COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 octobre 2003
(Séance de 9 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Loi de finances pour 2004

· Avis enseignement scolaire (M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis)

· Avis enseignement supérieur (M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis)

· Avis action sociale, lutte contre l'exclusion et ville (M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis)

· Avis formation professionnelle (M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis)

· Avis travail (M. Dominique Tian, rapporteur pour avis)

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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Frédéric Reiss, les crédits de l'enseignement scolaire pour 2004.

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits consacrés à l'enseignement scolaire représentent la plus importante masse budgétaire pour l'année 2004 et que le déficit du budget de l'Etat s'élève à 55,5 milliards d'euros, montant équivalent à celui des crédits présentés aujourd'hui.

Les dépenses de personnels représentent 93,7 % de cette enveloppe budgétaire, les effectifs, toutes catégories confondues, s'élevant à un million six mille cinq cents personnes.

Ce projet de budget est structuré autour de quelques priorités clairement définies et qui nécessitent des actions urgentes, la première étant de mettre les moyens humains en cohérence avec les besoins des élèves. A l'école primaire la priorité est la prévention de l'illettrisme. Au collège, la mise en place des dispositifs en alternance est l'une des pistes retenues pour enrayer les sorties du système scolaire des élèves sans qualification et sans diplôme. Au lycée la revalorisation de l'enseignement professionnel est de nature à rompre la spirale d'échec dans laquelle de nombreux élèves peu attirés par la filière générale sont le plus souvent enfermés.

Enfin la politique éducative, que ce projet de budget s'efforce de servir, concentre les efforts sur certaines catégories d'élèves trop longtemps ignorés tels que les élèves handicapés, les élèves en rupture scolaire et les élèves violents.

L'enseignement précoce des langues vivantes étrangères, vecteur important du système éducatif, est examiné dans la seconde partie du rapport pour avis. Par ailleurs, l'intégration de la jeunesse dans la vie associative constitue, elle aussi, un atout essentiel pour la formation des citoyens de demain.

Le budget présenté est en augmentation de 2,8 %, ce qui représente un réel effort puisque le budget de l'Etat ne progresse que de 1,5 %.

L'effort porte essentiellement sur le premier degré dont les crédits augmentent de 286,3 millions d'euros avec la création de 1 500 emplois de professeurs des écoles à la rentrée 2004, la transformation de 20 735 emplois d'instituteurs en emploi de professeurs des écoles dans le cadre du plan de transformation globale de ces emplois depuis 1990 et la mise en place du dispositif « assistants d'éducation » y compris les assistants d'éducation-auxiliaires de vie scolaire.

Dans le second degré, où on constate une baisse régulière des effectifs, une réelle maîtrise des dépenses est amorcée.

La mise en place du dispositif des assistants d'éducation qui vont se substituer progressivement aux aides-éducateurs et aux maîtres d'internat et surveillants d'internat, est un point fort du budget. Il consolide le recrutement de 20 000 personnes dont 5 000 assistants d'éducation auxiliaires de vie scolaire (AVS) effectué au cours du premier trimestre de l'année en cours et prévoit le recrutement de 13 000 autres au 1er septembre 2004. Un montant de 8 millions d'euros est affecté à la formation des AVS.

Il faut saluer l'ouverture du débat national sur l'avenir de l'école qui devrait aborder des questions essentielles telle que la valorisation de l'enseignement professionnel ou les solutions face aux sorties du système éducatif sans aucune qualification.

Quant à l'enseignement précoce des langues étrangères, il est à un tournant.

Il y a aujourd'hui une volonté politique claire d'aller dans ce sens et les moyens alloués à cet enseignement dans le primaire s'élèvent à 34,22 millions d'euros pour 2004. Toutefois des écarts importants subsistent entre les académies pour le développement de cet apprentissage. Plusieurs questions se posent au sujet de cet enseignement.

A propos de l'âge, il est intéressant de citer l'expérience conduite en Alsace dans certaines écoles où, dès quatre ans, les élèves reçoivent un enseignement dispensé pour moitié en français, pour moitié en allemand en conformité avec la culture régionale. Un autre écueil à éviter est la suprématie de l'anglais. L'apprentissage de l'allemand demeure trop peu développé en France. La formation des maîtres est également une question essentielle et actuellement on manque de personnel qualifié. Enfin, l'absence de continuité dans l'apprentissage d'une langue étrangère entre l'école et le collège est un sérieux handicap, de même que l'absence d'une évaluation au plan national.

Une comparaison européenne doit être établie ; la Commission européenne s'est saisie de cette question et a déterminé des plans d'action. Même si l'effet de cet enseignement ne pourra être mesuré que sur le long terme, on peut cependant déjà affirmer que le bilinguisme précoce bien maîtrisé favorise les autres acquis et que la maîtrise de plusieurs langues vivantes est indispensable à tout citoyen européen.

En conclusion, le rapporteur pour avis a demandé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué les efforts du gouvernement en direction de la scolarisation des enfants handicapés. Quant à l'enseignement des langues, force est de constater qu'il se caractérise par de grandes inégalités géographiques et la prédominance de l'anglais.

M. Pierre-André Périssol a considéré que le budget présenté relève de choix clairs et identifiés dans des domaines tels que l'intégration des enfants handicapés, la prévention de l'illettrisme ou l'alternance au collège. Quant à l'enseignement des langues, les résultats obtenus restent modestes au regard des moyens mis en œuvre.

M. Bernard Perrut s'est interrogé sur la possibilité de faire bénéficier les établissements privés d'assistants d'éducation. En ce qui concerne l'orientation des élèves, une meilleure organisation des centres d'orientation et d'information (CIO), voire leur regroupement avec les permanences d'accueil d'information et d'éducation (PAIO), est souhaitable. La scolarisation des enfants handicapés demeure parfois problématique et la scolarisation à deux ans appelle un bilan. Enfin, l'éducation à l'environnement a-t-elle été intégrée aux programmes scolaires ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur a dénoncé un budget de l'éducation nationale en régression pour la deuxième année consécutive. Avec l'abandon du programme pluriannuel de recrutement, le démantèlement du service public est poursuivi et l'arrivée de 55 000 élèves supplémentaires à l'école primaire n'est pas prise en compte. L'éducation n'est plus une priorité.

On ne saurait admettre l'absence de création de postes d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales, qui va à l'encontre des déclarations ministérielles sur l'importance de la santé à l'école, et la disparition de 15 000 postes de surveillants dans les collèges. De même, alors que l'intégration des enfants handicapés dans le milieu scolaire ordinaire est une priorité affichée par le gouvernement, les crédits destinés à l'accueil de ces enfants diminueront de 5,9 % dans le premier degré et de 4,9 % dans le second degré par rapport à 2003.

Enfin, il convient de souligner l'importance de l'accueil en école maternelle dès l'âge de deux ans en tant que facteur de socialisation et de réduction des inégalités. Or, ce budget ne permettra pas de généraliser cet accueil.

Pour ces raisons, le groupe socialiste émet un avis défavorable sur les crédits de l'enseignement scolaire.

M. Michel Herbillon a remercié le rapporteur d'avoir porté son attention sur l'enseignement précoce des langues car c'est un enjeu essentiel. Deux points retiennent l'attention :

- Quelles sont les causes des problèmes liés à l'absence de continuité dans l'enseignement des langues entre le primaire et le secondaire et comment résoudre ces problèmes ? La dimension européenne est tout à fait déterminante. D'ailleurs notre assemblée va débattre prochainement de la diversité linguistique au regard de l'élargissement de l'Union européenne. La suprématie de l'apprentissage de l'anglais n'est pas acceptable : il représente les trois quarts des cours de langues vivantes en cours moyen. A l'inverse, le polonais - la Pologne étant le plus peuplé des nouveaux états membres - n'est plus guère enseigné, même dans le Nord de la France où existe une importante communauté d'origine polonaise. Il convient donc de promouvoir le plurilinguisme et d'imposer l'apprentissage obligatoire de deux langues vivantes : cette obligation n'existe actuellement que dans sept des vingt-cinq Etats membres de l'Europe élargie ; en Espagne, son introduction a permis de multiplier par cinq le nombre de jeunes apprenant le français.

- Faut-il généraliser l'entrée en maternelle à l'âge de deux ans, qui représente un coût et qu'il faudrait évaluer ? Des enfants de cet âge n'ont pas forcément vocation à aller à l'école.

M. Pierre-Louis Fagniez a souligné l'importance fondamentale de l'apprentissage de l'écriture. Il a regretté l'absence d'apprentissage au lycée de la dactylographie alors même qu'il s'agit désormais de la principale manière d'écrire. Avec quatorze heures de cours, on pourrait doubler la vitesse de frappe : quel gain de productivité !

M. Alain Néri a qualifié ce budget d'étriqué. L'absence de création de postes d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales est non seulement inquiétante pour l'action sociale en milieu scolaire, mais laisse aussi présager un transfert de charges non compensé de l'Etat aux collectivités locales : si ces emplois sont transférés à ces collectivités, les crédits transférés simultanément sur la base des dépenses constatées seront notoirement insuffisants, puisqu'il faudra rapidement renforcer les effectifs.

L'école maternelle constitue l'un des plus beaux succès de la pédagogie française. On peut s'interroger sur l'intérêt d'y faire entrer les enfants à l'âge de deux ans. D'autres solutions sont possibles, telle la crèche ou des « passerelles » intermédiaires, le problème étant que la crèche est payante et l'école gratuite. En tout état de cause, il convient d'affirmer la nécessité d'un accueil à l'âge de deux ans, en particulier dans les zones les plus défavorisées, car c'est à cet âge que se joue la socialisation.

