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Réunion du mercredi 3 novembre 2004

Projet de loi de finances pour 2005

Auditions de M. de Robien, Ministre de l’équipement, des transports,
de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer
 sur les crédits de son ministère

 

PRÉSIDENCE de M. Pierre MÉHAIGNERIE,
président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan
et de M. Patrick OLLIER,
président de la commission des affaires économiques, de l’environnement
et du territoire

 

 

La séance est ouverte à neuf heures quarante.


 

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Patrick Ollier et moi sommes heureux d’accueillir en votre nom MM. de Robien et de Saint-Sernin pour l’examen des crédits de l’aménagement du territoire pour 2005. La clé du succès de la formule de la commission élargie réside dans le caractère dynamique de nos échanges. Auront lieu en séance publique, le vendredi 19 novembre, l’examen d’éventuels amendements, les explications de vote et le vote. Je remercie par avance chacun des orateurs de limiter la durée de ses interventions, afin que le débat reste le plus vivant possible.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances - Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit pour l’aménagement du territoire un budget de 265,198 millions, en baisse de 2,83 % par rapport à 2004. Cependant les crédits inscrits dans ce budget ne retracent qu’une partie de l’effort financier en faveur de la politique d’aménagement du territoire national. D’autres ministères – tels que l’équipement ou l’éducation nationale – et les fonds structurels européens contribuent aussi à la mise en valeur du territoire français. Au total, l’effort financier en faveur de l’aménagement du territoire devrait représenter l’an prochain 8,664 milliards d’euros.

Retracés dans le titre III, les moyens des services qui constituent le budget de la DATAR s’élèvent à 12,71 millions. Ils diminuent de 3,85 % par rapport à 2004, après une baisse de 2,27 % en 2003. Cette contraction montre l’effort accompli par la DATAR pour réduire ses dépenses de fonctionnement. Le nombre d’emplois budgétaires sera ainsi limité à 120, auxquels s’ajoutent 44 mises à disposition, dont 40 ne font pas l’objet d’un remboursement aux administrations concernées.

Au titre des dépenses ordinaires, le FNADT devrait être doté de 74,85 millions, soit une baisse de 1,3 % par rapport aux crédits votés en 2004. Toutefois, les crédits destinés au volet contractualisé du FNADT représentent 42,21 millions, soit une augmentation de 17,25 %. Cette hausse des crédits en faveur des contrats de plan Etat-régions montre le souci du Gouvernement de donner une véritable impulsion au volet territorial des contrats de plan.

En 2005, le projet de budget prévoit une dotation à l’Agence française des investissements internationaux de 7,45 millions. A cet égard, il convient de relever la diminution des moyens de l’Agence, liée notamment à la lourdeur de la double tutelle DATAR-DREE et à la proportion importante de mises à disposition de divers organismes empêchant toute souplesse dans la gestion quotidienne de la structure.

Les crédits d’investissement du FNADT devraient représenter 207,02 millions d’autorisations de programme – soit une baisse de 9,53 % – et 138,71 millions de crédits de paiement – soit une baisse de 3,58 %.

S’agissant de la prime d’aménagement du territoire, 156 dossiers ont été présentés en 2003 et 30 seulement ont fait l’objet d’un rejet. Les dossiers primés représentent 11 177 créations d’emplois prévisionnelles, soit 88 créations d’emplois en moyenne par dossier et un montant d’investissement prévisionnel de l’ordre de 2,3 milliards. Le montant des primes octroyées s’élève à 69,4 millions, soit 511 904 € en moyenne par dossier et un taux moyen par emploi de 6 200 €. En 2005, la PAT devrait être dotée de 48 millions d’autorisations de programme et de 38,92 millions de crédits de paiement.

Par ailleurs, le CIADT du 14 septembre 2004 a décidé de réserver 15 millions sur la dotation de la PAT en faveur des pôles de compétitivité. Renforcer le pouvoir d’attraction économique du territoire constitue une priorité du Gouvernement. En témoignent la création des pôles de compétitivité et les contrats de sites pour les zones en reconversion économique.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF, il est prévu de créer au sein de la mission « politiques des territoires », un programme « aménagement du territoire » qui devrait reprendre l’intégralité des crédits de l’actuel fascicule, auxquels seraient adjoints les crédits réservés aux réimplantations d’administrations. Le responsable de ce programme devrait être le délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale. Au sein de ce programme, trois actions sont aujourd’hui prévues : une action « attractivité et développement économique », une action « développement territorial et solidarité » et une action « grands programmes interministériels d’aménagement du territoire ».

Deux points méritent réflexion : le problème des mises à disposition de la DATAR et de l’AFII et l’insuffisance des indicateurs de performances, s’agissant notamment de l’objectif « aider les entreprises à créer des emplois dans les zones les plus fragiles du territoire national ».

Autre point relevé par notre commission : la multiplication des organismes de prospective. Après la création en septembre 2003 d’un Conseil de prospective et de dynamique des territoires au sein de la DATAR, un décret de septembre 2004 a créé un Observatoire des territoires placé auprès du ministre et l’on projette de refonder l’Institut des hautes études d’aménagement du territoire, supprimé en décembre 2002 lors du débat budgétaire, en adjoignant à son titre le qualificatif d’« européen ». Afin de prévenir l’empilement de structures aux missions redondantes, je proposerai un amendement visant à ne pas installer l’observatoire des territoires et un amendement tendant à ce que la dotation de l’Etat à l’IHEDATE se fasse sous la forme d’une prestation intellectuelle, plutôt que d’une dévolution de crédits.

S’agissant de la politique d’aménagement des lignes aériennes, le PLF pour 2005 a prévu de budgétiser le compte d’affectation spéciale FIATA à compter du 1er janvier prochain. La quote-part de la TAC affectée antérieurement à ce fonds est reversée au budget général. Un nouveau chapitre du budget de l’équipement regroupera les crédits consacrés aux subventions des liaisons aériennes réalisées dans l’intérêt du territoire et à la mise en sécurité des aéroports. Au sein de ce chapitre, la dotation au titre des lignes d’aménagement du territoire s’élèvera en autorisations de programme à 73,87 millions et à 21,50 millions en crédits de paiement. Votre rapporteur spécial tient à souligner l’importance de cette dotation qui permet de maintenir des liaisons aériennes déficitaires ou à faible trafic. Il y a là un enjeu majeur de la politique d’aménagement du territoire. Il conviendrait que dans le PLF pour 2006, elle soit rattachée aux crédits de l’aménagement du territoire.

M. le Président de la commission des finances - On a en effet le sentiment qu’il pleut chaque semaine de nouvelles structures. C’est pourquoi les commissaires des finances ont décidé à l’unanimité de geler toute demande de dotation à de nouveaux organismes qui ne serait pas assortie d’un programme de suppression de structures existantes devenues inutiles (« Très bien ! » sur divers bancs).

M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - L’examen du budget de l’aménagement du territoire nous donne l’occasion de dresser un état des lieux de la politique d’aménagement impulsée par le Gouvernement. Je vous livre d’emblée mon sentiment : le budget 2005 de l’aménagement du territoire participe certes de l’effort national de rationalisation des dépenses, mais celui-ci n’entrave pas le bon déploiement de l’action publique. Au contraire, il incite à la recentrer sur ses véritables enjeux et à dégager des priorités. La politique d’aménagement du territoire souffre du reste moins de la rationalisation de ses moyens budgétaires que de l’inadaptation de certains de ses instruments.

Ce budget est placé sous le signe d’une rationalisation modérée des dépenses. Les autorisations de programme diminuent de 8,5 % pour un budget de 255 millions et les crédits de paiement connaissent un léger tassement de 2,8 %, pour un montant global de 265 millions. Il convient de parler de rationalisation plutôt que de compression des crédits, car la baisse porte sur les moyens de fonctionnement et sur les dépenses les moins structurantes. Ainsi, la réduction de 4 % des crédits de fonctionnement de la DATAR va conduire l’organisme à accentuer ses efforts de bonne gestion. Dans le même esprit, les subventions à ses associations relais diminuent de 26 %. Si la baisse est importante, il convient de la relativiser car, comme l’a relevé la Cour des comptes, cet ensemble d’associations couvre un certain nombre d’ «abonnés », dont l’appel à subvention est devenu plus une habitude qu’une nécessité avérée.

