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ASSEMBLÉE NATIONALE

 10 mai 2006

(18 heures 30)

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M O T I O N  D E  C E N S U R E

 

(déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution) 

Notre pays traverse l’une des plus graves crises politiques de la Vè République. Depuis un an, le gouvernement est plongé dans une tourmente d’une rare intensité : violences urbaines exceptionnelles dans leur durée et leur ampleur, opposition massive des salariés, des étudiants et des lycéens au Contrat première embauche et, aujourd’hui, divisions au sommet de l’Etat sur fond de suspicion, de manœuvres et de complots.

 Le divorce entre le pouvoir et les Français est consommé avec l’implication de l’exécutif dans la ténébreuse affaire Clearstream.

 S’il appartient à la justice de dénouer les fils de cette machination, si la présomption d’innocence comme le secret de l’instruction doivent être respectés il reste une évidence : c’est au sein même du gouvernement que se lancent les accusations, s’organisent les manœuvres, se jettent les suspicions. Comment une telle équipe peut-elle continuer à travailler pour le pays dans ce climat délétère, alors que les causes de ce délabrement se situent en son sein même ? C’est l’autorité de l’Etat qui en est la seule victime. Le Premier ministre comme le Ministre de l’Intérieur, dans leur querelle, sont les premiers acteurs du trouble et du désordre. Le Président de la République, en maintenant cet invraisemblable attelage, fait courir un risque majeur à l’esprit de nos institutions.

 Que veut dire en effet la sécurité de l’Etat quand les services de renseignements sont dévoyés dans des opérations de déstabilisation entre ministres du gouvernement ? Quand des officiers et des juges se disent publiquement instrumentalisés dans cette lutte de pouvoir.

 Que veut dire l’intérêt national quand le Président de la République a, désormais, pour seule perspective pour l’exercice de son mandat que de le terminer ? Quand le gouvernement est paralysé et ballotté au gré des rivalités personnelles et des menaces de révélations. Quand l’image et la place de la France dans le monde sont à ce point altérées.
 

Si, comme le dit le chef de l’Etat, la République n’est pas « la dictature de la rumeur », elle ne peut pas être davantage le régime des convenances, des confusions et des complots.

Economiquement, socialement, moralement, le gouvernement a épuisé la France et les Français. Tous ceux qui y participent en portent la responsabilité. Aucun ne peut prétendre s’en exclure.  

Face à ce délitement, le temps d’une espérance est venu. L’élection présidentielle doit être l’occasion de tourner la page de ce régime de crises et de poser les termes du débat de société dont le pays a besoin. Pour que cette confrontation démocratique ne débouche pas sur le rendez-vous tronqué de 2002 sous la menace de l’extrémisme, il est aujourd’hui indispensable d’assainir la situation politique. 

Dans une démocratie digne de ce nom, toutes les conséquences d’une crise de cette ampleur auraient été tirées soit par un changement global d’équipe gouvernementale, soit par un retour devant le peuple français. 

Pour tous ces motifs, l’Assemblée nationale censure le gouvernement en application de l’article 49, alinéa 2 de la Constitution.