N° 259

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230),

TOME III

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COOPÉRATION ET DÉVELOPPEMENT

PAR M. JACQUES GODFRAIN,

Député

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - DES MOYENS À ACCROÎTRE ET À RATIONALISER 7

II - RECOURS À DES MÉTHODES DE COOPÉRATION
FAVORISANT LE PARTENARIAT
19

III - DE NOUVELLES ACTIONS À LANCER 33

CONCLUSION 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

ANNEXE 1 : PERSONNALITÉS ENTENDUES 50

ANNEXE 2 : PROGRAMMES DES DÉPLACEMENTS 47

ANNEXE 3 : EXTRAIT D'UNE ÉTUDE SUR
LE LIVRET D'EPARGNE-DÉVELOPPEMENT
51

Mesdames, Messieurs,

« A l'heure de la mondialisation, la persistance de la pauvreté de masse est un scandale et une aberration. Appliquons les décisions de Doha et de Monterrey. Augmentons l'aide au développement pour atteindre dans les dix ans au maximum 0,7 % du PIB. »

L'éradication de la pauvreté est pour la France un chantier prioritaire. Tel est le sens du discours du Président de la République lors du sommet mondial du développement durable à Johannesburg le 2 septembre dernier. Il s'est engagé à porter le niveau de l'aide publique au développement (APD) de la France de son niveau actuel de 0,34% à 0,5% du PIB d'ici cinq ans, soit une augmentation en volume supérieure à 50% en cinq ans (compte tenu de la croissance du PIB). L'aide publique au développement figure parmi les cinq priorités retenues par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage budgétaire pour 2003.

Dans la loi de finances pour 2003, les moyens de la politique de coopération progressent. Les crédits destinés à la coopération internationale et au développement atteignent 530,08 millions d'euros, les dotations du Fonds de solidarité prioritaire, 112 millions d'euros en crédits de paiement et 190 millions d'euros en autorisations de programmes. Les dons destinés à financer les projets mis en _uvre par l'Agence française de développement (AFD) s'élèvent à 137 millions d'euros en crédits de paiement et 190 millions d'euros en autorisations de programme. S'y ajoutent les dotations de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), 337,78 millions d'euros.

On constate une légère progression des crédits d'intervention qui inclut la coopération internationale au développement, l'action audiovisuelle extérieure, la coopération militaire et de défense et l'appui aux initiatives privées ou décentralisées. Ils atteignent 820,75 millions d'euros pour 2003 soit une hausse de 0,5% par rapport à 2002, alors qu'ils avaient baissé de près de 1% entre 2001 et 2002, et ont été durement touchés par la régulation budgétaire au cours du dernier exercice. On peut regretter cependant que le chapitre qui regroupe coopération culturelle et scientifique et coopération technique au développement enregistre une baisse de 2,2% et que le soutien de l'Etat à la coopération décentralisée qui s'élève à 6,56 millions d'euros, stagne par rapport à 2002.

En revanche, on note avec satisfaction que, pour le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et les dons de l'Agence française de développement (AFD), les autorisations de programme progressent de plus de 26,50% dans les deux cas. Ces hausses mettent un terme au fort recul de ces dernières années

Les crédits accordés pour l'exercice 2003 par la France à l'aide publique au développement et à la coopération répondent aux exigences formulées par le Président de la République, s'ils sont utilisés dans leur totalité, d'autant que l'on assiste à un renouveau des méthodes de coopération et que de nouvelles pistes pourraient être explorées.

I - DES MOYENS À ACCROÎTRE ET À RATIONALISER

Le niveau de l'aide publique au développement (APD) française a connu, depuis quelques années, une baisse continue. Même si cette évolution n'est pas propre à la France, elle est inquiétante : elle a entraîné une diminution du volume des annulations de dette, une modification des modalités d'intervention consentie en faveur des pays les plus pauvres, une baisse continue de l'assistance technique.

Toutefois, la tendance à la diminution de l'APD française est aujourd'hui inversée. Le niveau de l'APD rapporté au PIB s'est établi en 2001 à 0,34%, soit un volume de 4,8 milliards d'euros, en augmentation de 338 millions d'euros par rapport au niveau de 2000. Si l'on ne dispose pas encore des statistiques pour 2002, les indications qui ressortent tout à la fois de la loi de Finances initiale, du rythme constaté des décaissements, de la croissance de l'aide de la Commission européenne, de l'augmentation des crédits concessionnels du FMI, de l'abondement de certains fonds mondiaux, des mesures de traitement de la dette des pays les plus pauvres et des mesures d'annulation bilatérales, indiquent que l'aide française devrait connaître une nouvelle hausse en 2002 d'environ 900 millions d'euros - et pourrait s'établir à 0,36% du PIB. En 2003, l'aide publique devrait progresser encore de près de 600 millions d'euros sous l'effet de l'augmentation du volume des annulations de dettes ; elle atteindrait ainsi 0,39% du PIB.

La France reste donc l'un des principaux fournisseurs d'aide publique au développement. Elle était en 2001 le cinquième pays donateur en volume, derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni, et le premier des membres du G8 par tête d'habitant. Elle est également, en pourcentage du PIB le plus généreux parmi les sept pays les plus industrialisés, et se situe nettement au-dessus de la moyenne des pays membres du comité d'aide au développement de l'OCDE (0,22 % du PIB), parmi lesquels seuls cinq pays européens (Danemark, Norvège, Pays-Bas, Luxembourg, Suède) remplissent l'objectif de 0,7% du PIB fixé par les Nations unies.

La France consent donc des moyens importants à l'aide au développement même si son dispositif de coopération efficace souffre encore d'un défaut de clarification des rôles respectifs des divers intervenants.

A - Un dispositif institutionnel efficace malgré des difficultés

La réforme de la coopération visait à répondre à la critique récurrente d'inefficacité due à la mauvaise coordination des acteurs publics et au manque de cohérence dans la mise en _uvre des outils. Elle a partiellement répondu aux attentes. La fusion du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Coopération et le rôle d'opérateur pivot de l'Agence Française de développement (AFD) ont amélioré la coordination des actions de coopération. L'élaboration des documents stratégiques-pays, solennellement sanctionné selon une procédure interministérielle par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) participe à cette amélioration. Toutefois, plusieurs facteurs brident encore son efficacité. L'optimum n'est pas atteint.

1) Une absence de coordination entre le ministère de l'Economie et des Finances et le ministère des Affaires étrangères

a) l'impact négatif de la régulation budgétaire sur les programmes de coopération

La direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) comme l'Agence Française de Développement (AFD) ont été soumises en 2002 à une régulation si drastique de leurs dépenses qu'il convient de se demander si des actions de coopération peuvent être menées à long terme avec un tel système de régulation a posteriori de crédits votés par le Parlement.

Ainsi, sur le seul chapitre 42-15, « coopération internationale et développement », le gel a atteint 20 % du chapitre hors rémunération. Sur l'ensemble des chapitres de fonctionnement ces restrictions ont entraîné un plafonnement des missions et invitations à 60 % de la programmation. Les subventions aux alliances françaises n'ont pu être versées que dans la limite de 80 % de leur dotation annuelle. L'ensemble des actions a subi un abattement de 20 %. Sur les chapitres d'investissement, le gel de 44 millions d'euros a interdit dès septembre le lancement de nouveaux projets. Quant à l'AFD le gel sur les autorisations de programme a imposé l'arrêt de l'examen de projets. Votre Rapporteur a mesuré lors de ses missions en Côte d'Ivoire, au Cameroun et au Mali les effets de ce gel sur les projets en cours. Des programmes importants ont dû être arrêtés ou démantelés.

Le gel des crédits n'est certes pas une procédure nouvelle, mais elle est particulièrement inopportune s'agissant d'actions de coopération engageant la crédibilité de l'action de la France à l'étranger. M. Bruno Delaye, Directeur général de la DGCID, auditionné par votre Rapporteur a expliqué qu'il était impossible de mener des actions de coopération internationale avec de telles coupes. Selon lui le ministère des Affaires étrangères a depuis vingt ans perdu la bataille de la diplomatie économique au profit de la Direction des Relations économiques extérieures (DREE) du ministère de l'Economie et des Finances, souvent mieux traitée en cas de gel de crédits.

b) Une rationalisation incomplète du dispositif de coopération : des problèmes de compétence entre l'Ambassade et l'Agence française de Développement (AFD)

La réforme de la coopération de 1998 a maintenu un éclatement entre les deux principaux opérateurs de l'aide, le ministère des Affaires étrangères à travers lui, la DGCID et l'AFD. En principe le ministère des Affaires étrangères a vocation à être le pilote de l'aide au développement, ce qui se traduit sur le terrain par un rôle moteur de l'ambassadeur, qui est impliqué dans les activités liées à la coopération et gère les crédits qui lui sont dévolus.

L'Agence française de développement jouit du statut d'établissement public doté de l'autonomie de gestion quoique placée sous la double tutelle du ministère de l'Economie et des Finances et du ministère des Affaires étrangères. Soumise à la loi bancaire, elle respecte les règles prudentielles de gestion de son activité et de ses risques. Son activité repose sur le principe de la sélection des projets selon leurs propres mérites en fonction de leur impact sur le développement économique et social. Elle gère et met en _uvre certaines aides financières pour le compte du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.

Sur le terrain, que ce soit au Mali ou au Cameroun où votre Rapporteur s'est rendu, la réalisation des projets dépend assez largement de synergies qui se créent entre l'Ambassadeur, le chef du service de coopération et d'action culturelle (SCAC) et le directeur de l'AFD. En effet la répartition des compétences résultant des textes et des règles de gestion ne prend pas toujours en compte les réalités et les nécessités locales. L'Agence a par exemple compétence pour construire les infrastructures nécessaires au développement, mais la répartition des compétences ne prévoit pas son intervention systématique dans leur entretien qui relève des crédits affectés au SCAC. Cela pose problème quand il s'agit de réparer et d'entretenir des bâtiments scolaires, voire comme au Mali de remettre en état des voies ferrées ou des ponts.

Selon M. Daniel Astier, ancien directeur du SCAC au Niger, la réforme de 1998 a certes permis de mieux harmoniser les comportements et d'améliorer le contrôle de l'aide française mais paradoxalement elle a abouti à confier à l'AFD, établissement bancaire, et à des organisations non gouvernementales (ONG) la gestion de fonds publics. Or, le contrôle de la gestion des fonds publics par les ONG se révèle souvent malaisé.

En outre, la politique du personnel menée par le ministère des Affaires étrangères a permis un redéploiement des agents mais certains postes restent vacants en l'absence de candidats formés pour remplir les fonctions. Dans certains postes visités par votre Rapporteur, on manque de secrétaires comptables alors que la réforme a permis la mise en place dans plusieurs pays d'un service administratif et financier (SAF) unique chargé de coordonner la gestion des crédits du ministère des Affaires étrangères.

c) Des difficultés récurrentes dans l'évaluation des effets des actions de coopération

L'évaluation de la coopération est une exigence. Or si le contrôle a priori est rigoureux, l'évaluation des effets des actions est souvent difficile, notamment dans le domaine de l'éducation. En outre l'interruption brutale de programmes faute de crédits ne permet pas de mesurer leurs effets à long terme.

d) Le rôle du Haut Conseil de la Coopération internationale (HCCI)

Créé pour offrir un lieu de dialogue entre les différents intervenants dans le secteur de la coopération, le HCCI a partiellement rempli sa mission. Il a permis à des intervenants venus de tous les horizons politiques, économiques et sociaux de se rencontrer, de s'exprimer et confronter leurs opinions. Ces rapports et analyses prospectives ne manquent pas de pertinence et touchent tous les domaines de la coopération internationale.