La rationalisation des dépenses est cependant modérée, dans la mesure où les moyens d’intervention et d’investissement de la DATAR – regroupés dans la PAT et dans le FNADT – sont préservés. Le présent projet de budget favorise le recentrage des deux instruments sur leur vocation première, les grands projets structurants pour la PAT, les projets contractualisés pour le FNADT – dont les crédits augment de 7,7 %.

Cette nouvelle donne budgétaire est satisfaisante au regard des trois nouvelles priorités de l’aménagement du territoire.

Première priorité, renforcer la compétitivité des territoires. Ce ne sont pas uniquement les fonds publics qui font vivre un territoire ! Le développement de l’activité suppose le désenclavement, la constitution de métropoles d’envergure européenne, des pôles de compétitivité et l’anticipation des reconversions industrielles.

Deuxième priorité, renforcer la solidarité interterritoriale, par une discrimination positive en faveur des territoires à handicaps, par la réduction de la fracture numérique et par un effort d’innovation pour maintenir des services de proximité.

Troisième priorité, préciser le rôle de l’Etat dans une France décentralisée. L’Etat doit recentrer son action sur les grands projets structurants, sur un mode contractuel et partenarial, tout en développant à l’échelle nationale des outils de pilotage mis à la disposition des collectivités territoriales.

Dernier point sur lequel je souhaite insister, certains outils mis au service de l’aménagement du territoire ont été perfectionnés, d’autres mériteraient de l’être.

Malheureusement trop peu discuté, l’avenir des fonds structurels européens constitue un enjeu primordial. Alors que l’Union européenne a intégré dix nouveaux Etats plus pauvres que les Quinze, l’enveloppe globale des fonds structurels n’augmentera pas, et sa répartition favorisera les nouveaux entrants. La France métropolitaine pourrait en être privée dès 2007, ce qui entraînerait la perte de 2,5 milliards par an, soit douze fois le budget de la DATAR.

Je me félicite de voir le régime des pays issu de la loi Voynet assoupli, les contrats d’agglomération redynamisés et les schémas de services collectifs bientôt aménagés. Dans le souci de maintenir les populations – et notamment les plus jeunes – sur l’ensemble du territoire national, je suggère que les règles d’urbanisme puissent être adaptées aux nécessités locales. Enfin, M. Louis Giscard d’Estaing et moi-même, au nom de la Délégation de notre Assemblée à l’aménagement du territoire que préside Emile Blessig, proposons des éléments pour une réforme des CPER, visant à les recentrer sur des projets structurants, à en assouplir les règles comptables dans l’esprit de la LOLF et à leur donner un horizon d’exécution suffisamment long pour permettre la réalisation de programmes plus ambitieux et prévoir des revues à échéances plus rapprochées.

En conclusion, ce budget me paraît satisfaisant et je demande à la commission de l’adopter.

Je voudrais, pour finir, poser trois questions. Comment le Gouvernement anticipe-t-il le probable tarissement des fonds structurels européens ? Quelle est la position du ministre sur la réforme des contrats de plan proposée par M. Louis Giscard d’Estaing et moi-même ? Enfin, quels schémas de services collectifs seront supprimés ?

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Notre République est désormais décentralisée : c’est un choix politique, au sens de l’organisation de la cité. Il ne s’agit pas d’une option partisane. Nous devons les premières lois de décentralisation à M. Mauroy, qui est aussi l’auteur d’un rapport dont nous nous sommes inspirés pour l’acte II de la décentralisation.

En faisant ce choix, la nation a voulu que les décisions soient prises au plus près du citoyen, « à portée de baffe » comme l’a dit le Premier ministre. Cela implique de redéfinir le rôle de l’Etat dans la République. Le temps n’est plus où l’on pouvait tout décider depuis un bureau parisien. Avec Frédéric de Saint-Sernin, nous souhaitons un Etat éclaireur qui aide les territoires à atteindre l’excellence et qui soit le garant de la solidarité nationale.

Les décisions prises par les collectivités locales engagent nos concitoyens pour des décennies. Il nous faut donc disposer d’une vision territoriale et d’une démarche prospective de qualité. Nous devons étudier les forces et les faiblesses de chaque territoire. Or, nous ne nous sommes pas donné les moyens de l’observation et de la prospective. Alors que nous disposons des services nécessaires, nous n’avons jamais pu réunir ni exploiter la masse des données existantes. Cette démarche d’analyse, hors de toute préoccupation partisane, doit être faite de manière transparente, pérenne et globale. C’est pourquoi nous venons de créer, au plan national, un Observatoire des territoires qui sera un lieu de coordination pour l’ensemble des structures existantes. Il ne s’agit donc pas, Monsieur le président de la commission, d’une structure de plus, avec des moyens en plus… Son premier rapport sera présenté au Parlement durant le premier semestre 2005. Avec Frédéric de Saint-Sernin, nous l’attendons avec impatience : il permettra aux forces vives de la nation de discuter sur des questions concrètes. Enfin, je veux donner aux directeurs régionaux les compétences nécessaires pour doter les territoires de moyens de prospective locale.

Sur la promotion de l’excellence, permettez-moi de laisser la parole à Frédéric de Saint-Sernin.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire - La solidarité et la compétitivité sont les deux piliers de notre politique d’aménagement du territoire, dans une France décentralisée et ouverte sur l’Europe. L’Etat, décentralisé, doit être aussi libérateur d’énergie.

L’attractivité d’un territoire résulte de multiples facteurs, dont la capacité à échanger les informations et les biens. C’est pourquoi nous avons veillé à ce que les décisions prises en matière de haut débit et de téléphonie mobile soient conformes aux exigences de l’aménagement du territoire. L’article L.14-25 du code général des collectivités territoriales, permet maintenant à une collectivité locale d’intervenir en cas de carence du marché. Depuis la fin 2002, la proportion de la population potentiellement couverte par le haut débit est passée de 62 à 83 %. Les abonnés représentent 8 % de la population, si bien que nous sommes au-dessus de la moyenne européenne.

Renforcer l’attractivité des territoires, c’est aussi permettre l’émergence de nouvelles activités. Le Gouvernement a arrêté une stratégie fondée sur les pôles de compétitivité. Nous lancerons dans les jours qui viennent un appel à projets. A partir d’un cahier des charges rigoureux, nous définirons les projets éligibles. Jusqu’en 2007, 750 millions d’euros seront dégagés, dont la moitié sur le budget général de l’Etat.

Nous sommes conscients que les territoires les moins typés ont besoin de se différencier. Les aides aux entreprises sont des leviers importants et nous ne voulons pas nous en priver. Gilles de Robien et moi souhaitons poursuivre nos interventions au moyen de la PAT. En 2005, elle bénéficiera à de grands projets d’investissement, mais aussi à des projets structurants de moindre envergure. Dans le cadre des pôles de compétitivité, la PAT joue un rôle central dans l’intervention publique.

L’Agence française des investissements internationaux a réalisé un travail important pour promouvoir l’image de la France. L’équilibre entre ses deux ministères de tutelle lui est bénéfique et il doit perdurer. Si cet organisme est seul capable d’appréhender la demande, seuls des acteurs de terrain peuvent concevoir une offre adaptée. C’est le rôle des agences de développement économique. Dès l’origine, la DATAR a mobilisé son réseau. Le besoin d’Etat se fait en effet sentir sur l’ensemble de notre territoire.

M. le Ministre - Il faut réduire la fracture territoriale. Aujourd’hui, certains territoires ne peuvent s’ouvrir au monde faute d’infrastructures de transports ou de télécommunications. C’est une exigence de solidarité nationale que de donner à tous les territoires, y compris les plus faibles, le droit à la compétitivité, le droit de vivre au XXIe siècle. Lors du CIADT du 18 décembre 2003, nous avons mis en place les outils nécessaires. Il faut maintenant mettre en œuvre ces décisions de manière à désenclaver les territoires qui doivent l’être.

Je veux répondre à Louis Giscard d’Estaing sur le Fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien : le cadre juridique européen exige une analyse des coûts du transport aérien. Celle-ci est en cours à la Direction générale de l’aviation civile. Il faut prévoir une articulation entre les services compétents des différents Etats, mais la gestion de la ligne consacrée aux liaisons déficitaires doit rester au FIATA. Je vous propose de construire un document récapitulant toutes les actions de l’Etat.