Enfin, pour ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères, un effort important est nécessaire. On pourrait notamment envisager le développement de cours facultatifs permettant aux enfants d'origine étrangère d'apprendre leur langue maternelle à l'école publique, plutôt que dans un cadre communautaire non contrôlé.

Evoquant la question de l'apprentissage des langues régionales, M. Céleste Lett a considéré qu'il ne faut pas en rester éternellement à « l'expérimentation », sauf à l'abandonner définitivement aux associations. Contrairement à l'opinion exprimée par le rapporteur, l'apprentissage des langues étrangères doit débuter dès la première année de maternelle et non pas en dernière année de maternelle. De plus, cet apprentissage ne doit pas concerner que l'anglais, mais être adapté aux spécificités régionales, le trilinguisme étant l'objectif même si cela demande des moyens supplémentaires.

M. Patrick Roy a dénoncé la pénurie de remplaçants titulaires : il est inadmissible que des classes restent pendant des semaines dépourvues d'enseignant. Au regard de l'objectif de la prévention de l'illettrisme, l'accueil des enfants en maternelle dès l'âge de deux ans est très important. Enfin, imposer le redoublement en cours préparatoire est une aberration. Le ministère maintient-il ce projet ?

M. Edouard Landrain, après avoir observé que les questions posées varient peu depuis quinze ans, ce qui prouve bien que les problèmes n'ont toujours pas été résolus, a demandé quelle place est réservée au sport à l'école et quel est le statut des établissements qui, comme Diwan en Bretagne, dispensent un enseignement en langue régionale.

M. Pierre Hellier a souligné les problèmes posés par une généralisation de la scolarisation à deux ans, alors même que l'on ne connaît pas avec certitude les avantages pédagogiques d'une telle mesure, ainsi que la nécessité de ne pas oublier que, si le développement du bilinguisme a son importance, celui-ci ne doit pas se faire au détriment de l'enseignement du français.

Mme Catherine Génisson a considéré que l'expérience de partage des classes de cours préparatoire afin de faciliter un meilleur apprentissage de la lecture est tout à fait intéressante en ville mais semble difficile à mettre en œuvre en zone rurale, dans les classes qui regroupent différents niveaux.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- Les problèmes sont effectivement récurrents mais si les solutions étaient faciles à trouver, cela se saurait depuis longtemps !

- Le budget pour 2004 mobilise des moyens en direction des enfants handicapés afin de financer le doublement des assistants d'éducation chargés de leur encadrement. Certes, tous les besoins ne peuvent être satisfaits en une seule fois mais, si ce taux d'augmentation est maintenu dans les prochaines années, les manques actuels pourront être comblés.

- En matière de scolarisation à deux ans, la situation est très variable d'une académie à l'autre et la moyenne nationale de 35 % ne signifie pas grand-chose. En France, l'école n'est obligatoire qu'à partir de six ans et ce qui est sûr c'est que tous les enfants à partir de trois ans sont scolarisés. En revanche, tout le monde s'accorde sur la nécessité de développer les structures d'accueil (crèches, haltes-garderies) car, même si la scolarisation précoce présente l'avantage de la gratuité pour les familles les plus modestes, il n'est pas prévu de la généraliser pour le moment.

- Il est vrai que l'enseignement de l'anglais en primaire est prépondérant et qu'il faut défendre le principe du plurilinguisme. Mais on rencontre aujourd'hui des problèmes structurels pour passer de l'expérimentation à la généralisation car l'enseignement des langues, pour être efficace, doit être dispensé par des personnels formés et motivés. A l'heure actuelle, on est bien trop souvent obligé de faire appel à des contractuels pour pallier l'incapacité des enseignants titulaires à enseigner une langue étrangère, et cela n'est pas une bonne chose car la présence d'intervenants extérieurs dévalorise l'autorité pédagogique du maître. Il est donc absolument nécessaire d'intégrer la pédagogie des langues - qu'elles soient d'ailleurs étrangères ou régionales - dans le cursus des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Quant à l'âge idéal pour commencer cet apprentissage, l'objectif est bien évidemment de commencer le plus tôt possible. Actuellement, ce sont les CM1/CM2 qui sont concernés. L'expérience devrait être étendue aux CE1 et CE2 l'année prochaine mais une initiation dès la maternelle serait une très bonne chose.

- Pour l'enseignement technologique au collège, la performance doit être recherchée comme dans les autres matières, mais les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir relèvent plutôt du projet d'établissement.

- En France, on semble tout attendre de l'école mais il ne faudrait pas que la multiplication des activités entraîne une dispersion et finalement un oubli des enseignements de base : lire, écrire, compter.

- Le gouvernement a fait de l'enseignement scolaire une de ses priorités et le budget pour 2004, qui est en augmentation, illustre ce choix. On peut néanmoins rejoindre l'opposition sur ses inquiétudes au sujet de la suppression de 1 100 emplois de personnels non enseignants, dont les conséquences ne sont effectivement pas bien expliquées. Par contre, en ce qui concerne les réductions de postes d'enseignants, la situation est plus complexe car, s'il existe des problèmes d'absences non remplacées, il y a également des enseignants en surnombre qui ne peuvent recevoir d'affectation parce que les syndicats s'opposent, au nom de l'égalité de traitement, à des dédoublements de classe et à un enseignement par groupes.

- Les médecins en milieu scolaire comme les assistances sociales devraient relever de la compétence des départements en charge des problèmes d'enfance.

- Le sport à l'école est une préoccupation importance et de véritables avancées ont été faites mais la volonté d'instaurer la gratuité pour toutes les activités est un obstacle à son développement, car les collectivités locales ne peuvent pas toujours suivre.

- En ce qui concerne le partage des classes de cours préparatoire, les échos sur cette expérience sont très positifs, mais celle-ci est spécifiquement destinée aux secteurs difficiles afin d'éviter les redoublements. Il n'est donc pas envisagé de la généraliser. Jusqu'à présent, les moyens nécessaires ont été obtenus par redéploiements d'effectifs.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2004.

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La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Olivier Jardé, les crédits de l'enseignement supérieur pour 2004.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis, a indiqué que plus de deux millions d'étudiants sont attendus dans l'enseignement supérieur, secteurs public et privé confondus, soit trente-huit mille huit cents de plus qu'à la rentrée 2002. Cette hausse, qui se manifeste aussi bien dans les universités que dans les autres établissements, n'est cependant pas comparable à l'explosion démographique qu'a connue l'université au cours de la décennie 1985-1995, par exemple. A cette époque, le rythme d'augmentation était de cent mille étudiants par an.

Par rapport à cette période, nous sommes dans une phase de stabilisation des effectifs, ce qui est préoccupant. Dans le rapport qu'il vient de rendre public, le Haut conseil d'évaluation sur l'école, présidé par le recteur Christian Forestier, fait valoir que l'économie aura besoin en 2010 de 70 % de bacheliers par génération contre 62 % actuellement et de 45 % de diplômés de l'enseignement supérieur contre 38 % aujourd'hui.

Les établissements sont très disparates, des universités aux IUFM en passant par les écoles de commerce. Il faut également souligner la création d'établissements de proximité mais malheureusement souvent dépourvus de département de recherche.

Un effort de financement soutenu de la collectivité nationale a accompagné toutes ces évolutions puisque la dépense intérieure d'éducation pour l'enseignement supérieure (qui inclut la totalité des financements publics et privés) a été multipliée par 2,3 depuis 1975 (en prix constants).

En 2002, 17 milliards d'euros ont été dépensés par la collectivité nationale pour l'enseignement supérieur, le ministère de l'éducation nationale assumant 69 % de cette dépense qui représente 1,1 % du PIB. Pourtant la dépense moyenne par étudiant est sensiblement moins élevée en France que dans la majorité des pays de l'OCDE et notablement plus faible qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas. Si un large consensus national s'attache à défendre la qualité de l'enseignement scolaire et à y mettre le prix, on ne retrouve pas toujours ce souci en direction de l'université. On a aussi trop souvent tendance dans notre pays à présenter l'université comme lieu de culture et de savoir et non comme lieu d'apprentissage d'un métier !

Les crédits du projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2004 s'élèvent à 9,086 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 2,93 % par rapport à 2003 (8,827 milliards d'euros).

Les priorités de ce budget vont dans trois directions : renforcer les moyens de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur ; accroître les moyens de la recherche universitaire et de sa valorisation ; renforcer l'accompagnement social des étudiants pour améliorer l'égalité des chances

Le titre III, « moyens des services » des crédits de l'enseignement supérieur, porte sur un montant total de près de 7 milliards d'euros dont, 4,7 milliards d'euros pour les rémunérations des personnels en activité. Ces derniers crédits sont en augmentation de 1,53 % par rapport à la dotation de 2003, ce qui équivaut au taux de l'inflation.

En ce qui concerne la situation des personnels enseignants, plus de six enseignants sur dix relèvent du corps des enseignants-chercheurs. Il s'agit d'un corps fortement masculinisé (75%) et vieillissant ce qui pose d'ores et déjà un problème de renouvellement car le vivier de recrutement est limité. Le corps des maîtres de conférences est, quant à lui, globalement plus jeune. La moyenne annuelle des départs prévus entre 2004 et 2008 est de 811, ce qui représente 12 % des effectifs totaux qui sont actuellement de 33 713. Aucune création d'emplois d'enseignants-chercheurs n'est inscrite au projet de budget, ce qui risque, malgré un accroissement modéré des effectifs étudiants, de dégrader le taux d'encadrement dans certaines disciplines et dans les établissements les moins bien dotés alors que dans le même temps le nombre de postes ouverts mais non pourvus était de 15,8 % en 2001.

