point mort », en réduisant sa surface opérationnelle aux activités qui font encore du chiffre d'affaires. Cela va se traduire par des compressions d'effectifs, ceux-ci devant être ramenés à 60 000 à la fin de l'année 2003, contre 110 000 à la fin de l'année 2000. L'entreprise américaine Lucent et l'entreprise canadienne Nortel ont, de leur côté, été amenées à licencier chacune environ 50 000 personnes dès 2001, soit à peu près la moitié de leur personnel.
De fait, les équipementiers avaient anticipé ce risque de dépression liée à la stabilisation de la demande finale, en participant activement à la promotion de la téléphonie mobile de « troisième génération », notamment à travers un soutien accordé aux opérateurs via des crédits fournisseurs, pour qu'ils adaptent leur réseau. Cependant, cette technologie, qui devait être disponible dès 2002, s'est mise en place avec d'autant plus de retard que certains opérateurs (Orange, Telefonica, Sonera), ayant besoin d'assainir leur situation financière, ont décidé entre-temps de retarder leur programme d'investissement. Les équipementiers vont donc devoir supporter un long « détour de production », au moins jusqu'en 2005 selon l'IDATE.
V. - LA SITUATION DE FRANCE TÉLÉCOM
La place particulière qu'occupe France Télécom dans les télécommunications en France, compte tenu de son statut historique d'entreprise publique, de sa mission d'opérateur du service universel, et de son poids économique dans les différents segments d'activité concernés, a contribué à donner un retentissement important aux difficultés financières qu'elle a rencontrées lorsque la crise du secteur l'a atteinte à son tour. L'analyse montre néanmoins qu'elle a poursuivi jusqu'alors une stratégie industrielle cohérente, qui devrait l'aider à terme à franchir le cap de ces difficultés financières, d'autant qu'elle est parvenue par ailleurs à maintenir une gestion efficace de ses ressources humaines.
A l'inverse du modèle de développement choisi par Vivendi Universal, autre entreprise française dont les difficultés financières ont, elles aussi, été fortement médiatisées en 2002, France Télécom a articulé sa stratégie sur un renforcement de sa présence sur les différents segments de son métier de base, qui demeure fondamentalement la fourniture de services de télécommunications. Cette stratégie a dû cependant être conduite dans le contexte juridique particulier propre aux entreprises publiques, qui explique pour partie l'aggravation de la contrainte financière à laquelle elle s'est finalement trouvée confrontée.
Partant d'une position forte, en France, dans la téléphonie fixe et la fourniture de service sur les réseaux aux entreprises, le groupe France Télécom s'est adapté, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, à trois mutations majeures de son métier de base :
- d'abord le développement de la téléphonie mobile, dont les différentes structures de gestion (France Télécom Mobiles, puis Itineris) ont finalement été regroupées en juin 2001 sous la bannière d'Orange ;
- ensuite l'apparition de l'Internet, pris en charge à l'échelle de la France, puis plus largement de l'Europe, par la filiale Wanadoo, introduite en bourse en juillet 2000 ;
- enfin l'accélération du phénomène de mondialisation, d'ailleurs lui-même encouragé par le progrès technique dans le secteur des télécommunications, qui a finalement justifié la mise en place en juin 2001 d'une filiale de dimension internationale pour la fourniture de services sur les réseaux aux entreprises : Equant.
Le groupe France Télécom a pu ainsi compenser la tendance au rétrécissement de son marché d'origine par une forte croissance de son activité sur ses marchés nouveaux. Au cours du premier semestre 2002, le groupe a ainsi réalisé environ 60 % de son chiffre d'affaires consolidé sur les segments du téléphone mobile, de l'Internet, et de la fourniture de services sur les réseaux, et près de 40 % de ce même chiffre d'affaires consolidé sur les marchés étrangers.
La téléphonie fixe (hors Internet), seul segment sur lequel a été enregistré en 2001 un recul du chiffre d'affaires, continuait à représenter un tiers (un peu plus de 32 %) du chiffre d'affaires consolidé du groupe en 2001.
Ce recul du chiffre d'affaires s'inscrit logiquement dans le mouvement de déclin de techniques anciennes de communication laissant progressivement place à des technologies plus récentes : le téléphone mobile et l'Internet. Dans le cas de France Télécom, opérateur historique contraint depuis 1998 d'ouvrir l'accès à son réseau, le mouvement est accentué par la montée en puissance de la concurrence qui s'est traduite d'une part, par une baisse des parts de marché (ramenées à 83% sur le trafic local, et 64 % sur le trafic « longue distance » () en juin 2002), et d'autre part, par une baisse des tarifs.
Ainsi, en données «pro format» (), le chiffre d'affaires généré par les communications nationales a enregistré, entre 2000 et 2001, une diminution de 19,1 % due, pour plus de la moitié, aux baisses du prix des communications. Pour le trafic international sortant, le chiffre d'affaires a diminué de 11,6 % sur la même période, du fait notamment de la baisse d'environ 8 % du chiffre d'affaires moyen par minute, induite par des baisses successives de tarifs.
La croissance du chiffre d'affaires de l'interconnexion (22,6 % en données «pro format»), généré pour les deux tiers par le développement rapide du trafic d'accès à Internet des fournisseurs d'accès tiers (c'est-à-dire autres que Wanadoo), est venue atténuer pour partie les pertes constatées globalement sur la téléphonie fixe.
Le renforcement à 34 %, en septembre 2001, de la part dans le capital de l'opérateur historique polonais TP SA, dont France Télécom était déjà actionnaire depuis dix ans, s'est inscrit dans une démarche de valorisation du savoir acquis sur la téléphonie fixe, dans un pays où cette technologie, du fait du processus de rattrapage économique, conserve encore des marges de croissance.
Dans le domaine de la téléphonie mobile, la progression du chiffre d'affaires d'Orange s'établit à 67,2 % en données brutes entre 2000 et 2001, et à 25,1 % en données «pro format». Cette progression intègre aussi bien les marchés français et britannique, berceau d'Orange, que les autres marchés d'Europe (Belgique, Pays-Bas, Roumanie, notamment) où la marque Orange s'est implantée ultérieurement.
Les activités de téléphonie mobile conduites en dehors du groupe Orange ont connu aussi une progression annuelle du chiffre d'affaires, mais plus modérée (14,9 %), car le développement des activités en Egypte, en Jordanie et au Liban, a été contrebalancé par un repli en Argentine.
En ce qui concerne l'Internet, le chiffre d'affaires de Wanadoo a progressé de près de 40,7 % en 2001 en données brutes, et 29,2 % en données «pro format». Cette forte croissance est due pour l'essentiel à la poursuite de l'augmentation du nombre des clients actifs (plus de 6 millions au total, dont plus de trois millions en France, car Wanadoo est implanté aussi au Royaume-Uni, en Espagne, aux Pays-Bas, en Belgique, au Maroc), et dans une moindre mesure, à l'augmentation du chiffre d'affaires mensuel moyen par abonné, due principalement à l'offre d'accès à haut débit (ADSL et câble).
S'agissant de la fourniture de service sur les réseaux aux entreprises, la progression en 2001 du chiffre d'affaires, qui prend essentiellement la forme de redevances d'utilisation de liaisons louées, est de 10,6 % en France, et de 120,7 % hors de France. Ce dernier chiffre enregistre l'apport, à partir du 1er juillet 2001, de la nouvelle filiale Equant, qui a absorbé l'ancienne filiale Global One dédiée jusqu'alors à ce segment d'activité s'adressant aux multinationales. En données «pro format», la progression hors de France s'élève à 12,1 %.
Ce dynamisme des nouveaux segments d'activité s'est traduit, à l'échelle de l'ensemble du groupe France Telecom, par un résultat opérationnel courant avant amortissement (EBITDA) () de 12,3 milliards d'euros en 2001, en augmentation de 14 % par rapport à l'exercice 2000. La base de ce résultat demeure apportée par la téléphonie fixe, pour un montant d'un peu moins de 8 milliards d'euros, en légère diminution par rapport à la contribution équivalente «pro format» en 2000. La différence correspond pour l'essentiel à la marge dégagée par la téléphonie mobile, plus de 3 milliards d'euros. La fourniture de service sur les réseaux aux entreprises, et surtout l'Internet, ont une contribution au bénéfice plus faible, en rapport avec leur part plus réduite dans le chiffre d'affaires consolidé du groupe (respectivement 11,2 % et 3,6 %).
La crise du secteur des télécommunications a véritablement atteint France Télécom durant l'été 2002, lorsque l'entreprise a annoncé la nécessité de provisionner de façon très importante des dépréciations d'actifs résultant de l'échec de participations prises dans deux entreprises qui devaient constituer des « têtes de pont » pour l'offre de France Télécom dans le domaine de l'UMTS sur les marchés anglais et allemand : respectivement NTL et MobilCom. La provision décidée en juillet 2002 a atteint 9 milliards d'euros, s'ajoutant aux 10 milliards d'euros déjà provisionnés, pour l'essentiel à cause des deux mêmes participations, au cours de l'exercice 2001.
Cette annonce a provoqué une forte décote en bourse de l'action, à moins de 8 euros à la fin de septembre 2002, et a déclenché le sentiment bien compréhensible d'une injuste spoliation, notamment du million et demi de petits porteurs qui avaient manifesté leur confiance envers l'entreprise lors de sa privatisation en 1997.
Cependant la stratégie globale de couverture de l'ensemble des besoins des consommateurs, dans la téléphonie fixe, la téléphonie mobile, et l'Internet, apparaît rétrospectivement plutôt pertinente, puisqu'elle procure les moyens de dégager des revenus pour assainir à terme la situation, en s'appuyant sur le dynamisme propre à la demande finale en services de télécommunications. Il y aurait eu autrement matière à critiquer, si France Télécom, plutôt que de suivre l'évolution technologique, s'était par exemple entêtée à assurer la promotion du Minitel contre l'Internet.
Le problème est venu en fait de ce que le choc des dépréciations des participations à NTL et MobilCom a été subi alors que l'entreprise supportait déjà un endettement élevé, qui a atteint près de 70 milliards d'euros. Or ce sont les particularités du statut de France Télécom qui expliquent pour l'essentiel cet endettement.
En effet, le statut public de l'entreprise, dont l'Etat doit détenir directement plus de la moitié du capital social, selon la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 « relative à l'entreprise nationale France Télécom », a interdit tout paiement d'opération d'acquisition par remise de titres de France Télécom : chaque prise de contrôle par France Télécom a dû être financée par endettement.
Le fait même que France Télécom se soit contentée de « participations » dans NTL et MobilCom, en se mettant ainsi en situation de risque vis-à-vis des choix de gestion des dirigeants de ces entreprises, a d'ailleurs peut-être été l'effet d'une retenue pour limiter la surcharge de dette.
Le statut public de France Télécom a aussi joué un rôle dans l'alourdissement de la dette à travers un canal plus diplomatique qu'économique. L'opérateur historique français a en effet longtemps privilégié, pour ses opérations d'extension internationale, une stratégie d'alliance avec l'opérateur historique allemand, Deutsche Telekom. Cette alliance avait clairement une dimension symbolique et politique. Or son échec, à l'occasion de la tentative de fusion entre Telecom Italia et Deutsche Telekom, en avril 1999, a conduit France Télécom à mettre en place une stratégie alternative d'acquisitions pour s'implanter sur les marchés étrangers, mais à un moment où beaucoup d'opérations de fusions-acquisitions avaient déjà eu lieu dans l'industrie des télécommunications. Les acquisitions de France Télécom ont donc dû être effectuées au prix le plus fort : celle de MobilCom est par exemple intervenue en mars 2000, au point le plus haut de la « bulle » financière.
L'achat de la licence UMTS à l'Etat français en 2001 peut a priori apparaître lui aussi comme une conséquence malheureuse du statut public de l'entreprise, puisque l'opération s'est assimilée d'une certaine manière à une « vente forcée » : France Télécom n'avait pas la liberté, comme Bouygues, de refuser le prix proposé. Mais ce prix a été ultérieurement rajusté, et de toute façon, France Télécom ne pouvait faire l'impasse sur une technologie présentée par toute la profession comme la norme du futur. En la matière, d'ailleurs, seul l'avenir permettra de déterminer si cette orientation était vraiment un mauvais calcul.
Enfin, le statut public de France Télécom lui imposait des règles de fonctionnement particulières de ses structures de gouvernance, et l'on peut se demander si un conseil d'administration composé pour un tiers de représentants des salariés, pour un tiers de hauts fonctionnaires, et pour un tiers seulement de personnalités véritablement « qualifiées », était bien apte à faire face à une situation qui obligeait à des man_uvres industrielles rapides, de surcroît dans un contexte d'accélération de l'évolution des technologies. En outre, il y a lieu de s'interroger sur le rôle qu'a pu jouer l'intervention des autorités politiques dans les décisions prises.
Il y a donc certainement là matière à investigation et à réflexion, qui pourrait justifier la mise en place, sinon d'une « commission d'enquête », du moins d'une « mission d'information » contribuant à éclairer les travaux préparatoires de réformes devenues absolument indispensables, surtout dans la perspective de l'ouverture du capital de nouvelles entreprises publiques oeuvrant sur des marchés concurrentiels, comme EDF et GDF.
Pour l'heure, le statut public de l'entreprise en fait surtout une source à venir de charge supplémentaire pour l'Etat, qui se trouve obligé d'intervenir en « investisseur avisé » sous la surveillance de la Commission européenne. L'idée d'un apport en capital par de grands établissements financiers du secteur public a été avancée, mais l'opération de sauvetage, visant notamment à permettre à l'entreprise de faire face à une échéance de 15 milliards d'euros à la mi-2003, devra de toute façon tenir compte des conclusions, en novembre 2002, de l'audit interne que conduit actuellement le nouveau président Thierry Breton. Les conséquences budgétaires du montage financier apparaîtront probablement dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Il s'agira plus certainement de mécanisme en « effet de levier », via des garanties ou des prises en charge de remboursement d'intérêt par exemple, que d'opérations massives en capital.
Le groupe France Télécom semble d'autant mieux à même d'affronter la situation actuelle qu'il s'appuie sur une tradition de forte culture d'entreprise, qui conduit son personnel à se mobiliser autour des objectifs de performance. Cette cohésion est d'autant plus remarquable que les ressources humaines y forment a priori un ensemble assez hétérogène. Mais celles-ci sont gérées dans une perspective relativement dynamique, ce qui constitue plutôt un atout dans un secteur confronté à des évolutions rapides.
Le groupe France Telecom conserve la trace de son passé d'exploitant public, vieux de quelques années seulement : une part importante de ses effectifs reste composée de fonctionnaires, et il supporte des charges de retraite intégrant une contribution au financement des pensions civiles.