Le déplacement des idées devient aussi important que celui des biens et des personnes. Je souhaite donc généraliser le haut débit, comme l’a demandé le Président de la République. Nous serons aidés par les révolutions technologiques en cours. Mais s’il le faut, l’Etat fera jouer la solidarité nationale. La fracture territoriale est d’abord numérique. C’est pourquoi le Parlement a permis aux collectivités locales de pallier les carences du marché, voire de devenir opérateurs. Il y aura 2 milliards d’investissements dans le cadre de délégations de service public. En outre, le Gouvernement a prévu un fonds de soutien de 100 millions d’euros. A la demande du Premier ministre, nous travaillons avec M. Devedjian à la définition d’un plan d’action en faveur des zones non couvertes par les opérateurs privés. Notre but est de garantir la desserte de chaque école et de chaque mairie. Nous présenterons ce plan dans les semaines qui viennent et nous sommes à votre disposition pour examiner l’état des lieux.

Alors que la troisième génération de téléphones mobiles est commercialisée, il n’est pas acceptable que certaines communes restent dans des zones d’ombre. Le Gouvernement a donc défini un plan de déploiement et j’ai mobilisé mes services pour qu’ils aident les élus à installer des relais.

Il n’est rien de pire, pour les élus locaux, que la fermeture de la plus grosse entreprise de leur collectivité. Le Gouvernement a donc créé les contrats de site : sous l’égide du préfet, des hommes de bonne volonté se réunissent pour bâtir un projet. Cette formule n’existe que depuis un an, mais les premiers résultats sont porteurs d’espoir.

Tel est le rôle que nous assignons à l’Etat. Je tenais à le rappeler avant l’examen de ce budget, qui ne comporte qu’une partie des moyens consacrés à l’aménagement du territoire.

M. Jacques Bobe - Dans les contraintes budgétaires actuelles, l’essentiel est de faire les bons choix et de maîtriser les crédits. Un effort de financement de 8,6 milliards est consenti, qu’il s’agisse de l’agriculture et des transports, des exonérations de charges ou des fonds européens.

En premier lieu, les pôles de compétitivité mis en place par le CIADT du 14 septembre, qui vont être concrétisés prochainement, sont une innovation riche de promesses. Ils seront définis et labellisés et ce projet de loi contient les mesures d’accompagnement nécessaires. Il serait très important pour les élus comme pour les entreprises que vous puissiez nous en dire plus dès maintenant sur leur définition, leur localisation, les critères d’éligibilité et de répartition de la PAT.

S’agissant ensuite de l’attractivité, la rénovation des ZRR dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, tendant à les rapprocher des zones franches urbaines, leur donnera un nouvel élan. Un autre aspect important est le maintien des services publics et du service au public en zone rurale. La volonté du Gouvernement d’assurer l’égal accès aux services publics est essentielle, même s’il faut adapter la durée et la fréquence des services en fonction de leur nature, des nouvelles technologies, des populations à desservir et des règles de concurrence européennes. J’insiste néanmoins sur la nécessité, pour assurer le développement des territoires, de mener une politique de l’habitat active, sans laquelle toute politique du service public serait vouée à l’échec. Comment envisagez-vous l’évolution des services publics en zone rurale et le réaménagement du service au public, sachant que les collectivités locales et le secteur privé peuvent jouer un rôle important ? Quelles leçons tirez-vous de l’expérience menée dans quatre départements pilotes ?

S’agissant enfin de solidarité dans le développement, les CIADT constituent une instance efficace de programmation. Pouvez-vous nous préciser l’avenir des contrats de plan Etat-région, dans la mesure où les fonds structurels européens qui constituent actuellement le tiers des ressources vont diminuer considérablement, voire disparaître ? Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à réduire la fracture numérique. Le développement massif des technologies alternatives et la couverture complète du territoire sont des enjeux majeurs. Le calendrier sera-t-il tenu ? Quels problèmes locaux rencontrez-vous et comment comptez-vous réussir ce pari ?

Je salue enfin les mesures prises en faveur des territoires les plus fragiles, notamment la montagne.

Pour conclure, la volonté affichée par le Gouvernement dans le cadre du CIADT, du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, du débat sur les délocalisations et de ce budget conduit le groupe UMP à vous apporter un soutien sans réserve.

M. Pierre Cohen - Ce débat n’est pas seulement l’occasion d’analyser le budget, mais de discuter de l’aménagement du territoire en général. M. Ayrault avait donc indiqué au Président Debré qu’il serait souhaitable qu’un certain nombre de ministres concernés soient présents. Sans remettre aucunement en cause la compétence de M. de Saint-Sernin, nous remercions en tout cas M. de Robien d’être parmi nous.

Après la critique lucide de M. Louis Giscard d’Estaing, je ne reviens pas sur le budget où la baisse générale des crédits traduit le peu d’intérêt que vous portez à l’aménagement du territoire. A preuve, le remplacement du délégué à peine nommé.

Sur les contrats de plan Etat-régions, je veux d’abord m’élever contre l’affirmation de M. de Robien selon laquelle vous essayez de rattraper le retard pris en 2001 et 2002. En réalité, les premières années d’un contrat de plan sont consacrées à des études et l’on ne passe aux réalisations effectives qu’à partir de la troisième année. La consommation des crédits est donc forcément plus faible initialement. Mais depuis 2002, vous avez gelé une partie des crédits ! S’il y a peu de réalisations actuellement, ce n’est pas parce que l’on mène des études, mais parce qu’il n’y a plus d’argent de l’Etat, tous les préfets le disent. Le rapport Bonrepaux montre que, sauf le budget de l’Education nationale qui a un an de retard, et celui de la Santé qui en a sept, tous les budgets ont deux ou trois ans de retard ; c’est le cas du vôtre. Dans ces conditions, vous proposez de rallonger la durée des contrats de plan, seule solution pour tenir les engagements pris. Mais vous proposez aussi parfois de les raccourcir et d’instaurer des étapes afin de procéder à des réajustements. N’est-ce pas là une remise en cause du rôle de l’Etat ?

A d’autres égards, les discours tenus au plan national contredisent la réalité. Ainsi, le Président de la République affirme l’importance du développement durable. Mais les crédits de ce budget ne permettent guère de mener une politique offensive dans ce domaine, notamment en ce qui concerne le fret ferroviaire. De même, vous avez abandonné totalement depuis deux ans le soutien au transport en commun dans les agglomérations.

Je laisse de côté le démantèlement du service public dans le secteur rural, dont vous entendrez parler au congrès de l’Association des maires de France, pour me concentrer sur la stratégie de l’Etat. Le groupe socialiste s’interroge en effet devant vos déclarations sur l’évolution nécessaire des contrats de plan Etat-régions et le fait que, sur la centaine de contrats territoriaux déjà prêts, la moitié seulement soient signés. L’Etat ne doit-il pas avoir pour but la planification, la redistribution, la péréquation en utilisant ces outils ? Vous créez un véritable mythe autour des pôles de compétitivité dont il faudrait renforcer l’excellence. S’en tenir à cette seule politique serait dangereux, car ces pôles ont déjà des moyens et des compétences reconnus et c’est l’emploi qui doit être l’objectif premier de l’organisation locale du territoire. Faut-il voir là une remise en cause déguisée des contrats de plan Etat-régions et du rôle de péréquation de l’Etat en faveur des territoires fragiles ? Les pôles de compétitivité ne vont-ils pas remplacer les contrats territoriaux ?

M. André Chassaigne - Ce qui frappe dans ce budget, c’est l’immense décalage entre la réalité des crédits et les annonces faites dans les CIADT successifs, qui, de ce fait, apparaissent comme autant de rodomontades, l’immense gouffre entre un discours qui n’est qu’habillage et la réalité budgétaire. On a un peu le même sentiment qu’en entendant le commissaire au Plan parler de « l’Etat stratège » alors que ce même Etat abandonne toute planification !

Le budget lui-même marque le recul des interventions pour accompagner le développement local - selon la philosophie « aide-toi, le ciel t’aidera ». En effet, le FNADT est de plus en plus absent. Chaque semaine déjà, des demandes reviennent non satisfaites et cette année, ses crédits diminueront de5 millions. De même, pour la PAT, 50 millions ont été dépensés en 2004, mais 39 millions sont prévus pour 2005. Si l’Etat intervient désormais, c’est comme pompier, pour accompagner les difficultés, ce qui transparaît dans l’augmentation des crédits consacrés aux contrats de sites et aux contrats territoriaux. Cette même approche prévaut pour les contrats de plan Etat-régions, puisque dans les programmes votés, la participation de l’Etat est de 125 millions en 2005 et que les crédits de paiement ne sont que de 71 millions.

