PROJET DE LOI DE
FINANCES POUR 2006
Réunion de la
commission des finances,
de l'économie générale et du Plan
(en formation élargie)
compte rendu intégral
Séance du
mercredi 9 novembre 2005
sommaire
Sécurité
sanitaire
Présidence de M. Pierre Méhaignerie
M. Jean-Michel
Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du
territoire.
M. Richard Mallié,
rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du
Plan.
M. Jean-Marie Le Guen,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. Jean Gaubert,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Mme
Geneviève Gaillard,
M.
Claude Leteurtre,
Mme
Jacqueline Fraysse,
M.
Jean-Pierre Door.
M. Pierre Méhaignerie,
président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,
réunie en formation élargie.
M. Xavier Bertrand,
ministre de la santé et des solidarités.
M. Michel Cadot,
directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
MM. François Dosé,
Antoine Herth, Richard Mallié, Mme Catherine Génisson, MM. Claude Birraux,
Jean-Marie Le Guen, Jean Gaubert.
M. le président.
M. le ministre de la
santé et des solidarités.
M. Michel Cadot,
directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
M. Jean-Michel
Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires économiques.
présidence de M. Pierre Méhaignerie,
président de la
commission des finances,
de l’économie générale et du Plan
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales.
La réunion de la commission élargie est ouverte.
(La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente-cinq.)
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de
l’économie générale et du Plan, doit bientôt nous rejoindre. Je vous propose,
mes chers collègues, de commencer dès à présent nos travaux, qu’il serait
souhaitable de ne pas prolonger au-delà de midi, heure à laquelle doit se réunir
la commission des finances.
Je salue la présence, à mes
côtés, de M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires
économiques, de l’environnement et du territoire. Nous n’insisterons jamais
assez sur l’intérêt que présentent les commissions élargies, puisqu’elles
permettent à plusieurs commissions de travailler ensemble. C’est le cas ce matin
des commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales
pour le budget de la sécurité sanitaire.
Nous entendrons d’abord
M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de
l’économie générale et du Plan, M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de
la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et M. Jean
Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire.
M. Patrick Ollier
souhaitera peut-être ajouter quelques mots…
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques, de l’environnement et du territoire.
Je me réjouis de la réunion de la commission élargie consacrée à l’examen des
crédits pour 2006 de la mission « Sécurité sanitaire », dans lesquels sont
compris ceux du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».
C’est en effet l’un des avantages de la LOLF que de nous permettre de traiter de
manière spécifique des problèmes majeurs tels que celui de la qualité sanitaire.
Je salue la présence
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. M. Bussereau,
ministre de l’agriculture et de la pêche, regrette de ne pouvoir être parmi nous
ce matin, car il a été retenu à Bruxelles. Son directeur de cabinet, ici
présent, répondra à vos questions.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. Nous allons d’abord entendre les rapporteurs.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. Je tiens à rappeler à chaque orateur que son temps de parole est compté.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. La parole est à
M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de
l’économie générale et du Plan.
M. Richard Mallié,
rapporteur spécial de la commission des
finances, de l’économie générale et du Plan.
Je ferai deux remarques préliminaires.
Premièrement, grâce à la
LOLF, la mission « Sécurité sanitaire » est de nature réellement
interministérielle, ce qui lui permet de couvrir l’ensemble des crédits affectés
à son domaine. En revanche, le fait que la mission ne comprenne pas les crédits
de personnels pose un réel problème, que je tiens à souligner. Certes, le
programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » inclut le
personnel de la direction départementale des services vétérinaires – ce qui
présente un avantage – mais non les personnels de l’administration centrale du
ministère de l’agriculture.
Secondement, le fait que
les deux ministères concernés – l’agriculture et la santé – n’ait aucune vision
globale de la mission « Sécurité sanitaire » est à déplorer. Contrairement à
l’esprit de la LOLF, ils ont répondu aux questions que nous leur avions posées
sur le budget de la mission sans s’être concertés, un des deux ministères ayant
d’ailleurs mis un certain temps à nous répondre, quand l’autre l’a fait plus
rapidement.
J’ai, en conséquence, deux
questions à poser à M. le ministre de la santé et à M. le directeur de cabinet
du ministre de l’agriculture.
Première question : les
dépenses de personnel, y compris celles du personnel de l’administration
centrale du ministère de l’agriculture, seront-elles intégrées à la mission ? À
mon sens, elles ont vocation à l’être.
Seconde question : quand
les deux ministères partageront-ils une vision globale de la mission « Sécurité
sanitaire » ?
En ce qui concerne le
programme « Veille et sécurité sanitaires », je note le renforcement des moyens
des agences sanitaires – ce point me paraît important –, grâce à la création de
dix-sept équivalents temps plein travaillé – EPTT – : deux à l’AFSSAPS, l’Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé, trois à l’INVS,
l’Institut de veille sanitaire, et douze à l’Agence de biomédecine, l’ABM. De
plus, en dépit de la baisse des crédits affectés, les moyens financiers des
agences sont maintenus, puisqu’on a fait appel aux fonds de réserve. Ces agences
n’ont pas vocation, en effet, à constituer un bas de laine.
Je noterai encore le
renforcement des capacités d’expertise de l’État dans le domaine de la santé au
travail, par la transformation de l’Agence française de sécurité sanitaire
environnementale en Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et
du travail, l’AFSSET. Par ailleurs, le budget du dispositif de gestion des
alertes sanitaires dispose de près de 8 millions d’euros d’autorisations
d’engagement mais voit ses crédits de paiement baisser de 90 000 euros, en
raison de la non-reconduction des crédits au fonds d’urgence instauré par
l’article 18 de la loi relative à la politique de santé publique, qui
bénéficiera du report des crédits non utilisés en 2005.
En outre, l’assurance
maladie finance une part de la préparation des plans de réponse aux menaces
sanitaires graves, à hauteur de 175 millions d’euros, dont 146 millions seront
consacrés à l’application du plan gouvernemental de prévention et de lutte
contre le risque de pandémie grippale d’origine aviaire. Il convient de noter la
nomination d’un délégué interministériel à la grippe aviaire, M. Didier Houssin,
directeur général de la santé.
Le Gouvernement, en vue de
renforcer le dispositif d’alerte sanitaire, a élargi les missions de l’InVS dans
le cadre de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Le
système de télétransmission électronique des certificats de décès à l’INSERM se
développe, ce qui est un point positif, et la DGS, la direction générale de la
santé, a créé en son sein un département des situations d’urgence
sanitaire. Le plan « Canicule 2005 » illustre ce renforcement des plans de
réponse aux alertes sanitaires.
Quant à l’augmentation de
la taxe pour l’AFSSAPS, j’y viendrai lorsque j’évoquerai un amendement relatif à
cette question.
En ce qui concerne la
sécurité alimentaire, nous pouvons noter une hausse de près de 10 % des moyens
consacrés à la lutte contre les maladies animales, puisque les autorisations
d’engagement s’élèvent à 90,42 millions d’euros et les crédits de paiement à
99,71 millions d’euros.
Ceci permettra d’assurer la
poursuite des actions de surveillance et d’évaluation des risques, de
l’élaboration des plans d’urgence contre les épizooties majeures et de
l’établissement des bilans sanitaires annuels des cheptels.
Je note ensuite une
augmentation de 13,2 %, soit presque 20 millions d’euros, des moyens octroyés
aux services vétérinaires pour assurer l’inspection et le contrôle sanitaire de
la chaîne alimentaire. L’accent est mis sur les salmonelles en élevage et la
gestion des alertes.
Je relève par ailleurs une
augmentation de 6 % des crédits consacrés à l’élimination des stocks de farines
animales. Il s’agit en fait d’une mise à niveau des autorisations d’engagement
répondant aux encours antérieurs de l’ordre de 110 millions d’euros. De nouveaux
contrats ont été signés pour 55 millions d’euros.
J’observe que la
redéfinition du périmètre du service public de l’équarrissage permet aux
opérateurs de passer des contrats directement avec les équarrisseurs pour
l’élimination des déchets d’abattoir. Cette réforme permet de baisser le taux de
la taxe d’abattage et donc, à terme, le coût de cette activité, tandis que la
dotation de l’État en la matière augmente de presque 30 %, pour atteindre
44 millions d’euros.
Les dépenses de personnels,
pour leur part, ne varient que très peu par rapport à 2005, de l’ordre de moins
de 1 %o,
soit 5 équivalents temps plein travaillés, rapportés aux 5 218 ETPT représentant
l’ensemble des personnels des directions départementales des services
vétérinaires, à l’exclusion des personnels d’administration centrale. Les
dépenses de personnels s’élèvent à près de 239 millions d’euros pour 2006.
Pour finir, je souhaite
vous interroger, monsieur le ministre, à propos des bouchers participant au
service public de l’équarrissage, touchant une aide de 1 000 euros pour la
collecte et l’élimination des matériaux à risques spécifiés, les MRS, les os de
la colonne vertébrale des animaux équarris étant surtout concernés. Au mois de
juin dernier, ces bouchers avaient proposé de réaliser une expérimentation dans
six sites. Le ministère de la santé leur a donné son accord et l’expérimentation
a commencé le 1er novembre. Or, dans le même temps, le ministère
envisage de supprimer cette aide de 1 000 euros à partir du 1er janvier.
Je constate donc un manque de cohérence entre la mise en œuvre tardive de
l’expérimentation, le fait de ne pas en attendre les résultats et la suppression
de l’aide de 1 000 euros pour l’élimination des MRS.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. Je vous félicite pour
votre concision, monsieur Mallié.
La parole est à
M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales.
M. Jean-Marie Le Guen,
rapporteur pour avis de la commission des
affaires culturelles, familiales et sociales.
L’exercice auquel nous nous livrons se révèle intéressant et innovant, tant
parce qu’il s’agit du contrôle des agences sanitaires, renforcé par les critères
de la LOLF, que parce que la sécurité sanitaire est une prérogative régalienne
depuis que l’État et la société existent. Ce travail de contrôle permet de
réfléchir sur la modernisation et sur l’efficacité de l’État. Il est toutefois
peut-être encore prématuré par rapport à une nécessaire vision prospective.
Il convient, en effet, de
poursuivre une réflexion amorcée par Jean-François Mattei à propos du périmètre
de ces agences et donc de leur efficacité. Nous avons mis en place, ces
dernières années, un certain nombre de structures, à mon avis parfaitement
justifiées et dont l’éclosion au cas par cas était sans doute nécessaire. Or,
nous devons aujourd’hui réfléchir à une restructuration de ces agences afin de
renforcer leur efficacité, leurs moyens, dans une perspective de cohérence
politique. À cet égard, je ne suis pas certain que les dernières décisions
relatives à la redéfinition du périmètre de ces agences soient très opportunes.