Le projet de budget consacre le rôle déterminant des personnels non enseignant dans le fonctionnement des établissements et augmente dans des proportions importantes le nombre d'emplois correspondants, prenant en compte la moyenne d'âge élevée dans cette catégorie. Plus de 38 % de ces agents vont partir à la retraite entre 2003 et 2012, soit environ 8 300 départs par an. Afin de tenir compte de cette situation, 125 emplois IATOSS (ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, service et santé) sont créés. Au total, les taux d'encadrement devraient se situer autour de 19,13 étudiants pour un enseignant et de 28,41 étudiants pour un personnel IATOSS.

En ce qui concerne l'accompagnement social des étudiants, il représente 18 % du budget de l'enseignement supérieur. Le taux des bourses, allouées sur critères sociaux et/ou universitaires, progresse de 1,5 %. Le montant total de ces aides, inscrit au chapitre 43-71, s'élève à 1,3 milliard d'euros. Il convient de souligner les possibilités nouvelles de cumuler un emploi d'assistant d'éducation et une bourse et d'obtenir une bourse dès le DEA.

En matière de logement, le plan de réhabilitation des cités universitaires les plus anciennes sera doté de 8 millions d'euros de crédits supplémentaires mais il est cependant souhaitable que le gouvernement accélère dans les années à venir non seulement la rénovation mais aussi la construction de logements en cité universitaire. Ce parc est actuellement de 150 000 places pour 384 000 demandes cette année.

Les crédits de fonctionnement sont en forte hausse de 4,2 % par rapport au budget précédent. Aux titres V et VI du budget, les dépenses en capital et particulièrement les crédits de paiement sont en augmentation de 15 %. Une partie des mesures nouvelles est affectée au soutien des activités de recherche.

Cet effort budgétaire va permettre aux établissements de réaliser leurs programmes en matière de sécurité et de maintenance des bâtiments. Un effort tout particulier de 108 millions d'euro en crédits de paiement est prévu pour permettre l'accélération du chantier du campus de Jussieu : les travaux de désamiantage sont entamés et la construction d'un nouveau bâtiment de 16 000 m² sur le campus débutera à l'automne prochain.

Il est souhaitable d'évoluer vers des établissements d'enseignement supérieur plus autonomes avec notamment un budget global permettant d'effectuer de réels choix stratégiques et de développer des projets d'établissements, en conformité avec la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il devrait en résulter pour les universités un nouveau souffle stratégique mais aussi financier avec la participation accrue des collectivités territoriales et le développement de partenariats avec les entreprises locales. Il convient aussi d'aller vers des universités plus européennes, l'objectif poursuivi est de mettre en cohérence les cursus de formation des États membres, d'accroître la mobilité des étudiants et des enseignants, de développer les échanges scientifiques et de faciliter la reconnaissance des diplômes. La France doit pour cela clarifier la réforme des diplômes introduite par les arrêtés des 23 et 25 avril 2002 avec la mise en place du système européen LMD (licence-master-doctorat), les diplômes étant construits sous forme de semestres capitalisables.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le thème retenu pour son rapport : les difficultés du premier cycle universitaire. La moitié des 750 000 jeunes qui chaque année débutent leur vie active ont poursuivi des études après le baccalauréat. Mais plus de 90 000 d'entre eux ont quitté l'enseignement supérieur sans y obtenir de diplôme ce qui est un incontestable gâchis. En 2002-2003, 46,2 % des étudiants entrés l'année précédente en première année de premier cycle universitaire (IUT et formations universitaires d'ingénieurs inclus) sont passés en deuxième année ; 29 % ont redoublé leur première année et 24,8 % sont sortis du système universitaire sans diplôme.

Le taux de passage dans l'année supérieure le plus élevé se situe en formation d'ingénieur (76,3 %) et en IUT (71,9 %), le taux le plus faible en médecine et en pharmacie (en raison du numerus clausus réglementant le passage en deuxième année) ce qui aboutit à pénaliser des étudiants de bon niveau. Le taux d'échec est d'autant plus élevé que les disciplines ont été choisies par défaut. Par exemple, les bacheliers technologiques ou professionnels qui n'ont pas été admis en IUT ou en sections de techniciens supérieurs (STS) ont souvent de graves difficultés en DEUG où ils se retrouvent par défaut.

Les échecs et les abandons s'expliquent en partie par des problèmes financiers et par la situation sociale des étudiants. Pour les étudiants qui ont une activité salariée au moins à mi-temps, la probabilité de réussite diminue de 29 %. Les universités ont également constaté que l'une des causes de l'échec des étudiants en premier cycle est l'écart existant entre l'enseignement délivré au lycée et l'enseignement à l'université, ou plus précisément le décalage entre les connaissances acquises dans le secondaire et les connaissances requises en première année de DEUG. Ce constat doit amener les universités à renforcer et à repenser l'information donnée dans les lycées aux élèves mais aussi aux enseignants et à l'équipe éducative dans le secondaire.

Le dispositif de réorientation vers des filières professionnelles mis en place en 1997 ne touche que 2 % des étudiants. Les universités ont été invitées à différer le plus possible dans le temps l'orientation définitive des étudiants en créant des enseignements de tronc commun en début de cursus qui leur permettent d'affiner leur choix. Par ailleurs, le taux d'encadrement est trop faible dans le premier cycle universitaire. En DEUG, le soutien pédagogique au cours du premier trimestre ou de la première année, sous forme de tutorat est globalement très insuffisant. Enfin, les universitaires eux-mêmes doivent accepter d'être remis en cause, l'évaluation des enseignements doit devenir un des principaux critères de la politique d'habilitation des diplômes et un axe fort de la négociation contractuelle.

L'université française est à l'aube d'une nouvelle mutation. Au fil des années elle s'est massifiée puis professionnalisée pour s'adapter au marché de l'emploi, car elle ne doit pas avoir pour seule vocation de transmettre une culture. Elle doit aujourd'hui moderniser sa gestion et intégrer la dimension européenne, le système LMD est un défi à cet égard, si elle veut se maintenir au niveau mondial qui lui est généralement reconnu.

En conclusion, le rapporteur pour avis a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, a salué la pertinence du thème retenu par le rapporteur tant il est vrai que les échecs dans le premier cycle constituent un effroyable gâchis humain et pas seulement pour les études de médecine. Il a souligné le caractère indissociable de la recherche et de l'enseignement supérieur et souhaité que les réticences soient levées afin de donner plus d'autonomie aux universités.

M. Bernard Perrut a évoqué la multiplication des sites d'enseignement supérieur au sein des villes moyennes avec le soutien des collectivités locales et souhaité connaître la part de cette implication des collectivités ainsi que la répartition entre la région et le département. Le problème de l'échec des étudiants est lié à la question de l'égalité des chances et notamment au logement et à l'insuffisance des cités universitaires. Il y a un décalage entre les connaissances acquises dans le secondaire et ce qui est demandé dans le supérieur et les étudiants en premier cycle doivent être mieux encadrés.

M. Pierre Hellier a souhaité connaître le détail des personnels rémunérés à hauteur de 4,7 milliards d'euros au titre III du budget.

Mme Hélène Mignon a appelé l'attention sur les étudiants en IUT qui sont éloignés à la fois des centres ville et des possibilités de travail. Elle a indiqué que cette configuration s'applique aux familles les plus modestes car le problème du logement est moindre dans ce cas et a demandé si cette situation conduit à un plus fort taux d'échec.

Mme Catherine Génisson a posé les questions suivantes : existe-t-il une expertise des Universités 2000 et ces universités multipolaires sont-elles un facteur de réussite des étudiants ? Quelles sont les raisons de la non affectation de près de 16 % des postes ?

M. Jean Ueberschlag a demandé des précisions sur l'harmonisation du système LMD et sur l'idée d'unités capitalisables au sein de différentes universités européennes. La mise en place de l'alternance dans le supérieur rencontre des difficultés et l'apprentissage soulève des réticences.

M. Pierre-Louis Fagniez a souhaité connaître l'articulation entre l'affectation des crédits dévolus à la recherche et l'autonomie des universités ainsi que la part des mesures nouvelles revenant au soutien à la recherche.

M. Edouard Landrain s'est interrogé sur la pratique de l'éducation physique et sportive (EPS) à l'université et a relevé que le cursus sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) est peu satisfaisant dans la mesure où l'absence de sélection à l'inscription dans cette filière conduit à retenir des étudiants qui ne disposent pas des qualités physiques requises.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a fourni les éléments suivants :

- L'autonomie des universités est indispensable et à terme le budget global qui leur serait alloué devrait concerner les crédits de personnel, l'ensemble des moyens de recherche et la gestion du patrimoine.

- La multiplication des sites d'enseignement supérieur et d'antennes délocalisées pose pour ces établissements un problème de moyens de fonctionnement et de capacité de recherche.

- Il faut multiplier les passerelles entre les disciplines afin d'éviter aux étudiants de perdre leur temps et leur donner la possibilité de se réorienter en cours d'étude.

- L'encadrement dans le supérieur est globalement à un niveau satisfaisant, et même meilleur que dans le primaire ou le secondaire mais de fortes inégalités existent entre les établissements.

- Le nombre total de personnels de l'enseignement supérieur rémunérés au titre III est de 131 129.

- Globalement, les filières courtes qui sont souvent à proximité du domicile des étudiants obtiennent de bons résultats.

- L'université 2000 n'a pas fait l'objet d'expertise ou d'évaluation.

- Les universités utilisent une partie de leur dotation en emplois pour rémunérer des heures complémentaires ou financer des attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) ou encore n'affectent pas le poste faute de bon candidat. C'est pour ces raisons qu'un nombre élevé de postes restent non pourvus.

- Le système LMD est un défi mais il n'est pas envisageable de demeurer dans un système franco-français si l'on souhaite faciliter les échanges universitaires en Europe.