Au 31 décembre 2001, les effectifs du groupe atteignaient 222 227 personnes, dont 123 288 dans la maison mère, 23 798 dans les filiales françaises, et 65 141 dans les filiales étrangères.
Les fonctionnaires représentent à eux seuls 108 165 personnes au sein de la maison mère, soit près de 88 % des effectifs. Ils sont très présents à tous les niveaux de la hiérarchie.
DISTRIBUTION HIÉRARCHIQUE DE L'EFFECTIF DE LA MAISON MÈRE
(au 31 décembre 2001)
Effectif total |
Fonctionnaires | |
Cadres supérieurs |
15 417 |
9 295 |
Cadres |
17 568 |
15 415 |
Agents de maîtrise |
18 003 |
17 061 |
Employés et techniciens |
72 173 |
66 319 |
Total |
123 161 |
108 165 |
On compte encore dans la maison mère 13 683 salariés sous convention collective, 153 agents contractuels de droit public, et 1 157 salariés sous contrat à durée déterminée.
Les fonctionnaires de France Télécom relèvent du régime de la fonction publique et bénéficient, à ce titre, du régime spécial de retraite prévu par le code des pensions civiles et militaires de retraite, tel qu'il résulte de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964.
Jusqu'à la fin 1996, conformément à l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, portant création de l'exploitant public France Télécom, l'Etat était responsable du versement des pensions des agents de France Télécom, comme de celles de tous les fonctionnaires.
En contrepartie, France Télécom devait verser annuellement au Trésor Public, le montant de la retenue effectuée sur le traitement des agents au titre des pensions, ainsi qu'une contribution complémentaire permettant d'assurer la prise en charge intégrale du montant des pensions payées par l'Etat aux agents de France Télécom.
A partir de 1997, la loi du 2 juillet 1990 modifiée a eu pour effet de ramener les cotisations de retraites et autres charges sociales payées par France Télécom à un niveau comparable à celui supporté par les autres opérateurs de télécommunications opérant en France, sans modifier les avantages reçus par les fonctionnaires, y compris leurs retraites. En application de la loi du 2 juillet 1990 modifiée, France Télécom verse une contribution libératoire mensuelle.
La contribution libératoire est égale à un pourcentage du montant total du traitement de base versé aux agents fonctionnaires. Ce pourcentage est fixé chaque année afin d'égaliser le niveau général des charges sociales entre France Télécom et les opérateurs privés de télécommunications opérant en France.
En 1999, le taux de contribution libératoire avait été fixé à 36,7 %, en 2000 à 36,4 %, en 2001 à 37 %. Ce taux s'élève à 37,7 % pour 2002.
REMBOURSEMENT À L'ETAT DES CHARGES DE PENSIONS
(en millions d'euros)
1999 |
2000 |
2001 |
2002(*) | |
Cotisations salariales |
232,64 |
229,28 |
223,91 |
221,83 |
Contributions complémentaires |
1108,46 |
1084,98 |
1088,62 |
1104,89 |
Total |
1341,09 |
1314,26 |
1312,53 |
1326,72 |
(*) prévision
Dans le cadre du passage au système de contribution libératoire, la loi du 2 juillet 1990 modifiée a imposé en outre à France Télécom de verser une contribution forfaitaire exceptionnelle de 5,72 milliards d'euros à l'Etat en 1997, qui a été payée en totalité sur l'exercice 1997. Son montant a été comptabilisé dans le bilan d'ouverture de la société au 1er janvier 1996, et imputé sur la situation nette.
Contrainte, sous l'effet de la pression concurrentielle, à une adaptation permanente de son organisation, l'entreprise veille à maintenir l'équilibre de sa pyramide des âges, et poursuit un effort particulier en faveur de la mobilité et de la formation professionnelle. Elle utilise par ailleurs à plein la panoplie des formules incitatives de rémunération.
Tandis que le dispositif du « congé de fin de carrière », créé en 1996, qui garantit un revenu égal à 70 % de la rémunération d'activité, a permis le départ à 55 ans de 3 744 fonctionnaires en 2001, les jeunes de moins de 25 ans ont, cette même année, représenté 43,2 % de l'ensemble des recrutements. Parallèlement, l'entreprise, qui s'était engagée à accueillir 1000 jeunes en formation en alternance, a passé 2 425 nouveaux contrats, ce qui a porté le nombre total des bénéficiaires à près de 3 900 en 2001.
Le dispositif de reconversion professionnelle a permis, entre 1995 et 2001, le redéploiement de plus de 34 500 salariés vers des métiers prioritaires. Sur la seule année 2001, plus de 13 800 salariés ont changé soit de poste, soit de métier. 5 500 d'entre eux se sont orientés vers le management, les fonctions commerciales, ou les métiers de l'informatique.
Les recrutements s'effectuent désormais uniquement sous statut de droit privé. Ils devraient concerner plus de 2 000 postes en 2002. A l'avenir, leur nombre sera fonction de l'évolution du marché, et du rythme des départs en retraite et en congé de fin de carrière.
La politique de rémunération vise à maintenir la motivation les salariés, et à attirer les compétences nécessaires à l'entreprise.
En 2001, l'individualisation de la rémunération fixe, déjà effective pour l'ensemble des cadres, a été élargie à une partie des collaborateurs non cadres sous convention collective. L'intégration d'une part variable dans la rémunération concerne aujourd'hui l'ensemble des cadres et des vendeurs. Par ailleurs, la signature de 255 accords locaux en 2001 permet une définition des critères de performance au niveau de chaque unité signataire.
L'accord sur l'intéressement, signé pour 3 ans le 4 avril 2000, a permis de verser en 2002, au titre de l'exercice 2001, l'équivalent de 2,46 % de la masse salariale.
En vertu de l'accord conclu avec la CFDT, la CGC et FO le 19 novembre 1997, France Télécom a constitué au profit du personnel une réserve de participation. Au 31 décembre 2001, son montant s'élevait à 122 millions d'euros.
En 2001, la mise en bourse d'une partie du capital d'Orange a permis à 47 747 salariés d'acquérir des actions dans le cadre d'un plan d'épargne salariale.
Par ailleurs, France Télécom SA a mis en place un dispositif d'abondement pour accompagner les versements volontaires des salariés dans les fonds en actions France Télécom, Wanadoo et Orange.
Evidemment, l'effondrement des valeurs boursières, de surcroît pour des raisons largement déconnectées des résultats opérationnels courants du groupe, a mis en évidence les limites de ces modalités accessoires de rémunération basées sur une participation au capital : les actionnaires salariés de France Télécom étaient représentés lors de l'audition des « petits porteurs » organisée à l'Assemblée nationale le 24 septembre 2002.
Le secteur des télécommunications poursuit donc sans désemparer, en France, son avancée dans la voie d'une concurrence régulée : la mise en place de l'Autorité de régulation des télécommunications apparaît rétrospectivement comme une réussite, car cette institution a su gagner la confiance et le respect de la profession.
La présentation de ce budget s'inscrit dans la perspective du réaménagement législatif lié à la transposition du dernier « paquet » de directives européennes sur la « communication numérique », qui donne peut-être son sens à une anticipation du renforcement des moyens de l'Autorité de régulation des télécommunications. Il conviendra de profiter de cette transposition législative pour apporter une solution à deux problèmes techniques :
- l'amélioration des règles du financement du service universel ;
- la régularisation des dispositions de valeur réglementaire qui ont été inscrites par voie d'ordonnance dans la partie législative du code des postes et télécommunications.
Sur le plan économique, il importe avant tout de tirer les leçons de ce qui s'est passé, aussi bien sous l'angle de la coordination européenne qu'au niveau de la gouvernance de nos entreprises.
En effet, si la crise des télécommunications semble bien être le résultat d'un processus de surcapitalisation lié à un cycle technologique, il n'en est pas moins vrai que le volontarisme maladroit dont ont fait preuve les instances européennes en promouvant la norme UMTS n'a fait qu'aggraver la fluctuation cyclique.
En effet, l'absence de coordination dans la vente des licences, qui s'est faite à l'échelle de chaque pays, alors qu'il était évident que le marché de la téléphonie mobile de troisième génération était d'ampleur européenne, d'une part, a eu pour effet de maximiser le prélèvement effectué sur les entreprises, car il y a eu multiplication d'enchères à petite échelle, d'autre part a conduit ensuite logiquement les opérateurs à essayer de prendre le contrôle des titulaires de licences d'autres pays pour se constituer d'avance des marchés d'une taille suffisante. Ces circonstances n'ont pu qu'accroître l'endettement des entreprises, et gonfler artificiellement leur évaluation boursière, rendant du même coup le retournement de conjoncture encore plus douloureux pour les entreprises et les porteurs de titres.
Cependant une récession s'inscrivant dans le cadre d'un cycle technologique laisse du moins espérer un retour du mouvement de balancier vers le haut, avec peut-être, au c_ur de la prochaine phase de croissance, cette technologie du mobile de troisième génération qui a fini par être considérée avec scepticisme aujourd'hui. L'expérience rétrospective de l'Internet montre qu'il est devenu vraiment difficile aujourd'hui de prévoir l'impact sur le marché des avancées technologiques.
En tous cas, la crise a révélé des problèmes de gouvernance dans nos entreprises, et particulièrement à France Télécom, qui a été victime d'opérations industrielles malheureuses, dans le cadre général d'une stratégie pourtant plutôt pertinente.
Le désastre qui en est résulté pour les petits actionnaires est survenu d'autant plus malencontreusement qu'il va falloir trouver très vite une solution pour les retraites en France, et que cette solution passe inévitablement par les fonds de pension. Or, de tels déboires boursiers n'incitent guère à la confiance dans les systèmes par capitalisation. Il convient donc de trouver rapidement le moyen de corriger les dysfonctionnements de la gouvernance des entreprises en France, y compris surtout de celles appartenant à la sphère publique, et le Parlement, et notre assemblée, ont un rôle à jouer dans ce domaine.
En marge des violentes secousses économiques qui traversent le secteur des télécommunications, le secteur des postes paraît à première vue poursuivre son rythme tranquille, participant d'ailleurs à sa manière à l'évolution des technologies, en investissant dans la mise au point des équivalents virtuels de certains de ses services traditionnels, comme la signature électronique, ou la lettre recommandée électronique.
Mais cette apparence est trompeuse. Car le secteur des postes est en proie à de profondes mutations, qui tiennent aux phénomènes de substitution entre ses produits et ceux des nouvelles technologies, et à son ouverture progressive à la concurrence sous la pression des instances européennes. Ces mutations atteignent très profondément l'équilibre interne de l'opérateur public national.
Or les difficultés que rencontre celui-ci ne peuvent être négligées, car La Poste demeure en France un vecteur essentiel de l'action publique en général et de l'aménagement du territoire en particulier.
I. - LA PORTÉE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE
Tout comme le budget des télécommunications, le budget des postes a vocation à n'être qu'un budget à « effets de levier », puisqu'il concerne un secteur ouvert à la concurrence. Pour l'instant cependant, en l'absence d'instance administrative de régulation, ces mécanismes de levier sont assez peu développés. Le moyen essentiel de contrôle du secteur reste donc la tutelle exercée sur l'opérateur public.
La Poste bénéficiant d'une autonomie de gestion depuis 1990, les lignes budgétaires concernant le secteur des postes se réduisent à peu de choses.
Avant la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, La Poste était une administration d'Etat faisant l'objet d'un budget annexe. Elle est devenue depuis lors une personne morale de droit public dénommée « exploitant public ». Juridiquement, les tribunaux administratifs lui ont reconnu le caractère d'établissement public industriel et commercial.
Elle est dirigée par un conseil d'administration qui selon les termes de l'article 10 de la loi du 2 juillet 1990 : « définit et conduit la politique générale du groupe dans le cadre des orientations fixées par le gouvernement ». En vertu de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, il est composé de manière tripartite d'un tiers de représentants de l'Etat, d'un tiers de personnalités qualifiées nommées par décret, et d'un tiers de représentants élus du personnel. En vertu de l'article 11 de la loi du 2 juillet 1990, le Président de La Poste « met en _uvre la politique définie par le conseil et assure l'exécution de ses délibérations ».
L'article 14 de la même loi indique que l'exploitant public « est doté de l'autonomie financière, assure la gestion de son patrimoine et veille à l'équilibre de ses activités ». En vertu de cette autonomie financière, La Poste établit chaque année non un « budget », mais un « état prévisionnel des recettes et des dépenses ». Par ailleurs, elle détermine la nature et le volume de ses investissements, évalue ses besoins de financement, et dispose de ses moyens de trésorerie.
Le fascicule budgétaire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, fait apparaître des crédits en faveur du secteur des postes sous deux intitulés.
Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit les crédits nécessaires au fonctionnement des services du « Médiateur du service universel postal », fonction nouvelle créée fin 2001, et dont le premier titulaire a été nommé le 21 mars 2002.
La mise en place du Médiateur du service universel postal vise à transposer en droit français l'article 19 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service. Celui-ci dispose que « les États membres veillent à ce que des procédures transparentes, simples et peu onéreuses soient mises en place pour le traitement des réclamations des utilisateurs » du service universel postal et qu'ils « adoptent des mesures pour garantir que ces procédures permettent de régler les litiges équitablement et rapidement » en veillant « à ce que les utilisateurs, agissant individuellement ou, lorsque le droit national le prévoit, en liaison avec les organisations représentant les intérêts des utilisateurs et/ou des consommateurs, puissent soumettre à l'autorité nationale compétente les cas où les réclamations des utilisateurs auprès du prestataire du service universel n'ont pas abouti d'une façon satisfaisante ».
Le Médiateur du service universel postal est l'autorité compétente pour connaître des réclamations des usagers adressées au prestataire du service universel postal qui n'ont pas abouti de façon suffisante. Pour 2003, le projet de loi de finances prévoit que ses services disposeront de 304 898 euros en moyens de fonctionnement (chapitre 34-98), et de 195 766 euros au titre des « Rémunérations principales et dépenses de personnels ouvriers » (chapitre 31-90).
Le projet de loi de finances pour 2003 propose de maintenir à 290 millions d'euros, la contribution de l'Etat au service du transport de presse assuré par La Poste. Il s'agissait du niveau de contribution prévu par le contrat de plan de La Poste pour les années 2000 et 2001, qui a été reconduit en 2002.
L'Etat maintient donc son effort afin de favoriser le pluralisme de la presse sur l'ensemble du territoire, grâce à des tarifs postaux spéciaux fixés par décret.
Cependant cette aide, au début des années 80, était exclusivement une aide accordée par l'Etat, dont le budget annexe des P&T supportait la moitié. Ce partage de la charge est demeuré, même après que La Poste a été transformée en exploitant public.
