N° 259

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230),

TOME II

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PAR M. RICHARD CAZENAVE,

Député

--

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LES GRANDES ORIENTATIONS DU BUDGET DES AFFAIRES       ETRANGÈRES POUR 2003 7

II - UN BUDGET 2003 QUI S'INSCRIT DANS UNE
      PERSPECTIVE PLURIANNUELLE DE RÉFORME
      DE L'ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT
15

CONCLUSION 23

AUDITION DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 235

EXAMEN EN COMMISSION 35

Mesdames, Messieurs,

Le Budget 2003 est le premier soumis à notre discussion depuis les élections présidentielles et législatives.

Depuis lors, des actes clairs témoignent des ambitions nouvelles et des objectifs assignés à notre diplomatie par le Ministre des Affaires étrangères, sous l'impulsion du Président de la République :

- sur la question de l'Irak, des principes et des valeurs partagés qui doivent fonder l'action des Nations unies ;

- au sein de l'Union européenne, où le couple franco-allemand a repris l'initiative ;

- dans les enceintes internationales, sur les questions de la solidarité Nord-Sud, du développement durable, d'une mondialisation maîtrisée ;

- dans l'espace francophone, où le « dialogue des cultures » s'affirme comme le contenu politique et le ciment d'une action commune.

L'écho que ces initiatives fortes ont reçu, le mouvement qu'elles ont contribué à engager, l'espoir qu'elles représentent dans un monde marqué par tant d'incertitudes, doivent nous conforter dans la poursuite des objectifs que Dominique de Villepin a présentés devant nous :

- affirmer notre ambition européenne pour une France forte dans une Europe forte ;

- marquer clairement notre fidélité à nos partenaires francophones, notamment les plus proches et les plus anciens en Méditerranée et en Afrique ;

- moderniser nos partenariats avec les grands pôles émergeant d'un monde en mouvement ;

- adopter une démarche volontaire pour une mondialisation mieux maîtrisée,

- user de toute notre influence dans le règlement des crises régionales les plus brûlantes (Proche-Orient, Balkans, Irak) ;

- renforcer nos capacités de réponses aux principales menaces (terrorisme, criminalité transnationale, prolifération...)

Ces priorités politiques exigent des adaptations tout autant qu'un renforcement de nos outils diplomatiques et de défense.

Ainsi, et même si une politique est loin de se résumer aux moyens financiers qui lui sont consacrés, il nous faut lire ce budget 2003, ainsi que ceux qui le suivront, à la lumière de ces priorités en nous posant la question fondamentale de savoir si les crédits qu'il nous est demandé de voter sont de nature à permettre à l'action extérieure de la France de mener à bien les objectifs qui lui ont été confiés, dans un cadre budgétaire qui n'est pas sans limites. En effet, il ne s'agit pas de considérer qu'un « bon budget » est forcément un budget en augmentation, mais de s'assurer que des crédits suffisants sont disponibles dans les secteurs prioritaires, tout en veillant à éviter les gaspillages et à favoriser les synergies.

Ce lien entre définition d'orientations politiques claires et nécessité de rationalisation semble particulièrement évident en ce qui concerne l'action extérieure de l'Etat, conduite par tant d'acteurs différents. C'est pourquoi M. Dominique de Villepin a insisté, le 16 octobre devant la Commission des Affaires étrangères, sur la nécessité de la coordination pour être à même de faire des choix politiques et d'exercer une capacité de décision.

I - LES GRANDES ORIENTATIONS DU BUDGET
DES AFFAIRES ETRANGÈRES POUR 2003

A - Un objectif de « vérité des crédits »

Devant la Commission des Affaires étrangères, le ministre des Affaires étrangères M. Dominique de Villepin a immédiatement précisé que l'augmentation des crédits de son ministère de 13,4 % pour 2003, à 4,11 milliards d'euros, ne signifiait pas une augmentation dans les mêmes proportions de l'action extérieure de la France. En effet, les mesures nouvelles augmentent de 5,6 % en 2003, les 7,8 % d'augmentation restants s'expliquant par ce que le Ministre a appelé une opération de « vérité des crédits ».

L'accent mis sur cette opération pleinement revendiquée signifie que son but n'est nullement de faire croire à une augmentation déguisée des crédits, mais qu'elle participe d'une volonté de réforme et de sincérité, indispensable pour mener une action politique claire et affichée.

Traditionnellement en effet, certaines lignes de crédits du ministère des affaires étrangères étaient chroniquement sous dotées, alors même qu'il s'agissait de répondre à des obligations internationales.

L'exemple le plus patent était constitué par les dotations obligatoires aux organisations internationales. En effet, alors que 613,4 millions d'euros avaient été inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002, 110 millions d'euros supplémentaires ont du être ouverts par le collectif de l'été dernier. Ce phénomène récurrent pose des problèmes considérables : outre qu'il est critiquable quant à la sincérité du budget présenté, expliquant par exemple les critiques de la Cour des comptes, il est préjudiciable pour la crédibilité internationale de notre pays. En effet, cette sous-dotation entraîne des retards dans le paiement par la France de ses contributions aux organisations internationales, ce qui fragilise encore sa position dans ces institutions, alors même que le très faible niveau de ses contributions volontaires (cf. I. C) fait que son influence y est déjà réduite. Ainsi, pour remédier à cette situation, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit d'inscrire 678,76 millions d'euros pour ces dotations obligatoires, soit une hausse de 10,66 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Certes, ces crédits restent inférieurs à ceux ouverts au terme de la loi de finances rectificatives (742,2 millions d'euros), mais il s'agit d'un premier pas encourageant dans la voie de la sincérité budgétaire.

Un constat similaire peut être fait en ce qui concerne l'augmentation des crédits alloués au Fonds européen de développement (FED). Une partie de cet effort s'explique par la montée en puissance du IXème FED (2002-2007), pour lequel la France a pris des engagements très ambitieux, puisqu'elle le financera à hauteur de 24,3 % du total. Pour autant, cela n'entraînera pas un doublement de la contribution française, bien que les crédits de paiement destinés au FED passent de 277,5 millions d'euros à 496 millions d'euros, soit une hausse de 127 %. L'explication de cette augmentation considérable tient là encore à la sous dotation chronique des crédits alloués au FED. En conséquence, la France ne peut honorer qu'avec retard les appels de fonds demandés aux Etats membres de l'Union européenne par le FED. Ainsi, pour que la France soit en mesure de répondre à l'appel de fonds de juillet 2002, la loi de finances rectificatives du 6 août 2002 a dû ouvrir 137 millions d'euros de crédits supplémentaires. Ces retards sont d'autant plus préjudiciables qu'ils nous interdisent de facto de critiquer la gestion du FED et son efficacité, et d'exiger des changements pourtant indispensables.

Même s'il faut veiller à ce qu'elle n'entraîne pas de fausse interprétation et de fausses comparaisons d'une année sur l'autre, l'opération « vérité des crédits » effectuée par le ministère des Affaires étrangères doit être saluée comme un pas dans le sens de la réforme de l'action extérieure de l'Etat.

B - De vraies priorités affichées

Le projet de loi de finances initiale pour 2003 comporte un certain nombre de mesures nouvelles, outre les 7,8 % d'augmentation dus à l'inscription dans la loi de finances initiale de crédits auparavant dotés en loi de finances rectificative. La hausse « réelle » des crédits est donc de 5,6 %, ce qui contraste avec le traitement infligé au ministère des Affaires étrangères ces dernières années. De plus, l'examen attentif de ces mesures nouvelles reflète les priorités de la politique étrangère de la France, dans le domaine de l'aide au développement par exemple ou de la politique en faveur des Français de l'étranger et des étrangers en France.

1) La relance de l'aide publique au développement

Depuis 1994, année où l'aide publique au développement (APD) de la France atteignait 0,57 % du PIB, ce taux n'a fait que décroître pour atteindre 0,32 % en 2000. Le développement a manifestement été victime des arbitrages budgétaires, ce qui constitue une politique à courte vue. Le Président de la République a décidé de rompre avec cette tendance et a fixé pour objectif l'augmentation de 50 % l'APD de la France pendant le quinquennat, pour parvenir à l'objectif très ancien de 0,7 % du PIB dans 10 ans.

D'aucuns objecteront que la hausse de l'APD en 2003 s'explique notamment par la très forte hausse des crédits alloués au FED et que celle-ci est pour partie due à un effet optique, et pour partie liée à des engagements antérieurs. En effet, la France a été en pointe dans la négociation des accords de Cotonou qui se traduisent financièrement par le IXème FED, dont elle financera près du quart de l'enveloppe.