Je souligne quelques points importants. D’abord, les orientations actuelles en ce qui concerne le fret ferroviaire sont catastrophiques pour le développement économique et l’aménagement du territoire. M. Giscard d’Estaing aurait pu vous parler de leurs conséquences dans le parc national des volcans d’Auvergne où, désormais, des dizaines de camions sillonneront les routes pour transporter les eaux minérales. De même, l’abandon du projet de ligne entre Béziers et Neussargues asphyxiera encore plus la vallée du Rhône. Quant aux routes, comment parler d’aménagement du territoire après l’avis défavorable donné par la Commission européenne sur le barreau entre Balbigny et la Tour de Salvigny ? On ne luttera pas contre la fracture territoriale en abandonnant toute politique du fret.

L’accès au haut débit représente également un enjeu d’une extrême importance. Vous créez un fonds de soutien. Mais en pratique, dans des secteurs entiers, les collectivités sont comme des bateaux ivres face aux technologies alternatives. Faute de coordonner les réflexions, on fait un peu n’importe quoi. Cela vaut pour la téléphonie mobile. A entendre M. Delevoye, tout va être réglé, mais on ne voit rien venir !

M. Jean Dionis du Séjour - Avec 255 millions d’AP et 265 millions de CP, le budget de l’aménagement du territoire est stable et ses choix stratégiques sont orientés vers les pôles de compétitivité et le service public. Je l’annonce donc immédiatement, le groupe UDF soutiendra ce budget (sourires).

Ma première question portera sur le service public, vital pour l’aménagement du territoire. Plusieurs politiques sont possibles, du moratoire à la modernisation. Je suis convaincu que les habitants peuvent comprendre la nécessité de moderniser des réseaux comme celui de la Poste, à condition que l’accessibilité pour tous soit maintenue. Or, pour la téléphonie mobile, le plan « zones blanches » a pris un an à un an et demi de retard. La phase 1 De ce plan est-elle en cours de désensablement ? Aujourd’hui, dix-huit sites seulement sont opérationnels.

S’agissant d’internet, la fracture numérique territoriale est en cours de résorption, mais quelles perspectives s’ouvrent-elles aux territoires encore à l’écart de l’ADSL ?

L’activité touristique est elle aussi un facteur de dynamisation des territoires, pour lequel le levier fiscal est déterminant, comme nous le savons bien en Lot-et-Garonne. A ce sujet, quelle sera la position du Gouvernement lors de la discussion en deuxième lecture au Sénat du projet de loi sur le développement des territoires ? Avec Christian Blanc, notre réflexion sur les pôles de compétitivité nous a conduits à définir les termes d’une association entre recherche et production, rassemblant les acteurs de la même filière. Cette philosophie inspirera-t-elle les cahiers des charges des pôles de compétitivité ? A l’heure de lancer des appels d’offre, quel nombre de ces pôles le Gouvernement a-t-il en tête ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Sur les chiffres, il est possible de discuter pendant des heures. L’analyse des crédits d’aménagement du territoire ne peut pas nous conduire à émettre un jugement négatif. Mais l’aménagement du territoire, c’est beaucoup plus que des crédits.

Monsieur Cohen, si aujourd’hui la définition d’une politique globale d’aménagement du territoire fait question, c’est qu’en 1994 nous avions adopté une loi-cadre, pour les vingt années à venir (Interruption de M. Pierre Cohen). Or Mme Voynet a détruit ce travail en abrogeant dans sa loi le schéma national d’aménagement du territoire au profit de schémas collectifs de services publics, qui ont conduit à l’impasse. Le phénomène de déstructuration que nous constatons aujourd’hui induit un grave défaut de lisibilité.

Vous avez parlé, Monsieur le ministre, d’« Etat éclaireur, d’Etat garant » ; j’ajouterai : « Etat moteur »…

M. Augustin Bonrepaux - Le moteur est en panne !

M. le Président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Nous essayons maintenant de concevoir une ligne directrice à laquelle se tenir. La décentralisation suscite parfois des interrogations, auxquelles un développement de l’aménagement du territoire constitue la bonne réponse. Je crois pour ma part au rôle moteur d’un Etat qui prend des initiatives. Plus la décentralisation se renforce, davantage se fait sentir la nécessité de mieux définir l’aménagement du territoire. Dites-nous comment vous concevez, sur ce point, le rôle de l’Etat. Je souhaite pour ma part qu’il soit déterminant.

Faut-il poursuivre la politique des pays à laquelle, on le sait, je suis particulièrement attaché ? J’y vois la base de toute politique de développement territorial. J’attends beaucoup de la réforme à laquelle travaillent Louis Giscard d’Estaing et Jacques Le Nay relative aux contrats de plan Etat-régions. De tels instruments ne valent que s’ils sont placés au service d’une politique d’ensemble. C’est pourquoi je préconise d’élaborer une Charte nationale de l’aménagement du territoire, destinée à fixer les lignes directrices dont nous avons besoin. Le Gouvernement prend des initiatives courageuses que je salue, mais les différents acteurs de l’aménagement du territoire réclament avec raison davantage de lisibilité. Ce n’est pas en créant de nouveaux organismes que l’on réglera ce problème. Le Conseil national n’est-il pas bien placé pour concevoir des instruments d’observation et d’étude, au lieu de se borner comme jusqu’à présent à célébrer des grands-messes ? M. Blessig nous le dira. Il est clair, en effet, qu’il nous faut disposer de moyens et d’instruments plus efficaces pour mieux appréhender en amont la politique territoriale.

M. le Président de la commission des finances - Rappelons que la commission des finances a accepté de constituer une mission d’information relative aux contrats de plan, car le retard est préoccupant. Saurons-nous recentrer les prochains contrats sur les investissements structurels propres à dynamiser le développement territorial ? C’est toute la question.

Je souhaite bonne chance aux pôles de compétitivité ! En France, nous aimons multiplier les sigles. Mais prenons garde à ne pas multiplier ainsi les zonages ! Les 120 millions supplémentaires de dotation globale ont été concentrés sur les ZUS. Mais dans les ZUS se trouvent des collectivités très riches, alors que des collectivités pauvres ne sont pas situées en ZUS et ne toucheront donc rien.

M. Augustin Bonrepaux - Très bien !

M. le Président de la commission des finances - Evitons de demander à l’Etat ce qu’il ne peut pas donner ! C’est dans les 60 milliards de dotation de l’Etat aux collectivités locales qu’il faut chercher l’instrument principal d’aménagement du territoire.

M. le Ministre - Je réponds d’abord sur les pôles de compétitivité. La France possède une industrie puissante, compétitive, mais qui doit toujours progresser pour se montrer plus réactive. Aussi est-il capital de gagner sans cesse des points de productivité dans le secteur des nouvelles technologies, en perpétuelle évolution. Les pôles de compétitivité sont destinés précisément à mettre en commun, sur un même territoire, des ressources et des compétences, pour aboutir à ce que j’appellerais une fertilisation croisée. Un récent voyage en Finlande m’a beaucoup édifié : j’ai vu au nord d’Helsinki, dans une zone quasi-déserte ne comptant pas plus de 300 000 habitants, une université décentralisée, des collectivités locales, des industries, travailler en commun pour sauver la filière bois et pour se placer ensemble à la pointe des technologies de la communication. Il nous reste bien du chemin à parcourir en France pour parvenir à une telle synergie. Or, même si l’importance des délocalisations doit être relativisée, cette synergie permet de lutter efficacement contre elles, car il est difficile de déplacer des réseaux ainsi constitués. Quand notre territoire sera couvert de pôles de compétitivité, on parlera beaucoup moins de délocalisation. C’est pourquoi le Gouvernement travaille à promouvoir ces pôles, et donc à dynamiser les synergies.

Dans ce domaine, l’Etat se veut facilitateur davantage que moteur. Le recours à la procédure d’appel à projet ne tend pas à définir un nouveau périmètre mais à lancer un véritable projet. Je compte qu’une vingtaine de pôles existera au printemps prochain et d’ici 2007, 750 millions seront consacrés aux pôles de compétitivité, financés pour moitié par le budget général et pour le reste par les organismes institutionnels dépendant de l’Etat, comme la Caisse des dépôts ou l’ANVAR. De plus, des subventions publiques, des exonérations fiscales, des allégements de charges sociales interviendront à titre d’incitations.