Aujourd'hui, La Poste reçoit certes, en vertu de l'accord Galmot de 1996, cette subvention de 290 millions. Mais le coût réel de l'avantage accordé à la presse est en fait très supérieur, et la différence reste à la charge de La Poste, pour un montant qui s'est élevé en 2001, par exemple, à 482 millions d'euros.
Le transport de la presse constitue un service public et contribue de manière éminente à notre démocratie et à la vie des idées dans notre pays. Il convient cependant de s'interroger sur la prise en charge d'une partie significative du coût de ce service public par La Poste.
Cette fin d'année 2002 devrait voir se mettre en place deux dispositifs destinés à encadrer l'activité de La Poste et du secteur postal : d'un côté, le contrat de plan négocié entre La Poste et l'Etat ; de l'autre, une autorité de régulation, dont le Gouvernement pourrait bientôt proposer la création au Parlement.
Le contrat de plan, intitulé également, « contrat d'objectifs et de progrès », constitue une charte définissant, pour les trois années à venir, selon l'article 9 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 : « les objectifs généraux assignés à l'exploitant public et au groupe qu'il forme avec ses filiales, et les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre. ».
Ce document traite notamment de questions stratégiques relatives à l'extension des services financiers, à la rémunération des services imposés par l'Etat, ou aux possibilités de croissance externe.
Le dernier contrat de plan a couvert la période 1998-2001. Il a été implicitement prorogé dans tous ses termes pour l'année 2002, par le biais d'une reconduction par l'Etat de tous ses engagements dans le cadre de la loi de finances pour 2002.
Les travaux du groupe de travail technique en vue de la préparation du futur contrat de plan réunissant l'ensemble des services de l'Etat intéressés ont commencé en novembre 2001.
Les présentations ont d'abord permis de détailler les enjeux, les orientations et les principaux projets pour les métiers et activités du groupe, mais également de poser les problématiques majeures.
Les travaux doivent continuer pour entrer dans une phase plus opérationnelle au cours de laquelle les décisions concernant certaines orientations seront à prendre par l'Etat et La Poste.
Les propositions de La Poste et ses demandes à l'Etat seront soumises aux ministres, et donneront lieu à une expertise contradictoire avec l'administration, en vue de déterminer, d'ici la fin de l'année, les orientations à inscrire dans le futur contrat.
Les négociations ont été quelque peu freinées par les changements d'interlocuteurs intervenus en cours de route, puisque le nouveau gouvernement a été mis en place en juin, et que le président de La Poste a été remplacé en octobre 2002.
La mise en place du Médiateur postal, si elle a répondu à un besoin réel de relais des problèmes rencontrés par les clients ou partenaires de La Poste, a laissé en suspens l'exigence d'une autorité administrative de régulation postale inscrite dans la directive 97/67/CE de 1997 (voir plus loin).
Il est donc très probable que le gouvernement proposera au Parlement la création d'une telle autorité dans les prochains mois.
La forme administrative qui sera donnée à cette autorité reste à définir. Une des hypothèses envisagées est la création d'un second collège au sein de l'Autorité de régulation des télécommunications.
Le volant supplémentaire de crédits accordés à l'ART en 2003, et les moyens dévolus au Médiateur postal, pourraient éventuellement être redéployés pour être affectés à cette nouvelle autorité de régulation postale.
II. - UN ACTEUR DU DÉVELOPPEMENT LOCAL
Garantir l'égalité d'accès aux services postaux de tous les usagers où qu'ils se trouvent sur le territoire est un objectif majeur pour La Poste. La préservation de l'acquis que constitue la présence postale sur l'ensemble du territoire a cependant pour contrepartie de lourdes charges de personnel.
Avec ses 17028 points de contact, La Poste dispose du réseau de services le plus dense d'Europe. La finesse de sa ramification est gérée en étroite concertation avec les élus locaux dans le cadre des commissions départementales de présence postale.
Après une lente décrue qui a atteint son point bas en 1993, le nombre de points de contact a légèrement progressé au cours des années quatre-vingt-dix pour se stabiliser au cours des deux dernières années.
ÉVOLUTION DU RÉSEAU POSTAL
fin 1983 |
fin 1986 |
fin 1990 |
fin 1993 |
fin 1995 |
fin 1998 |
fin 1999 |
fin 2000 |
fin 2001 | |
Bureaux de poste |
12796 |
12843 |
12752 |
12357 |
12118 |
12204 |
13997 |
13964 |
13578 |
Bureaux jumelés (1) |
150 |
191 |
582 | ||||||
Agences postales et assimilées (2) |
3310 |
3264 |
3130 |
3092 |
3038 |
3002 |
2933 |
2910 |
2868 |
Guichets délocalisés (3) |
1105 |
1080 |
1085 |
1428 |
1767 |
1852 | |||
TOTAL |
17211 |
17187 |
16967 |
16877 |
16973 |
17058 |
17080 |
17065 |
17028 |
(1) Deux bureaux gérés par un seul chef d'établissement. Créé en 1999.
(2) Etablissements rattachés à un bureau de poste et tenus par des personnes extérieures à La Poste mais sous contrat avec elle.
(3) Guichets indépendants physiquement, mais rattachés à un bureau de poste (pas de chef d'établissement, ni de comptabilité propre).
Source : La Poste
Un peu plus de 60 % des points de contact se trouvent dans des communes de moins de 2000 habitants.
La Poste poursuit en permanence un effort d'adaptation de la densité du réseau à la réalité démographique, de façon notamment à réduire les risques de délai d'attente au guichet dans les zones en phase d'urbanisation rapide.
Ainsi, en 2000, 28 bureaux ont été créés et 26 délocalisés. En 2001, les chiffres des bureaux créés et décentralisés ont été respectivement de 19 et 27. Par ailleurs, La Poste a poursuivi une politique active de rénovation, qui a concerné 74 bureaux en 2000, 50 en 2001.
L'arrêt de la diminution du nombre des points de contact en 1993 est le résultat de l'émoi provoqué par leur disparition progressive dans les petites communes dépourvues de commerce, où la présence postale apparaît comme un ultime rempart à la désertification : en avril 1993, le gouvernement a décidé un « moratoire des services publics », à la suite duquel La Poste s'est engagée à une politique de « zéro fermeture » pendant la durée du contrat de plan 1995-1997.
La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a préparé la sortie du « moratoire » en généralisant les « commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics », qui avaient jusque là fonctionné dans le cadre spécifique de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Ces commissions départementales, où sont représentés les collectivités locales, les services publics, les associations d'usagers, ainsi que les organismes consulaires ou professionnels, doivent être consultées au cours de l'élaboration d'un « schéma départemental d'organisation et de modernisation des services publics » arrêté par le Préfet du département.
Par ailleurs, la loi a prévu une procédure pour le cas des fermetures envisagées par des établissements, organismes ou entreprises publics, lorsque ces fermetures ne sont pas conformes aux objectifs d'aménagement du territoire et de services rendus aux usagers fixés dans leur contrat de plan : elles doivent être impérativement précédées d'une étude d'impact, soumise à l'avis de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics ; le représentant de l'Etat dans le département peut formuler des demandes d'adaptation ; si ces demandes sont rejetées, le représentant de l'Etat peut saisir le ministre de tutelle concerné ; la saisine du ministre a un effet suspensif sur la fermeture.
Le « contrat d'objectifs et de progrès » portant contrat de plan entre l'Etat et La Poste pour la période 1998-2001 a dispensé La Poste de cette procédure en établissant un dispositif spécifique de concertation préalable entre La Poste et ses partenaires locaux. Une commission départementale de présence postale territoriale (CDPPT), majoritairement composée d'élus, a été créée dans chaque département. Ces commissions sont saisies des modifications du réseau des points de contact qui n'ont pas pu faire l'objet d'un accord local, et peuvent dans un délai de six mois, émettre toute proposition (solutions partenariales, regroupements de services, ... ). Pendant ce laps de temps, La Poste s'engage à geler la situation. Le Préfet du département assure la cohérence entre les travaux de la commission départementale de présence postale territoriale, et ceux de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics.
Malgré l'arrivée à terme du contrat de plan, qui lui retire en théorie toute assise juridique, ce dispositif spécifique a continué à fonctionner depuis le 1er janvier 2002. Votre rapporteur considère bien évidemment comme hautement souhaitable qu'il soit reconduit dans le prochain « contrat d'objectifs et de progrès ».
Les bilans adressés par les préfectures permettent de dresser un constat globalement positif de l'action des CDPPT, malgré certaines disparités tenant à des éléments locaux (personnalité du président ou du directeur départemental de La Poste, savoir-faire des partenaires pour trouver des solutions, rythme des convocations,...). Les situations les plus favorables, rencontrées dans quelques départements, se traduisent par la tenue de quatre ou cinq réunions dans l'année. Les CDPTT se sont ainsi réunies 149 fois en 2000, et 138 fois en 2001.
Le climat de fonctionnement des CDPPT est généralement bon. Ces contacts entre La Poste et les élus favorisent le maintien et l'amélioration de relations de qualité dans les départements, et concourent à la mise en _uvre de solutions négociées et adaptées aux besoins de la population.
Depuis la mise en place des CDPPT, les propositions de fermeture d'établissements ont été rares (une vingtaine environ), et n'ont pas posé de difficulté particulière, des accords de substitution ayant été trouvés. Aussi, les délibérations, au départ centrées sur l'évolution du réseau, ont été élargies à des questions d'organisation, comme le regroupement des tournées de distribution, ou la réduction de l'amplitude des heures d'ouverture de certains bureaux durant la période estivale.
Cette action de concertation est relayée désormais au plan national par une réunion annuelle des présidents de CDPPT ; les deux premières se sont tenues respectivement en juin 2000 et octobre 2001.
La Poste a par ailleurs poursuivi sa politique à l'égard des zones urbaines sensibles (ZUS). 1 048 points de contacts desservent ces zones, où travaillent 25 000 postiers, dont 200 interprètes.
Conformément aux engagements pris dans le cadre de la convention conclue le 8 décembre 1998 avec l'Etat, La Poste a engagé 35 millions d'euros, entre 1999 et 2001, sur 64 opérations immobilières de création, de rénovation, ou de relocalisation de bureaux de poste; elle a spécifiquement formé 2 750 agents à l'environnement des zones urbaines sensibles ; elle a conclu plus d'une centaine de « partenariats locaux » permettant que son action puisse s'insérer dans une démarche de coordination avec les autres intervenants de la politique de la ville.
Une nouvelle convention a été signée le 11 mars 2002 avec le ministère de la Ville et le secrétariat d'Etat à l'Industrie, qui permettra, sur cinq ans, de doubler l'effort d'investissement, à hauteur de 60 millions d'euros, pour la création et la rénovation de bureaux de poste. L'Etat et La Poste se partageront la charge pour moitié. L'effort de formation sera triplé.
Par ailleurs, La Poste a signé le 14 septembre 1999 une convention avec le ministère de l'Intérieur visant à une meilleure intégration des problématiques postales dans les contrats locaux de sécurité (CLS).
Cet engagement traduit sa volonté de contribuer à la sécurité de proximité avec les partenaires locaux, et d'adapter les missions des personnels de La Poste aux différents contextes géographiques et sociaux. La Poste a ainsi signé 112 des 599 CLS recensés, et négocie son adhésion à 193 autres.
Enfin, près d'un quart des emplois-jeunes recrutés par La Poste ont été créés dans des quartiers faisant l'objet d'actions dans le cadre de la politique de la ville.
Avec un effectif total de 325 000 personnes, La Poste est le premier employeur de France après l'Etat. Elle se trouve donc en position d'avoir un rôle pilote en matière sociale. Mais cette main d'_uvre nombreuse rend délicate la gestion des charges de retraite.
La Poste a accru ses effectifs au cours des dernières années, respectant ainsi l'accord de février 1999 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.
1998 |
1999 |
2000 |
2001 | |
Fonctionnaires |
236409 |
230579 |
228613 |
221759 |
Contractuels |
71710 |
81860 |
93885 |
101356 |
Total |
308119 |
312439 |
322498 |
323115 |
(1) L'effectif est calculé au 31 décembre de chaque année. Il est exprimé en unités physiques : chaque personne est comptée pour une unité, quel que soit son temps de travail.
L'évolution globale des effectifs s'effectue au travers d'une augmentation de la part du personnel contractuel, selon une logique d'adaptation à un contexte de plus en plus concurrentiel. En effet, si les recrutements sur concours de fonctionnaires se sont poursuivis jusqu'en 2001, les départs en retraite de fonctionnaires ont été chaque année, depuis 1999, deux à trois fois plus importants.
Cette banalisation progressive du recrutement est sensible dans tous les métiers de La Poste, et notamment au niveau des effectifs employés dans les bureaux de poste, qui rassemblent un peu plus de 55 % du personnel.
EFFECTIFS DANS LES BUREAUX DE POSTE
1998 |
1999 |
2000 |
2001 | |
Fonctionnaires |
147126 |
144139 |
142839 |
140603 |
Contractuels |
33292 |
36897 |
45926 |
55225 |
Total |
180418 |
181036 |
188765 |
195828 |
La partie des effectifs employés dans les filiales reste assez limitée, puisqu'elle concerne au total, au 31 décembre 2001, 20 034 personnes physiques, dont 16 699 pour GeoPost (holding du domaine « colis et logistique »), 3 257 pour SofiPost (holding du domaine « nouvelles technologies et nouveaux services »), et seulement 78 pour SF2 (holding des activités financières).
Au cours des dernières années, la politique du personnel de La Poste s'est présentée sous deux facettes : d'un côté, elle s'est trouvée amenée à jouer un rôle pilote dans le domaine social ; de l'autre, elle a renoué avec une tradition d'investissement fort dans la formation de son personnel.
La Poste a fait un effort particulier pour mettre en place les 35 heures, résorber l'emploi précaire, et intégrer les titulaires d'emplois-jeunes.
Son engagement dans la voie de l'aménagement et de la réduction du temps de travail s'est fait par l'accord du 17 février 1999. Un second accord, concernant les cadres, est intervenu le 4 avril 2000. Chaque site a ensuite négocié ses conditions d'application. La mise en place du dispositif s'est achevée en octobre 2001. Il s'est traduit par le recrutement de 29 393 personnes en « équivalent unité temps complet » (EUTC), pour 23 969 sorties d'activité, soit un solde positif de 5 424.
Cette réforme a été engagée sans aide d'aucune sorte de l'Etat et ce, alors même qu'une part importante de l'activité est très intensive en main d'_uvre. Son coût économique pour La Poste représente près de 4% des charges de personnel. La mise en place, par le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, d'un système d'harmonisation des SMIC, constituera pour La Poste une charge supplémentaire.
