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mis en distribution
le 13 novembre 2002
N° 256
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR
LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230),
PAR M. GILLES CARREZ,
Rapporteur Général,
Député.
--
ANNEXE N° 3 (2ème partie)
AFFAIRES ÉTRANGÈRES :
COOPERATION et DEVELOPPEMENT
Rapporteur spécial : M. Henri EMMANUELLI
Député
____
Lois de finances.
INTRODUCTION
I.- LA PRÉCÉDENTE LÉGISLATURE A VU LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE COOPÉRATION RÉFORMÉ ET LE NIVEAU D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT STABILISÉ
II. LA FRAGILE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
A.- LA MONTÉ EN PUISSANCE DU DISPOSITIF D'ALLÈGEMENT DE LA DETTE
1.- Le dispositif pays pauvres très endettés (PPTE)
2.- Le volet bilatéral français sur la dette : les contrats de désendettement et de développement (C2D) 5
a) Les contrats conclus ou en voie d'être conclus : 5
Ouganda 6
(en millions d'euros) 6
Pays 6
(estimation) 6
Montant du C2D 6
Point d'application 6
Bolivie 6
fin 2002 6
- Participation au Fonds d'investissement productif et social (FPS) qui finance les projets d'investissement des communes dans le cadre du CSLP : santé (construction d'un ou deux hôpitaux, équipement) 6
Mauritanie 6
Septembre 2002 6
b) Les échéances annuelles 2002-2005 6
c) les difficultés de mise en _uvre 7
B.- L'ACCÉLÉRATION DES DÉCAISSEMENTS DU FONDS EUROPÉEN DE DÉVELOPPEMENT (FED) 8
1.- La réforme de la gestion de l'aide communautaire 8
a) Pourquoi réformer ? La crise de croissance de l'aide communautaire 8
b) Une approche plus stratégique de l'aide communautaire 9
c) La réforme des outils 10
d) La poursuite des "3C" : cohérence, coordination et complémentarité 11
2.- Bilan et principales opérations du FED 12
3.- Contributions de la France au FED 12
C.- LE FONDS DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE (FSP) 13
D.- L'AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (AFD) 17
1.- Le plan d'orientation stratégique 17
2.- Les crédits inscrits au chapitre 69-93 : une hausse incertaine 19
E.- LES AUTRES CRÉDITS DE COOPÉRATION STAGNENT OU SONT EN LÉGÈRE BAISSE 19
1.- La coopération culturelle, scientifique et technique 19
2.- La coopération militaire 20
3.- La coopération décentralisée 22
4.- Le soutien aux organisations de solidarité internationale (OSI) 22
EXAMEN EN COMMISSION 24
Sur une base strictement bilatérale et conformément aux engagements pris lors de la réunion des Ministres des Finances du G7 à Cologne, la France procède au refinancement par dons de la totalité de ses créances d'aide publique au développement sur les pays éligibles à l'initiative PPTE. Cet effort, qui va au delà de l'effort consenti dans le cadre de l'initiative PPTE, laquelle vise à rendre la dette des pays bénéficiaires soutenable, permet de leur apporter des marges de man_uvre supplémentaires pour leur action de lutte contre la pauvreté et de réduction des inégalités dans le cadre d'un contrat pluriannuel avec notre pays, dénommé « contrat de désendettement et de développement » (C2D). Ces contrats ont pour but de rendre notre effort financier à la fois plus légitime vis-à-vis des populations locales en consacrant les sommes ainsi dégagées à des programmes de réduction de pauvreté conformes au DSRP du pays, et plus transparent grâce à une étroite association des acteurs des société civiles du pays bénéficiaire et de la France.
23 pays ont une dette APD à l'égard de la France sur les 38 éligibles à l'Initiative PPTE, et sont donc concernés par le C2D, les plus importants étant la Côte d'Ivoire (1,4 milliard d'euros) et le Cameroun (1,1 milliard d'euros).
Quatre domaines principaux d'affectation sont privilégiés :
- l'éducation de base et la formation professionnelle;
- les soins de santé primaires et la lutte contre les grandes endémies, au premier chef la lutte contre le Sida;
- les équipements et infrastructures des collectivités locales;
- l'aménagement du territoire et la gestion des ressources naturelles.
Les contrats de désendettement et de développement sont mis en _uvre à partir du point d'achèvement. Leur élaboration doit satisfaire un objectif d'efficacité garantissant des décaissements rapides.
A ce jour, deux C2D ont été conclus par la France, avec le Mozambique (novembre 2001) et l'Ouganda (mars 2002). Mais deux nouveaux C2D doivent être conclu avant la fin de l'année 2002, avec la Mauritanie et la Bolivie.
En ce qui concerne les deux pays avec lesquels un C2D a déjà été conclu, les points d'application sont les suivants :
Pays |
Signature C2D |
Montant du C2D (M_) |
Points d'application |
Mozambique. |
11/01 |
30 |
- appui au système de santé primaire dans la région de Cabo Delgado - appui à la filière cocotier en Zambézie - pistes tertiaires dans les régions du Centre et du Nord - crédit rural décentralisé - lutte contre le Sida - Aide budgétaire non affectée (fonds commun multi-bailleurs) |
03/02 |
3,2 |
Santé, en particulier Sida, à travers le Fonds d'action contre la pauvreté |
Au titre de ces deux premiers contrats, les montants déjà versés aux pays s'élèvent à 7,9 millions d'euros pour le Mozambique, et de 1,15 million d'euros pour l'Ouganda.
Ces versements sont imputés sur le chapitre 41-43-30 du budget des Affaires étrangères. Toutefois, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a décidé la création, à partir de 2003, d'une ligne budgétaire spécifique pour le financement des C2D.