Toutefois, cette institution aurait plus d'impact sur le dispositif de coopération si sa gestion était plus rationnelle, sa réflexion plus centrée sur l'impact immédiat des actions de coopération, afin de devenir une force de proposition plus proche des réalités.

2) Une zone de solidarité prioritaire (ZSP) trop étendue

Le décret du 4 février 1998 portant création du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) confie à ce dernier la tâche de fixer les contours de la zone de solidarité prioritaire. Ils ont été définis pour la première fois lors de la réunion inaugurale du CICID du 28 janvier 1999. Deux critères ont été retenus pour l'inclusion dans la ZSP, et ont guidé les choix effectués : la situation économique et financière des pays et l'impact politique de l'aide bilatérale française. La ZSP comprend des pays parmi les moins développés en termes de revenus, et n'ayant pas accès au marché des capitaux. L'inclusion dans la ZSP exprime la solidarité historique de la France envers les pays en développement francophones.

Le CICID, lors de sa réunion du 22 juin 2000, a maintenu le périmètre de la ZSP défini en 1999. Lors de sa réunion du 14 février 2002, il a décidé que les pays suivants : Antigue et Barbude, Barbade, Seychelles, Saint Christophe et Nieves, Sainte Lucie, Maurice, Grenade, Dominique et Saint Vincent et Grenadines ne feraient plus partie de la ZSP. Il a intégré le Yémen et le Soudan, pays non retenus initialement, dont l'évolution les rapproche des critères fondamentaux, économiques et politiques, d'appartenance à la zone. Ces modifications tendent à dénaturer la définition initiale de la ZSP.

La liste des 54 pays composant actuellement la zone de solidarité prioritaire s'établit donc comme suit :

Afrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie

Moyen Orient : Liban, Territoires Autonomes Palestiniens, Yémen

Afrique Subsaharienne et Océan Indien : Afrique du Sud, Angola Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, République Centrafricaine, Comores, Congo Brazzaville, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Kenya, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Zimbabwe.

Caraïbes : Cuba, Haïti, République Dominicaine, Surinam.

Péninsule Indochinoise : Cambodge, Laos, Vietnam

Pacifique : Vanuatu

3) Une « demande de France » trop souvent insatisfaite liée à un affaiblissement brutal de la coopération de substitution

L'évolution de la politique d'assistance technique entreprise depuis le début des années quatre vingt dix s'est perpétuée en 2002. Elle se caractérise par une diminution régulière des effectifs, 260 postes entre 2001 et 2002. Depuis dix ans, l'assistance technique dite de substitution tend à disparaître, à l'exception de quelques cas où elle reste utile, en raison d'une pénurie particulière de ressources humaines ou notamment lorsqu'un personnel très qualifié est nécessaire. Il n'existe pas de pays particulièrement touché par des mesures de suppression de postes mais plutôt un redéploiement de faible amplitude vers certains bénéficiaires de la zone de solidarité prioritaire.

Cependant il convient de s'interroger sur les conséquences de la disparition de la coopération de substitution dans certains pays et secteurs. La demande de la France est mal satisfaite. Il ne s'agit pas de revenir à la situation antérieure mais certains pays de la ZSP ont besoin de coopération de substitution dans le secteur de l'éducation, le secteur bancaire et dans l'appareil administratif. Le départ des coopérants n'a pas toujours été bien perçu ni compris. La plupart des pays de l'Afrique francophone ont considéré que la disparition de la coopération de substitution était le signe d'un désengagement voire d'un désintérêt de la France à leur égard (voir tableau page suivante).

4) Faut-il une loi programme pour la coopération ?

Lors de l'examen des crédits de l'aide au développement et de la coopération, les parlementaires ont exigé à maintes reprises l'organisation d'un débat sur ces politiques. Ils se sont élevés à plusieurs reprises sur les effets pernicieux des coupes de crédits, l'absence d'évaluation des actions menées et surtout leur interruption.

Il est nécessaire d'élaborer de véritables stratégies pluriannuelles de développement par pays qui prennent en compte leurs objectifs de développement, ainsi que les actions des autres bailleurs multilatéraux et des autres intervenants.

Pour limiter les effets néfastes des gels de crédits, votre Rapporteur suggère l'élaboration d'une loi programme pour l'aide au développement et la coopération afin que soit clairement définis sur la durée de la législature les moyens, les objectifs à atteindre, les pays partenaires privilégiés et les méthodes d'évaluation des actions entreprises. La coopération doit en effet s'inscrire dans la durée. La réforme de l'examen de la loi de finances qui résulte de la loi organique du 1er août 2001 s'inscrit parfaitement dans cette problématique. En effet, l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement reposera sur deux nouvelles unités, la mission et le programme, regroupant les crédits par objectifs. Aussi sera-t-il utile que l'ensemble des crédits concourant à l'aide au développement soient regroupés au sein d'une même mission.

B - Une coordination entre aide bilatérale et multilatérale à accroître

La France se place en tête des pays contributeurs du Fonds européen pour le développement (FED), avec une part qui a représenté, au cours des deux dernières années, 24,30 % de sa dotation globale. En revanche, ses contributions volontaires aux Agences internationales stagnent et n'augmentent pas cette année.

1) Une forte contribution au Fonds européen de développement (FED) sans résultats tangibles

La Commission européenne est régulièrement critiquée pour les retards constatés dans l'exécution de ses programmes d'aide au développement, parmi lesquels le FED occupe une place importante. Pourtant afin de conforter la crédibilité et la légitimité politique de l'aide communautaire, les Etats membres et la Commission sont convenus en 2000 de préciser la stratégie et les priorités poursuivies par l'Union européenne dans ce domaine. Cela s'est traduit par l'adoption, sous Présidence française de l'Union européenne lors du Conseil « Développement » du 10 novembre 2000, de la déclaration conjointe de la Commission et du Conseil sur la politique de développement de la Communauté. Celle-ci vise à mieux définir la stratégie européenne d'aide au développement.

Il est prévu que les Ministres chargés du développement examinent en mai de chaque année un programme d'action présenté par la Commission, qui doit leur soumettre en novembre un rapport d'activité. Au-delà de ce rôle de pilotage stratégique de l'aide, le Conseil est régulièrement informé par la Commission de l'état d'engagement et de consommation des crédits communautaires. Aussi sera-t-il utile que l'ensemble des crédits concourant à l'aide au développement soit regroupé au sein d'une mission.

L'Accord de Cotonou, signé le 23 juin 2000, institue le IX° FED et le dote d'une somme de 13,8 milliards d'euros pour une période de cinq ans. A cette enveloppe initiale, s'ajoutent les reliquats des FED précédents, évalués par la Commission elle-même à 9,9 milliards d'euros. L'Accord de Cotonou prévoit que la contribution française s'élèvera à 3,353 milliards d'euros, ce qui place la France en position de premier donateur. Pour 2003, ce financement s'élèvera à 438 millions d'euros pour un budget total de 1,8 milliards d'euros. Il s'accroît substantiellement en raison de l'accélération des décaissements du FED.

Toutefois, on constate que tous les fonds du 6ème FED (1986) sont engagés mais pas encore entièrement dépensés, et que toutes les sommes affectées au 8ème FED (1998) n'ont pas encore fait l'objet d'engagements, ce qui est inquiétant. Certes aucune partie de cette contribution n'est immobilisée à Bruxelles puisque c'est le rythme des décaissements du FED qui détermine celui des appels à contribution mais c'est autant de fonds inutilisés pour l'aide au développement.

Si tous les retards de décaissements ne peuvent être imputés à la Commission européenne car ils sont souvent liés aux aléas politiques dans les pays récipiendaires, la Commission européenne qui, elle aussi, a admis que les procédures et les structures de gestion de l'aide européenne portaient une part de responsabilité dans ces difficultés, s'attache à mettre en _uvre une réforme d'envergure qui s'est traduite pour l'instant par des résultats limités : Une accélération modeste de 3 % en moyenne en 2001 dans le décaissement des crédits d'aide, une longueur persistante du délai nécessaire à la consommation des dotations s'établissant à 4,10 ans pour le FED et 2,06 ans pour l'aide alimentaire d'ECHO.

M. Poul Nielson, commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire, incrimine la lourdeur des procédures d'appels d'offres pour justifier le manque de réactivité de l'Union européenne, mais ces explications ne sont pas convaincantes. Les études menées en amont par des cabinets spécialisés alourdissent également les délais. L'Union européenne reproche aux pays aidés leurs lenteurs et pesanteurs administratives mais peine elle-même à lutter contre ces dysfonctionnements.

Cette situation est inacceptable, une partie de l'effort français de coopération se trouve ainsi gelé. Lors de ses missions comme au travers de ses auditions votre Rapporteur a mesuré combien la visibilité de l'effort français en faveur des crédits de développement de l'Union européenne était limitée. Quand l'Union européenne construit des infrastructures aucune mention des membres contributeurs au programme n'est faite.

2) Une faible contribution volontaire aux organisations multilatérales nuisible au rayonnement de la France

Les contributions volontaires aux dépenses internationales sont seulement maintenues à 85,87 millions d'euros, dont 43 % au profit du Fonds multilatéral unique pour la francophonie et 57 % destinés à des organismes des Nations unies comme le PNUD, l'UNICEF, le HCR... L'exercice 2003 ne prévoit pas d'augmenter les contributions volontaires ce qui est regrettable.

La France est le 4ème contributeur obligatoire aux organisations multilatérales et le 12ème contributeur volontaire. Son poids dans ces instances est donc réduit. Il faut augmenter le niveau des contributions volontaires car l'influence dans ces organismes est directement proportionnelle au niveau de la participation financière des Etats.

En effet les agences de l'ONU notamment le PNUD et le PAM mènent des actions ciblées et utiles dans l'urgence. Ces grandes agences notamment ont su se reformer pour être plus efficaces.

Comme le soulignait M. Zéphirin Diabre, administrateur associé au PNUD, la France est à l'heure actuelle descendue au 13ème rang des contributeurs au PNUD derrière la plupart des pays de l'Union européenne alors que le PNUD souhaite entamer un partenariat renforcé avec la France. Le PNUD partage en grande partie la vision française du développement fondée sur la lutte contre la pauvreté, le développement durable dans le cadre d'un Etat de droit, le renforcement des institutions de l'Etat, l'existence de biens publics mondiaux, etc.

La reconquête de l'influence française sur le terrain suppose des contributions volontaires plus élevées aux organisations multilatérales d'aide au développement et une plus grand sélectivité géographique et sectorielle des interventions pour acquérir un rôle moteur propre à influencer le choix des autres intervenants. Cela implique une plus grande synergie entre la coopération bilatérale multilatérale et européenne. Il importe également que l'aide française soit clairement identifiée dans l'aide multilatérale. Au Cameroun comme au Mali, ce besoin est fortement ressenti. Sa satisfaction dépend souvent de la capacité des représentants des divers intervenants à communiquer et à s'entendre sur place.