Le recours à l'emploi de personnes sous contrat à durée déterminée (CDD) ou à durée indéterminée intermittent (CDII) est inévitable dans une entreprise comme La Poste, dont l'activité subit de fortes variations. Mais il pose des problèmes humains de précarité, notamment lorsque la durée de travail passe en dessous de 800 heures dans l'année, puisque, dans ce cas, la couverture sociale n'est plus intégralement assurée.
RÉPARTITION DES CONTRACTUELS PAR STATUT
1998 |
1999 |
2000 |
2001 | |
CDI |
45430 |
49812 |
58503 |
66455 |
CDII |
7612 |
7936 |
6131 |
5759 |
CDD |
18668 |
24112 |
29251 |
29142 |
La réduction du temps de travail a créé un contexte favorable à la résorption de cette précarité, en rapprochant la norme du temps plein des horaires du temps partiel, et en accroissant le besoin en emplois de remplacement.
La Poste a conduit, à partir de 1999, un effort particulier pour transformer des CDD de plus de 800 heures en CDI ou en CDII. Par ailleurs, elle s'est engagée lors de l'accord du 17 février 1999 à garantir fin 2000 une durée minimale de 800 heures de travail par an pour certaines catégories d'agents sous CDI ou CDII.
De fait, le pourcentage d'agents contractuels employés à temps plein a évolué de 33,6 % en 1999 à 54 % en 2000, et 59 % en 2001 ; et le pourcentage d'agents employés moins de 800 heures annuelles a régressé de 7,5 % en 1999 à 3,5 % en 2001.
Enfin, une action spécifique a été engagée en ce qui concerne les contrats emplois jeunes, en vue de permettre leur intégration définitive. Le dispositif du 2 novembre 2000 a fixé les conditions d'ancienneté requises pour accéder aux différents postes.
De 1999 à 2001, plus de 1 300 titulaires de contrat emplois jeunes ont été intégrés. Il est prévu de procéder à plus de 1 000 nouvelles intégrations en 2002 ; 628 ont déjà été effectuées à la fin du premier semestre 2002. La Poste a confirmé son engagement d'intégrer la totalité des détenteurs de contrat emplois jeunes au terme de leur contrat (1800 détenteurs restant au 30 juin 2002).
La Poste a fait le choix depuis longtemps d'un recrutement favorisant une grande diversité sociale, culturelle ou géographique. Elle a toujours dégagé des moyens conséquents pour assurer l'intégration, la formation initiale à l'emploi, puis l'évolution professionnelle de ses agents. Ce faisant, elle a participé, au-delà de ses besoins directs en ressources humaines, à l'_uvre de socialisation et de qualification de la population sur tout le territoire.
Mais elle a aussi contribué ainsi à l'émergence d'une culture interne forte, favorisant l'engagement et la cohésion de son personnel.
Cet investissement traditionnel dans le « capital humain » se devait d'être accru dans le contexte actuel d'ouverture progressive à la concurrence, qui introduit des exigences renforcées de qualité et de flexibilité, et donc d'implication du personnel. C'est l'objet de la démarche de « renouvellement des compétences », qui a été présentée aux partenaires sociaux en mars 2002, et qui repose sur une évolution du système de classification et de promotion, un renforcement du volume et de l'accessibilité de la formation, ainsi que sur la mise en place de nouveaux processus d'analyse et de certification des compétences et des acquis professionnels.
Avec la même idée d'associer plus étroitement le personnel aux objectifs de l'entreprise, un accord d'intéressement a été conclu le 29 juin 2001, pour la période triennale 2001-2003. Il concerne tous les postiers fonctionnaires et contractuels de droit public comme de droit privé, sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, les apprentis et les emplois-jeunes ayant au moins trois mois d'ancienneté.
L'intéressement est calculé sur des critères de résultat économique, d'efficacité de production et de qualité de service. Le critère de résultat économique est le résultat courant après impôt « pro forma » et fait intervenir un seuil de déclenchement, permettant de préserver un minimum de capacité de financement de l'entreprise.
Le ralentissement de la conjoncture générale qui a affecté le développement du courrier, le renchérissement des coûts de transports, et le coût de la mise en place de la réduction du temps de travail, ont empêché que le seuil de déclenchement ne soit atteint en 2001 ; aucun intéressement n'a donc été distribué.
Enfin, deux nouvelles instances de dialogue ont été mises en place en 2001 : une Commission d'échange sur la stratégie de La Poste, afin de présenter les enjeux et les évolutions de La Poste. Cette commission a vocation, dans une entreprise qui ne dispose pas d'un comité d'entreprise, à associer les syndicats à la réflexion stratégique et aux enjeux économiques majeurs de La Poste. La deuxième instance est constituée par la Commission de dialogue social, qui vise à étudier l'impact des évolutions de l'entreprise sur le fonctionnement et l'organisation du travail.
La Poste se trouve particulièrement frappée par le vieillissement démographique qui atteint l'ensemble de la société : 140.000 agents quitteront l'entreprise d'ici 2012, du fait des départs naturels. La gestion des pensions constitue donc un problème critique, qui a fait l'objet d'un arrangement particulier avec l'Etat dans le cadre du contrat de plan 1998-2001.
PRÉVISION SUR LES PRESTATIONS À VERSER
AUX RETRAITÉS DE LA POSTE
(en nombre de personnes et en millions d'euros constants)
2001 |
2005 |
2010 |
2015 | |
Nombre de retraités |
164381 |
189516 |
220597 |
244998 |
Nombre de cotisants |
242763 |
232763 |
222763 |
212763 |
Prestations à verser |
2435 |
2797 |
3313 |
3765 |
Lors de la création des exploitants publics, il fut convenu que les pensions allouées aux fonctionnaires de France Télécom et de La Poste seraient liquidées et le service des pensions géré par l'Etat (article 30 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications). L'application du code des pensions civiles et militaires de retraite était la conséquence logique du maintien des agents de France Télécom et de La Poste sous le statut de la fonction publique d'Etat. Mais le principe posé par la loi du 2 juillet 1990 était que le budget de l'Etat ne devait pas débourser un franc pour le paiement de ces pensions.
Afin de compenser la charge qui en résultait pour l'Etat, les deux exploitants publics devaient verser au Trésor public :
- le produit de la retenue pour pension de 7,85 % perçue sur les traitements de tous les fonctionnaires;
- une contribution complémentaire permettant la prise en charge intégrale des dépenses de pensions concédées et à concéder des retraités respectivement de France Télécom et de La Poste.
La répartition des charges de pensions entre les deux établissements a été fixée par leurs cahiers des charges : 61,6 % incombaient à La Poste, 38,4 % à France Télécom.
Pour leurs agents contractuels, les exploitants publics versaient des cotisations à la caisse nationale d'assurance vieillesse, ainsi qu'à l'IRCANTEC pour les retraites complémentaires des agents contractuels de droit public, et à l'ARRCO et l'AGIRC pour celles des agents contractuels sous convention collective.
Les exploitants publics ont en outre été astreints aux régimes de compensation et surcompensation démographiques :
- la compensation généralisée a été instituée par une loi du 24 décembre 1974, afin de remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes. Elle ne porte que sur l'assurance vieillesse. Le budget annexe des postes et télécommunications a été mis à contribution à partir de 1983 (à hauteur de 700 millions de francs) ;
- la surcompensation a été mise sur pied par l'article 78 de la loi de finances pour 1986, afin de soutenir les douze principaux régimes spéciaux d'assurance vieillesse. Le budget annexe des postes et télécommunications y fut soumis dès 1985.
ÉVOLUTION DES CHARGES DE PENSION DE LA POSTE
(en millions d'euros)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002(1) | |
Cotisations salariales |
364 |
363 |
363 |
363 |
364 |
359 |
Contribution complémentaire |
1713 |
1800 |
1893 |
1973 |
2071 |
2203 |
Total des pensions versées |
2077 |
2162 |
2255 |
2336 |
2435 |
2562 |
Compensation et surcompensation |
232 |
157 |
74 |
25 |
- 42 |
- 143 |
Total à la charge de La Poste |
1945 |
1957 |
1966 |
1988 |
2030 |
2060 |
Evolution annuelle en % |
0,60 |
0,50 |
1,60 |
1,60 |
1,50 |
L'ouverture à la concurrence du marché postal engagée par la directive du 15 décembre 1997 a imposé à l'exploitant public de préserver un niveau de compétitivité comparable à ses concurrents qui, présents depuis plusieurs années sur les marchés ouverts à la concurrence, sont devenus très offensifs depuis fin 1998. Or, les charges patronales supportées par La Poste sont différentes de celles de ses concurrents. En effet, les charges spéciales de retraites incombant à l'exploitant public en application de la loi du 2 juillet 1990 n'ont pas d'équivalent dans le secteur privé. Elles s'ajoutent au surplus aux autres charges (présence territoriale, transport de la presse) pesant sur La Poste.
Les prévisions réalisées dans le cadre des travaux préparatoires du contrat de plan de La Poste pour la période 1998/2001 ont mis en évidence une tendance à un accroissement important des charges de retraite. Pour arrêter la dérive, le Gouvernement est intervenu. Le chapitre 8 du contrat d'objectifs et de progrès portant contrat de plan pour 1998-2001, signé le 25 juin 1998, a prévu que : « Parallèlement aux engagements de La Poste relatifs à l'amélioration de ses performances, l'Etat accompagne l'exploitant (...) en stabilisant en francs constants au niveau des charges dues au titre de 1997, les charges de retraite de La Poste dues au titre des années du contrat d'objectifs et de progrès. »
Il n'en reste pas moins qu'un règlement définitif du dossier est indispensable, à l'instar de la solution trouvée pour France Télécom. En outre, il faut rappeler que le niveau de contribution de La Poste en 1997, stabilisé en francs constants depuis lors, est supérieur à celui supporté par des opérateurs postaux privés exerçant leur activité en France : compte tenu de l'évolution de la masse salariale, ce niveau de contribution conduit, en 2002, à un taux implicite de contribution employeur de 45,05 % de la masse des traitements versés aux agents fonctionnaires.
Or, par comparaison, le taux de la contribution acquittée par France Télécom, calculé de manière à être égal au taux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires des entreprises privées du secteur des télécommunications, a été fixé à 37,7% pour 2002.
III. - UN CONTEXTE DE PLUS EN PLUS CONCURRENTIEL
Le cadre d'activité de La Poste fait l'objet d'une adaptation structurelle importante depuis quelques années, sous l'effet de l'évolution de la législation européenne. Pour l'heure, cette adaptation ne semble pas remettre en cause l'équilibre financier de l'activité de l'établissement. Mais elle suscite en contrepartie de la part de La Poste des stratégies d'expansion dans des directions nouvelles, dont certaines génèrent des réactions des secteurs professionnels concernés.
A la perspective d'une libéralisation de l'activité postale dans le cadre du marché intérieur européen, la France, au sein des différentes instances communautaires, a toujours opposé une conception pragmatique d'ouverture partielle et progressive à la concurrence, de manière à ne pas déstabiliser le service public de la poste, qui a toujours fonctionné correctement jusqu'à présent sur le territoire.
Ce pragmatisme s'est particulièrement manifesté dans la manière choisie pour transposer la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 du Parlement européen et du Conseil concernant « les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux et l'amélioration de la qualité du service ».
La transposition s'est en effet effectuée au travers de divers textes.
· La loi n°99-553 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a introduit, en son article 19, trois mesures essentielles :
- la suppression du monopole du transport des lettres et des paquets de moins de 1 kilogramme, auparavant inscrit à l'article L.1 du code des postes et télécommunications;
- l'institution d'un « service universel postal » garantissant à tous les usagers, « à des prix abordables », l'accès à des services d'envois postaux de moins de 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu'à 20 kilogrammes, d'envois recommandés, et d'envois à valeur déclarée;
- la création, au profit du prestataire du « service universel postal », en contrepartie de ses obligations, qui incluent également la levée et la distribution, d'un domaine « réservé » pour les courriers d'un poids inférieur à 350 grammes et « dont le prix est inférieur à cinq fois le tarif applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide ».
La loi a désigné La Poste comme prestataire du « service universel postal ».
· Le décret n°2001-122 du 8 février 2001 relatif au cahier des charges de La Poste a ajouté, à ce cahier des charges, une disposition, prévue à l'article 14 de la directive, qui concerne la comptabilité analytique du prestataire du « service universel postal » : celui-ci se voit imposer l'obligation de tenir, dans sa comptabilité interne, des comptes séparés, d'une part « pour chacun des services dont l'exclusivité lui est réservée », et d'autre part « pour les autres services », en isolant, parmi ces derniers, « ceux qui relèvent de l'offre de service universel et ceux qui relèvent de ses activités financières ».
· Le décret n°2001-1335 du 28 décembre 2001 instituant un Médiateur du service universel postal a complété la transposition sur deux points :
- d'une part, il constitue une réponse à l'obligation faite par l'article 19 de la directive de prévoir une procédure permettant aux utilisateurs de disposer d'un recours dans le cas où les réclamations formulées directement auprès du prestataire du « service universel postal» n'ont pas abouti d'une façon satisfaisante. Le Médiateur du service universel postal formule des recommandations motivées. A défaut de réponse du prestataire du «service universel postal », il informe le ministre chargé des postes. C'est Monsieur Yann Pétel qui a été nommé à ce poste le 21 mars 2002. Le mandat dure cinq ans et n'est pas renouvelable ;
- d'autre part, ce décret a réglé dans son article 2, le problème de la protection juridique du domaine réservé du prestataire du « service universel postal » en indiquant que les contrevenants seraient passibles des « peines prévues pour les contraventions de la 5e classe ».
· Le projet de loi du 31 mai 2001 « portant diverses dispositions d'ordre économique et financier » comporte un dispositif organisant, pour le périmètre du « service universel postal » non couvert par le domaine réservé, la fourniture de services postaux par des prestataires autres que le prestataire du « service universel postal » : ce dispositif prévoit, conformément à l'article 9 de la directive, un régime d'autorisation, et fournit à l'administration des moyens juridiques d'enquête sur les entreprises candidates. Par ailleurs, il comporte aussi des propositions d'adaptations rédactionnelles du code des Postes et Télécommunications, par exemple en son article L.28, qui fait encore référence au « monopole postal ». Ce projet de loi, déposé sous la XIe législature, mais sur le bureau du Sénat, reste en instance d'examen par le Parlement, et peut donc être inscrit à l'ordre du jour.
La directive 97/67/CE indique, dans son article 22, que chaque Etat membre doit désigner les autorités réglementaires qui ont pour tâche d'assurer le respect des obligations qu'elle fixe. Ces autorités « peuvent également être chargées d'assurer le respect des règles de concurrence dans le secteur postal ». Mais elles doivent surtout remplir une condition : être « juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes des opérateurs postaux ».