En ce qui concerne les C2D à venir en 2002 pour lesquels les travaux sont les plus avancés, les points d'application envisagés sont décrits ci-dessous :
Le calendrier des C2D est fonction de l'avancée des pays bénéficiaires dans l'initiative PPTE renforcée, et de leur date anticipée d'atteinte du point d'achèvement :
CALENDRIER DES POINTS D'ACHÈVEMENT ET MONTANTS
ESTIMATIFS DES ÉCHÉANCES 2002-2005
(en millions d'euros)
Point d'achèvement (hypothèse) |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Total | |
Bolivie |
Atteint |
3 |
2 |
2 |
2 |
9 |
Burundi |
2004 |
- |
- |
2 |
4 |
6 |
Cameroun |
2003/04* |
- |
43 |
99 |
98 |
240 |
Congo |
2004 |
- |
- |
12 |
24 |
36 |
RDC |
2005 |
- |
- |
- |
11 |
11 |
Côte d'Ivoire |
2003/04 |
- |
- |
151 |
152 |
303 |
Ghana |
2003/04 |
- |
3 |
3 |
2 |
8 |
Guinée Conakry |
2003 |
- |
15 |
15 |
14 |
44 |
Madagascar |
2002/03 |
- |
9 |
9 |
9 |
27 |
Mauritanie |
2002 |
2,5 |
5 |
5 |
5 |
17,5 |
Mozambique |
Atteint |
9 |
10 |
10 |
10 |
39 |
Ouganda |
Atteint |
1,5 |
1 |
1 |
1 |
4,5 |
Rwanda |
2003 |
- |
2 |
2 |
2 |
6 |
Tanzanie |
Atteint |
0,5 |
1 |
1 |
1 |
3,5 |
C2D - dette APD |
16,5 |
91 |
312 |
335 |
754,5 |
Ce dispositif est soumis à plusieurs contraintes, comme notamment :
·_la faiblesse généralisée des administrations locales (puisque tous les financements C2D doivent être budgétés, ce qui nécessite un contrôle de la chaîne de la dépense et la définition d'indicateurs de suivi et d'impact appropriés) ;
·_le souci de s'intégrer dans les DSRP (Documents Stratégiques de Réduction de la Pauvreté) définis par les pays ;
·_la cohérence à promouvoir avec les autres instruments de la coopération française dans les pays ;
·_la nécessité de combiner plusieurs critères, comme la rapidité des décaissements (au moins au premier niveau), l'efficacité et la qualité des opérations financées, l'appropriation de l'aide par le pays, la traçabilité des fonds décaissés, la visibilité de l'aide française, la coordination et l'harmonisation des approches avec les autres bailleurs de fonds, et l'association de la société civile et des collectivités locales à la définition et à l'exécution des programmes.
Ce faisceau de contraintes entraîne un grand nombre de propositions de modalités opérationnelles :
·_les C2D doivent s'intégrer dans des programmes sectoriels, existants ou à susciter, dans un nombre limité de secteurs, avec les appuis institutionnels appropriés ;
·_le canal budgétaire à utiliser (entre aide-projet, aide budgétaire affectée, aide budgétaire non affectée) sera défini au cas par cas en fonction des contraintes du pays, des montants et des points d'affectation, avec cependant le souhait de considérer l'aide budgétaire affectée comme canal budgétaire privilégié ;
·_la répartition des rôles entre les différents intervenants français est maintenant clarifiée, sachant que les procédures de l'AFD s'appliqueront à l'instruction et à l'exécution des points d'affectation des C2D. Un Comité de pilotage C2D, réunissant le MAE, le MINEFI et l'AFD assurera la cohérence générale de la préparation et de la mise en _uvre des C2D. Il se réunira régulièrement et traitera aussi bien des aspects généraux et transversaux des C2D que des cas spécifiques de chaque pays ;
·_les représentants de la société civile et des collectivités locales seront étroitement associés à la préparation et à l'exécution des C2D ;
·_les secteurs d'affectation seront définis le plus tôt possible, en particulier par une mission conjointe d'orientation dans le pays, ce qui permettra d'étudier et de mettre en place les préalables et les appuis nécessaires pendant la période précédant le point d'achèvement.
L'augmentation de la contribution de la France au FED est l'une des principales raisons de la hausse de l'APD dans le projet de loi de finances pour 2003. On passe de 218,46 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2002 à 496 millions d'euros cette année. Il s'agit là d'une augmentation de 127%. Le montant inscrit en loi de finances initiale pour 2002 avait été sous-évalué et une dotation supplémentaire avait dû être effectué dans la loi de finances rectificative votée en juillet dernier. Cette montée en puissance des contributions au FED est en partie la conséquence des réformes de la politique européenne d'aide au développement adoptées sous présidence française en novembre 2000.
Jusqu'au milieu des années 80, l'aide communautaire était avant tout destinée aux pays ACP. La chute du mur de Berlin et le démantèlement de l'Union soviétique ont entraîné une extension des priorités géographiques au moment même où l'Union, se dotant d'une politique étrangère et de sécurité commune (PESC), affirmait sa vocation à développer une action extérieure globale. De nouveaux programmes communautaires ont été créés sans que la Commission ait systématiquement les capacités de pilotage et la culture de gestion qui lui auraient permis de faire face.
La crise de confiance qui a affecté l'ensemble des politiques d'aide au développement n'a donc pas épargné l'aide communautaire, renforcée par un sentiment diffus de méfiance à l'égard de la bureaucratie bruxelloise. Les critiques portaient parfois juste : elles soulignaient la lenteur de la mise en oeuvre de l'aide, la complexité des procédures, le manque de personnel qualifié, l'insuffisante coordination avec les aides des États membres et le défaut de stratégie qui réduisait la visibilité de l'aide communautaire, tant aux yeux des citoyens européens que des pays partenaires. Un fossé grandissant apparaissait entre les ambitions affichées par l'Union et la mise en oeuvre des politiques sur le terrain.
Certes, il faut bien reconnaître que la Commission est soumise aux injonctions paradoxales des États membres :
- qui lui reprochent sa bureaucratie, mais fixent par ailleurs des règles de contrôle contraignantes et pas forcément efficaces ;
- qui plaident en faveur de la rationalisation, mais s'émeuvent des conséquences des mesures envisagées dès que leurs opérateurs manifestent un mécontentement sur les changements de procédures ;
- qui exigent un comportement sans faille de la Communauté en matière de coordination, sans toujours assurer la réciprocité des échanges d'information ;
- qui multiplient les priorités politiques (réduction de la dette, fonds santé/sida, demain peut-être le NEPAD), sans veiller à ce que la Commission dispose des moyens effectifs (humains en particulier) pour les assumer.
De plus, tous les retards de décaissements ne peuvent être imputés à la partie européenne (aléas politiques dans les pays récipiendaires, problèmes de capacité d'absorption de l'aide, carences humaines et matérielles de l'ordonnateur national - d'où l'importance de la thématique du "capacity building"-).
Il reste qu'une révision de l'aide communautaire au développement s'imposait. En vue de renverser ces tendances négatives, un ambitieux processus de réforme de l'aide extérieure de la CE a été lancé, à la fois par le Conseil et la Commission. Ce processus combine une révision stratégique de la politique de développement de la Communauté et un vaste programme de réformes internes de gestion, afin d'adapter les moyens aux nouvelles priorités. Premier contributeur du FED, la France a joué un rôle déterminant dans l'engagement de ces réformes.