On l’a dit, l’accès au haut débit est un élément déterminant d’aménagement du territoire. La CDC mobilise 235 millions pour l’équipement numérique des territoires. Dans chacun de ces territoires, il existe une sorte de génie local, qui ne demande qu’à s’exprimer mais ne sait pas comment, en raison d’un cloisonnement excessif. Ce génie local ne doit pas se cantonner dans les pôles de compétitivité. C’est pourquoi 4 millions seront mobilisés chaque année pour accompagner le développement de pôles d’excellence locaux. Monsieur Bobe, à la fin de juin dernier 83 % de la population, soit 50 millions de personnes, pouvaient accéder à l’internet, contre 37 millions à la fin de 2002. On mesure la progression ! Notre pays est désormais très bien placé en Europe et dans le monde pour l’accès aux hautes technologies de la communication. C’en est fini des complexes de naguère, car la France a rattrapé l’essentiel de son retard. Au milieu de cette année, 19 300 communes avaient accès à l’internet, et 95 % de la population sont ainsi couverts. Reste que 15 000 petites communes ne sont toujours pas couvertes, et nous ne pouvons donc pas nous endormir sur nos lauriers.

Non, Monsieur Dionis du Séjour, il n’existe pas de technologie miracle ; il faut trouver des solutions adaptées à chacun des territoires, sachant en outre que tout dans ce domaine évolue très vite. C’est pourquoi nous mobilisons les services de l’équipement, avec par exemple l’installation à Nantes d’une équipe d’experts nationaux qui conseilleront les collectivités en toute indépendance. En effet, dans notre esprit il est bien du rôle de l’Etat d’apporter expertise et conseil.

M. le Secrétaire d'Etat - M. Dionis du Séjour s’inquiète de la phase 1 du plan de téléphonie mobile. Qu’il sache qu’à la fin de septembre 2004, 34 protocoles départementaux étaient signés sur 86 attendus. Quatre seulement l’étaient en février. Le mouvement est donc rapide. Sur 1250 sites concernés par un emplacement potentiel, 1137 étaient en cours d’exploration, et 474 étaient déjà retenus fin septembre. Par ailleurs, 18 pylônes ont été mis à disposition par les collectivités et 4 sites ouverts (Exclamations). Cela demeure insuffisant, c’est vrai, mais le progrès est très important. Il faut savoir en outre que les délais d’implantation sont très longs : quinze mois au moins. Nous avons adressé le 5 octobre une circulaire aux préfets afin que les DDE mobilisent plus de moyens, ce qui devrait faciliter les démarches préalables.

De nombreux parlementaires semblent intéressés par l’idée des pôles de compétitivité. Le cahier des charges sortira dans les prochains jours. Le nombre de pôles dépendra des premiers résultats et des expertises. Mais il apparaît, à l’évidence, que nous avons besoin d’une autre maille pour répondre aux préoccupations des élus, des industriels et des acteurs socio-économiques.

Les politiques d’accompagnement sont également tout à fait nécessaires et le CIADT du 14 septembre a décidé d’y consacrer une enveloppe de 2 millions, équivalente à celle en provenance du ministère de l’industrie. Nous souhaitons être en mesure de faire des propositions complémentaires pour les nouveaux réseaux lors du CIADT du printemps prochain.

M. le Ministre - S’agissant des contrats de plan, fin 2003 le taux de mise en œuvre des crédits délégués était de 45,7 % pour un taux théorique de 55,4 %. Le retard est désormais pour moitié comblé (Protestations). Ce sont des mathématiques, pas de la politique partisane, Monsieur Cohen ! En 2000 et en 2001, vous n’aviez pas mis de crédits parce que vous vous contentiez d’études, c’est trop facile ! (Mêmes mouvements)

En 2002 et en 2003, la crise économique nous a privés de beaucoup de ressources. Or, c’est un fait, le budget de l’équipement et les contrats de plan sont une des rares variables d’ajustement dont dispose le Gouvernement. Vous n’allez quand même pas nous reprocher d’avoir privilégié le social en période de crise ! (Mêmes mouvements)

Le Gouvernement tient néanmoins à mener à bien les contrats de plan. Notre capacité à résorber les retards accumulés par les deux gouvernements précédents dépendra de la conjoncture et de la reprise de la croissance, à laquelle je crois. Les investissements contractualisés seront réalisés.

Je tiens par ailleurs à rassurer M. Cohen à propos de la DATAR : le délégué sera nommé dans les prochains jours.

A M. Chassaigne, qui a parlé d’un décalage entre le CIADT et la réalité, je rappelle que nos prédécesseurs avaient annoncé 15 milliards de projets non financés. Désormais, les projets disposeront de plus de moyens, puisque les dividendes autoroutiers seront directement affectés à l‘AFIT et que ces ressources devraient progresser de 2 à 5 %.

On a beaucoup parlé du fret ferroviaire ces dernières années, Monsieur Cohen, mais on n’a pas fait grand-chose, à tel point que l’on a perdu 40 % de parts de marché en quarante ans. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des moyens du ministère sont consacrés au mode propre, le CIADT du 18 février l’a encore confirmé. Ainsi, 900 millions sont consacrés au gros entretien des voies ferrées et 1,5 milliard à la maîtrise de la dette ferroviaire. Par ailleurs, 75 % des crédits de l’AFIT sont consacrés à des modes durable, par exemple au lancement de la liaison Perpignan-Figueras.

La majorité précédente prétendait doubler le fret ferroviaire, alors que le trafic baissait, que l’on perdait 100 millions par an, que le déficit de la SNCF était presque uniquement lié au fret et que les clients se tournaient vers la route ! Nous, nous en parlons un peu moins – et nous avons tort – mais nous affectons 800 millions pour sauver le fret, moderniser l’offre, et améliorer la qualité des services. Nous allons ainsi le rendre à nouveau compétitif et en faire un motif de fierté pour les cheminots, de même que les lignes à grande vitesse. 2004 sera ainsi l’année du retour à l’équilibre et 2005 celle de la reconquête.

M. Emile Blessig - Je me réjouis, Monsieur le ministre, que vous fassiez confiance au génie local. Mais, l’aménagement du territoire s’inscrivant désormais dans le contexte radicalement nouveau de la décentralisation, je me demande comment l’idée d’un Etat moteur, stratège et péréquateur, peut se conjuguer avec les différents échelons. Faute de définir des priorités claires, les arbitrages seront difficiles. Dans notre société ouverte, où les échanges sont la base du développement, si un territoire ne les maîtrise pas, il se marginalise. Pensez-vous que le Conseil national d’aménagement du territoire sera en mesure de définir ces priorités ?

Par ailleurs, je me félicite de votre proposition de mettre l’expertise de l’Etat à la disposition des territoires pour leur permettre l’accès au haut débit, que la multiplicité des intervenants locaux, des techniciens et des opérateurs rend difficile à maîtriser. C’est un enjeu fondamental pour l’économie, mais aussi pour les modes de vie.

M. Yves Deniaud - Je souhaite revenir sur les structures qui concourent à l’aménagement du territoire. La MEC a montré qu’une simplification s’imposait en matière d’évaluation et de perspective. Il est temps que le Gouvernement rende l’édifice moins lourd, moins procédurier dans l’exécution, plus cohérent dans la recherche intellectuelle de ce que doit être l’avenir de notre pays.

S’agissant de la régulation budgétaire, nous ne nous résignons pas à ce que les crédits d’investissement civils de l’Etat soient une variable d’ajustement. Certes, nous souscrivons à l’exigence absolue de respecter le niveau de dépenses fixé par le Parlement, mais on a atteint les limites de l’exercice. Aller au-delà serait dommageable à l’équipement, et donc à la productivité de notre pays.

M. Augustin Bonrepaux - Le rapporteur a été bien moins critique dans sa présentation orale que dans son rapport écrit. On y lit en effet que, si les crédits du chapitre 44-10 sont affectés en priorité aux contrats de plan, les dépenses en capital diminuent, et le volet contractualisé baisse même de 7 %.

