COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 octobre 2003
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,

puis de M. Pierre Morange, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Loi de finances pour 2004 :

· Avis communication (M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis)

· Avis culture (Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis)

2

- Informations relatives à la commission

15

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Pierre-Christophe Baguet, les crédits de la communication pour 2004.

Après s'être félicité du principe de la rotation des rapporteurs, M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il a procédé à plus de trente auditions pour préparer son rapport et notamment la partie thématique relative à la radio.

Le budget de l'audiovisuel public pour 2004 est un bon budget. Il s'élève à 3,44 milliards d'euros, soit une progression de 3,6 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2003. La redevance augmente de 3 % alors que les ressources propres croissent de 5,6 %. La part de financement public s'élèvera à 2,613 millions d'euros, soit 76 % du budget global.

La loi organique relative aux lois de finances prévoyait la suppression de toutes les taxes parafiscales, dont la redevance pour l'audiovisuel, qui devait intégrer la catégorie des impositions de toute nature. La commission des finances, de l'économie générale et du plan en a décidé autrement puisqu'elle a provisoirement transformé la redevance en taxe fiscale afin de bénéficier d'un an de réflexion sur son devenir. Il est important de noter que personne ne remet en cause le compte d'affectation spéciale qui permet de financer l'audiovisuel en le préservant d'arbitrages défavorables de dernière minute.

La hausse prévue du produit de la redevance se monte à 104 millions d'euros, un tiers de cette hausse provenant de l'accroissement naturel de la ressource (grâce à l'augmentation du nombre de téléviseurs) et les deux autres tiers d'un accroissement de la lutte contre la fraude. En ce qui concerne ce dernier point, la commission des finances est également revenue sur les dispositions du projet de loi de finances en supprimant le principe d'une taxation systématique des résidences secondaires et surtout le croisement des fichiers de la redevance et des abonnés au câble et au satellite, qui avait rencontré l'opposition de la CNIL. Il y a donc aujourd'hui une interrogation sur la façon dont on obtiendra les ressources annoncées. Le projet de budget prévoit également une forte augmentation des ressources propres de l'audiovisuel public. La hausse prévue pour les recettes publicitaires (+ 7 %) peut paraître optimiste mais le marché de la publicité semble connaître une reprise qui pourrait particulièrement profiter au groupe France Télévisions.

En évoquant très rapidement les différents organismes, on peut souligner la hausse de 3,5 % du budget global du groupe France Télévisions et saluer le succès de France 5, dont l'audience en journée atteint 6,5 %. ARTE France bénéficiera en 2004 d'une hausse de 3 % des dotations publiques, ce qui est inférieur aux dispositions du contrat d'objectifs et de moyens. En ce qui concerne Radio France, un gros effort budgétaire est fourni : il devrait principalement contribuer à la rénovation des locaux, le bâtiment n'étant plus conforme aux normes de sécurité. Le budget de RFI augmente de 2 millions d'euros, financés à parité par la hausse de la redevance et par la dotation en provenance du ministère des affaires étrangères, et celui de RFO est en hausse de 2,2 %. L'adossement de cette société au groupe France Télévisions devrait lui permettre de dégager des économies nées d'effets de synergie. Enfin, la hausse de 1,5 % des dotations de l'Institut national de l'audiovisuel permettra à cet organisme d'accélérer la numérisation des archives.

On peut donc être satisfait des efforts réalisés en faveur des différentes sociétés de l'audiovisuel public mais aussi perplexe quant à la réalité des financements présentés.

Pour ce qui est des aides directes à la presse, elles connaîtront en 2004 une baisse de 7 %, après une baisse de 11 % en 2003. La hausse globale de 0,5 % affichée par le gouvernement provient donc exclusivement de l'accroissement des dotations finançant l'AFP. Son contrat d'objectifs et de moyens a été signé le 10 octobre dernier, ce qui permettra enfin d'exécuter le budget 2003. Pour les aides à la presse, la forte hausse du fonds de soutien aux quotidiens à faible ressources publicitaires s'explique en fait par la consolidation de l'aide accordée depuis deux ans au quotidien France Soir par le biais de régulations.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la partie thématique de son avis consacrée aux nouveaux défis de la radio. Pour marquer l'importance de ce sujet, on peut rappeler que les Français écoutent la radio en moyenne trois heures par jour et que 84 % des plus de treize ans ont écouté la radio dans les dernières vingt-quatre heures.

En 1960 a lieu la première émission de radio en modulation de fréquences. Les premières radios libres - pirates - sont apparues en 1977 et l'ouverture de la bande FM aux radios privées a été réalisée en 1981. Il faudra attendre dix ans de plus pour voir apparaître la première radio numérique, en 1991. La bande FM comporte aujourd'hui 6 000 fréquences, dont 3 400 pour les associations et le secteur privé et 2 600 pour le secteur public.

Avec 547 opérateurs pour la catégorie A (radios associatives), 149 pour la catégorie B (radio locales commerciales indépendantes), 360 pour la catégorie C (radios locales commerciales affiliées à un réseau), 17 pour la catégorie D (radios thématiques à vocation nationale) et 3 pour la catégorie E (radios généralistes à vocation nationale), il existe aujourd'hui une saturation de la bande FM. Globalement, la répartition des fréquences est cependant équilibrée entre trois ensembles constitués par les radios publiques, privées et associatives.

Les grandes radios généralistes (Europe 1, RMC et RTL) souhaitent bénéficier d'une couverture sur l'ensemble du territoire national en faisant valoir qu'elles sont assujetties à des contraintes de service public, notamment lors des campagnes électorales, et ont, pour cette raison, des rédactions étoffées. A l'inverse, certaines radios thématiques qualifiées de « robinets à musique » diffusent peu d'informations : NRJ, par exemple, revendique une rédaction de 160 journalistes mais ne diffuse que 30 minutes d'information quotidiennes. La revendication des radios généralistes semble donc légitime. De plus, il serait souhaitable que ces radios disposent de la même fréquence sur l'ensemble du territoire, ce qui implique de redéfinir la planification de la bande FM.