Afin de préserver et conforter la crédibilité et la légitimité politique de l'aide communautaire, il convenait en premier lieu de clarifier la stratégie et les priorités poursuivies.
Les États membres de l'Union souhaitent tous mettre la lutte contre la pauvreté au coeur des politiques de coopération. Pour autant, l'aide communautaire ne peut pas couvrir tous les domaines et doit recentrer ses interventions sur une liste plus limitée de secteurs prioritaires, en tenant compte de ses avantages comparatifs et en renforçant ses capacités de gestion. Pour mieux appréhender la mondialisation et les interdépendances environnementales, pour lutter contre les inégalités et l'exclusion, pour faciliter l'intégration des pays en développement dans les échanges mondiaux et pour prévenir, gérer et résoudre les conflits, l'Union européenne doit utiliser d'une manière beaucoup plus efficace et cohérente les instruments dont elle dispose (politique extérieure et de sécurité commune, commerce, aide).
Adoptée sous Présidence française de l'UE lors du Conseil "Développement" du 10 novembre 2000, la déclaration conjointe de la Commission et du Conseil sur la politique de développement de la Communauté vise à mieux définir la stratégie européenne d'aide au développement, notamment grâce à une approche plus stratégique et mieux identifiée de la coopération communautaire au développement :
- clarification des objectifs (lutte contre la pauvreté, intégration à l'économie mondiale et développement durable) ;
- et recentrage des activités de la Communauté sur une liste plus limitée de domaines (intégration régionale, commerce et développement, transports, appui aux politiques macro-économiques et accès aux services sociaux, sécurité alimentaire, appui institutionnel dans le domaine de l'État de droit).
Cette approche stratégique, largement inspirée du modèle de l'accord de Cotonou, est également reflétée dans la définition d'un agenda du développement plus précis : il est prévu que les Ministres chargés du développement examinent en mai de chaque année un programme d'action présenté par la Commission, tandis que celle-ci doit leur soumettre en novembre un rapport d'activité. Les conclusions du Conseil de novembre et ce rapport ont vocation à éclairer les discussions du Conseil affaires générales / relations extérieures de janvier, qui est l'occasion chaque année d'un débat d'orientation sur l'action extérieure de l'UE. Cette série de rendez-vous favorisera une régulière remise en perspective de l'aide communautaire au développement.
En janvier 2001, l'Office EuropeAid a été créé, chargé du suivi de l'ensemble du cycle du projet (de l'identification à l'évaluation) pour tous les programmes communautaires, à l'exception de la programmation qui reste effectuée par les Directions générales Relations extérieures et Développement. La mise en place de l'Office EuropeAid, qui reste un service de la Commission, a entraîné d'importants mouvements de personnels, des Directions et des 49 Bureaux d'assistance technique (BAT, progressivement démantelés) vers l'Office, dont les effectifs s'élèvent à 1200 personnes. Cette réforme représente un important défi pour la Commission. A brève échéance, elle devrait permettre d'améliorer très significativement la gestion de l'aide communautaire.
La mise en place d'EuropeAid s'accompagne d'une vaste déconcentration des pouvoirs de Bruxelles vers les délégations de la Commission sur le terrain. Cette réforme a débuté en 2001 et prendra fin en 2003. Elle concerne dans un premier temps les crédits des programmes régionaux (FED, mais aussi ALA, MEDA, TACIS, CARDS, PERD). Elle s'étendra, à terme, aux programmes "horizontaux" (aide alimentaire, droits de l'homme, etc.). La déconcentration développera les capacités administratives, financières et techniques et le niveau de responsabilité des délégations. Elles seront mieux à même, par leur présence sur le terrain, de contribuer au renforcement de la pertinence et de l'efficacité de la coopération européenne. A terme, les délégations seront sensiblement étoffées (une quinzaine de personnes supplémentaires par délégation), tandis que les effectifs d'EuropeAid seront ramenés à 600 personnes.
Cette réorganisation institutionnelle autour d'un double mouvement d'unification des services centraux opérationnels et de déconcentration vers le bas se réalise à la faveur de multiples autres transformations. Des modifications importantes sont ainsi apportées aux systèmes de gestion financière (contrôle, responsabilisation financière) et du règlement financier général (datant de 1977), afin notamment de simplifier les procédures et d'éviter la constitution de réserves financières inemployées. Les comités de gestion, dans lesquels les États membres sont appelés à approuver les projets les plus importants préparés par la Commission, orientent davantage leurs débats sur les aspects stratégiques de la coopération, ce qui a pour effet de raccourcir le circuit administratif des projets.
Enfin, un nouveau système de programmation multi-annuelle est introduit pour associer les pays partenaires et les acteurs non étatiques tout en assurant un maximum de flexibilité. Un mécanisme d'évaluation régulier permettra de mettre continuellement à jour la stratégie de soutien par pays et le volume des ressources en fonction de l'évolution des besoins et des performances (système de programmation glissante).
La recherche d'une plus grande cohérence s'imposait afin que les objectifs de la politique communautaire de développement soient pris en compte dans la conception et la mise en oeuvre des autres politiques (sectorielles, commerciales) de la Communauté ayant un impact sur les PVD.
L'objectif de coordination s'applique aux positions et initiatives prises aux niveaux bilatéral et communautaire, notamment dans les organismes internationaux de développement ou les grandes conférences (ex. Monterrey, Johannesburg). Sans uniformiser les cultures de développement de ses Etats membres, l'UE doit s'efforcer de parler d'une seule voix pour que son message soit plus audible et plus fort. Ceci implique une profonde évolution des méthodes de travail. En effet, la réforme des procédures de gestion de l'aide, la déconcentration et l'application du principe de partenariat avec les bénéficiaires confient aux responsables locaux de la gestion de l'aide (délégations de la Commission, ambassades) un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la politique de développement de la Communauté européenne. Des instructions destinées à renforcer la coordination au niveau opérationnel entre les services de la Commission et les ambassades ont ainsi été mises au point en janvier 2001. Parallèlement, les missions des services centraux, à Bruxelles pour la Commission et dans les États membres, sont en pleine évolution.