Par ailleurs, le rapporteur se félicite que la consommation des crédits consacrés à la prime à l’aménagement du territoire ait progressé en 2003, mais cela paraît logique dès lors que les crédits diminuent… Ils seront ainsi passés de 43 millions en 2003 à 40 en 2004 et à 38 en 2005. Cela signifie-t-il que vous n’êtes guère optimiste quant au nombre de créations d’emplois l’année prochaine ? Et s’il devait y en avoir autant que cette année, comment les financeriez-vous ?

Je remercie le président de la commission des finances pour ses critiques sur les pôles de compétitivité.

M. le Président de la commission des finances - C’étaient plutôt des suggestions…

M. Augustin Bonrepaux - Mais en dehors de ces pôles, que fait le Gouvernement pour l’ensemble des territoires ? Que prévoit-il, en particulier pour les zones de revitalisation rurale ? Quels sont les moyens supplémentaires que vous entendez réellement mobiliser pour les zones rurales en difficulté ?

S’agissant des contrats de plan, je vous invite, Monsieur le ministre, à relire nos rapports : jamais, depuis 2002, les crédits délégués n’ont été à la hauteur de l’effort accompli en 2001 ! Le résultat en est que le ferroviaire accuse un retard extrêmement important. Peut-on conduire une politique d’attractivité avec, en tout et pour tout, quelques gadgets fiscaux, et en négligeant les projets d’aménagement structurants ? Les travaux sur le réseau routier ont pris trois ans de retard sur le programme initial et ceux du ferroviaire, sept ans ! Vous dites que les travaux sur le réseau ferré seront terminés. Soit, mais quand ? En 2012, comme cela a été répondu au président de la région Rhône-Alpes ?

Mme Marylise Lebranchu - Permettez-moi de dire d’emblée qu’il est toujours un peu désagréable pour une région de devoir préfinancer, faute de ressources, ce qui était inscrit au contrat de plan. Et je parle d’expérience, puisque nous avons dû récemment mobiliser 9 millions en nous substituant à l’Etat.

Pour ce qui concerne les pôles de compétitivité, j’appelle votre attention sur l’absolue nécessité de ne pas décourager les énergies qui œuvrent, dans le cadre des pays, au développement du génie local. Et n’y a-t-il pas quelque contradiction à vouloir se détourner de la politique de zonage tout en prévoyant de nouvelles exonérations fiscales ? Faut-il remettre le doigt dans le système des zones franches ? Ne risque-t-on pas d’encourager ainsi des déménagements intra-régionaux par recherche d’effets d’aubaine ?

Quels sont les critères pour obtenir un contrat de site ? Le président Méhaignerie peut témoigner que, dans notre région, certains pays très sinistrés n’en ont pas obtenu, sans que l’on connaisse les motivations de ce refus. A dire vrai, le dispositif pose plus de questions qu’il n’en résout.

On annonce à grand renfort de publicité les autoroutes maritimes. Mais les opérateurs disent qu’elles ne fonctionneront que si elles sont entièrement gratuites. Dès lors, qui portera les investissements nécessaires ? Qui va financer ? Qui va accompagner le fonctionnement ? Beaucoup d’idées émergent, mais les réponses concrètes aux questions qu’elles soulèvent font défaut. Il est de la responsabilité de l’Etat d’anticiper et de mobiliser tous les acteurs. Prenons garde, car la moindre déception risque de décourager les bonnes volontés.

M. Yannick Favennec - L’accès au haut débit et à la téléphonie mobile est un enjeu essentiel du développement des territoires les plus fragiles. Il concourt en effet à leur désenclavement et permet d’envisager l’implantation d’activités nouvelles. A cet égard, je salue l’effort accompli par le Gouvernement pour que la France du haut débit progresse très rapidement. Dans la Mayenne, le conseil général a conduit, en collaboration avec France Télécom, une expérience pilote au terme de laquelle, à la fin de 2005, l’ensemble de la population aura accès au haut débit. Hélas, le bilan est moins favorable en ce qui concerne la téléphonie mobile. 3 000 communes restent en zone blanche et plusieurs secteurs géographiques ne sont couverts que par un seul opérateur, comme dans les zones rurales du Nord-Mayenne. Deux outils permettraient de remédier à cette situation hautement préjudiciable : l’itinérance locale – pouvant permettre, à terme, de couvrir 65 % des zones blanches – et la mutualisation. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous indiquer comment le Gouvernement entend accélérer la mise en place de l’itinérance locale et améliorer la couverture des zones desservies par un seul opérateur ?

M. Jean-Pierre Balligand - Je suis très inquiet pour la France des villes moyennes et des petites villes. Si la problématique du pouvoir d’attraction des territoires est à la mode, la logique des pôles de compétitivité ne résoudra pas tout. Pis, ne risque-t-elle pas, comme l’a justement relevé Mme Lebranchu, de tendre à concentrer l’activité autour des grandes universités et des pôles technologiques, au détriment des autres territoires ? C’est pourquoi tous les présidents de communautés de communes et de communautés d’agglomération demandent l’élaboration de contrats territoriaux. Attention aussi au risque de démobilisation des acteurs locaux. Comment justifier que, sur les quelque 300 chartes de pays élaborées, 60 seulement aient été signées et qu’une cinquantaine seulement des 100 projets d’agglomération aient abouti ? Il y a là un vrai motif d’inquiétude. Nous voulons que l’Etat soit au rendez-vous et honore ses engagements.

S’agissant de la localisation des activités, je souhaiterais que l’on évalue les dispositifs mis en place sous la législature précédente. On répète volontiers que la France est le deuxième pays d’accueil des investissements étrangers, mais nous manquons d’indicateurs permettant d’apprécier leur implantation sur le territoire.

Dernière remarque, un peu technique : s’agissant de la PAT, ne faut-il pas s’étonner du décrochage des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme au cours des trois derniers exercices ? Y a-t-il eu des annulations de crédits faute de dossiers, ou a-t-on fait l’impasse sur les CP ?

M. Marc Laffineur - Je suis toujours étonné d’entendre certains dire que l’on ne dépense pas assez, notamment pour les contrats de plan. A-t-on oublié que notre pays accuse 1 000 milliards de dette et a continué à dépenser inconsidérément en période de croissance ?

D’autres ont évoqué avec nostalgie les fonds sociaux européens. Il me semble pourtant plus sage de ne pas se battre pour en demander au titre de l’objectif 2 car, pour avoir un euro dans ce cadre, il faudra en donner trois ! Il me semble par contre tout à fait naturel que nous continuions à en bénéficier au titre de l’objectif 1.

Les pôles de compétitivité me semblent procéder d’une excellente intention. Pouvons-nous cependant obtenir quelques éclaircissements sur leurs modalités pratiques ? Les rapports font d’ores et déjà apparaître certains noms mais les dossiers de demande ne sont toujours pas disponibles. Qui pilotera les pôles de compétitivité ? Est-il certain que les régions soient le bon interlocuteur ? Est-il opportun de centraliser le pilotage des pôles au niveau des régions ?

Sur la question des services publics, assez de démagogie ! Nous savons qu’ils ne pourront pas tous être maintenus en zone rurale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La seule solution, c’est de rendre moins rigides les statuts de la fonction publique, de manière que des commerçants puissent assurer des fonctions d’intérêt général.

M. Jean Proriol - Les deux rapports se concluent par une série de propositions, dont la première est le respect par l’Etat des contrats signés et des échéanciers de dépenses qu’ils comportent. Or, nous constatons des retards, qui ne datent pas d’aujourd’hui d’ailleurs. Nous savons en outre que certains contrats de plan ont été signés en retard. Vous nous dites que vous essayez de rattraper le temps perdu : nous en acceptons l’augure. Toutefois, dans les années qui viennent, vous devrez redéfinir le zonage de la PAT, celui du FEDER, si FEDER il y a toujours, et signer de nouveaux contrats de plan. Existe-t-il un calendrier prévisionnel ? Réfléchissez-vous à ces questions ? Le temps court plus vite qu’on ne le croit…

M. François Brottes - Comme mon collègue Pierre Cohen, j’estime qu’il est difficile d’avoir un débat constructif en l’absence de M. Copé et de M. Devedjian.

S’agissant des pôles de compétitivité, il ne faut pas jouer aux apprentis sorciers. Même si je suis l’élu d’une des communes étudiées dans l’excellent rapport de M. Blanc, je considère qu’on mélange un problème de filières industrielles avec la question du développement territorial. Or, confondre les deux, c’est risquer de désespérer certains territoires. Il faut certes réfléchir à cette formule qui devrait permettre de neutraliser les conséquences les plus désastreuses de l’économie de marché, mais le débat ne s’engage pas dans de bonnes conditions.