Dès lors, deux options sont envisageables :

- L'ensemble des fréquences de la bande FM pourrait être redéfini avec l'attribution, à chaque radio nationale, d'une « fréquence-maîtresse », comme c'est aujourd'hui le cas pour France-Info. Si ce scénario « big-bang » soulève certaines difficultés techniques, en particulier dans les zones transfrontalières, elles ne paraissent cependant pas insurmontables.

- Selon une stratégie de « petits pas », des aménagements à la marge pourraient être réalisés sur la bande FM, en passant par exemple d'un écart de 0,4 à 0,3 mégahertz entre les stations, ce qui permettrait de créer sept réseaux nationaux.

En tout état de cause, la réattribution de 1 500 fréquences (sur 3 600 détenues par les opérateurs privés) par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à l'horizon 2006/2008 représente une opportunité qu'il convient de saisir afin de procéder à la re-planification de la bande FM. Mais une réponse à la saturation de la bande FM pourrait également être trouvée dans le développement de la radio numérique. Les administrations font aujourd'hui preuve de prudence sur ce dossier car, par le passé, les choix volontaristes en matière technologique (comme pour la norme SECAM, les satellites TDF 1/TDF 2, ou le D2 MAC) ont souvent été des échecs. Le développement de la radio numérique est cependant envisageable dès lors qu'existera une réelle volonté politique.

Plusieurs technologies existent à l'heure actuelle :

- La mise en place de la norme DAB (Digital Audio Broadcasting) permettrait, en ouvrant l'exploitation d'une nouvelle bande de fréquences, de répondre à la saturation de la bande FM, mais également d'apporter une qualité de son supérieure à celle de l'analogique. Il serait à ce titre souhaitable de poursuivre l'expérimentation de cette technologie, après l'expiration, en décembre 2001, du dispositif provisoire prévue par la « loi Fillon » du 10 avril 1996. Le DAB est néanmoins contesté en raison de l'ancienneté de sa norme de codage ; celle-ci devrait donc être actualisée. Il est cependant également développé en Allemagne et en Grande Bretagne.

- Le DRM (Digital Radio Mondiale) permet quant à lui la numérisation de la modulation d'amplitude, qui comprend les grandes ondes, les ondes moyennes et les ondes courtes. Cette norme universelle a été mise en place dans de nombreux pays, parmi lesquels la Chine, où près de 70 % des transistors sont fabriqués. Rappelons à cette occasion que, dans le monde, les ondes courtes sont les premiers vecteurs de diffusion de la radio puisqu'elles sont écoutées par 2 milliards d'auditeurs. Certains réseaux communautaires ou grandes marques ont bien compris l'intérêt de prendre position sur ces bandes de fréquences. Et pendant ce temps, pour des raisons d'économie, RFI a abandonné deux émetteurs ondes courtes basés à Chypre et a revendu l'un d'eux aux Etats-Unis...

- L'IBOC (In Band On Channel) a été mise en place aux Etats-Unis afin d'assurer une numérisation en simulcast des programmes existants sur la bande FM, ce qui interdit l'arrivée de nouveaux entrants.

- La norme universelle de numérisation DVBT, aujourd'hui utilisée pour la télévision numérique de terre, permet d'offrir un même support pour la radio et la télévision mais n'offre pour le moment ni mobilité, ni portabilité.

- Enfin, la diffusion par satellite, défendue par des grands réseaux internationaux, permettra d'étendre la couverture des radios de façon homogène sur tout un territoire.

La re-planification de la bande FM est une question profondément politique, voire passionnelle, qui appelle chacun à prendre ses responsabilités. Quelles que soient les décisions finalement prises, il conviendra de veiller au respect de trois principes : la protection de toute radio existante, la possibilité d'offrir une couverture nationale et des fréquences uniques aux radios à vocation nationale et la garantie des radios associatives autorisées. Pour pouvoir se décider en pleine connaissance de cause, le CSA devrait être chargé de présenter, d'ici la fin 2004, un rapport sur les différentes options de planification envisageables et les gains en fréquences respectifs. Il est d'ailleurs regrettable que le CSA ne dispose pas aujourd'hui de toute l'expertise technique et de toute l'indépendance nécessaires pour exercer l'ensemble de ses missions de façon pleinement satisfaisante, en particulier dans le domaine du numérique. En effet, les techniciens du CSA sont pour la plupart d'entre eux des personnels détachés de TDF.

A terme, il sera nécessaire, d'une part, qu'une loi soit adoptée afin de poser des principes clairs tant pour l'allocation des fréquences FM que pour le développement de la radio numérique en France et, d'autre part, que les moyens et l'indépendance des radios assurant des missions de service public soient significativement renforcés.

En conclusion, le rapporteur pour avis a émis un avis favorable à l'adoption des crédits.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Didier Mathus a rendu hommage à la qualité du travail réalisé par le rapporteur pour avis mais a souhaité souligner quelques points inquiétants concernant la loi de finances pour 2004 :

- L'Etat ne respecte pas aujourd'hui le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, qui prévoyait notamment l'augmentation de 3,6 % des dotations publiques. Le budget de France Télévisions repose par ailleurs sur une hypothèse de croissance de 7 % des recettes publicitaires, ce qui risque de soumettre les chaînes publiques à une pression importante de l'audimat.