Pour autant, il est remarquable que cet effort fait pour l'aide au développement multilatérale ne se fasse pas au détriment de l'aide bilatérale, bien au contraire ! Une logique comptable aurait pu conduire à un effet d'éviction des crédits de la coopération bilatérale par ceux destinés à la coopération multilatérale, dont l'augmentation était inévitable en raison des engagements antérieurs. Or il n'en est rien. Ce budget met en effet un coup d'arrêt à la tendance constatée depuis plusieurs années de désengagement de la France en ce qui concerne l'aide bilatérale.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit l'augmentation des autorisations de programme destinées à l'Agence française de développement (AFD) et au Fonds de solidarité prioritaire (FSP), instrument privilégié de la coopération bilatérale de la France, qui augmentent de 25 % (190 millions d'euros pour chacun des deux chapitres). Notre commission devra veiller à ce que des crédits de paiement suffisants permettent de concrétiser les engagements pris par ces autorisations de programme en hausse.

Par ailleurs, le Gouvernement nous propose de créer, par l'intermédiaire de la loi de finances, un nouvel instrument d'aide bilatérale, les contrats de désendettement-développement (C2D), dans le cadre de l'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). Les C2D permettront de mieux prendre en compte les problèmes spécifiques des pays très endettés, et d'alléger le fardeau que constitue pour eux l'importance de leur dette. Dès 2003, 91 millions d'euros ont été dégagés pour ce nouvel instrument, qui devrait monter en puissance dans les prochaines années et atteindre environ 350 millions d'euros en 2005.

2) Des dépenses pour les Français de l'étranger et les étrangers en France

On l'oublie parfois, mais le rôle du ministère des affaires étrangères ne se réduit pas à conduire l'action diplomatique de la France, ainsi que sa politique d'aide au développement. En effet, il joue également un rôle primordial de soutien des citoyens français à l'étranger et dans la politique d'accueil des étrangers en France. Il est heureux que ce budget prenne en compte aussi ces deux dimensions.

En ce qui concerne l'aide aux Français de l'étranger, le projet de loi de finances contient des mesures visant à améliorer l'assistance aux Français en difficulté (actions de solidarité, de réinsertion...) qui augmenteront de 4,3 % à 24 millions d'euros. Il faut savoir qu'en 2002, les demandes d'allocations adressées par des Français de l'étranger ont nettement dépassé les enveloppes disponibles.

Par ailleurs, les Français installés à l'étranger peuvent bénéficier d'un outil unique en son genre, celui du réseau des lycées français gérés par l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Or celle-ci a été ces dernières années en quelque sorte victime de son succès, puisque le nombre d'enfants scolarisés dans les établissements qu'elle gère est passé de 144 300 en 1990 à 158 250 en 2002, essentiellement en raison de l'augmentation du nombre d'enfants français, et donc au détriment de l'autre mission de l'AEFE, consistant à participer au rayonnement de la France en scolarisant des enfants étrangers dans des établissements d'enseignement français. Ce phénomène a conduit à des difficultés budgétaires et sociales croissantes, lesquelles ont obligé l'AEFE a puiser dans son fonds de roulement, qui n'est plus aujourd'hui que de six jours, pour financer certaines mesures réclamées par les personnels « résidents », c'est-à-dire les professeurs fonctionnaires mais non expatriés. Ainsi, le budget de 2003 prévoit une augmentation de 7,7 % des dotations allouées à l'AEFE.

Cependant, dans le même temps il est demandé à l'AEFE de « rationaliser » son réseau afin de réaliser 6,4 millions d'euros d'économies, ce qui passera par le déconventionnement de plusieurs établissements, probablement en Espagne, en Amérique latine et en Ethiopie. Certes, il n'est pas absurde de s'interroger sur l'utilité de détacher des professeurs de l'éducation nationale dans des pays dont le système d'enseignement est très proche du notre et, donc, de mener une réflexion sur les véritables finalités de l'AEFE. Mais il serait préférable qu'une telle rationalisation résulte d'un débat ouvert, et qu'en conséquence la mesure d'économie projetée n'intervienne pas dans l'immédiat, mais à la suite de cette réflexion d'ensemble que nous appelons de nos v_ux.

Le ministère des affaires étrangères doit également veiller à assurer le meilleur accueil possible aux étrangers qui souhaitent se rendre en France dans le cadre fixé par des traités internationaux ou par la loi française. Il y a là un impératif pour l'efficacité même d'une politique d'immigration réussie et pour contribuer au rayonnement international de la France. Au cours d'un déplacement dans les consulats de Tunis et de Casablanca, votre Rapporteur a pu constater l'importance de disposer de services des visas modernes et bien équipés dans des pays où obtenir un visa pour la France a une importance considérable : tant pour des raisons de sécurité, que de dignité des demandeurs et de bon traitement des dossiers, il est indispensable de ne pas sacrifier les investissements dans le domaine de l'action consulaire. A cet égard, les travaux réalisés dans les deux postes cités se sont révélés des investissements judicieux, le contraste entre la situation difficile que l'on pouvait constater il y a quelques années et celle d'aujourd'hui est réel. Sur ce point, il nous faudra veiller à ce que le produit de la facturation des frais de dossier bénéficie pour une part aux postes, notamment afin de moderniser les consulats les plus anciens.

Un autre aspect important concernant les étrangers en France est la prise en charge des réfugiés. Le Gouvernement a en effet annoncé une importante réforme de la politique d'asile au conseil des ministres du 25 septembre dernier : du fait du doublement du nombre de demandes d'asile en cinq ans, les délais d'instruction se sont allongés - ils atteignent aujourd'hui deux ans - et les besoins en personnel également. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation de 25 % de la subvention accordée au budget de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), soit 5,63 millions d'euros de mesures nouvelles permettant d'atteindre une somme de 28,5 millions d'euros. Cette augmentation permettra notamment l'embauche de 66 nouveaux agents, ce qui cependant semble insuffisant pour résorber complètement le stock, préalable indispensable au succès de la réforme du dispositif d'asile, qui aura pour conséquence la création d'un guichet unique à l'OFPRA, qui sera compétente pour l'ensemble des demandes d'asile (conventionnelle ou territoriale).

C- Des lacunes persistantes

Après plusieurs années durant lesquelles le budget des affaires étrangères n'était pas prioritaire, il n'est pas possible de redresser complètement la barre dès la première année dans un contexte économique difficile. Le Ministre lui-même a reconnu devant la Commission des affaires étrangères que le budget 2003 était un budget de transition.

1) Le problème récurrent de la régulation budgétaire

La première remarque qui peut être faite ne concerne pas directement les crédits demandés pour 2003, mais elle est décisive puisqu'il s'agit de l'utilisation effective de ces crédits. En effet, chacun sait que le Parlement se contente d'autoriser les dépenses et qu'ensuite le ministère des Finances a toute latitude pour empêcher l'exécution de ces dépenses. Or, il est malheureusement devenu traditionnel que des « régulations » viennent ponctionner les différents budgets, et tout particulièrement celui des Affaires étrangères. Cela entraîne une absence de visibilité pour les gestionnaires présents dans nos postes lorsqu'ils doivent engager des dépenses, très souvent en partenariat. Il en va donc de la crédibilité de notre action extérieure, mise à mal lorsque des projets programmés de longue date doivent être brutalement interrompus, faute de déblocage de crédits qui ont pourtant été votés par le Parlement.

A cet égard, votre Rapporteur ne peut que regretter l'ampleur des gels décidés en 2002, 150 millions d'euros. Le dégel de ces sommes est indispensable pour la cohérence de notre politique d'aide au développement, d'aide sociale en faveur des Français de l'étranger, et même de continuité de notre action diplomatique. De plus, la part de ces sommes qui est débloquée l'est parfois trop tard pour être consommée au cours de l'exercice budgétaire en raison des délais des procédures comptables. Ainsi, 50 millions d'euros ont été d'ores et déjà dégelés en 2002, mais ces sommes ne pourront pas toutes êtres consommées.

Enfin, il faut bien remarquer que la régulation touche souvent en priorité le ministère des Affaires étrangères, alors que le ministère de l'Economie et des finances y échappe. En effet, ce ministère disposant d'un réseau à l'étranger, il est en quelque sorte juge et partie. Ainsi, sur le terrain, l'Ambassadeur est contraint de bloquer en cours d'année certaines des actions en cours, alors que le chef de la mission économique peut utiliser toute sa dotation.

A cet égard, il conviendrait que le Parlement complète la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, par un dispositif encadrant plus démocratiquement le système de gel des crédits.

2) La persistance de la faiblesse des contributions volontaires aux organisations internationales

Suite à une mission confiée par le Premier ministre à votre Rapporteur en 1996 sur les contributions volontaires de la France à l'organisation des Nations unies, j'avais alors regretté la faiblesse de notre effort budgétaire en la matière. Six années plus tard, le constat reste malheureusement le même, la France n'est que le douzième contributeur volontaire aux organisations des Nations unies, alors qu'elle est le quatrième contributeur obligatoire. Or, ces contributions volontaires sont le reflet de l'intérêt donné par un pays à ces organisations, et elles conditionnent largement son influence en leur sein. Ainsi lorsque des nominations interviennent, les nations qui contribuent le plus sont généralement mieux placées pour obtenir que des postes importants reviennent à leurs ressortissants. La France l'apprend souvent à ses dépends, que se soit pour des nominations à la tête de ces organisations, au Haut commissariat aux réfugiés par exemple (HCR), ou à des postes d'encadrement intermédiaires.