Enfin, la complémentarité entre les actions des États membres et de la Commission est impérative pour s'assurer de la visibilité et de l'impact de l'aide européenne au développement. Les stratégies nationales et communautaires doivent être correctement articulées pour éviter les doublons, les gaspillages ou la dispersion des initiatives. Afin d'obtenir une meilleure division du travail entre la Communauté et les États membres, chacun devrait, au cas par cas, intervenir en fonction de ses avantages comparatifs. L'accord de Cotonou innove à cet égard en prévoyant explicitement qu'en cas de cofinancement, des fonds communautaires pourront être gérés par les États membres ou leurs agences de développement. Ces nouvelles dispositions suscitent encore les réticences de ceux, notamment au sein de la Commission, qui y voient une entorse au principe de "neutralité" de la Commission, et/ou une "renationalisation" de l'aide communautaire, d'autant plus inquiétante selon eux qu'elle est couplée la multiplication des contributions de la CE à des fonds mondiaux sur la gestion desquels son emprise est encore à assurer.
S'agissant de la programmation du 9ème FED (2002-2007) en cours, les documents de stratégie qui ont été élaborés à ce jour montrent une concentration des crédits dans les domaines du transport (30,7% des ressources programmées) et de l'appui macroéconomique en faveur des stratégies de réduction de la pauvreté (21,4%, avec une large priorité à la santé et à l'éducation).
Les autres priorités portent sur l'appui institutionnel et le renforcement des capacités en faveur du gouvernement et de la société civile (10,8%), les appuis directs en faveur de l'éducation et de la santé (10,7%), de la sécurité alimentaire et du développement rural (8%), ainsi que de l'eau et de l'assainissement (6,7%). Les 5% de ressources consacrées au secteur minier correspondent à des allocations Sysmin.
Les contributions des États membres ne sont appelées que lorsque le niveau de trésorerie du FED le requiert. Pour 2002, les appels à contribution de la France au titre des 7ème et 8ème FED devraient atteindre la somme de 438 millions d'euros.
Les crédits du 9ème FED ne seront mis à disposition que lorsque l'ensemble des États membres aura ratifié l'accord de Cotonou et l'accord interne sur le 9ème FED. Pour mémoire, grâce au maintien du niveau exceptionnel de la contribution française (24,3%), le volume du 9ème FED a légèrement progressé en termes nominaux par rapport au Fonds précédent pour atteindre 13,8 milliards d'euros de dons (ce qui représente une contribution de 3,3534 milliards d'euros de la part de la France). S'y ajouteront 1,7 milliards au titre des ressources propres de la Banque européenne d'Investissement (BEI) et les quelque 10 milliards de reliquats sur les fonds précédents.
États membres |
Clé PNB |
Clé Budget 1999 |
Clé 7ème FED |
Clé 8ème FED et 9ème FED |
Belgique |
3,1 |
3,9 |
3,96 |
3,92 |
Danemark |
1,9 |
2,0 |
2,07 |
2,14 |
Allemagne |
26,0 |
25,5 |
25,96 |
23,36 |
Grèce |
1,5 |
1,6 |
1,22 |
1,25 |
Espagne |
6,6 |
7,6 |
5,90 |
5,84 |
France |
17,2 |
17,0 |
24,37 |
24,30 |
Irlande |
0,8 |
1,3 |
0,55 |
0,62 |
Italie |
14,2 |
13 |
12,96 |
12,54 |
Luxembourg |
0,2 |
0,2 |
0,19 |
0,29 |
Pays-Bas |
4,5 |
6,2 |
5,57 |
5,22 |
Autriche |
2,6 |
2,5 |
- |
2,65 |
Portugal |
1,2 |
1,5 |
0,88 |
0,97 |
Finlande |
1,4 |
1,5 |
- |
1,48 |
Suède |
2,7 |
2,8 |
- |
2,73 |
Royaume-Uni |
16,1 |
13,4 |
16,37 |
12,69 |
Total |
100% |
100% |
100% |
100% |
Source : Commission européenne
La création, à partir du Fonds d'aide et de coopération, du Fonds de solidarité prioritaire était rendue nécessaire par la mise en place d'un instrument adapté à la nouvelle zone de solidarité prioritaire. Ainsi, la loi de finances initiale pour 2000 a acté la transformation du Fonds d'aide en Fonds de solidarité. Selon le décret relatif au Fonds de solidarité prioritaire, ce dernier « inscrit au titre VI du budget du ministère des affaires étrangères, est chargé de contribuer au développement des pays figurant dans la zone de solidarité prioritaire définie par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, par le financement, sous forme de dons, de projets et programmes d'investissements matériels et immatériels, dans les domaines institutionnel, social, culturel et de recherche. Il peut financer, à titre exceptionnel, des opérations d'aide et de coopération situées le cas échéant hors de la zone de solidarité prioritaire. »
Le champ du Fonds de solidarité prioritaire a été élargi. Il doit financer des projets et des programmes consacrés principalement au renforcement de l'État de droit et des capacités nationales et locales, à l'intégration régionale, à l'aménagement de territoires et à la gestion des ressources naturelles, au développement communautaire, à la lutte contre les discriminations de toutes natures, à l'éducation et à la santé publique, à la jeunesse et aux sports, à la promotion de la langue française, à la culture et à la recherche. Pour ce faire, pourront être financés des études, des conseils, des expertises, des actions de formation, d'ingénierie, des appuis à la recherche, à l'initiation et à la création, avec tous les investissements matériels et immatériels d'accompagnement, les fournitures ou les équipements sous forme de dons qui peuvent concourir à leur mise en _uvre. Les dépenses connexes doivent être indispensables à la mise en _uvre du projet, à l'exclusion de dépenses de fonctionnement à caractère récurrent ou dépassant l'objet ou la durée du projet.
Les règles de gestion ont été modifiées. En vertu de la réforme comptable, à partir du 1er janvier 2002, les dépenses du Fonds de solidarité seront intégralement payées par les comptables du trésor public, tandis que l'Agence française de développement demeurera payeur pendant une période transitoire pour les projets en cours Désormais, le ministre dispose seul du pouvoir de décider de l'emploi des crédits du titre VI alors que, dans le régime du Fonds d'aide et de coopération, la décision était collégiale et le ministère des finances possédait un droit de veto. Par ailleurs, le comité directeur du Fonds d'aide et de coopération est remplacé par deux instances, le comité d'orientation stratégique (COS) et le comité des projets, instance interministérielle d'examen des projets. Le premier, présidé par le ministre, regroupe les représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'économie, deux personnalités qualifiées et quatre parlementaires. Le comité des projets est présidé par le directeur général de la coopération internationale et du développement.