- Il s'agit d'un budget virtuel, car 60 millions d'euros manquent encore en raison de l'abandon de la possibilité de croiser les fichiers de la redevance et des abonnés aux chaînes câble et satellite compte tenu de l'opposition de la CNIL et de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Où le gouvernement va-t-il trouver les ressources manquantes ? Et quel sera, dans un an, le sort de la redevance ? On voit d'ores et déjà se profiler dans la presse ce qui pourrait être une réponse au problème du financement public, à savoir l'accroissement de la publicité sur les chaînes publiques. On reviendrait donc sur la limitation à huit minutes par heure mise en œuvre par la loi du 1er août 2000, ce qui serait totalement contradictoire avec les positions prises par le ministre de la culture et de la communication depuis son entrée en fonction.

- Si la possibilité de rattacher RFO à France Télévisions pouvait avoir une certaine cohérence en 2000, dans la perspective du développement de la télévision numérique de terre, cette question ne semble plus aujourd'hui aussi intéressante pour France Télévisions, malgré les avantages qu'elle pourrait indéniablement présenter pour RFO.

- L'INA constitue un outil fantastique. La hausse de 1,5 % des crédits compense à peine l'inflation. Alors que le contrat d'objectifs et de moyens arrive à expiration, le budget proposé ne comporte aucun signe fort quant aux orientations qui inspireront son renouvellement.

- Les crédits relatifs à la presse marquent clairement, après deux ans de recul conséquent, l'abandon d'une politique ambitieuse en matière de presse écrite.

- En matière de radio, il y a déjà eu des évolutions et après l'audit réalisés en 1997, le service public a restitué plus de deux cents fréquences. La question est désormais politique : que veut-on faire de la bande FM ? Doit-on véritablement privilégier RTL et Europe 1 parce qu'elles sont des radios généralistes ? Se pose également la question du Mouv' : l'idée d'une fréquence jeune sans publicité est bonne, encore faudrait-il en améliorer la diffusion. Il convient donc d'abord de définir des principes simples et ce n'est qu'ensuite que l'on pourra réfléchir aux aménagements techniques nécessaires.

- Il est impossible de ne pas évoquer la question de la chaîne internationale. Le gouvernement s'est « essuyé les pieds » sur le Parlement et notamment sur les propositions faites, à l'unanimité, par la mission d'information commune de l'Assemblée. En choisissant un système associant à parité France Télévisions et TF1, le gouvernement met en place un dispositif unanimement critiqué, dont TF1 ne tirera que des bénéfices alors que la quasi-totalité des contenus sera apportée par France Télévisions. Tout aussi critiquable est l'interdiction de diffusion de cette chaîne sur le territoire français afin de protéger les intérêts de LCI.

Au total, ce budget n'est pas à la hauteur des engagements pris par le gouvernement et, au surplus, n'est pas financé puisqu'il manque d'ores et déjà 60 millions d'euros. Le premier bilan de la politique audiovisuelle du gouvernement après dix-huit mois est donc facile à faire : elle revient à affaiblir le service public et à faire des cadeaux à TF1 !

M. Jean Ueberschlag s'est interrogé sur les points suivants :

- Le rapporteur a-t-il pu, au cours de ses auditions, demander à France Télévisions de s'expliquer sur la politique salariale menée entre 1997 et 2002 et d'exposer les raisons pour lesquelles aucune revendication n'a été formulée à cette époque en dépit de l'absence d'augmentation ?

- Quelle est l'incidence pour France Télévisions de l'emploi abusif d'intermittents du spectacle ?

- Quelles sont les mesures envisagées pour aider la presse quotidienne régionale ?

- Enfin, s'agissant de la redevance, la commission des finances a récemment refusé l'imposition systématique des résidences secondaires mais il conviendrait également d'évoquer le cas des maisons de retraites car, bien souvent, leurs pensionnaires se voient réclamer le paiement de la taxe alors que l'établissement est déjà assujetti à une redevance collective.

M. Christian Kert a formulé les questions et observations suivantes :

- Le débat actuel sur la redevance ne doit pas faire oublier que le problème est cette fois clairement posé avec la volonté de sortir de la situation présente. Le ministère des finances doit cependant garantir que les engagements pris à l'égard de France Télévisions seront honorés.

- Le mouvement de décentralisation et de régionalisation de France 3 est bien entamé. Les crédits suivent-ils ?

- Les contrats d'objectifs et de moyens constituent-t-ils de bons tableaux de bord pour le suivi des sociétés de l'audiovisuel public ?

- Au sein du groupe France Télévisions, la chaîne ayant le plus amélioré son audience est France 5 en dépit des difficultés que peut rencontrer une chaîne uniquement diurne. Est-il envisageable et envisagé de prolonger sa diffusion au-delà des créneaux horaires actuels ?

M. Dominique Richard s'est, quant à lui, interrogé sur les points suivants :

- La réflexion sur les crédits de l'INA doit être menée. Elle ne peut cependant l'être sans prendre en compte le rapport demandé à M. Hubert Astier. L'inquiétude exprimée quant à la progression des crédits de l'INA n'est pas fondée si les conclusions de ce rapport conduisent à la mise en place d'un programme pluriannuel.

- Qu'en est-il de la mise en œuvre du rapport de Mme Catherine Clément sur le renforcement de la place faite aux émissions culturelles dans les programmes des chaînes du groupe France Télévisions ?

- Il faut effectivement élargir les grilles des stations régionales mais cela doit s'accompagner d'un accroissement des moyens, sinon ces stations en seront réduites à ne faire que des émissions de plateau.

- Sur la redevance, l'amendement de la commission des finances n'est pas inintéressant puisqu'il pose le principe d'un délai d'un an pour examiner la question au fond. Il faut en profiter pour redéfinir les missions du service public.