Sur le plan financier, les
fonds de roulement ont été mobilisés pour financer ces agences, ce que nous
pouvons considérer comme procédant d’une bonne gestion de l’argent public. Mais
nous pouvons aussi nous interroger sur cette utilisation d’expédients alors que
nous devrons bien recourir dans les prochaines années à de véritables moyens
budgétaires, tant il est vrai que nous n’imaginons pas « baisser la garde »,
bien au contraire.
Le quasi-néophyte que je
suis sur les questions alimentaires et sur celles relevant du ministère de
l’agriculture, trouve la République bonne fille de prévoir 406 millions d’euros
pour financer le retraitement de farines animales dans la fabrication desquelles
elle entre pour peu de chose. Les industriels concernés, eux, semblent donc
exonérés de leur responsabilité financière. C’est un point sur lequel je
souhaite obtenir des précisions.
J’en viens maintenant au
sujet qui a retenu plus particulièrement mon attention : le risque de pandémie
grippale liée à l’épizootie de grippe aviaire, sur lequel j’ai travaillé dès le
printemps. La prise de conscience générale qui a eu lieu cet été a amené le
Parlement à mettre en place une mission d’information. Une partie de mon travail
a été intégrée, d’une certaine manière, à celui de la mission, et étant donné
l’importance qualitative et quantitative du sujet, je n’ai pas la prétention
dans mon rapport de donner des conclusions définitives quant au dispositif de
préparation au risque de l’épizootie de grippe aviaire. Le Gouvernement devrait
prochainement communiquer sur le plan de préparation de lutte contre la
pandémie, plan que la mission devra étudier attentivement.
Quelques remarques
s’imposent. Nous avons tous noté l’importance significative des crédits ouverts
en la matière par le PLFSS de 2005 et celui de 2006, à hauteur de plus de
300 millions d’euros au total. L’importance de ce geste a d’ailleurs justifié un
débat au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée. Nous nous
sommes en effet interrogés sur le fait de savoir s’il était légitime que les
crédits de l’assurance maladie financent une politique de sécurité sanitaire.
Bien que la commission en ait refusé le principe dans un premier temps, elle a
fini par l’accepter au nom du lien fort existant entre soin et prévention.
Je souhaite néanmoins, dans
mon rapport, que l’État prenne le très ferme engagement de consacrer
essentiellement ces moyens aux dispositifs médicaux et, éventuellement, aux
études, aux recherches, à tout ce qui touche la recherche-développement. En
effet, ces moyens ne doivent en aucun cas se substituer aux crédits de
fonctionnement des agences et des administrations décentralisées, comme cela a
pu être observé lors de la mise en œuvre du plan Biotox en 2002 et 2003. Nous
devrons, à l’avenir, jouer notre rôle de contrôle parlementaire, la vigilance
étant de mise puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir et veiller à ce que les
crédits abondants de l’assurance maladie ne se substituent pas à ceux que doit
normalement mobiliser l’État.
Enfin, monsieur le
ministre, vous êtes intervenu pour nous dire qu’il y aurait un complément de
financement sur le budget de l’État de 177 millions d’euros, sans nous donner
les éléments qui vous permettent d’inscrire cette somme. Mais vous allez
probablement nous dire ce qu’il en est à propos de ce montant non négligeable.
Or, et nous en parlerons à
propos du plan pré-pandémique, nous allons vraisemblablement devoir poursuivre
nos achats de matériel médical, dans la mesure où, dans le cadre d’une pandémie
grippale, on devra passer, notamment dans l’emploi des antiviraux, d’une logique
de traitement à une logique prophylactique à destination des professions
particulièrement exposées. Nous devrons donc sans doute augmenter d’une façon
significative les stocks disponibles afin de protéger à la fois les personnes
fragiles et les personnes exposées.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. Je vous exprime mon admiration, monsieur Le Guen, pour avoir respecté
votre temps de parole.
La parole est à M. Jean
Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire.
M. Jean Gaubert,
rapporteur pour avis de la commission des
affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
Je vais devoir me montrer aussi rigoureux en ce qui concerne le temps qui m’est
imparti que mes collègues et, pour éviter toute redondance, je tâcherai de
focaliser mon attention sur deux ou trois points.
D’abord – information que
vous trouverez dans mon rapport –, j’ai essentiellement concentré mes
investigations sur la sécurité alimentaire et en particulier sur son
organisation en France. Le bilan est globalement satisfaisant, même si l’on ne
doit pas baisser la garde, comme l’ont montré les événements survenus
dernièrement dans le Sud-Ouest. Nous devons donc rester vigilants et ne pas
limiter les moyens d’intervention.
Par ailleurs, une
organisation européenne digne de ce nom serait nécessaire. Certes, l’Office
alimentaire et vétérinaire, l’OAV, fait avancer les choses, mais nous sommes
confrontés à un certain nombre de paradoxes.
Par exemple, certains
importateurs français citent les points d’accès permettant l’introduction de
produits peu sûrs en Europe, alors que, dans le même temps, l’OAV relève des
manques en France. On peut expliquer sans doute ce constat grâce au travail de
contrôle systématique sur la production réalisé par les autorités françaises
dans un certain nombre de secteurs, et grâce au travail de renseignement, qu’il
faut bien appeler de dénonciation, qui n’est apparemment pas aussi bien mené
dans tous les pays et qui pourtant permet de détecter directement certains
problèmes. Pour parler clairement : plus on cherche, plus on trouve, et moins on
cherche, moins on trouve.
Un vrai travail
d’harmonisation européenne s’impose donc et il faudra que nous en assumions la
conséquence : à partir du moment où existera un vrai protocole européen,
aujourd’hui en préparation, nous devrons le respecter.
Je vais vous citer un
exemple, même s’il n’est pas directement lié à la santé : la réglementation des
produits « bio », différente en France de la réglementation européenne. Ainsi
peut-on trouver sur notre marché des produits « bio » provenant d’autres pays
européens – je ne parle pas des dix qui viennent de nous rejoindre, mais de ceux
constituant l’Europe historique, si j’ose dire, celle d’avant 2004. Ces produits
ne correspondent pas à nos critères et nous n’aurions pas pu les produire. Reste
qu’ils se trouvent sur nos marchés et qu’on ne peut pas les interdire puisqu’ils
respectent les protocoles européens.
À partir du moment où l’on
milite pour une harmonisation européenne, il faut en conséquence appliquer la
réglementation de l’Union sans en rajouter ni en retrancher.
S’agissant de l’AFSSA, à
laquelle je me suis intéressé dans mon rapport, je voudrais répondre à
M. Mallié : si, dans certaines agences, on peut encore considérer qu’il est
possible de vivre sur les réserves – encore que ce soit, selon moi, de mauvaise
politique –, ce n’est pas le cas de l’AFSSA. Celle-ci a déjà complété ses
dotations annuelles depuis 2002 en puisant dans les réserves accumulées. La
directrice générale, que j’ai rencontrée, m’a clairement indiqué que c’était
maintenant la réserve prudentielle qui était entamée. On ne peut donc plus
envisager ce type de fonctionnement pour 2006. L’Agence est très souvent saisie,
et même « sursaisie », tant elle sert parfois à se débarrasser de la « patate
chaude » quand on ne sait pas quoi faire : lui demander un avis est une manière
de se donner du temps. Sur certains sujets, c’est légitime, mais ça l’est moins
sur d’autres : j’en ai inventorié quelques-uns sur lesquels on peut se poser des
questions. Au total, comme aucune création de poste n’est prévue, la dotation de
l’AFSSA, en l’état, ne lui permettra pas d’assumer ses responsabilités, même en
année normale – car on peut imaginer que, si, par malheur, une pandémie
survenait, des moyens conjoncturels seraient débloqués.
J’en viens maintenant aux
crédits. Si, dans cette période de rigueur, on ne peut que se féliciter de
l’augmentation de 7 % annoncée, on constate toutefois, dès que l’on rentre dans
les détails, que les choses ne sont pas si simples. En effet, l’essentiel de
l’augmentation concerne l’action n° 06, laquelle regroupe principalement les
moyens humains, notamment ceux des DDSV. Il s’agit surtout, à ma connaissance,
d’augmentations de salaire consenties au personnel dans le cadre d’un protocole
en cours de développement, et de quelques renforcements en personnel ici et là.
Le reste de l’augmentation
concerne l’action n° 05, qui vise à l’élimination des farines animales. On sait
fort bien que ces farines sont stockées dans des hangars et que cela coûte cher
aux contribuables, tout en rapportant beaucoup à ceux qui louent les hangars :
ceux-là ne sont pas très pressés de les voir se vider ! Les crédits prévus
serviront à diminuer les stocks. C’est une bonne mesure, mais il faut observer
que cette opération ponctuelle entre dans les 7 % d’augmentation générale. Ce
que nous payons là est la résorption des erreurs du passé, et non la politique
dynamique dont nous avons besoin pour l’avenir.
Je ne reviens pas sur
l’action n° 04 : les crédits de l’AFSSA, je l’ai dit, ne sont pas satisfaisants.
Concernant l’action n° 02,
qui porte sur la lutte contre les maladies animales et sur la protection des
animaux, il ne faut pas, comme l’a fait M. Mallié, comparer les autorisations
d’engagement avec les crédits de paiement. Si l’on compare les crédits de
paiement de 2005 avec ceux qui sont prévus pour 2006, on constate que l’on passe
d’environ 104 millions d’euros à 99 millions. Or, dans ce domaine, la
distinction entre autorisations d’engagement et crédits de paiement n’est pas
très nette, dans la mesure où les actions sont généralement prévues à l’année :
en matière d’appui aux groupements de défense sanitaire, aux réseaux
d’épidémiosurveillance, etc., ce sont quasiment des subventions de
fonctionnement que l’on accorde. Comme je l’ai dit, la vraie évolution est donc
traduite par la comparaison entre les crédits de paiement de 2005 et de 2006, et
la baisse constatée me semble assez dangereuse, tant la surveillance des
maladies animales est importante pour la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
Ce projet de budget,
satisfaisant de prime abord, soulève quelques doutes quand on entre dans le
détail. Il ne faudrait pas que s’y ajoutent des gels budgétaires qui, dans le
cas particulier de la mission concernée, exposeraient la santé de nos
concitoyens à de graves dangers.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. Je précise, monsieur le rapporteur pour avis, que la commission n’a pas
partagé vos doutes et qu’elle s’est prononcée favorablement.
(Sourires.)
Nous allons maintenant
entendre les orateurs des groupes, puis le ministre répondra globalement. Nous
passerons ensuite aux questions.
Pour le groupe socialiste,
la parole est à Mme Geneviève Gaillard.
Mme Geneviève Gaillard.
Avec les crises successives que nous traversons depuis un certain temps, la
sécurité sanitaire constitue une préoccupation très forte de nos concitoyens.