II - RECOURS À DES MÉTHODES DE
COOPÉRATION FAVORISANT LE PARTENARIAT

Les méthodes de coopération ont évolué, elles touchent des pays pauvres, voire très pauvres et font de plus en plus appel au partenariat. Elles utilisent la coopération décentralisée et sont ciblées sur des secteurs essentiels au développement comme la santé et l'éducation.

A - Le développement de partenariat avec les pays pauvres très endettés

La France s'efforce de promouvoir une politique de coopération davantage fondée sur le partenariat que sur l'assistance avec les pays concernés. Ce système vise à responsabiliser les partenaires pour qu'ils participent eux-mêmes à la gestion des politiques de développement tout en renforçant les procédures de contrôle de l'utilisation des aides. Il est nécessaire que les populations bénéficiaires formulent leurs besoins principaux et soient directement associées à la gestion des aides. Le développement de partenariats ciblés permet en outre de valoriser la promotion des ressources humaines dans les pays aidés.

1) L'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et les contrats de désendettement développement (C2D)

a) Le mécanisme des C2D

L'initiative en faveur des pays pauvres très endettés a été lancée, sur proposition de la France, lors du Sommet G7 de Lyon en 1996. C'est à l'initiative de l'Europe, et particulièrement de la France, qu'il a été décidé, en 1999, de lier l'annulation de la dette à la lutte contre la pauvreté.

Le processus de réduction de la dette des pays pauvres très endettés a été renforcé en 1999 au Sommet de Cologne du G7, afin d'élargir le champ géographique des pays bénéficiaires et la couverture des créances à traiter, et d'en accélérer la mise en _uvre. Une liste de 42 pays potentiellement éligibles à ce mécanisme a été établie. Elle regroupe essentiellement 36 pays d'Afrique ainsi que 4 pays d'Amérique latine (Bolivie, Guyana, Honduras, Nicaragua) et 2 pays d'Asie (Vietnam, Laos).

Pour bénéficier des contrats de désendettement-développement, la dette des pays doit être déclarée insoutenable après application des mesures traditionnelle de traitement de la dette au regard de critères objectifs.

La France contribue fortement à l'initiative PPTE. Au niveau multilatéral, la France concourt à hauteur de 200 millions d'euros au financement de l'effort d'allègement accordé par les banques multilatérales de développement, dont la capacité de financement ne permet pas de couvrir la totalité des besoins générés par l'initiative. Cette contribution emprunte essentiellement le canal européen (180 millions d'euros au FED). Cela se traduit par une mesure nouvelle de 91 millions d'euros dans le budget 2003.

La France s'est engagée, à l'issue du G7 de Kananaskis, à compléter sa participation par une contribution au financement additionnel qui sera requis pour assurer la soutenabilité de la dette. La participation française s'effectue selon un système contractuel de refinancement par dons des échéances nées des créances d'APD. Les Etats continuent de rembourser leur dette à échéance mais dès le remboursement constaté, la France reverse la somme correspondante sur un compte spécifique à la banque centrale du pays. Cela permet de garantir l'affectation du produit financier des échéances annulées au développement durable et à la lutte contre la pauvreté, sous forme de dons, pour une période de trois ans renouvelable. Ce contrat de désendettement développement (C2D) a pour objet d'offrir un appui budgétaire affecté à certains secteurs ou programmes ; cette procédure contractuelle de lutte contre la pauvreté est assurée par l'Agence Française de Développement.

Après signature du contrat entre l'Etat français et l'Etat bénéficiaire, le C2D permet la mise en place d'un partenariat et d'une concertation entre les acteurs français concernés (ministère des Affaires étrangères, ministère de l'économie et des Finances et AFD), sur la base des orientations sectorielles définies par un comité de pilotage local. Ce dernier est composé des représentants des instances françaises déjà mentionnées et d'acteurs locaux, y compris les représentants des collectivités locales et des organisations de solidarité, pour la formulation et la gestion de « projets ».

Les C2D doivent s'inscrire dans le cadre de lutte contre la pauvreté. Quatre domaines sont privilégiés : l'éducation de base et la formation professionnelle, la santé, les grandes endémies, les équipements et infrastructures des collectivités locales, l'aménagement du territoire et les ressources matérielles.

Le C2D est un instrument totalement nouveau par ses caractéristiques, par sa durée, par son ampleur. Il ne remplace pas les autres instruments français dans le domaine de l'aide au développement, il s'additionne aux actions traditionnellement financées sur dons ou sur prêts, à l'assistance technique, aux incitations aux investissements du secteur privé dans les pays partenaires. Il associe la population et notamment les associations de la société civile et les ONG à la conception et à la mise en _uvre des programmes et projets.

La liste des pays éligibles au C2D figure dans le tableau suivant :

Pays

APD à refinancer

> 50 millions d'euros

Mozambique

79

Mauritanie

70

Cameroun

1083

Guinée

187

Madagascar

76

Burundi

56

Congo

423

Côte d'Ivoire

1379

République démocratique du Congo

189

< 50 millions d'euros

Ouganda

13

Tanzanie

11

Rwanda

39

Sao Tome et Principe

7

Sierra Leone

2

Dont hors ZSP

 

Bolivie

28

Malawi

13

Nicaragua

2

Honduras

4

Myanmar

11

Des C2D ont été conclus par la France, avec le Mozambique, l'Ouganda et le Cameroun. Le premier contrat signé va permettre de financer des actions, s'inscrivant dans la stratégie mozambicaine de lutte contre la pauvreté, dans des domaines tels que la lutte contre le Sida et la santé dans une région particulièrement défavorisée du Nord, le micro-crédit, le développement rural et la construction de pistes rurales. En Ouganda, l'essentiel des financements sera concentré sur la lutte contre le Sida.

Mais les montants en jeu dans ces C2D sont incomparablement plus faibles que ceux du C2D en cours de conclusion avec le Cameroun (environ 90 millions d'Euros par an pendant les six premières années).

b) L'application de ces mécanismes au Cameroun

Votre Rapporteur s'est rendu au Cameroun du 13 au 16 octobre dernier . Ce pays bénéficie de l'initiative PPTE et de C2D. L'impact de la remise de dette selon les termes de l'initiative PPTE s'élève en moyenne à 113 millions US $ par an au cours des trois premières années, dont 69 % pour les fonds bilatéraux qui pour 33 % sont français. Ces sommes créditent un compte spécial PPTE ouvert à la Banque Centrale, destiné à financer des programmes de réduction de la pauvreté, après la consultation du Comité consultatif de suivi (CCS).

Allant au delà des allégements consentis dans le cadre multilatéral, la France a décidé de réaliser un effort supplémentaire de remise de la dette bilatérale, en concertation avec d'autres bailleurs. Elle a décidé d'annuler la totalité de ses créances dues au titre de l'aide publique au développement. Cette annulation s'effectuera dans le cadre d'un C2D, négocié entre le Cameroun et la France, qui s'étalera sur une quinzaine d'années pour un montant total de plus d'un milliard d'euros (plus de 700 milliards de Francs CFA). Pour les trois premières années, le premier C2D prévoit d'affecter environ 100 millions d'euros par an à des programmes de lutte contre la pauvreté.

Lors de ses réunions avec les parties prenantes à ces initiatives, votre Rapporteur a constaté que les autorités camerounaises se félicitaient de ces initiatives. Toutefois les bailleurs lui ont fait part des difficultés liées à une certaine inertie de l'administration camerounaise qui peine à identifier les projets et à les présenter. Compte tenu des enjeux financiers que représente l'ensemble de la remise de dette, il est de plus en plus évident que la faiblesse de la maîtrise d'ouvrage camerounaise (administrations, collectivités locales, société civile...) risque d'être la principale pierre d'achoppement du processus. La mise en _uvre du processus PPTE multilatéral en souffre. Il s'avère indispensable de consacrer une importante partie des fonds C2D au renforcement de la maîtrise d'ouvrage. Ainsi dans le secteur pourtant prioritaire de l'éducation aucun projet n'a été présenté au titre des C2D par manque d'initiative du ministère de l'Education nationale.

Votre Rapporteur, tout en se félicitant de l'existence de ces formules d'annulation de la dette que sont l'initiative PPTE et les contrats C2D, se demande si les capacités d'absorption des aides, de maîtrise d'ouvrage des pays concernés ont toujours été prises en compte. Les défaillances fréquentes des administrations nationales et locales sont autant d'obstacles qui freinent la réalisation des objectifs poursuivis impliquant l'intervention d'une multiplicité d'opérateurs. En outre, leur effet comme leur visibilité au niveau des populations bénéficiaires est loin d'être évident.

2) L'impact des micro-projets

Que ce soit dans la ville de Kayes au Mali ou à Yaoundé, votre Rapporteur a visité de petites unités de production, au financement très modeste : cimenterie à Kayes, production de champignons et petits commerces de détail à Yaoundé, etc. Ces entreprises avaient bénéficié de petits prêts ne dépassant souvent pas 2000 euros qui permettaient le démarrage de l'activité puis le remboursement de prêts. Les organismes qui financent ces micro-crédits ont souvent bénéficié au départ de fonds émanant du FSD. Ces initiatives de très petite envergure, fort peu coûteuses, ont un impact non négligeable sur les populations, d'autant que la délivrance de prêts fait l'objet d'étude et d'un suivi méticuleux de l'utilisation des fonds. Ces projets sont cohérents avec les problèmes posés par les flux migratoires. Ils offrent à ceux qui ont choisi de rester dans leur pays des possibilités de travail et à ceux qui reviennent des perspectives de réinstallation dans de meilleures conditions.

3) La coopération bilatérale dans le cadre du nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD)

Proposé au G8 par quatre chefs d'Etat africains, le Sud-Africain Thabo Mbeki, le Nigérian Olusegun Obasanjo, l'Algérien Abdelaziz Bouteflika et le Sénégalais Abdoulaye Wade, le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), né en 2001 à leur initiative, puis encouragé par l'Organisation de l'unité africaine (OUA), vise à responsabiliser l'Afrique et à remplacer une logique d'assistance par une logique de partenariat. Ces pays signataires s'engagent à promouvoir une bonne gouvernance par un soutien à la démocratie, à la paix, à la lutte contre la corruption. Un mécanisme de contrôle de ces critères par les pairs est prévu. De même, dans le domaine économique, il est prévu des réformes et le développement de coopérations régionales.

Cette initiative se situe dans la droite ligne de la politique d'aide au développement menée par la France, qui privilégie l'aide à la bonne gouvernance, à l'intégration régionale des économies et la sécurité des investissements. L'aide de la France à la création de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) en témoigne.

De leur côté, les pays développés se sont engagés lors du sommet du G8 à Kananaskis en juin 2002 à consacrer un milliard de dollars supplémentaire au désendettement des pays les plus pauvres. Ils se dont déclarés prêts à ouvrir leurs marchés aux produits du Sud et ont insisté sur l'organisation régionale de ces marchés, le débouché naturel des produits africains étant l'Afrique. Ils ont enfin décidé d'encourager l'investissement des capitaux privés en Afrique.