Les autorités françaises s'en sont tenues sur ce point au dispositif prévu à l'article L. 28 du code des postes et télécommunications, qui confie au ministre chargé des postes la tâche d'assurer le respect des obligations prévues. Les décrets du 8 février 2001 et du 28 décembre 2001 confirment cette attribution du ministre chargé des postes de veiller à l'adaptation de la comptabilité analytique du prestataire du service universel postal, et servir de recours administratif en cas de réclamation des utilisateurs.
Or la Commission européenne a récemment contesté en deux occasions la neutralité de cette tutelle ministérielle :
- d'une part, par sa décision du 23 octobre 2001 relative à « l'absence de contrôle exhaustif et indépendant des conditions tarifaires et techniques appliquées par La Poste aux entreprises de routage pour l'accès à ses services réservés » (JO L 120 du 7 mai 2002). Cette décision a été prise en vertu de l'article 86, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne, qui confie à la Commission le soin de veiller à ce que les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises bénéficiaires de droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent aucune mesure contraire aux règles dudit traité, en particulier celles relatives à la concurrence. En l'occurrence, le syndicat national des entreprises de logistique avait déposé en juin 1998 une plainte accusant La Poste d'imposer des normes techniques plus rigides aux entreprises concurrentes qu'à ses propres filiales de routage. La Commission a estimé que la tutelle ministérielle ne pouvait exercer, dans le contexte juridique en vigueur, qu'un « contrôle limité » sur les conditions tarifaires et techniques appliquées par La Poste, et que de surcroît, elle se trouvait, dans l'exercice de ce contrôle partiel, dans une position « insuffisamment indépendante et neutre par rapport à La Poste »;
- d'autre part, par son avis motivé du 26 juin 2002 relatif à « l'exigence d'indépendance fonctionnelle entre l'autorité réglementaire nationale et les opérateurs postaux ». En vertu de l'article 226 du traité instituant la Communauté européenne, la Commission est habilitée à émettre un avis motivé lorsqu'elle estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du traité. En l'occurrence, il s'agit du respect de l'obligation de neutralité des autorités réglementaires nationales prévue à l'article 22 précité de la directive 97/67/CE. D'après l'article 226 du traité, si l'État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice.
La création d'une autorité de régulation indépendante constitue l'une des hypothèses examinées par le Gouvernement français pour satisfaire à cette exigence de neutralité.
La directive 97/67/CE s'est elle-même définie comme une étape intermédiaire sur la voie de « l'achèvement du marché intérieur des services postaux », et a prévu, en son article 7 alinéa 3, un processus de poursuite de la libéralisation, avec une date d'effet fixée explicitement au 1er janvier 2003.
Une proposition de nouvelle directive a en effet été adoptée par la Commission le 30 mai 2000, qui a suivi les étapes d'examen par le Parlement et le Conseil, selon le mécanisme complexe de la codécision organisé par l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne : le Parlement européen a formulé, le 14 décembre 2000, un avis comportant un certain nombre d'amendements ; le Conseil a adopté à la majorité qualifiée une position commune le 6 décembre 2001 ; le 13 mars 2002, le Parlement a voté, en deuxième lecture, trois amendements mineurs, qui ont reçu l'aval de la Commission ; le Conseil s'est prononcé définitivement sur cette proposition amendée le 7 mai 2002.
La proposition initiale de la Commission prévoyait notamment quatre adaptations :
- un abaissement des seuils à 50 grammes et 2,5 fois le tarif de base () pour le domaine réservé ;
- la libéralisation du courrier transfrontalier sortant ;
- la libéralisation pour une catégorie nouvelle de services, appelées « services spéciaux » ;
- un calendrier de révision conduisant à une nouvelle étape d'évolution du cadre juridique des activités postales au 1er janvier 2007.
Cette proposition était soutenue par les pays membres prônant une libéralisation rapide du secteur postal, comme les Pays-Bas, l'Autriche, la Finlande et la Suède.
L'opposition, de la France notamment, à toute réduction brutale du périmètre réservé, en raison du risque qui aurait pu en résulter pour la prestation du service universel, s'est traduite dans la directive 2002/39/CE par d'importants ajustements en regard de la proposition initiale :
- l'abaissement du seuil du domaine réservé pourra intervenir en deux temps, avec une première étape à 100 grammes et 3 fois le tarif de base au 1er janvier 2003, et une seconde étape à 50 grammes et 2,5 fois le prix de base au 1er janvier 2006 ;
- le courrier transfrontalier sortant continuera à faire partie du domaine réservé « dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer la prestation de service universel »;
- le Conseil a considéré, comme le Parlement européen, qu'il n'était pas opportun de faire une place dans la réglementation aux « services spéciaux », car leur définition trop vague aurait favorisé des contournements insidieux du domaine réservé ;
- enfin, la prochaine étape de l'évolution du cadre juridique des activités postales interviendra non en 2007, mais en 2009, à condition, de surcroît, qu'une étude prospective sur l'impact de la libéralisation complète, menée d'ici là par la Commission, et dûment présentée au Parlement européen et au Conseil, ait conclu en ce sens.
En 2001, le groupe La Poste a dégagé un résultat net positif avant amortissement exceptionnel pour la cinquième année consécutive.
Le chiffre d'affaires a dépassé 17 milliards d'euros, en progression de 6,6 % par rapport à 2000. Les trois grands métiers, courrier, colis et logistique et services financiers, y contribuent respectivement pour environ 60 %, 15 %, et 25 %.
Il a été réalisé pour une part de 12 % à l'international, et de 56 % en secteur concurrentiel.
RÉSULTATS CONSOLIDÉS DU GROUPE LA POSTE
(en millions d'euros)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 | |
Courrier |
9140 |
9376 |
9780 |
9903 |
10060 |
Colis et logistique |
1330 |
1493 |
1939 |
2247 |
2940 |
Services financiers |
3194 |
3280 |
3592 |
3730 |
3928 |
Chiffre d'affaires total |
13702 |
14236 |
15315 |
15978 |
17028 |
EBE |
747 |
1007 |
1292 |
981 |
841 |
MBA |
593 |
762 |
980 |
824 |
542 |
Résultat net (1) |
9 |
57 |
284 |
139 |
75 |
Investissements |
497 |
695 |
865 |
1137 |
1186 |
Endettement net |
2876 |
3462 |
3547 |
3126 |
2919 |
(1) Avant amortissement exceptionnel.
Le chiffre d'affaires du courrier, qui s'élève à plus de 10 milliards d'euros, a progressé de 1,6 %, malgré le ralentissement de la conjoncture. Il reste tiré par la prospection commerciale. Sur longue période, il subit un freinage progressif lié au développement de phénomènes de substitution avec les mécanismes de prélèvement automatique et de téléprocédure, comme celui associé à la mise en place de la carte Vitale. Ainsi, La Poste estime que la Carte Vitale lui fait perdre 400 millions de plis par an.
Le chiffre d'affaires des colis est d'un peu moins de 3 milliards d'euros. Il a augmenté de 31 % par rapport à 2000. Ce dynamisme reflète à la fois le rythme de croissance soutenue de l'activité en elle-même, et l'active stratégie de croissance externe menée dans ce domaine par La Poste au cours des dernières années. A périmètre constant, la progression est de 3,4 %.
Les services financiers sont loin de représenter une ressource négligeable pour La Poste, puisqu'avec 3,9 milliards d'euros en 2001, ils fournissent un peu moins d'un quart (23 %) du chiffre d'affaires consolidé, part relativement stable depuis 1997. Leur produit a crû de 5,3 % entre 2000 et 2001, malgré le contexte boursier très défavorable, grâce notamment au développement des dépôts à vue. Les encours des services financiers ont atteint 195,1 milliards d'euros fin 2001, soit une progression de 5 %, résultant d'une diminution de 3,6 % des encours d'OPCVM, et d'une augmentation de 7,7 % des encours épargne logement, de 9,4% des encours des CCP, et de 7,5 % des encours d'assurance-vie.
Aux termes de l'article 18 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, La Poste est assujettie à la fiscalité de droit commun des établissements publics, des exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat, des collectivités locales ou des concessionnaires, c'est-à-dire à la fiscalité des entreprises privées (article 1654 du code général des impôts).
Depuis le 1er janvier 1994, le régime fiscal de La Poste n'est dérogatoire au droit commun que sur deux points :
- les prestations de services relevant du service universel postal, et les livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l'exception des transports des personnes, ne sont pas redevables de la TVA. En revanche, les produits ne relevant pas du service universel ont été assujettis à compter du 1er juillet 2001. En année pleine, La Poste devrait supporter la TVA sur 8% de son chiffre d'affaires ;
- les bases d'imposition à la fiscalité directe locale (taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxes additionnelles à ces impôts et taxe professionnelle) bénéficient d'un abattement de 85 % « en raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à l'aménagement du territoire qui s'imposent à cet exploitant » (article 21 de la loi du 2 juillet 1990). Cet abattement a été confirmé lors du vote du projet de loi n° 99-553 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
L'avantage correspondant n'a jamais couvert parfaitement le coût financier de cette dimension essentielle de l'activité de La Poste, puisqu'en 2001, il a représenté un montant de 298 millions d'euros alors que la participation de La Poste à l'aménagement du territoire, y compris par sa présence en zones urbaines sensibles, a été évaluée à 503 millions d'euros.
La suppression de la fraction salariale entrant dans le calcul de la base de la taxe professionnelle à compter de 2003 profitera bien entendu à La Poste mais va avoir pour conséquence de lui faire perdre l'essentiel de l'avantage dont elle bénéficiait grâce à l'abattement de 85 %. La valeur de cet avantage va être diminuée de moitié.
Les flux financiers entre l'Etat et La Poste peuvent être regroupés sous cinq chapitres :
- l'aide postale au transport de la presse : la contribution de l'Etat a une nature et un statut spécifiques dans l'ensemble des flux financiers ; elle est inscrite au chapitre 41-10, article 20 du budget de l'Etat, analysé plus haut ;
- les taxes fiscales : elles sont régies par le chapitre IV (article 18 à 21) de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ; le régime est partiellement dérogatoire au droit commun ;
- les charges sociales spéciales : d'une part, La Poste est soumise, à l'instar des collectivités locales, au régime de compensation et surcompensation démographiques (le taux est de 38 %, ce qui correspond à un prélèvement de 1,5 % de la masse salariale) ; d'autre part, elle verse aux services de l'Etat chargés des liquidations le montant des pensions dues aux retraités de La Poste ;
- le versement à La Poste d'une rémunération pour la gestion des comptes chèques postaux (CCP) au nom de l'Etat : les fonds sont inscrits au chapitre 12-01, article 20 du budget des charges communes ;
- les frais relatifs aux services rendus à l'administration des finances pour la tenue des comptes des comptables publics (chapitre 37-01, article 10). Le transfert à la Banque de France de cette mission a entraîné une disparition progressive de la rémunération versée à La Poste. La loi de finances pour 2002 a encore abondé la ligne budgétaire correspondante à hauteur de 5 millions d'euros. Le projet de loi de finances pour 2003 propose de procéder à une annulation de crédit.
Rappelons que les frais d'envoi des correspondances officielles des ministères et des avis et avertissements de l'administration des finances sont désormais acquittés par chaque ministère sur ses moyens de fonctionnement. Seules subsistent les franchises dont bénéficient les envois au Président de la République, les cécogrammes () et envois aux non-voyants, les dépôts légaux des ministères de la culture et de l'intérieur.
FLUX FINANCIER ENTRE L'ETAT ET LA POSTE
(en millions d'euros)
2000 |
2001 |
2002 | |
Au profit de La Poste | |||
Contribution au transport de la presse |
290 |
290 |
290 |
Courrier de l'Etat |
344 |
341 |
339 |
Tenue des comptes des comptables publics |
34 |
20 |
3 |
Rémunération des fonds des CCP |
1076 |
634 |
404 |
Abattement sur les bases de fiscalité locale |
274 |
298 |
314 |
Rémunération des livrets A et B (CDC) |
646 |
666 |
687 |
Au profit de l'Etat | |||
Fiscalité (y compris impôt sur les sociétés) |
1195 |
1158 |
1181 |
Le contrat d'objectifs et de progrès a prévu le transfert progressif, au profit de La Poste, sur cinq ans à compter du 1er janvier 1999, de la gestion des fonds placés sur les comptes chèques postaux (CCP). L'article 126 de la loi de finances pour 1999 a institué cette mesure. L'organisation mise en place s'appuie sur deux structures :
· une entreprise d'investissement, Efiposte, filiale à 100 % de La Poste, assure la gestion financière des fonds des CCP. Elle place l'intégralité des fonds représentatifs des CCP dans deux fonds communs de placement (FCP) dédiés. Par ailleurs, Efiposte a vocation à être l'unique intervenant sur les marchés financiers pour le Groupe La Poste, notamment à travers la gestion de la trésorerie ;
· une société de gestion de portefeuille, Efiposte-Gestion, filiale à 100 % d'Efiposte, chargée de gérer les deux FCP dédiés au placement des fonds CCP.
Afin d'exercer leurs activités, ces sociétés ont obtenu les agréments nécessaires auprès du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement le 24 novembre 1999, du conseil des marchés financiers le 24 novembre 1999 et de la commission des opérations de bourse le 7 décembre 1999.
La modification du décret du 29 décembre 1990 portant cahier des charges de La Poste est intervenue le 28 février 2000. Les conventions mentionnées dans le décret ont été signées le 17 mars 2000. Le premier conseil d'administration d'Efiposte, réunissant les administrateurs indépendants dont la présence est prévue par le décret, s'est réuni le 30 mars 2000. A compter de cette date, l'ensemble du dispositif de gestion des fonds CCP est devenu opérationnel. Le transfert des fonds doit durer jusqu'en 2003.
Confrontée, du fait du processus de libéralisation en cours, à une concurrence croissante sur son métier de base, La Poste se trouve quelque peu destabilisée dans son rôle de prestataire du service universel postal. La concurrence privée s'attaque en effet logiquement, par priorité, aux segments les plus profitables du marché, et les sources de revenus ainsi perdues font défaut au mécanisme de péréquation qui permet d'assurer le maintien des autres segments d'activité justifiés par la seule utilité publique.
La Poste se trouve dès lors poussée à développer des pôles de revenus compensatoires, en exploitant toutes les marges de man_uvre que lui autorise son statut. Cette recherche de revenus compensatoires s'effectue dans trois directions : la recherche de gains de productivité, le développement des services financiers, l'expansion sur les marchés étrangers.