Pour y répondre, nous avons créé en 1998 en dans les années qui ont suivi de
nombreux outils pour évaluer les risques : l’Agence française de sécurité
sanitaire des aliments, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé, l’Institut de veille sanitaire, l’Établissement français du sang et
l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Ce projet de budget est
divisé en deux programmes : le programme de veille et de sécurité sanitaires et
le programme de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation, dotés
respectivement de 104 et 538 millions d’euros en crédits de paiement pour 2006,
soit 642 millions au total. Malgré la légère augmentation de 7 %, certaines
carences se font jour, qu’il s’agisse des risques de pandémie de grippe aviaire,
dont a parlé M. Jean-Marie Le Guen, ou de la question des contrôles évoquée par
M. Gaubert.
En ce qui concerne l’AFSSA,
outil important qui a fait l’objet de plusieurs audits, notamment l’année
dernière, je me demande si la limitation de ses crédits lui permettra de jouer
pleinement son rôle. J’aimerais donc que les ministères concernés – celui de la
santé et celui de l’agriculture, en particulier – nous fassent connaître dans le
détail le résultat des audits pratiqués ainsi que les suites données aux
recommandations portant sur l’expertise phytosanitaire et la création d’un
comité de suivi. Pouvez-vous aussi nous rassurer, monsieur le ministre, sur la
question de l’augmentation des personnels d’expertise ? Il manquerait
400 000 euros pour que l’Agence fonctionne correctement : nous devons abonder
cette somme rapidement ! Il serait également bon que les avis de cet organisme
soient moins abscons : moi-même, qui ai pourtant travaillé quelque temps dans ce
domaine, j’ai parfois du mal à m’y retrouver !
S’agissant du problème des
farines animales stockées – qui n’épargne pas mon département des Deux-Sèvres –,
que prévoit-on pour 2006 et pour les années suivantes ? Un certain nombre de
projets pour l’élimination de ces farines semblent au point mort. Qui va les
financer ? Est-il vraiment nécessaire que ce soit la collectivité publique qui
paie pour les choix économiques du passé ?
Quant à l’AFSSE, qui a
connu bien des difficultés à sa naissance, on ne sait trop comment elle
fonctionne. Son champ d’action a été étendu à la sécurité du travail.
J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous en disiez plus afin que nous
ayons une vision globale des missions qui lui sont confiées. L’importance des
problèmes d’environnement nous a conduits, l’année dernière, à voter une charte
de l’environnement qui a inclus le principe de précaution dans la Constitution.
Il serait donc souhaitable que cet organisme, dont l’existence est pleinement
justifiée, fonctionne de façon plus claire et que ses attributions soient
élargies.
Pour revenir sur les
contrôles aux frontières, les services de la DGCCRF font ce qu’ils peuvent mais
leurs effectifs sont peu nombreux – je le sais pour avoir travaillé avec eux sur
certaines missions. Cela peut devenir préoccupant, car il s’agit de l’entrée de
produits alimentaires, voire d’animaux vivants, sur notre territoire. Que compte
faire le Gouvernement ?
Un mot également sur les
services vétérinaires, qui jouent un rôle essentiel sur tout le territoire en
matière de sécurité alimentaire et sanitaire. Ils sont les premiers, sur le
terrain, à pouvoir anticiper les crises et à assurer la veille sanitaire. Ce
n’est pas en réduisant le nombre de postes qu’on les aidera à accomplir leur
mission ! J’aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement.
Enfin, pourriez-vous nous
dire, monsieur le ministre, qui s’occupe dans notre pays de l’expertise sur les
rayonnements ionisants en matière alimentaire ? Nous sommes, semble-t-il,
particulièrement mauvais sur ce sujet et il est indispensable de progresser,
notamment pour éviter tout problème futur avec l’Union européenne.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la
démocratie française.
M. Claude Leteurtre.
Monsieur le ministre, vous exercez décidément un métier bien difficile. Vous
l’exercez bien, assurément, mais j’avoue que l’empilement des agences, des
comités, et toute cette technicité souvent absconse, comme l’a relevé
Mme Gaillard, me plongent dans la perplexité. Où est réellement l’aide à la
décision ? Ne serait-il pas plus efficace de mener une vraie politique avec un
chef de file bien identifié, sous l’autorité d’un seul ministre ? Vraiment, il
est difficile de prendre une décision lorsque chacun, dans son coin, cherche à
se cacher derrière le principe de précaution ! À cette notion, qui est un peu la
tarte à la crème, je préfère d’ailleurs celle de risque évitable, qui est mieux
adaptée à l’exercice d’une responsabilité.
Une telle conception vous
fournit-elle vraiment suffisamment d’éléments techniques pour prendre la
décision juste ?
Comme beaucoup ici, j’ai
fait partie de la commission sur la canicule, qui a permis de relever des
dysfonctionnements majeurs de l’INVS. Non seulement, l’Institut n’avait pas fait
les bons choix en matière d’objectifs de santé publique, mais les CIR ne
s’étaient pas mis en route. Au mois d’août, l’État était aux abonnés absents. La
responsabilité est donc collective. Là encore, l’efficacité ne commanderait-elle
pas d’avoir une vraie coordination assurée par un réseau central bien identifié
en termes de santé publique ?
Je dis cela parce que je
trouve que l’importance médiatique qui a été donnée au problème des farines
animales a créé une psychose disproportionnée par rapport à leur toxicité.
Aujourd’hui, on ne sait pas comment les détruire et leur stockage assure de
confortables revenus à certains. Quel gaspillage ! Cet argent serait mieux
utilisé ailleurs.
Avec la naïveté du béotien,
monsieur le ministre, j’ai envie de vous demander si toutes ces agences ne
contribuent pas à accroître la complexité plus qu’à résoudre les problèmes.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s
communistes et républicains.
Mme Jacqueline Fraysse.
Je tiens à saluer d’emblée les points positifs de ce projet de budget : d’abord,
la hausse sensible des crédits en faveur de la sécurité sanitaire à tous les
stades de la chaîne agroalimentaire ; ensuite, la création de deux nouvelles
agences : l’ANIV, qui était prévue dans le cadre de la loi d’orientation
agricole, et l’AFSSET, dont le volet santé au travail répond à une revendication
très ancienne de mon groupe. Améliorer la prévention et la réparation, mieux
coordonner les différentes institutions existantes dans le domaine du travail,
faciliter la circulation et la diffusion des connaissances en matière de santé
au travail, le rôle de l’agence en ces matières sera déterminant. Je
souhaiterais toutefois obtenir quelques précisions sur l’articulation de cette
agence avec les institutions existantes, sur son rôle exact et sa composition.
La représentation des personnels, et plus généralement du monde du travail,
y aura-t-elle sa place ?
Nous sommes préoccupés de
constater que, dans le même temps, le nombre de places ouvertes à la formation
des médecins du travail diminue de 60 unités ; de 73 en 2004, il tombe à 13
seulement en 2005. Voilà qui est paradoxal avec la création d’une agence dont le
but est d’améliorer la santé au travail ! Pourquoi une telle mesure, qui paraît
contradictoire avec les préoccupations positives dont témoigne la création de
l’AFSSET ?
Par ailleurs, s’il nous
paraît légitime que l’assurance maladie participe aux actions de prévention, sa
contribution ne doit pas être disproportionnée par rapport à celle de l’État.
Elle financera 176 millions en 2005 et 175 millions en 2006, soit 371 millions.
La moitié du budget ! L’État doit intervenir de façon plus équilibrée, d’autant
qu’avec la grippe aviaire les besoins vont augmenter. À cet égard, je souhaite
connaître les moyens exacts qu’il va mobiliser sur ses propres crédits.
Est-il prévu d’aider les éleveurs si un abattage se révélait nécessaire ? Les
aviculteurs bénéficieront-ils d’aides au cas où des opérations de vaccination
préventive seraient décidées ? Si les crédits destinés à lutter contre les
risques inhérents à la production végétale et les risques liés aux denrées
animales augmentent, en revanche, les crédits en faveur des soins résultant des
maladies animales et pour la protection des animaux diminuent. Il ne faut pas
oublier que les risques liés à la grippe aviaire pèsent, pour l’instant en tout
cas, avant tout sur les animaux. Les crédits alloués à cet égard me paraissent
donc insuffisants. Je trouve cela préoccupant.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. La parole est à
M. Jean-Pierre Door,
pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Pierre Door.
Le présent projet de budget confirme que la sécurité sanitaire est pour la
majorité et le Gouvernement une priorité. Le passé est trop riche en
enseignements pour que nous fassions l’impasse sur ce sujet, qui doit être pris
en compte dans les orientations à prendre pour l’avenir. Je pense que le projet
de budget répond à cette priorité.
Le rapporteur pour avis
Jean-Marie Le Guen a souhaité que nos six agences fonctionnent selon une
meilleure organisation. Soit, mais selon quel schéma ? Aucun ne semble
satisfaisant aux diverses instances – offices parlementaires d’évaluation des
choix scientifiques, Sénat et Cour des comptes – qui ont rendu un rapport à ce
sujet. Pour l’heure, ces six agences existent et paraissent donner toute
satisfaction.
M. Le Guen a eu raison
d’insister particulièrement sur la grippe aviaire, car c’est un sujet qui nous
interpelle tous. La mission d’information spécialement créée devra travailler en
parallèle avec les instances gouvernementales et le ministre Xavier Bertrand.
S’agissant des farines
animales, j’ai, moi aussi, des lieux de stockage dans ma circonscription. Leur
élimination étant un sujet d’interrogation pour les populations et pour
les élus, je constate avec une grande satisfaction que les crédits augmentent de
15 %. Ce déstockage devra s’opérer très rapidement, car le problème remonte déjà
à plusieurs années et la vue des silos est toujours aussi désagréable.
La succession des risques –
sida, hépatite C, SRAS, bioterrorisme, H5N1 – doit nous alerter sur le fait que
l’aléa existe toujours, malgré les progrès considérables accomplis sous
l’impulsion de l’Institut national de veille sanitaire. Dans le cadre de mon
rapport sur le risque épidémique, j’ai pu constater sur le terrain que la mise
en œuvre locale des dispositifs élaborés au plan national se heurte au manque de
moyens des DDASS, donc des collectivités locales. Il serait donc utile de revoir
les moyens permettant la bonne déclinaison de ces mesures nationales à l’échelle
locale.
Enfin, je ne peux pas
passer sous silence, même s’il ne figure pas dans le projet, le rôle majeur de
l’Institut Pasteur. Il ne faudrait pas que la dynamique extrêmement forte dont
il est porteur soit cassée par le programme d’investissements lourds qu’il va
être contraint d’engager dans les prochaines années. L’Institut est privé pour
les deux tiers et public pour un tiers, ce qui peut justifier les appels qu’il a
lancés au ministère de l’économie et des finances et à celui de la recherche,
ainsi que la subvention allouée par l’Institut national de veille sanitaire. Il
faut, monsieur le ministre, sauvegarder ce joyau national de la recherche sur
les maladies infectieuses.