Le NEPAD table sur un taux de croissance de 7% durant les quinze prochaines années, la réduction de moitié de l'extrême pauvreté, la scolarisation de tous les enfants dans le primaire d'ici à 2015. Pour le Président Jacques Chirac, il s'agit d'un « partenariat de type nouveau, qui ne sera ni complaisant ni rhétorique. Il sera généreux, précis et exigeant ».

Au Sommet de Johannesburg, en septembre 2002, la France et la Grande-Bretagne ont décidé de créer un fonds pour garantir les investissements privés. Ce fonds, doté de 100 millions d'euros, devrait permettre de drainer, par effet de levier, 1 milliard d'euros d'investissements privés, selon M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie. Les pays africains attendent beaucoup du NEPAD qui peut contribuer à attirer les investisseurs privés en Afrique et encourager les Africains eux-mêmes à investir dans leur propre pays.

B - Le développement utile de la coopération décentralisée

Tant en France qu'en Afrique, un consensus s'est dégagé pour saluer l'impact de la coopération décentralisée qui n'est plus considérée comme marginale.

1) Une coopération d'avenir

a) Une coopération efficace

La coopération décentralisée, ciblée, facile à évaluer, proche des populations du Sud comme du Nord, est de plus en plus intense car son efficacité et son effet d'entraînement ne sont plus à démontrer. Ainsi quand une ville met 1 euro dans un projet, le département comme la région font de même, entraînant ainsi une participation de l'Etat à la même hauteur. On obtient ainsi 6 euros engagés sur un projet précis. Sur place il n'est pas rare que les bailleurs de fonds multilatéraux aident ces projets qui répondent aux besoins de populations souvent éloignées des grands centres urbains. La coopération décentralisée est efficace, transparente, facilement contrôlable et évaluable. Il n'y a pas ou peu de fonds mal utilisés.

b) Le cadre de la coopération décentralisée

Dans le cadre des attributions qui lui ont été conférées par la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD) établit et tient à jour un état de la coopération décentralisée menée par les collectivités territoriales françaises. Cette base de données, qui est exploitée par le Délégué pour l'action extérieure des collectivités locales, a recensé au 1er juillet 2002 pas moins de 3117 collectivités territoriales françaises et leurs groupements qui mènent des actions de coopération décentralisée avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements.

On compte 6000 liens dans 115 pays : 26 régions, 72 départements, la quasi-totalité des grandes villes, plus de 80 % des villes moyennes (entre 20 000 et 100 000 habitants) et environ les trois quarts des villes de plus de 5 000 habitants. Une montée en puissance des actions menées par les institutions de l'intercommunalité a été constatée puisqu'elles concernent 78 groupements de collectivités territoriales. Les collectivités territoriales entretiennent, dès qu'elles atteignent une certaine taille, des relations multiples, dans des zones du monde différentes et avec des partenaires de degrés de développement divers (en moyenne, plus de 5 partenaires pour les régions, près de 3 pour les départements, entre 4 et 5 pour les grandes villes). 

Ces actions sont menées à la libre initiative des collectivités territoriales. La complémentarité de ces actions avec celles de l'Etat est assurée lorsque ces actions sont cofinancées, en particulier dans les contrats de plan Etat/Région.

Les dépenses d'action extérieure des collectivités locales représentaient en 1999 environ 230 millions d'euros, hors cofinancements, dont 115 millions se rattachent à des actions de coopération dans les pays en développement. Sur le total général, on peut estimer que la part des régions s'élevait à 36 %, celle des départements à 10,6 % celle des communes et de leurs groupements à 53,4 %.

c) Le financement de la coopération décentralisée

Les conditions de financement des actions de coopération décentralisée par les collectivités locales mériteraient d'être éclaircies. La coopération décentralisée est régie par les articles L1112-1 et suivants, R1112-8 et suivants, D1112-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales. Toutefois, en cas de contestation d'une convention conclue avec une collectivité territoriale étrangère, les mécanismes juridiques ne sont pas clairs. L'avis du Conseil d'Etat du 25 octobre 1994 (n° 356 381) en témoigne. Ces points mériteraient d'être éclaircis car ils touchent la légalité du financement des actions de coopération décentralisée par les collectivités territoriales pour peu qu'ils soient contestés.

2) Des actions ciblées et évaluées

Les actions menées dans le cadre de la coopération décentralisée sont multiples ; votre Rapporteur a eu l'occasion, au cours de ses déplacements, d'en mesurer l'impact.

a) Les actions menées au Burkina Faso par le Conseil général de la Seine Maritime

M. Charles Revet, Président du Conseil général de Seine-Maritime a été auditionné par votre Rapporteur. Plusieurs associations ainsi que des jumelages sont à l'origine des projets financés par le Conseil général de la Seine-Maritime. C'est à partir des actions menées par les villes jumelées et les associations de ce département que le Conseil général a financé des projets et surtout accompagné leur réalisation en envoyant sur place, pour des périodes d'au moins quatre mois, des principaux de collèges, des infirmières et, en utilisant les compétences de retraités agissant bénévolement.

Le Conseil général a décidé de limiter ses actions de coopération au district de Bam, d'une dimension proche de celle du département, ce qui permet de mieux concentrer les efforts et de mieux suivre les projets axés sur la satisfaction des besoins élémentaires urgents.

La réalisation d'un collège de 600 élèves à Tikaré et l'accompagnement du fonctionnement de l'hôpital pédiatrique de Ouagadougou se sont effectués en liaison avec l'Ambassade de France sur place et l'Ambassade du Burkina Faso en France. C'est au travers des besoins du SAMU local que le Conseil général a été associé au fonctionnement de cet hôpital.

b) L'action de coopération menée par l'Institut régional de coopération-développement d'Alsace (IRCOD) avec la commune urbaine de Douala I

A l'issue de la première année de son mandat, le maire de Douala I a exprimé le souhait de développer un partenariat avec une commune alsacienne. Sollicitée par l'IRCOD, la ville de Lingolsheim a adhéré à ce projet et, en février 1999, une mission du premier adjoint au maire a permis d'identifier les axes de la future collaboration et de déterminer un premier programme d'actions. Le quartier de Bessengué-Akwa a été sélectionné par l'équipe municipale de Douala I pour bénéficier d'un plan de développement local basé sur un mode de gestion partagée entre ses habitants et la municipalité. L'animation du projet a été confiée, depuis janvier 2000, à une association locale, Doual'Art, dont l'expérience en matière d'appui aux initiatives de quartier est reconnue. Elle relaye l'action de la mairie auprès de ses habitants.

Votre Rapporteur s'est entretenu sur place avec les responsables de ce projet et a constaté que les habitants du quartier de Bessengue-Akwa étaient fortement impliqués dans les différentes actions de réhabilitation entreprises : construction d'une maison de quartier, construction de bornes fontaines, campagnes de désinsectisation et de dératisation... Ces projets, qui ont un impact direct et immédiat sur la vie quotidienne des habitants, doivent être fortement encouragés.

C - Une coopération exemplaire en matière de santé

1) Les orientations de la coopération française : la lutte contre le Sida et les autres infections

Les dépenses de santé par habitant s'élèvent à 3 100 $ (11 % du PIB) dans les pays développés alors qu'elle s'élève en Afrique à 37 $ par habitant (5,5 % du PIB). Il y a un médecin pour 500 habitants dans les pays occidentaux, contre un pour 25 000 dans les 25 pays les plus pauvres, dont la grande majorité se situent en Afrique. Ces déséquilibres dans l'accès à la santé se traduisent par de grandes inégalités face à la maladie et à la mortalité.

Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans s'élève à 16,16 pour mille en Afrique subsaharienne, alors qu'il n'est que de 7,3 pour mille dans les pays riches. La morbidité et la mortalité infantile et maternelle dans la plupart des pays du Sud sont dues pour l'essentiel à quelques pathologies : le paludisme, les diarrhées, les affections respiratoires, les maladies sexuellement transmissibles dont le Sida, les maladies dermatologiques, la malnutrition de l'enfant, et les pathologies maternelles liées à la grossesse et à l'accouchement. Trois maladies sont particulièrement préoccupantes : le paludisme (2 millions de morts par an) ; la tuberculose (2 millions de décès par an), dont la situation est très inquiétante du fait de la conjonction Sida/tuberculose et le Sida, qui atteint 40 millions de sujets en 2001 dont plus de 28 millions en Afrique subsaharienne.

La politique de coopération sanitaire française est conduite selon trois axes prioritaires : la lutte contre les maladies transmissibles et particulièrement le Sida, le renforcement des systèmes de santé et le financement de la santé.

La France a mobilisé d'importants moyens financiers dans le domaine de la coopération sanitaire. En 2000, le total des interventions du ministère des Affaires étrangères était de 487,4 millions de francs, répartis entre le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), l'assistance technique, les appuis à la coopération décentralisée, la recherche opérationnelle et la formation.

Le FSP finance les projets de santé à l'échelon national mais aussi régional, ce qui est particulièrement utile dans la lutte contre les maladies transmissibles.

Pour accompagner l'amélioration des systèmes sanitaires, une assistance technique spécialisée est mise à disposition des pays partenaires pour mener des évaluations et expertises de programmes, former et perfectionner les professionnels de santé, et répondre aux multiples problématiques des systèmes sanitaires. Pour l'année 2000-2001, 36 postes d'assistants techniques de santé ont été pourvus).

Un soutien a été apporté à des initiatives locales de coopération portant sur des jumelages de collectivités territoriales et hôpitaux, des programmes de recherche opérationnelle et des projets de formation.

Dans le cadre multilatéral, la coopération française contribue au financement des agences multilatérales de développement et des agences spécialisées des Nations unies (OMS, ONUSIDA, UNICEF et FNUAP). La France a développé des collaborations avec les agences multilatérales sur des programmes particuliers, notamment le programme mondial lancé par l'OMS de lutte contre les maladies cécitantes et la maladie du sommeil.

a) La lutte contre les maladies transmissibles et le Sida

Pour faire face à l'épidémie de Sida, le programme gouvernemental porte sur le renforcement de la prévention et la mise à disposition des traitements anti-rétroviraux.

La France soutient aussi financièrement les programmes mondiaux de lutte contre les autres maladies infectieuses comme la tuberculose, le paludisme, la trypanosomiase, et les maladies cécitantes. La France s'est engagée à hauteur de 150 millions d'euros sur trois ans dans le financement du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.

b) Le renforcement des systèmes de santé

L'appui aux systèmes de santé a pour objectif une meilleure efficacité des structures sanitaires en renforçant le district. Il s'agit d'accompagner, par une assistance technique, les pays partenaires dans la conception et la mise en _uvre des politiques de santé pour couvrir les besoins de base.

c) Le financement de la santé

Le financement de la santé est le troisième volet du dispositif général de la coopération sanitaire. Il vise la réduction des importants déficits du secteur sanitaire dans les pays en développement et à mobiliser durablement les ressources nécessaires.