Pour 2003, les contributions volontaires à des dépenses internationales restent pourtant à un niveau très faible, 85,87 millions d'euros, dont près de la moitié (43 %) sont destinées au Fonds multilatéral unique pour la francophonie. Ainsi, les contributions volontaires à des organismes des Nations unies ne s'élèveront qu'à 48 millions d'euros en 2003, contre 83 millions d'euros en 1994.

Le Ministre a annoncé devant la Commission qu'une mission mixte composée de membres des inspections générales des finances et des affaires étrangères allait réfléchir sur la meilleure allocation et utilisation possible de l'ensemble des contributions aux organisations internationales. Il s'agit là d'une initiative heureuse dont il faudra étudier précisément les propositions.

3) La baisse des crédits de coopération militaire

La coopération militaire est une dimension à part entière de la politique extérieure de la France. Son rôle de stabilisation et de prévention correspond aux objectifs de la France. Ainsi, la baisse envisagée des crédits de coopération militaire pour 2003 est regrettable, d'autant qu'elle est conséquente, puisque les crédits inscrits au chapitre 42-29 (coopération militaire et de défense) sont en baisse de 10 millions d'euros, à 93,5 millions d'euros, soit une baisse de plus de 10 %.

Dans un contexte international marqué de fortes incertitudes, le désengagement de la France dans ce domaine n'est pas une bonne nouvelle. Certes, cette coopération doit probablement changer de nature en s'appuyant davantage sur les acteurs locaux, par exemple les organisations régionales de sécurité. Or, ce type de coopération n'échappe pas à la baisse puisque la coopération militaire et de défense avec des organisations internationales est en baisse de 40 % à119 684 euros.

En réalité, ces crédits ainsi que ceux des contributions volontaires, sont les victimes indirectes de la régulation budgétaire. Prioritairement régulés puisque plus facilement « régulables » ils sont finalement considérés comme non essentiels puisque la preuve a été faite qu'on pouvait boucler l'année sans drame ! Ainsi, d'année en année, les crédits de la coopération militaire sont réduits, ce qui inquiète le ministère de la Défense, qui ne peut que constater que le regroupement de l'ensemble des crédits de coopération militaire dans le budget du ministère des Affaires étrangères se fait au détriment de ceux-ci. Cet exemple pourrait malheureusement être utilisé comme argument contre le regroupement de certains crédits de l'action extérieure de l'Etat au budget du ministère des Affaires étrangères.

II - UN BUDGET 2003 QUI S'INSCRIT DANS UNE
PERSPECTIVE PLURIANNUELLE DE RÉFORME
DE L'ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Après de nombreuses années où le budget des Affaires étrangères a été la victime des arbitrages budgétaires, la relance de l'action extérieure passe nécessairement par un effort en termes financiers. Pour autant, ce serait une erreur d'avoir une vision uniquement quantitative, car beaucoup reste à faire pour réformer les structures de l'action extérieure de la France.

A - Une volonté affirmée : réformer l'action extérieure de l'Etat

1) Une volonté forte du Ministre

Animé d'une forte volonté d'accroître le poids et l'influence de la diplomatie française, M. Dominique de Villepin s'est engagé dans une ambitieuse réforme de la politique extérieure de la France.

La position de la France sur la scène internationale depuis la réélection du Président de la République, M. Jacques Chirac, que se soit sur la question de l'Irak, du développement durable ou au sein de l'Union européenne, témoigne de cette vision de la politique étrangère. Mais le Ministre est particulièrement conscient que, pour réussir, une politique a besoin de s'asseoir sur un outil adapté à ses missions, ce qui signifie la nécessité de disposer d'un appareil administratif modernisé.

Devant la conférence des ambassadeurs, le 27 août dernier, M. Dominique de Villepin a précisé son souhait de voir la politique extérieure de la France être réformée. Il estime en effet que « nous devons nous donner les moyens de renforcer l'efficacité de notre administration. Pour préserver la vision stratégique qui doit guider notre action extérieure, le ministère des Affaires étrangères doit devenir le centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de l'Etat ».

2) Une réforme qui doit impliquer tous les ministères concernés

La volonté de réforme de M. Dominique de Villepin repose un constat indéniable de dispersion des moyens de l'action extérieure de l'Etat. Pourtant, dans ce domaine l'interministérialité semble un impératif absolu.

En effet, la mise en _uvre de la politique de l'Etat à l'étranger relève, à l'échelon central, du ministère des Affaires étrangères, et, à l'étranger, de l'Ambassadeur, chef de l'ensemble des services de l'Etat dont il assure seul la coordination et l'animation. Cette unicité de commandement a été renforcée récemment :

- à la suite de la fusion, en 1998, des ministères des Affaires étrangères et de la Coopération : il en a résulté en effet l'intégration des personnels des anciennes missions de coopération dans les effectifs relevant directement de l'Ambassadeur.

- une réforme comptable engagée en 1997, et qui devrait être applicable à tous les postes en 2004, a fait de l'Ambassadeur, à l'image du Préfet en métropole, l'ordonnateur secondaire unique de l'ensemble des dépenses de l'Etat dans son pays d'accréditation.

Pour autant, l'action extérieure de l'Etat reste d'une particulière complexité en ce qui concerne les acteurs qui y participent. L'effort constamment réaffirmé de coordination de l'action de l'Etat peut encore être poursuivi pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il existe une concurrence au sein même du réseau administratif de l'Etat, de nombreux agents servant à l'étranger relèvent d'autres ministères que de celui des Affaires étrangères. Leur rémunération ne figure par exemple pas dans le budget des Affaires étrangères mais dans celui du ministère d'envoi (Economie et finances pour les Postes d'expansion économique, Défense pour les attachés de défense...). Au total les budgets de 12 ministères concourent au fonctionnement d'un réseau à l'étranger. Or si les personnels de ces ministères sont sous l'autorité hiérarchique de l'Ambassadeur, ils n'en gardent pas moins une autonomie tout à fait réelle, notamment les agents des postes d'expansion économique (PEE). Ainsi, sur les 8629 agents de l'Etat ayant exercé à l'étranger en 2001, seulement 5522 relèvent du ministère des Affaires étrangères, soit 64 %.

Au total, alors que le ministère des Affaires étrangères dispose de 268 ambassades, représentations permanentes et consulats à l'étranger, les autres administrations ont, pour leur part, 438 implantations. Il n'est pas besoin de dire les inconvénients de cette dispersion tant au niveau de la coordination et de la cohérence des politiques, que des surcoûts qu'elle entraîne.

De même au niveau budgétaire, comment avoir une vision globale de l'action extérieure de la France alors que les crédits qui concourent à celle-ci sont répartis sur 28 sections budgétaires ? Il est par exemple très difficile pour votre Rapporteur pour avis des crédits des affaires étrangères d'évaluer l'ensemble de notre politique extérieure alors que le budget du ministère des Affaires étrangères ne représente que 47 % des dépenses extérieures de la France.

La volonté du Ministre de rationaliser l'outil extérieur français doit donc être appuyée, dans le prolongement des efforts engagés en son temps par Alain Juppé. Cela passera par une nouvelle nomenclature budgétaire (cf. II.B), mais surtout par une réforme profonde des différents réseaux participant à l'action extérieure de l'Etat. Le Ministre a déjà fait part de sa volonté d'intégrer, à terme, au sein de nos ambassades l'ensemble des services de l'Etat. Au-delà, il faudra peut-être réfléchir à une réforme des carrières des personnels afin de les décloisonner et en finir avec la spécialisation excessive en permettant aux agents d'exercer successivement des fonctions purement diplomatiques, puis d'expansion économique, consulaire...

En effet, pour réussir, une réforme devra changer les structures en profondeur et non pas seulement en façade. Pour cela, il peut être intéressant d'utiliser les enseignements issus des expériences existantes, notamment celle des postes mixtes à vocation consulaire et commerciale. Ceux-ci ont permis une meilleure visibilité et représentation de la France, mais ils n'ont pas permis de faire d'importantes économies car la réforme ne concerne que le chef de poste et ne touche nullement les autres catégories de personnel ni les structures. A titre d'exemple, les services comptables et informatiques restent séparés en raison de la dualité des procédures et des logiciels. Intéressante, cette expérience n'en est pas moins restée au milieu du gué. En ce sens les objectifs fixés par Dominique de Villepin au cours de la conférence des ambassadeurs, «  une enveloppe unique de fonctionnement par poste, une gestion unifiée du personnel et de la logistique, des comités de gestion rénovés, la recherche d'une unité d'implantation des services », répondent pleinement à cette nécessité d'une réforme en profondeur.