En conclusion, le projet de
budget apporte toute satisfaction en prévoyant des augmentations parfaitement
bien ciblées. Nous le soutiendrons.
M. Pierre Méhaignerie,
président de la commission des finances, de
l’économie générale et du Plan, réunie en formation élargie.
Même si, comme le disait M. Leteurtre, l’ensemble de nos dispositifs gagnerait à
être mieux organisé, le système français de sécurité sanitaire est quand même
l’un des plus développés et des plus efficaces en Europe. Cela dit, je suis
d’accord avec l’idée qu’il doit être plus lisible. Par exemple, les laboratoires
publics départementaux ont tendance à éliminer les laboratoires privés et l’on
déplore quelquefois la tentation d’une superposition de structures.
Mais je m’interroge plus
particulièrement, monsieur le directeur de cabinet du ministre de l’agriculture,
sur les farines animales, dont le traitement mobilise une masse financière très
importante : 405 millions d’euros. Où en est-on sur le plan scientifique et où
en sont les autres pays en matière de réinsertion des farines animales ? Enfin,
qui, des assujettis à la TACA, la taxe d’abattage, ou des agriculteurs, supporte
le coût financier ? On ne s’y retrouve pas !
Jusqu’à présent, la France
avait le meilleur système au monde de traçabilité en matière de production
animale. D’ailleurs, nos entreprises industrielles occupent 70 % de ce marché.
Le passage au système électronique de traçabilité risque de nous faire perdre
notre position dominante si nous ne lançons pas des expériences dès maintenant.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités, que
je remercie d’être aussi présent devant l’Assemblée nationale, notamment devant
la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui le sollicite
très souvent, et jamais en vain.
M. Xavier Bertrand,
ministre de la santé et des solidarités.
Mesdames, messieurs les députés, tout en restant dans un cadre horaire
raisonnable, je voudrais essayer d’être exhaustif, si tant est que cela soit
possible.
L’émergence de nouveaux
risques sanitaires autant qu’une demande sociale renforcée en matière de
protection de la santé collective nous conduisent à mener une action plus
résolue encore en matière de veille et de sécurité sanitaire. C’est en tenant
compte de ce contexte que je vous présente les grandes lignes de ce programme,
placé sous ma responsabilité et celle de Dominique Bussereau, au sein de la
mission « Sécurité sanitaire ».
Les 104 millions d’euros
qui dotent cette mission en 2006 nous permettront de promouvoir une vigilance
accrue en matière de sécurité sanitaire, ainsi qu’une véritable évolution à la
fois des consciences et des pratiques. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Pour répondre à ces
objectifs, le programme s’appuie sur la constitution de systèmes réactifs de
veille, de surveillance, d’alerte et d’expertise, sur l’amélioration de l’état
des connaissances sur les risques, sur le renforcement de notre capacité à
répondre aux urgences et, enfin, sur le développement d’une culture partagée du
risque sanitaire.
Nous avons besoin pour cela
d’une expertise fiable et indépendante. Mais j’ai bien conscience que la
responsabilité politique ne se délègue pas. Nous avons besoin du regard des
experts et celui-ci doit provenir de différentes agences car le risque est
diffus. Mais, ensuite, la décision relève de la responsabilité politique et
celle-ci ne peut à aucun moment ni se transmettre ni se déléguer. Cela vaut pour
tous les ministères, mais encore plus pour celui-ci.
Il n’y a rien aujourd’hui
qui complique la tâche, bien au contraire. Mais, comme nous devons faire face à
des risques divers et qui ont profondément évolué, nous avons besoin de plus de
données scientifiques.
Nous mettons en place tous
les outils nécessaires pour faire face aux défis et aux risques sanitaires, au
premier rang desquels la grippe aviaire. Elle a été évoquée à plusieurs
reprises, notamment par M. Mallié.
Je souhaite préciser que le
regroupement des dépenses de personnel sur un seul programme est un choix
pragmatique : il est en effet difficile, voire impossible, de ventiler les
personnels des DDASS et des DRASS entre les huit programmes. Comme je l’ai déjà
indiqué, c’est également le pragmatisme qui a guidé nos pas dans le cadre de la
mission « Santé ». Je précise aussi que la mission « Sécurité sanitaire » a pour
objet de mobiliser les personnels de l’Agriculture et de la Santé sur les
dossiers comme celui de la grippe aviaire.
Nous augmentons nos efforts
d’expertise et de surveillance des risques sanitaires dans des domaines aussi
divers que les médicaments, les greffes ou l’environnement.
En 2006, 77 millions
d’euros sont plus particulièrement alloués à l’Agence française de sécurité
sanitaire des aliments – l’AFSSA –, à l’Agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé – l’AFSSAPS –, à l’Agence de biomédecine, à l’Agence
française de sécurité sanitaire environnementale et du travail – l’AFSSET –, à
l’Institut national de veille sanitaire – l’INVS – et à l’Établissement français
du sang – l’EFS. Leurs moyens ne diminuent pas pour autant.
Je sais que certains, comme
M. Le Guen, demandent à ce que nous allions plus loin dans notre réflexion sur
l’architecture de ce système d’expertise. Il est vrai que le phénomène de
création et de développement de nouveaux organismes au fil des années nous
conduit à porter nos regards sur l’état des connaissances dont nous disposons
aujourd’hui, afin d’avoir une vision prospective. Cette dernière n’est pas du
ressort du seul ministère de la santé. Je puis vous dire qu’avec Dominique
Bussereau et, dans d’autres domaines, Nelly Olin et Gérard Larcher, nous
travaillons, ainsi que nos cabinets et nos ministères respectifs, à la
détermination de la meilleure architecte possible.
La complexité est souvent
synonyme d’éparpillement et de gestion perfectible. Mais il n’y a aucune
fatalité à cela. La synergie des moyens peut nous permettre aussi d’être plus
efficaces ensemble. C’est pourquoi nous avons veillé à ne pas multiplier
davantage les agences. Ainsi, l’Agence de biomédecine rassemble des compétences
plus larges que l’Établissement français des greffes et l’AFFSSET réunit deux
champs qui sont liés : la santé et l’environnement, et la santé au travail. Nous
sommes donc bien là dans une logique de cohérence. Je précise à ce sujet à
M. Leteurtre que le principal vecteur de cohérence est le contrat d’objectifs et
de moyens avec chaque agence : il nous permet en effet de bien préciser ce que
nous attendons à chaque fois et de vérifier si les résultats espérés sont bien
au rendez-vous.
Sur le plan financier, je
confirme à la suite de M. Gaubert que les moyens des agences sont renforcés en
2006, notamment du fait d’une plus grande mobilisation de leurs ressources
propres, produits des taxes et fonds de roulement. Le ministère de la santé
maintient son effort propre en leur faveur, et d’autres ministères participent
désormais à leur financement.
Parmi les mesures prises en
leur faveur, on peut noter que dix-huit postes supplémentaires leur sont
attribués. Ces efforts budgétaires témoignent de notre conscience de l’absolue
nécessité, comme l’a souligné M. Gaubert, de bénéficier d’une expertise à la
fois indépendante et rigoureuse.
La confiance que nous
faisons aux agences doit s’accompagner de la mise en œuvre d’un pilotage
efficace de leur action. M. Le Guen en a parlé. M. Mallié s’est interrogé sur
l’articulation entre services et agences. Nous mettons en place des instruments
de pilotage stratégique, comme les contrats d’objectifs et de moyens, qui seront
généralisés à toutes les agences sans exception, ce qui permettra une
coordination optimale
Ce PLF doit aussi nous
permettre de renforcer l’expertise et la validation dans le domaine du
médicament. C’est un point important, qui, je le sais, intéresse tout
particulièrement les parlementaires.
Vous connaissez les
missions de l’AFSSAPS, mais il en est une sur laquelle je voudrais insister :
l’évaluation du rapport entre les bénéfices attendus d’un nouveau médicament et
les risques thérapeutiques encourus par le patient. Il n’est pas normal, en
effet, que des patients attendent trop longtemps l’arrivée d’innovations
thérapeutiques qui pourraient contribuer à leur guérison. C’est la raison pour
laquelle le PLF fixe des objectifs en matière de délais de traitement des
demandes d’AMM, qui devraient passer de 190 jours en 2005 à 160 en 2006, puis
100 en 2008.
En aval, l’AFSSAPS mène des
actions de contrôle dans les laboratoires. En 2003, par exemple, elle a effectué
plus de 70 inspections sur site. Elle est également en charge des actions de
pharmacovigilance pour analyser les possibles effets secondaires d’un médicament
déjà mis sur le marché. C’est un sujet qui mobilise un grand nombre d’acteurs et
d’observateurs dans le monde. Nous veillons également en France à ce que la
sécurité des patients soit assurée le mieux possible.
L’expertise en matière de
biomédecine doit nous permettre de réaliser d’importants progrès, notamment dans
la sécurité des greffes.
La montée en charge de
l’Agence de la biomédecine, issue de l’EFG, se poursuit. Son rôle est conforté
par l’attribution de douze nouveaux postes en 2006.
Cette agence porte aussi
une nouvelle conception de l’utilisation qui peut être faite des organes et des
tissus : sa création est liée au développement des règles de bioéthique dans les
domaines du prélèvement et de la greffe d’organes, de tissus et de cellules,
ainsi que dans ceux de la procréation, de l’embryologie et de la génétique
humaine. Les nouveaux moyens qui lui sont affectés lui permettront d’améliorer
ces objectifs en matière de nombre de greffes réalisées par rapport aux greffes
en attente, tout en réduisant ces délais.
Nous sommes conscients de
l’ampleur des efforts à réaliser dans ce domaine, et sommes résolus à les
accomplir. Vous avez ouvert la voie, mesdames, messieurs les députés, en
adoptant la loi de bioéthique et je suis particulièrement soucieux de concilier
exigences éthiques et progrès de la recherche.
L’importance de la
surveillance sanitaire en matière d’environnement et de travail se trouve
réaffirmée avec la mise en œuvre du programme national « Santé et
environnement » : le PNSE.
Contenu dans la loi
relative à la politique de santé publique adoptée le 9 août 2004, le PNSE voit
sa dotation de 22 millions d’euros reconduite. Il vise à réduire les atteintes à
la santé de nos concitoyens causées par leur environnement mais aussi par leurs
conditions de travail. L’ordonnance du 1er septembre 2005 a créé une
compétence d’expertise publique en santé au travail, placée au sein de l’AFSSET.