Trois types de projets et de programmes sont distingués. Les projets et programmes « pays » concernent des actions bilatérales contribuant au développement d'un pays partenaire ; les projets et programmes « inter-États » bénéficieront à un groupe déterminé d'États réunis dans une organisation intergouvernementale ; enfin, les projets et programmes « mobilisateurs », tels qu'ils ont pu exister au début des années quatre-vingt-dix, contribueront à l'élaboration de politiques sectorielles de développement (par exemple, lutte contre le sida, culture et patrimoine, sport, femmes et développement, etc.), notamment par le biais d'opérations pilotes.
En 2001, quatre comités de projets se sont réunis : 105 projets ont été adoptés pour un montant de 182,47 millions d'euros, soit 99,5% de l'enveloppe d'autorisations de programme abondée des crédits réintégrés (c'est-à-dire des reliquats des projets clos dans l'année).
Pour éviter les traditionnels engorgements des comités de fin d'année, la DGCID a fortement encouragé, depuis octobre 2001, les services et les postes à présenter leurs projets le plus tôt possible en début d'exercice. Cette mesure a permis la tenue de trois comités des projets au cours du premier semestre 2002 qui ont émis un avis favorable concernant 74 projets pour un montant de 110,89 millions d'euros, soit plus de 70 % de l'enveloppe d'autorisation de programme (loi de finances initiale pour 2002).
Depuis de nombreuses années, les crédits inscrits au chapitre 68-91 étaient en baisse régulière, mettant ainsi à mal la capacité d'action de la DGCID dans le financement de projets de développement. Le projet de loi de finances pour 2003 créé une rupture à ce titre puisque les autorisations de programme passent de 150 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2002 à 190 millions d'euros dans le présent projet, soit une augmentation de près de 27%. Les crédits de paiement restent, eux, stables à 112 millions d'euros. Étant un instrument privilégié de l'aide bilatérale, il est très positif que le FSP voit ses crédits augmenter ainsi.
Néanmoins, une inquiétude subsiste. Le chapitre 68-91 est une des principales victimes du gel budgétaire que subit actuellement le ministère des affaires étrangères. Sur les 150 millions d'euros d'AP ouvertes en loi de finances initiale, 44 millions sont actuellement gelés soit presque 30% de la dotation initiale. Au niveau des crédits de paiement, c'est 9 millions d'euros qui sont gelés (et demain annulés ?), soit 8% des crédits inscrits en loi de finances initiale. Quel sens y a-t-il à augmenter de 40 millions les autorisations de programme en 2003 si 40 millions d'euros ont été gelés en 2002 ? Votre Rapporteur spécial sera particulièrement attentif au gel d'ores et déjà annoncé qui devrait intervenir au début de l'année et qui risque de ruiner tous les efforts affichés en faveur de l'aide publique au développement.
Le 14 février dernier, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement a décidé de faire évoluer le périmètre de la zone de solidarité prioritaire, conformément au principe de « respiration ». Neuf petits États, dont un certain nombre de paradis fiscaux, ont été exclus de la zone : les projets en cours y seront achevés et la coopération culturelle, scientifique et technique sur le titre IV leur reste ouverte, comme pour le reste du monde. Le Yémen et le Soudan ont fait leur entrée dans la zone, qui se compose désormais de 54 pays.
ÉVOLUTION DE LA ZONE DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE EN 2002 (1) |
Proche-Orient : Liban, Palestine, Yémen |
Afrique et Océan indien : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo, République démocratique du Congo, Côte-d'Ivoire, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Liberia, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, Rwanda, Sâo Tomé et Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie, Zimbabwe. |
Asie du Sud-Est : Cambodge, Laos, Vietnam. |
Caraïbes et Amérique Latine : Antigua et Barbuda, Barbade, Cuba, Dominique, Grenade, Haïti, République dominicaine, Saint-Christophe-et-Nieves, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-Grenadines, Surinam. |
Pacifique : Vanuatu. |
(1) en gras, les pays intégrés en 2002 ; en italique, les pays exclus de la zone en 2002. Source : ministère des affaires étrangères. |
Qualifiée d'« opérateur-pivôt » de l'aide bilatérale française au développement dans la réforme de 1998, l'AFD a poursuivi son évolution au cours de l'année 2002. Elle a en effet élaboré un plan d'orientation stratégique, ce conformément à la lettre de mission adressé au Directeur général de l'Agence par ses tutelles en novembre 2001. Cette lettre fixait les orientations globales suivantes :
· contribuer à l'insertion des pays les plus pauvres dans l'économie mondiale, dans une logique d'appui à l'intégration régionale. L'AFD participe ainsi au financement de grandes infrastructures économiques, à l'appui à la restructuration des entreprises privées, et au renforcement des systèmes bancaires et financiers ;
· promouvoir un développement durable en contribuant au financement de projets d'accompagnement social et de lutte contre la pauvreté: domaines de la micro finance, appui aux très petites entreprises, accès aux services de base (eau et électricité notamment), infrastructures de santé et d'éducation.
Budgétairement, depuis le 1er janvier 2000, l'ensemble des montants transférés à l'AFD à partir du budget du ministère des Affaires étrangères est regroupé dans un chapitre spécifique (68-93). Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation des autorisations de programme pour la première fois depuis de nombreuses années. Néanmoins, des incertitudes pèsent sur l'effectivité de cette augmentation.
Le constat de départ dresse le tableau réaliste d'une tendance à la marginalisation croissante de la position financière de l'établissement dans le financement du développement, notamment s'agissant des pays les plus pauvres. Il en identifie les corollaires immédiats : impossibilité d'atteindre la masse unitaire critique pour prétendre à l'efficacité, faible lisibilité, dispersion, augmentation des coûts... De manière concomitante, il met en évidence de profondes transformations des méthodes de financement du développement se caractérisant à la fois par de nouvelles approches (programmes plutôt que projets), la tendance à la globalisation des problématiques et l'émergence de nouveaux acteurs, nouvelles méthodes qui concourent à cette marginalisation tant en termes financiers qu'en termes de métiers.
Partant de ce constat, le Plan d'orientation stratégique s'organise autour d'axes majeurs : la redéfinition géographique et la concentration thématique, la mise en valeur des avantages comparatifs dont dispose l'établissement et le développement d'un rôle de producteur d'idées comme appui à la définition de la politique française d'aide au développement. L'AFD ambitionne de devenir une agence de développement de référence mondiale. Afin d'y parvenir, un nouveau positionnement stratégique a été approuvé.