3) Une rationalisation des moyens du ministère des Affaires étrangères

En se proposant d'être le chef de file, donc d'une certaine manière le principal « bénéficiaire », d'une ambitieuse réforme de l'Etat, le ministère des Affaires étrangères doit montrer sa crédibilité et donc sa capacité à réformer ses propres structures. En effet, d'autres acteurs de l'action extérieure de l'Etat, par exemple le réseau des postes d'expansion économique, ont su faire preuve de souplesse et d'adaptation à l'évolution du monde plus rapidement que le réseau diplomatique et consulaire.

Encore une fois, il convient de mettre en garde contre une vision consistant soit à considérer la qualité d'un réseau diplomatique et consulaire uniquement en fonction de sa taille, soit à n'avoir qu'une démarche comptable. L'important est donc de disposer d'un réseau qui soit en adéquation avec les objectifs de la politique extérieure de la France, qui sont ambitieux mais évolutifs.

Ainsi, il est en adéquation avec l'ambition mondiale de la France de disposer d'un outil diplomatique et consulaire étoffé. Deuxième par sa taille, le réseau diplomatique français (169 ambassades et représentations permanentes) est légèrement inférieur à celui des Etats-Unis (177). La comparaison de nos implantations diplomatiques actuelles montre que le nombre de nos ambassades bilatérales (152) est légèrement supérieur à celui de la Grande-Bretagne (150), de l'Allemagne (142) et de la Russie (142), enfin de l'Italie (125). En ce qui concerne le réseau consulaire la France, avec 105 postes, n'est dépassée que par l'Italie (114 postes consulaires) et se range nettement devant les Etats-Unis (79), le Royaume-Uni (72) et l'Allemagne (49, avec une forte diminution en 2001). Ce réseau a connu peu d'évolution en 2002, avec la réouverture de notre ambassade à Kaboul et la transformation de la chancellerie détachée d'Alicante, en Espagne, en simple antenne consulaire. En 2003, la seule évolution envisagée est la transformation du Consulat d'Agadir en consulat général.

Néanmoins, il faut se poser la question de l'adaptation de cet outil magnifique au regard des priorités de l'action extérieure de la France et se demander si la répartition des postes et des personnels n'est pas davantage liée aux pesanteurs du passé qu'aux besoins exprimés aujourd'hui.

A-t-on par exemple pris toute la mesure des effets de la construction européenne ?

En effet, dans un espace de plus en plus intégré, les fonctions diplomatiques et consulaires changent de sens. Les affaires européennes sont de moins en moins des affaires étrangères et il en résulte que les négociations dans de nombreux secteurs ont bien davantage lieu à Bruxelles que dans les autres capitales européennes. De même, l'évolution technologique et des transports fait que les déplacements sont plus fréquents et les relations directes entre fonctionnaires des différents pays de l'Union européenne de plus en plus nombreuses. Quant aux tâches consulaires au sein de l'Union européenne, elles ont totalement changé de nature dans un espace aussi intégré : n'est-il pas désormais temps de réfléchir à un transfert aux autorités des autres Etats membres d'une partie des tâches actuellement effectuées par nos consulats au profit de nos ressortissants. Il y a par exemple à Londres 130 000 Français non immatriculés (contre 70 000 immatriculés), cela signifie que les besoins de nos ressortissants vis-à-vis de nos services consulaires sont beaucoup moins importants à l'intérieur de l'Union européenne puisqu'ils ne voient pas l'utilité de s'inscrire au consulat. Le Consulat général de Londres emploie néanmoins encore 65 personnes.

A l'inverse, des zones entières de la planète entrent progressivement dans l'économie de marché et à la mondialisation, alors que la montée des incertitudes rend décisive une présence française forte dans les régions menacées par la déstabilisation. Ainsi, des redéploiements semblent indispensables pour que notre appareil diplomatique et consulaire réponde réellement aux objectifs qui lui ont été fixés. Par exemple, le ministère des Affaires étrangères emploie 109 personnes en Belgique, hors représentation permanente auprès de l'Union européenne, mais seulement 71 au Mexique, pays émergent de 100 millions d'habitants qui cherche à se rapprocher de l'Union européenne. Dans le minuscule duché du Luxembourg, il y a encore 30 agents du ministère des affaires étrangères, soit à peine moins qu'en Malaisie (39).

En dehors même de l'Union européenne, les progrès de la construction européenne rendent possible une réflexion sur les structures diplomatiques et consulaires afin de réaliser synergies et économies.

Des formules de gestion très intégrée, comme l'expérience de colocation franco-allemande au sein de l'ambassade de France au Cap Vert conduite de 1997 à l'été 2001, ont permis de poser les bases juridiques pour l'application de ce type de coopération dans d'autres pays tiers. Le partage d'installations matérielles (bureau d'ambassade franco-allemand à Banja Luka, locations en commun à Almaty) s'avère une expérience concluante. D'autres formes de coopération ont été entreprises : mise en commun de moyens entre les sections des visas des ambassades et des consulats, soutien logistique à l'occasion de travaux effectués au sein des postes diplomatiques et consulaires, partage de locaux entre établissements scolaires et universitaires en pays tiers, voire organisation de manifestations en commun (coopération avec le Goethe Institut, le British Council), échange d'agents entre postes. Cependant, il s'agit là d'initiatives ponctuelles, assez isolées et expérimentales, qui ne sont pas encore des modes de gestion considérés comme classiques.

La politique des visas de court séjour, dits « visas Schengen », constitue, quant à elle, une authentique politique communautaire, qui va bien au-delà d'une simple coopération intergouvernementale. Au cours d'un déplacement à Tunis et à Casablanca, votre Rapporteur a pu observer le fonctionnement de la politique des visas des pays de l'Union européenne. J'ai ainsi pu noter que les ressortissants des Etats tiers étaient parfaitement conscients du fonctionnement de l'espace Schengen et n'hésitaient pas à profiter du hiatus entre l'existence d'un visa unique et la multiplicité des autorités chargées de les délivrer, provoquant ce que certains appellent le « visa shopping », à savoir faire sa demande de visa dans le consulat de l'Union européenne qui semble le plus souple, quel que soit le pays réel de destination. En effet, alors que le visa accordé est le même, les critères d'attribution de celui-ci, les procédures (motivation ou non, frais de dossier...) varient d'un pays à l'autre.

Certes des progrès ont été faits dans l'alignement des tarifs avec le passage à l'euro, les échanges d'informations pour éviter les demandes multiples, l'adoption de frais de dossier par tous les Etats membres d'ici le 1er janvier 2004... Pour autant, il n'existe pas de réseau informatique commun, et, surtout, les politiques migratoires restant nationales, une harmonisation de celles-ci serait un préalable indispensable à une délivrance commune des visas. Toujours est-il que, concrètement, un candidat qui se voit refuser un visa par un pays car il ne répond pas aux critères d'obtention définis par ce pays pourra néanmoins s'y rendre s'il obtient d'un autre consulat un visa « Schengen ».

Là encore, nous ne pouvons pas rester au milieu du gué. Ou bien nous considérons que l'espace Schengen doit être remis en cause ou bien nous nous donnons les moyens d'une politique réellement commune et nous définissions des critères efficaces pour renforcer les frontières extérieures.

Dans ce cas, à terme, la mise en place de bureaux communs des visas à l'ensemble des pays Schengen semble la conséquence logique de l'harmonisation des politiques de visas de court séjour. Cela permettrait à la fois de faire des économies de moyens et de mener une politique migratoire plus efficace car coordonnée. Mais je mesure aussi la complexité des problèmes et les obstacles nombreux, notamment d'ordre constitutionnels, auxquels une telle réforme peut se heurter.

B - Un moyen : l'organisation budgétaire

1) Utiliser la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001

En application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement reposera sur deux nouvelles unités, la mission et le programme, regroupant les crédits par objectif.

Les missions vont ainsi permettre de passer d'un budget de moyens, présentant les crédits par nature de dépenses, à une logique d'objectifs et de résultats. Elles seront composées de programmes, unité de spécialisation des crédits et de vote. L'article 40 de la Constitution (interdiction d'augmenter des dépenses, même par compensation) sera appliqué au sein des missions, il sera donc possible pour les parlementaires d'opérer des compensations de dépenses entre les différents programmes d'une même mission.

Par ailleurs, ces missions pourront être interministérielles afin de permettre au Parlement de voter des crédits par objectif. En effet, il est indispensable pour avoir une vue d'ensemble d'une politique de débattre le même jour de tous les crédits qui y contribuent, quel qu'en soit le ministère gestionnaire. Ainsi, la mise en _uvre de la nouvelle loi organique doit être utilisée pour accompagner la réforme de l'Etat, notamment dans le domaine de son action extérieure.

Cette disposition de la loi organique entrera en application lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006. Mais on peut d'ores et déjà s'interroger sur les missions et programmes qui définiront les objectifs prioritaires que se fixe à moyen terme le ministère des Affaires étrangères.

2) Quelles « missions » et quels « programmes » ?