2) La lutte contre le Sida et les autres épidémies, au Cameroun, en Côte d'Ivoire et au Mali

a) La stratégie de coopération mise en _uvre au Cameroun

Dans le cadre des projets du FSP, la France appuie la mise en _uvre de la stratégie sectorielle de santé du Cameroun en vue d'établir une carte sanitaire pour l'ensemble du pays. On améliore ainsi l'accès des populations aux soins de santé de base, et on favorise la déconcentration et la décentralisation de la gestion du système sanitaire au niveau provincial. Il s'agit de lutter contre les grandes endémies, maladies de l'enfance, Sida, tuberculose, paludisme, etc.

La coopération sanitaire française porte en outre sur un projet spécifique de santé dans la région Nord intégrant la formation de personnels paramédicaux et un appui à l'ensemble de l'agglomération de Yaoundé. Une stratégie spécifique de lutte contre le Sida est mise en _uvre en hôpital de jour à Yaoundé. Cette structure exemplaire, visitée par votre Rapporteur, est dirigée par des spécialistes français et camerounais. Elle offre aux populations une information sur le Sida, des possibilités de dépistage et un accès aux anti-rétroviraux à des prix abordables pour elles.

b) La lutte contre le Sida en Côte d'Ivoire

La coopération sanitaire française a mis l'accent sur la prévention de la transmission du Sida entre la mère et l'enfant en Côte d'Ivoire où la fréquence de l'infection chez les femmes enceintes varie entre 8 et 13 % selon les régions. Un programme de recherche qui associe le ministère de la Santé en Côte d'Ivoire et l'Agence nationale de recherches en France ainsi que le ministère des Affaires étrangères est mis en _uvre. Le centre d'Abobo à Abidjan dispose d'une équipe de soins franco-ivoirienne très compétente qui travaille sur la prévention et le traitement du Sida, et s'attache à prévenir la transmission du virus entre la mère et l'enfant.

c) Le groupe santé Pivot au Mali

L'objectif de cette structure originale, dans laquelle la coopération française est impliquée, est de coordonner l'action des ONG agissant dans le domaine de la santé publique au sens large (les problèmes vétérinaires y sont abordés) au Mali en collaboration avec le ministère de la Santé. Le groupe Pivot santé a joué un rôle important pour renforcer la capacité des ONG membres afin qu'elles puissent atteindre les communautés peu desservies sur l'ensemble du Mali et les informer en matière de planification familiale, de suivi de l'enfant, de santé reproductive et de Sida.

3) La présence française dans de petites unités de soins

Une politique de soutien et d'appui aux multiples initiatives de solidarité villageoise est menée. A cet égard il convient de rendre hommage au rôle des missions religieuses qui avec très peu de moyens et beaucoup d'efficacité dispensent des soins de qualité dans les régions reculées et enclavées.

Votre Rapporteur insiste sur la nécessité de renforcer ces petites unités de soins à l'échelon du village. Elles seules permettent de mener des politiques de prévention efficace et de donner les premiers soins de base aux populations.

La coopération sanitaire est essentielle. Elle doit s'accroître en partenariat avec les pays concernés et les bailleurs de fonds multilatéraux, et être axée sur les besoins de santé primaires, la formation des infirmiers et la création d'unités de soins à l'échelon du village. L'implication des populations les plus pauvres qui vivent dans des régions reculées est capitale.

III - DE NOUVELLES ACTIONS À LANCER

On ne peut rester indifférent à la demande pressante d'accroissement des échanges avec la France. Les demandes émanent des autorités politiques mais surtout des populations notamment en Afrique francophone. Les politiques restrictives et les conditions de délivrance des visas sont mal perçues, l'accompagnement du retour des migrants insuffisant et l'enclavement de l'Afrique toujours aussi préoccupant.

A - Favoriser les échanges

1) Adapter les conditions de délivrance des visas et l'accès aux Consulats

Que ce soit en Côte d'Ivoire, au Cameroun et au Mali, même si des améliorations ont été apportées les conditions d'accueil des demandeurs de visas comme des Français immatriculés sont difficiles. Les demandeurs font d'interminables queues ou s'agglutinent devant les Consulats. Certes des mesures ont été prises pour simplifier les formalités des VIP ou des hommes d'affaires qui se rendent en France mais elles semblent insuffisantes face à la pression de la demande. L'utilisation de faux documents s'accroît : pièces d'état civil contrefaites, voire même visas contrefaits, un contrôle rigoureux est nécessaire. Il est pénalisant et mal vécu.

a) L'exemple du Mali

La question des visas est particulièrement sensible au Mali. Elle s'est aggravée depuis 1997. Du mois de janvier au mois de juillet 2002, 8119 visas ont été délivrés et 2323 demandes ont fait l'objet d'un refus, ce qui correspond à 28,61 % du total des visas délivrés.

En 2001, le consulat général a traité 34 930 dossiers de demandes de visas. Il en a délivré 28 272, dont 60 % pour voyages d'affaires et refusé 6 658 dossiers. Les refus correspondaient à 23,5 % du total des visas délivrés, dont 60 % pour présentation de faux documents et 40 % pour risque migratoire. La grande majorité de ces visas correspondaient à des courts séjours.

Pour pouvoir traiter plus efficacement des demandes dont le nombre s'accroît de manière importante, une nouvelle procédure est en cours, qui vise à limiter les demandes non fondées de rendez-vous pour l'obtention d'un visa.

b) Le cas du Cameroun

Avec plus de 12 000 demandeurs reçus chaque année, l'activité de délivrance des visas représente la plus grosse charge de travail du poste à Yaoundé. L'accroissement de la fraude documentaire requiert une vigilance sans faille. C'est ainsi que le taux de refus est passé en trois ans de 12 à 28 %. La comparution personnelle des demandeurs est de règle. Elle ne souffre que peu d'exceptions, en faveur des personnes connues du poste et pour la plupart bénéficiaires de visas de circulation. L'affluence des demandeurs devant l'unique entrée du service des visas est souvent telle que tous ne peuvent être reçus le jour où ils se présentent pour déposer leur dossier.

La configuration des locaux ne permet pas de réserver un accueil séparé aux catégories particulières de demandeurs (hommes d'affaires, personnalités, familles de ressortissants français, étudiants).

Statistiques des visas délivrés à Yaoundé

Année

Court séjour

Long séjour

Refus

1999

8 716

316

1 158

2000

9 452

393

2 623

2001

8 646

512

3 377

2002 (janv-septembre)

6 666

210

2 572

c) La Côte d'Ivoire

Voici l'état des lieux du Consulat général de France à Abidjan : les locaux occupés actuellement par le service des visas sont vétustes, exigus et inadaptés. La sécurité des agents n'y serait pas garantie en cas de mouvement de foule. Par ailleurs, la capacité d'accueil y est limitée à environ 150 personnes par jour au guichet grand public, alors que le nombre quotidien des demandeurs est estimé au double.

Le filtrage des demandeurs est assuré par une entreprise de sécurité privée, difficilement contrôlable. Les demandeurs se massent, dès l'aube, devant le service des visas, dans le plus grand désordre. Ils sont alors livrés aux exactions d'une cinquantaine de jeunes voyous qui leur vendent des places dans la file d'attente, des formulaires de demandes de visas, des conseils, rançonnent et parfois bousculent ceux qui refusent leurs services. Les incidents sont nombreux, les forces de police n'interviennent jamais en dépit des demandes répétées au poste.

Les difficultés d'accès au service des visas sont à l'origine de multiples interventions, tout autant que les demandes de passe-droit pour des personnes ne pouvant réunir les justificatifs nécessaires. Cette situation devrait toutefois s'améliorer avec le renfort de deux agents supplémentaires et l'emménagement prochain dans des locaux certes provisoires mais mieux adaptés.

Par ailleurs votre Rapporteur a observé combien la demande de regroupement des différents services était récurrente dans les postes qu'il a visités. Elle favorise les qualités de l'accueil, la sécurité de chacun et facilite grandement le travail des agents.

2) Adapter le système bancaire pour favoriser l'aide au retour des migrants par la création d'un livret d'épargne développement

Au Mali et notamment dans la région de Kayes que votre Rapporteur a visitée, il est de tradition de voyager et le plus souvent d'émigrer vers la France pour faire vivre sa famille sur place ce qui n'est pas sans conséquences sur la capacité de production locale. Avec le Maroc, le Mali et le Sénégal, la France s'est efforcée de promouvoir des politiques dites de co-développement valorisant le rôle des migrants dans leur pays et leur région d'origine, et d'organiser la mobilité temporaire de ces personnes dans le but de se former. Pour encourager le retour des migrants il ne suffit pas de mettre en place, comme cela se fait, un système d'aide à la création d'entreprise voire de mettre en _uvre des systèmes de prime au retour. On ne peut non plus se contenter de traiter les flux migratoires en terme de contrôles policiers qui ne se révèlent pas toujours efficaces et sont très mal perçus par les populations des pays d'émigration.

L'envoi de mandats des migrants comme de pensions de retraites fonctionne assez mal surtout vers les régions reculées, les détournements de fonds ne sont pas rares. Les délais de paiement une fois l'envoi effectué sont longs faute d'un système bancaire efficace. Aussi serait-il utile pour favoriser le co-développement de mettre en place un livret d'épargne développement permettant au migrant d'envoyer de façon sécurisée une part de ses revenus aux siens et de conserver l'autre sur un compte rémunéré pour pouvoir créer dans sa région d'origine une entreprise commerciale ou une unité de production. On pourrait aussi offrir au migrant des occasions de placements sécurisés et rémunérés dans le capital de petites unités de production dans sa région d'origine. Ce système d'épargne développement pourrait s'ajouter à l'aide au retour et à des micros crédits sur place d'autant plus faciles à obtenir qu'il y a une mise de fonds de départ. Il s'agit d'offrir au migrant la possibilité de créer une activité économique rentable dans sa région d'origine.

3) Désenclaver l'Afrique : le rôle du transport aérien

La disparition d'Air Afrique de la Sabena et de Swissair a laissé la Compagnie Air France en situation de quasi monopole sur les liaisons entre la France et les pays d'Afrique subsaharienne. Français et Africains se plaignent amèrement des tarifs pratiqués sur l'ensemble du réseau africain d'Air France. Il serait utile de conduire une réflexion à ce sujet.

Auditionné par votre Rapporteur, M. Jean-Cyril Spinetta, Président d'Air France a expliqué que les tarifs pratiqués avaient subi une hausse avant la disparition de Swissair et de Sabena. Mais il n'a pas été possible d'obtenir une étude comparée des prix au kilomètre pratiqués par Air France vers l'Amérique, l'Asie, l'Océanie et l'Afrique.

En tout état de cause la desserte des capitales africaines depuis l'Europe, comme les dessertes transversales, est insuffisamment assurée, même si selon M. Spinetta, l'offre de places a augmenté. Des Etats se sont dotés de compagnies nationales Air Ivoire, Air Sénégal, Air Mali, etc. Il est trop tôt pour savoir si l'éclatement en compagnie nationale du réseau d'Air Afrique est durable. On constate cependant un net accroissement des coûts du transport aérien vers l'Afrique ce qui n'est pas de nature à favoriser les échanges. L'enclavement de l'Afrique est un facteur de régression qui pénalise les plus défavorisés et pèse sur toutes les actions de coopération notamment les échanges d'experts, les formations, etc.