M. Patrick Bloche a souligné l'importance pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de participer au débat sur la redevance. Après la tentation de sa suppression, de nombreuses autres pistes sont évoquées dont celle d'une redevance adossée à la taxe d'habitation. En tout état de cause, il ne faut pas qu'une réflexion purement fiscale aboutisse à une redevance dont le produit ne serait pas affecté au financement de l'audiovisuel public.

Le débat sur un « big bang » ou une politique des petits pas en matière d'attribution des bandes FM est intéressant. Force est de constater que l'actuelle attribution des fréquences ne satisfait personne. Mais le vrai problème ne réside-t-il pas dans l'incapacité du CSA à jouer pleinement le rôle qui lui incombe ? Son bilan est peu satisfaisant tant en matière de respect des équilibres que de transparence. Il faut donc profiter des échéances qui se profilent pour anticiper.

La commission est malheureusement amplement informée des suites données à la mission sur la chaîne internationale. On doit cependant s'interroger sur les conséquences des choix opérés pour TV5 et RFI. L'option retenue par le gouvernement est discutable et suscite des interrogations sur le devenir de l'audiovisuel extérieur.

M. Michel Herbillon a formulé les remarques et questions suivantes :

- L'an dernier, la commission a mené une réflexion approfondie sur la place des programmes culturels et éducatifs dans l'audiovisuel public. Incontestablement, des progrès ont été accomplis par France 5 mais également par France 2 et France 3. Il serait intéressant de connaître l'audience recueillie par ces programmes.

- Le jugement très critique exprimé sur le sort réservé à l'INA n'est pas recevable car le gouvernement a fait la preuve de son intérêt pour la numérisation de nos archives audiovisuelles en confiant une mission à M. Hubert Astier sur ce sujet. Les conclusions de ce rapport permettront de préparer le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut dans de bonnes conditions.

- Il est absolument indispensable que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales soit pleinement partie prenante à la réflexion sur la redevance actuellement menée par la commission des finances. Plus généralement, il convient d'être très vigilant sur les frontières de compétences entre ces deux commissions afin que les débats sur des questions culturelles majeures comme la redevance, mais également le mécénat, l'archéologie préventive ou le régime des intermittents du spectacle ne soient pas systématiquement réduits à leurs seuls aspects financiers.

M. Michel Françaix a considéré que, malgré les déclarations du gouvernement, c'est en fait l'immobilisme qui règne depuis un an sur tous les problèmes concernant la communication, qu'il s'agisse de la redevance, de la télévision numérique terrestre, de l'INA ou de la diffusion 24 heures sur 24 de France 5. Sur ce dernier point, il ne serait pourtant pas difficile d'être ambitieux : France 5 réunit déjà la moitié de l'audience de M6 et en diffusant en soirée, elle gagnerait mécaniquement au moins deux points d'audience. Le seul sujet sur lequel le gouvernement fonce, c'est celui de la chaîne internationale et, malheureusement, c'est pour aller dans le mur !

L'avenir de la presse constitue par ailleurs un grave sujet d'inquiétude. La conjonction de plusieurs facteurs va accélérer la mort de la presse écrite alors même que la France est déjà l'un des pays où on lit le moins le journal, où la concentration est la plus importante et le pluralisme de l'offre est le plus réduit. La presse va devoir affronter tout à la fois, dans une conjoncture économique mauvaise, la diminution des aides publiques et de ses recettes publicitaires en raison de l'autorisation de la publicité pour les grandes surfaces à la télévision. Il est donc impératif que le rapporteur mette l'accent sur ce grave problème.

M. Edouard Landrain a regretté que le plus grand flou continue à régner en matière de retransmissions sportives, permettant aux plus puissants de continuer à accroître leurs exigences. Par ailleurs, des mesures vont-elles être prises pour améliorer la diffusion des images des sports dits « mineurs » ?

En réponses aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a donné les indications suivantes :

- M. Marc Tessier a clairement répondu, lors de son audition par la commission, sur la question de la décentralisation de France 3. La détermination de l'équipe de direction de France Télévisions est forte sur ce sujet et la baisse de 5 % des programmes régionaux constatée en 2002 est uniquement due aux grèves qui ont affecté les antennes régionales cette année là.

- Contrairement à ce qu'a déclaré M. Didier Mathus, ce budget de la communication est un bon budget. On peut cependant s'interroger sur sa réalisation puisqu'il repose sur une augmentation du rendement de la redevance liée au renforcement des moyens de lutte contre la fraude et qu'à quelques jours de la discussion en séance publique, on ne sait toujours pas ce qui sera décidé en la matière. Il convient tout de même de relativiser : la lutte contre la fraude ne repose pas uniquement sur le croisement des fichiers et la question des résidences secondaires. En effet, en transformant la redevance en taxe fiscale, la commission des finances ouvre la possibilité d'utiliser tous les moyens de contrôle fiscal dont dispose le ministère des finances.

- S'agissant de l'INA, on se doit de rappeler que le contrat d'objectifs signé avec le gouvernement précédent prévoyait pour cette année une progression nulle des moyens ; 1,6 %, finalement, ce n'est donc pas si mauvais.

- Le Mouv' mériterait effectivement de disposer d'un réseau national de diffusion.

- Il y a toujours eu une redevance pour les télévisions situées dans les résidences secondaires ; simplement la fraude est, sur ce point, bien plus élevée qu'ailleurs.

- Les contrats d'objectifs et de moyens constituent un bon tableau de bord lorsqu'ils sont respectés par les deux parties, ce qui n'est pas toujours le cas.

- Tout le monde est d'accord sur le principe d'une diffusion 24 heures sur 24 de France 5. Cela sera possible avec la télévision numérique terrestre.