La mission pourra donc être un outil adéquat permettant d'avoir une vision synthétique de l'action extérieure de l'Etat, actuellement financée par des crédits éparpillés dans une multitude de fascicules budgétaires. En effet, il est impossible d'avoir une vision synthétique sur une politique et donc de prendre des décisions et de faire des choix si l'on a seulement une vision parcellaire. Pourtant, c'est bien actuellement ce qui se passe dans le domaine de la politique extérieure : lorsque le Parlement débat du budget des affaires étrangères, il ne se prononce que sur 47 % des crédits concourant à l'action extérieure de l'Etat. La Commission des Affaires étrangères devra donc veiller à ce qu'à l'occasion de la mise en _uvre de la loi organique, l'ensemble des crédits d'action extérieure soit regroupé au sein d'une mission « action extérieure de l'Etat », dont les contours ressembleraient à ceux de l'actuelle annexe « jaune » dénommée Etat récapitulatif des crédits de toute nature qui concourent à l'action extérieure de la France. Ainsi, le maintien de cette annexe devient plus indispensable que jamais à l'approche de la mise en _uvre de la loi organique.

La future nomenclature budgétaire sera donc fondée sur les missions, qui se décomposeront elles-mêmes en programmes. Le choix de ces derniers est décisif car ils constitueront l'unité de vote et de spécialité des crédits : cela signifie que les crédits votés sur un programme ne pourront pas être attribués à un autre mais, en revanche, ces enveloppes seront fongibles, ce qui signifie que les gestionnaires seront libres de leur emploi. Ainsi, il est important de définir des périmètres de programme qui permettent cependant de définir des objectifs évaluables, tout en évitant d'adopter une approche trop verticale. En effet, il est également de bonne gestion de permettre aux gestionnaires de terrain, en l'occurrence les Ambassadeurs, de gérer de façon globalisée une partie de leurs crédits en fonction des besoins. Or une répartition trop fine entre un trop grand nombre de programmes rendrait impossible une telle souplesse de gestion au niveau local.

Néanmoins, afin de respecter la lettre et l'esprit de la loi organique, et de permettre une évaluation des différentes politiques d'action extérieure, certaines des solutions envisageables pour le périmètre des missions semblent devoir être écartées. C'est par exemple le cas de l'hypothèse d'un programme unique pour l'ensemble du ministère des Affaires étrangères, ce qui reviendrait à voter en bloc des dotations fort diverses sans évaluation possible. De même, définir les programmes selon un critère géographique (programmes par continent) ne permettrait pas de distinguer les politiques sectorielles (développement, action culturelle...) autour desquelles se définissent les objectifs de la politique extérieure de la France, ni de prendre en compte les politiques transversales.

Une approche fonctionnelle devra donc être suivie, permettant de dégager de grandes politiques (diplomatique, consulaire et soutien aux Français de l'étranger, développement, concours aux organisations internationales...). Parallèlement, un programme distinct rassemblant les crédits d'administration générale devrait permettre de conforter les acquis de la déconcentration des crédits.

CONCLUSION

En résumé, ce budget, sans porter totalement remède à certaines lacunes chroniques, va incontestablement dans le sens d'une plus grande sincérité et d'une meilleure adéquation des moyens budgétaires aux objectifs politiques.

Budget de transition, l'effort devra être poursuivi, quantitativement pour certains chapitres, qualitativement pour d'autres, pour mettre en parfaite adéquation les moyens humains, matériels et financiers avec les axes politiques clairement affirmés.

La volonté de réforme de l'action extérieure de l'Etat doit prendre en compte la nouvelle organisation budgétaire contenue dans la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Le Parlement doit prendre toute sa part à cette réforme :

- en se donnant les moyens d'évaluer et de débattre de l'ensemble de la politique extérieure de la France,

- en encadrant mieux les conditions de mise en _uvre de la régulation budgétaire,

- en soutenant la volonté d'une meilleure rationalisation et d'une plus grande cohérence des moyens de nos représentations sous l'autorité de l'ambassadeur.

L'écho des récentes initiatives de notre pays au sein de l'Union européenne, du monde francophone et sur la scène internationale, l'espoir qu'il représente dans un monde qui cherche de nouveaux repères, sont une puissante motivation pour lancer les réformes nécessaires et tirer le meilleur parti des moyens consacrés à notre action extérieure.

AUDITION DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Au cours de sa réunion du Mercredi 16 octobre 2002, la Commission a entendu M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères et M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2003.

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, et M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, de leur présence devant la Commission des Affaires étrangères pour présenter le budget de leur département et répondre aux questions sur la situation internationale.

Le Ministre des Affaires étrangères a remercié les parlementaires pour leur soutien dans une conjoncture difficile et dangereuse. Le Gouvernement a besoin de ce dialogue et le poursuivra. La France doit être unie face à la crise mondiale. Elle est l'une des cibles du terrorisme international et il est important de faire preuve d'une forte détermination pour aider les Français de l'étranger à surmonter ces épreuves.

Il a d'abord rappelé ses ambitions pour le ministère des Affaires étrangères, qui doit être l'instance de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de la France, et ce, pour trois raisons.

Premièrement, l'action extérieure de la France s'inscrit dans un monde complexe, dangereux et instable, qui doit, d'une part, répondre, politiquement et globalement, aux défis de l'après 11 septembre, et, d'autre part, faire face, dans l'urgence, à des problèmes complexes, en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique... Face à ces impératifs, la capacité de synthèse, la vision globale des différents champs de l'action internationale résident au ministère des Affaires étrangères.

Deuxièmement, la France a une responsabilité particulière, car son influence va au-delà de son statut de moyenne puissance ; elle est une alternative attendue aux visions manichéennes ; on le constate à chaque déplacement. Cependant ce message ne peut être conçu par une mosaïque de services de l'Etat à l'étranger ; il doit être cohérent. La dispersion n'est pas le fait du ministère des Affaires étrangères car, dans la plupart des pays, ses effectifs sont inférieurs à ceux des autres administrations. La complexité des enjeux et la globalité de la réponse impliquent une unité de conception, d'animation et d'évaluation qui doit s'incarner localement par les chefs de mission diplomatique et, au plan national, par le ministère des Affaires étrangères. Cette unité passe à l'étranger par l'autorité renforcée des ambassadeurs, dans le respect des attributions que les services tiennent de la loi.

Troisièmement, pour que le ministère des Affaires étrangères soit l'instance de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de la France, il doit être pilote dans la réforme de l'Etat comme s'y est engagé le Gouvernement. L'optimum budgétaire implique d'ailleurs la nécessaire cohérence des services publics à l'étranger pour répondre à un impératif de modernisation et d'efficacité.

Quatrièmement, il faut que les Français de l'étranger disposent de représentations sécurisées, réactives et informées, l'impératif de sécurité étant prépondérant.

Le Ministre a ensuite indiqué le contenu de la lettre de mission du Premier ministre du 11 septembre dernier, qui assigne trois orientations : la réforme du droit d'asile, la réorganisation de la représentation de l'Etat à l'étranger et la mise en place d'une chaîne d'information télévisée en continu. Ce sont trois volets d'une même politique : modernité, cohérence et universalité du message politique de la France.

Abordant la réforme de l'action extérieure, annoncée lors de la conférence des ambassadeurs, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'elle comprendrait cinq aspects.

Le premier définit l'action extérieure de l'Etat, impliquant, dès la mise en _uvre de la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001, d'exploiter cette opportunité donnée par le Parlement.

Le deuxième chantier concerne le réseau extérieur des administrations publiques dont la cohérence et l'efficacité doivent être renforcées, pour le réseau diplomatique et consulaire comme pour tous les autres services de l'Etat, car le ministère des Affaires étrangères compte 268 ambassades, représentations et consulats, et les autres services de l'Etat 438 implantations.

Au-delà de la carte des réseaux, l'externalisation, le regroupement des attributions, ou le rapprochement des fonctions devront être favorisés.

En outre, il convient de déconcentrer et de globaliser les crédits, d'améliorer les chaînes de contrôle, de mieux gérer les ressources humaines : mobilité, formation, filières de métiers. Rappelant les progrès déjà accomplis, le Ministre des Affaires étrangères a estimé qu'il convenait de les poursuivre. Un agenda resserré pour la réforme doit entrer en vigueur pour l'été 2003.

Ce programme repose sur deux principes : efficacité dans la concertation et réalisme, car le budget 2003 est un budget de transition, puisque, dans une conjoncture difficile, le Gouvernement s'efforce d'honorer ses engagements vis-à-vis des Français comme de nombreux pays en voie de développement. Or, l'héritage laissé comptait de nombreuses dotations budgétaires sous-évaluées et régulièrement réabondées en collectifs budgétaires : la vérité des crédits - à rétablir - a un coût que l'on paie aujourd'hui.

Aussi a-t-il a été convenu que le ministère des Affaires étrangères accentuerait son effort de modernisation lors de la prochaine négociation budgétaire.

Puis, le Ministre des Affaires étrangères a présenté les grandes lignes du budget du ministère des Affaires étrangères pour 2003, marqué par la sincérité, la cohérence, le redressement de l'aide publique au développement, les responsabilités de la France à l'étranger et la sécurité des Français à l'étranger.