L'effort d'augmentation de la productivité apparaît a priori comme un des effets vertueux du renforcement de la concurrence. Cependant elle ne concerne pas de la même façon toutes les parties du réseau : tandis qu'elle prend la forme d'une augmentation « en volume » de la productivité, via du progrès technique, au niveau des n_uds de concentration, elle s'inscrit plutôt dans une démarche d'augmentation « en valeur » de la productivité, au niveau des rameaux terminaux.
La Poste, en vertu de l'article 4 de la loi 90-568 du 2 Juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, a un devoir général de promotion et de développement de l'innovation et de la recherche dans son secteur d'activité. La pression concurrentielle croissante n'a donc eu pour effet dans ce domaine que d'accélérer les évolutions.
L'article 14 du cahier des charges fixe de manière assez précise le champ des efforts de La Poste dans les technologies :
«La Poste élabore et conduit des programmes de recherche destinés à faire bénéficier les usagers des progrès techniques et à assurer la compétitivité de ses activités.
Ces études, recherches et développement couvrent, en particulier, les domaines de la manipulation et du traitement des objets, de la reconnaissance des formes, du traitement des images, des envois postaux électroniques, de la monnaie électronique et, plus généralement, des techniques de communication. »
Une partie importante des avancées réalisées concernent assez logiquement tout ce qui touche aux opérations logistiques de traitement en masse du courrier, et La Poste s'est particulièrement illustrée dans le domaine de la lecture automatique des adresses manuscrites.
Mais elle s'est engagée aussi dans la mise au point, en amont, de dispositifs offrant aux gros émetteurs la possibilité de standardiser leurs envois, de manière à ce que ces envois puissent faire plus facilement l'objet, en aval, d'un traitement automatisé au niveau du réseau postal. Ces dispositifs s'appuient notamment sur la technologie du « courrier hybride » qui permet l'édition de courriers à partir de fichiers. Cette approche est notamment mise en _uvre au travers de plusieurs filiales de la holding Sofipost : Médiapost pour le géomarketing de proximité ; Asphéria pour le « courrier industriel » (relevés de compte, factures, ...) ; Dynapost pour l'assistance plus générale à l'optimisation du traitement du courrier des entreprises.
Si La Poste mène manifestement une course en tête dans ces domaines, il ne faut cependant pas perdre de vue que les techniques mises en _uvre concernent les segments les plus rentables de la logistique du courrier, ceux qui s'appliquent aux flux les plus importants. Or c'est justement sur ces segments que se manifeste la concurrence la plus vive, puisque les entrants tentent logiquement de s'implanter sur les créneaux qui dégagent le plus de profit.
Dans la mesure où la technologie connaît inévitablement un processus de diffusion, en l'occurrence organisé en partie par La Poste elle-même, qui vend par exemple son savoir-faire d'informatique industrielle au travers de sa filiale Selisa, la persévérance dans l'effort d'innovation est stratégiquement vitale.
En fin de compte, les progrès technologiques réalisés par La Poste lui permettent moins de récupérer des marges confortables, que de maintenir ses positions sur les segments les plus rentables du réseau.
A priori, les segments terminaux du réseau, c'est-à-dire les points de contact, surtout lorsqu'ils sont situés en zone rurale, sont moins susceptibles de dégager des gains de productivité puisque, par définition, ils traitent des flux de courriers ou de colis très réduits. La recherche, à ce niveau, d'une productivité plus élevée par l'installation d'automates, s'avèrerait beaucoup moins rentable. En revanche, il est toujours possible d'augmenter le chiffre d'affaires par employé, ce qui constitue une manière d'augmenter directement la productivité en valeur, pour un effectif donné.
L'utilisation du guichet pour proposer une gamme de services diversifiés constitue une première solution. Outre les traditionnels services financiers, La Poste est ainsi habilitée à assurer la vente de télécartes, par exemple.
Mais il est possible aussi d'augmenter en valeur les flux de courriers et de colis eux-mêmes, en encourageant les usages marchands des technologies de l'information : le renforcement des instruments de commande à distance génère en effet, en retour, un trafic de livraison, et les zones les plus reculées, celles où justement la rentabilité des points de contact est la plus problématique, sont aussi celles qui ont le plus d'avantages à utiliser ces nouveaux modes de transactions commerciales.
C'est là la stratégie de l'encouragement de la vente par correspondance, qui trouve un relais aujourd'hui avec la vente par Internet : il faut bien que le produit acheté en ligne soit livré, et La Poste s'est positionnée sur ce métier par son savoir faire.
S'agissant à proprement parler de la vente par correspondance, La Poste a conclu en 2001 un accord avec la « Fédération des entreprises de vente à distance », par lequel elle s'est engagée sur les délais d'acheminement des documents de publicité.
Dans le domaine de l'Internet, outre sa participation à la diffusion de ce média lui-même, par la mise à disposition des 1000 Cyberpostes dans les points d'accès, et la distribution de plus d'un million d'adresses e-mail depuis son propre site « LaPoste.fr », elle s'est fortement investie dans les technologies permettant les transactions en ligne, à travers sa filiale Esipost, par exemple, qui accompagne les entreprises dans la création de leur projet de commerce en ligne. D'autres filiales se sont spécialisées dans l'assistance aux échanges inter-entreprises, comme Seres pour l'échange informatisé de données, ou Certinomis pour la certification par signature électronique.
Mais cette stratégie de l'augmentation en valeur de l'activité des points de contact éloignés a aussi sa limite : le pouvoir d'achat souvent réduit des populations des zones reculées. En outre, la crise du secteur des technologies n'est guère propice à un développement du commerce en ligne. Il est donc probable que ces investissements dans l'Internet, même si La Poste indique qu'ils ont d'ores et déjà généré un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros en 2001, ne pourront véritablement porter leurs fruits qu'à terme.
Depuis la création du service des « mandats » en 1817, La Poste déploie une partie de ses activités dans le domaine financier. Elle remplit par là des missions d'intérêt général, puisque d'une part, à travers son réseau territorial, elle permet aux populations rurales d'accéder à certaines prestations élémentaires de gestion de leur épargne, et que, d'autre part, son statut d'exploitant public à but non lucratif lui permet de supporter le risque de la prise en compte d'une clientèle à revenu modeste. Cette intervention de La Poste dans le secteur de la banque et de l'assurance a été explicitement autorisée par le législateur. Il semble cependant que des limites aient été aujourd'hui atteintes en ce domaine, les milieux professionnels concernés ressentant de plus en plus la menace d'une distorsion de concurrence.
La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est très explicite s'agissant de la faculté de La Poste de développer ses activités financières. A l'article 2 de cette loi, il est en effet précisé :
«La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d'activité ... d'offrir, dans le respect des règles de la concurrence, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transfert de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement et à tous produits d'assurance. La Poste gère le service des chèques postaux et, pour le compte de l'Etat, la Caisse nationale d'épargne dans le respect des dispositions du code des caisses d'épargne. »
L'article 7 ajoute :
« Chaque exploitant public est habilité à exercer, en France et à l'étranger, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet ».
Le code monétaire et financier, en son article L.518-25, définit dans des termes identiques le champ des activités financières de La Poste :
«La Poste offre, dans le domaine des services financiers et dans le respect des règles de la concurrence, selon les règles propres à chacun de ses domaines d'activité, contenues notamment dans le code des postes et télécommunications, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transfert de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement et à tous produits d'assurance.
La Poste gère le service des chèques postaux et, pour le compte de l'Etat, dans les conditions fixées aux articles L. 518-26 à L. 518-28, la caisse nationale d'épargne. »
Le succès rencontré en 2001 par la nouvelle filiale Assurpost, qui a conclu en une année 145000 affaires et réalisé 61 millions de chiffre d'affaires, a suscité une forte réaction de la part des milieux professionnels de l'assurance, qui ont ravivé à cette occasion l'idée que l'exploitant public investit des secteurs d'activité hors de son métier d'origine, en détournant pour cela des moyens destinés à sa mission de service public, ce qui lui assurerait un avantage concurrentiel considérable, voire déloyal, au niveau des coûts de fonctionnement.
Un débat dans les mêmes termes avait été déclenché par les organisations professionnelles de la banque au milieu des années quatre-vingt-dix.
De fait, cette concurrence est surtout ressentie comme déloyale en milieu urbain, puisque La Poste observe () que plus de 40 % des communes rurales dotées d'un bureau ou d'une agence postale ne disposent ni d'agent d'assurance, ni de guichet bancaire, et que, de ce point de vue, la fourniture de services financiers participe de son action d'aménagement du territoire.
En outre, La Poste fait valoir que les revenus dégagés par la vente de produits financiers, activité qui lui est autorisée par la loi, contribuent à la compensation des charges correspondant à ses missions d'intérêt général, qui, dans le contexte actuel, ne sont pas suffisamment dédommagées, ni pour l'aide accordée à la presse, ni pour la gestion des comptes de faible montant du livret A, ni pour la participation à l'aménagement du territoire. De fait, ce serait le produit des activités financières qui permettrait à La Poste de maintenir sa présence dans les communes rurales.
En 1996, un rapport d'information de la Commission des finances du Sénat () notait que le débat sur la concurrence déloyale de La Poste s'alimentait de l'absence d'une « séparation juridique » dans l'allocation des moyens entre les activités financières et postales de l'exploitant public, contrairement au modèle en place dans d'autres pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni). La Poste a réduit ce risque de confusion en privilégiant, conformément à l'avis n°96-A-10 du 25 juin 1996 du Conseil de la concurrence relatif au fonctionnement des services financiers de La Poste, la structure de la filiale pour la gestion de ses activités périphériques, les filiales étant elles même gérées au travers de société holding, en l'occurrence « SF2 », créée en décembre 2000, pour les filiales du secteur financier.
La création d'une filiale présente d'ailleurs l'avantage de pouvoir mettre éventuellement en place des partenariats avec des professionnels du secteur, ce qui permet d'offrir une perspective de partage des gains aux intérêts privés concernés, et d'atténuer d'autant la perception d'une distorsion de concurrence. Mais, en l'occurrence, la filiale Assurpost a été créée fin 1998 avec la Caisse nationale de prévoyance, qui occupe certes le premier rang dans le domaine de l'assurance des personnes en France et en Europe, mais qui fait aussi partie du secteur semi-public, son capital étant détenu pour l'essentiel (plus de 70 %) par la Caisse des dépôts, le groupe des Caisses d'Epargne, et La Poste.
Assurpost a construit son succès sur la vente de produits d'assurance-prévoyance, et particulièrement d'assurance-santé, inédits dans l'offre disponible aux bureaux de Poste, jusque là plutôt cantonnée à l'assurance-vie. Les syndicats professionnels de l'assurance craignent que, dans la foulée de cette innovation, Assurpost n'en vienne à distribuer des produits d'assurance-dommage, domaine dont La Poste s'était tenue à l'écart jusqu'à présent.
Le fragile équilibre trouvé dans les relations entre La Poste et le secteur bancaire s'appuie sur l'interdit du crédit à la consommation, et du crédit immobilier hors épargne préalable. Cette solution est peut-être transposable dans le domaine de l'assurance, via la mise en place de quelques restrictions à l'autorisation très générale que la loi accorde à La Poste dans ce domaine.
De telles restrictions doivent s'envisager cependant en ne perdant pas de vue que La Poste ne pourra pas toujours maintenir la partie déficitaire de ses missions de service public, si elle est tout à la fois concurrencée sur les segments rentables de son métier de base et limitée dans ses possibilités d'expansion alternatives. La redéfinition de son périmètre d'activité paraît donc difficile à dissocier d'une réflexion sur la mise en place d'un fonds de financement du service universel postal.
La Poste poursuit, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, une très active stratégie de développement de sa présence sur les marchés étrangers, qui lui a permis de plus que doubler son chiffre d'affaires à l'international en cinq ans : en 2001, celui-ci a représenté 12 % du chiffre d'affaires total, contre 5 % en 1997. Cette expansion internationale, qui s'effectue en parfaite cohérence juridique avec son statut d'exploitant public, résulte pour partie de l'exportation de son savoir-faire dans le cadre de programmes de coopération. Mais elle s'explique surtout par un suivi dynamique, au-delà des frontières, des besoins des entreprises en matière de services de courrier et de colis.
La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications confie à La Poste, en son article 2, la mission d'assurer la continuité du service du courrier par delà les frontières :
« La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d'activité, contenues notamment dans le code des postes et télécommunications d'assurer, dans les relations intérieures et internationales, le service public des envois postaux, qui comprend le service universel postal ».
Cette continuité transfrontière est gérée dans le cadre du « territoire postal unique » formé par les 189 pays membres de l'Union postale universelle (UPU) selon le dispositif, adopté en 1969, dit « des frais terminaux » : La poste du pays d'expédition fait payer le service d'acheminement à ses clients, et compense globalement, sur la base d'un prix unitaire fixée a priori, les prestations de la poste du pays de destination, qui accepte ce seul versement forfaitaire en rémunération de la distribution du courrier venant de l'étranger.
Cependant la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, en son article 7, ouvre à La Poste des marges de man_uvre à l'international qui vont bien au-delà de la seule continuité transfrontalière des services postaux :
« Chaque exploitant public est habilité à exercer, en France et à l'étranger, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet.
A cet effet, et dans les conditions prévues par son cahier des charges, il peut créer des filiales et prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un objet connexe ou complémentaire. »
La Poste met à profit ces marges de man_uvre pour développer des activités, d'une part, d'assistance technique, et d'autre part, de service sur mesure pour les entreprises multinationales.
Le cahier des charges de La Poste prévoit une obligation de contribuer à la promotion de l'innovation et de la technologie française à l'étranger (article 19), ainsi qu'à la coopération technique internationale et à l'aide au développement (article 20).
La Poste remplit ces missions au travers principalement de deux filiales :
- « Sofrépost », qui assure un conseil en organisation et en informatique dans le domaine de la logistique postale ;
- « Somepost », qui fournit des prestations techniques de maintenance, de conception et d'ingénierie de centres logistiques.
La Poste s'est efforcée de profiter de la croissance, inhérente au processus de mondialisation, du besoin des entreprises en services postaux internationaux. Pour ce faire, elle a développé des pôles d'activité à l'étranger aussi bien au niveau de la distribution du courrier que sur le marché du transport de colis.
L'expansion internationale de La Poste dans le domaine du courrier a pris principalement la forme d'une participation de 40 %, en octobre 2000, dans la société Brokers Worldwide, qui collecte et traite le courrier à destination de l'Europe des grands émetteurs américains : mise sous pli, affranchissement, adressage, ...