- La situation de la presse écrite est effectivement difficile. C'est pourquoi le gouvernement va très prochainement engager une discussion avec toutes les parties prenantes pour envisager une remise à plat du dispositif d'aides directes, afin de le rendre plus efficace. Dans ce cadre, la demande de la presse quotidienne régionale de bénéficier d'une aide spécifique de 5 millions d'euros pour améliorer les conditions de sa diffusion semble justifiée, au moment où elle va devoir affronter l'ouverture de la publicité pour la grande distribution à la télévision. En parallèle, M. Henri Paul a bien travaillé sur la question de l'évolution des rapports entre la presse et La Poste, mais tout le monde sait que la réforme d'une administration comme La Poste ne dépend pas du ministère de la culture.

- L'audience des émissions culturelles augmente et cette évolution ne doit pas être contrecarrée par un recours excessif à la publicité pour financer les chaînes publiques.

- S'agissant enfin de la diffusion des manifestations sportives, l'équipe de direction de France Télévisions fait des efforts pour améliorer la diffusion des sports dits mineurs. M. Roland Faure a par ailleurs fait un excellent travail lors de la renégociation des droits de diffusion du football à la télévision, ce qui a permis au service public de conserver l'intégralité de ses droits tout en économisant cent millions d'euros.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la communication pour 2004.

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de Mme Muriel Marland-Militello, les crédits de la culture pour 2004.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure pour avis, a indiqué que le budget du ministère de la culture s'élèvera en 2004 à 2 632,4 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une hausse de 5,8 % par rapport à 2003. Après une année de remise en ordre des comptes du ministère et de restauration de la sincérité budgétaire, l'année 2004, dans un contexte de forte contrainte, consacre la culture comme une des priorités budgétaires du gouvernement.

Les dépenses ordinaires atteindront 2 209,5 millions d'euros, soit une hausse de 1,5 % seulement, contre 4,7 % en 2003. A structure constante, le titre III n'augmente que de 1,42 % alors que les crédits d'intervention du titre IV connaissent une hausse de 2,1 %, avec 18,4 millions d'euros de mesures nouvelles. Le budget 2004 poursuit par ailleurs la restructuration des dépenses d'investissement engagée l'an passé. Après une année 2003 qui, par une stricte limitation des dotations nouvelles, a permis de consommer les crédits de paiement reportés, conformément aux engagements pris, ce projet de budget restaure la capacité d'investissement du ministère. Globalement, les crédits de paiement disponibles seront en hausse de 104,74 millions d'euros soit une augmentation de 33 %.

La nouvelle politique budgétaire et de gestion mise en place par M. Jean-Jacques Aillagon depuis son arrivée au ministère de la culture en juin 2002 marque une rupture avec la traditionnelle rigidité de ce budget, liée au poids de l'histoire. La priorité était de desserrer l'étau budgétaire pour dégager des marges de manœuvre. On ne peut à cet égard que se féliciter de l'indéniable effort effectué pour maîtriser les effectifs du ministère qui diminueront de 187 emplois en 2004, ce qui permet de stabiliser les dépenses de personnels.

Le budget permet également de constater les efforts de rigueur, de sincérité et de bonne gestion réalisés, que l'on peut résumer par trois formules : mieux dépenser, mieux décider et responsabiliser. Mieux dépenser, c'est s'assurer que les crédits votés par le Parlement sont effectivement dépensés et pas seulement destinés à gonfler le budget présenté. En 2003, la consommation des crédits, notamment d'investissement, a été ainsi améliorée de manière significative puisque les services du ministère prévoient une dépense de 2 560 millions d'euros au lieu de 2 400 en 2002. Mieux décider, c'est renforcer la déconcentration des crédits afin de permettre des décisions de subvention au plus près du terrain et des acteurs qui en bénéficient. Dans le budget pour 2004, 65 % des crédits inscrits dans le projet de loi de finances sont déconcentrés. Enfin, responsabiliser, c'est poursuivre l'effort de maîtrise des dépenses et donner plus d'autonomie à certains services en les transformant soit des services à compétence nationale, comme la Manufacture nationale de Sèvres, soit des établissements publics, comme le musée d'Orsay.

Cet effort de desserrement de la contrainte budgétaire est nécessaire pour sortir d'une gestion à court terme et retrouver, pour l'action, des marges de manoeuvre que le poids de la gestion précédente avait singulièrement réduite.

Pour analyser les dépenses de façon dynamique, on peut examiner le type même de ces dépenses (par chapitre), leur affectation aux différents secteurs du ministère et enfin leur répartition territoriale.

Par type de dépenses, la priorité a été donnée cette année aux établissements publics et aux dépenses d'investissement. Les subventions de fonctionnement aux établissements public seront ainsi en hausse de 6,45 %. Celle-ci s'explique par l'augmentation des moyens accordés aux établissements existants mais également par la création de nouveaux établissements publics (la Cité de l'architecture et du patrimoine, qui ouvrira ses portes en 2004, le musée d'Orsay et le musée Guimet) et le transfert de la subvention du Centre des monuments nationaux, établissement public administratif créé en avril 2000, du titre IV vers le titre III. Clarifier la gestion des institutions culturelles, les responsabiliser en les dotant des moyens nécessaires à l'exécution de leurs missions, telle est la volonté de l'action menée par le gouvernement en matière culturelle. La deuxième priorité est accordée aux dépenses d'investissement. Fortement réduites en 2003 du fait de crédits de paiement non consommés, les dépenses augmenteront de 108 millions d'euros en 2004, soit + 34 %, afin de respecter les engagements pris. Les autorisations de programmes sont orientées en priorité vers le soutien aux investisseurs autres que 1'Etat. Désormais, celui-ci cherche moins à faire qu'à « aider à faire ».