B - Mettre en place un véritable partenariat Nord Sud sur les questions agricoles

Lorsqu'on sillonne l'Afrique, on est frappé par la prolifération tentaculaire et anarchique de zones péri-urbaines où s'entassent des familles qui ont quitté la campagne.

Parallèlement, l'autosuffisance alimentaire est loin d'être acquise. Il convient de sauvegarder le secteur agricole des pays du Sud en renforçant l'aide à la mise en place des filières de production et à la lutte contre les fléaux qui détruisent les récoltes.

1) Sauvegarder le secteur agricole des pays du Sud : la rémunération des paysans

Les paysanneries paient un lourd tribut aux conflits internes, guerres civiles, absence d'Etat de droit, voire jeux politiciens des pays pauvres. Malgré l'exode rural, les trois quarts des pauvres du monde continuent de vivre dans les campagnes et, quand ils les quittent, viennent grossir le flot de ceux qui vivent de façon plus que précaire dans les grandes capitales. Pour lutter contre l'extrême pauvreté, il faut d'abord assurer l'autosuffisance alimentaire, notamment dans les campagnes.

En 2050, il faudra nourrir 9 milliards d'habitants et satisfaire les besoins alimentaires de cette population. Ce défi doit obligatoirement être relevé. Il suppose de protéger, y compris par des barrières douanières régionales, les agriculteurs des pays du Sud du dumping des produits du Nord. Si l'on ne régule pas les échanges en matière agricole, ou si on ne protège pas les agricultures des pays en développement, on n'obtiendra pas l'autosuffisance alimentaire et l'éradication de la grande pauvreté.

Il convient de permettre aux paysans des pays pauvres d'accroître leurs revenus, en taxant les importations de produits concurrents. Pourquoi ne pas organiser une protection des agriculteurs par zones de productivité agricole comparables, comme l'a fait l'Union européenne ? Ces ensembles existent déjà : Mercosur, Alena, Union économique et monétaire ouest-africaine.

A terme, les pays développés devront réfléchir à l'assouplissement de leurs propres barrières douanières et de leur politique de subventions à l'agriculture pour permettre l'entrée des productions agricoles des pays en développement. Rien ne doit empêcher l'entrée à contre-saison des productions des pays du Sud.

En outre, on ne pourra pas lutter efficacement contre la prolifération des plantations de coca, cannabis et autres plantes destinées à la fabrication de drogue sans se soucier d'améliorer le sort des paysanneries pauvres des pays du Sud.

2) L'aide à la constitution de filières de productions agricoles

a) Au Cameroun

Au Cameroun, la coopération française prend la forme d'une intéressante action d'appui au secteur de l'élevage pour renforcer les capacités de planification et suivre les questions liées à l'épidémio-surveillance. Un conseiller technique suit le fonctionnement de la cellule d'appui à l'élaboration des politiques de l'élevage, des pêches et des industries animales. Il suit également les différentes phases des réformes entreprises.

La coopération française supervise également la gestion et le fonctionnement des abattoirs provinciaux et veille à l'établissement de contacts avec les organisations professionnelles. En effet, il est apparu important de consolider les filières professionnelles agricoles.

b) Au Mali

Au Mali, l'AFD s'est impliquée fortement dans l'organisation du monde paysan, notamment des producteurs de riz. Une véritable filière de production de riz a été créée. L'Office du Niger et les producteurs de riz ont fixé, depuis 1988, un cadre contractuel permettant une forte augmentation du prix du riz et une réduction de la concurrence étrangère sur ce marché. Dès 1984, l'Office du Niger avait créé des associations villageoises pour responsabiliser les producteurs dans la gestion du crédit. En 1995, ont été créés des centres de prestation de services, gérés par des délégués des associations villageoises, pour négocier le rééchelonnement des dettes contractées et régler les conflits avec les commerçants.

L'encouragement à la création d'associations de paysans producteurs est nécessaire. Elle leur permet de mieux faire face aux fluctuations des prix des denrées sur le marché mondial et de veiller à protéger leur production de concurrences extérieures.

3) La lutte contre les fléaux

La protection des productions agricoles implique des stratégies de lutte contre divers fléaux notamment la lutte anti-acridienne. Le criquet pèlerin touche régulièrement Madagascar, son aire de distribution s'étendant de l'Atlantique aux pieds de l'Himalaya, plus de soixante pays sont concernés (Sahel, Maghreb, Afrique de l'Ouest) dont une partie de l'Afrique francophone.

Dans la lutte contre ce fléau, seule la prévention compte. Il est nécessaire de restaurer l'efficacité de la lutte préventive anti-acridienne dans les pays du Sahel. La France détentrice d'une expérience significative en la matière doit s'attacher à la valoriser. Il conviendrait d'accroître au travers du Centre de coopération internationale en recherche agronomique et en développement (CIRAD) la compétence française acquise dans ce domaine et de la transmettre aux pays concernés notamment à Madagascar.

C - Décristalliser les pensions des anciens combattants

Il est impossible de voyager en Afrique sans être interpellé par un ancien combattant, décoré par la France, qui évoque le gel de sa pension d'ancien combattant. L'accession à l'indépendance de ces pays, à partir de la fin des années cinquante, a eu pour conséquence de priver de la nationalité française les anciens combattants qui en étaient originaires.

Les pensions militaires d'invalidité, les retraites militaires et les retraites du combattant dont ils étaient titulaires ont alors été transformées, à des dates différentes selon l'Etat, en allocations viagères « cristallisées », ce qui a entraîné un gel du montant de ces allocations sur la base, le plus souvent, du barème en vigueur à l'époque de l'indépendance. Le législateur a adopté plusieurs dispositifs dits de « cristallisation » figeant le montant des pensions versées et instaurant une forclusion quant à l'ouverture de droits nouveaux.

Cette cristallisation, qui s'applique tant aux pensions militaires d'invalidité qu'à la retraite du combattant a néanmoins fait l'objet de deux types d'adaptations : certaines pensions ont été revalorisées par voie réglementaire et la loi a permis la reconnaissance de certains droits nouveaux.

Cependant le Conseil d'Etat, dans l'arrêt du 30 novembre 2001 M. Diop, a estimé que les dispositions législatives instaurant une différence de traitement entre anciens agents publics à raison de leur nationalité constituaient une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme. Aussi, afin d'éviter la multiplication de recours contentieux, le dispositif législatif devrait être prochainement adapté pour tenir compte de cet arrêt.

Un rapport présenté le 17 février 2002 par la Commission d'étude de la revalorisation des pensions a proposé trois solutions. Soit une décristallisation totale, soit une décristallisation fondée sur la base de la parité de pouvoir d'achat des différents pays, publiée par l'ONU - ce qui conduirait à réduire les pensions des anciens combattants d'Afrique noire -, soit une décristallisation partielle fondée sur cette même base, mais corrigée de façon à permettre à tous les ressortissants de bénéficier d'une réévaluation de leur pension.

La première solution aurait été la plus honorable, même si elle est coûteuse et répond au devoir impérieux de respecter l'Histoire. Elle revêtirait un caractère symbolique fort et aiderait certainement, par ricochet, nombre de familles d'anciens combattants d'Afrique noire. Il semble cependant que l'on s'oriente vers l'idée de décristalliser partiellement les pensions en appliquant le barème corrigé de l'ONU.

Dans la loi de finances 2003, 72,5 millions d'euros sont inscrits pour engager le processus de décristallisation. On ne peut qu'insister sur l'impact d'une augmentation de ces pensions sur le développement de micro-projets dans des villages reculés d'Afrique.

CONCLUSION

La coopération française sera d'autant plus efficace qu'elle usera de procédures simples, transparentes et évaluables. Elle doit s'inscrire dans le contexte d'une mondialisation qui doit être maîtrisée plutôt que subie. En effet, la mondialisation fragilise les Etats, elle accélère les mouvements migratoires incontrôlés et leur corollaire, la xénophobie. Elle doit être régulée pour que les politiques d'aide au développement aient leur pleine efficacité.

Les efforts de la France en faveur de l'annulation de la dette, des réformes de la coopération européenne, de la lutte contre les épidémies, et de la promotion du NEPAD, sont une partie de la réponse et démontrent que l'approche strictement comptable de l'aide au développement est révolue.

L'augmentation de l'aide au développement est une nécessité. Il convient que les crédits qui lui sont consacrés soient utilisés sans subir de régulation et qu'ils soient affectés à des projets qui répondent aux besoins de base des populations les plus défavorisées. Ils doivent avant tout servir de levier, tant pour créer de petites unités de production que pour encourager des investissements plus importants.

Le budget de l'aide au développement et de la coopération pour l'exercice 2003 répond à ces préoccupations, pour peu que l'intégralité des crédits inscrits soit utilisée. La restauration des Etats, l'établissement d'un Etat de droit qui encourage les investissements doit être prioritaire. Il en va de même de l'encouragement à l'intégration régionale des économies. L'aide au développement et la coopération avec les pays du Sud n'est pas seulement une technique d'Etat : elle mobilise les énergies de la population. Nombre de nos concitoyens sont engagés dans ce type d'actions et se sentent concernés par le sort des pays du Sud.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 30 octobre, la Commission a examiné pour avis les crédits de la Coopération pour 2003.

M. Jacques Godfrain, Rapporteur pour avis, a présenté les moyens de l'Aide publique au développement (APD) expliquant que cette action figurait parmi les cinq priorités retenues par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage budgétaire pour 2003. La tendance à la diminution de l'APD française est aujourd'hui inversée, son niveau rapporté au PIB est passé de 0,34% du PIB en 2001 à environ 0,36% du PIB en 2002. Avec 600 millions d'euros pour l'exercice 2003, l'APD française représentera 0,39% du PIB. Cinquième fournisseur d'APD, derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni, la France consent des moyens importants à l'aide au développement même si, malgré la réforme, son dispositif de coopération souffre encore d'un défaut de clarification des rôles respectifs des divers intervenants.

Toutefois, la coordination entre le ministère de l'Economie et des Finances et le ministère des Affaires étrangères laisse à désirer si l'on en juge par la régulation budgétaire drastique intervenue en 2002 sur les programmes de coopération lancés par la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et l'Agence française de développement (AFD). Le Rapporteur s'est demandé si, dans ces conditions, des actions de coopération pouvaient être menées à long terme avec une régulation a posteriori de crédits votés par le Parlement moins de deux mois auparavant.

Il a observé que la réforme de la coopération de 1998 avait maintenu la multiplicité des intervenants - DGCID et AFD -, même si, sur le terrain, des solutions ont été trouvées. Il a également souligné le fait que le périmètre de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), qui exprimait la solidarité historique de la France envers les pays en développement francophones en tenant compte de leur situation économique et financière, s'étendait désormais à 54 pays, ce qui dénaturait sa vocation initiale. Il a enfin critiqué l'affaiblissement brutal de la coopération de substitution et la poursuite de la diminution des effectifs de l'assistance technique (suppression de 260 postes entre 2001 et 2002).