Pour répondre à la question de Mme Fraysse, je précise que cette agence remplit
plusieurs rôles : elle soutient la mise en œuvre du PNSE ; elle étudie et
prévient les risques liés à l’usage de substances chimiques, de fibres minérales
artificielles remplaçant l’amiante, ainsi que les risques comme ceux de la
légionelle dans les tours aéroréfrigérantes ; elle s’intéresse particulièrement
aux environnements de travail dangereux pour prévenir les risques. La santé au
travail constitue un de nos objectifs prioritaires. J’indique que, bien que
l’AFSSET ait des champs de compétences plus élargis que l’AFSSE, le personnel
continuera à être représenté et à s’exprimer comme au sein de l’AFSSE.
Je sais que certains
d’entre vous, comme M. Mallié, sont très sensibles aux questions de prévention
des risques environnementaux. Le ministère de la santé mène un certain nombre de
contrôles de l’environnement pour améliorer la santé collective. Je pense en
premier lieu au contrôle de l’eau potable, qui a reposé en 2004 sur 286 000
prélèvements d’échantillons. Mais il s’agit aussi des contrôles qui permettent
de prévenir les intoxications au monoxyde de carbone ou de lutter contre le
saturnisme. J’indique à M. Mallié, car je sais que c’est pour lui un sujet
important, que, concernant le monoxyde de carbone, différentes campagnes de
promotion réalisées avec l’INPES – l’Institut national de prévention et
d’éducation pour la santé – sont en cours.
Ces menaces, ne l’oublions
pas, concernent plus particulièrement les populations les plus précaires. C’est
aussi pourquoi nous devons faire preuve d’une vigilance supplémentaire.
Le programme qui est
présenté permet aussi de mettre en place des procédures et des outils plus
performants pour gérer les urgences, les situations exceptionnelles et les
crises sanitaires majeures.
Pour cela, nous développons
un certain nombre de plans afin d’anticiper ces situations.
Au-delà de l’exercice
« intéressant et innovant », pour reprendre – une fois n’est pas coutume – les
termes employés par M. Jean-Marie Le Guen, que constitue ce programme, nous
avons l’occasion de ne pas chercher seulement à réagir au mieux quand une crise
se produit mais à essayer de l’anticiper au maximum. Je répondrai à M. Leteurtre
et à M. Méhaignerie que le principe de précaution conduit de fait à
l’anticipation puisqu’il impose d’envisager les choses très en amont. C’est un
processus essentiel dans l’ensemble des sociétés occidentales. Les pays
développés confrontés à des crises nous montrent aussi les voies à emprunter.
Celle de l’anticipation est à approfondir.
En 2004, nous avons
développé le plan Canicule et le plan Pandémie grippale. Nous mettons également
en place des plans pour lutter contre le bioterrorisme, dont le plan Variole, et
contre le SRAS, les inondations, les pannes d’électricité et le grand froid. Ils
ont vocation à faciliter – afin de les réaliser plus rapidement possible – la
mobilisation des organismes concernés et la mise en œuvre de toutes les actions
pertinentes pour répondre aux situations d’urgence.
Pour cela, il est
nécessaire de réaliser des exercices, comme ceux qui se sont déroulés cette
année pour la variole, ou pour la grippe aviaire les 3 et 4 novembre derniers
dans un département que connaît bien M. le président de la commission des
finances.
C’est pourquoi nous avons
souhaité mettre en place un indicateur concernant le pourcentage de plans sur
lesquels il y a eu un retour d’expérience ou un exercice au cours des trois
dernières années. Notre objectif est de passer de 50 % en 2005 à 66 % en 2006,
et 100 % en 2008.
Parallèlement, nous menons
une action de long terme pour pouvoir répondre aux situations exceptionnelles
avec des traitements et du matériel adaptés. Depuis 2001, ce sont plus de
350 millions d’euros qui ont été consacrés aux stocks de précaution à des fins
de protection de santé. Ainsi, 72 millions de vaccins contre la variole sont en
stock.
L’INVS, vous l’avez dit,
joue un rôle prépondérant dans ces cas exceptionnels, en permettant une alerte
rapide, une analyse rigoureuse des risques, et donc une réponse appropriée.
À chaque fois qu’une
situation nous conduit à nous poser des questions, je demande un retour
d’expérience et l’évaluation la plus fine possible.
Si, pour les cas de
suspicion de la grippe aviaire à La Réunion, j’ai décidé de rendre les
informations publiques, c’est parce que, pour la première fois, les cas avaient
été considérés comme positifs sur place. J’ai ensuite demandé à l’INVS et à un
membre de la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire
de me dire, à partir d’éléments recueillis sur place, comment les choses
s’étaient passées et pourquoi il existait un décalage entre les premiers
résultats sur place et les résultats définitifs du laboratoire national de
référence infirmant les premiers et levant la suspicion de grippe aviaire.
Je considère que nous
devons tirer le maximum d’enseignements de tous les cas pratiques, et cela vaut
pour tous les acteurs de la chaîne en action sur les risques sanitaires.
Vous avez été nombreux à
avoir poser des questions sur la grippe aviaire, notamment M. Jean-Pierre Door.
Nous avons la responsabilité de mettre en œuvre toutes les mesures depuis
l’information et la prévention jusqu’à l’organisation des soins éventuels, pour
faire face à une pandémie qui pourrait toucher entre 9 et 21 millions de
Français, selon l’INVS.
Mme Jacqueline Fraysse et
M. Jean-Marie Le Guen m’ont interrogé sur les moyens mis en œuvre. Les moyens
affectés sont considérables : 177 millions d'euros sont déjà mis à disposition
du fonds Biotox par un décret d’avance. Je l’ai dit lors de la discussion du
projet de loi de financement de la sécurité sociale : ces sommes seront bien
gérées par le ministère du budget. S’y ajouteront 176 millions de crédits
dégagés par l'assurance maladie en 2005 au titre d'un fond de concours doté, en
2006, de 175 millions d'euros.
Les résultats de cette
mobilisation humaine et financière sont là. À la fin de l’année, 14 millions de
traitements antiviraux seront disponibles et 10 millions supplémentaires ont
déjà été commandés – le contrat est aujourd’hui à la signature. Nous sommes en
pourparlers avec un autre laboratoire pour aller au-delà, en termes d’antiviraux
disponibles, pour la population française. L’OMS indique que la France est l'un
des pays les mieux préparés d'Europe, peut-être même sur le plan international.
Le Président de la République a indiqué qu’il ne devait y avoir aucun obstacle
économique et financier à la préparation optimale de notre pays, face à un
tel risque de pandémie.
Outre les 200 millions de
masques de protection, dont nous disposerons au début de l'année 2006, une
capacité nationale de production de masques sera développée en vue d'assurer
l'approvisionnement nécessaire pendant une période de pandémie.
Nous souhaitons accélérer
la livraison des vaccins prépandémiques, disponibles au début de l’année 2006.
Nous avons également commandé un vaccin pandémique à deux
laboratoires, si la transmission à l'homme se réalisait.
Enfin, nous mettons en
place les procédures de distribution des traitements, à titre gratuit, sur
l'ensemble du territoire, et nous préparons aussi l'organisation des soins
en cas de crise éventuelle. Il est important d’entrer dans le détail de
l’organisation opérationnelle – j’aurai l’occasion de m’exprimer avant la fin du
mois de novembre devant la mission d’information créée par votre assemblée –
afin d’obtenir le maximum d’efficacité, au cas où une telle crise surviendrait.
Pour organiser notre
réaction, nous nous fondons sur les six phases déterminées par l'OMS, dont nous
suivons les recommandations. Je suis en effet convaincu, comme l’ont indiqué MM.
Maillé et Gaubert, que la coopération européenne et internationale doit être
utilement renforcée.
Le 21 octobre, lors du
dernier Conseil européen informel des ministres de la santé, j’ai proposé
la mise en commun d’actions – la constitution de production d’antiviraux, de
vaccins et de masques et la protection mutualisée de nos ressortissants –
pour mettre en œuvre dans les pays plus démunis que d’autres, une
aide technique et une expertise, tout en favorisant la transparence de
l'information, notamment pour coordonner nos efforts d'intervention sur les
foyers épizootiques.
Par ailleurs, nous mènerons
en commun les 23 et 24 novembre un exercice pandémie grippale baptisé « Common
ground», pour tester la coordination des États européens.
Je crois aussi à
l'importance d'une action multilatérale renforcée au niveau international. Nous
travaillons avec l'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation mondiale de
la santé animale, la Food and agricultural organisation et la Banque mondiale.
Nous disposons des institutions compétentes pour promouvoir une véritable
coopération internationale technique, sanitaire et financière. La conférence des
donateurs s'achève d'ailleurs aujourd'hui à Genève. Elle permettra de doter de
plans de lutte contre la grippe aviaire les pays les moins avancés qui
pourraient être touchés. Nous travaillons sur toutes ces phases prépandémiques,
main dans la main, en partenariat avec le ministère de l’agriculture.
Je me rendrai prochainement
au Vietnam, en Chine et à Hong Kong, de façon à voir sur place comment ces pays
réagissent.
M. François Brottes.
Soyez prudent ! Mettez un masque !
M. le ministre de la santé et des solidarités. Je ne suis pas inquiet. Je vous remercie de votre sollicitude.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. M. Brottes a peur de la contagion de la grippe aviaire !
(Sourires.)
M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Brottes, le souci que vous manifestez pour mon état de santé me
va droit au cœur et témoigne qu’au-delà des divergences qui peuvent être
purement factuelles, l’essentiel nous rassemble !
Il est important de pouvoir
porter un message aux communautés françaises vivant sur place et de se rendre
compte de la façon dont est organisée la préparation par rapport à ces risques.
Si nous parlons beaucoup,
aujourd’hui, de la grippe aviaire, nous sommes tout aussi vigilants face
aux autres menaces comme le terrorisme.
Notre souci de
l’organisation face à ce risque de pandémie grippale nous permet – j’en
suis persuadé – d’être beaucoup plus efficace par rapport aux autres risques,
car nous savons qu’aujourd’hui, dans le monde, ces autres risques sont toujours
présents.
Le plan Biotox, dont
l'objectif est de coordonner la lutte contre le terrorisme biologique et
chimique, demeure une de nos priorités, aux côtés, et non pas après, la
prévention de la grippe aviaire. Je veux insister sur ce point, qui a suscité
plusieurs questions de votre part. Les financements du plan Biotox en 2006,
assurés par l'État et l'assurance maladie, couvrent les opérations déjà
programmées. Nous avons achevé notre première vague d'acquisition de matériel –
antidotes, antibiotiques et vaccins – et nous consacrerons principalement cette
année au renouvellement et à la maintenance des stocks.