- Les crédits de la recherche universitaire sont répartis essentiellement dans les contrats quadriennaux et dans la mise en œuvre des opérations d'équipement des contrats de plan Etat-Région. Dans le budget 2004, ils augmentent de 338,32 millions d'euros au chapitre 66-71 (subvention d'équipement à la recherche) et de 9,9 millions d'euros au chapitre 66-72 (maintenance des bâtiments).

- La filière STAPS recrute le plus souvent de bons bacheliers et le taux de réussite en premier cycle est plutôt élevé.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2004.

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La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Denis Jacquat, les crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville pour 2004.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que les crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville constituent un ensemble assez hétéroclite. Du point de vue budgétaire, la principale mesure qui les affecte cette année est bien sûr le transfert aux départements du financement du revenu minimum d'insertion (RMI), qui entraînera en 2004 la disparition des crédits d'État consacrés à cette allocation, qui atteignaient 4,5 milliards d'euros en 2003.

Sans développer ligne à ligne l'ensemble de ces crédits, deux politiques méritent un examen plus approfondi.

Tout d'abord, Mme Versini, secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion, développe depuis l'année dernière un programme dit des maisons-relais, lequel a pour objet d'offrir une solution d'hébergement adaptée à des personnes en situation de grande exclusion qui ne peuvent accéder ni à un logement social de droit commun, ni à une structure d'insertion de type CHRS (centres d'hébergement et de réinsertion sociale). Les premières expériences sont extrêmement positives puisque mille places ont pu être créées en 2003. Il serait souhaitable que cet effort puisse être amplifié en 2004, ce que ne permettent pas les crédits budgétaires proposés.

Second et principal sujet développé dans le rapport, l'accueil des demandeurs d'asile. Cette question a déjà été discutée par les commissions des lois et des affaires étrangères, car une réforme législative est en cours. Il est normal que la commission des affaires sociales s'implique également sur un sujet éminemment social.

Il s'agit aussi d'un vrai sujet budgétaire, mais il est très complexe dans la mesure où il concerne de nombreuses lignes budgétaires dans différents ministères. Cette situation est heureusement appelée à disparaître avec la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, qui imposera d'identifier clairement les « programmes » correspondants aux différentes politiques, leurs objectifs, leurs indicateurs. Pour cette année il est très difficile de se retrouver parmi les différents crédits afférents à l'hébergement d'urgence, à l'aide juridictionnelle, à la couverture maladie universelle (CMU), à l'aide médicale, à l'allocation de logement temporaire, à l'allocation d'insertion, à l'aide sociale à l'enfance ou, enfin, aux frais de scolarisation. Les acteurs sont également très divers puisque l'on trouve notamment les conseils généraux, les caisses d'allocations familiales et le Fonds de solidarité chômage, ce qui brouille la lisibilité de cette politique. Les conseils généraux sont touchés à travers l'aide sociale à l'enfance : il existe un nouveau problème émergent, celui des mineurs arrivant en France et faisant ensuite venir leur famille, ce qui constitue un détournement de procédure.

Nous sommes passés, de 1998 à 2002, de 24 000 à près de 80 000 demandes d'asile par an, asile politique traditionnel et asile territorial confondus, ce dernier qui concerne principalement l'Algérie étant appelé à disparaître en tant que tel dès l'an prochain au bénéfice de la « protection subsidiaire ». Il existe des réseaux mafieux qui, sous couvert d'asile politique, organisent des migrations pour des raisons économiques liées à l'attractivité de notre pays. Des filières de passeurs professionnels évoluent dans les zones internationales des aéroports où ils attendent leurs « clients » pour leur fournir des faux passeports.

En raison de l'inflation des demandes, il n'est plus possible d'accueillir les demandeurs d'asile dans les centres qui leurs sont destinés, les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), et ils sont logés dans des hébergements d'urgence ou des centres de réinsertion destinés à des personnes victimes de troubles sociaux ; parfois, ils sont logés à l'hôtel et l'État entretient alors des « marchands de sommeil » ; tout cela n'est pas satisfaisant. La situation est particulièrement sensible en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en région Rhône-Alpes, en région parisienne, dans le Nord et en Alsace-Moselle.

La procédure de reconnaissance du statut de réfugié est extrêmement longue, puisqu'aucun dossier n'est traité en moins de deux voire trois ans en raison des délais des procédures devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Commission des recours des réfugiés. Le budget 2004 permet de répondre au moins pour partie à ce dysfonctionnement par la création de postes d'agents. Il faut néanmoins insister sur le développement des recours dirigés à l'encontre des décisions de l'OFPRA, en usant au maximum des délais ouverts, et l'intervention croissante d'avocats souvent rémunérés par des associations, qui aboutissent à allonger considérablement les procédures. Il faut également souligner qu'une décision négative ne débouche en pratique, sur une reconduite vers le pays d'origine qu'à l'égard des personnes seules, quand elle est exécutée. Dans le cas de familles constituées avant ou pendant le séjour en France, la reconduite n'est jamais effectuée.

Sans doute est-il nécessaire de communautariser cette question, ce qui est déjà partiellement le cas avec le règlement « Dublin » qui permet de déterminer en théorie un seul État-membre responsable du traitement d'une demande d'asile mais qui fonctionne cahin-caha. Pour un bon fonctionnement matériel, il faudrait installer des machines de reconnaissance électronique des empreintes digitales ; ce n'est pas le cas en France sauf dans quelques préfectures. Nous avons beaucoup à faire en matière d'organisation administrative ; une expérience de déconcentration régionale de la gestion de l'asile est menée en région Rhône-Alpes sous l'autorité d'un préfet dynamique.

Pour faire face au problème du faible taux de reconduite aux frontières, certains pays comme la Belgique ont radicalisé leur politique en supprimant toute possibilité d'aide financière au bénéfice d'une affectation dans une structure d'accueil (aide en nature) et ont réussi de cette manière à faire baisser considérablement le nombre d'arrivées.

Cela étant, il est clair que toutes les barrières aministratives se heurtent à l'existence de réseaux mafieux très bien organisés et à même de fournir aux candidats des éléments très détaillés sur les régions d'accueil. Le regard social que l'on doit légitimement porter sur les demandeurs de droit d'asile ne doit pas masquer l'existence d'un trafic organisé et très réactif, comme l'a démontré l'épisode de la fermeture du centre de Sangatte. Il est légitime de mettre en place des règles à l'échelon européen pour éviter à l'avenir les débordements. Sinon, nous ouvrirons la voie à tous les extrémismes politiques.

En conclusion, le rapporteur pour avis a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est félicité du fait que les rapporteurs pour avis traitent plus particulièrement d'un thème. Cela donne une dimension concrète au débat. L'hébergement des exclus, comme forme particulière de logement social, doit être une priorité et l'existence des maisons-relais doit être confortée. Quant aux problèmes posés par l'accueil des demandeurs d'asile sur le territoire français, le rapporteur pour avis s'est déplacé sur le terrain à Metz et à Roissy est aussi allé à Bruxelles pour se rendre compte des dispositifs communautaires. Cela est une excellente démarche.

Mme Hélène Mignon a félicité le rapporteur pour la clarté de son exposé et a rappelé qu'elle était arrivée aux mêmes conclusions que lui lorsqu'elle siégeait au Conseil national de lutte contre les exclusions. Effectivement les places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) sont notoirement insuffisantes et les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) doivent faire face à un afflux de personnes. En ce qui concerne les mineurs, ils se retrouvent, à leur majorité, hors du dispositif de l'aide sociale à l'enfance. Ils deviennent donc de jeunes « sans domicile fixe » ne maîtrisant pas, le plus souvent, la langue française et ne pouvant donc pas travailler.

En outre, il faut rappeler le rôle des circuits maffieux. Ainsi, les personnes venant dans notre pays ont souvent tout vendu pour acheter leur billet pour la France et payer le passeur qui leur confisque, dans la plupart des cas, leur passeport. Parfois même, la famille restée au pays est prise en otage. Le retour au pays est donc impossible. Certains demandeurs d'asile essayent de « rouler » l'administration, mais eux-mêmes se sont faits « rouler ».

Enfin, concernant les maisons-relais, le logement social ne semble pas être une véritable priorité gouvernementale et ces dispositifs novateurs ne semblent guère financés.

M. Bernard Perrut s'est félicité de la teneur des propos du rapporteur. Il s'agit de questions concrètes, humaines, que de nombreux députés ont à connaître dans leur circonscription. Très souvent les directeurs de CHRS viennent à eux pour évoquer les difficultés liées au manque de place et à l'afflux de demandeurs d'asile. Cet afflux est également lié aux délais trop longs pour obtenir une réponse concernant le droit d'asile. Il faut souvent plusieurs semaines pour obtenir un rendez-vous à la préfecture et plusieurs mois pour avoir une réponse. Ainsi ces personnes vivent sur le territoire pendant toute cette période et s'habituent à notre mode de vie.

La volonté du gouvernement de déconcentrer cette procédure, comme cela se fait déjà en Rhône-Alpes, est louable mais les préfectures auront-elles les moyens humains d'une telle déconcentration alors que la réduction du temps de travail a désorganisé nombre de services administratifs ? Comment évoluent les délais des procédures ?

M. Georges Colombier a également dénoncé ces circuits maffieux vivant de la misère et de la détresse des personnes voulant immigrer dans notre pays. Par exemple, est apparue une filière de jeunes angolais et congolais à qui on retire leur passeport une fois arrivés sur notre territoire de telle sorte que l'administration française ne connaisse pas l'âge des intéressés.