M. Jacques Godfrain s'est demandé s'il ne convenait pas de proposer une loi-programme pour la coopération, rappelant que lors des précédents examens des crédits de l'aide au développement et de la coopération, les parlementaires avaient exigé à maintes reprises l'organisation d'un débat sur ces politiques. Ils s'étaient élevés contre les effets pernicieux des coupes de crédits, sans évaluation des actions menées. Il a estimé nécessaire d'élaborer de véritables stratégies pluriannuelles de développement par pays qui prennent en compte leurs objectifs.

Selon lui, une meilleure coordination entre aide bilatérale et multilatérale est nécessaire. La France se place en tête des pays contributeurs du Fonds européen pour le développement (FED), avec une part qui a représenté, au cours des deux dernières années, 24,30 % de sa dotation globale. Cependant, la forte contribution de la France au fonds ne donne pas de résultats tangibles. La Commission européenne est régulièrement critiquée pour les retards constatés dans l'exécution de ses programmes d'aide au développement, parmi lesquels le FED occupe une place importante. Cette situation est inacceptable, une partie de l'effort français de coopération se trouve ainsi gelé et sa visibilité est réduite.

Quant aux contributions volontaires aux dépenses internationales, M. Jacques Godfrain a fait observer que l'exercice 2003 ne prévoyait pas leur augmentation et a rappelé que la France était le quatrième contributeur obligatoire aux organisations multilatérales et le douzième contributeur volontaire.

Le Rapporteur a détaillé les différentes méthodes de coopération favorisant le partenariat, estimant qu'il était nécessaire que les populations bénéficiaires formulent leurs besoins et soient directement associées à la gestion des aides. C'est pourquoi l'initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE) est très utile. Dans le cadre de ce processus de réduction contrôlée de la dette, la France utilise un système contractuel : le Contrat de désendettement développement (C2D) qui porte sur certains secteurs ou programmes prioritaires (santé, éducation, etc.). Le C2D s'inscrit dans le cadre de la lutte contre la pauvreté en transformant en dons les remboursements de la dette. Il associe la coopération française, les autorités étatiques, la population et la société civile à la conception et la mise en _uvre des programmes et projets.

Le Rapporteur a insisté sur l'impact des micro-projets qui répondent de façon très satisfaisante aux besoins des populations les plus défavorisées. Il s'est félicité du développement de la coopération décentralisée, qui n'est plus considérée comme un outil marginal de coopération, d'autant que la décentralisation se met en place en Afrique. Elle permet le développement d'actions ciblées et évaluées, et ses effets de levier sont importants.

Par ailleurs, M. Jacques Godfrain a estimé nécessaire d'adapter les conditions de délivrance des visas et d'accès aux consulats en Afrique. Il a proposé que soit créé un livret d'épargne-développement permettant aux migrants d'envoyer de façon sécurisée une part de leurs revenus et de conserver l'autre sur un compte rémunéré pour pouvoir créer dans leur région d'origine une entreprise commerciale ou une unité de production.

Il s'est en outre déclaré préoccupé par l'enclavement de ce continent, aggravé par la disparition d'Air Afrique, de la Sabena et de Swissair, qui a laissé la Compagnie Air France en situation de quasi monopole. Français et Africains se plaignent amèrement des tarifs pratiqués sur l'ensemble du réseau africain d'Air France.

Le Rapporteur a plaidé pour la mise en place d'un véritable partenariat Nord-Sud sur les questions agricoles, afin de protéger, y compris par des barrières douanières régionales, les agriculteurs des pays du Sud. Un système de tarif douanier saisonnier pourrait être mis en place. La constitution de filières de productions agricoles, notamment le coton et le riz, la contribution à la lutte antiacridienne sont dans ce secteur autant de succès de la coopération française. Le Rapporteur a également évoqué le délicat problème de la décristallisation des pensions des anciens combattants africains qui doit être résolu de manière digne.

En conclusion, M. Jacques Godfrain a souligné combien l'aide au développement était une nécessité et ne se réduisait pas à un simple problème comptable. Il s'agit de relever le défi du sous-développement, de favoriser la restauration de l'Etat de droit dans les pays concernés pour que l'aide soit mieux utilisée.

S'agissant de la coopération décentralisée qui vient renforcer l'action de la France à l'étranger, M. Richard Cazenave s'est référé à la situation des ONG dont les efforts en matière de coopération mériteraient sans doute d'être épaulés, dans un cadre défini par nos objectifs politiques, afin que ces dernières soient accréditées au niveau européen.

En outre, il s'est demandé si la francophonie ne devrait pas figurer parmi les critères qui orientent notre action à l'intérieur de la ZSP.

Enfin, il a émis des doutes quant à la cohérence de la réforme de la coopération. Dans la mesure où la DGCID définit la stratégie de coopération et l'AFD est chargée de la mettre en _uvre, n'y a-t-il pas une confusion des rôles dans la mise en _uvre des programmes ?

Poursuivant sur ce thème, M. Jacques Myard, reconnaissant l'utilité de la fusion des ministères de la Coopération et des Affaires étrangères a toutefois estimé que la DGCID pouvait être qualifiée d'Etat dans l'Etat. Ne devrait-elle pas avoir une spécificité africaine étant donné que les intérêts de la France y sont différents de ceux du reste du monde ?

Par ailleurs, il a également regretté que la coopération de substitution ait été abandonnée au profit de la coopération par projets et souligné que le Président Abdoulaye Wade lui-même avait souhaité un retour à cette forme de coopération.

Enfin, sur le FED, il a considéré que l'aide multilatérale demeurait moins performante et plus anonyme que l'aide bilatérale, qu'il convient de privilégier, car elle est plus visible et traduit directement les engagements de la France.

M. Bruno Bourg-Broc a fait observer qu'une stratégie pluriannuelle d'aide au développement était nécessaire car elle constituerait un signe politique fort, notamment à l'égard des pays africains qui constatent une diminution régulière de cette aide.

Puis il a interrogé le Rapporteur sur les moyens concrets qui pourraient être utilisés pour que les crédits européens soient consommés, mais aussi pour que la participation française sorte de l'anonymat.

Ensuite, il s'est étonné de la programmation parfois mal adaptée de certains centres culturels.

Enfin, il a souligné que la coopération décentralisée présentait le double inconvénient de la multiplication et de la dispersion et souhaité savoir comment ce type d'action progressait dans le projet de budget pour 2003.

M. René André a fait part de trois observations. Il a tout d'abord souligné le caractère quelque peu inexact du message que la Grande-Bretagne veut faire passer sur la Politique agricole commune (PAC) selon lequel celle-ci jouerait contre l'agriculture des pays du Sud. Le moment est venu d'insister sur le fait qu'il n'y a pas d'opposition entre la PAC et le maintien d'une agriculture forte dans les pays du Sud.

A propos de la DGCID, il a jugé que souvent le message culturel apporté par cette direction n'était pas toujours en parfaite adéquation avec les attentes des populations destinataires, à tel point que l'on est en droit de se demander s'il ne sert pas d'abord ses auteurs.

Enfin sur l'aide bilatérale, il a approuvé les propos de M. Jacques Myard. Le message de la France n'est pas toujours très clair, alors qu'elle donne beaucoup et que ce sont souvent les Etats-Unis qui en profitent indirectement.

Evoquant la réunion des parlements à Cotonou dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement (NEPAD), M. Michel Terrot a lui aussi insisté sur la nécessité d'une plus grande lisibilité de l'aide française en Afrique qui passe par le canal bilatéral.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que la régulation budgétaire pouvait parfois corriger sensiblement l'équilibre des crédits votés.

Il a rappelé que le débat entre aide multilatérale et aide bilatérale remontait à l'après-guerre. Une part significative de l'aide passant actuellement par l'Union européenne, il a souhaité savoir si celle-ci était assimilée à une aide multilatérale ou bilatérale. Il s'est interrogé sur le sens d'une répartition en trois postes : aide bilatérale stricto sensu, aide via l'Union avec une clé de répartition permettant d'apprécier la part française et aide multilatérale.

Enfin, sur la PAC, il a estimé que le problème posé était celui d'un minimum d'autosuffisance pour le continent européen et rappelé que la Grande-Bretagne lors de son entrée dans l'Union était autosuffisante à environ 30 %, alors qu'elle l'est maintenant à 70 %.

M. Jean Glavany a tout d'abord observé que si la régulation budgétaire était un exercice habituel, la prévoir dès le mois de janvier et qui plus est l'annoncer avant l'adoption définitive du budget, n'était pour le moins pas coutumier.

Il a par ailleurs indiqué qu'il n'avait jamais été personnellement favorable aux lois de programmation. Ces dernières ne sont pas protégées par la Constitution et se heurtent au principe de l'annualité budgétaire.

Concernant la PAC, M. Jean Glavany a considéré que le débat était complexe. Il faut résister avec fermeté aux critiques malsaines des Etats-Unis, qui subventionnent leurs agriculteurs bien plus que ne le fait l'Union européenne, et à celles de la Grande-Bretagne qui est hostile aux politiques intégrées. Cependant il faut également reconnaître que certains mécanismes de la PAC, comme les restitutions à l'exportation par exemple, ont pour effet de freiner les exportations des pays du Sud. Il faut donc réformer la PAC et il est probable que l'OMC nous y contraindra.

Répondant à ces interventions, M. Jacques Godfrain s'est félicité du déplacement de M. Michel Terrot à Cotonou pour la réunion des parlements africains sur le NEPAD.

De même que la France sait exercer son influence positive dans le cadre des Nations unies, comme dans la recherche de la paix au Proche-Orient, elle doit aussi exercer son influence en faveur de la paix dans le cadre de sa politique de coopération.

Le NEPAD est un cadre de réflexion dont les pays africains se sont dotés, conscients qu'ils doivent réviser leurs stratégies de développement. Il appartiendra aux intervenants de la coopération de prendre en compte ces nouvelles réflexions du NEPAD. Cette initiative témoigne d'une volonté de remise en cause positive.

Pour que l'APD française soit appréciée à sa juste valeur trois critères essentiels doivent être respectés. Il faut qu'elle soit transparente pour éviter toute accusation, efficace et évaluable : à chaque action doit correspondre un résultat ; elle doit être rapide, les études longues sur les projets sont à prohiber.

La coopération décentralisée, après sa montée en puissance dans certains pays, notamment le Burkina Faso, est en légère stagnation. Or, il faut encourager cette forme de coopération car, outre les collectivités locales, différents intervenants (établissements publics hospitaliers, universités, organismes français et africains) y participent.

Les ONG, qui manient parfois de l'argent public, ne souhaitent guère se soumettre à un contrôle de l'utilisation qu'elles en font. Toutefois, en 1996, les ONG opératrices ont été associées aux sommets bilatéraux avec les pays africains. Rien n'empêche d'ailleurs que sur des projets précis, on fasse des appels d'offres auprès d'ONG, la mieux disante étant choisie. Il a déclaré apprécier l'utilisation du critère francophone dans la définition de la ZSP.

M. Jacques Godfrain a reconnu que des progrès devaient être accomplis afin de mieux coordonner les actions menées par la DGCID et l'AFD. Les conférences hebdomadaires, auxquelles participent les directeurs de l'AFD locale dans les ambassades tendent à pallier les difficultés, mais en termes budgétaires, l'AFD dispose de moyens près de sept fois supérieurs à ceux de la DGCID, ce qui n'est pas sans conséquence en Afrique.