Monsieur Le Guen, les
postes budgétaires créés en 2002 sont bien là et participent aussi à notre
effort de veille contre le bioterrorisme. Sur les 126 postes créés par la loi de
finances pour 2002, 111 sont aujourd’hui pourvus. C’est très satisfaisant,
compte tenu des profils recherchés. Il ne s’agit pas là d’une question de
moyens, il faut simplement trouver les profils qui correspondent aux
besoins. Par ailleurs, d'autres agents travaillent à temps partiel sur les
menaces sanitaires majeures, dont le bioterrorisme. Enfin, un important effort
d'organisation a été réalisé pour valoriser au mieux ces moyens. J'entends
encore perfectionner ce dispositif, notamment en améliorant la
coordination des acteurs au niveau de nos services déconcentrés, comme l’a
indiqué M. Jean-Pierre Door.
Nous avons développé en
2004 plusieurs nouveaux volets, concernant la lutte contre la peste et le
charbon, et contre la tularémie. Je remarque l'intérêt que plusieurs d'entre
vous, dont M. Mallié, ont manifesté au sujet de notre dispositif en la matière.
Je peux vous citer quelques chiffres qui montrent notre degré de préparation
face à une attaque de cette nature : 13 hôpitaux de référence – dont 9 en
métropole – abritent des stocks de médicaments efficaces contre ce risque. Par
ailleurs, nous disposons de cinq stocks d'antidotes contre les menaces
chimiques, ainsi que de 65 millions de jours de traitements antibiotiques
préventifs et 600 000 jours de traitements antibiotiques curatifs contre la
peste, le charbon, la tularémie et la brucellose. Nous menons régulièrement des
exercices de simulation et nous comptons encore progresser, par la mise en œuvre
de nouveaux moyens.
La culture de la prévention
des risques, que nous souhaitons développer, se traduit – vous avez été nombreux
à insister sur ce point – par une exigence d'information pour les citoyens
et de formation pour les professionnels de santé. Les mesures d'information des
citoyens sur les risques sanitaires ont été renforcées. Il s'agit, d’une
part, d'une exigence de transparence, inhérente à la démocratie et aux nouveaux
besoins de transparence de nos concitoyens, et, d’autre part, d’une exigence de
santé publique, dans la mesure où une bonne connaissance des dispositifs
sanitaires nous permet de réagir plus rapidement. Nous allons donc continuer à
développer ces moyens d’information en cas de situation exceptionnelle pour
promouvoir une véritable culture du risque dans l’ensemble de la société. C’est
d’ores et déjà le cas pour la grippe aviaire, et nous allons continuer. Mais, à
plus long terme, nous renforcerons ces actions de pédagogie dans le cadre de l’
Institut national d’éducation pour la santé. Et je sais, monsieur Le Guen,
l’importance que vous accordez à nos actions en ce domaine.
Nous devons agir avec les
professionnels de santé, qui sont un maillon essentiel de la chaîne de réaction,
qui lie l'alerte des pouvoirs publics, la réaction des citoyens et aussi
l’assurance que les soins seront prescrits comme il faut, quand il faut, où il
le faut. Ces professionnels de santé doivent donc être particulièrement informés
et formés. Nous mettons tout en œuvre pour organiser des formations, avec l’aide
notamment de l’École de santé publique. Dans l'éventualité d'une pandémie de
grippe aviaire, nous travaillons étroitement avec les personnels de santé –
j’aurai l’occasion prochainement de les réunir avec Didier Houssin –, les
médicaux et les paramédicaux, afin d’être réactifs.
En ce qui concerne
l'indemnisation des transfusés, nous apportons la preuve de notre volonté de
prendre en compte les risques et erreurs de santé en amont, par davantage de
prévention et d’information, comme en aval, par le dédommagement des victimes.
Le projet de loi de
finances pour 2006 change l'organisation de l'indemnisation du contentieux lié à
la transfusion sanguine. Nous voulons réduire les délais de traitement des
dossiers et de mise en paiement des indemnités. L’Établissement français du
sang, qui doit satisfaire les besoins en matière de produits sanguins labiles
est en charge du contentieux lié au sang contaminé. La provision pour risques de
cet établissement atteint, à l'heure actuelle, 240 millions d'euros. C'est
pourquoi nous avons décidé d'abonder ce fonds en 2006 pour un montant moindre, à
hauteur de 4,5 millions d’euros. Nous avons désormais des provisions suffisantes
pour indemniser les victimes de la manière la plus juste possible.
Avant de passer la parole à
M. Michel Cadot, qui va vous présenter au nom de mon collègue Dominique
Bussereau le programme sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation, je veux
réaffirmer ma conviction que ce PLF pour 2006 nous permet de mener une politique
ambitieuse de veille et de sécurité sanitaires.
J’ai été sensible aux
remarques que vous avez faites, mesdames, messieurs les députés, lors de cette
commission élargie. Ces sujets dépassent les clivages politiques. Le soutien
apporté à ce programme montre bien que nous avons, les uns et les autres, une
exigence de résultat par rapport à un sujet majeur dans notre société, mais
surtout pour la santé de nos concitoyens.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. Nous en arrivons à l’intervention de M. Michel Cadot, directeur du
cabinet de M. le ministre de l’agriculture.
M. Dominique Bussereau est
en effet retenu à Bruxelles.
Or l’article 56 du
règlement de l’Assemblée nationale autorise un haut fonctionnaire à intervenir à
la demande du Gouvernement – ce qui est le cas.
Je donne la parole à M.
Michel Cadot.
M. Michel Cadot,
directeur du cabinet de
M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Mesdames et messieurs les
députés, je vous remercie de l’autorisation qui m’est faite de compléter le
propos de M. Bertrand au nom de M. Bussereau, qui est retenu par les obligations
de la négociation sur l’Organisation mondiale du commerce et qui vous prie
d’accepter ses excuses.
Je vais vous présenter
brièvement, en son nom, la participation du ministère de l’agriculture à la
politique sanitaire.
Avant d’examiner la
situation particulière des crédits de cette mission, je mettrai l’accent sur les
enjeux et les priorités qui s’attachent à la sécurité sanitaire de
l’alimentation. En ce qui concerne le ministère de l’agriculture et de la pêche,
ces enjeux se présentent d’abord en termes de sécurité sanitaire, de maîtrise
des risques sanitaires et phytosanitaires avec le réseau très développé des
directions des services vétérinaires et des services de la protection des
végétaux sur le territoire.
J’ai apprécié que plusieurs
d’entre vous aient relevé la qualité de la sécurité sanitaire mise en œuvre par
l’ensemble des services et le fait que nous avions, dans ce domaine, une
situation satisfaisante au niveau international. Le premier enjeu pour l’action
du ministère de l’agriculture est d’assurer une maîtrise complète et
satisfaisante des risques sanitaires et phytosanitaires et de garantir la
conformité aux règles de mise sur le marché des denrées et des aliments pour les
animaux.
Pour compléter l’action des
services en matière de sécurité sanitaire, il faut aussi développer la culture
de veille sanitaire – M. le ministre de la santé l’a évoquée il y a quelques
instants.
L’action de sécurité
sanitaire va au-delà. Elle porte très clairement sur des enjeux économiques. La
sécurité sanitaire doit permettre d’accompagner une politique de promotion de la
qualité et de diversification des produits alimentaires. La notion de
traçabilité est liée à celle de qualité des produits. On voit très clairement
que les actions de sécurité sanitaire se traduisent immédiatement en termes de
performance économique et de qualité économique des filières, et rejoignent donc
la mission générale du ministère d’accompagnement et de développement des
filières agricole et agro-alimentaire.
Dernier aspect de notre
mission sanitaire : nous préparer aux nouvelles techniques de production – je
pense évidemment aux organismes génétiquement modifiés. Par ce programme de
mission sanitaire, nous devons mettre en œuvre et anticiper les procédures qui
permettront de garantir que ces nouvelles techniques seront acceptables au
regard des risques pour la santé et pour l’environnement.
Les enjeux autour de la
mission sanitaire vont donc au-delà de la seule mission de sécurité des
utilisateurs de produits agricoles.
La politique de sécurité
sanitaire et cette mission pour le ministère de l’agriculture et de la pêche se
développent dans un cadre européen : 2006 verra l’entrée en vigueur du « paquet
hygiène », qui sera composé de cinq règlements adoptés par l’Union européenne et
qui permettra de passer d’une logique très sectorielle à une vision beaucoup
plus unifiée permettant de regrouper au sein des cinq règlements les dix-huit
directives communautaires qui régissaient jusqu’à présent le secteur de la
sécurité sanitaire au plan européen.
L’objectif général est de
mettre en place une politique beaucoup plus transparente en matière d’hygiène et
qui s’appliquera à la totalité des denrées alimentaires et à l’ensemble des
exploitants du secteur alimentaire, y compris ceux de l’alimentation animale.
L’objectif est enfin de
créer des instruments efficaces pour gérer les alertes sur l’ensemble de la
chaîne alimentaire en veillant avec les milieux professionnels à une plus grande
implication de ceux-ci dans la prise en charge de leur propre responsabilité :
le dialogue doit être renouvelé entre les services administratifs, qui
contrôlent et qui fixent les règles, et les professionnels, qui doivent être
impliqués dans leur exécution.
Voilà brièvement rappelés
les enjeux au-delà de la mission propre de sécurité sanitaire des aliments qui
nous rassemble aujourd’hui. Le programme proposé permet de répondre à une plus
grande lisibilité des priorités dans les documents budgétaires avec sept
objectifs déclinés en neuf indicateurs qui sont retenus dans le projet annuel de
performance.
Ont été retenus, vous
l’avez relevé, deux objectifs de performance et d’efficience des services, l’un
relatif à la mise en œuvre d’exercice de plans d’urgence – M. le ministre de la
santé y a fait référence – et l’autre à la mise sous assurance qualité des
services. Une architecture simple et lisible des actions du programme a été
privilégiée ; sept actions immédiatement compréhensibles, dont cinq techniques,
qui retracent les secteurs des végétaux, de la santé animale, des denrées
alimentaires, des moyens scientifiques et enfin de l’équarrissage.
Comme pour l’ensemble des
actions du ministère de l’agriculture et de la pêche, M. Bussereau a veillé à
favoriser le plus possible la déconcentration des budgets. Celle-ci a été
retenue au niveau régional pour les interventions et, plus directement, au
niveau du responsable de service en ce qui concerne les crédits de
fonctionnement.
Le budget met en œuvre de
manière lisible des objectifs et affirme un certain nombre de priorités, avec
une progression de 7 %, qui marque une augmentation du programme de 36 millions
d’euros. L’augmentation porte principalement sur l’élimination des farines
animales, enjeu prioritaire pour la plupart des orateurs, et représente
13,2 millions d’euros. M. le ministre a exprimé sa volonté d’accélérer le
processus d’élimination des farines animales et de veiller que, d’ici à la fin
de la législature, le processus soit mené à son terme. C’est également une
mesure d’économie, les charges de location des sites de stockage étant
particulièrement élevées. Cela va dans le sens de l’harmonisation européenne. Je
répondrai à M. Méhaignerie dans quelques instants sur ce point.