Le budget de la DATAR est en baisse. J’ai déjà interrogé le Gouvernement sur la nomination du directeur. J’aimerais savoir, en outre, si les comités de massif seront maintenus.

Pour garantir les services publics, je ne suis pas sûr que les boulangers et les charcutiers puissent tout faire, ni que ce soit souhaitable. Monsieur de Saint-Sernin, comment l’Etat compte-t-il garantir le financement des maisons de services publics ?

Je terminerai par une question sectorielle. On ferme les gares qui servent au tri et à l’acheminement du bois. Et sur la route, Monsieur de Robien, votre ministère refuse de prendre le décret nécessaire pour mettre en œuvre une disposition législative adoptée en 2001 qui augmente la charge autorisée des grumiers. Il s’agit bien d’une question d’aménagement du territoire : pour conforter la filière bois et en faire un pôle de compétitivité nationale, il ne faut pas entraver le développement de cette activité. J’imagine que vous me répondrez, car si j’interroge M. Gaymard, il me dira que ce n’est pas de sa compétence.

M. Gilles Artigues - Nous partageons, Monsieur le ministre, votre volonté d’un développement harmonieux du territoire, mais les élus locaux sont inquiets de constater que les projets retenus au CIADT n’ont pas été réalisés. Les exemples ne manquent pas. J’attends ainsi des assurances sur l’autoroute A 45, entre Saint-Etienne et Lyon. Nous savons en outre que la réalisation de tels projets prend beaucoup de temps. Il est donc indispensable de sécuriser les installations existantes, comme l’A 47, sur laquelle le risque d’accidents est élevé.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Pour ma part, je ne crois pas que refuser le délitement de nos services publics soit de la démagogie. Les collèges et les lycées, un bon réseau postal, des subdivisions de l’équipement apportant des capacités d’ingénierie aux élus locaux, tout cela ne contribue-t-il pas à l’attractivité du territoire ? Je pense que si. Dans ma région, deux cents élus d’un même département ont démissionné pour protester contre le délitement des services publics.

M. Marc Laffineur - Folklore !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Au moment où les collectivités territoriales remplissent de mieux en mieux leurs missions, il est anormal que l’Etat s’exonère de ses responsabilités. Je demande, au minimum, des négociations préalables à toute décision dans ce domaine, pour éviter que tous les services publics disparaissent en même temps.

Dans un tel contexte, parler d’aménagement du territoire suscite au mieux des sourires amusés, et plus souvent des critiques acerbes.

M. Jean Launay - Comme M. Ollier, je pense qu’il faut sauver le fret ferroviaire. Interrogé sur ce sujet, M. Goulard m’a répondu en insistant sur la nécessité de fermer certaines lignes de fret pour pouvoir un jour les rétablir. Je n’y crois pas. La commission des affaires économiques a entendu Louis Gallois et, jeudi dernier, au Conseil économique et social, M. Véron a présenté le plan qui porte son nom.

L’analyse de la SNCF n’est pas claire. De quel fret parlons-nous ? Des embranchements sont supprimés, les lignes transversales sont en danger. Dans ma circonscription, se trouve le dernier chantier de traverses en bois de la SNCF. Comment expliquer aux salariés que les transports se fassent par camion ? Il s’agit d’une provocation.

Deux logiques s’opposent : celle de la massification, des trains longs, des liaisons européennes et celle de l’aménagement du territoire.

Monsieur le secrétaire d’Etat, vous êtes, vous aussi, l’élu d’un monde rural qui ne veut pas disparaître. Quelle est votre vision du problème ? Quel rôle assignez-vous à l’Etat et aux contrats de plan ? Ces questions concernent aussi le transport des voyageurs.

M. le Président de la commission des finances - Je note trois thèmes prépondérants dans les interrogations de mes collègues : les pôles de compétitivité, le problème des contrats de plan et les zonages.

M. le Ministre - M. Blessig est satisfait que l’expertise de l’Etat soit mise à la disposition des collectivités locales. J’en prends acte.

M. Deniaud ne se résout pas aux mesures de maîtrise budgétaire. Le ministre non plus, mais elles sont nécessaires dans les conjonctures difficiles que nous avons connues en 2002 et 2003. En 2004, le Premier ministre s’est montré ouvert et nous étudions avec lui ce qu’il est possible de faire.

M. Bonrepaux a insisté sur le transport ferroviaire. Il y a certes des retards, mais notre action ne se borne pas aux contrats de plan. Nous avons dégagé 800 millions en faveur du fret ferroviaire. En outre, dans les décisions du CIADT du 18 décembre, une place prépondérante a été faite au transport ferroviaire. Au total, nous menons une véritable politique en faveur des transports propres, politique dont il a beaucoup été parlé les années précédentes – sans qu’il soit trouvé de financement. Ce sont des investissements lourds que nous avons prévus. Le fret ferroviaire pourra bientôt traverser les Pyrénées à grande vitesse : les travaux ont commencé et le percement du tunnel Perpignan-Figuéras commencera dès février. S’agissant du volet routier, nous travaillons avec le Premier ministre et j’espère vous rassurer rapidement. A la fin 2003, le taux d’avancement était de 43,84 % pour les projets routiers et de 26,73 % pour les projets ferroviaires. Je ne peux vous donner de dates, car nous sommes tributaires de la croissance à venir. Les dotations des collectivités locales sont d’ailleurs moins aléatoires que les recettes de l’Etat. Mais je n’ignore pas que la parole de l’Etat doit être respectée.

Madame Lebranchu, les contrats de plan prévoient 40 milliards d’investissements, dont 17,5 à la charge de l’Etat. Mais les recettes de l’Etat sont presque exclusivement fiscales. En outre, les dépenses sociales s’accroissent à mesure que la conjoncture économique se dégrade. Les régions, quant à elles, sont des collectivités qui investissent ; elles ont même intérêt à dépenser de manière contra-cyclique, et les fédérations du BTP restent d’ailleurs optimistes. Le Gouvernement a créé les contrats de sites ainsi que les contrats de redynamisation économique, qui permettront, sur trois ans, de renforcer l’attractivité d’un territoire, de favoriser l’organisation des filières et de développer la qualification des salariés. Ces contrats ont pour objectif de créer une dynamique locale.

Depuis deux ans, douze contrats de site et dix contrats de redynamisation économique ont été élaborés. Les premiers ont été signés et mis en œuvre depuis fin 2003 et en 2005 le Gouvernement fera un effort d’accompagnement grâce aux 16 millions inscrits au FNADT et à la contribution des autres ministères concernés. Nous réunirons prochainement l’ensemble des préfets pour tirer un premier bilan des contrats de sites et dynamiser cette procédure.

S’agissant des pôles de compétitivité, nous serons sélectifs afin de retenir des pôles d’envergure internationale. Mais, comme Frédéric de Saint-Sernin l’a indiqué, nous ferons tout pour donner les meilleures chances à d’autres territoires. Les pôles de compétitivité sont des outils supplémentaires qui doivent bénéficier à l’ensemble du territoire national.

Madame Lebranchu, les autoroutes de la mer ne seront pas gratuites. L’Etat donnera une impulsion financière grâce à l’Agence de financement des infrastructures terrestres, mais une étude est en cours avec les professionnels pour parvenir à une offre adaptée aux besoins, qu’il s’agisse des distances, des fréquences, des capacités ou des prix. Il semble en particulier qu’il faille privilégier les longues distances. Nous avons également des échanges avec les Espagnols et les Italiens dans ce domaine.

Monsieur Balligand, sur les villes moyennes vous avez entièrement raison. J’ai demandé une étude à ce sujet à la DATAR afin de préparer un CIADT qui se tiendra en 2005. Dans certaines villes on a perdu l’espoir, et nous savons ce que peut être la traduction politique de cette désespérance. En ce qui concerne la PAT, l’écart que vous relevez entre les autorisations de programme et les crédits de paiement traduit un ralentissement dans la mise en œuvre des projets. Il n’est pas question de jouer avec la trésorerie des entreprises et c’est avec satisfaction que nous débloquons les crédits PAT dès que nous le pouvons, car ils sont synonymes de créations d’emplois.