Comme M. Jacques Myard, le Rapporteur a considéré que les relations entre la France et l'Afrique étaient spécifiques, et le plus souvent, ce sont les Africains eux-mêmes qui regrettent la faiblesse de la coopération de substitution.

La trace de l'action de la France au sein du FED dépend de l'attitude des postes diplomatiques sur place. Parfois l'aide bilatérale française est liée à l'aide européenne, qualifiée de bi-multilatérale. Ce type d'aide peut d'ailleurs poser problème quand l'Union européenne décide de suspendre ses aides, ce qui pénalise les populations sans influer sur les dirigeants du pays.

Il a fait valoir qu'une loi de programmation aurait le mérite d'être une référence pour le budget à venir.

Il a souligné l'importance du rôle de coordination que les ambassades doivent jouer pour éviter les doublons dans les projets de coopération décentralisée.

Abordant la délicate question de la cohérence entre la Politique agricole commune et les intérêts des pays en voie de développement, il a estimé qu'aucun pays n'était en droit de critiquer la France. Les Etats-Unis subventionnent certaines de leurs productions agricoles, surtaxent les produits européens, ce qui est inacceptable. Quand on fait face à une famine en Afrique il faut utiliser les productions excédentaires à l'intérieur des sous-régions car les famines sont localisées et ne touchent pas l'ensemble du continent. La coopération en matière de nutrition doit d'abord passer par les solidarités régionales.

S'agissant des programmes de centres culturels, le Rapporteur a fait observer que si certains programmes étaient parfois mal adaptés, dans la plupart des cas les centres culturels français en Afrique disposent de la seule scène existante et des seuls lieux d'exposition où peuvent s'exprimer ou exposer des artistes africains. C'est pourquoi il convient de les soutenir.

La coopération française sera d'autant plus efficace qu'elle usera de procédures simples, transparentes et évaluables. Elle doit s'inscrire dans le contexte d'une mondialisation qui doit être maîtrisée plutôt que subie. En effet, la mondialisation fragilise les Etats, elle accélère les mouvements migratoires incontrôlés et leur corollaire, la xénophobie. Elle doit être régulée pour que les politiques d'aide au développement aient leur pleine efficacité.

Les efforts de la France en faveur de l'annulation de la dette, des réformes de la coopération européenne, de la lutte contre les épidémies, sont une partie de la réponse.

L'augmentation de l'aide au développement est une nécessité. Il convient que les crédits qui lui sont consacrés soient utilisés pleinement et qu'ils soient affectés à des projets qui répondent aux besoins de base des populations les plus défavorisées. Ils doivent avant tout servir de levier dans la création de petites unités de production, le fonctionnement des administrations des pays concernés, la consolidation de l'Etat de droit.

Le budget de l'aide au développement et de la coopération pour l'exercice 2003 répond à ces préoccupations.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération et du Développement 2003.

ANNEXE 1

Personnalités entendues

24 septembre 2002

- M. Daniel Astier, directeur du Service de coopération et d'action culturelle (SCAC) au Niger

1er octobre 2002

- M. Bruno Delaye, directeur général de la Direction générale de la coopération internationale (DGCID), et M. Michel Prom, sous-directeur de la programmation des affaires financières

- M. Zéphirin Diabré, administrateur associé du PNUD, et Mme Odile Sorgho-Moulinier, directrice du Bureau du PNUD à Genève et M. Jean Fabre, sous-directeur du PNUD à Genève

8 octobre 2002

- M. Jean-Cyril Spinetta, président d'Air France

23 octobre 2002

- M. Charles Revet, président du Conseil Général de Seine-Maritime

ANNEXE 2

a) Programme du déplacement en Côte d'Ivoire et au Mali

Lundi 2 septembre 2002

18 h 05 Arrivée à Abidjan - Installation à la Résidence

20 h 00 Dîner offert par Son Exc. M. Renaud Vignal, Ambassadeur de France avec l'ensemble des responsables de la Mission diplomatique

Mardi 3 septembre 2002

8 h 30 Entretien avec l'association nationale des organisations professionnelles agricoles de Côte d'Ivoire

10 h Visite du centre de recherche contre le Sida à Abobo axé sur la protection de la mère et de l'enfant

12 h Entretien avec l'Union des villes et des communes de Côte d'Ivoire sur la coopération décentralisée

15 h 30 Réunion avec les responsables de la Société des eaux de Côte d'Ivoire (SODECI),

18 h Entretien au Consulat Général de France avec les représentants de la communauté française suivi d'un entretien avec M. le Consul général sur la question des visas.

20 h 00 Dîner de travail à la Résidence de France sur le document stratégique de réduction de la pauvreté

Mercredi 4 septembre 2002

8 h Départ pour Kayes via Bamako

11 h 30 Arrivée à Kayes

16 h 30 Retour à Bamako

20 h Dîner à la Résidence en présence du Président de l'Association des Maires du Mali, des responsables du Ministère de la Santé, du Développement rural, des questions hydrauliques, de l'Association des volontaires du progrès, et du service de coopération et d'action culturelle.

Jeudi 5 septembre 2002

7 h 30 Petit-déjeuner avec le Président de la région de Tombouctou, futur Président du Haut-Conseil des collectivités locales

8 h 30 Visite au bureau du Groupe « pivot Santé » qui mène une action de coordinateur des coopérations en matière de santé intégrant les ONG

9 h 30 Entretien avec le conseiller technique à la Présidence de la République, chargé des migrations

10 h 30 Entretien avec la directrice de la Coopération internationale

11 h 30 Entretien avec le Président de la République du Mali

15 h 30 Réunion de travail au SCAC avec des coopérants en matière d'hydraulique sur les questions d'hydraulique de santé et d'agriculture et des responsables de l'Agence Française de Développement

19 h Point de presse

19 h 30 Réception à la Résidence avec les représentants de la communauté française offerte par M. Christian Connan, Ambassadeur de France

ANNEXE 2

b) Programme du déplacement au Cameroun

Dimanche 13 octobre 2002

17 h 30 Séance de travail au Consulat général avec M. Jean-Paul Veziant, Ambassadeur de France au Cameroun, puis le Directeur du CCF, le Proviseur du Lycée de Douala. Entretien avec des Assistants techniques en poste à Douala.

20 h Dîner offert par le Consul général de France à Douala, en présence de l'Ambassadeur de France, du directeur du SCAC et de directeurs de société et du directeur du Port autonome de Douala

Lundi 14 octobre 2002

8 h 00 Arrivée à Yaoundé

9 h 00 Réunion de travail à la Chancellerie

10 h Entretien avec le ministre de la Santé

10 h 30 Visite de l'hôpital de jour de Yaoundé : présentation du dispositif et des actions projets programmes actuels et à venir de la Coopération française dans le secteur de la santé, notamment sur le Sida

12 h Entretien avec le Premier Ministre

13 h 00 Déjeuner offert par l'Ambassadeur à la Résidence, en présence du chef du SCAC, du Directeur de l'AFD et des quatre chefs de groupes parlementaires et des ministres de l'agriculture, de la santé, de l'hydraulique et de la coopération

15 h 00 Visite du projet de Coopération et recherche universitaire (CORUS) à l'Ecole nationale supérieure polytechnique, sur aménagement de quartier suivi de la visite du quartier de Meler.

16 h 30 Visite de projets « très petites entreprises »

18 h 30 Cocktail à la Résidence en présence des personnels du poste

Mardi 15 octobre 2002

7 h 45 Petit déjeuner de travail à la résidence, avec les chefs de projets développement rural et hydraulique, en présence de la représentante de la Banque mondiale

9 h 00 Réunion avec les bailleurs de fonds (représentants du FMI, du PNUD).

10 h 30 Présentation de l'état du processus « Pays pauvres très endettés » (PPTE), en présence du Ministre des Finances et du Ministre de l'Aménagement du territoire

11 h Entretien avec le Premier ministre

13 h Départ pour Douala

15 h 30 Accueil par le représentant du délégué de la Communauté urbaine de Douala - Présentation du Système d'informations géographiques

16 h 30 Visite à Douala 1er - thème : coopération décentralisée, aide à l'état-civil, en présence de représentants de l'Institut régional de coopération développement (IRCOD) et des associations de mobilisation des jeunes par les activités sportives

17 h 30 Visite du quartier Kassalafam (projet FSD)

19 h Point de presse à la résidence du Consul général

20 h 30 Départ pour Paris

ANNEXE 3

Extrait d'une étude sur le livret d'épargne-développement

Le livret épargne-développement est une sorte de compte d'épargne sur lequel le titulaire s'engage à verser mensuellement, une somme minimale pendant une période déterminée. Ce livret est rémunéré à 3,5 ou 4,5 % et accessible à tous les immigrés.

Son objectif est d'aider les immigrés à se réinsérer dans leur pays d'origine en leur apportant aide financière et logistique pour la conception, la création et la gestion de toute structure économique créatrice de richesse : micro-sociétés PME-PMI, coopérative, etc.

Pour créer les conditions favorables à la mise en _uvre de projets de développement économiques et sociaux, il est primordial de s'appuyer sur un réseau financier solide. Le pôle financier doit être capable de garantir aux projets : micro-société, PME, PMI et autre société en création ou en développement, les soutiens nécessaires.

Tout en préservant son autonomie, le candidat à la réinsertion, doit pouvoir être encouragé et accompagné, de la conception du projet jusqu à sa réalisation finale. Un suivi rigoureux des réalisations est primordial, au moins pendant les deux ou trois premières années.

Avec ou sans formation, les immigrés sont disposés à rentrer. Il faut leur permettre de le faire dans les meilleures conditions.

Le livret d'épargne-développement souscrit par les candidats à la réinsertion dans leur pays d'origine pourra servir de garantie bancaire pour lever les fonds nécessaires au financement des différents projets.

Le livret d'épargne-développement vise à conférer des droits :

- aide à la réinsertion dans le pays d'origine ;

- assistance financière pendant une durée minimale pour la réalisation d'un projet ;

- assistance financière pour une formation complémentaire et/ou continue en relation avec le projet à réaliser ;

- assistance financière pour assurer au candidat un logement décent dans son pays d'origine.

Il implique des devoirs :

- engagement personnel du candidat dans son projet ;

- versement mensuel effectué sur le livret d'épargne-développement ;

- acceptation de toute formation nécessaire à la conduite du projet ;

- suivi du protocole de financement du projet ;

- acceptation d'audits réguliers sur l'avancement du projet.

Le promoteur reste maître de son projet et participe obligatoirement à son élaboration et à son financement. L'argent débloqué pour le financement du projet n'est pas un don mais un crédit à taux préférentiel qu'il faudra rembourser à échéance.

 

N° 0259 - 03 - Avis de M. Jacques Godfrain sur le projet de loi de finances pour 2003 - Affaires étrangères : coopération et développement


ANNEXE

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© Assemblée nationale

Voir programmes des missions en annexe 2

Voir programme en annexe 2 b)

Voir les extraits d'une étude en annexe 3