Par secteurs d'action, la première priorité revient au budget du spectacle vivant et de la musique, qui s'élèvera à 741 millions d'euros en 2004 (hors dépenses de personnel), en augmentation de 32 millions d'euros par rapport à 2003, soit une progression cumulée de près de 8 % sur deux ans. Les crédits d'intervention de ce secteur représentent plus de la moitié des crédits d'intervention du ministère et auront connu sur deux ans une progression cumulée de 6 %. Les grands oubliés sont dès lors facilement identifiables : en premier lieu les arts plastiques, mais aussi les archives et les musées, l'action internationale et l'éducation artistique, hors enseignement supérieur spécialisé. L'absence de choix, qui se traduit par un saupoudrage des crédits, a des conséquences déplorables car elle ne permet ni de signaler les priorités, ni de dégager des moyens nouveaux pour des talents ou des pratiques émergentes. Mais l'on peut s'interroger sur la pertinence d'un choix tendant à toujours donner la priorité aux mêmes secteurs...

En dernier lieu, si l'on analyse le budget par destination géographique, il faut reconnaître que le rééquilibrage des crédits entre la capitale et la province constitue une priorité marquée que traduisent l'effort de déconcentration des crédits du ministère évoqué précédemment ainsi que ses choix d'investissement. Ainsi, en 2004, pour ce qui concerne les nouveaux projets d'équipements culturels, les chantiers en région, co-financés avec les collectivités territoriales, l'emportent nettement sur les projets parisiens (59,7 % contre 40 %). Cependant, en dépit de ces efforts, le déséquilibre persiste.

La rapporteure pour avis a ensuite présenté le thème retenu cette année, c'est-à-dire le soutien public à la création contemporaine dans les arts plastiques.

Le choix en faveur de l'art contemporain trouve d'abord son origine dans une passion personnelle mais c'est aussi un signe envers ces créateurs d'art contemporain, éternels parents pauvres du budget de culture, qui ne disposent par ailleurs d'aucun syndicat ni de groupe de pression suffisamment important pour se faire entendre. Enfin, il s'agit d'un choix citoyen car l'art contemporain donne à voir, à entendre une libre interprétation de la réalité. Il interroge autrement certaines évidences de notre société tout en créant des imaginaires et des transcendances mystérieuses. C'est donc toute la vitalité de notre société qui se mesure aux innovations de la création.

L'objectif de cet avis n'est bien évidemment pas de reconstruire à lui seul la politique publique de soutien à la création contemporaine, mais plus modestement de tracer, rapidement, le bilan de l'existant, de mettre en lumière les expériences les plus enrichissantes et de suggérer quelques pistes porteuses d'avenir.

Au sein du ministère de la culture, la délégation aux arts plastiques (DAP) soutient la création contemporaine dans toutes les formes de l'expression plastique. Elle définit la politique d'acquisition pour constituer le patrimoine public et veille à sa diffusion auprès des publics. Pour mener à bien ses missions, la DAP assure la tutelle du Centre national des arts plastiques, qui lui même gère deux services, le Fonds national d'art contemporain (FNAC), compétent pour les acquisitions et le Fonds d'incitation à la création (FIACRE), qui accorde des soutiens aux artistes. En région, la DAP veille à ce que les sept écoles nationales d'art et les 37 centres d'art assument bien leurs missions de service public tout en entretenant un partenariat privilégié avec les vingt-quatre FRAC.

Ces institutions soutiennent la création contemporaine au moyen d'actions complémentaires : acquérir des oeuvres contemporaines, c'est enrichir notre patrimoine public mais c'est aussi défendre le marché de l'art, lequel soutient l'activité des galeries, qui elles-mêmes encouragent les jeunes artistes devant être médiatisés et diffusés pour toucher le public. Chaque année, le Fonds national d'art contemporain acquiert environ 800 oeuvres sur les 2000 qui lui sont soumises en veillant à respecter un équilibre entre les artistes d'une part et entre les galeries d'autre part. Toujours dans le cadre du soutien à la création, il convient de rappeler la procédure d'ob1igation de décoration des constructions publiques, dite du « 1 % », car elle oriente les artistes vers des créations destinées à des lieux publics et favorise également l'interdisciplinarité.

Les aides directes aux artistes ont pour but d'améliorer leurs conditions de vie en leur procurant du matériel, en leur accordant des ateliers et en finançant des allocations de recherche et de séjours à l'étranger (837 000 euros leur sont affectés à cet effet). Les aides à la première exposition et au premier catalogue des galeries permettent de diffuser et de médiatiser les oeuvres.

Par ailleurs, il est probable que la récente loi du 2 août 2003 sur le mécénat, qui améliore les avantages fiscaux spécifiques à l'achat d'oeuvres d'artistes vivants et simplifie le régime des fondations, va donner une impulsion nouvelle au financement privé de l'art contemporain.

Les lieux d'exposition, qu'ils soient publics (avec les musées, les FRAC) ou privés (les galeries, les foires, les fondations), concourent à la diffusion des œuvres, mais le vecteur de diffusion le plus démocratique demeure la télévision publique. Malheureusement, tant que les chaînes publiques seront dépendantes de la publicité, elles ne pourront assumer pleinement leur mission de service public, à savoir offrir aux Français les plaisirs de l'esprit que procure la culture et contribuer ainsi à la démocratisation du regard.

Sans remettre en cause la nature de ces aides, bien adaptées à la situation des différents acteurs, il convient néanmoins de reconnaître que les dotations de la DAP pour 2004 marquent le pas et ne représentent que 5 % du budget total du ministère. Comment mieux exprimer le fait que les arts plastiques demeurent le parent pauvre de l'action culturelle publique ?

La rapporteure pour avis a ensuite évoqué le Palais de Tokyo, les FRAC et la Villa Arson, qui constituent trois lieux emblématiques de la création contemporaine.