Monsieur Proriol, les zones PAT vont disparaître. Des discussions sont en cours avec Bruxelles, et dans ce cadre les zonages d’objectif 2 sont incertains. Nous voulons simplifier, sans pour autant diluer les aides, ce qui se ferait au détriment des plus fragiles. C’est tout le sens de notre action en faveur des ZRR, des ZUS et des ZFU.

Monsieur Brottes, les dispositions permettant d’augmenter les tonnages autorisés pour le transport du bois prises après la tempête de 1999 ne pourront être pérennisées qu’après concertation avec les collectivités locales. Les routes empruntées relèvent en effet des communes et des départements, et l’alourdissement des charges les détérioreraient. La solution est probablement que les professionnels du bois et les gestionnaires locaux se concertent pour choisir des itinéraires, les renforcer, et ensuite seulement relever les limites autorisées. Il est normal que la filière participe au financement, comme le font les betteraviers.

Toujours à propos de la filière bois, M. Launay m’a interrogé sur la politique du fret. En 2003, 207 gares étaient ouvertes au trafic bois ; dans dix-huit d’entre elles, ce trafic était nul, et en moyenne il était d’un wagon par jour et par gare. Le transport de bois par la SNCF ne représente que 6 % du marché, la route en assurant 94 %. Le marché du bois assure 1,7 % du chiffre d’affaires fret de la SNCF, mais est responsable de 5 % du déficit. Cette situation ne pouvait pas durer. Grâce à des gains de productivité interne, l’entreprise, en diminuant le nombre de wagons et les effectifs, a déjà réduit le déficit de 30 %. En 2004, les pertes seront encore de 16 millions. Il faut donc travailler avec les professionnels pour améliorer le trafic. De janvier à septembre, seize réunions ont eu lieu avec leurs trois fédérations, dont huit au niveau national et huit au niveau régional, et un comité de suivi va être créé. Pour l’instant, onze gares d’importance mineure ont déjà été fermées. La SNCF vise une augmentation du fret de 30 % en trois ans. Les prix ont augmenté de 5 % début 2004, et il est proposé de les augmenter de 15 % en 2005. Laisser la situation se dégrader conduirait à un transfert rapide vers le transport routier. L’action volontariste que nous avons décidée avec la SNCF et le plan Véron est la dernière chance pour sauver le fret bois.

M. le Secrétaire d'Etat - Je reviens sur les pôles de compétitivité. L’appel à projets sera rédigé définitivement d’ici la semaine prochaine et transmis aux préfectures pour concertation avec l’ensemble des partenaires, élus et entreprises. Les dossiers remonteront à la DATAR et au ministère de l’économie, et seront instruits avec l’aide de groupes d’experts choisis en fonction de la compétence de chaque pôle. Six ministères sont concernés ; les premières décisions interministérielles seront prises en CIADT au cours du premier semestre 2005.

Les crédits de paiement effectivement consommés pour la PAT se sont élevés à 36 millions en 2004. Il est prévu 39 millions de crédits pour 2005. La consommation dépend en partie de la conjoncture qui peut conduire à retarder certains projets. 110 contrats territoriaux ont été signés fin septembre, et nous en serons à 200 à la fin de l’année. Ils sont financés sur le titre VI du FNADT. Les crédits délégués se sont élevés à 83 millions en 2003, à 130 millions en 2004, et atteindront 135 millions en 2005. Les deux tiers du financement des contrats territoriaux sont assurés par d’autres ministères que celui de l’aménagement du territoire.

Il a été question, à plusieurs reprises, des structures. L’IHEAT va prendre une nouvelle dimension européenne car il est nécessaire d’inscrire notre politique d’aménagement du territoire dans un cadre plus large. L’Etat y est partenaire de collectivités territoriales et d’entreprises privées, lesquelles ont d’ailleurs pris l’initiative. Le budget, qui était auparavant de 545 000 € et pris en charge intégralement par la DATAR, sera de 500 000 €, la part de l’Etat atteignant au maximum 120 000 €. L’initiative de créer un observatoire du territoire a été prise au CIADT du 13 décembre 2002 afin de répondre aux besoins de cohérence et de transparence dans le cadre de la décentralisation. En effet, si de nombreux organismes publics rassemblaient les données, on manquait d’un lieu de synthèse et il n’y avait pas de mutualisation des méthodes. L’observatoire élaborera des synthèses d’informations, assurera la cohérence entre les dispositifs existants et favorisera le dialogue ainsi que la mutualisation des méthodes employées. Il ne s’agit pas d’une structure en plus : le travail sera assuré par quatre personnes qui sont déjà employées par la DATAR, et le budget pour l’informatique et les études sera dégagé sur les moyens de fonctionnement courant de la DATAR.

M. Brottes a posé une question sur les commissaires de massif. Il n’y a pas de changement : leur statut et leurs missions ont été maintenus et renforcés par le décret de janvier 2004.

Le service public a fait l’objet de beaucoup d’interventions. Comme je l’ai dit, nous concentrerons l’effort sur les maisons de service public, grâce au FNADT, et avec l’aide du ministère de l’Intérieur. Lors de la discussion de la loi relative au développement des territoires ruraux, et à propos de l’expérimentation menée dans différents départements, il a notamment été question du rôle du préfet, de la polyvalence d’accueil dans les maisons de service public et du traitement à distance des dossiers. Le service public ne peut être figé, mais doit s’adapter aux nouveaux moyens, ainsi qu’aux besoins nouveaux des usagers, qui sont également des contribuables.

Madame Pérol-Dumont a évoqué une conception large du service public. En milieu rural, elle peut l’être effectivement. Ainsi j’étais en visite dans son département la semaine dernière, et le représentant du conseil général m’a demandé à avoir un gendarme de plus pour la nouvelle communauté de brigades. Les expérimentations qui se poursuivent dans quatre départements montrent que les réalités locales peuvent parfois conduire à une action au niveau national, mais qu’elles doivent aussi être prises en compte dans leur spécificité.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Je suis favorable à l’Europe et ne vois pas d’inconvénient, au contraire, à ce que le Portugal ou l’Espagne bénéficient des fonds européens. Mais 2006 sera une année de rupture. Les territoires français ont leur spécificité, par exemple une faible densité qui les fait classer en « intermédiaires ». Il n’est pas normal, à mes yeux, que l’on ne puisse obtenir, en dépit de cette spécificité, le maintien d’une partie des aides comme celles qui vont disparaître avec les zonages de la PAT. A force de supprimer des moyens d’action, et même si l’on renforce les ZRR et les ZRU, que va-t-il rester de notre politique d’aménagement du territoire ? La discrimination positive est un instrument utile. Que l’égalité des chances passe par l’inégalité du traitement est un élément fondateur de l’aménagement du territoire. Y a-t-il une chance que la spécificité française soit mieux préservée au niveau européen qu’elle ne l’est aujourd’hui ?

Il s’agit là, je le sais, d’une discussion difficile pour vous, Monsieur le ministre. Mais je suis vraiment inquiet de voir disparaître certains instruments de l’aménagement du territoire.

M. le Ministre - La France se caractérise par trois spécificités. D’abord elle est un pays à faible densité moyenne de population. Ensuite toute l’Europe, au moins celle de l’Ouest, a besoin d’elle car elle est un pays de transit. Enfin, elle est marquée par de forts contrastes régionaux, autrement dit par une fracture territoriale. Tout cela, l’Europe ne peut pas l’ignorer. Les négociations, à Bruxelles, sont ardues. Nous déployons une extrême vigilance pour que l’Europe tienne concrètement compte de nos trois spécificités.

Monsieur le Président Ollier, la notion d’« Etat moteur » convient bien au ministère des transports et de l’aménagement du territoire ! Mais ce rôle moteur doit s’exercer dans le respect du principe de subsidiarité applicable aux collectivités, afin que le génie local puisse pleinement s’exprimer. L’AFIT joue elle aussi un rôle moteur, puisque 7,5 à 8 milliards seront mobilisés d’ici 2012 pour contribuer au financement de grandes infrastructures. Enfin, dans d’autres très grands projets comme Aéroconstellation, ou le désensablement de la baie du Mont-Saint-Michel, l’Etat sera là encore moteur. Pour les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence, parlons plutôt d’Etat incitateur, le moteur intervenant, en revanche, partout où sévit la fracture territoriale. Si l’Etat n’agit pas sur ce plan, qui le fera ?

La séance est levée à 12 heures 25.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

François GEORGE

 

 

 

 


 

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