Il a exposé que le projet de budget s'élevait à 4,11 milliards d'euros (+ 484 millions d'euros par rapport à la LFI 2002, soit + 13,4%) et qu'il passait ainsi de 1,5% du budget de l'Etat contre 1,3% en 2002. Le Ministre des Affaires étrangères a souligné la première caractéristique de ce budget : la sincérité. Le souci de sincérité budgétaire explique la remise à niveau des dotations provisionnelles. Cette opération « vérité des crédits », réclamée depuis longtemps par la représentation nationale et la Cour des comptes, représente un effort substantiel : l'augmentation de 13,4% du budget se répartit entre 7,8% pour la « vérité » des crédits et 5,6% pour les mesures nouvelles. Les crédits FED augmentent de 277,5 millions d'euros ; les rémunérations et charges sociales et les contributions obligatoires françaises sont garanties.

La sincérité des crédits passe par l'ajustement des crédits d'autres missions essentielles, tels l'Office de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA + 25%) et l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE + 8%).

Le Ministre des Affaires étrangères a souhaité que la vérité des crédits se traduise par l'absence de régulation ou de gel l'an prochain. Il a déploré que le gel des crédits en 2002 ait atteint une ampleur inégalée (150 millions d'euros) impliquant le blocage des actions françaises de coopération, de l'aide sociale aux Français en difficulté, de l'amélioration de la condition des personnels de recrutement local, etc. Si le ministère délégué au Budget ne donne pas satisfaction aux demandes de dégel, la plupart des dossiers seront sinistrés.

Soulignant la nécessité de mieux coordonner l'action extérieure de l'Etat, pour assurer notamment une gestion plus rationnelle des crédits qui lui sont affectés, le Ministre des Affaires étrangères a regretté que les crédits du Fonds mondial sida - tuberculose - paludisme soient imputés au budget du ministère de l'Economie et des Finances, qu'une partie de ceux de l'aide alimentaire dépendent de ceux du ministère de l'Agriculture et que ceux des contributions obligatoires aux institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI) soient gérés, presque unilatéralement, par le ministère de l'Economie et des Finances.

La plus grande cohérence de l'action extérieure était la deuxième caractéristique du budget. Il faut amplifier l'effort de modernisation déjà entrepris et mobiliser le réseau à l'étranger et l'administration centrale. Le ministère des Affaires étrangères a fortement contribué à la réduction des effectifs publics : près de 1 000 emplois ont été restitués depuis dix ans, dont 400 entre 1996 et 2002. Le système d'information a progressé, grâce à l'Intranet du ministère. Un nouveau système intégré et sécurisé de délivrance des visas est lancé... Ces efforts sont des gages de productivité accrue, de sécurité renforcée, de rapidité dans l'action. Il faut étendre cette dynamique à toute la gestion.

M. Dominique de Villepin a ensuite évoqué la troisième caractéristique du budget : le redressement de l'aide publique au développement, qui a chuté de 0,57% du PIB en 1994 à 0,32% en 2000. L'engagement du Président de la République devra être tenu et l'APD majorée de 50% en cinq ans pour parvenir à 0,7% du PIB en dix ans. Avec le Projet de loi de finances de 2003, elle devrait atteindre 0,39% du PIB.

Il a rappelé que l'augmentation de la contribution au FED en 2003 (+ 277 millions d'euros) correspondait aux engagements pris à l'égard des Etats ACP aux accords de Cotonou. Cependant, la FED mobilise une part importante de l'effort en matière d'APD et les critiques justifiées sur la lenteur des décaissements du FED ont été entendues : une réforme d'envergure est engagée par la Commission.

La DGCID assurera un suivi plus attentif des projets et des engagements du FED. La montée en puissance des contrats désendettement-développement dans le cadre de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE) (91 millions d'euros), et surtout la forte augmentation des autorisations de programme (AP) du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et de l'Agence Française de développement (AFD) (+ 25%, soit 190 millions d'euros pour chacun des deux chapitres), traduit l'effort de relance de l'aide bilatérale.

Sur les crédits du titre IV, des mesures nouvelles significatives sont proposées au titre de l'aide alimentaire, de l'aide budgétaire et des dons à l'ajustement structurel. L'Afrique subsaharienne et les PMA devraient représenter plus de 50% de l'enveloppe de la programmation 2003.

Soulignant la nécessité de redonner à la France les moyens de tenir son rang et son rôle, notamment à l'égard du système des Nations unies et de la promotion de la diversité culturelle, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que celle-ci, membre permanent du Conseil de sécurité, devait retrouver son rang dans les organisations internationales, mais que cela avait un coût, d'où l'importance des contributions obligatoires, portées à 678 millions d'euros (+ 10% par rapport à la LFI 2002). Un effort supplémentaire devra être ultérieurement consenti en faveur des contributions volontaires - contraintes par la conjoncture budgétaire au maintien de la dotation au niveau 2002 (86 millions d'euros).

Le Ministre des Affaires étrangères a considéré que, dans un monde parfois insuffisamment tolérant à l'égard des autres cultures, la responsabilité particulière de la France passait par son action culturelle et linguistique. Le réseau diversifié de plus de 1 000 Alliances françaises, 151 instituts ou centres culturels et 27 instituts de recherche, constitue à cet égard un des avantages comparatifs. En outre, le Président de la République annoncera au sommet de Beyrouth un soutien accru au Fonds multilatéral unique de la Francophonie, déjà doté à hauteur de 37 millions d'euros.

La responsabilité particulière de la France lui impose de faire mieux connaître sa position sur les grandes questions internationales et la diversité culturelle ; ses propositions doivent être mieux connues et il convient d'aller au-delà de l'action menée par les opérateurs audiovisuels traditionnels (RFI, TV5, CFI). Une chaîne d'information continue en français et en arabe, destinée prioritairement aux pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, sera lancée en début d'année prochaine.

Le Ministre des Affaires étrangères a enfin estimé que, dans un monde plus dangereux, l'action en faveur des Français de l'étranger était une priorité. Le réseau d'enseignement français à l'étranger, outil d'influence incomparable (l'AEFE représente plus de 158 000 élèves scolarisés, dont 68 000 de nationalité française, avec un nombre croissant d'enfants français, + 1 000 par an en moyenne) devrait être préservé. Les écoles françaises à l'étranger jouent un rôle essentiel pour la scolarisation des enfants à l'étranger, mais aussi pour la formation des élites locales. C'est le cas du lycée de Kaboul ou de celui d'Alger, rouverts en 2002.

A cet égard, M. Dominique de Villepin a indiqué que les crédits de l'AEFE (338 millions d'euros) augmentaient de 7,7% par rapport à 2002, mais que les besoins excédaient le montant de ces mesures nouvelles ; il s'est dit préoccupé par la fragilité découlant d'un fonds de roulement limité à 6 jours.

Il a estimé nécessaire de renforcer les dispositifs de sécurité des Français à l'étranger, par le recrutement de gendarmes et de gardes de sécurité, l'aménagement des accès, l'acquisition de matériel de sécurité (masques à gaz, radios, vivres). Ces actions de prévention devraient augmenter de 32% par rapport à 2002.

Selon lui, il convient de rester solidaire à l'égard des Français de l'étranger, d'assurer le rapatriement et l'accueil des Français atteints dans leur vie, d'accroître l'effort en faveur des plus démunis, pour leur réinsertion sociale. Les crédits d'assistance aux Français de l'étranger devraient s'élever à 24 millions d'euros, en progression de 4,3%.

Le Ministre des Affaires étrangères a enfin souligné que le Quai d'Orsay apportait sa contribution à la maîtrise des flux migratoires. Une réforme ambitieuse du droit d'asile sera soumise prochainement à l'approbation du Parlement, afin d'améliorer la condition des demandeurs d'asile, d'assurer la reconduite effective à la frontière des personnes déboutées, et de résorber le stock des dossiers de demandes (près de 60 000). La dotation destinée à l'OFPRA devrait augmenter de 7,7%.

Il s'est montré préoccupé par la situation du réseau consulaire en raison de l'augmentation de la pression des demandes de visas, avec la charge supplémentaire du paiement a priori des dossiers à partir du 1er janvier 2003. Même si la rationalisation de l'activité de délivrance des visas a été engagée, elle n'aura d'effets qu'à moyen terme. Aussi, la question du renforcement des moyens budgétaires alloués à ce volet précurseur de la lutte contre l'immigration devra être étudiée rapidement.

En conclusion, M. Dominique de Villepin a estimé que le projet de loi de finances initiale pour 2003 représentait un budget des Affaires étrangères tourné vers l'avenir.

Même si des interrogations pouvaient notamment subsister sur le redéploiement du dispositif d'enseignement français à l'étranger, l'aptitude des consulats à endiguer le flot de demandes de visas, le niveau des contributions volontaires aux organisations internationales, l'essentiel des marges budgétaires disponibles avait été alloué à des actions essentielles, comme l'aide au développement, la sécurité, l'immigration, la modernisation, préservant ainsi les métiers essentiels de la diplomatie.