L’autre augmentation
importante concerne la prévention et la gestion des risques sanitaires liés aux
denrées alimentaires : une augmentation de 2,3 millions d’euros est prévue dans
les crédits pour 2006. Cette augmentation permettra à la France de répondre à
ses exigences en matière communautaire, ce qu’elle a peine à faire en ce moment.
L’effort portera plus directement sur la lutte contre les salmonelles et le
renforcement des inspections en abattoirs, ainsi que cela a été souligné par le
rapporteur.
Le dernier poste
d’augmentation significatif concerne la prévention et la gestion des risques
inhérents à la production végétale, l’accent étant mis sur la surveillance et la
gestion des risques liés à la bioaccumulation dans les végétaux de pesticides et
autres contaminants.
Quant aux effectifs,
question évoquée par M. Mallié, il faut rappeler que l’effort de rigueur qui a
été appliqué aux différents ministères a été également réalisé sur la mission de
sécurité sanitaire, sachant que celle-ci avait bénéficié depuis plusieurs années
de fortes hausses de personnel. À cet égard, je précise que l’intégration des
dépenses de personnel d’administration centrale a été réalisée ; le ministère de
l’agriculture et de la pêche a fait le choix de mettre les moyens de
fonctionnement, y compris de personnel, au plus près des responsables
opérationnels. Pour les services déconcentrés, les dépenses de personnel sont
donc bien localisées dans les budgets opérationnels de programmes. Pour
l’administration centrale, le secrétaire général assure la coordination des
moyens, ce qui permettra a
posteriori de répartir, grâce au contrôle de gestion et à la comptabilité
analytique, les moyens de personnel sur chacune des missions ou des programmes
ou des actions.
Je précise d’ores et déjà
que sur les 89 millions d’euros correspondant au montant des frais de personnel,
28 millions d’euros correspondent à la partie administration centrale, le reste
comprenant les agents des services régionaux de la protection des végétaux.
La question de
l’équarrissage, qui a été soulevée, est un des enjeux de ce budget 2006. Je
précise que s’agissant de la situation des bouchers, et pour répondre à la
question posée par M. Le Guen, l’élimination des colonnes vertébrales de bovins
de plus de douze mois relève jusqu’au 1er janvier 2006 du service
public de l’équarrissage. Nous travaillons actuellement avec le ministre chargé
des PME à une aide qui se substituera à compter de cette date aux 1 000 euros
versés jusqu’à présent par le ministère de l’agriculture et de la pêche. Ce
nouveau dispositif fait l’objet de discussions avec la profession et le
ministère. Il pourrait s’agir d’une mesure de défiscalisation sur du matériel de
conservation des déchets, en tout cas d’une mesure de type incitatif. Je
rappelle que le dispositif qui sera mis en place intervient à un moment où
l’administration a autorisé le rallongement des délais de conservation des
déchets chez les bouchers. Leurs obligations sont donc allégées, ce qui peut
permettre de trouver un système différent et peut-être mieux adapté pour
répondre aux questions d’élimination des colonnes vertébrales de bovins de plus
de douze mois.
S’agissant des farines
animales, il y a plusieurs éléments dans ce dossier : d’abord la nécessité pour
la République, qui est certes bonne fille mais qui a surtout vocation à tenir
les engagements qu’elle a pu prendre dans le passé, d’assumer les engagements
pris dans les années 2000 au moment de la crise de l’ESB. Je rappelle que l’État
a stocké les farines en son nom propre, et que les loyers correspondants ne
représentent pas moins de 39 millions d’euros, soit par marché, soit par
réquisition préfectorale. Ces coûts importants doivent être rapidement
supprimés. Le Gouvernement consacre 25 millions d’euros sur le budget 2006, qui
auront un effet immédiat, car seront consacrées à la suppression des stockages
des sommes qui étaient aujourd’hui payées en loyers. Je rappelle qu’il s’agit de
700 000 tonnes de farines animales qui restent à éliminer, madame Gaillard, et
qu’il est nécessaire d’accélérer le lancement des marchés de déstockage et
d’incinération pour permettre le plus rapidement possible de mettre un terme à
cette situation.
Quelles sont les
perspectives pour l’avenir ? La première priorité est de déstocker et de gérer
financièrement l’accélération de la mise en œuvre du déstockage. C’est fait dans
le budget pour 2006.
Nous devons ensuite nous
préoccuper d’harmonisation européenne pour les sous-produits animaux, et nous
sommes dans ce domaine en phase avec l’Europe pour ce qui concerne l’ensemble
des farines, notamment de porcs et de volailles, qui sont interdites pour
l’alimentation des ruminants. La situation est harmonisée au plan européen, à
l’exception d’un certain nombre de sous-produits animaux qui relèvent de mesures
spécifiques au plan national – je pense aux graisses de ruminants ou aux os,
pour lesquels nous sommes en train d’envisager de lever les prescriptions
nationales après un avis de l’AFSSA, qui a été saisie à cet effet il y a
quelques mois par le ministre.
M. le président.
Quelle serait la différence de coût ?
M. Michel Cadot,
directeur du cabinet de M le ministre de
l’agriculture et de la pêche. Je
ne suis pas en mesure de vous répondre à brûle-pourpoint, monsieur le président,
mais je vous transmettrai l’information au plus tôt.
Le schéma est clair :
accélération des marchés ; harmonisation européenne dans le cadre du service
public de l’équarrissage. Il est envisagé d’autoriser à nouveau les farines de
poissons dans l’alimentation des ruminants.
Mme Maryvonne Briot.
Non !
M. Michel Cadot,
directeur du cabinet de M.
le ministre de l’agriculture et de la pêche.
Des expertises scientifiques sont en cours. Mais, pour les autres farines
animales, il y a peu de perspectives sur l’année 2006.
En ce qui concerne les
contrôles aux frontières, j’indique qu’il existe trente-trois postes
d’inspection frontaliers chargés de contrôler tout animal et produit animal ou
d’origine animale provenant des pays tiers, et de les soumettre au contrôle
vétérinaire à l’importation. Ce contrôle donne lieu à la perception d’une
redevance sanitaire. Son produit a atteint 3,6 millions d’euros par an et
concerne 67 000 lots de produits d’origine animale et d’animaux vivants.
Tels sont les principaux
éléments de ce budget. Sur le phénomène de l’influenza aviaire, je peux indiquer
que sur l’abattage, il n’y a pas lieu à mettre en œuvre une politique
d’indemnisations. La ligne budgétaire est cependant prévue ; elle est dotée
d’une centaine de millions d’euros au titre de la lutte contre les maladies
animales et permettrait, en cas d’épizootie et de nécessité d’abattage dans
certains élevages, d’indemniser en totalité des animaux abattus dans le foyer
contaminé. Mais ce n’est pas aujourd’hui une nécessité, car aucun foyer
contaminé n’a été constaté.
Par ailleurs, l’AFSSA vient
de rendre un avis indiquant qu’elle ne recommandait pas la vaccination pour les
volailles. En tout état de cause, elle serait très limitée : à quelques zoos ou
à quelques élevages très particuliers. Il n’y a donc pas lieu de prévoir des
mesures budgétaires spécifiques.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. Merci, monsieur le directeur, pour ces réponses très détaillées.
Nous en arrivons aux
questions, pour lesquelles, je le rappelle, le temps de parole est limité.
La parole est à M. François
Dosé.
M. François Dosé.
Sous la législature précédente, j’ai participé aux travaux de la commission
d’enquête sur l’ESB, présidée par M. Sauvadet : pendant six mois, nous avons
auditionné de nombreuses personnes, nous avons travaillé avec assiduité et, une
fois le rapport paru, plus rien, pas le moindre suivi ! C’est étrange ! Ne
pourrait-on pas imaginer qu’une commission d’enquête ait un droit de suite sur
le sujet dont elle a été saisie ? Il n’y a là rien de polémique, il s’agit
simplement du lien entre l’exécutif et le législatif. Il conviendrait de tenir
ses membres informés de l’état de la question car ils sont longtemps après
sollicités sur certaines questions : type de farines concerné, état des stocks,
déstockage, nombre d’incinérateurs. À tout le moins, il faudrait une information
précise. N’oublions pas que, grippe aviaire ou pas, dans les campagnes,
l’abattage des bêtes reste dans toutes les têtes. Nous ne devons pas donner
l’impression que « tout le monde s’en fout » !
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. La parole est à M. Antoine Herth.
M. Antoine Herth.
Je reviens, à mon tour, sur les farines animales. Le « bleu » est très explicite
sur ce sujet : le Gouvernement compte éliminer l’année prochaine 200 000 tonnes
sur les 750 000 tonnes stockées, à un coût de 120 euros par tonne. Et cela me
fait sursauter.
L’année dernière, lorsque
j’ai présenté le budget de l’agriculture, j’avais signalé que le coût unitaire
prévu était de 100 euros par tonne éliminée. Les auditions m’avaient permis
d’apprendre qu’en négociant de gré à gré avec les cimentiers, les équarisseurs
pouvaient obtenir des tarifs sensiblement inférieurs, de l’ordre de 50 euros par
tonne. Certes, depuis, le coût de l’énergie a augmenté, et l’objectif de
50 euros n’est peut-être plus envisageable, mais, avec 75 euros par tonne, il
est possible d’éliminer la moitié du stock en 2006.
Mes remarques peuvent
paraître un peu critiques. Mais je ne veux pas que le Gouvernement ait pour
point de départ un coût de 120 euros par tonne dans les négociations pour le
marché public de l’élimination des farines animales. Ce n’est pas acceptable :
il faut partir de plus bas, en adoptant une attitude plus offensive à l’égard
des opérateurs.
S’agissant des missions de
l’AFSSA, j’ai bien noté qu’elle poursuivait son programme de travail sur
l’exposition aux produits phytosanitaires. Je demande donc à M. le ministre de
la santé et à M. Cadot ce qu’il est en est de l’application des dispositions de
la loi d’orientation agricole que nous avons adoptées en première lecture ? Je
sais bien que le texte n’est pas entièrement bouclé, mais de nouvelles missions
seront-elles définies, notamment en matière d’homologation des produits
phytosanitaires ? Comment comptez-vous les articuler avec les nouvelles
dispositions budgétaires ?
Pour finir, je tiens à
rappeler que, du point de vue du rapport coût-bénéfice, il est toujours plus
intéressant pour les agences de dépenser l’argent public pour faire un travail
de prévention plutôt qu’un travail de correction des effets négatifs. On le voit
avec la filière volaille, qui a subi des pertes financières considérables alors
même qu’aucun cas de grippe aviaire n’a été enregistré. Vous avez parfaitement
raison, monsieur le ministre, de souligner qu’il ne faut pas se contenter
d’additionner les masques en papier et les doses de vaccin comme on décomptait
autrefois les boutons de guêtre. C’est le caractère opérationnel du dispositif
qui est important, c’est-à-dire notre capacité à nous adapter à une situation
pleine d’aléas et de surprises. Mais vous tenez le bon cap, monsieur le
président, et je vous en félicite.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. La parole est à M. Richard Mallié.