Dans les États étrangers, l'étendue de la zone d'interventions de l'Agence, la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP), expose l'AFD au saupoudrage de ses activités de financement par dons. Ses interventions doivent par conséquent être concentrées. En revanche, cette zone est trop restreinte pour diversifier ses risques sur prêts et lui permettre de valoriser au mieux ses savoir-faire, aussi ses interventions de crédit doivent-elles s'étendre à de nouvelles géographies, en Méditerranée par exemple, sans pour autant compromettre l'accès à ce guichet des bénéficiaires traditionnels.
Cette redéfinition géographique doit s'accompagner, pour être efficace, d'une concentration thématique, d'un recentrage des interventions sur certains métiers. L'AFD souhaite ainsi devenir progressivement un acteur de référence mondiale dans quelques métiers de concentration qui représenteront une proportion substantielle de ses interventions : l'eau, la finance, ainsi que l'aménagement de l'espace et l'accès aux services sociaux.
Ces nouvelles orientations nécessitent que l'AFD dispose d'une gamme d'instruments financiers mieux adaptés. Celle-ci a donc été élargie et va désormais des prises de participation et prêts à taux de marché jusqu'aux dons, en passant par des prêts bonifiés à des degrés divers et, surtout, des garanties d'opérations financières en monnaie locale.
La déliaison de l'aide, décidée en CICID du 14 février 2002 (conformément aux recommandations de l'OCDE), applicable aux nouveaux projets, accroîtra également l'efficience de l'Agence. Lorsqu'un concours financier sera accordé à un projet, son promoteur n'aura plus pour obligation de faire appel à des entreprises françaises ou du pays d'intervention mais pourra procéder au choix des fournitures et prestations financées par l'AFD indépendamment de leur origine.
A cela s'ajoute la volonté de développer l'effet de levier que doit jouer l'AFD. L'action de l'Agence visera à faire d'elle un arrangeur de financements, à créer un mouvement d'investissements dans lequel son apport financier jouerait le rôle de catalyseur. L'établissement se positionnera comme un gestionnaire de fonds de tiers dans le cadre de démarches partenariales avec les institutions multilatérales, les collectivités locales, les ONG et les entreprises.
Comme par le passé, toutes les opérations de l'AFD devront s'inscrire en convergence des intérêts des bénéficiaires de ses concours et des intérêts de la politique française. L'inscription des actions de l'AFD dans les lignes stratégiques de la France se fera au travers d'un dialogue stratégique renforcé avec les administrations de tutelle comme les diverses composantes de la société civile française et les partenaires internationaux. L'effort de formalisation, de capitalisation et d'évaluation sera accru, ainsi que l'ouverture au monde scientifique intéressé par le développement.
Ce plan a été présenté au Conseil de surveillance de l'établissement à la fin du premier trimestre 2002, puis soumis aux Ministres de tutelles de l'Agence qui l'ont approuvé. En termes organisationnels, il s'est notamment traduit par une réorganisation des services de l'AFD comprenant notamment la création d'une direction des opérations et d'une direction de la stratégie, ainsi que d'un secrétariat général en charge du suivi des départements fonctionnels de l'établissement.
Les autorisations de programme inscrites sur ce chapitre avaient baissé entre 2001 et 2002. De 173,792 millions d'euros en 2000 et 2001, elles étaient passées à 152,449 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2002.
Le projet de loi de finances pour 2003 marque donc une rupture puisque les autorisations de programme inscrites sur ce chapitre passent à 190 millions d'euros même si les crédits de paiement restent, eux, stables à 137 millions. Votre Rapporteur se félicite de cette progression. Il faut néanmoins en souligner la fragilité.
En effet, sur les 152 millions d'euros d'autorisations de programme votées en loi de finances initiale pour 2002, 33 millions sont actuellement gelés (soit 21,7% de la dotation) ainsi que 4 millions d'euros de crédits de paiement. Ce gel pénalise fortement la capacité d'engagement de l'AFD. Si ces autorisations de programme sont effectivement annulées dans un prochain collectif, cela ramènera quasiment à zéro l'effort affiché dans le projet de loi de finances. Votre Rapporteur spécial déplore amèrement cette situation et sera particulièrement attentif à l'exécution de ce chapitre.
Les crédits du chapitre 42-15 subissent une légère diminution et passent de 510,722 millions d'euros à 501,308 millions. Ils bénéficieront d'un transfert correspondant aux rémunérations des directeurs d'alliances françaises qui étaient imputées jusqu'à présent sur le chapitre 37-95. Dans ces conditions, la priorité sera donnée à l'assistance technique dont la décrue a été arrêtée en 2002.
Celle-ci est censée connaître un nouvel essor grâce à la mise en place du groupement d'intérêt public France Coopération Internationale qui fait l'objet d'une mesure nouvelle à hauteur de 750.000 euros. Votre Rapporteur spécial avoue son scepticisme quant à ce nouvel outil, structure administrative supplémentaire dans un dispositif français de coopération qui n'en a pourtant pas besoin.
Par contre, il est tout à fait regrettable que les dotations inscrites à l'article 20 Bourses, échanges et formation stagnent ainsi à 114 millions d'euros. Comme l'a montré notre collègue Alain Claeys dans son rapport sur l'accueil des étudiants étrangers (), les bourses constituent un moyen particulièrement efficace de coopération. Un étudiant étranger qui bénéficie d'une bourse pour suivre ses études supérieures en France sera plus enclin, lorsqu'il retournera aux responsabilités dans son pays, à dialoguer avec notre pays et à recourir à son expertise. Le dispositif, comme on l'a vu, a été réformé. Les crédits destinés à les financer ont été progressivement accrus depuis 1997 et le présent projet vient interrompre cette heureuse tendance.
Votre Rapporteur estime pourtant particulièrement pertinent de poursuivre cette évolution. Il faut assurer un continuum entre le réseau français d'enseignement à l'étranger et l'enseignement supérieur, c'est-à-dire multiplier les bourses de premier et deuxième cycle, sous peine de perdre tout le bénéfice des efforts consentis par la France en direction des élèves du secondaire à l'étranger.
Pour conclure sur ce point, votre Rapporteur souhaiterait exprimer sa grande inquiétude au vu du très important gel que subit actuellement ce chapitre depuis le mois d'août dernier : sur les 513,3 millions d'euros votés en loi de finances initiale, 49 millions sont actuellement gelés, soit 9,5% de la dotation initiale. Ce gel rend très problématique l'exécution pour 2002. Malheureusement, votre Rapporteur n'a pu connaître la nature des dépenses atteintes par ce gel. Il est en tout cas clair que cela présage mal de l'exécution 2003 sur ce chapitre déjà en diminution cette année.