A Paris, le site de création contemporaine du Palais de Tokyo, ouvert depuis janvier 2002, se veut un lieu de vie et de liberté en mouvement à l'image des « démarches artistiques les plus singulières et les plus ouvertes sur le monde contemporain » qu'il expose, dans des espaces ouverts au public de midi à minuit et qui fonctionnent comme une place méditerranéenne, fluctuante au rythme des visiteurs et ludique au gré des artistes. Le Palais de Tokyo est une association loi 1901 installée dans des bâtiments publics et financée à hauteur de 48 % par l'Etat pour un montant de 1,85 millions d'euros. Conçue pour assurer la diffusion et le rayonnement international des arts plastiques et visuels les plus innovants, cette institution séduit et heurte. Les directeurs assument pleinement ces orientations tant il apparaît difficile de traduire le bouillonnement créatif de notre époque sans prendre de risques. N'est-ce pas effectivement le propre de toute nouveauté que d'être contestée ?

Créés en 1982, les FRAC sont l'un des outils les plus emblématique de la politique française de décentralisation culturelle. Subventionnés par l'Etat et les régions, les FRAC ont la particularité de bénéficier de la structure souple et légère propre aux associations loi 1901 pour dynamiser le marché de l'art et enrichir le patrimoine. L'originalité de leur démarche réside dans leur vocation à faire circuler leurs collections et à aller dans différents lieux publics à la rencontre de la population. Les directeurs jouissent d'une grande liberté d'initiative et proposent dans chaque région des thématiques diversifiées, comme par exemple les « Instants paysagers» pour le FRAC Alsace, insufflant ce supplément d'âme indispensable à la vie de l'art contemporain.

Plus de 500 000 visiteurs consacrent le succès de l'ensemble des FRAC et les 287 manifestations annuelles dans et hors les murs rendent compte de leur dynamisme. L'Etat a tenu à leur rendre hommage en fêtant leur vingtième anniversaire pour révéler la qualité du patrimoine acquis avec des budgets très modestes (4,6 millions d'euros en 2003). Il convient de souligner que certaines acquisitions plus anciennes ont vu leur valeur doublée, triplée et dans certains cas décuplée, ce qui témoigne de la pertinence des choix effectués. Conscient du développement de leurs missions, le Ministre de la culture a engagé un vaste programme de construction ou de réhabilitation de leurs locaux en prévoyant 1,73 millions d'euros d'autorisations de programme pour son financement. Les FRAC sont amenés à jouer à l'échelle de chaque région un rôle de « tête de réseau » de la diffusion de l'art contemporain.

Créée en 1970, La Villa Arson, située à Nice, est une institution dédiée à l'art contemporain unique en son genre. Elle réunit en effet, dans un même site, une école nationale supérieure d'art, un centre d'art contemporain et une résidence d'artistes. Ses trois missions sont à la fois distinctes et complémentaires. Son école nationale forme environ deux cents étudiants, admis sur concours, dont les études tournées vers la recherche plastique et l'expérimentation des dernières technologies numériques se conjuguent avec la pratique régulière d'expositions et de production d'oeuvres qu'ils réalisent soit avec leurs professeurs, soit avec des artistes en résidence et qu'ils exposent périodiquement au centre d'art. Son financement est assuré à 80 % par l'Etat, les 20 % restant étant répartis entre les collectivités locales. On peut regretter que, faute de travaux de sécurité, un théâtre de trois cents places ne puisse plus être utilisé depuis plus de deux ans, ce qui prive la Villa Arson de la possibilité de développer d'autres activités créatrices.

Enfin, comment ne pas parler du terroir associatif si riche en initiatives créatrices ? Telle cette petite équipe du Château de Villeneuve qui, avec des ateliers pédagogiques, associe élèves et professeurs au travail des artistes en résidence pour explorer la cité historique de Vence. A Marseille, le Bureau des compétences et désirs est une structure de production artistique dont l'ensemble des activités vise à créer et à révéler des liens entre l'art contemporain et la société. Il joue un rôle de médiateur-producteur en région PACA auprès d'artistes et de commanditaires.

Pourtant, quels que soient les efforts déployés par les acteurs du secteur pour ouvrir l'accès d'un art contemporain exigeant à de nouveaux publics, quelle que soit la qualité des formations et enseignements spécialisés prodigués, la majorité de nos concitoyens ne s'y intéressent pas. L'art contemporain s'inscrit dans une chronologie qu'il faut connaître pour comprendre et apprécier. On devrait apprendre à voir comme on apprend à lire. Tant que l'art ne sera pas inscrit dans les programmes de l'éducation nationale, matière obligatoire comme les lettres, de la maternelle au lycée, tant que la fin du cursus universitaire ne sera pas sanctionné par une agrégation d'histoire de l'art pour dispenser cet enseignement, toute augmentation du financement public de la culture ne servira qu'à financer l'activité artistique et non la démocratisation du regard.

En conclusion, la rapporteure pour avis a souligné que les engagements budgétaires pris l'an passé tant en matière de sincérité des comptes que d'octroi au ministère de la culture des moyens réellement nécessaires à son ambition ont été tenus. Les priorités retenues, spectacle vivant et musique, livre et lecture, monuments historiques, investissements en régions, peuvent, bien entendu, faire l'objet de débats, mais il est indéniable que ce budget traduit la volonté du ministre de la culture et de la communication de faire le choix de la responsabilité. On ne peut donc que donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2004.

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure pour avis.