M. Jean-Marie Geveaux a également souligné le manque criant de place dans les CADA alors que les demandeurs d'asile arrivent toujours plus nombreux. Sans aucun doute, si les délais en matière de réponse au droit d'asile étaient plus courts, le nombre de demandeurs d'asile sur notre territoire serait plus réduit. Le manque de place en CADA conduit les demandeurs d'asile à occuper des chambres d'hôtel. Ainsi en région parisienne, certains hôtels sont dédiés à ce genre de public. Lors des 24 heures du Mans, la ville est obligée d'évacuer les demandeurs d'asile vers l'hôpital pour héberger dans les hôtels les écuries et les visiteurs. De la même façon, les collèges doivent organiser des classes spécialisées pour recevoir ces enfants qui ne maîtrisent pas notre langue.

M. Claude Leteurtre  s'est félicité du travail mené par le rapporteur pour avis. Il a craint que les modifications apportées à l'aide médicale d'état (AME) n'aient des conséquences sur l'état de santé des demandeurs d'asile. En effet, en mettant en place un ticket modérateur, ces personnes ne pourraient plus accéder aux soins alors qu'elles sont parfois porteuses de maladies comme la tuberculose, susceptibles de dissémination sur notre territoire.

Mme Chantal Bourragué a rappelé que si la politique d'immigration avait été plus claire dans les années précédentes, les problèmes actuels seraient moins aigus. Il faut également regretter que souvent les politiques de retour au pays n'aient pas été appliquées dans les faits.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a donné les indications suivantes :

- L'effort en matière d'hébergement social est notable puisqu'entre janvier 2002 et juin 2003, plus de 4 500 places en CADA ont été créées, notamment afin de résorber le recours toujours plus grand aux chambres d'hôtel. Les départements font parfois appel à des hôteliers spécialisés dans l'hébergement de ces personnes qui apparaissent comme de véritables « marchands de sommeil ». En outre, en ce qui concerne les maisons-relais, Mme Versini a une politique très volontariste.

- Concernant les mineurs, les filières sont toujours plus nombreuses. Par exemple, il existe une filière asiatique : les mineurs arrivent sur le territoire, bénéficient de l'aide sociale à l'enfance. Une fois majeurs, ils peuvent accéder à la nationalité française, ils rejoignent alors leur famille, qui en fait est déjà en France, et leurs parents, en tant que parents d'enfants français, deviennent inexpulsables ! Pour ce qui est de l'Afrique francophone, il arrive que des parents envoient leurs enfants mineurs en France, afin de bénéficier d'une éducation gratuite ; ces enfants arrivent fin août à Roissy et disent qu'ils viennent « pour la rentrée scolaire ». Il ne faut pas sous-estimer la charge financière qui revient aux départements : ils ne connaissent jamais à l'avance le nombre de mineurs qu'ils devront prendre en charge totalement, mais ils doivent le faire légalement et cela vient grever leur budget.

- La déconcentration de la procédure voulue par le gouvernement est une bonne chose mais ne sera efficace que si les préfectures réorganisent effectivement leur façon de travailler. Des résultats significatifs ont déjà été obtenus en préfecture, mais les délais pour ce qui est de la Commission des recours ne devraient pas descendre en dessous de six mois.

- Les dépenses d'aide médicale de l'Etat devraient atteindre 700 millions d'euros en 2003. En loi de finances initiale 2002, 61 millions d'euros étaient prévus ; un tel décuplement appelle une réaction.

Mme Hélène Mignon, après avoir salué la qualité du rapport, a déclaré qu'elle s'abstiendrait en raison du manque de vision globale sur les crédits de l'action sociale, de l'exclusion et de la ville.

M. Jean Le Garrec a rappelé qu'il est utile que l'avis de la commission porte sur un thème précis. L'examen du projet de loi relatif au RMI et au RMA permettra à chacun de discuter de l'exclusion dans une perspective plus large.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action sociale, de la lutte contre l'exclusion et de la ville.

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean Ueberschlag, les crédits de la formation professionnelle pour 2004.

M. Jean Ueberschlag, rapporteur pour avis, a d'abord estimé que le budget est à la hauteur des besoins dans un contexte économique difficile. Si les crédits pour 2004 sont en légère baisse, ils permettent de maintenir des objectifs ambitieux. Il est bon de rappeler qu'il s'agit uniquement des crédits publics, qui ne constituent qu'une partie de l'effort total de la nation en matière de formation professionnelle. En outre, l'expérience montre que les crédits inscrits en loi de finances initiale ne sont pas ceux qui seront effectivement ouverts. Ainsi en 2002, plus de 80 millions d'euros ont été annulés. Les variations minimes observées d'une année à l'autre n'ont donc qu'un intérêt très relatif.

Si les moyens de la formation sont préservés, la répartition interne en est modifiée par l'arrivée en puissance de nouveaux acteurs, en particulier les régions. La part de l'Etat diminue, tandis que celle des régions et de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) augmente, pour cette dernière du fait de la mise en œuvre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).

On peut regretter que l'Etat, dont le rôle est essentiel, ne dispose pas d'une vision d'ensemble du dispositif. La loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle a créé une commission nationale des comptes de la formation professionnelle, qui n'a jamais été réunie et a été supprimée en catimini par la loi de modernisation sociale. Il conviendrait de la rétablir.

La signature de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre dernier constitue une chance historique. Les conditions de sa négociation et son contenu sont une excellente illustration des difficultés et des vertus du dialogue social. Ces dernières années, l'articulation entre la loi et la négociation collective s'était de plus en plus complexifiée, notamment en raison des lois relatives à la réduction du temps de travail et de la loi de modernisation sociale. L'accord rétablit un dialogue social grippé par l'interventionnisme étatique. Signé par tous les partenaires sociaux, il crée de nouveaux droits pour les salariés. Cependant, s'il traite des financeurs et des bénéficiaires, l'accord n'aborde pas deux aspects fondamentaux : le dispositif de collecte et les organismes de formation.

La complexité des financements est source de déperdition : seul un salarié sur quatre a accès à une formation : un tiers seulement de l'argent collecté sert effectivement à des actions de formation. Dans ces conditions, l'important n'est pas le niveau des budgets mais la bonne utilisation des masses financières existantes, qui sont énormes. La mutualisation comme la péréquation sont insuffisantes. Le système est opaque, coûteux et inégalitaire. Il faudrait supprimer la collecte captive et aboutir à un collecteur unique. Même si cette proposition peut paraître provocante, il faut tenir compte de la complexité excessive engendrée par le fait que la collecte est réalisée par des milliers de collecteurs. Quelle serait la réaction si l'on proposait d'appliquer un tel système au recouvrement des cotisations sociales ? L'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pourrait être ce collecteur unique, ce qui permettrait des économies d'échelles et assurerait une plus grande équité de l'allocation des ressources. S'ajoute à cette complexité l'atomisation entre 60 000 organismes de formation, certains dépourvus d'activité réelle.

Les rapports réalisés sur le sujet de la collecte ont été nombreux : Cour des comptes, Inspection générale des affaires sociales et Service central de prévention et de lutte contre la corruption. Les critiques, pertinentes, sont restées sans suites, alors même que la collecte atteint un montant de 20 milliards d'euros, ce qui correspond à la moitié du budget de l'éducation nationale. Certes, des contrôles sont effectués, comme le montre le redressement récent opéré sur l'organisme paritaire collecteur agréé régional (OPCAREG) d'Ile-de-France, qui s'est traduit par le reversement de plus de trente millions d'euros mais ils sont très insuffisants. Si l'Etat ne joue pas son rôle en la matière, les déperditions perdureront.

Un rapport du Service central de lutte et de prévention de la corruption a recensé les facteurs de risques inhérents au système actuel : un édifice réglementaire complexe, des prestations immatérielles, des montages financiers complexes favorisant la fraude, une image d'utilité sociale et l'absence d'interrogation de la part des partenaires sociaux gestionnaires du système.

En conclusion, les moyens sont à la hauteur mais il faut renforcer les contrôles, rationaliser le système et faire le ménage dans les collectes et dans les organismes de formation. La décentralisation intervient alors même que les dispositifs de collecte sont surtout présents au niveau national. Il faut réformer un système qui ressemble à une pyramide reposant sur son sommet. Enfin, une réelle promotion de la formation passerait par l'inscription dans le contrat de travail d'une obligation de formation s'appliquant à la fois au salarié et à l'employeur.

En conclusion, le rapporteur pour avis a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 2004.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a également souligné l'importance de l'accord du 20 septembre 2003, qui donne un nouvel élan au dialogue social et apporte des réponses à certaines des interrogations soulevées par le présent rapport. Il est évident que si « l'essai est transformé », pour reprendre les termes du rapporteur, le paysage de la formation professionnelle et la vie professionnelle seront profondément modifiés.

Rejoignant ces propos, M. Bernard Perrut a tout d'abord estimé qu'il s'agit d'un accord historique, dans la mesure où il comporte des modifications profondes visant à donner une deuxième chance aux salariés, en renforçant leur droit à une formation continue tout au long de la vie. Il s'inscrit, d'autre part, dans le cadre de la réflexion actuelle sur la décentralisation, puisque les régions jouent un rôle croissant dans ce domaine depuis plusieurs années.

Le rapport relaie par ailleurs les préoccupations exprimées à de nombreuses reprises concernant l'atomisation de l'offre de formation professionnelle. En effet, avec plus de cinquante mille organismes de formation, on ne peut que s'interroger sur l'adaptation de cette offre aux besoins réels de formation sur l'ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales. Cette question appelle par conséquent un renforcement des contrôles.