Dans le domaine du transport de colis, La Poste occupe désormais le troisième rang en Europe, avec une part de marché de 10 %. Au travers de sa holding GeoPost, créée en 2000, elle contrôle un réseau de distribution qui s'étend à une vingtaine de pays en Europe, avec une présence particulièrement forte en Allemagne et au Royaume-Uni, pays qui représentent, avec la France, les deux tiers du marché européen. GeoPost comprend Chronopost international, recentré sur la France et l'Europe du Sud, et Tat Express, spécialisé dans le transport express industriel. Elle a racheté l'opérateur britannique Mayne Nickless en novembre 2000, et a accru jusqu'à 84,8 % sa participation à l'opérateur allemand DPD en février 2001.
Pour compléter ces implantations directes, La Poste a poursuivi en 2001 une politique d'alliances avec des opérateurs locaux du marché du transport de colis : Poste Italiana en Italie, Correos y Telegrafos en Espagne, Posten AB en Suède, et FedEx pour les destinations de l'Amérique et de l'Asie.
Ce développement international conditionne la capacité de La Poste à conserver ses plus gros clients, qui tendent désormais à travailler à l'échelle européenne, sinon mondiale. Par là, il participe de la démarche visant à développer des pôles de revenus compensatoires afin d'éviter, à terme, la paupérisation du service public postal.
En fin de compte, les stratégies de compensation mises en _uvre, qu'elles prennent la forme d'une course à la technologie, d'un débordement vers des secteurs connexes, ou d'une conquête de marchés étrangers, montrent plutôt les limites d'un modèle où le prestataire du service universel postal, confronté à une concurrence accrue sur son métier de base, et limité dans ses moyens de se développer dans d'autres directions, continuerait à assurer sans contrepartie ses obligations de service public concernant son concours « à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire », selon les termes de l'article L.1er du code des postes et des télécommunications. Si de nouvelles réductions de l'assiette du domaine réservé devaient intervenir, il faudra bien un jour ou l'autre que celles-ci s'accompagnent, à terme, de la mise en place d'un « fonds de compensation » tel qu'il a été prévu à l'article 9 alinéa 4 de la directive 97/67/CE.
En proie à l'impact d'un processus de libéralisation progressive, le secteur des postes est actuellement en pleine phase de restructuration.
Jusqu'à présent, l'intégration de la réglementation européenne s'est effectuée par le biais de simples retouches du modèle du service public de la poste, qui a conservé dans l'ensemble, sur la base d'un domaine réservé réduit, l'économie générale organisée autrefois sur le principe du monopole postal.
Ce processus d'adaptation progressive, passant par l'adoption incidente de dispositions législatives partielles à l'occasion de projets de loi hétéroclites, ou encore par l'édiction occasionnelle de mesures réglementaires, connaît aujourd'hui ses limites. S'il devenait nécessaire de créer une autorité de régulation du secteur postal, ou un fonds de compensation du service universel postal, il conviendrait que le Parlement puisse jouer pleinement son rôle dans la réorganisation de ce domaine d'activité, qui touche à des aspects fondamentalement politiques de l'intervention publique.
S'agissant de la cohésion sociale, ou du développement équilibré du territoire, c'est la loi qui impose des missions de service public, c'est donc la loi qui doit organiser l'exercice de ces missions, dans le cadre d'un projet de loi spécifique, permettant une pleine expression de la volonté générale.
Une fois ces structures mises en place, il reviendra au Parlement de superviser leur bon fonctionnement, tant celui-ci est important pour l'équilibre de la vie nationale.
Le budget des postes et télécommunications est donc un budget à « effet de levier », car pour l'essentiel, les crédits qui le constituent permettent de financer des organismes qui eux-mêmes contrôlent les évolutions des deux secteurs en question.
Ce mécanisme d'effet de levier est mis en jeu à un double niveau, puisqu'il est utilisé aussi bien pour les crédits courants, en faveur des organismes de régulation et des actions d'avenir, que pour les opérations exceptionnelles, comme celle qui devrait assurer la couverture complète du territoire par le téléphone mobile, ou celle qui permettra le sauvetage de France Télécom.
Cependant l'intervention de l'Etat dans le domaine des postes et des télécommunications s'effectue aussi selon une autre dimension que celle de la régulation sectorielle. Elle prend la forme de l'assignation de contraintes de service public à ces deux opérateurs de « service universel » que sont aujourd'hui, dans leur champ respectif, La Poste et France Télécom. Et sous cet angle, le projet de budget laisse ouvert un certain nombre de questions relatives au financement du « service universel », notamment dans sa dimension d'aménagement du territoire.
En fait, l'analyse de la situation de La Poste montre que l'absence de prise en compte, de manière transparente, des charges liées au service universel, risquerait de contribuer à créer une situation intenable. Il faut donc créer un fonds de service universel. Mais l'exemple des télécommunications montre que l'on n'a pas encore vraiment trouvé un moyen satisfaisant pour financer ce genre de fonds.
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La Poste exerce des missions d'intérêt général irremplaçables à deux niveaux :
- elle doit assurer, au titre du « service universel », la levée et la distribution du courrier « tous les jours ouvrables », c'est-à-dire six jours par semaine. Notons que la directive européenne n'impose ces missions que sur un minimum de cinq jours par semaine ;
- La Poste est de fait la « banque des pauvres », car elle ne sélectionne pas sa clientèle. Elle se trouve être notamment le seul endroit où les SDF peuvent déposer leurs maigres liquidités pour les protéger des agressions de la nuit. 60% des détenteurs de livret A ont un avoir inférieur à 150 € !
Pour financer ces deux missions, elle dispose, dans chaque cas, de ressources spécifiques :
- pour le courrier, c'est le timbre, qui assure une péréquation géographique sur le « domaine réservé », restreint aujourd'hui au courrier de moins de 350 grammes ;
- pour la gestion du porte-monnaie des pauvres, c'est l'ensemble des revenus des activités financières, au nombre desquels figure la rémunération de 1,5 % accordée par la Caisse des dépôts et consignations pour la collecte de l'épargne via les livrets A.
Grâce à ces ressources, La Poste a pu fonctionner dans un certain équilibre, sachant que cet équilibre devait englober une charge indue, qui est l'aide au transport de la presse : malgré cette charge, La Poste est parvenue à dégager un résultat net positif durant les cinq dernières années.
Cependant cet équilibre se trouve remis en cause par trois évolutions de moyen terme :
- en premier lieu, le mécanisme de la péréquation géographique va se trouver déstabilisé par les restrictions progressives imposées au domaine réservé par chaque nouvelle étape de la réglementation européenne ; au 1er janvier 2003, ce domaine ne s'étendra plus qu'au courrier de moins de 100 grammes, et au 1er janvier 2006, au courrier de moins de 50 grammes. On peut d'ailleurs regretter le systématisme avec lequel les instances européennes prônent la politique de la concurrence, qui met ainsi en péril les services publics français qui fonctionnaient plutôt bien jusque là. Il y a là comme la manifestation d'une influence disproportionnée des britanniques au sein de la Communauté, alors que ceux-ci ont été parmi les derniers à adhérer;
- la deuxième remise en cause importante de l'équilibre financier de La Poste résulte des allègements de la taxe professionnelle. Ces allègements, tout à fait salutaires par ailleurs, entament en effet à chaque fois un avantage fiscal non négligeable qui avait été accordé à La Poste par la loi du 2 juillet 1990, à savoir un abattement de 85 % sur les bases d'imposition de la fiscalité locale. Cet avantage a été accordé : « en raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national, et de participation à l'aménagement du territoire ». Il n'a jamais couvert parfaitement le coût financier de cette dimension essentielle de l'activité de La Poste, puisqu'en 2001, il a représenté un montant de 298 millions d'euros alors que la participation de La Poste à l'aménagement du territoire, y compris par sa présence en zones urbaines sensibles, a été évaluée à 503 millions d'euros. A partir de 2003, avec la réforme de la taxe professionnel, la valeur de cet avantage va être diminuée de moitié ;
- enfin, troisième élément qui va jouer sur l'équilibre financier à moyen terme de La Poste, le constat que 40 % des encours de La Poste sont aujourd'hui détenus par des clients de plus de 70 ans. Là, ce sont les structures de gestion des activités financières de La Poste qui sont mises en difficulté par le risque d'un rétrécissement plus ou moins brutal de la clientèle, au cours des prochaines années.
Dans ce contexte de menace croissante sur ses ressources, La Poste est évidemment incitée à augmenter sa productivité. Elle dispose d'ailleurs de tous les atouts techniques nécessaires pour cela, comme elle le démontre par sa capacité à avancer sur les nouvelles technologies. Elle est ainsi en train de mettre en place un système de lettre recommandée électronique, qui devrait être disponible pour les entreprises en novembre.
Mais la piste de la recherche des gains de productivité est rendue de plus en plus difficile par l'augmentation parallèle des coûts de La Poste sous l'effet de ses contraintes de fonctionnement. En effet :
- d'abord, les pertes de marché, qui résultent de l'espace ouvert à la concurrence, relèvent mécaniquement le niveau des coûts moyens de La Poste, car l'activité de gestion du courrier présente des rendements fortement croissants. En clair, l'amortissement des centres de tri constitue une charge relative plus lourde, lorsque les flux de courriers à traiter diminuent ;
- ensuite, La Poste se retrouve pénalisée par toute une série de dispositions sociales qui profitent au contraire à ses concurrents privés : elle a ainsi mis très tôt en _uvre les 35 heures sans bénéficier d'aucune aide ; elle s'est vue privée du droit d'avoir recours aux contrats-jeunes créés par la loi Fillon en août dernier, alors que les emplois-jeunes vont progressivement disparaître ; et le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et à l'emploi, écarte explicitement La Poste, en son article 6, du bénéfice des diminutions de cotisation sociale ;
- enfin, le coût unitaire par fonctionnaire de la contribution de La Poste aux charges de pensions augmente. En effet, s'agissant des charges de pensions des fonctionnaires, le dernier contrat de plan a prévu une participation de l'Etat, de telle sorte que la partie principale revenant à La Poste (un peu plus de 2 milliards d'euros) soit stabilisée, « en francs constants », au niveau « des charges dues au titre de 1997 ». Cependant, avec l'arrêt des recrutements de fonctionnaires, et les départs en retraite, la population de ceux-ci tend à diminuer, ce qui a pour effet d'augmenter la charge unitaire.
Cette menace à moyen terme sur les ressources, alors que les coûts salariaux augmentent, crée une double série de tensions :
- d'un côté, sur le terrain, La Poste est tentée par une stratégie de rentabilisation à outrance, qui l'amènerait in fine à se désengager de ses points de contact les moins rentables, mais aussi à concentrer plus fortement ses centres de tri pour les remplacer par des centres encore plus automatisés, ce qui ne manquerait pas de provoquer des difficultés sociales locales. Tout cela a pu être évité jusqu'à présent, mais l'on commence à sentir ce type de tensions liées à un effort drastique de rationalisation, lorsqu'en plein centre de Troyes, le courrier n'est distribué qu'entre 12 et 13h ;
- d'un autre côté, La Poste est amenée, pour essayer de trouver d'autres sources de revenu, à développer des stratégies agressives aux marges du domaine d'activité qui lui est reconnu par la loi ; c'est là une des raisons profondes du conflit avec la profession de l'assurance, qui s'est ravivé cette année à cause du succès d'AssurPost, une filiale qui propose de l'assurance-santé. Les assureurs craignent en effet que La Poste n'investisse le secteur de l'assurance-dommage, dont elle s'était tenue à l'écart jusque là. Ce serait en effet une initiative créant du chômage, car il ne reste aucune part de marché disponible dans ce secteur : l'avancée de La Poste ne pourrait s'y faire que par le recul des agents d'assurance privés.
On perçoit donc l'urgence qu'il y a à prendre en considération, dans une pleine transparence, le problème de la compensation des missions d'intérêt général de La Poste. Sinon les problèmes sociaux risquent à terme de se multiplier.
Quelle solution mettre en place ?
De toute évidence, il convient d'abord que l'État prenne ses responsabilités quant à la résorption des charges structurelles qu'il fait supporter à La Poste.
Cela concerne d'abord l'aide à la presse, pour laquelle un nouvel accord va être négocié pour assurer la suite de l'accord Galmot qui est arrivé à son terme. Au passage, il faut souligner qu'il serait bon que le Parlement soit associé à ces nouvelles négociations, comme il l'avait été lors des précédentes.
Cela concerne ensuite la compensation des conditions très particulières de fonctionnement des activités financières de La Poste, à savoir le service rendu en tant que « banque des pauvres », et aussi l'interdiction du crédit à la consommation, qui accentue le vieillissement de la clientèle. Ces problèmes, et éventuellement celui des limites à l'extension de La Poste dans le domaine de l'assurance, ont naturellement vocation à être abordés au cours de la discussion du prochain contrat de plan entre l'État et La Poste.
Cela concerne enfin le rétablissement de l'égalité des conditions de fonctionnement vis à vis de la concurrence : il est inadmissible que l'administration des Finances refuse d'appliquer à La Poste une mesure générale d'aide, ou d'allègement de charges, uniquement sous prétexte que cela coûterait trop cher, parce que les effectifs de La Poste sont trop nombreux !
Au-delà de ces questions, qui relèvent de la simple équité de traitement, il convient de s'interroger sur le problème du financement du service universel postal, dans la perspective de la réduction, voire de la disparition peut-être un jour, du « domaine réservé ». C'est une question d'importance, car elle est intimement liée au problème du maintien de la présence postale. Il suffit de rappeler à ce propos les premiers mots du code des postes et télécommunications : « Le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. ».
L'exemple du « fonds de service universel » mis en place pour soutenir les missions de service public de France Télécom, et le petit retour d'expérience qui en résulte, permettent de tracer certaines lignes de ce qui pourrait être fait dans ce domaine.
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La création d'un fonds de compensation pose en soi un problème, car il faut définir son juste niveau : le bénéficiaire du fonds sera en effet toujours tenté de prétendre que la compensation accordée est insuffisante, car il voudra en profiter pour se constituer une rente.
La solution mise en _uvre par la loi du 26 juillet 1996 a consisté à confier à l'ART, organisme indépendant et techniquement compétent, l'évaluation de la compensation. Mais un autre choix a été effectué par cette loi : celui d'assurer le financement par une répartition de la charge entre les opérateurs du marché, France Télécom devant d'ailleurs, dans ce dispositif, payer sa quote-part comme les autres.
Tout cela se passe donc en dehors du budget de l'Etat, ce qui présente au moins l'avantage de ne pas faire appel au contribuable.