M. Roland Blum a salué l'ambition réaffirmée par le Ministre des Affaires étrangères de rationaliser l'organisation de la représentation française à l'étranger dont le défaut majeur est l'éparpillement géographique dans une même ville de la chancellerie et des missions économique, culturelle et militaire. Cette ambition, pour avoir été commune à tous les prédécesseurs au ministère des Affaires étrangères et peu couronnée de succès, dispose-t-elle enfin des moyens nécessaires à sa concrétisation ?

En outre, est-il prévu de renforcer la présence audiovisuelle française à l'étranger, dont le seul vecteur demeure TV5, qui, de plus, n'émet pas partout ?

M. Richard Cazenave a souligné la nécessité de reconsidérer à la hausse les contributions volontaires de la France aux organisations internationales inscrites au budget du ministère des Affaires étrangères. A cet égard, il a demandé s'il existait une stratégie sur la méthodologie et comment la Commission des Affaires étrangères pouvait y être associée.

Par ailleurs, ayant eu l'occasion de visiter un certain nombre de consulats français à l'étranger, il s'est interrogé sur les convergences possibles avec les différents partenaires européens dans l'espace Schengen.

M. Pierre Lequiller a soulevé la question de la chaîne d'information en continu, de son fonctionnement et des zones où elle sera captée.

S'agissant de la nécessité de réfléchir à un redéploiement des établissements scolaires à l'étranger, il a remercié le Ministre des Affaires étrangères de bien vouloir faire le point en la matière. Il s'est en outre demandé si une mise en commun des efforts en investissements et en fonctionnement des établissements scolaires des différents pays européens ne permettrait pas de conjuguer la nécessité d'augmenter notre réseau à l'étranger, de mettre en synergie nos crédits et de créer des établissements européens.

M. Jacques Myard a regretté la chute des crédits du ministère des Affaires étrangères ces dix dernières années, qui a notamment touché durement les effectifs. A cet égard, il a demandé au Ministre des Affaires étrangères de bien vouloir détailler les mesures inscrites au projet 2003 en la matière.

Critiquant la pensée unique appliquée à notre carte diplomatique, il a estimé que plus la coopération européenne se faisait forte, plus la France devait marquer sa présence à l'étranger, par le rayonnement de sa langue et le développement de ses intérêts économiques, philosophiques et politiques.

Enfin, il a regretté la vente du château d'Ehrnich à Bonn pour financer l'ambassade de Berlin.

Mme Martine Aurillac a souhaité savoir dans quelles conditions se présentait le sommet de la Francophonie à Beyrouth et quelles étaient les perspectives de l'élection du nouveau Secrétaire général de la Francophonie.

M. Guy Lengagne a regretté l'état de délabrement de certains centres culturels français à l'étranger. A cet égard, il a souligné qu'il avait visité il y a quelques années à Aden la maison d'Arthur Rimbaud qui avait été rachetée par la France pour en faire un centre culturel, qui, mis en location, était devenu « Rambo Hôtel ». Il a ainsi déploré la baisse significative des crédits affectés à ces centres dans le projet de budget pour 2003.

M. Dominique de Villepin a considéré que les doutes sur la crédibilité d'une réforme souvent annoncée de l'action extérieure de l'Etat étaient compréhensibles. Mais la conjoncture actuelle est favorable. Tout d'abord, tous les responsables publics sont conscients de la nécessité, dans un monde instable, de développer une véritable synergie d'ensemble, dans le cadre de moyens constants et de renforcer l'efficacité de notre action extérieure.

Cet impératif est particulièrement évident au sein de l'Union européenne, où les structures de notre réseau diplomatique ont peu évolué depuis le début du siècle dernier. Il conviendra de tirer toutes les conséquences de la construction européenne dans la rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire et se demander par exemple s'il ne faudra pas réduire nos effectifs dans les pays de la nouvelle Europe. De même peut-on s'interroger sur la carte consulaire, à l'intérieur de l'Union européenne, car il doit être possible de faire des regroupements sans réduire la qualité du service.

M. Dominique de Villepin a insisté sur la nécessité de la coordination pour être à même de faire des choix politiques et d'exercer une capacité de décision.

Sur l'audiovisuel extérieur, beaucoup a déjà été fait pour réformer TV5 qui a été modernisée et dont les programmes ont été repensés, donnant une plus grande part à l'information. Mais, il ne faut pas oublier que TV5 a un statut particulier, il s'agit d'une institution multilatérale, francophone. Le projet de chaîne d'information en continu est encore dans les limbes. Alors que ce secteur est déjà assez hétéroclite, il faudra veiller à ce que cette nouvelle chaîne ne se superpose à l'existant. Une démarche progressive semble la plus utile : d'abord diffuser cette chaîne en français et en arabe dans des zones où il y a un manque et où l'investissement sera immédiatement valorisé, comme l'Afrique du Nord, pour éventuellement ensuite élargir ses ambitions.

En ce qui concerne l'ensemble des contributions aux organisations internationales, une mission conjointe a été confiée à l'Inspection générale des Finances et à celle des Affaires étrangères pour détailler et analyser l'allocation la plus efficace des moyens qui leur sont consacrés. Pour 2003, la dotation des contributions volontaires inscrite au budget des Affaires étrangères a été reconduite, faisant de la France seulement le douzième contributeur alors qu'elle est le quatrième pour les dotations obligatoires, ce qui n'est pas sans conséquence pour notre influence au sein de ces enceintes.

M. Dominique de Villepin a estimé que les projets de lycées à l'étranger commun à plusieurs pays européens ne pouvaient réussir que ponctuellement du fait des besoins divergents de ces pays, de leurs pédagogies différentes et de la difficulté de travailler dans une structure commune. Cela est cependant envisageable dans des cas particuliers (pays en crise, faible présence d'étrangers...).

En ce qui concerne les personnels du ministère, leur diminution nette recouvre des redéploiements. Plusieurs postes ont ainsi été créés dans les secteurs stratégiques de la sécurité et de la modernisation. Plus globalement, le ministère ne remplace pas systématiquement les départs en retraite.

M. Dominique de Villepin a indiqué que le ministère des affaires étrangères avait cherché un opérateur susceptible de gérer un éventuel centre culturel installé dans le château d'Ehrnich, mais sans succès.

S'agissant du Sommet de Beyrouth, à l'occasion duquel doit être désigné le futur Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, un accord semble se dessiner autour du nom de l'ancien Président sénégalais Abdou Diouf.

En ce qui concerne le budget des centres culturels, la dotation a été maintenue, la baisse constatée traduisant un changement de nomenclature budgétaire.

Enfin, M. Dominique de Villepin a précisé que le « Rambo hôtel » n'était pas en réalité l'ancienne demeure d'Arthur Rimbaud, ce qui pouvait atténuer les regrets liés à l'absence de notre centre culturel à Aden.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 5 novembre 2002, la Commission a examiné pour avis les crédits des Affaires étrangères pour 2003.

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a présenté les grandes orientations du budget des affaires étrangères. L'augmentation de 13,4 % des crédits résulte pour 5,6 % de mesures nouvelles, effort qui contraste avec la période précédente, et pour 7,8 % d'abondements de crédits qui étaient chroniquement sous-dotés en loi de finances initiale, leur financement intervenant en loi de finances rectificative. Ainsi, les dotations obligatoires aux organisations internationales et les crédits alloués au Fonds européen de développement (FED) ont été fixés pour 2003 en fonction des besoins réels dans un effort de sincérité.

Le Rapporteur a estimé que le projet de loi de finances reflétait les priorités de la politique étrangère de la France, dans le domaine de l'aide au développement par exemple ou de la politique en faveur des Français de l'étranger et des étrangers en France.

En ce qui concerne l'Aide publique au développement (APD), le Président de la République a décidé une rupture avec la tendance précédente et a fixé pour objectif l'augmentation de 50 % de l'APD de la France pendant le quinquennat, pour parvenir à l'objectif très ancien de 0,7 % du PIB dans dix ans. Dès cette année, cette orientation se traduit par une augmentation des crédits multilatéraux, via le FED, mais également par une relance de l'aide bilatérale : les autorisations de programme destinées à l'Agence française de développement (AFD) et au Fonds de solidarité prioritaire (FSP) augmenteront de 25 % et un nouvel instrument d'aide bilatérale, les contrats de désendettement-développement (C2D), a été créé pour aider les pays les plus endettés.