Enfin, le rapporteur dispose-t-il d'informations complémentaires sur les contrats de professionnalisation prévus par l'accord du 20 septembre et destinés à favoriser l'insertion et la réinsertion professionnelle des jeunes de moins de vingt-six ans ? De quelle façon ces contrats doivent-ils s'insérer dans le dispositif actuel, s'agissant notamment des contrats jeunes en entreprise, qui rencontrent un franc succès, ainsi que des programmes TRACE (trajet d'accès à l'emploi) et des formations dispensées par les missions locales ?

Mme Hélène Mignon a déclaré partager cette inquiétude et a formulé les observations suivantes :

- Contrairement aux propos tenus par le rapporteur pour avis, le budget pour 2004 ne semble pas aujourd'hui à la hauteur des besoins de formation professionnelle. Un décalage persiste en effet entre la main-d'oeuvre et les postes actuellement disponibles. Il est donc nécessaire de mieux répondre aux besoins des entreprises.

- Il paraît, d'autre part, paradoxal de centraliser la collecte des fonds alors que, dans le même temps, davantage de compétences sont confiées aux régions dans ce domaine.

- Enfin, le rapporteur pour avis a estimé, qu'en matière de droit du travail, on avait peut-être trop légiféré au cours de ces dernières années, tout en concluant son rapport sur la nécessité d'envisager à terme une obligation de formation continue : quelles en seraient les modalités ?

M. Maxime Gremetz a estimé que, même s'il était améliorable, l'accord du 20 septembre constitue une avancée importante, en ce qu'il permet d'instituer un droit individuel à la formation (DIF).

Il convient à cet égard de souligner que si 25 % des salariés bénéficient d'une formation, il ne s'agit en réalité que des personnes les plus qualifiées. Ainsi, les personnes qui en ont le plus besoin sont de fait privées de formation. En outre, il sera nécessaire d'améliorer cet accord sur la question de la formation hors temps de travail lors de l'examen du projet de loi relatif au dialogue social et à la formation professionnelle.

Le projet de loi de finances pour 2004 appelle par ailleurs les observations suivantes :

- Le budget de la formation professionnelle a diminué de 1,3  %, en passant de 4,682 à près de 4,5 milliards d'euros.

- Le transfert de compétences aux régions ne s'accompagne pas du transfert de l'ensemble des moyens nécessaires, s'agissant notamment des primes à l'apprentissage.

- En dépit de la volonté affichée d'inciter les chômeurs à créer leur entreprise, les crédits concernés diminuent de 20 %.

- De même, les bourses pour l'emploi disparaissent progressivement du budget, passant de 25 à 4 millions d'euros, alors qu'il est nécessaire de favoriser l'emploi des jeunes.

- Les crédits attribués aux programmes destinés aux chômeurs de longue durée diminuent également, passant de 180 à 107 millions d'euros.

L'accord du 20 septembre ne résout donc pas l'ensemble des problèmes actuels et il est nécessaire de s'interroger sur le devenir de l'« argent inutilisé » évoqué par le rapporteur.

M. Georges Colombier s'est pour sa part inquiété de l'avenir des formations en alternance.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- Les contrats de professionnalisation ont vocation à s'adresser aux publics bénéficiaires des actuels contrats d'alternance, notamment des contrats de qualification, dont ils reprennent certaines caractéristiques comme l'alternance entre enseignement théorique et travail en entreprise. De ce point de vue, ils se distinguent nettement des contrats jeunes en entreprise.

- Aujourd'hui, l'offre de formation ne répond pas effectivement aux besoins réels de l'ensemble du territoire mais une réforme a été engagée afin de durcir le régime déclaratif auquel était antérieurement assujetti les organismes de formation. Le nombre important de chômeurs au regard des emplois non pourvus est cependant paradoxal et témoigne incontestablement d'une prise de conscience insuffisante du lien existant entre emploi et formation.

- Il est nécessaire de centraliser la collecte des fonds, dans la mesure où celle-ci doit être faite de façon rationnelle et cohérente. De plus, la collecte des fonds au niveau national permettrait d'assurer leur mutualisation et leur péréquation, mais également de garantir le caractère transférable du droit individuel à la formation ;

- Le budget de la formation professionnelle est effectivement en baisse, mais cette situation est de toute façon préférable à des reports ou à des annulations de crédits : il faut raisonner en termes d'exécution budgétaire. Il est d'autre part nécessaire de mieux utiliser l'ensemble des crédits.

- Enfin, les dotations à la décentralisation dans le domaine de la formation professionnelle sont en augmentation de 31 % entre 2003 et 2004.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 2004.

*

La commission a enfin examiné pour avis, sur le rapport de M. Dominique Tian, les crédits du travail pour 2004.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis a déclaré en introduction que le budget du travail pour 2004 est marqué par un changement de cap afin de donner enfin la priorité à la création d'emplois dans le secteur marchand. Les crédits de la section « travail » représentent plus de 32 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004. Quant à la partie thématique de l'avis budgétaire, elle est cette année consacrée à l'insertion professionnelle des personnes handicapées. En 1987, un objectif chiffré avait été fixé : employer 6 % de personnes handicapées. Si cet objectif avait été tenu, aucune personne handicapée ne serait au chômage, mais c'est loin d'être le cas et plus du quart des personnes reconnues comme travailleurs handicapés sont dans cette situation, ce qui donne 219 000 personnes handicapées inscrites à l'ANPE, ce nombre étant en progression constante. Les limites du dispositif actuel doivent donc être analysées, en vue de l'améliorer.

Le budget du travail pour 2004 a pour objectif de donner la priorité au retour à l'emploi, marquant ainsi une rupture avec la logique d'assistance. Il s'agit désormais de :

- préférer, de manière générale, les allègements de charge aux aides budgétaires, ces allègements représentant à peu près 15 milliards d'euros d'économies pour les entreprises en 2004 ;

- réorienter massivement les interventions vers la formation et l'emploi dans l'entreprise plutôt que vers l'emploi parapublic, qui pèse lourdement sur le budget de l'Etat et handicape notre économie ;

- optimiser les dépenses d'indemnisation orientées vers l'assistance, en faisant en sorte notamment que le revenu minimum d'insertion (RMI) joue réellement son rôle d'insertion et que l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ne constitue pas un pis-aller où stagnent ceux auxquels ne serait plus donné de véritable espoir de retrouver un emploi.

Le budget du travail pour 2004 comporte par ailleurs plusieurs mesures de transparence et de rationalisation, comme la réintégration dans le budget de l'Etat des charges antérieurement couvertes par le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), le transfert aux départements du financement des allocations de RMI ou encore la scission en deux sous-enveloppes de la subvention de fonctionnement à l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), afin d'anticiper la décentralisation prévue de la formation professionnelle en identifiant les crédits correspondant aux programmes nationaux, qui resteront du ressort de l'Etat, et les crédits correspondant à des commandes de formation, qui relèveraient à l'avenir des régions.

Trois évolutions importantes doivent également être soulignées : la création du revenu minimum d'activité (RMA), la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et la réorientation des dispositifs destinés aux jeunes.

Sur le premier point, le constat de la dérive du RMI et de son échec en termes d'insertion n'est plus à faire. La moitié seulement des RMIstes sont en possession d'un contrat d'insertion en cours de validité. En complément de l'unification au niveau du département des compétences en matière de RMI, l'instauration du dispositif du RMA contribuera à l'activation de celui-ci.

Le RMA n'est pas destiné au public classique des contrats aidés, mais à des personnes qui se trouvent encore plus éloignées de l'insertion professionnelle ; la cible visée, les allocataires du RMI depuis plus de deux ans, représente un demi-million de personnes. Dans une optique d'insertion progressive, il s'agit d'associer au bénéfice d'une allocation de RMI l'exercice d'une activité salariée à temps partiel, assortie d'un volet d'accompagnement personnalisé, qui constituera la première étape d'un retour à l'emploi. Il faut noter que le ministre des affaires sociales, M. François Fillon, a indiqué que le dispositif du RMA tel que présenté au Sénat allait être modifié de façon à ce que les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) dont les droits à l'indemnisation arrivent à échéance puissent avoir immédiatement accès au RMA, sans que la condition d'une durée minimum passée au RMI soit exigée.

Par ailleurs, le gouvernement a décidé de réformer l'ASS parallèlement à la révision des conditions d'indemnisation par le régime d'assurance chômage. Cette réforme a pour but de rendre le dispositif plus incitatif au retour à l'emploi, retour qui ne doit être ni freiné par la crainte de perdre immédiatement le bénéfice des allocations sociales, ni dissuadé par la perspective de bénéficier d'allocations sans limitation de durée. On peut d'ailleurs noter que ce type d'évolution n'est pas une spécificité française, des mesures comparables ayant été adoptées en Allemagne.

Enfin, il convient de se féliciter du succès des différents dispositifs proposés pour la sortie du dispositif des emplois jeunes, qui avait le double inconvénient de déresponsabiliser les entreprises et de peser lourdement sur les finances publiques.

Ainsi, le succès du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE), dit « contrat jeune », mis en place par la loi du 29 août 2002, est indéniable. Les objectifs étaient de 35 000 entrées en 2002, 90 000 entrées en 2003 et 110 000 entrées en 2004. Or, plus de 86 000 contrats ont été signés durant le seul premier semestre 2003 et le taux de sorties du dispositif est inférieur à 10 %. Le SEJE est orienté vers les vrais gisements d'emplois que constituent les PME, et, en particulier, les secteurs du commerce et de l'artisanat : 50 % des contrats concernent des entreprises de moins de dix salariés et 84 % des entreprises de moins de cinquante salariés.

Il convient également de se féliciter de la création du programme CIVIS (contrat d'insertion dans la vie sociale) qui permettra de diversifier les parcours d'insertion offerts aux jeunes. Les jeunes qui s'engageront dans le CIVIS pourront percevoir une allocation financière lorsqu'ils ne percevront pas d'autres revenus. Le CIVIS constitue donc une réponse au réel problème que constitue le non-accès des jeunes au RMI, mais en conditionnant le soutien qui sera apporté à une démarche personnelle d'insertion professionnelle.