Néanmoins, ce dispositif a suscité des contestations :
- d'une part, quant au niveau de la compensation, car même si celle-ci est calculée par un organisme indépendant, ce calcul a été enfermé au départ dans un certain nombre de règles. Or l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européenne du 6 décembre 2001 a reproché à la France de n'avoir pas tenu compte de l'avantage commercial que pouvait retirer France Télécom de sa situation d'opérateur du service universel. En pratique, une fois prises en compte les modifications demandées, le montant du fonds pour l'année 2000 est ainsi rétrospectivement passé de 230 à 130 millions d'euros, soit une diminution de près de moitié ;
- d'autre part, la clé de répartition, qui est basée sur le volume de trafic, est considérée comme fortement pénalisante par les fournisseurs d'accès Internet, comme AOL, qui font remarquer qu'elle se traduit par un taux de prélèvement sur la valeur ajoutée par minute variant de 1 à 10 selon l'activité concernée, puisque ce taux passe de 0,7 % pour une minute de téléphone mobile à 8 % pour une minute de connexion Internet. L'ART reconnaît le bien-fondé de cette position, préconisant elle-même, dans une analyse récente du 9 octobre, une nouvelle clé de répartition calculée sur la base du chiffre d'affaires. Encore faudrait-il disposer d'une étude d'impact avant d'introduire la modification législative correspondante, car elle pourrait elle-même avoir des conséquences inattendues.
Ces difficultés de mise en place du financement du fonds universel suggèrent deux réflexions :
- d'abord qu'un système de prise en charge du service universel doit être économiquement neutre ;
- ensuite, qu'il doit être technologiquement neutre.
Le système en place actuellement dans les télécommunications, d'ailleurs suggéré par la réglementation européenne comme une alternative au financement public, présente en effet une double étrangeté, car d'une part, il conduit à recréer une taxe sur l'activité des entreprises, alors que la création de la TVA en 1954 a visé justement à faire disparaître les inconvénients de ce genre d'assiette, et d'autre part, cette taxe fonctionne comme un impôt de répartition, alors que ce mécanisme de prélèvement, difficile à anticiper pour les agents économiques, est écarté depuis l'époque des fermiers généraux.
Quitte à faire participer les entreprises du secteur privé au service universel, mieux vaudrait les impliquer sur des opérations en nature, selon deux méthodes dont le secteur du téléphone mobile donne d'excellents exemples :
- d'un côté, la participation automatique à des obligations de service public imposées en contrepartie de l'octroi de la licence, comme l'obligation de relayer gratuitement les numéros d'urgence (le 112) ;
- de l'autre, la participation volontaire à des opérations d'intérêt public, comme celle de la couverture des « zones blanches », pour laquelle les opérateurs du téléphone mobile ont fini par aboutir à un accord le 23 septembre dernier.
Si la nature de l'activité sectorielle fait que celle-ci se prête mal à ce genre de contribution en nature, mieux vaudrait, pour des raisons de neutralité économique, faire porter la charge du service universel sur l'ensemble des utilisateurs finaux, en retrouvant d'ailleurs par là une logique conforme au mécanisme de la péréquation, avec la transparence en plus. Dans le secteur des postes, cela pourrait se traduire par un « timbre » généralisé, qui serait dû aussi par les clients des prestataires privés de service postal.
Mais, si un dispositif de service universel doit être neutre fiscalement, il faut aussi qu'il soit neutre technologiquement.
La neutralité technologique consiste en ce que ce soit le consommateur qui décide des technologies qui l'emportent sur le marché. Le financement du fonds universel ne doit donc pas introduire de distorsions. Mais la neutralité technologique doit se manifester aussi par la liberté des moyens quant à la fourniture du service universel : le service universel se définit par un service à fournir et par un tarif maximum à respecter.
Or, dans les télécommunications, le service universel impose de fait des objectifs à la seule téléphonie fixe. Et il est un peu étrange que la position de la téléphonie fixe se trouve ainsi consolidée par un « fonds universel », parce qu'on lui demande d'assurer un « service de base », alors même que la téléphonie mobile est en voie de se banaliser. Avec un peu de recul, on pourrait penser que tout se passe comme si la rigidité du cadre ainsi défini créait un « service universel » en retard d'une technologie.
Dans le domaine voisin de l'Internet haut débit, on retrouve ce même risque de fossilisation du traitement d'un besoin par un cadre juridique trop rigide, puisque les débats se focalisent sur le rôle plus ou moins important que doivent jouer les collectivités locales dans la mise en place de raccordements par des liaisons filaires, avec tous les coûts d'infrastructure que cela suppose, alors que la technologie de distribution de l'Internet haut débit par satellite, bien plus économe en investissement public local, est tout à fait mûre désormais.
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En conclusion, il convient d'approuver sans réserve l'ensemble des crédits prévus dans le budget pour 2003 en faveur des secteurs des postes et des télécommunications, car, dans une situation marquée pourtant par une contrainte financière forte, le gouvernement a su prendre en compte à sa juste mesure l'importance stratégique de ces secteurs pour l'avenir de notre pays.
Mais il convient aussi d'être conscient du fait que le cadre juridique de ces deux secteurs devra faire l'objet d'adaptation dans les prochains mois : le secteur des postes, car on ne pourra pas indéfiniment imposer des contraintes de toute sorte à La Poste en pensant qu'elle continuera éternellement à assurer des services non rentables ; le secteur des télécommunications, car il ne faut pas que des règles économiquement mal ajustées le gênent dans son intégration des évolutions technologiques. La transposition des dernières livraisons des directives européennes dans ces deux domaines nous fournira l'occasion de procéder à ces ajustements.
Lors de sa réunion du mardi 15 octobre 2002, M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis des crédits des postes et télécommunications a présenté son rapport.
M. Patrick Ollier, président, a félicité le rapporteur pour la qualité de son exposé, qu'il a jugé très complet.
M. Daniel Paul, s'exprimant au nom du groupe des députés communistes et républicains, tout en félicitant M. Pierre Micaux, rapporteur, pour la qualité de son intervention, a indiqué que son groupe n'approuverait pas le budget des postes et télécommunications pour 2003.
M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a lui aussi salué le travail accompli par M. Pierre Micaux, rapporteur, et a rappelé que le sujet abordé méritait une attention particulière, parce qu'il concernait l'ensemble du territoire, et qu'il s'agissait aujourd'hui d'une question grave.
En ce qui concerne les télécommunications, il a rappelé qu'aucun opérateur dans le monde ne présentait une situation financière favorable actuellement. Contestant le bien-fondé de toute comparaison avec l'affaire Enron, il a estimé que la dégradation des comptes de France Télécom n'était pas due à son exploitation courante, qui est bénéficiaire, mais à la charge de la dette liée à l'achat de l'UMTS.
Rappelant que le précédent contrat de plan entre l'Etat et La Poste avait accru la compensation financière de la charge supportée par La Poste pour la distribution de la presse, qu'il avait également mis en place un mécanisme pour plafonner la charge des retraites, il a regretté que le nouveau Gouvernement n'ait encore donné aucune indication sur ses intentions quant à ces questions pour l'avenir, alors même qu'un nouveau contrat de plan est en cours de négociation. La même incertitude entoure la question de l'extension des services financiers, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, s'étant seulement déclarée « à titre personnel » non favorable à cette extension, lors de son audition par les commissaires le 17 juillet dernier.
Il a ajouté que l'impression d'incertitude dans la politique actuellement conduite vis-à-vis de La Poste étaient d'autant plus grande que Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, avait annulé deux semaines plus tôt, au dernier moment, son audition par la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, alors que cette instance, qui compte sept députés et sept sénateurs, a vocation à s'intéresser, au nom du Parlement, à l'évolution budgétaire, législative et réglementaire des deux secteurs concernés. Il a jugé qu'une clarification de la situation était urgente.
Il a enfin indiqué son souhait obtenir des précisions sur la réalité et l'ampleur des projets de suppression d'emplois étudiés par La Poste.
M. Patrick Ollier, président, a précisé qu'il n'avait jamais été question d'assimiler la situation de France Télécom à celle d'Enron, et que l'audition des petits porteurs avait eu pour but d'alimenter les réflexions sur l'amélioration de la gouvernance des entreprises, en vue d'enrichir le texte sur la sécurité financière, qui serait prochainement présenté au Parlement par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a par ailleurs ajouté, à propos des licences UMTS, qu'il conviendrait de savoir rétrospectivement ce qui s'était passé.
M. André Chassaigne, après avoir indiqué qu'il saluait lui aussi la qualité de l'intervention de M. Pierre Micaux, a regretté que deux points n'aient pas été évoqués. En premier lieu, il a estimé indispensable d'insister sur la contrainte européenne : il n'est en effet pas possible, a-t-il jugé, d'évoquer La Poste sans tenir compte des obligations communautaires qui, en raison de choix antérieurs, contraignent à une ouverture accélérée du secteur postal à la concurrence. Il a d'ailleurs souhaité qu'une volonté politique forte de résistance à cette évolution s'affirme dans ce domaine.
En second lieu, s'agissant de la couverture du territoire en téléphonie mobile, il a estimé nécessaire de revoir le cahier des charges des opérateurs, de manière que ceux-ci soient contraints d'utiliser la même et unique série de relais, dans les zones où l'Etat et les collectivités locales auront conjointement pris en charge la réalisation de l'infrastructure.
M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis des crédits des postes et télécommunications pour la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a indiqué que les deux points soulevés par M. André Chassaigne étaient traités dans son rapport. S'agissant de la capacité de résistance de la France aux pressions libérales européennes, il a fait observer qu'au cours des auditions qu'il avait menées pour préparer son rapport, il avait été alerté sur la déplorable « passivité » des représentants français au Parlement européen. Par ailleurs, revenant sur la situation de France Télécom, il a confirmé que les résultats courants de l'entreprise étaient satisfaisants, et a estimé qu'il convenait de s'interroger surtout sur les conditions de mise en oeuvre de certaines opérations d'envergure, comme les prises de participation au capital de Mobilcom et de NTL, dans lesquelles France Télécom se serait engagé sur un ordre donné par téléphone. D'une façon générale, il a déploré l'ingérence des hauts fonctionnaires du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dans les opérations de stratégie industrielle des entreprises, alors qu'ils n'ont ni la qualification, ni l'expérience requises pour cela.
M. Patrick Ollier, président, a observé qu'il s'agissait là d'une analyse partagée.
Conformément aux conclusions de M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des postes et télécommunications pour 2003.
ANNEXE : PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES
Monsieur Jean-Paul BAILLY, président du groupe La Poste
Monsieur Philippe BERTRAN, directeur des affaires publiques de France Télécom
Monsieur Jean BESSON, député, membre de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications
Monsieur Régis BLANCHOT, représentant de Sud PTT
Monsieur Loïc DAGUZAN, représentant de la CFDT Banque de France
Monsieur Pascal DUPEYRAT, consultant au Cabinet Relians Consulting
Monsieur Emmanuel FORREST, directeur général adjoint de Bouygues Télécom
Monsieur Gilles GUITTON, directeur général de la Fédération bancaire française
Monsieur Denis KESSLER, président de la Fédération française des sociétés d'assurances
Monsieur Alain LE CORRE, représentant de la CFDT Caisses d'Epargne
Monsieur Winston J. MAXWELL, avocat du Cabinet Hogan et Hartson
Monsieur Alexandre de MONTESQUIOU, directeur associé du Cabinet AI2P
Monsieur Stéphane TREPPOZ, président directeur général d'AOL France
N° 0258 - 08 - Avis de M. Pierre Micaux sur le projet de loi de finances pour 2003 - Economie, finances et industrie - Poste et télécommunications
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() En fait, l'Etat reversait au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle la part correspondant à la différence entre le montant total du prélèvement de taxes foncières et de taxe professionnelle, calculé sur la base du taux moyen pondéré national constaté l'année précédente pour l'ensemble des collectivités locales, et la valeur du prélèvement effectué en 1994, indexée en fonction de l'indice des prix.
() « La contribution des technologies de l'information et de la communication à la croissance française », Gilbert Cette, Jacques Mairesse et Yussuf Kocoglu, Bulletin mensuel de la Banque de France, n°89, mai 2001.
() « ICT Investment and Economic Growth in the 1990s : is the United States a Unique Case ? A Comparative Study of nine OECD Countries",Alessandra Colecchia et Paul Schreyer, STI Working Paper 2001/7, 25 octobre 2001.
() Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire.
() « Théorie de l'évolution économique : recherches sur le profit, le crédit, l'intérêt et le cycle de conjoncture », Joseph Schumpeter, Librairie Dalloz, Paris, 1935, traduction par Jean-Jacques Anstett de la deuxième édition allemande parue en 1926.
() « Enjeux économiques de l'UMTS », Michel Didier et Jean-Hervé Lorenzi, Rapport du Conseil d'analyse économique, n°36, janvier 2002, p.87.
() « Pourquoi les nouvelles technologies ont-elles finalement réduit la rentabilité du capital aux Etats-Unis ? », Patrick Artus, Document de travail de la Caisse des dépôts et consignations, n°2002-90/MA, février 2002.
() « Théorie de l'évolution économique », p.557.
() « Internet et les fondamentaux », Pierre-Noël Giraud, Document de travail du CERNA, juillet 2000. Il fait l'hypothèse d'une croissance exponentielle des dividendes, comme dans le cas du modèle de Gordon de 1962, et suppose un taux d'actualisation de 6%.
() « Les difficultés de la valorisation boursière des entreprises de la « nouvelle économie », François Mouriaux, Florence Verhille, Bulletin de la Banque de France, n°83, novembre 2000.
() « Théorie de l'évolution économique », p.569.
() Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe.
() C'est-à-dire national et international.
() Les données « pro format » reconstituent les résultats de l'exercice 2000 dans la configuration du groupe telle qu'en 2001, de manière à permettre une comparaison économique plus significative, non biaisée par les opérations de fusion-acquisition intervenues entretemps.
() Earning Before Interest, Tax,Depreciation, and Amortization, c'est-à-dire bénéfice avant prise en compte des charges d'intérêt, des impôts et taxes, des dotations pour amortissement ou dépréciation. Cette grandeur, assez proche de celle d'excédent brut d'exploitation, peut être considérée comme un très bon indicateur de rentabilité économique.
() Le tarif de base correspond à celui de l'envoi de la lettre ordinaire la plus légère, soit 0,46 € en 2002.
() Cécogramme: facilité offerte aux déficients visuels par les administrations postales, leur permettant de transporter gratuitement les supports magnétiques ou en braille, grâce à un emballage spécial, valable pour un "aller-retour".
() « La Poste » dans la collection « Que sais-je » (PUF, 1996) par André Darrigrand et Sylvie Pelissier, p. 52
() « Banques : votre santé nous intéresse », rapport d'information fait au nom de la Commission des finances du Sénat par Alain Lambert, sénateur, rapporteur général, 30 octobre 1996, p.108.