Signalons en premier lieu que les crédits consacrés à ce type de coopération ne sont pas pris en compte dans l'Aide publique au développement au sens du Comité d'aide au développement de l'OCDE. Votre Rapporteur spécial regrette cette exclusion même s'il en comprend la logique. La coopération militaire n'est en rien un facteur direct de développement mais son absence peut par contre freiner ce développement. Sans armée bien équipée et bien entraînée, capable d'assurer la sécurité du territoire et sa stabilité, aucun projet de développement n'est possible. Le cas de la Côte d'Ivoire est exemplaire : en l'absence d'une armée régulière suffisamment puissante et bien entraînée, le pays est à la merci d'un soulèvement militaire qui remet en cause tous ses projets de développement.
Les dotations pour la coopération militaire sont en baisse régulière depuis 10 ans. Cette baisse s'explique essentiellement par les nouvelles formes de coopération. La coopération de substitution est remplacée par des actions de formation ponctuelles et des missions de courte durée, qui demandent moins de coopérants et moins de crédits.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE COOPÉRATION MILITAIRE (sur le titre IV) | |||||
(en millions d'euros) |
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Années |
Total (1) |
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1994 |
151,34 |
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1995 |
133,24 |
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1996 |
131,79 |
||||
1997 |
125,74 |
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1998 |
120,35 |
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1999 (1) |
118,99 |
||||
2000 (2) |
115,06 |
||||
2001 |
109,83 |
||||
2002 |
103,67 |
||||
2003 |
93,51 |
(1) jusqu'en 1998, chapitre 41-42 de la section Coopération + chapitre 42-29 de la section Affaires étrangères. A partir de 1998, suppression de la section coopération et transfert des crédits sur la section Affaires étrangères.
Source : ministère des affaires étrangères.
Aussi, convient il de mettre un terme à cette baisse continue de la coopération militaire. Les pays africains en sont fortement demandeurs et si la Franc n'est pas capable de la leur fournir, ils iront chercher aide et secours auprès de pays plus généreux en ce domaine, et les pays candidats ne manquent. Le maintien de notre sphère d'influence passe aussi par un effort militaire à la hauteur de nos ambitions.
RÉPARTITION PAR ARTICLE DES CRÉDITS EN 2002 ET 2003 (PRÉVISIONS)
AU TITRE DU CHAPITRE 42-29
Montant en euros
Articles, paragraphes |
2002 |
2003 (prévision) |
Article 10 : Coopération technique - Aide en personnel |
57 854 402 |
55 826 000 |
§ 11 : rémunérations et indemnités des coopérants techniques et charges connexes |
51 832 666 |
47 416 000 |
§ 12 : frais de transport et de déplacements |
5 945 512 |
5 310 000 |
§ 20 : dépenses diverses et missions d'experts |
76 225 |
3 100 000 |
Article 20 : Formation des stagiaires étrangers |
22 105 107 |
21 100 000 |
§ 10 : dépenses en biens et services, transferts et subventions en France |
18 751 229 |
16 800 000 |
§ 20 : dépenses en biens et services, transferts et subventions à l'étranger |
2 439 184 |
4 300 000 |
§ 30 : programmes de formation multilatéraux |
914 694 |
0 |
Article 40 : Appui aux actions de coopération : aide en matériel, prestations de service |
22 186 000 |
15 186 984 |
§ 10 : aide en matériel et prestations de service |
18 894 597 |
13 686 984 |
§ 20 : infrastructures : entretien et grosses réparations |
2 291 403 |
1 500 000 |
Article 50 : Appui aux coopérants militaires |
1 219 592 |
1 100 000 |
Article 60 : Coopération militaire et de défense avec les organisations régionales |
304 898 |
300 000 |
§ 10 : appui aux actions de coopération militaire et de défense menées par les organisations régionales |
304 898 |
300 000 |
Totaux |
103 670 000 |
93 512 984 |
Les collectivités locales, notamment depuis la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République qui les autorise à avoir des relations avec leurs équivalents étrangers, ont fait une entrée en force sur la scène internationale. Depuis lors, en effet, la coopération décentralisée n'a cessé de prendre de l'importance et les collectivités deviennent des partenaires incontournables de notre politique extérieure. La coopération décentralisée rassemble les actions décidées et conduites par les collectivités locales, ainsi que les subventions que celles-ci accordent à des ONG (dont le siège est en général sur leur territoire). La totalité des sommes allouées par ces canaux ne peut être recensée au franc près, mais l'on estime que la coopération décentralisée représente environ 50 millions de francs, principalement axés sur les projets de petite taille, comme la recherche de l'eau, la formation d'artisans, le don de livres et de matériel scolaire ou la mise en valeur des cultures.
L'aide de l'État est inscrite au chapitre 42-13 du budget des affaires étrangères, articles 30 et 40. Elle a régulièrement augmenté ces dernières années afin d'accompagner l'intérêt grandissant des collectivités locales dans ce domaine. Elle est passée de 5,75 millions d'euros en 1999 à 6,51 millions en 2001 Au grand regret de votre Rapporteur spécial, ces crédits baissent cette année pour la première fois. De 7,06 millions d'euros en 2002, la dotation passe à 6,56 millions, soit une baisse de 7%.
À côté des structures institutionnelles, il faut compter avec une multitude d'organisations non gouvernementales. Le Haut Conseil de la coopération internationale en dénombre plus de 2.000, dont une dizaine seulement dispose d'une taille suffisante pour jouer un rôle international significatif. Il convient de relever, à ce titre, que la France est parmi les pays membres du Comité d'aide au développement de l'Organisation de la coopération et du développement économiques celui dont l'aide transite le moins par les organisations non gouvernementales. L'action de ces dernières relève de l'initiative privée de personnes qui se dévouent pour leur idéal. Leur efficacité sur le terrain est inégale, mais la compétence de la majorité d'entre elles a suscité l'intérêt de l'État et des collectivités locales.