Enfin, le projet de budget pour 2004 prévoit la relance du contrat initiative emploi (CIE), réorienté début 2002 vers les personnes les plus éloignées de l'emploi, qu'il vise à insérer dans l'emploi dans le secteur marchand.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la partie thématique de son avis consacrée à l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Il s'agit aujourd'hui d'une politique qui manque de souffle et de volonté, marquée par de nombreuses déclarations de principe mais une mobilisation insuffisante des pouvoirs publics et du monde économique.

Plusieurs problèmes doivent être soulignés. La population active handicapée est tout d'abord mal connue car il n'existe pas un mode unique de recensement, utilisé sans distinction par le public et le privé. L'obligation d'emploi institué par la loi du 10 juillet 1987 n'est ensuite pas respectée, ni dans le secteur privé, ni dans la fonction publique.

Dans le secteur privé, l'obligation d'emploi de 6 % de personnes handicapées n'est pas respectée par les employeurs de plus de vingt salariés, les seuls pourtant à être assujettis à une sanction financière - versement d'une contribution financière à l'Association nationale de gestion du Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) -.en cas de non-respect de cette obligation. Le taux d'emploi moyen est actuellement de 4,1 %. En 2000, 34 % des établissements assujettis à l'obligation d'emploi atteignaient le taux réglementaire mais 37 %, n'accueillant (ou ne déclarant) aucune personne handicapée, se délivraient de l'obligation exclusivement en contribuant à l'AGEFIPH.

On relève en revanche l'importance de l'emploi de personnes handicapées dans les PME de moins de vingt salariés, qui sont pourtant hors champ de l'obligation légale. Ainsi, en 2001-2002, 40 % des stagiaires AFPA handicapés ayant trouvé un emploi six mois après leur sortie de stage l'avaient obtenu dans une PME non soumise à l'obligation légale. Ces résultats montrent bien qu'il n'y a pas de corrélation évidente entre la taille des établissements et le taux d'emploi de personnes handicapées : il ne s'agit donc pas d'une question de moyens, mais bien de volonté.

Les résultats ne sont pas meilleurs dans le secteur public, loin s'en faut. Il faut tout d'abord regretter que les statistiques de la fonction publique ne soient pas cohérentes avec celles du secteur privé et qu'elles ne comportent que des données parcellaires. Il est à ce sujet particulièrement choquant de constater que l'éducation nationale, qui représente la moitié des effectifs de fonctionnaires de l'Etat, ne les renseigne pas, ce qui ôte toute crédibilité au taux global d'emploi affiché pour l'Etat.

Ce non-respect de l'obligation légale d'emploi se traduit très directement dans le chômage élevé que connaissent les personnes handicapées. Fin août 2003, on comptait 218 473 demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés ou en instance de l'être par la COTOREP. Ce nombre a augmenté de 7,8 % en un an (depuis août 2002), contre 5,2 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi. Sur les huit premiers mois de l'année 2003, la durée moyenne de chômage des travailleurs handicapés ayant retrouvé un emploi a été de onze mois, contre huit mois pour l'ensemble des chômeurs.

Dans la perspective de la grande loi qui est annoncée pour le premier trimestre 2004, plusieurs propositions d'évolution peuvent être avancées pour faire progresser rapidement la cause de l'emploi des personnes handicapées :

- Il conviendrait tout d'abord de mieux connaître la population handicapée et d'évaluer les politiques, en confiant la responsabilité de cette tache au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

- Il faut ensuite imposer une obligation effective d'emploi dans l'administration. L'Etat n'est pas le seul à ne pas respecter les obligations légales car la fonction publique hospitalière ainsi que les collectivités locales atteignent rarement le taux légal de 6 % et ne sont soumises à aucune sanction financière contrairement aux entreprises. Le législateur se doit d'intervenir pour sanctionner le non-respect de l'obligation d'emploi par des sanctions financières, même aux dépens de l'Etat, et le produit de ces sanctions doit être géré par des agences (une par fonction publique) spécialisées dans l'insertion des personnes handicapées dans l'emploi public et organisées sur le modèle de l'AGEFIPH.

- Par ailleurs, les administrations, en particulier les collectivités locales, seraient certainement plus motivées pour respecter la loi si une publicité obligatoire périodique était donnée, dans des formes à définir, à l'analyse du respect de l'obligation d'emploi par les uns et les autres. On pourrait envisager une communication obligatoire en conseil municipal ou lors d'une séance publique des collectivités locales.

- D'autre part, le gouvernement envisage aujourd'hui la suppression des emplois réservés pour privilégier le dispositif réglementaire de recrutement direct de travailleurs handicapés, par voie contractuelle et sans concours, mais les arguments invoqués à l'appui de ce choix sont peu convaincants. Il est étonnant que, dans une réponse écrite, l'administration justifie cette suppression par l'importance des listes d'attente, donc par l'écart existant entre le nombre d'emplois réservés offerts, trop faible, et le nombre d'handicapés qui y postulent. Mais, même s'il n'a pas produit tous les effets souhaités, le régime des emplois réservés a jusqu'à présent été l'une des voies les plus efficaces d'entrée de personnes handicapées dans la fonction publique : sur 39 200 bénéficiaires de l'obligation d'emploi recensés dans la fonction publique d'État en 2000, 11 000 occupaient des « emplois réservés », dont plus de 3 600 personnes reconnues travailleurs handicapés par les COTOREP, alors que moins de 900 avaient été recrutés sur contrats.

- S'agissant du secteur privé, un assez large consensus se dégage sur le maintien du système institué en 1987 et du taux d'emploi de 6 % mais, sans changer ce système, il est sans doute possible de le rendre plus incitatif. Dans un passé récent, comme le souligne la Cour des comptes, l'AGEFIPH se trouvait à la tête d'un énorme fonds de réserves (qui a atteint 330 millions d'euros fin 1998, soit 11 % des contributions reçues depuis l'origine), ce qui traduisait son incapacité à dépenser les fonds recueillis alors que les besoins non couverts sont énormes. Ce dysfonctionnement, qui fut peut-être dicté par un souci de gestion rigoureuse, montre cependant que le système a largement besoin d'évoluer. Il ne doit pas s'agir toujours de sanctionner mais de développer des démarches actives vers les entreprises qui préfèrent cotiser plutôt qu'embaucher une seule personne handicapée.

- Il conviendrait par ailleurs d'élargir les perspectives offertes aux travailleurs handicapés, d'une part, en développant des passerelles entre milieu protégé et milieu ordinaire grâce à l'aménagement d'un « droit au retour » dans le secteur protégé en cas d'échec de l'insertion dans le milieu ordinaire et, d'autre part, en valorisant le travail par une rémunération supérieure aux allocations de remplacement.

- Enfin, des réformes sont nécessaires pour améliorer le dispositif d'orientation et d'aide à la recherche d'emploi. Le fonctionnement des COTOREP ne satisfait personne et l'un des reproches récurrents, formulé notamment par le Conseil économique et social, est qu'elles s'occupent de trop de procédures différentes et sont devenues l'instance unique de décision sur tous les aspects des droits sociaux des personnes handicapées. En matière d'emploi dans le milieu ordinaire, l'exigence de proximité, de connaissance du terrain économique, plaide plutôt pour une prise en charge des personnes handicapées par l'ANPE que par des structures spécialisées dont le maillage ne peut être aussi fin.

Seize ans après la promulgation de la loi de 1987 dont le but premier était de favoriser le recrutement par les entreprises et les administrations de personnes en situation de handicap, il n'est pas acceptable que l'on dépasse encore difficilement un taux de 4 %, notamment dans l'administration et les collectivités locales qui ne remplissent pas leurs obligations légales et ne sont pas sanctionnées, contrairement aux entreprises. Une volonté politique forte est nécessaire et devra s'exprimer dans le nouveau texte qui réformera au début de l'année prochaine la loi d'orientation de 1975.

En conclusion, le rapporteur pour avis a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du travail.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le rapporteur pour avis pour l'intérêt de son exposé et la clarté de ses propositions et a approuvé la nécessité de manifester une volonté politique forte en matière d'intégration professionnelle des personnes handicapées. Il s'agit là d'un véritable devoir et l'Etat se devrait, plus que tout autre, d'être exemplaire en la matière. Pour améliorer encore la connaissance de la population active handicapée, est-il possible d'obtenir une analyse des taux d'emploi en fonction des types de handicap ?

M. Georges Colombier s'est félicité de la pertinence du thème retenu par le rapporteur pour avis. Il faut réfléchir sur l'obligation de 6 % : trop d'entreprises ne jouent pas le jeu ; à quoi bon leur permettre de se libérer de leur obligation d'embauche par une contribution à l'AGEFIPH si les handicapés formés sur ces fonds ne peuvent ensuite trouver un emploi ? Le problème doit être revu à l'occasion de la révision de la loi de 1975.

On ne peut pas partager le jugement sévère porté sur l'action de la secrétaire d'Etat aux handicapés qui a mis en œuvre une large concertation avec les associations compétentes et dont le futur projet de loi devrait dès lors traduire les attentes réelles des acteurs de terrain.

S'agissant des places en CAT et en ateliers protégés, la progression reste insuffisante en dépit des efforts accomplis et, surtout, font défaut les passerelles entre milieu protégé et travail en milieu ordinaire. Les listes d'attente restent très longues, y compris pour des personnes handicapées qui ne peuvent plus être considérées comme jeunes.