M. Patrick Bloche a estimé que la hausse de 5,8 % du budget de la culture pour 2004 est un trompe l'œil qui cache une toute autre réalité. En effet, l'augmentation résulte pour l'essentiel d'un effet de rattrapage mécanique suite à l'importante ponction sur les crédits de paiement opérée en 2003. Le ministère de la culture pourra donc uniquement payer ses dettes, sans avoir la capacité de mener des actions nouvelles, comme le démontre la stabilité des autorisations de programme. On relève également une diminution de 5 % des crédits inscrits au titre IV, dont 8 % de baisse pour les crédits déconcentrés. Il va en résulter un assèchement budgétaire des directions régionales des affaires culturelles. L'Etat se désengage ainsi avec la décentralisation sans avoir la capacité budgétaire de mener ensuite les partenariats nécessaires avec les collectivités locales.

D'autres réductions importantes de crédits concernent par exemple les musées (- 43,7 %), les archives (- 4 %), ou la langue française (- 9,7 %). Ces sommes sont redéployées en direction du spectacle vivant, principalement pour assurer le fonctionnement des grands établissements publics mais avec au total une progression de seulement 3,1 % alors que l'inflation devrait être de 2,6 %. Même pour le spectacle vivant, on est donc loin des 20 millions d'euros annoncés cet été par le ministre pour les seuls intermittents du spectacle, qui attendent toujours un plan en faveur de l'emploi.

L'Etat se désengage financièrement au profit d'un prétendu financement privé de la culture que favoriserait la loi relative au mécénat. Mais comme le dit M. Jacques Rigaud, promoteur du mécénat en France, le mécénat ne saurait assurer les fins de mois d'un Etat nécessiteux. La déception est donc réelle face à un budget qui n'est pas à la hauteur de la crise de cet été, aucun signal fort n'étant donné à destination des artistes indépendants qui demandent simplement plus de respect. Les priorités actuelles des Français en matière culturelle, dont témoigne le succès de nombreuses expositions temporaires ou des journées du patrimoine, ne sont pas prises en compte dans un budget par trop cloisonné et technocratique.

M. Michel Herbillon a rappelé que le budget de la culture est effectivement en progression, ce dont il faut se féliciter dans un contexte de rigueur budgétaire. Les critiques de l'opposition sont particulièrement déplacées et leurs prévisions funestes proférées l'an dernier ne se sont aucunement réalisées.

Des priorités sont dégagées pour les monuments historiques dans le cadre du plan national pour le patrimoine annoncé mi septembre, pour la création et notamment les jeunes créateurs avec des moyens en hausse de 8 % en deux ans sur le spectacle vivant et la musique, pour le livre et la lecture, qui est la première voie d'accès à la culture et un moyen essentiel de lutte contre l'exclusion, par l'intermédiaire notamment de la densification du réseau des bibliothèques. On peut par ailleurs se féliciter que les propositions de la mission d'information de la commission sur les musées soient enfin mises en œuvre avec l'octroi d'une plus grande latitude de gestion des collections et des expositions au président du Louvre ou encore la transformation du musée d'Orsay en établissement public. Enfin, la mise en œuvre du texte de loi sur le mécénat permettra de créer des synergies pour rattraper un retard important de notre pays en la matière.

En réponse aux intervenants, la rapporteure pour avis a apporté les précisions suivantes :

- La baisse des crédits du titre IV s'explique par un transfert au titre III de 9 millions d'euros concernant le Centre des monuments français et de 50 millions d'euros correspondant aux crédits d'intervention de la DRAC Rhône-Alpes, qui lui sont directement affectés pour une expérimentation dans le cadre de la nouvelle loi organique sur les lois de finances.

- Contrairement a ce qui a été affirmé, le budget de la culture cible ses interventions sur les secteurs où le public répond présent. C'est pourquoi, on peut le regretter d'ailleurs, le spectacle vivant est bien plus aidé que les arts plastiques.

- Il n'est pas sain que l'Etat soit le prescripteur unique de la culture en France alors que, dans les pays anglo-saxons, la diversité culturelle résulte de la multiplication des partenariats entre l'Etat, les collectivités locales et le secteur privé. C'est un défaut bien français que de diaboliser l'argent privé en matière culturelle ! Il faut éviter le tropisme conduisant les mêmes responsables culturels à subventionner toujours les mêmes artistes. L'Etat ne peut pas être le seul garant de la qualité de la création artistique. La diversification des prescripteurs entraînera la diversification de l'offre. La démocratisation culturelle résulte pour l'essentiel d'institutions de médiation, comme les maisons de la culture créées par André Malraux ou les FRAC mis en place par Jack Lang. Il n'y a pas aujourd'hui de problème d'offre culturelle, mais bien une nécessité de mieux éduquer le public. C'est sur cet objectif que l'Etat doit s'investir.

M. Patrick Bloche a souligné le décalage croissant entre les pratiques culturelles des Français et les priorités budgétaires du ministère. Sans lui être en principe hostile, il faut convenir qu'en France, le mécénat ne pourra se développer qu'en parallèle d'une politique publique dynamique, faute de quoi le partenariat restera très théorique. Il ne saurait donc y avoir de substitution.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2004.

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Informations relatives à la commission

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Mme Henriette Martinez a été désignée rapporteure sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance.

- M. Christian Kert a été désigné rapporteur sur la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault tendant à la création d'une commission d'enquête visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel, après l'agrément du protocole d'accord du 26 juin 2003 et de son avenant du 8 juillet 2003, et l'avenir du spectacle vivant dans notre pays, et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français - n° 1099.

M. Pierre Morange a été désigné comme candidat titulaire pour siéger au Comité national de l'organisation sanitaire et sociale.

M. Michel Herbillon a été désigné comme candidat suppléant pour siéger au conseil d'administration de l'établissement d'hospitalisation de Fresnes spécifiquement destiné à l'accueil des personnes incarcérées R. 27.

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