La création au sein de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement d'une mission pour la coopération non gouvernementale (MCNG), directement rattachée au directeur général et intégrant les moyens de la mission de liaison avec les ONG, témoigne de la place désormais accordée à ce type de coopération par les pouvoirs publics. Cette mission constitue le point de rencontres entre les services du ministère des affaires étrangères et des acteurs non gouvernementaux que sont les collectivités territoriales, les organisations de solidarité nationale, les syndicats et les entreprises. Elle dispose d'une compétence plus spécifique en matière de projets dans la zone de solidarité prioritaire (ZSP). En effet, dans ce cadre, elle instruit les dossiers de projets de développement et d'actions d'éducation au développement avant la décision de cofinancement prise par le ministère des affaires étrangères. Il est à noter que ces dernières années ont vu le développement d'une nouvelle contractualisation entre les acteurs non gouvernementaux et le ministère des affaires étrangères. Les programmes concertés, les conventions d'objectif et les dotations aux partenariats qui composent ce nouveau mode de partenariat permettent aux deux parties de s'appuyer sur des moyens juridiques et financiers prévisibles.
Des crédits spécifiques de soutien aux OSI sont inscrits au chapitre 42-13 article 10. En hausse régulière depuis quelques années, ces crédits sont pour la première fois en baisse dans le projet de loi de finances. De 7,5 millions d'euros, ils passent à 7,3 millions soit une baisse de 2,6%.
Cette dotation qui ne suffira pas pour répondre aux exigences d'un partenariat renforcé avec les organisations de solidarité internationale et avec les sociétés civiles des pays hors de la ZSP. En effet, la DGCID est de plus en plus sollicitée par les ONG françaises : leur présence sur le terrain et notamment dans des pays qui ne font pas partie de leur champ d'intervention historique s'accroît. La dimension de leurs projets du fait de la concertation et de l'expérience acquise augmente, leur engagement dans des actions de plaidoyer auprès des instances internationales s'intensifie, enfin les demandes d'aide de leurs partenaires du sud se multiplient.
La société civile joue désormais un rôle prépondérant sur les questions de solidarité internationale, de commerce équitable, de mondialisation ou de lutte contre la pauvreté. La "citoyenneté mondiale" est une réalité désormais incontournable dont la société civile se fait l'écho, les ONG françaises et européennes ont dans le domaine une expertise qu'il convient de soutenir. Le ministère des Affaires étrangères ne peut ignorer cette forte mobilisation.
Au cours de sa séance du 31 octobre 2002, la Commission a examiné les crédits de la Coopération.
Après l'exposé de votre Rapporteur spécial, le Président Pierre Méhaignerie a demandé si la baisse de l'aide publique au développement était due au fait que les crédits destinés aux territoires d'outre-mer n'étaient plus comptabilisés.
Votre Rapporteur spécial, a répondu qu'il s'agissait véritablement d'une baisse, l'aide publique au développement ayant servi de variable d'ajustement afin de réaliser des économies budgétaires. Une fois la baisse réalisée, l'aide n'a pas été relevée. Les chiffres n'incluent pas DOM-TOM.
M. Gérard Bapt s'est étonné de la forte progression de la participation de la France au FED. La répartition de la charge entre les pays a-t-elle été récemment modifiée ? Le FED est-il mieux doté qu'auparavant ?
Votre Rapporteur spécial, a expliqué que l'augmentation du montant de la participation de la France provenait d'une forte augmentation des décaissements du FED, rendue possible par la réforme des procédures d'engagement des crédits. Elle traduit simplement une consommation plus soutenue. En matière de coopération, s'applique depuis les années 1993-1994, la doctrine d'Abidjan, énoncée par M. Edouard Balladur et jamais remise en cause, même en 1997. Elle repose sur l'idée que l'aide bilatérale de la France ne peut intervenir qu'après l'obtention par le pays concerné d'une aide multilatérale. Cette doctrine favorise les économies budgétaires et a joué un rôle certain dans la baisse du volume de l'aide bilatérale. Le Rapporteur spécial a contesté ce principe : dans certains cas, il faut que la France puisse agir vite et unilatéralement.
M. Éric Woerth s'est réjoui de l'augmentation de l'aide bilatérale. Si les crédits de la direction de la coopération internationale et du développement ont effectivement eu à souffrir cette année de mesures de gel, la tendance de plus long terme à la baisse des crédits de coopération est liée aux nouvelles formes de coopération. La coopération de substitution disparaît au profit d'aides tournées vers l'encadrement et la formation de personnels nationaux, ce qui demande moins de coopérants et coûte moins cher. Cette tendance à la baisse trouve naturellement ses limites : la disparition de tous les coopérants serait une mauvaise chose, mais il faut mettre en place une coopération plus riche en valeur ajoutée. Le même type de problème se pose avec la coopération militaire, qui dispose en 2003 de seulement 93 millions d'euros. Même s'il n'est pas exclu que le ministère de la Défense puisse faire plus d'efforts en ce sens, la présence de coopérants militaires français ne pourra pas continuer à se raréfier à ce rythme, sans que le rôle de la France dans ce domaine soit fortement écorné. En matière de coopération, il faut passer d'un souci quantitatif à un souci qualitatif.
Le Président Pierre Méhaignerie a fait remarquer la baisse des crédits de coopération décentralisée et privée. Il a souligné l'utilité des volontaires civils et regretté la diminution de leur nombre.
M. Éric Woerth a indiqué à ce propos qu'il existait au sein des Nations Unies un programme en faveur des jeunes volontaires, auquel la France participe très modestement, ce qui est regrettable.
Votre Rapporteur spécial, a estimé que le contrôle des actions menées par les organisations internationales était insuffisant et qu'il fallait d'abord veiller à la qualité des actions bilatérales. Beaucoup de jeunes, qu'ils soient médecins ou agriculteurs, seraient heureux de pouvoir mener des actions de coopération à l'étranger. La disparition du service national a réduit ces possibilités, tout en privant les jeunes générations d'un lieu de rencontres et de brassage social. La mise en place d'un service civil, nettement orienté vers la coopération serait une excellente mesure.
La commission a adopté, contre l'avis du Rapporteur spécial, les crédits de la coopération et vous demande d'émettre un vote favorable à leur adoption.
N° 0256-03 - Rapport de M. Henri Emmanuelli sur le projet de loi de finances pour 2003 - Affaires étrangères : coopération et développement
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() M. Alain Claeys, L'accueil des étudiants étrangers en France : enjeu commercial ou priorité éducative ?, Assemblée nationale, XIème législature, n° 1806, 22 septembre 1999. On peut également se reporter utilement au rapport de M. Élie Cohen au ministre de l'éducation nationale et au ministre des affaires étrangères, Un plan d'action pour améliorer l'accueil des étudiants étrangers en France, diagnostic et propositions, 19 juillet 2001.