M. Maxime Gremetz a formulé les trois observations suivantes :

- S'agissant de l'emploi des handicapés, la logique de sanction ne vaut rien : les employeurs préfèrent s'acquitter d'une obligation financière qu'embaucher. Il faut que l'obligation d'embauche devienne réelle.

- Le budget de l'emploi s'inscrit dans la continuité du précédent alors que le chômage s'aggrave du fait du ralentissement de la croissance mais aussi précisément en raison de certaines mesures adoptées, par exemple les exonérations de cotisations sociales patronales qui ont fait leur temps et prouvé leur inefficacité.

- On assiste à la mise en place de dispositifs jamais vus. Ainsi, le futur revenu minimum d'activité consisterait en un contrat à durée déterminée renouvelable deux fois. L'essentiel de la rémunération serait payé par le département qui verserait l'équivalent du RMI à l'employeur, le différentiel à la charge de celui-ci ne faisant en outre l'objet d'aucun versement de cotisations sociales, s'il s'agit d'un employeur public. C'est offrir aux entreprises des salariés à 2 000 F par mois dont le travail ne donnera lieu qu'à la constitution de droits sociaux réduits.

Notamment pour ces raisons, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre l'adoption de ce budget.

Mme Catherine Génisson a pour sa part formulé les observations et questions suivantes :

- Le RMA tel que projeté reviendra à faire subventionner le paiement des salariés de l'entreprise par le département.

- On annonce la signature de 100 000 contrats-jeunes en entreprise : quel est le rythme de signature de ces contrats ? Après la période de démarrage, n'y a-t-il pas aujourd'hui une certaine stagnation du dispositif ?

- Le choix du thème de l'emploi des handicapés est pertinent. Les ateliers protégés constituent une structure fondamentale pour la réussite de l'insertion en milieu ordinaire. Or on sait que ces ateliers rencontrent de grandes difficultés. Est-il envisagé d'amplifier les dispositifs de soutien mis en place sous la précédente législature ?

- Par ailleurs, l'exemple de la région Nord-Pas-de-Calais montre, avec six à huit ans en liste d'attente, que l'accès aux CAT est très difficile. La création de places supplémentaires s'accompagne-t-elle d'une volonté de rattrapage pour les régions les plus mal loties ?

- On ne peut qu'être dubitatif sur l'intérêt d'introduire dans la fonction publique une sanction financière dont on connaît les limites. S'agissant de la nécessaire prise de conscience de la situation de la fonction publique, ne faut-il pas tenter de mettre en place un dispositif d'information fondé sur des indicateurs pertinents à l'instar de ce qui se fait en matière d'égalité professionnelle ? En l'intégrant dans l'information sur l'ensemble de l'emploi, on éviterait de stigmatiser les personnes handicapées. Il convient enfin de noter que l'emploi de handicapés classés en catégorie A par les COTOREP s'avère particulièrement problématique du fait de l'inapplication de la circulaire existante.

- On ne peut que regretter que le rapport n'aborde pas la question de l'égalité professionnelle.

M. Bernard Perrut a souhaité réagir aux critiques exprimées par M. Maxime Gremetz à l'encontre du budget. Les crédits destinés aux publics prioritaires augmentent même si les dispositifs évoluent heureusement vers une philosophie de retour à l'emploi. On doit relever les efforts accomplis en matière de CIE, de contrats emploi solidarité (CES) et de contrats-jeunes en entreprises. Par ailleurs, comment pourrait-on critiquer le RMA, qui offre pour la première fois une chance réelle d'insertion durable dans l'emploi par le biais du tutorat et de l'accompagnement ?

S'agissant des personnes handicapées, il ne faut pas mettre en exergue les insuffisances de leur emploi mais privilégier une démarche de contractualisation responsabilisant les employeurs.

Par ailleurs, quels sont les premiers enseignements de la réflexion lancée sur la modernisation du service public de l'emploi ?

M. Gaëtan Gorce a déclaré que le groupe socialiste considère que ce budget est à « contre emploi » au sens qu'il n'est pas favorable à l'emploi.

Premièrement, la présentation faite de ce budget est inexacte dans la mesure où l'augmentation des crédits n'est qu'un effet d'optique. Les moyens augmentent en raison du transfert des allègements de cotisation qui se trouvaient dans le FOREC. Dans la réalité, à structure constante, ce budget de l'emploi baisse : 3 % cette année, 6 % l'année dernière.

Deuxièmement, ce budget est illusoire car il ne favorise pas en fait la création d'emplois dans le secteur marchand alors qu'une telle création est affichée comme le premier but à atteindre. Les contrats jeunes sont présentés comme un succès alors qu'il s'agit d'un dispositif peu efficace et coûteux et que, symétriquement, le nombre de contrats en alternance diminue de manière significative, notamment les contrats de qualification. Le gouvernement met également l'accent sur les contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) : ce ne sont que des emplois-jeunes du pauvre, un dispositif d'affichage.

Troisièmement, ce budget est condamnable dans la mesure où les crédits pour les publics prioritaires baissent de 11 %. Il s'agit des contrats emplois consolidés (CEC), des contrats emploi solidarité (CES), du programme TRACE (trajectoire d'accès à l'emploi), des stages individuels et collectifs à destination des chômeurs. L'acquis des politiques d'emploi menées par la gauche comme par la droite depuis plusieurs années était l'accent mis sur les trajectoires pour les publics en difficulté. Or, aujourd'hui, ces moyens sont réduits, le gouvernement se limitant au revenu minimum d'activité (RMA) en matière d'insertion. En réalité, cette politique de l'emploi n'est pas viable à terme. La majorité actuelle reproche à la précédente le coût de la mise en place des 35 heures en raison des « allègements de charges Aubry ». En réalité, les 18 milliards d'euros consacrés à des allègements de cotisations sont désormais des « allègements Fillon », puisque leurs modalités ont été complètement changées et, en particulier, la condition de réduction du temps de travail supprimée. Dans la situation budgétaire et économique actuelle, on peut s'interroger sur la capacité de l'Etat à maintenir ces allègements sur la durée. Les entreprises ne peuvent que douter de cette capacité et n'embaucheront donc pas. En tout état de cause, depuis deux ans la situation de l'emploi n'a cessé de se dégrader dans notre pays et le gouvernement en porte la responsabilité pleine et entière.

Enfin, cette politique est injuste et scandaleuse en ce qui concerne les chômeurs de longue durée, y compris aux yeux d'une partie de la majorité qui s'est interrogée sur de telles mesures. Le gouvernement fait des économies sur ces derniers : 100 millions d'euros l'année prochaine, 600 millions à terme grâce à la réforme de l'ASS.

Après avoir observé que le gouvernement déclare vouloir réhabiliter le travail alors que la récession s'installe dans notre pays et qu'il n'y a pas de travail à offrir, M. Alain Nayrou a demandé des précisions sur : le nombre de contrats-jeunes qui sont en réalité des emplois-jeunes privés, le nombre de contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) prévus et le nombre de CES, dispositif particulièrement maltraité par le gouvernement.

Enfin, il est surprenant qu'un gouvernement qui se réclame du libéralisme fasse appel aux départements pour financer les entreprises embauchant des personnes dans le cadre du dispositif de RMA.

En réponse aux intervenants, M. Dominique Tian, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- S'agissant du nombre de contrats-jeunes en entreprise signés, il s'élève à 86 000 au premier semestre 2003 et à 14 000 depuis. En ce qui concerne le CIVIS, le projet de budget prévoit plus de 70 000 entrées en 2004 (sur les trois volets).

- Les créations de places prévues en centres d'aide par le travail (CAT) sont de 3 000 cette année et de 3 000 l'année prochaine. Pour le financement des « places tampons », l'Association nationale de gestion du Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) pourrait intervenir ; c'est l'une des propositions du rapport.

- Il n'est pas souhaitable de sanctionner plus encore les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations ; il s'agit de favoriser un démarchage systématique des entreprises pour qu'elles accueillent des personnes handicapées et recensent les postes de travail qui pourraient être aménagés à cette fin. La structure d'aide à la recherche d'emploi pour les handicapés interne à l'ANPE ne semble pas satisfaire le directeur de l'agence. Pourtant un véritable maillage du territoire sur ce problème pourrait être utile.

- Il faut responsabiliser les administrations par rapport aux droits des handicapés et les conduire à alimenter un fonds d'investissement spécifique qui permettrait de faciliter toutes les formes d'accès en faveur des personnes handicapées. Des directives européennes très précises pour lutter contre les discriminations envers les handicapés vont bientôt s'appliquer et il faudra bien disposer des fonds nécessaires.

- S'agissant des collectivités locales, il est choquant de constater qu'elles préfèrent souvent acheter, notamment les gadgets qu'elles distribuent, à l'étranger alors qu'elles pourraient faire travailler des CAT ou des ateliers protégés.

La commission a examiné un amendement de M. Claude Leteurtre visant à inscrire dans la loi les principes du renouvellement sans limitation de durée de l'allocation de solidarité spécifique et de sa majoration pour les plus de cinquante-cinq ans, afin de maintenir le droit en vigueur, que le gouvernement a l'intention de modifier.

M. Claude Leteurtre a précisé que 130 000 allocataires sont menacés de sortie du dispositif de l'ASS en 2004, ce qui semble inopportun dans un contexte de hausse du chômage et rapporté au faible niveau d'économies espéré. Ces allocataires passeront directement au RMI, ce qui signifie une perte de cotisations pour les retraites et une charge financière supplémentaire pour les départements de l'ordre de 30 millions d'euros.

Le rapporteur pour avis a précisé que la réforme de l'ASS devrait permettre d'économiser 170 millions d'euros en 2004 et, à terme, 800 millions d'euros. Il s'est déclaré défavorable à l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement.

Puis, conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du travail pour 2004.

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