M. Richard Mallié,
rapporteur spécial de la commission des finances. S’agissant de la question du financement de la grippe aviaire, la
réponse me paraît très simple. La grippe aviaire étant une maladie, c’est à
l’assurance maladie, et non à l’État, de couvrir les coûts qu’elle engendre, y
compris dans une optique de prévention, comme cela a été le cas pour le sida.
Je ne veux pas allonger nos
débats, mais je dirai aussi un mot des farines animales. Comme l’a dit très
justement M. Cadot, c’est l’État qui, en vertu du principe de précaution, a
décidé d’interdire l’emploi des farines animales, compte tenu de leur éventuelle
toxicité, et c’est à lui qu’il revient de les éliminer. Les coûts de transport
vont être particulièrement importants car les fours de cimenterie sont souvent
éloignés des sites de stockage. Le message de la représentation nationale est
donc clair : il faut arrêter de stocker ces farines et les éliminer au plus
vite, afin d’éviter de continuer de surcroît à payer des loyers.
S’agissant du prélèvement
sur le fonds de roulement des agences, il a été dit que nous vivions
d’expédients. Mais, pour ma part – et c’est peut-être toute la différence entre
le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et le
rapporteur spécial de la commission des finances que je suis – je considère que
le contribuable n’a pas à financer des bas de laine et des matelas de confort
dans chaque agence. Elles doivent simplement être mieux gérées.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. Merci d’avoir respecté votre temps de parole, monsieur Mallié.
La parole est à
Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson.
Monsieur le ministre de la santé, vous avez à juste titre évoqué la nécessité de
multiplier les exercices grandeur nature pour tester leur validité et évaluer la
réactivité des personnels. Cela dit, ces exercices – je le sais pour avoir
participé à bon nombre d’entre eux – sont extrêmement consommateurs de
personnels, en particulier de personnels hospitaliers, médicaux ou paramédicaux,
qui travaillent déjà à flux tendu. Des crédits spécifiques seront-ils prévus
pour dédommager les hôpitaux, dont le budget est ainsi grevé ?
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. La parole est à M. Claude Birraux.
M. Claude Birraux.
Monsieur le président, en février 2005, le sénateur Claude Saunier a présenté un
rapport sur l’application de la loi du 1er juillet 1998, au nom de
l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques, comme cela était
prévu par la loi. Il y a dressé la liste des différentes instances d’expertise
existantes : le Conseil supérieur d’hygiène publique, remplacé par le Haut
conseil de la santé publique, la Commission d'étude des produits destinés à une
alimentation particulière, la Commission interministérielle et professionnelle
de l'alimentation animale, la Commission de technologie alimentaire, le Centre
national d'études et de recommandations sur la nutrition et l'alimentation,
l'Observatoire des consommations alimentaires, le visa préalable de publicité,
l’Académie de médecine, le Conseil national de l'alimentation et le Conseil
national de la consommation. A-t-il été apporté plus de clarté dans cette
organisation, comme le réclame notre excellent collègue ?
Par ailleurs, ses
recommandations concernant la nécessité d’établir des liens entre les contrats
d’objectifs et de moyens et les structures de la LOLF ont-elles été suivies ?
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
M. Jean-Marie Le Guen,
rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles. Monsieur Cadot, vous avez indiqué
tout à l’heure que vous envisagiez de permettre l’alimentation de certains
animaux par des farines de poisson. Sur quelle expertise scientifique repose
cette décision d’autoriser le franchissement des barrières d’espèces ?
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires
économiques. La parole est à M. Jean Gaubert.
M. Jean Gaubert,
rapporteur pour avis de la commission des
affaires économiques.
L’intervention de mon collègue Richard Mallié me conduit à reprendre la parole.
Je n’ai examiné que la
situation de l’AFSSA, et je ne peux pas porter de jugement sur les autres
agences, mais il est clair que la situation financière de cette agence est
tendue.
Depuis 2002, les réserves
constituées, dont on peut considérer qu’elles étaient peut-être trop élevées,
ont été entamées. Mais, dans chaque structure, il existe une réserve
prudentielle qu’il est nécessaire de conserver : d’abord, pour assurer le
paiement des factures en fin de mois, même si ce n’est pas toujours le souci de
l’État, qui a tendance à ne pas s’appliquer à lui-même les règles qu’il impose
aux autres ; ensuite, pour assumer les responsabilités qui s’imposent à l’égard
des salariés de droit privé, non fonctionnaires et contractuels, de plus en plus
nombreux dans ces structures. Car, là encore, il ne serait pas normal que l’État
conduise certains employeurs sous sa responsabilité à ne pas respecter les
règles qu’il impose aux autres.
M. le président.
Avant que le Gouvernement ne réponde à ces questions, j’ajouterai un mot, en
complément de la question de M. Le Guen. Est-il vrai que certains pays européens
réintroduisent dans l’alimentation animale non seulement des farines de poisson
mais aussi des farines de porc et de volaille ?
M. le ministre de la santé et des solidarités. Il est exact, madame Génisson, que nous voulons multiplier les exercices
grandeur nature, car, en la matière, la pratique vaut mieux que la lecture d’un
dossier et qu’il n’existe pas aujourd’hui de crédits spécifiques pour les
financer. Mais il faut relativiser l’impact de telles opérations. Si leur nombre
croît, elles n’ont pas lieu toutes les semaines. Qui plus est, nous sommes en
train de développer des exercices sur des sites spécifiques, à l’instar de ce
qui s’est passé pour la grippe aviaire, plutôt que dans des hôpitaux, où ils ne
se déroulent qu’en cas de nécessité. Je vous rappelle en outre qu’il s’agit de
mobiliser non pas l’ensemble des services mais un seul.
Je suis foncièrement
convaincu qu’il faut s’engager dans la voie des exercices concrets. Si nous nous
apercevions qu’ils posent durablement de vrais problèmes d’organisation et de
financement, nous en tirerions les conséquences. Mais, aujourd’hui, notre
changement d’approche ne me semble pas de nature à mettre en péril l’équilibre
financier de tel ou tel service ou de tel ou tel hôpital.
Mme Catherine Génisson.
Je n’en suis pas sûre.
M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est en tout cas ma conviction, même si je ne vous ai pas convaincue,
madame la députée.
Toujours est-il que, si
vous êtes intéressée, je vous fournirai le nombre exact d’exercices qui ont été
effectués et de ceux que nous voulons organiser, afin d’en mesurer l’impact. Je
suis prêt à vous communiquer davantage d’informations sur ce sujet.
En tout état de cause,
quand nous faisons un exercice comme en Ille-et-Vilaine, avec une dimension
agricole très forte puisqu’il s’agissait de répondre à une épizootie, l’hôpital
est associé certes, mais dans la limite d’un service au niveau d’une région.
Telle est notre logique
d’action. Nous n’avons pas mesuré l’impact budgétaire de ce type de
mobilisation, mais je ne pense pas que ces exercices soient de nature à mettre
en péril l’équilibre de telle ou telle structure hospitalière.
Quant au CHSPF, monsieur
Birraux, il existe encore, mais il doit être transformé en Haut conseil de la
santé publique. Nous attendons la parution du décret qui officialisera ce
changement.
M. Mallié ne m’a pas
véritablement interrogé. Il est intervenu en qualité de rapporteur pour apporter
des précisions complémentaires.
Enfin, je n’ai pas à
commenter les propos tenus par M. Herth, que je remercie.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. Ils étaient en effet pleins de bon sens.
La parole est à M. Michel
Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
M. Michel Cadot,
directeur du cabinet de M.
le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je répondrai à M. Herth sur
le rôle de l’AFSSA et les évolutions en cours prévues dans la loi d’orientation
agricole.
Aujourd’hui, le dispositif
administratif confie l’évaluation des produits phytosanitaires et l’autorisation
de mise en marché à la direction générale de l’alimentation du ministère de
l’agriculture et de la pêche. Le projet de loi d’orientation agricole
transférera à l’AFSSA, et plus précisément à l’un de ses services, l’Agence
nationale des intrants végétaux – qui doit être autonome –, l’évaluation des
produits phytosanitaires, le ministère conservant le pouvoir régalien de mise en
marché et d’agrément. L’Assemblée nationale a préféré cette réforme – et le
Sénat l’a adoptée hier soir – plutôt que de transférer à la fois l’évaluation et
l’agrément.
Sur le plan budgétaire, ce
transfert n’impliquera pas de coût supplémentaire important dans la mesure où
aucune structure nouvelle ne sera créée – il s’agit seulement de mettre en place
un service – et où il est prévu de majorer les redevances perçues auprès des
entreprises qui déposent des demandes d’AMM, pour tenir compte de l’amélioration
des délais et de la qualité des réponses de l’organisme évaluateur. Aujourd’hui,
les délais sont extrêmement longs et ils posent problème.
En ce qui concerne les
farines animales, l’estimation du coût d’élimination figurant dans le bleu
budgétaire, à savoir 120 euros par tonne, est excessive. Les prix de revient ont
baissé au cours de l’année 2005, puisqu’ils sont passés de l’ordre de 100 euros
par tonne en 2004 à 70 euros pour les farines prises en charge par le service
public, grâce à une renégociation beaucoup plus volontariste des marchés. Il me
semble raisonnable d’anticiper une élimination plus rapide du stock puisque la
diminution du coût permettra d’augmenter les quantités traitées. Je puis vous
assurer que nous veillerons à tenir les prix autour de 70 euros pour gagner en
efficacité.
La réintroduction des
farines animales dans les
pet foods permettra, monsieur le président, de réaliser 6 millions
d’euros d’économies.
Pour ce qui est des autres
pays, l’utilisation de farines animales dans l’alimentation des animaux est
harmonisée au niveau communautaire. Les farines de ruminant, de porc et de
volaille sont interdites dans l’alimentation des ruminants, de même que les
farines de poisson. La situation est en cours de réexamen au niveau européen,
mais aucune décision n’a été prise pour le moment, même si l’avis de l’Agence
européenne de sécurité des aliments, l’AESA, est favorable à un assouplissement
sur les farines de poisson.
M. Jean-Michel Dubernard,
président de la commission des affaires
culturelles. Je remercie M. le ministre de la santé, ainsi que M. le directeur de
cabinet du ministre de l’agriculture, pour les réponses qu’ils ont apportées à
nos questions.
M. Patrick Ollier,
président de la commission des affaires économiques.
Les commissions vont maintenant, mes chers
collègues, se réunir séparément.
(La réunion de
la commission élargie s’achève à onze heures trente-cinq.)
© Assemblée nationale