M. Richard Cazenave a ensuite évoqué la hausse des crédits d'aide aux Français de l'étranger et ceux destinés à l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE). L'augmentation de 7,7 % des dotations allouées à l'AEFE vise à financer des mesures indemnitaires obtenues par les professeurs « résidents », et dont le financement n'avait pas été prévu jusque là. Cependant, dans le même temps il est demandé à l'AEFE de « rationaliser » son réseau afin de réaliser 6,4 millions d'euros d'économies, ce qui devrait passer malheureusement par le déconventionnement de plusieurs établissements, voire leur fermeture. C'est pour éviter cela que la Commission des Affaires étrangères a adopté un amendement présenté par M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis des crédits des Relations culturelles internationales et de la Francophonie, mais déclaré irrecevable par la Commission des finances.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation de 25 % de la subvention accordée au budget de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Cette augmentation permettra notamment l'embauche de 66 nouveaux agents, ce qui cependant semble insuffisant pour résorber complètement le stock, préalable indispensable au succès de la réforme du dispositif d'asile. Cette mesure aura pour conséquence la création d'un guichet unique à l'OFPRA, qui sera compétente pour l'ensemble des demandes d'asile (conventionnelle ou territoriale).

M. Richard Cazenave a indiqué que le budget 2003 était un budget de transition et qu'il n'était pas possible de remédier à tous les problèmes dès la première année.

Ainsi, le problème de la régulation budgétaire persiste : ce phénomène est malheureusement devenu traditionnel. A cet égard, il conviendrait que le Parlement complète la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 par un dispositif encadrant plus démocratiquement le système de gel des crédits. Il a également souligné que le ministère des Finances était dans une situation où il est juge et partie : ainsi, sur le terrain, l'ambassadeur est contraint de bloquer en cours d'année certaines des actions en cours, alors que le chef de la mission économique, service qui relève du ministère des Finances, peut utiliser toute sa dotation.

M. Richard Cazenave a ensuite regretté la faiblesse persistante des contributions volontaires de la France aux organisations internationales, qui fragilise sa position dans ces enceintes, ainsi que la baisse des crédits de coopération militaire.

Abordant la question de la réforme de l'action extérieure de l'Etat, il a insisté sur le volontarisme exprimé par le Ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, pour mettre en _uvre davantage de coordination et d'interministérialité.

En effet, la dispersion des moyens de l'action extérieure de l'Etat est indéniable : douze ministères différents disposent d'un réseau à l'étranger, alors que seulement 47 % des crédits d'action extérieure de l'Etat figurent dans le budget du ministère des Affaires étrangères.

La volonté du Ministre de rationaliser l'outil extérieur français doit donc être appuyée, cela passera par une réforme profonde des différents réseaux participant à l'action extérieure de l'Etat. Le Ministre a déjà fait part de sa volonté d'intégrer, à terme, au sein de nos ambassades l'ensemble des services de l'Etat.

Le Rapporteur a indiqué que l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 pouvait être utilisée pour accompagner la réforme de l'action extérieure de l'Etat. La nouvelle nomenclature budgétaire sera organisée autour des missions et des programmes : les missions vont ainsi permettre de passer d'un budget de moyens, présentant les crédits par nature de dépenses, à une logique d'objectifs et de résultats. Par ailleurs, ces missions pourront être interministérielles afin de permettre au Parlement de voter des crédits par objectif. Il serait donc souhaitable que soit mise en place une mission comprenant l'ensemble des crédits d'action extérieure de l'Etat.

En ce qui concerne les programmes, M. Richard Cazenave a exprimé sa préférence pour un découpage par objectif identifiable, plutôt que par destination géographique des crédits.

Il a conclu en rappelant que ce budget permettait de répondre aux objectifs et aux ambitions de notre diplomatie. D'ores et déjà les initiatives prises par le Président de la République et le Ministre des Affaires étrangères témoignent d'une politique extérieure profondément rénovée. La France a repris l'initiative sur la scène internationale, ce qui est une motivation supplémentaire pour réformer l'action extérieure de l'Etat.

M. Jacques Myard a fait observer que si le budget 2003 était meilleur que les précédents, des efforts restent à faire ; le ministère des Affaires étrangères est un ministère régalien, un outil déstiné à l'expression d'une politique.

Puis il a rappelé que, s'agissant du rôle des ambassadeurs, il ne fallait pas oublier que le décret de 1979 leur octroie des pouvoirs pour coordonner l'action de la France à l'extérieur, mais qu'ils n'utilisent pas toujours.

Enfin, M. Jacques Myard a souligné qu'il allait déposer au service de la séance des amendements portant sur le budget des Affaires étrangères et destinés à rétablir des annulations de crédits. Ils concernent les chapitres 33-92, 37-85, 42-13, 42-14 et 42-15, mais également le chapitre 37-93 qui a été supprimé. Ce chapitre portait sur les crédits afférents aux indemnités des représentants français au Parlement européen et ceux-ci ont été transférés au budget des charges communes. M. Jacques Myard a considéré que ce transfert était une erreur car il tend à renforcer l'idée d'une distanciation entre l'Europe et les citoyens.

M. Michel Delebarre a souhaité apporter sa contribution aux pistes dégagées par le Rapporteur. A cet égard, il a souligné combien la coopération décentralisée devait être mieux saluée comme une contribution importante de la France dans les relations bilatérales, d'autant que son concours est parfois supérieur aux capacités nationales déployées dans certains pays. Il y a donc tout intérêt à la coordonner et à l'harmoniser avec l'action de la France dans les pays où elle s'applique.

M. François Loncle a dénoncé un mauvais budget, exception faite de la progression remarquable de l'APD. En effet, certaines actions, comme la représentation culturelle de la France à l'étranger ou encore son effort sur la scène audiovisuelle internationale, sont insuffisamment dotées. Le pourcentage consacré par le budget national aux crédits des Affaires étrangères n'est pas suffisant, alors que, après un déclin pénible de 1995 à 1999 inclus, la mobilisation avait été forte à partir d'avril 2000 et jusqu'en 2002 amenant à une cessation de ce déclin.

M. Jean-Claude Lefort a indiqué qu'il ne pouvait pas suivre le Rapporteur dans son raisonnement sous peine d'aboutir à un vote contre son budget tellement ses objections et ses critiques sont nombreuses. Ce budget est en nette augmentation, et même si on peut être critique sur le FED qui brouille l'image de la France, la francophonie ou encore la coopération décentralisée, il a précisé qu'il ne voterait ni contre ni pour.

M. Richard Cazenave a répondu à M. Jacques Myard qu'il craignait que ses amendements ne soient pas recevables car il n'est apparemment possible de rétablir des crédits supprimés qu'au niveau du titre, et non du chapitre, ce qui explique l'irrecevabilité de l'amendement adopté par la commission sur l'AEFE. Or, il faut noter que cette année, tous les titres sont en augmentation.

Concernant la coopération décentralisée, il existe une Commission nationale de la coopération décentralisée qui comprend des représentants de l'Etat et des collectivités locales. De plus, les collectivités locales ont des relations étroites avec les services de l'Etat à l'étranger et la coordination progresse.

Sur les crédits culturels, la baisse ne concerne que l'audiovisuel et elle est infime. D'ailleurs dans ce domaine, le principal effort à faire est d'abord qualitatif.

M. Richard Cazenave s'est réjoui des propos de M. Jean-Claude Lefort qui a bien voulu reconnaître des aspects positifs à ce bon budget, même s'il a tort quand il dit que le Rapporteur estime ce budget insuffisant.

Le Président Edouard Balladur a établi un parallèle entre la situation des ambassadeurs et celle des préfets. Alors que le rôle de coordination du représentant de l'Etat dans le département sur l'ensemble des services est prévu par les textes, son autorité est surtout reconnue dans les domaines relevant du ministère de l'Intérieur et les différentes directions départementales agissent le plus souvent directement avec leur ministère de tutelle. Les ambassadeurs voient de la même façon leur autorité limitée aux seuls agents du ministère des Affaires étrangères et leur pouvoir de coordination ne peut véritablement s'exercer sur l'ensemble des services de l'Etat présents à l'étranger.

Il est ensuite revenu sur le problème de la régulation budgétaire, pratique constante des différents gouvernements, qui ne devrait toutefois pas intervenir durant le premier trimestre de l'année d'exécution du budget, car elle remet en cause la portée du vote de la loi de finances par les assemblées parlementaires. La récente réforme de la procédure budgétaire n'ayant pas traité cette question, il convient, en relation avec le Président de la Commission des finances et le Ministre du Budget, de définir un cadre plus clair pour l'avenir.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des Affaires étrangères pour 2003.

 

N° 0259 - 02 - Avis de M. Richard Cazenave sur le projet de loi de finances pour 2003 - Affaires étrangères


- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires



© Assemblée nationale

En 2001, 48 000 étrangers ont demandé le statut de réfugié à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) contre 23 000 en 1998. Par ailleurs, 31.000 ont demandé l'asile territorial, créé par la loi RESEDA de 1998, en préfecture.

Au nombre de 7 (Vancouver, Miami, Houston, Atlanta, Osaka, Dubaï, Bombay), ces postes sont dirigés par un chef de poste qui est la fois consul général et conseiller commercial.

Les consulats français commenceront à percevoir ces frais de dossier à partir du 1er janvier 2003.